PRISE DE POSSESSION DU COMMANDEMENT. SERMENT DES SOLDATS. Après l’entrée en possession de la magistrature et le serment des magistrats, il nous faut encore étudier ici rapidement la prise de possession du commandement militaire et le serment prêté par les soldats. L’acquisition du commandement militaire. supérieur coïncide en droit avec l’acquisition de la magistrature supérieure ; de sorte que le commandement entre immédiatement en exercice alors même que le nouveau général n’est pas encore arrivé à l’armée. Ce principe trouve son expression notamment dans la règle, également très importante en pratique et que nous étudierons rie plus près au sujet de la représentation, selon laquelle le magistrat, investi du commandement en chef par sa magistrature, peut, dès qu’il est entré en possession de sa magistrature, nommer un représentant, bien qu’il soit encore à Rome ou ailleurs. Cependant, une limitation essentielle a été apportée à ce pouvoir du nouveau général : il ne peut pas enfreindre par là le principe de la prorogation, c’est-à-dire qu’il ne peut par cette voie disposer du commandement qu’autant qu’il est vacant d’après les règles en vigueur pour le territoire militaire. Si la nature du commandement implique que son titulaire en doit être relevé, ce titulaire le conserve jusqu’à ce que son successeur soit arrivé personnellement au camp et en ait pris possession. Lorsque le commandement est légalement enfermé dans des limites territoriales déterminées, comme cela se produit pour les préteurs provinciaux, le nouveau magistrat est considéré comme arrivé au moment où il pénètre dans ce territoire[1]. Lorsqu’il n’existe pas de telles limites ayant une force légalement obligatoire, ainsi, au cars de commandement en chef consulaire, la transmission du commandement en chef ne paraît avoir résulté que de la rencontre personnelle de l’ancien général avec le nouveau ou de l’entrée du second dans le quartier général[2]. De même que l’on demandait aux citoyens d’adresser au Serment nouveau magistrat dans leurs curies une affirmation spéciale de leur obéissance, une déclaration symétrique était réclamée des soldats par le général. Cette déclaration a le même caractère que la loi curiate en ce qu’elle ne crée plis l’obligation à l’obéissance qui existe déjà antérieurement et ne fait que la renforcer ; mais, tandis que là il n’y a qu’un simple échange d’une interrogation et d’une réponse, le lien est ici consolidé ; par un serment, un sacramentum, en vertu de l’invitation faite par le général ou en son nom (in verba ducis)[3]. Conformément à l’essence de la collégialité, ce serment ne s’étend pas seulement au magistrat qui exerce directement le commandement, mais à tous ses collègues. S’il existe plusieurs généraux ayant droit au même commandement, la formule de serment parait les avoir tous visés nominativement[4]. Si un général vient à faire défaut pendant son année d’exercice, on a tout au moins discuté le point de savoir si le serment militaire ne s’étendait pas à son remplaçant[5]. Mais cette obligation éminemment personnelle[6], ne passe pas activement au successeur du magistrat, et elle est renouvelée à tout changement de personnes qui ne se fait pas dans l’intérieur du collège. Au contraire, l’usage de renouveler le serment au retour du jour du calendrier auquel il avait été fait, tout comme à chaque nouvel an, peut n’avoir été développé que pour l’imperium perpetuum du Principat. Ce n’est aussi vraisemblablement que sous le Principat ; probablement par une adhésion volontaire, que le serment a été étendu aux citoyens qui n’étaient pas sous les armes et est devenu ainsi en quelque sorte un serment général prêté par des sujets à leur prince. Il sera plus à propos traité de ce serment de fidélité récent dans la théorie de la puissance impériale. FORMES DE LA RETRAITE DES MAGISTRATS ET DU RETRAIT DE LA MAGISTRATURE. L’entrée en fonctions résulte de plein droit de l’arrivée du terme suspensif établi par la loi ; la sortie de charge résulte également de plein droit de l’arrivée du terme extinctif fixé par la loi, sans qu’il y ait plus à s’occuper dans un cas que dans l’autre de la volonté du magistrat. Lorsqu’il n’y a pas de terme extinctif de fixé, ou que l’observation en est laissées, la discrétion du magistrat, cette règle ne peut naturellement s’appliquer ; mais il n’en est ainsi que pour les magistrats extraordinaires investis du pouvoir constituant[7]. Il est naturel de porter à la connaissance des citoyens la retraite du magistrat[8] comme son entrée en fonctions. En règle, il était alors présent à Rome[9], et, de même qu’il ouvrait l’exercice de ses fonctions par le serment d’observer consciencieusement les lois, il montait de nouveau aux rostres, le dernier jour de ses fonctions[10], pour affirmer publiquement et sous la foi du serment, qu’il avait consciencieusement tenu le serment relatif aux lois prêté au début de sa magistrature et qu’il avait observé ces lois[11] il ajoutait fréquemment à cette déclaration une dernière allocution au peuple et une sorte de compte rendu de son mandat[12]. Mais cet acte d’abdication, comme l’acte d’entrée en fonctions, rentre absolument dans la magistrature même. La loi de la continuité de la magistrature supérieure suffit pour obliger à ne considérer l’abdication que comme une annonce de la transmission de la magistrature qui la suivra. Lorsque, par conséquent, il est, après cet acte, encore nécessaire de procéder, le dernier jour des fonctions, à des actes officiels, le droit de les accomplir jusqu’au dernier moment de son dernier jour de fonctions ne peut être contesté au magistrat sortant[13]. Sauf au cas de doutes réels on simulés sur le terme fixé par la loi[14], il n’est pour ainsi dire jamais arrivé qu’un magistrat ait pris sur lui de rester en fonctions après l’expiration de ce terme[15]. Nous rencontrons ici de nouveau une différence qui a déjà été signalée plus haut : le terme des fonctions peut être fixée d’une manière absolue, comme c’était le cas pour les magistratures annales ordinaires, ou bien ce peut être un maximum, comme cela se présente principalement pour la durée de six mois de la dictature et de la maîtrise de la cavalerie, mais aussi pour celle de dix-huit mois ou de trois ans de la censure. Dans le second ordre de cas, lorsque le magistrat était chargé d’une affaire déterminée, en particulier pour la dictature, on considérait comme souhaitable et cligne de louanges qu’il terminât cette affaire dans un délai plus bref que celui qui lui était imparti et qu’il résignât aussitôt après ses pouvoirs désormais sans objet[16]. En dehors de l’expiration de la durée des pouvoirs, la magistrature ne cesse avant le temps, dans l’ordre régulier, que par la mort du magistrat ou par sa retraite. De même qu’à l’époque de la République le citoyen n’est jamais obligé d’accepter une magistrature de l’État, il lui est aussi permis en principe de se retirer avant le temps[17], et cela s’est souvent produit. De telles retraites ont notamment eu lieu en vertu de devoirs de conscience impérieux, par exemple, lorsque l’élection était entachée d’un vice (VI, 1), ou lorsque l’un des censeurs restait seul par suite de la mort de son collègue, et, la suffection étant ici exclue, n’aurait pu demeurer en fonctions qu’en violation du principe de la collégialité. Mais il n’a pas non plus été rare que l’abdication eut lieu avant le temps parce que l’intérêt public semblait la requérir[18], ou parce que le magistrat lui-même souhaitait de se libérer des devoirs de sa charge[19]. L’abdication est toujours un acte de libre volonté qui peut bien être indirectement provoqué, mais qui ne peut pas être rigoureusement imposé au magistrat, même par le magistrat qui lui est supérieur en rang, ou même par celui sous les ordres duquel il se trouve directement[20]. Le maître de la cavalerie fait exception sous ce rapport ; car, comme la durée de ses pouvoirs, ainsi que de ceux du dictateur lui-même, est fixée seulement par un maximum, comme, par conséquent, il n’a pas un droit acquis à les exercer jusqu’à l’expiration de ce terme, comme de plus il ne peut exercer aucune fonction de magistrat en dehors du dictateur, il est dans l’ordre des choses que le dictateur, qui a l’intention d’abdiquer, puisse ordonner au maître de la cavalerie qu’il a au-dessous de lui, d’en faire autant[21]. Cependant la liberté de se retirer n’existe que pour Ies magistrats en fonctions dans l’intérieur de la ville. Pour ceux qui sont occupés hors de Rome, l’extension de la magistrature au-delà du terme extinctif se produisant avec un caractère de nécessité légale, ils sont, à plus forte raison, privés du droit de se retirer avant le temps[22]. On ne peut pas davantage étendre à l’Empire, sous lequel il existe une obligation légale d’accepter la magistrature, le principe républicain de la liberté d’abdication. La retraite du magistrat avant l’expiration du terme de ses pouvoirs[23] ne peut, dans les circonstances ordinaires, avoir lieu que par sa volonté. Une déposition du magistrat est, par les voies ordinaires du droit, quelque chose d’impossible. Ni la plus ancienne procédure criminelle, ni la procédure des quæstiones ne connaissent d’actions intentées directement dans ce but. Il n’est pas absolument inconcevable qu’un magistrat en exercice puisse faire l’objet d’un jugement qui, dans ses conséquences, entraînera pour lui la perte de la magistrature[24] ; mais de tels cas ne sont pas seulement extrêmement rares ; la perte de la magistrature y est rigoureusement une suite de l’exécution et non pas une conséquence juridique de l’infraction. Dans ce sens, on peut, en droit, considérer les magistrats romains comme inamovibles. — Quant au point de savoir si un magistrat peut être dépouillé de sa magistrature par un acte législatif, la, solution dépend de la conception de la magistrature. Si le magistrat est considéré comme un mandataire du peuple, il résulte nécessairement de la que le mandat qu’il a reçu peut être révoqué ; et en fait ce droit de révocation parait être exprimé paradigmatiquement comme étant l’un des droits souverains du peuple dans le récit d’après lequel l’un des deux premiers consuls, L. Tarquinius Collatinus, fut, en dehors : de toute faute personnelle, exclusivement dans l’intérêt public, déclin de ses fonctions[25]. Mais il en est de ce récit comme de l’abaissement des faisceaux devant le peuple et des autres détails particuliers de cette installation anticipée de la démocratie absolue. La constitution ancienne et l’histoire vraie suivent d’autres voies[26]. En distinguant, comme il convient, les cas d’abdication forcée de ceux d’abrogation directe[27], il reste toujours, dans la période antérieure aux Gracques, quelques cas où l’abrogation directe du proconsulat a été tentée ou menée à bonne fin[28], mais il n’y a absolument aucun témoignage de ce genre pour la magistrature proprement dite[29]. Cela ne peut s’expliquer que par l’action persistante de l’ancienne conception de la magistrature considérée comme un élément de l’État coordonné au peuple, conception qui exclut l’abrogation du premier terme par le second[30]. Plus tard, depuis que Ti. Gracchus eut ouvert la phase révolutionnaire[31] en dépouillant son collègue de ses fonctions, on trouve, dans la période de la Résolution et sous le gouvernement arbitraire du Principat, des exemples multiples d’abrogation élu consulat[32] et du tribunat du peuple[33]. EFFETS DE LA MAGISTRATURE QUI CONTINUENT APRÈS SON TERME. La durée des pouvoirs du magistrat, que ces pouvoirs soient viagers ou d’un an, ne limite pas la validité des actes accomplis par lui. Un jugement, un traité, un contrat de location restent en vigueur, alors même que les magistrats dont ils émanent ne sont plus en fonctions. C’est dans la nature même des actes de l’État, l’État est regardé comme y figurant lui-même par l’intermédiaire de ses représentants autorisés. Assurément le droit public Romain connaît aussi des actes éminemment personnels par lesquels les citoyens ou les soldats s’obligent à l’obéissance envers le magistrat ou le général, la promesse de fidélité pour l’un, le serment pour l’autre. La loi curiate et le serment des soldats perdent nécessairement et indubitablement leur force, à l’origine, à la disparition du roi[34]. Plus tard à la retraite du collège de magistrats supérieurs de sa magistrature ou de sa promagistrature[35]. Mais ces deux actes ne sont que confirmatoires et même lorsqu’ils n’ont pas eu lieu, l’obligation existe néanmoins. Le remplacement des magistrats auxquels le soldat a prêté son serment de fidélité peut déjà, d’après la constitution primitive, avoir lieu, et postérieurement il a lieu fréquemment, pendant la durée de la campagne[36]. Mais le soldat qui est sous les drapeaux n’est aucunement délié de son obligation au service par l’extinction de son sacramentum avant sa missio. Nous n’avons pas de témoignage exprès qui atteste cette règle ; mais, si, d’après le droit public romain, la transmission du commandement en chef pendant une campagne avait supprimé l’obligation au service militaire, il aurait établi là une institution plus que déraisonnable, et on ne s’expliquerait pas qu’on n’aperçoive nulle part un effet d’un principe aussi riche en conséquences. Il faut, par conséquent, distinguer pour le soldat valablement enrôlé ; l’obligation au service dont il est tenu envers l’État en vertu de l’enrôlement, et l’obligation spéciale de fidélité dont il est tenu envers le général : en vertu de son serment. La disparition de la seconde laisse la première intacte. Les nouveaux consuls peuvent même, lorsqu’ils arrivent à J’armée levée par leurs prédécesseurs et qu’ils remplacent ces derniers, réclamer des troupes la prestation du sacramentum en vertu de leur obligation au service, tout comme pourraient le faire à la fin du dilectus, en face d’une armée nouvellement composée, les magistrats qui l’auraient formée. En dehors de ces deux cas, il y a trois hypothèses dans lesquelles la retraite du magistrat entraîne la chute de ses actes : celle d’un terme fixé à une époque où il ne sera plus en fonctions, celle de constitution de représentants et celle où l’acte n’est pas légal. L’ordre du magistrat est en soi obligatoire, même lorsqu’il n’est pas exécuté avant sa retraite, même lorsqu’il ne peut pas être exécuté avant elle : sans nul doute le préteur peut encore, au dernier jour de ses fonctions, valablement instituer un juré. Mais, au contraire, quand l’ordre du magistrat contient l’indication d’un jour déterminé, l’ordre devient nul de droit si le magistrat n’est plus en fonctions, au jour indiqué[37], et, par conséquent, si ce jour se place, au-delà du terme légal de ses fonctions, il est nul dès le principe. Cette règle est attestée pour les nominations de jurés[38] et pour les citations judiciaires[39]. On peut sans hésitation l’appliquer également à d’autres convocations faites par le magistrat, à celle faite en vue du dilectus, à celles des comices et du sénat[40]. — C’est un point douteux de savoir jusqu’à quel point Ies actes simplement préparatoires du magistrat[41] sont nuls lorsque le magistrat n’en arrive pas à accomplir lui-même l’acte définitif. Lorsque, par exemple, le magistrat a commencé une poursuite, peut-être aussi a mis l’accusé en détention préventive et que son remplacement arrive avant que l’affaire soit terminée, il est, à la vérité, suffisamment certain que les nouveaux magistrats peuvent ou laisser tomber la poursuite ou y persister, lever la détention préventive ou la maintenir[42] ; mais il est difficile de décider si, lorsqu’ils veulent suivre l’affaire, ils ont soit le droit, soit le devoir de la reprendre exactement à la phase de la procédure ou elle était lors de leur entrée en charge, ou s’il ne faut pas recommencer le procès de fond en comble. Quant à la représentation, elle sera étudiée dans le chapitre qui suit. Ici, nous n’avons qu’un point à relever : c’est, qu’en tant qu’elle se fonde sur un mandat, elle cesse de produire effet à partir de la disparition du mandat. Cette solution correspond aux règles qui régissent le mandat en droit privé[43] et elle se vérifie absolument dans le territoire dama, dont le régime constitue le principe ; car, bien que la règle selon laquelle la disparition du roi ou du consul met fin aux fonctions du præfectus urbi nommé par lui[44] ne soit jamais formulée expressément, elle résulte avec nécessité du lien de droit établi entre cette disparition et la survenance de l’interrègne. — Quant au territoire militiæ, nous aurons bien à constater que le mandat y est, au contraire, regardé comme continuant à exister en pareil cas, dans les dernières années de la République et sous le Principat. Mais rien ne force à faire remonter cette anomalies l’époque ancienne ; il est probable que c’est une des innovations de la loi de 703 sur les gouverneurs. Enfin, la retraite du magistrat met fin à l’effet de ceux de ses actes qui n’ont pas la loi pour fondement. La constitution romaine n’a jamais limité, comme font les constitutions modernes, le rôle des magistrats à l’exécution et à l’application des lois. Elle leur accordait en outre le droit, au cas de silence de la loi, de combler la lacune à leur guise[45]. Il a particulièrement été fait de bonne heure un large usage de cette faculté en matière de procédure civile, surtout pour les relations juridiques avec les cités voisines. Même lorsque aucun traité n’autorisait le non citoyen à agir contre un citoyen, il a dépendu, de toute antiquité, de l’arbitraire du magistrat de forcer le citoyen à répondre à l’action. Le préteur s’est de même, ainsi que nous l’avons rapidement esquissé antérieurement, permis, dans tous les sens, soit de modifier quant aux formes la procédure légale, soit d’étendre quant au fond les conditions légales d’existence des actions. — Mais les deux ordres d’actes du préteur, ceux qui ne font qu’appliquer la loi et ceux qui en sont des extensions, sont rigoureusement distincts. Lacté de la première espèce était absolument valable. L’acte de la seconde liait le magistrat en ce sens qu’un magistrat ne pouvait pas facilement annuler une procédure organisée par lui, qu’il s’était dans une certaine mesure lié lui-même ; mais il ne liait aucunement son successeur. Le magistrat nouveau pouvait maintenir Pacte de son prédécesseur, la sentence de juré qui s’y rattachait, et naturellement c’était, en fait, la règle. Mais, dans la forme, l’acte et la sentence n’avaient pas de force légale, ils pouvaient être traités comme inexistants[46]. — C’est par une simple application de ces principes que toutes les dispositions générales rendues par le magistrat à son entrée en fonctions, relativement aux principes qu’il suivrait dans l’exercice de sa magistrature, les dispositions qui composent son edictum perpetuum, tombent avec sa retraite ; car, en tant épée ces dispositions ont une valeur indépendante, elles suppléent la loi[47]. Cependant, il est naturellement permis au successeur de reproduire ces dispositions pour son compte, par conséquent, en fait, de maintenir celles de son prédécesseur. — Une autre conséquence de cette différence est que le juré institué en vertu de la loi rend à n’importe quelle époque une sentence valable[48], tandis que celui nommé en vertu du pouvoir discrétionnaire du magistrat doit rendre sa sentence pendant la durée des pouvoirs du magistrat qui l’a institué (imperio continetur)[49]. — La délimitation précise que fait le droit civil entre ces deux domaines, celui des actes de magistrats rigoureusement légaux et celui des actes qui ne sont pas illégaux, mais qui cependant n’ont pas leur fondement dans la loi, ne peut être déterminée ici. Mais nous devons encore poser une question : celle de savoir si la même distinction n’est pas faite dans d’autres sphères. La tradition ne nous apprend rien à ce sujet. Cette distinction peut encore avoir exercé une influence en droit criminel : il serait concevable que l’acquittement prononcé dans une procédure criminelle régulière eut écarté toute résurrection de l’accusation, tandis que, lorsque le magistrat n’aurait agi qu’en vertu de son imperium, il aurait été possible de renouveler l’accusation après un acquittement et de retenir sur la sentence de condamnation pour l’aggraver. Mais, toutes les peines graves étant soumises à la ratification du peuple, et la décision de celui-ci étant toujours définitive, la distinction de la procédure légale et de la procédure non légale peut avoir ici manqué de base. La juridiction administrative a, sans contestation possible, dit être soumise aux règles de la seconde procédure, puisqu’il ne peut être question entre un citoyen et l’État du droit en forme qui existe entre deux citoyens. Par conséquent, celui qui possédait, par exemple, une terre publique comme sa propriété et contre lequel elle avait été réclamée sans succès, ne pouvait pas, si un nouveau magistrat reprenait l’affaire, invoquer en la forme la première sentence, il lui fallait pour cela un moyen de droit, extraordinaire en un certain sens, analogue à l’exception rei judicatæ. PROLONGATION DE LA DURÉE DE LA MAGISTRATURE. Le terme étant de l’essence de la magistrature romaine, toute extension de celle-ci constitue une déviation de la règle constitutionnelle. Le droit public romain ne connaît pas de pareilles, exceptions qui soient d’une efficacité complète. La plénitude des pouvoirs de magistrat et le titre officiel disparaissent nécessairement de plein droit à l’arrivée du terme d’expiration de la magistrature. Et ce principe de la magistrature romaine n’a jamais été atteint, même par des votes du peuple. Mais il se peut que le magistrat puisse et doive, dans certaines circonstances, continuer sous certains rapports l’exercice de ses fonctions après l’arrivée de leur terme légal. C’est là la prolongation (prorogatio) de la magistrature, dont les particularités doivent être étudiées ici. La prorogation se rattache à la distinction faite plus haut entre l’imperium domi et l’imperium militiæ. Le premier exclut sauf des exceptions vacillantes[50], la prolongation de la puissance publique aussi bien que la représentation. Le second les admet sans réserve. La raison de la différence est dans les conditions différentes du citoyen et du soldat. Le soldat, une fois incorporé dans l’armée, est astreint au service, sans limitation de temps précise, jusqu’à ce qu’il soit remplacé ou congédié ; or, la prorogation n’est pas autre chose que l’application : de cette loi militaire aux magistrats employés comme généraux ou officiers. Par conséquent, la prorogation est bien une anomalie lorsqu’elle se rencontre à titre isolé sur le territoire urbain ; mais sur le territoire militiæ elle est une institution aussi constitutionnelle que la puissance des magistrats elle-même. Quant au titre officiel, la puissance prorogée n’est pas distinguée de la puissance régulière dans les documents les plus anciens que nous possédions, documents qui appartiennent au VIe siècle[51]. A partir du VIIe siècle, elle est, tout comme la puissance déléguée, dont nous nous occuperons dans le chapitre qui suit, qualifiée de promagistrature ; c’est-à-dire que l’on continue à porter le titre officiel que l’on portait jusqu’alors avec l’addition du préfixe qui exprime la promagistrature. Mais cependant la puissance prorogée est, quant au titre officiel, traitée autrement que la puissance déléguée, en ce sens qu’elle s’applique à toutes les magistratures appartenant au cercle de la compétence 2nilitix, tandis que la magistrature supérieure déléguée, même si c’est la puissance consulaire, se présente toujours sous la forme moins énergique et moins brillante de la propréture. Relativement à l’étendue des pouvoirs, il résulte déjà de ce qui a été dit plus haut, que le promagistrat perd tous les .droits appartenant à la compétence domi. Dans la compétence militiæ, le promagistrat en fonctions, en vertu d’une prorogation, est, il est vrai, au-dessous du magistrat de même nature, mais une loi ou un sénatus-consulte peut conférer au proconsul la même puissance qu’a le consul[52] et, tandis que la coexistence du consul et du préteur est une chose habituelle et légitime, on considère comme constituant un conflit de deux puissances supérieures et on évite constamment qu’un consul et un proconsul ou un préteur et un propréteur exercent leurs fonctions en même temps. Par corrélation, le promagistrat, dont la puissance est ; prorogée, a absolument les mêmes pouvoirs que le magistrat correspondant, tandis que la promagistrature résultant d’un mandat subit, pour la compétence comme pour le titre, des restrictions essentielles. Le droit important de se nommer un représentant appartient. €t celui qui exerce la magistrature par prorogation, pourvu qu’il appartienne t1 la magistrature correspondante, et il n’appartient pas à celui qui l’exerce par représentation. Le droit de triompher a de bonne heure été accordé à celui qui était promagistrat par prorogation, même lorsque la victoire à raison de laquelle il triomphait se plaçait dans la période de la prorogation ; au contraire, il était refusé à l’époque républicaine à celui qui était promagistrat par représentation. Il suffit, par conséquent, pour déterminer la compétence des promagistrats par prorogation, de renvoyer aux règles des magistratures correspondantes. La promagistrature peut intervenir pour toute magistrature dont les attributions s’étendent au territoire militiæ. Elle se rencontre principalement sous les formes du proconsulat, de la propréture et de la proquesture. On ne rencontre pas de prodictature[53] ; cependant la possibilité de son existence ne peut guère être contestée[54]. Il est probable que le tribunat militaire attribué par les comices a été considéré, quant au terme extinctif, exclusivement comme un grade d’officier, et que par suite la prorogation ne lui a point été appliquée[55]. Il y a deux espèces de prolongations de termes dans la compétence militiæ. En premier lieu, toutes Ies fonction militaires en général, et le commandement en chef en particulier, se prolongent de droit au-delà des limites de leur durée, jusqu’à la fin de la guerre ou éventuellement jusqu’à l’arrivée du successeur de celui qui commande et à l’acquisition du commandement par lui ; en second lieu, le commandement en chef a été d’abord, dans des cas isolés, par voie de privilegium, puis par voie de dispositions générales, prolongé au-delà de son terme d’expiration proprement dit. Le commandement militaire, s’il n’a, au terme fixé, ni cessé par la fin de la guerre elle-même, ni passé à un successeur arrivé à temps, se continue de droit dans la personne de celui qui l’a jusqu’alors occupé[56]. C’est un principe qui n’est peut-être expressément posé nulle part, mais qui est certainement au-dessus de tout doute. A l’origine, il est vrai, tant que les guerres se restreignirent aux environs immédiats de Rome et à la période de l’été, cette prolongation du commandement n’a sans doute dû se présenter que comme un expédient et une exception[57]. Si elle avait été une institution normale dans la période la plus ancienne de la république, la langue latine ne serait pas dépourvue d’une ex-pression propre pour la désigner[58]. Mais, par suite de l’extension de la puissance romaine, l’exception est devenue la règle, et, à l’époque historique, il a été fait de cette règle des applications innombrables[59], sans qu’on distinguât si le magistrat sortant et celui qui le remplaçaient étaient ou non égaux en rang[60]. La continuation des pouvoirs peut aussi se manifester sous forme de représentation[61]. L’imperium prorogé finit, soit avec la fin de la guerre ou des autres opérations militaires dont était chargé le magistrat, soit avec la transmission du commandement. L’imperium disparaît, dans le premier cas, au moment du retour des troupes et du licencieraient de l’armée, dans le second, ainsi que nous l’avons déjà expliqué au sujet de l’entrée en fonctions, à l’entrée du successeur dans le département soumis à l’autorité de son prédécesseur, qui implique entre eux transmission du commandement. Cependant, à l’époque récente, on accorde au magistrat, bien qu’il ait remis l’armée à son successeur, la conservation personnelle du commandement jusqu’à son retour à Rome[62]. La raison parait s’en rattacher au triomphe qui avait pour condition la continuation de la possession de l’imperium du jour de la victoire jusqu’à celui du triomphe, et qu’il parut de bonne heure injuste de subordonner sans réserve au retour de l’armée qui en était à l’origine une des conditions nécessaires[63]. Naturellement un promagistrat, après avoir cédé le commandement, gardait seulement un imperium de forme, avec les insignes et les honneurs qui y sont attachés. La prolongation expresse de la magistrature à un terme d’expiration postérieur au terme légal a été, d’après les annales, prononcée pour la première fois en faveur du consul de 427 Q. Publilius Philo[64], et elle s’est depuis fréquemment produite. On a maintenu l’ancienne règle d’après laquelle la magistrature doit toujours être limitée, en ce que la prorogation a lieu d’ordinaire avec indication d’un terme extinctif, que ce soit l’achèvement d’une action militaire[65] ou l’expiration d’un délai fixe, ordinairement d’une nouvelle année[66]. Dans la rigueur des choses, il n’y a là que la concession d’un commandement extraordinaire[67]. La décision prise en faveur de Philo et celle par laquelle on attributs, en 543, à un simple particulier, P. Scipion, un commandement proconsulaire en Espagne, ont en droit le même fondement[68]. Cependant la répulsion, caractéristique pour leur sens politique qu’inspiraient aux Romains tous les pouvoirs d’exception, était, comme on le conçoit, bien plus virement éveillée par l’attribution à un particulier de pouvoirs de magistrats que par le simple maintien d’un magistrat dans ses fonctions après le terme normal Cette prolongation reste néanmoins toujours une mesure d’exception qui ne peut être prise que par voie législative ; pendant longtemps les dispenses du terme légal des magistratures, véritable fondement de la République, n’ont été accordées qu’après consultation du peuple, l’expression prorogatio elle-même le montre, plus clairement encore que Ies quelques lois de ce genre rapportées dans les annales[69]. L’initiative a probablement appartenu dans le principe au sénat, qui proposait la mesure que le peuple ne faisait que ratifier[70]. Dés le VIe siècle, il est constant et il est peut-être même légalement reconnu que le sénat à lui seul est compétent pour accorder une prorogation qui, dans le cas particulier, ne dépasse pas le délai d’un an[71]. En vertu du principe général, selon lequel celui qui confère un droit peut aussi le retirer, on ne peut non plus contester au sénat le droit d’enlever l’imperium prorogé par lui[72] ; mais cela pouvait naturellement se faire également par une loi et, dans les espèces concrètes qui nous sont connues, l’abrogation a toujours été prononcée par les comices, même quand l’imperium avait été prorogé par le sénat[73]. Aucun obstacle ne s’oppose à la prorogation de la magistrature pour plusieurs années par des résolutions successives. Au contraire, la prorogation faite par un acte unique pour une date fixe du calendrier éloignée de plus d’une année, apparaît soit d’après l’usage, soit d’après une disposition de la loi, comme inconstitutionnelle. On ne rencontre pas d’exception jusqu’au premier consulat de César auquel, comme on sait, son imperium proconsulaire fut, en 695, immédiatement conféré pour cinq ans, moitié par le peuple et moitié par le sénat[74]. Le système de la prorogation n’a pas subsisté sous le Principat. La ruine de l’annalité des fonctions de général, opérée par la prorogation de la magistrature supérieure, remonte à une époque reculée de la République. De l’exception elle devint pratiquement la règle, et les préteurs et les consuls administrèrent de plus en plus fréquemment leur commandement militaire habituel à titre de promagistrature. La constitution de Sulla, selon laquelle le commandement militaire fut désormais régulièrement exercé à titre de promagistrature, impliquait déjà, au sens propre, la suppression de l’ancienne annalité des pouvoirs du général. Quand les dispositions prises dans les années 701 à 703 ont supprimé la continuité entre les fonctions exercées à Rome et dans les provinces et ont fait sortir de la magistrature supérieure prorogée, la magistrature indépendante du proconsulat, on n’a pas admis la prolongation des fonctions à titre de promagistrature, on a mis de côté l’annalité. Le proconsulat est bien constitué dans la forme d’une magistrature annale et une date fixe d’entrée en charge est probablement établie pour lui[75] ; mais, si cette date n’a pas été respectée, ce n’est pas d’après elle que la magistrature est limitée ; c’est d’après le commencement et la fin de l’exercice des fonctions ; si bien que le magistrat provincial, qu’il fut en fonctions dans le délai normal ou en dehors de lui, était toujours également réputé magistrat., et qu’il agissait comme tel, même par représentation, au-delà de la limite légale de l’annalité. La différence antérieure, qui existait, au reste, [.....manque la page 321 et la fin du paragraphe .....] |
[1] On comparera à ce sujet, tome III, le chapitre de la Préture.
[2] C’est au moins ainsi que la marche des choses est décrite par Tite-Live, 44, 1, 6, pour l’année 585.
[3] Ce n’est pas ici le lieu d’étudier de plus près cette institution (cf. Handb., 5, 384 et ss. = tr. fr. 11, 83 et ss.) ; il suffit de rappeler la formule connue de Polybe, 6, 21, 2). Il faut seulement remarquer que ce serment est prêté par les soldats, en leur qualité de citoyens, au général, en sa qualité d’autorité ; les alliés le patent également, mais chaque contingent le prête à son chef national (Polybe, 6, 21, 5).
[4] Lorsque, en 266, la levée se heurte à des difficultés, elle est faite par un dictateur nommé dans ce but ; lorsque ensuite il se retire, les soldats restent liés aux consuls par leur serment militaire (Tite-Live, 2, 32, 1, avec lequel concorde Denys, 6, 45 le renvoi des soldats rapporté c. 43 doit être compris comme une permission). Dans la levée et la prestation de serment, telles que les décrit notamment Polybe (Handb. 5, 330 et ss. = tr. fr. 11, 80 et ss.), les consuls agissent régulièrement en commun et le serment est aussi toujours prêté à tous deux.
[5] Après la mort de l’un des deux consuls, auxquels, en présence de l’occupation subite du Capitole par Ap. Herdonius, le peuple avait prêté serment dans les formes en usage au cas de tumultus, son remplaçant convoque les citoyens comme obligés in verba, les tribuns répliquent, il est vrai, qu’il était a l’époque du serment un simple particulier mais ils ne font pas prévaloir cette opinion (Tite-Live, 3, 20 ; Denys, 10, 33).
[6] La rupture du lien du serment si le général est fait captif par l’ennemi (César, B. c. 2, 32) s’explique facilement aussi bien en théorie qu’en pratique : en théorie parce que, même eu droit privé, la captivité équivaut à la mort, en pratique, parce que les ordres du général prisonnier ne peuvent plus lier les soldats.
[7] Voir, au sujet du second décemvirat et du triumvirat rei publicæ constituendæ, le chapitre des Magistrats munis du pouvoir constituant, tome IV.
[8] Tite-Live, 29, 37, 12, le dit des censeurs : Cum in leges jurasset C. Claudius ; Tacite, Ann. 12, 4, du prêteur : Adductus Silanus ejurare magistratum ; les autres textes sont relatifs aux consuls. Mais il est probable que tous les magistrats faisaient de même.
[9] Tite-Live, 39, 23, 1 : Q. Marcius absens magistratu abiturus erat. A vrai dire, le nombre des exceptions est légion. Mais la règle était cependant que la cérémonie de la démission eut lieu à Rome.
[10] C’est ce que nous enseignent, en dehors des textes de Cicéron, de Pline, et de Dion qui vont être cités, Plutarque, Cicéron, 23, et Hérodien, 4, 2.
[11] C’était là l’objet du serment, montrent Tite-Live (note 8) et Pline, Panégyrique, 63. Dion, 53, 1. 59, 13. 60, 10. Tacite, Ann. 12, 4. Hist. 3, 37 emploie l’expression magistratum ejurare. Plutarque, Marc. 4 ; le même, Cie. 19. L’antique coutume du serment du magistrat qui se retire subsista jusque dans la période récente de l’Empire, nous attestent Fronton, Ad M. Cæs. 1, 8, éd. Naber, p. 32, Hérodien 4, 2, 4, et encore en 418 le calendrier de Silvius qui porte le 31 décembre : Magistrati jurant.
[12] Cicéron, Ad fam. 5, 2, 7, et le texte parallèle dans In Pis. 3, 6. Cf. De domo, 35, 94 ; Dion, 37, 38 ; Plutarque, Cicéron, 23. Le tribun Clodius traita de la même façon le consul Bibulus (Dion, 38, 12).
[13] Par conséquent le censeur sortant pouvait d’abord jurer in leges, et ensuite remettre à l’Ærarium les listes dressées par lui (Tite-Live, 29, 37).
[14] C’est ainsi que, comme on sait, Ap. Claudius, censeur en 442/443, refusa de se retirer au bout de dix-huit mois, d’après la tradition, parce que la formule de création des censeurs portait que l’élu serait censeur ut qui optimo jure censor creatus esset (Tite-Live, 9, 34, 11), et que l’optimum jus impliquait l’exercice pendant tout le lustre, et que par suite le terme fixé par la loi Æmilia était écarté à chaque élection postérieure de censeurs par la loi spéciale qui les nommait (Tite-Live, 9, 33, 9. Frontin, De aquæd., 3). La discussion du pour et du contre rentre dans l’étude de la censure ; mais il y a du moins un point bien clair ; c’est qu Appius ne refusait pas de se retirer après l’expiration du temps de ses fonctions, mais seulement en calculait le terme autrement que ses adversaires. Au reste, la conduite d’Appius se heurtait, plus encore qu’aux règles sur la durée des magistratures, au principe de la collégialité puisqu’il restait seul en fonctions.
[15] Cf. Tite-Live, Ep., 80, ce qu’il dit de L. Cinna et de C. Marius. Mais il y a cependant là une renuntiatio : et, par conséquent, on pouvait bien parler d’usurpation de la nouvelle magistrature, mais non la continuation de celle qui était expirée. Cf. encore Suétone, Tibère, 4.
[16] T. Quinctius, le dictateur de 296, résigne ainsi ses fonctions au bout de seize jours (Tite-Live, 3, 29. 7 ; Denys, 10, 23) : cf. Tite-Live, 9, 34, 13. La même conduite fut suivie par Q. Fabius Buteo, le dictateur de 538, qui se retira après avoir complété le sénat, le jour même de sa nomination, semble-t-il (Tite-Live, 23, 23) ; peut-être est-il le dictateur d’un jour auquel Lidus, De mag., 1, 37, fait allusion.
[17] Il est remarquable à ce sujet que le paterfamilias romain n'a pas le droit d'abdiquer sa qualité ; c'est là une des points peu nombreux où l'on trouve une différence de principe entre la situation du père, basée sur la nature des choses, et celle du roi, organisée artificiellement à son image : on ne peut changer la nature, mais on peut changer ce qu'on établi à son imitation.
[18] C’est ce qui se produit, par exemple, pour l’abdication du premier consul, L. Tarquinius Collatinus (Tite-Live, 2, 2, 10), abdication qu’à la vérité les relations anciennes considèrent plutôt comme une abrogation ; pour celle de quelques tribuns du peuple après la catastrophe de Caudium (Tite-Live, 9, 10, 2) ; pour celle du dictateur M. Claudius Glicia qui, d’après les Fastes, coactus abdicavit, à cause de sa basse extraction ; et dans les cas fréquents à l’époque ancienne, où le sénat invite des consuls incapables ou malheureux à laisser leurs fonctions avant le temps. Le préteur P. Lentulus, impliqué dans la conjuration de Catilina, fut également obligé à démissionner avant son exécution. P. Lentulus, dit Cicéron, In Cat. 3, 6, 15, quamquam patefactis indiciis, confessionibus suis, judicio senatus non modo prætoris jus, verum etiam civis amiserat, tamen magistratu se abdicauit, ut, quæ religio C. Mario..... non fuerat, quo minus C. Glauciam..... prætorem occideret, ea nos religione in privato P. Lentulo puniendo liberaremur. Cf. In Cat. 4, 3, 5. Dion, 37, 34. Plutarque, Cie. 19. — La qualification technique de ces magistrats mis à l’écart nous est apprise par Festus, Ep., p. 23 : Abacti magistratus (mieux magistratu) dicebantur qui coacti deposuerant imperium.
[19] On peut compter parmi les exemples l’abdication de la royauté qu’aurait projetée Servius Tullius (Tite-Live, 1, 48 ; Denys, 4, 40 ; Schwegler, 2, 77) ; puis l’abandon du consulat fait par L. Cornelius Merula, consul en 667, pour laisser la place à Cinna (Velleius 2, 22 ; Diodore éd. Wess. p. 614) ; la démission du préteur L. Asellius pour cause de longue maladie (Dion, 49, 43), et d’un autre préteur afin de ne pas retarder un procès intenté contre lui (Dion 57, 21).
[20] Le magistrat supérieur peut bien suspendre l’inférieur ; il peut aussi naturellement le pousser si abdiquer ; mais, si l’inférieur s’y refuse, il ne peut amener cette abdication par une contrainte directe.
[21] Tite-Live, 4, 34, 5. Cf. 9, 26, 20.
[22] Il est bien possible d’abandonner de fait le commandement en quittant la circonscription dans laquelle il doit être exercé ; mais, puisque cet abandon a pour condition la nomination d’un représentant du général absent, il n’a pas juridiquement pour effet de supprimer le commandement. Si un magistrat subalterne, par exemple, un questeur, s’éloignait de cette Licou, il commettrait une désertion punissable des peines criminelles (Plutarque, C. Gracch. 2).
[23] Terme dans lequel d’ailleurs rentre, à défaut de prestation de serment, l’expiration du cinquième jour depuis l’entrée en charge.
[24] Si par exemple un tribun militaire manquait à un ambassadeur, il devait être soumis à la deditio et perdre sa magistrature avec sa qualité de citoyen.
[25] C’est là l’ancienne tradition que suit Cicéron, Brutus, 14, 53, et De off., 3, 10, 40 ; Osbseq., 70 ; Schwegler, 2, 43, note 2 ; la tradition récente suivie dans Tite-Live et Denys (note 18) représente Collatinus comme abdiquant. La conception de Rubino (Untersuch. 1, 39) ne me paraît pas exacte. — La déposition du dernier des rois par un vote du peuple se rattache encore à cela (Tite-Live, 1, 59, 14) ; mais le caractère juridique de l’abrogation ne ressort pas là dans toute sa pureté, parce que, d’une part, ce roi n’est pas considéré comme un rex justus et parce que, d’autre part, la proposition n’est pas faite par un individu ayant qualité. L’ancienne version ne parlait que de bannissement (Cicéron, De re p. 2, 23, 46).
[26] La difficulté pratique tenant à ce que l'acte d'abrogation requiert le concours du magistrat supérieur entre aussi en ligne de compte ; mais elle disparaît en face d'un consul absent de Rome.
[27] Il faut ici une grande prudence ; car, comme on le conçoit, souvent les historiens ne distinguent pas nettement la contrainte directe de l'indirecte. Aussi, d'après Tite-Live, 21, 63, 2, le consulat de l'an 531 aurait été abrogé à C. Flaminius, tandis que, dans la réalité, on le détermina seulement à abdiquer par l'allégation d'un vitium (VI, 1). Sur la procédure suivie contre L. Minucius consul en 296, cf. tome I, au § Droits de prohibition et d'intercession des magistrats.
[28] Une rogatio fut préparée contre M. Marcellus, proconsul en 343, de imperio ejus abrogando (Tite-Live, 27, 20. 21). Les adversaires de Scipion, proconsul en 550, demandaient également dans le sénat, agi cum tribunis plebis, ut de imperio ejus abrogando ferrent ad populum (Tite-Live, 29, 19, 6). M. Æmilius Lepidus, consul en 617, fut en fait ainsi dépouillé du commandement proconsulaire qu’il avait en Espagne (Appien, Ib., 83). — Des abrogations semblables se rencontrent fréquemment dans la période moderne. Ainsi, Q. Servilius Capio, consul en 648, fut dépouillé du commandement proconsulaire en Gaule (Asconius, p 78. Tite-Live, Ep. 67). La loi Cassia de 630 détermine la situation de celui quem populus damnasset cuive imperium abrogasset. Le tribun du peuple, C. Cato déposa, en 698, une proposition de imperio Lentuli abrogando (Cicéron, Ad Q. f. 2, 3, 1) et qui se rapporte au commandement du proconsul de Cilicie, P. Lentulus Spinther (Drumann, 2, 541). — Même pour forcer le magistrat en exercice à se retirer au dernier jour de ses fonctions, et par suite, pour écarter la prorogation, il fallait une loi (Tite-Live, 41, 6, 2 : Ne Manlius post idus Martius — le terme légal d’expiration de son consulat — imperium retineret ; la raison ajoutée, tirée de ce qu’une prorogation aurait déjà été faite pour un an, est probablement fausse, et en tout cas inutile, puisque, quand même il n’y en aurait pas eu, Manlius, se trouvant sur le territoire militiæ, ne serait par suite pas redevenu, à l’arrivée du jour fixé, un privatus).
[29] La liste des précédents, rapportée par Obsequens, 70, et Dion, 46, 49, par tous deux évidemment d’après Tite-Live, afin d’attester neminem qui magistratum collegæ abstulerat annum vivisse, ne cite aucun consul en dehors de Collatinus ni même en général aucun magistrat supérieur ordinaire, et pour cause. Le tribun dit seulement dans Tite-Live, 22, 25, 10, en parlant de Q. Fabius, dictateur en 537 : si antiquus animus plebei Romanæ esset, audaciter se laturum fuisse de abrogando Q. Fabi imperio.
[30] L’inadmissibilité des privilegia défavorables, prononcer par les XII tables et les lois constitutives de la plèbe, peut avoir eu une influence : mais cela s’appliquerait au proconsulat comme aux magistratures proprement dites.
[31] La déposition du tribun du peuple M. Octavius, prononcée en 621 sur la proposition de son collègue Ti. Gracchus, ne fait naturellement pas défaut parmi les précédents rapportés par Dion et Obsequens. Elle est surtout remarquable parce que tour s’y passa dans les formes légales ; et qu’aussi bien sa validité ne fut jamais contestée ; la souveraineté du peuple était alors établie.
[32] L. Cornelius Cinna, consul est 667. Velleius, 2, 20. Tite-Live, Ep. 89. Appien, B. c, 4, 65. Cinna traita cette déposition comme nulle (Plutarque, Marc. 44), notamment, si Appien ne se trompe pas, parce que le sénat lui avait enlevé ses pouvoirs sans consulter le peuple. — Les tribuns menacent Carbo, consul de 610, de l’ίδιώτην άποφανεΐν s’il ne se fait pas élire un collègue à la place de Cinna (Appien, B. c. 4, 18). — Le préteur urbain de 711, Q. Gallius est dépouillé de la préture par ses collègues à raison d’un complot contre le jeune César (Appien, B. c. 3, 95) ; c’est-à-dire qu’ils la lui font enlever par une loi. — Antonius, qui était consul désigné pour 723, se vit refuser ce titre et le reste de ses pouvoirs, non pas, prétendait-il au moins, par le sénat et le peuple, mais par César (Dion, 50, 4. 10. 20) ; cependant il s’intitule néanmoins dans cette année cos. III (Eckhel, 6, 48). — Tacite (Hist. 3, 37) remarque, sur la nomination d’un autre consul à la place de Cæcina après sa défection du parti de Vitellius, que : Les habiles remarquèrent que c'était la première fois que, sans destitution prononcée, sans loi rendue, un magistrat en remplaçât un autre. — On révoqua, sur la proposition de Domitien, les consulats que Vitellius avait donnés (Tacite, Hist. 4, 46), où il faut qu’il soit fait allusion à une loi comitiale proprement dite, proposée par Domitien en qualité de préteur urbain en l’absence des consuls.
[33] Un tribun de 701, Lucilius Hirrus, fut, de la même façon que M. Octavius, presque dépouillé de sa magistrature, parce qu’il avait osé proposer la dictature de Pompée (Plutarque, Pompée, 34 ; cf. Drumann, 3, 331). César fut, en 709, déposer les deux tribuns Marcellus et Flavus, qui lui avaient fait de l’opposition, par leur collègue C. Helvius Cinna (Obsequens, 10 ; Dion, 44, 10, etc. ; Drumann, 3, 689), et la même chose arriva, en 711 ; un tribun du peuple, P. Servilius Casca, sur la proposition de son collègue P. Titius (Obsequens, 10 ; Dion, 46, 49).
[34] Le sacramentum n’était juré qu’une fois aux magistrats de la République ; par conséquent s’ils enrôlaient de nouveau les mêmes citoyens après une première missio, le sacramentum n’avait pas besoin d’être renouvelé. S’il est permis de tirer de là des conclusions pour l’époque royale, il faut admettre que le sacramentum d’un soldat devait, à cette époque, s’étendre à toutes les campagnes pour lesquelles il était appelé sous le même roi.
[35] L’arrivée du terme d’expiration des fonctions rendait le consul pro consule ; mais elle ne faisait naturellement pas disparaître le sacramentum, bien qu’un tribun du peuple assure le contraire à l’armée, relativement aux décemvirs, dans Denys, 11, 43.
[36] Le commencement de l’année de magistrature n’était pas placé à une date fixe du calendrier, et, par conséquent, le service militaire pouvait se placer dans le cours de deux années de magistrature, même à l’époque où l’armée était encore régulièrement licenciée à l’arrivée de la mauvaise saison.
[37] C’est, par conséquent, une application de la règle connue : Expresse nocent, non expressa non nocent (Digeste, 50, 11, 195).
[38] Ulpien, Digeste, 21, 1, 13, 1. Il n’est pas rare que le magistrat prescrive au juré de juger, non pas précisément à un jour déterminé, mais d’ici un jour déterminé (Digeste, 5, 1, 2, 2, l. 32) ; c’est le cas que vise Ulpien. Si Paul dit le contraire (5, 1, 49, 1), je serais porté à entendre le second texte, ainsi que le propose Pernice, de la procédure de cognition et de son judex datus, auquel ne s’appliquait pas l’ancien droit rigoureux. C’est certainement à tort que Keller (Litiscontestatio, p. 162) rapporte ce texte à la juridiction exercée dans les provinces impériales, et limite en revanche celui d’Ulpien à celle exercée à Rome et dans les provinces sénatoriales.
[39] C. Licinius, préteur en 582, fixa à un accusé un jour de comparution auquel il ne devait plus être en fonctions, pour mettre ainsi fin au procès. Tite-Live, 42, 22.
[40] Le principe que l’édit ne resta pas en vigueur au-delà de l’année de magistrature est posé relativement à l’edictum perpetuum duquel il ne s’agit pas ici ; mais on l’appliquera également à tous les autres édits, en particulier aux édits de comparution, et on peut poser en règle que tout édit de cette nature dont le terme était encore à venir au moment de la retraite du magistrat se trouvait par là même annulé.
[41] La nomination d’un juré n’est pas un acte de ce genre. C’est une sentence définitive rendue sous condition, avec le prononcé de laquelle l’affaire sort entièrement des mains du magistrat.
[42] Par cette voie, la détention préventive s’est même transformée, en fait, en peine d’emprisonnement perpétuel (Tite-Live, 29, 22. 9. 31, 44, 7). Du reste la détention prescrite par un magistrat en vertu de son droit de coercition sans qu’il y eut un délai caractérisé, ne devait pas facilement se prolonger au delà du terme de ses fonctions.
[43] Paul, Digeste, 17, 1, 26, pr.
[44] L’étonnante assertion d’après laquelle les premiers consuls auraient été nommé par le propre præfectus du dernier roi ; et d’après laquelle, par conséquent, la royauté se serait véritablement supprimée elle-même est discutée plus haut.
[45] Ainsi Papinien définit, comme on sait (Digeste, 1, 1, 7, 1), le droit prétorien celui quod prætores introduxerunt adjuvandi vel supplendi vel corrigendi juris a civitis gratia. Le dernier terme devrait être supprimé pour l’époque ancienne ; tout le droit civil conserve, au contraire, la trace de ce que les préteurs se gardaient de corriger directement le droit civil, bien que la suppletio aboutit fréquemment au fond au même résultat et que, même au sens rigoureux, ce soit toujours corriger la loi que d’y suppléer.
[46] Gaius, 4,106, 107.
[47] Cicéron, Verr. l. 1, 42, 109. Le développement de ce point entre dans le droit civil. Nous remarquerons seulement encore ici, pour écarter une confusion facile, que l’annalité des actions prétoriennes et édilitiennes ne peut pas être absolument ramenée à ce principe. La règle, selon laquelle l’action fondée sur la tromperie dont on a été victime dans un acte fait au marché doit être intentée dans le délai d’un an à partir de cet acte, n’a rien de commun avec le principe eu vertu duquel l’action promise par un magistrat dans son édit doit être demandée dans le cours de son année de magistrature. Cependant la dernière annalité peut avoir servi de modèle à l’autre.
[48] À supposer naturellement que l’instruction ne contienne pas de terme ; autrement les principes posés plus haut s’appliqueraient.
[49] Gaius, 4, 104. 105. L’opposition faite par Gaius montre qu’il s’agit ici, non pas de la validité de la sentence, mais de la durée du procès. Avant la loi Julia, il n’y avait probablement aucune péremption d’instance pour le judicium legitimum ; mais celle par un an et demi montre encore que le juré reste en pareil cas plus longtemps en fonction, que le magistrat duquel il tient ses pouvoirs. Voir pour les détails Keller, Litiscontest., p. 113 et ss.
[50] L’unique exception qui présente un certain caractère de stabilité est la concession de l’imperium faite pour le jour du triomphe au général qui triomphe après l’expiration de sa magistrature, bien que cette concession elle-même soit faite dans chaque cas isolé par une loi spéciale. Dans tous les autres cas, où 1’imperiam se rencontre dorai après l’expiration du terme, nous sommes en face de pures anomalies. En 543, le proconsul revenu pour défendre la ville contre Hannibal reçut du sénat, sans le concours des comices, semble-t-il, le commandement militaire même dans l’intérieur de la ville (Tite-Live, 26, 9). L’ennemi était alors devant les portes, et il fallait bien appliquer, même dans la ville, les règles de l’imperium militiæ. — Le préteur urbain de 610, Q. Marcius Rex, eut aussi ses pouvoirs prorogés pour un an par le sénat, toujours sans vote du peuple, afin de pouvoir achever la construction de l’aqueduc qui porte son nom (Frontin, De aq. 7). Cette décision ne se place pas seulement à l’époque de l’omnipotence illimitée du sénat ; elle fut, ainsi que l’ajoute Frontin, prise illégalement et malgré une opposition justifiée, exclusivement sous l’influence de Marcius. — Dans l’inscription du temps d’Auguste (C. I. L. VI, 1501 : IIIvir cap. et insequenti anno pro IIIvir), la désignation de promagistrature donnée à la continuation du triumvirat capital n’est probablement qu’une désignation incorrecte de l’occupation irrégulière immédiate de la même magistrature dont on rencontre d’autres exemples dans le vigintivirat. — La continuation du consulat au profit de Marius, de Cinna, de Carbo, de César, aboutit assurément quant au fonds, à une prorogation ; il est caractéristique que l’on reproche la prorogation du quattuorvirat au César municipal de Gadès dont parle Cicéron, Ad fam. 10, 32. Quant à la forme, il n’y a pas, dans toutes ces hypothèses, prorogation, mais itération de la magistrature suprême. C’est bien en fait déjà la monarchie ; mais c’est encore la monarchie sous une forme républicaine. Avec l’abandon formel de l’annalité, la République disparaît même dans la forme et elle cède la place au Principat.
[51] C’est ce que montre l’inscription récemment mise au jour à Aricie, dans le bois sacré de Diane (C. I. L. XIV, 4268) : C. Aurilius C. f praitor iterum didit, eisdim cons[u]l probavit. Ce personnage ne peut être que C. Aurelius C. f. Cotta, préteur urbain en 552 et consul en 554 ; la seconde préture ayant, d’après l’inscription, précédé son consulat, il ne peut s’agir que de la prorogation de la préture à l’an 553, qui n’est point à la vérité rapportée, mais qui n’est pas non plus exclue par Tite-Live, 30, 41. Le décret de Lampsaque de 338 (Lolling, Mitth. des athen. Instituts, 6, 96) donne également au proconsul et au propréteur les titres ΰπατος et στρατήγος. Magistratus comprend encore la magistrature prorogée dans la loi de Termessos. Nous remarquons là que le titre de promagistrat se rencontra pour la première fois dans Polybe. Les deux inscriptions de Délos qui portent le titre στρατηγός άνθύπατος (Bull. de corr. Hellén. 8, 119. 9, 379 ; cf. tome IV, la section des magistrats militaires extraordinaires) sont d’époque indéterminée.
[52] En 543, le sénat donne au proconsul venant au secours de Rome par eum consulibus imperium ; certainement ce n’est pas seulement, comme dit Tite-Live, afin qu’il ne perde pas l’imperium en entrant dans la ville, c’est aussi pour le mettre sur le pied d’égalité avec les consuls. Lorsqu’en 352, le consul Ti. Claudius brigue la province d’Afrique, dans laquelle le proconsul Scipion exerce le commandement, le sénat provoque une rogation tribunicienne quem vellent in Africa bellum gerere, sur laquelle les tribus se prononcent unanimement en faveur de Scipion, et il envoie alors le consul en Afrique, ut pari imperio cum Scipione imperator esset (Tite-Live, 30, 27). La même chose se répète l’année qui suit (Tite-Live, 30, 40). Le sénat statua semblablement, en 647, en faveur du proconsul Metellus qui commandait en Numidie, contre le consul C. Marius ; mais, lorsqu’ensuite un tribun pose au peuple la même question, quem vellet cum Jugurtha bellum gerere, le peuple se prononce en faveur du consul (Salluste, Jug. 73).
[53] La situation pro dictatore, dont il est question dans Tite-Live, 22, 31, 10, est étrangère à la prorogation.
[54] Il n’y a certainement jamais eu de prolongation expresse de délai faite par une loi, pour la dictature qui était surveillée avec un soin jaloux, et la continuation légale de la magistrature faute d’événement qui en relève n’a dû non plus se produire pour elle qu’assez rarement. Cependant, cela pourrait arriver ; et on ne voit pas quelle autre chose qu’une continuation de fonctions pro dictatore pourrait se produire en pareil cas.
[55] Cf. tome IV, le chapitre qui lui est relatif.
[56] Il arrive que cette continuation du commandement soit enlevée par une loi spéciale à un magistrat.
[57] Tout cas de guerre se produisant pendant un interregnum devait déjà y conduire. L’interroi avait bien l’imperium militaire (Salluste, Hist. éd. Dietsch, 1, 48, 22) ; mais, en présence du délai de roulement de cinq jours, cet imperium ne pouvait en pratique être exercé qu’à l’aide de la prorogation.
[58] Prorogatio signifie en première ligne extension de la magistrature par une loi, tout comme abrogatio signifie retrait de la magistrature par une loi ; par conséquent, le mot ne s’applique pas exactement au commandement qui se prolonge ipso jure ; j’emploie cependant aussi le mot pour cette extension, faute d’expression technique spéciale.
[59] Par exemple, le consul de 559, L. Valerius Flaccus, reçoit pour département l’Italie, ou, ce qui est la même chose, la Gaule (Tite-Live, 33, 43) et il passe là l’été à faire la guerre (Tite-Live, 34, 22) ; puis il part à la fin de son année de magistrature pour Bonne afin d’y présider les élections pour 666, puis il regagne cette province (Tite-Live, 34, 42) qui est attribuée pour cette année aux consuls qui lui succèdent : mais, avant leur arrivée, il bat encore les Gaulois pro console (Tite-Live, 34, 46). Il n’y a évidemment là aucune prolongation de délais, et le prédécesseur est relevé par son successeur de la manière ordinaire. D’innombrables cas du même genre sont mentionnés dans les annales, et il n’est indiqué nulle part qu’il y ait eu besoin, pour légaliser la continuation du commandement, de loi ni de sénatus-consulte ; le simple fait que l’état de guerre subsistait et que le successeur, était absent suffisait. Il arrive, à la vérité, fréquemment que le commandement soit expressément prolongé par un sénatus-consulte entre les mains de ceux qui l’occupent pour jusqu’à l’arrivée de leurs successeurs (Tite-Live, 32, 28, 6 ; 40, 36, 7. 41, 14, 19), et il est possible que telle ait été la règle en présence d’une prolongation de longue durée.
[60] Ainsi le propréteur Q. Metellus garda le commandement en Achaïe jusqu’à ce que le consul L. Mummius arriva personnellement au camp.
[61] Le promagistrat est, sous ce rapport, sur le même pied que le magistrat ; il peut donc résigner personnellement son commandement avant l’arrivée de sou successeur et il doit alors nommer un représentant. S’il néglige de le faire, le commandement en chef est vacant et celui du successeur entre alors en vigueur dés avant son arrivée, en ce sens que c’est alors lui qui nomme ce représentant.
[62] Cicéron, Ad fam. 1, 9, 23. Le principe peut avoir été formulé par Sulla, mais il ne peut pas avoir été introduit par lui, la note qui suit nous le montre. Une conséquence de ce principe est l’usage connu des promagistrats aspirant au triomphe de séjourner souvent pendant longtemps devant les portes de la ville sans y entrer (Handb. 4, 534 = tr. fr. 9, 554).
[63] Un magistrat qui remporta une victoire, seulement après avoir été remplacé, pendant son retour, avec l’escorte qui lui avait été donnée par son successeur, obtint non pas, il est vrai, le grand triomphe, mais cependant l’ovation.
[64] Tite-Live, 8, 23.
[65] Tite-Live, 8, 23 ; 27, 7, 17 ; de même Zonaras, 9, 10. Cf. cependant Tite-Live, 27, 22, 7. 36, 1, 10. 41, 21, 2.
[66] D’abord dans Tite-Live, 9, 42, 2, sur l’an 447. Tite-Live, 10, 22, 9. Une loi est à la vérité aussi mentionnée pour M. Marcellus, en 537-538 (Tite-Live, 23, 30, 19), mais c’est peut-être seulement parce que l’imperium fut proroger à ce préteur comme imperium proconsulaire. Prolongation de six mois, Tite-Live, 10, 16, 1.
[67] Le consul de 567 se plaint, non sans raison, que lui et son collègue soient exclus en fait du commandement ; tandis que les consuls de 565 occupent le commandement en chef en Europe et en Asie (Tite-Live, 38, 42, 10).
[68] On pourrait dire, il est vrai, que la prorogation consiste uniquement à interdire l’envoi du successeur pendant le temps fixé et à faire par suite le général en question conserver le commandement pendant le même délai. Mais les Romains ont, au moins à l’époque ancienne, considéré cette prorogation comme une attribution directe du commandement pour le délai fixé, et c’est avec raison puisqu’elle a lieu par une résolution immédiate du peuple souverain.
[69] On ne peut, pour l’époque ancienne, conclure, de ce que la loi n’est pas mentionnée, qu’elle aurait fait défaut.
[70] Dans la plupart des cas, le sénat est nommé à côté de la plèbe ; dans Tite-Live, 9, 42, 2, il est nommé seul.
[71] Polybe, 6, 15, 6. Non seulement, pendant et après la guerre d’Hannibal, Tite-Live nomme constamment le sénat tout seul pour les prorogations (ainsi 24, 10, 3. 30, 1, 7. 10, c. 2, 3 et ss. c. 41, 3. 31, 8, 10. 35, 20, 11. 40, 18, 6. 41, 21, 2, etc.). Mais l’opposition faite par lui, 29, 13. 30, 41, montre clairement que le sénat était compétent pour de telles prorogations, même sans plébiscite, tandis qu’il y avait d’autres hypothèses pour lesquelles il ne manquait pas de consulter la plèbe. La même conclusion résulte de ce que, lorsqu’il s’agit d’étendre l’imperium proconsulaire à la ville de Rome pour le jour du triomphe, le peuple a été, au moins autant que nous sachions, toujours consulté.
[72] Si la proposition dans ce sens faite au sénat en 550 à l’encontre de P. Scipion tendait à une abrogatio par voie de plébiscite, cela ne prouve pas que le sénat n’eut pas pu également lui enlever ses fonctions, mais seulement que les auteurs de la proposition rie pensaient pas pouvoir faire adopter une pareille résolution. Les prorogations du commandement jusqu’à la fin de la guerre qui se présentent à tant de reprises, seraient en particulier inexplicables si le sénat avait été lié par elles en la forme.
[73] Les commandements cités là se fondent tous exclusivement sur des sénatus-consultes.
[74] La Gaule cisalpine et la Gaude transalpine lui furent données pour ce délai la première par la loi Vatinia, la seconde par un sénatus-consulte. Suétone, Cæsar, 23 ; Dion, 38, 41. La limitation apportée à la faculté de prorogation par le principe de l’annualité ne liait pas que le Sénat ; c’était une de ces barrières fondamentales que le peuple souverain lui-même devait respecter. Le principe s’étend aux magistratures supérieures extraordinaires en ce sens qu’elles ne peuvent être concédées avec un terme d’expiration précis qui excède une année. La première infraction à ce principe fut la loi Gabinia votée en 687 au profit de Pompée (cf. tome IV, la théorie des Magistratures extraordinaires).
[75] Cette règle et les suivantes sont étudiées, tome III, au sujet des Gouverneurs de provinces.