LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

DROITS DE PROHIBITION ET D’INTERCESSION DES MAGISTRATS.

 

 

Le magistrat n’a pas seulement le droit de donner des ordres. Il a aussi le droit d’interdire les actes officiels que comptent accomplir d’autres magistrats et le droit d’annuler ceux qu’ils ont déjà accomplis. Le premier de ces pouvoirs constitue, dirons-nous, le droit de prohibition, accordé au magistrat à l’encontre d’actes valables de magistrats, le second est le droit d’intercession du magistrat. Les Romains les réunissent fréquemment tous deux sous la notion générale de prohibition, et c’est avec raison, puisque l’annulation d’un acte accompli en est toujours en même temps la prohibition pour l’avenir. L’expression intercedere se trouve même parfois employée dans les sources pour des actes dont l’effet n’est pas de produire une annulation[1]. Les explications qui vont suivre établiront cependant que les deux espèces de pouvoirs sont juridiquement distinctes et que les ouvrages antérieurs ont eu tort de les confondre.

Le droit d’intercession, ainsi qu’il a déjà été indiqué et qu’il sera plus longuement exposé plus bas, appartient à la major postestas et à la par potestas. Au contraire, le droit de prohibition n’appartient qu’à la major potestas[2]. Aucun magistrat n’a le droit d’interdire à son collègue l’accomplissement d’un acte permis par la constitution ; mais il peut adresser un ordre de ce genre à un magistrat dont la puissance est inférieure à la sienne. Le tribun du peuple exerce le droit de prohibition contre tous les magistrats, y compris les consuls, sauf contre le dictateur ; c’est-à-dire qu’il l’exerce contre tous les magistrats en face desquels il constitue une major potestas ; le dictateur l’exerce contre le maître de la cavalerie et les autres magistrats ; le consul l’exerce contre le préteur et en général contre tous les magistrats, sauf contre le dictateur et contre les tribuns du peuple. Aux actes de magistrats équivalent ceux accomplis par des particuliers sur l’ordre de magistrats, par exemple l’audience tenue par un juré[3], le discours prononcé devant le peuple[4]. Au contraire le magistrat ne peut s’immiscer dans les actes privés qu’autant qu’ils sont en conflit avec l’action publique, comme par exemple quand il ordonne aux détenteurs des boutiques publiques de les fermer[5] ; il ne peut intervenir par voie de prohibition dans les actes des particuliers. Le droit de prohibition des magistrats ne peut être exercé, lorsqu’il ne s’agit que de droits privés et que l’individu lésé a à sa disposition la voie de l’action civile[6]. Il n’est ni nécessaire ni possible d’énumérer ici les innombrables applications qui ont été faites de ce droit il sera cependant opportun de rassembler dans un tableau sommaire les hypothèses les plus importantes. Ces prohibitions peuvent, en tant qu’elles sont directement dirigées contre des magistrats, se diviser en prohibitions d’actes isolés, en, prohibitions générales des actes de magistrats particuliers, et en prohibitions générales des actes de tous les magistrats.

1. Pour la prohibition par un magistrat supérieur d’actes isolés projetés par un magistrat inférieur, il n’y a pas d’exemple plus fréquent que le cas où le magistrat supérieur défend à l’inférieur d’agere cum populo et, le cas échéant, annule l’action déjà commencée par ce dernier, parce que lui-même a l’intention d’agir avec le peuple[7]. Le tribun a de même le droit d’interdire à tous les magistrats patriciens d’agir avec le peuple, pendant que lui-même agit avec la plèbe[8]. Lors même qu’il n’a pas l’intention d’agir avec le peuple, le, tribun petit soit supprimer, soit limiter le droit dé parler au peuple qui appartient à tous l’es magistrats patriciens[9]. — C’est en vertu de notre règle que, comme on a vu plus haut, les magistrats supérieurs ont le droit d’interdire aux inférieurs de prendre les auspices de cælo le jour où ils veulent eux-mêmes agir avec le peuple et où ils en seraient empêchés par l’observation d’un éclair. — C’est encore par application de cette règle que les tribuns défendent aux magistrats cum imperio de triompher[10], de faire le tirage au sort des provinces[11], de partir pour l’armée[12], d’emmener les troupes qu’ils ont levées[13], ou encore d’excéder le terme légal de leurs fonctions[14] ; que le dictateur défend à un consul de poursuivre l’ennemi au delà d’un certain point[15] ; que le consul défend à un préteur de présenter une rogatio[16] ou de tirer des jurés au sort[17]. Dans la mesure où les tribuns pouvaient intervenir contre les patriciens réunis en vertu de l’interregnum et l’interrex qui prend alors le pouvoir, leur défense rentre dans le même ordre[18]. Cependant, lorsqu’il était possible d’empêcher par un autre moyen le magistrat d’agir, par exemple par une obnuntiatio, les tribuns préféraient généralement cette voie détournée, comme plus efficace et moins choquante.

2. Le magistrat supérieur[19] ne pouvait pas seulement défendre à l’inférieur un acte isolé, il pouvait aussi lui défendre, d’une manière générale, d’exercer ses fonctions (vetare quicquam agere pro magistratu), c’est-à-dire le suspendre de ses fonctions. Nous trouvons de telles décisions prises par des dictateurs contre des consuls[20] et contre des maîtres de la cavalerie[21] ; par des consuls contre des préteurs[22] ; par des gouverneurs de province contre tous leurs subordonnés[23] ; par les tribuns du peuple contre des censeurs[24]. Cette défense adressée à un magistrat de remplir ses fonctions n’est pas une destitution ; une chose suffit à l’en distinguer, c’est qu’elle peut être retirée à un moment quelconque et que par conséquent les pouvoirs du magistrat sont seulement suspendus.

3. Le justitium, la suspension générale de l’activité des magistrats inférieurs, est en premier lieu relatif à la juridiction civile[25]. Mais il ne s’applique pas qu’à elle seule. Il implique aussi la clôture de l’ærarium[26], la remise des ventes publiques, l’interruption de toutes les séances du sénat[27], enfin l’interruption de toutes les affaires publiques à l’exception de celles pour assurer l’accomplissement desquelles il a été prononcé[28]. Il entraînait même souvent la suspension des affaires privées qui se traitent en public, spécialement la fermeture des boutiques publiques[29]. Le droit d’édicter le justititium est attaché à la puissance publique la plus élevée. Il peut être prononcé par les tribuns du peuple, voire même par l’un d’entre eux[30] ; mais ordinairement il est proclamé par celui ou ceux des magistrats présents à Rome dont l’imperium est le plus élevé. Lorsque la raison en a disparu, il est supprimé par le même magistrat, par un édit correspondant à celui qui l’avait établi[31].

Le droit de prohibition qui appartient au magistrat supérieur contre l’inférieur est en droit illimité et absolu ; mais les mœurs et l’usage lui ont donné des bornes. La plus large de ces diverses mesures, le justitium n’est, dans le cours normal des choses, prononcé que sur l’assentiment du sénat, en règle à cause d’un danger militaire[32] ou d’une fête[33] ou d’un deuil public[34]. A la vérité, le justitium établi par Ti. Gracchus prouve que l’assentiment du sénat n’était pas nécessaire et que le justitium pouvait aussi être établi par la simple  volonté du magistrat. Le droit du magistrat supérieur de suspendre l’inférieur n’a également, pour des motifs qui tombent sous le sens, été exercé que rarement et à titre de peine. L’interdiction des actes isolés elle-même ne se rencontre que dans les cas où l’action simultanée du magistrat inférieur et du supérieur entraverait ce dernier dans l’exercice constitutionnel de ses fonctions.

Le droit de prohibition recevait une autre restriction de fait très sensible de deux règles qui ne se retrouvent pas en matière d’intercession d’une part, l’accomplissement de l’acte interdit n’était pas regardé comme une offense au magistrat qui l’avait interdit ; d’autre part et surtout, si l’acte qui avait été interdit était néanmoins accompli, il n’était pas du tout nul comme celui contre lequel il était intercédé. Si le tribun ne parvenait pas à empêcher la célébration du triomphe, celui-ci était, en dépit de la défense, regardé comme valablement célébré et était inscrit sur la liste des triomphes ; il faut également tenir pour valablement constitués les jurys constitués par le préteur en dépit du justitium. Cette défense n’est donc, à la prendre rigoureusement, qu’une menace de recourir à la coercition, au cas où elle serait méconnue[35]. Le magistrat qui prononce l’interdiction déclare igue, si l’acte est accompli, il en prendra texte pour employer un des procédés de coercition qu’il a à sa disposition, et il peut même d’avance indiquer lequel[36]. La faculté qu’avait l’individu menacé d’accomplis l’acte n’était pas par là atteinte en elle-même, et, ce qui, en particulier en face des tribuns, avait fine grande importance, l’accomplissement de l’acte à l’encontre de la menace n’apparaissait pas comme une atteinte à l’honneur ou aux pouvoirs du , magistrat qui l’avait raite. Le magistrat qui avait fait la défense était seulement amené, dans l’hypothèse de contravention à cette défense, à réaliser sa menace, par exemple à faire emprisonner le magistrat qui continuait à exercer ses fonctions au mépris de la suspension prononcée contre lui, si toutefois il en avait le pouvoir et le désir ; quand il passait à des mesures de coercition, il se heurtait fréquemment à l’obstacle de l’intercession, et alors sa défense se trouvait n’être qu’une menace vaine[37]. C’est la raison la plus directe pour laquelle le pouvoir de prohibition, quoiqu’il fût exempt de limitations formelles, a joué un rôle secondaire dans les luttes politiques. Chaque tribun avait qualité pour interdire à sa guise à un consul de prendre les auspices, d’entrer en fonctions, de triompher et même d’exercer ses fonctions. Mais lorsque le consul ne s’inclinait pas devant la défense, si ensuite il opposait au tribun qui roulait l’emprisonner ou employer contre lui un autre mode de coercition, l’intercession, ne fût-ce que de la minorité ou de l’un seulement de ses collègues[38], ou encore s’il éludait la coercition par tout autre moyen[39], la défense n’avait pas d’autres conséquences juridiques.

A côté du droit du magistrat supérieur de défendre à l’inférieur un acte de ses fonctions qui n’est pas encore accompli, il y a celui du magistrat égal ou supérieur d’annuler un acte déjà accompli par son égal ou son inférieur, et par là d’empêcher ou tout au moins de priver de la force légale les actes qui s’appuieraient à leur tour sur celui-là[40]. C’est l’intercessio[41]. La différence essentielle des deux pouvoirs consiste en ce que l’acte accompli contrairement à la prohibition peut bien être punissable, mais est valable[42], tandis que l’acte accompli contrairement à l’intercession est nul ; c’est la même distinction qui est faite par la doctrine romaine, relativement à la force législative, entre la lex minus quam perfecta[43] et la lex perfecta. — Ce qui rend surtout difficile l’étude de cette matière compliquée et très négligée, c’est que la négation des actes des magistrats, bien que n’étant en soi qu’une conséquence des pouvoirs généraux des magistrats et la contrepartie nécessaire de leur exercice positif, a trouvé dans le tribunat du peuple son expression spéciale et dominante, et qu’il en résulte presque forcément une déviation du point de vue exact[44]. Nous devons essayer ici de remettre, autant que possible, le système sous son véritable jour.

Si nous nous demandons d’abord à qui et contre qui le droit d’intercession est accordé, une réponse générale a déjà été donnée plus haut. Il appartient tant au magistrat égal contre son égal qu’au supérieur contre son inférieur.

L’intercession est arrivée à l’existence comme une conséquence de la collégialité, comme son expression pratique essentielle. Elle est par suite née avec la fondation de la République, et d’abord à titre d’intercession d’une puissance égale contre une puissance égale. A partir de cette époque, il y a des puissances égales qui se meuvent en même temps, sinon en campagne, au moins dans les magistratures urbaines, et, si, de plusieurs consuls, censeurs, édites ou questeurs, l’un commande et l’autre défend, c’est la défense qui prévaut sur le commandement[45]. C’est une nécessité ; car, si le principe de la collégialité fut substitué au principe monarchique, ce fut précisément pour que la puissance suprême elle-même fût limitée et que la nouvelle magistrature supérieure à deux têtes pût trouver des bornes en elle-même[46]. Pour la même raison, lorsqu’on eut créé dans le tribunat une puissance supérieure à celle des consuls, on lui appliqua la même règle, le principe que la défense prévaut sur le commandement ; l’idée que, contre les empiètements des tribuns de la plèbe, il n’y a de correctif que dans le tribunat lui-même et en particulier dans le grand nombre de ses membres, est une idée sur laquelle insistent à maintes reprises les annalistes d’opinions aristocratiques[47].

Mais la collégialité, même dans sa forme la plus ancienne, n’est pas nécessairement une collégialité égale. Les consuls ont un droit égal de commander ; mais, à côté, peut se présenter le droit plus fort du dictateur. Dans la même mesure, il y a, à côté et au-dessus du droit d’intercession de la par potestas, celui de la potestas major, qui trouve du resté son expression pratique essentielle dans l’usage des consuls de rester inactifs tant : que le dictateur est en fonctions. Le développement postérieur se maintient dans les mêmes données, sauf en ce qu’il fait sortir l’intercession du domaine de la collégialité, auquel, en considérant le dictateur comme un collègue des consuls, elle était d’abord restée limitée. L’intercession commence à s’exercer contre les magistratures inférieures, en même temps qu’elles deviennent des magistratures. Quand le magistrat a des auxiliaires à ses côtés, comme par exemple les tribuni celerum et militum sont à ceux du roi, l’autorité qui trouve en elle son propre fondement est nécessairement au-dessus de la dérivée, et le mandant peut toujours annuler la, décision du mandataire[48]. Mais pourtant il n’y a pas là d’intercession ; car il n’y a pas là deux puissances différentes ayant la même source constitutionnelle ou des sources constitutionnelles également fortes. Au contraire, lorsque les questeurs commencèrent à être nommés par le peuple et par conséquent devinrent, de délégués subalternes, des magistrats subalternes, le droit du délégant d’annuler les actes du délégué fut remplacé par le droit d’intercession qui appartient au consul contre l’édite et le questeur[49]. — Lorsque, ensuite le consul reçut un collègue inférieur en droit, le préteur, on accorda logiquement au premier le droit d’intercession contre le second[50]. — Enfin le tribun du peuple, en vertu de sa puissance supérieure à la puissance consulaire, a le droit d’intercession contre tous les magistrats sauf le dictateur, en particulier contre le consul[51], mais aussi contre le censeur[52], contre l’édile[53] et contre le questeur[54].

L’intercession n’est pas plus que la collégialité, de laquelle elle dérive directement, une institution, légalement restreinte au territoire de la capitale. Mais son application au territoire militiæ se maintient dans d’étroites limites. Il va de soi que l’intercession de toutes les autorités qui sont en règle générale incompétentes sur ce territoire, en particulier celle des tribuns du peuple, y est exclue. Il ne peut davantage y avoir là d’intercession contre les actes qui ne sont faits que sur le territoire urbain, c’est-à-dire contre les lois et les sénatus-consultes. L’intercession contre un décret du magistrat y est bien concevable, par exemple, en matière de justice militaire ; mais, puisqu’il n’y a pas, au moins en dernier ressort, au degré le plus élevé du commandement militaire, de par potestas proprement dite[55], la seule intercession qui puisse se rencontrer est celle qui se produit lorsque le dictateur annule une décision du maître de la cavalerie, ou bien le consul une décision du préteur, qui lui est adjoint, du bien le, préteur une décision du questeur,dans une hypothèse où le magistrat inférieur a agi non pas comme délégué, mais en vertu de son pouvoir propre. Par suite l’intercession est traitée comme une institution essentiellement propre au régime civil[56].

Il serait naturel de limiter la possibilité de l’intercession aux hypothèses pour lesquelles le magistrat qui intercède et celui contre lequel il intercède sont également compétents, ainsi par exemple au cas où l’un des consuls veut enrôler un soldat tandis que l’autre veut le libérer, à celui où l’un des questeurs prescrit de procéder à l’exécution en matière d’impôts tandis que l’autre est disposé à accorder un délai. Mais l’intercession, telle que nous la connaissons, ne dépend pas, en droit, du point de savoir si celui qui intercéda est compétent pour procéder lui-même à l’acte. Cela se montré de la manière la plus nette dans l’intercession qui est de beaucoup la plus ordinaire, dans l’intercession tribunicienne, puisque, comme on sait, les tribuns sont généralement dépourvus d’attributions positives. Mais, même ailleurs, on voit le consul intercéder contre le décret rendu par le préteur urbain dans une affaire de succession[57], le préteur pérégrin intercéder contre le préteur urbain[58], le consul intercéder contre l’édile ou le questeur, sans que, dans toutes ces hypothèses, le magistrat auquel il est fait appel fût ni en demeure ni même en droit d’accomplir lui-même l’acte attaqué. Cependant de telles hypothèses sont excessivement rares, et l’on ne peut contester à la compétence une influence pratique importante ; on est même porté à croire que l’usage n’admettait l’intercession que dans deux cas, lorsqu’elle émanait des tribuns, desquels c’était la fonction propre, ou bien lorsqu’elle se produisait entre des magistrats qui avaient soit une compétence commune, comme c’était le cas des consuls dans la capitale, soit au moins des compétences étroitement rapprochées, comme c’était le cas des deux préteurs chargés de la juridiction civile[59].

Où il n’y a ni potestas major, ni par potestas, il ne peut y avoir d’intercession. L’édile ne peut intercéder contre les actes du questeur ; le consul ne le peut probablement pas davantage contre ceux du censeur. — D’un autre côté, la sentence du juré civil n’est pas regardée comme un acte de magistrat, et par suite elle n’est soumise à l’intercession ni de la part du magistrat qui a institué le juré, ni de la part des tribuns du peuple ou d’autres magistrats[60]. C’est par une conséquence plus lointaine de la même idée que l’intercession n’est pas non plus admise contre les sentences auxquelles aboutit la procédure des quæstiones ; car cette procédure n’est qu’un développement de la procédure civile des judicia recuperatoria.

L’intercession a encore pour condition que son auteur se mette personnellement en présence du magistrat contre qui il intercède[61], et qu’elle se relie dans le temps à l’acte qu’elle annule ; mais cependant cela n’exclut pas, surtout pour l’intercession provoquée par une appellalio, l’existence d’un intervalle modéré entre le décret et l’intercession[62].

Quant aux raisons en vertu desquelles il peut y avoir lieu à intercession, il n’existait évidemment pas, à ce sujet, de disposition formelle. Cependant la nature purement rescisoire de cette procédure donne à penser et il ressort de faits nombreux que le but poursuivi n’était pas de provoquer l’intercession contre tous les actes qui pouvaient être quant au fond incorrects ou iniques ; il fallait au contraire, pour la motiver d’une manière suffisante, une violation manifeste des mœurs ou des lois. Ainsi parmi les décrets de Verrès, son collègue n’annula que ceux qui étaient contraires au propre édit de Verrès[63] ; sauf dans les cas où il en est fait un usage abusif contre les rogationes et les sénatus-consultes, l’intercession a régulièrement un véritable caractère nomophylactique. C’est une différence essentielle qui sépare l’intercession de la République, dirigée contre le décret du magistrat, et l’appel du temps de l’Empire, qui soumet, dans la deuxième instance, la question de droit et la question de fait à un nouvel examen complet.

Tandis que le droit de prohibition peut généralement être exercé contre tout acte de magistrat en perspective, à l’inverse, les actes valablement accomplis ne peuvent pas en principe être anéantis par intercession[64]. Il n’y a que deux hypothèses à la vérité fort larges dans lesquelles le droit d’annulation soit établi par la loi. Ce sont le cas de l’intercession dirigée, sur une appellatio, contre un décret d’un magistrat, le cas de l’auxilium, et celui de l’intercession dirigée contre une loi ou un sénatus-consulte.

Tout décret d’un magistrat par lequel un citoyen se trouve lésé, autorise ce citoyen à faire appel à la par majorve potestas et à provoquer par cette voie l’annulation du décret. Le non citoyen ne parait pas avoir eu le droit de faire cet appel[65]. Ce principe régit tout le domaine de la juridiction, au sens le plus large du mot, qu’elle soit civile, criminelle ou administrative. Lorsque la décision du magistrat est rendue avec le concours d’un conseil, l’usage n’est pas, verrons-nous dans la théorie du Consilium, d’admettre l’intercession tribunicienne, qui fonctionne au contraire sans limites, lorsque le magistrat a agi sans consulter de conseillers. La réunion du consilium et l’admissibilité de l’intercession sont par conséquent jusqu’à un certain point dans un rapport d’incompatibilité. Cela ne veut pas dire cependant que la réunion du consilium, dans les cas où elle n’est pas prescrite par des lois positives, exclue légalement l’intercession.

Les exemples d’appellatio sont fréquents dans la procédure civile. L’appellatio peut être formée non seulement par le défendeur, mais par le demandeur[66]. Elle peut être notamment[67] dirigée contre l’ajournement du procès demandé par le défendeur[68], la rédaction de la formule[69], l’addictio du débiteur[70], l’attribution de la bonorum possessio en matière successorale[71], mais toujours exclusivement coutre le décret rendu par le magistrat ; après que l’affaire est arrivée devant le juré ou les jurés, l’intercession n’est plus possible, nous l’avons remarqué plus haut. Il est surprenant qu’il ne soit jamais question d’appellatio relativement aux procès de la compétence des centumvirs et des quœstiones, même pour la phase de la procédure qui se passe in jure[72]. Les lois qui organisèrent ces grands jurys, tous constitués vers la fin de la République[73], auront probablement interdit l’intercession, par des clauses spéciales[74].

L’intercession provoquée par un appel est de plus admissible dans toute la sphère de la procédure criminelle. Elle l’est dans les procès proprement dits, qu’ils soient dirigés par les questeurs[75], par les tribuns du peuple[76], par les édiles[77] ou par tous autres magistrats ayant qualité[78]. Elle l’est également en face de la procédure de coercition à laquelle le magistrat recourt au cas d’insubordination ou de manque de respect[79]. C’est à ce dernier ordre d’idées qu’appartiennent les cas d’intercession de beaucoup les plus nombreux rapportés par les annales. Toutes les mesures prises par le magistrat sont sujettes à annulation : l’acte introductif d’instance[80], l’arrestation, à l’encontre de laquelle il est fait recours à notre moyen avec une fréquence spéciale[81], les conclusions de l’acte d’accusation[82], la condamnation prononcée par le magistrat[83] ; puis, après que la provocatio a été formée, la convocation des comices qui doivent statuer sur elle[84], l’invitation de voter adressée au peuple[85] ; enfin l’exécution, qu’elle ait pour objet une peine corporelle, la peine de mort[86] ou toute autre peine[87]. — Lorsque la peine donne le droit de provocatio ad populum, on peut cumuler l’appel aux tribuns et la provocation au peuple[88], et naturellement le second moyen n’entre en exercice que quand le premier échoue.

Enfin la première espèce d’intercessions comprend encore celles qui se produisent dans le domaine de la juridiction administrative, en réunissant sous ce nom toutes les dispositions relatives aux obligations, pécuniaires ou non, des citoyens envers l’État. La simple détermination des rapports respectifs des citoyens et de l’État ne motive pas, il est vrai, d’intercession ; ni l’évaluation de la fortune imposable, ni la fixation de la contribution due par un citoyen n’y donnaient lieu, et il en était probablement de même des décisions relatives aux droits de créances et de propriété du peuple en tant qu’elles ne faisaient que préparer l’exécution. En revanche, l’intercession s’applique aux mesures d’exécution prises par les consuls en vertu de Leurs décrets relatifs au service militaire ; c’est même un des cas les plus fréquents d’appel à l’intercession[89]. Il faut également citer ici les intercessions dirigées contre les dispositions prises par les censeurs relativement à l’usage des terres publiques, contre les décrets rendus par les questeurs pour le recouvrement des impôts[90], contre l’arrestation des débiteurs de l’État au cas d’insolvabilité[91] ou contre la saisie de leurs biens[92].

La première espèce d’intercession que nous étudions n’a pas seulement pour caractère de se tenir exclusivement dans le domaine de la procédure, au sens large indiqué plus haut, et de supposer une décision du magistrat qui organise ou qui tranche un procès. Ce qui la distingue avant tout, c’est que le magistrat qui a le pouvoir d’intercéder n’en peut faire usage que sur l’appel de l’individu lésé[93] ; ce qui lui fait appliquer les expressions techniques d’auxilium, en l’envisageant du cité du magistrat[94], et d’appellatio, en l’envisageant de celui de l’appelant[95]. Le magistrat ne pouvait intercéder contre un décret duquel il ne lui était pas fait appel[96].

En ce qui concerne les délais, il fallait probablement, à l’époque ancienne, pour l’appel, comme pour la provocatio, qu’il frit formé immédiatement après que le particulier lésé avait eu connaissance du décret qui le lésait. Le délai régulier de deux jours que le droit récent accorde à l’appelant[97] parait avoir été étranger au droit ancien. Au contraire, il était indispensable de laisser au magistrat à qui l’appel était adressé un certain temps pour en apprécier le fondement ; ce délai était, peut-être dès une époque reculée, limité à trois jours[98]. La règle d’après laquelle il n’est permis à aucun magistrat d’intercéder plus d’une fois dans la même affaire peut aussi fort bien remonter à la même date[99].

Cet appel est devenu l’origine d’une procédure contradictoire analogue à un procès véritable. C’était spécialement ce qui se produisait, lorsque, comme il était habituel, l’appel était adressé à tous les tribuns tau peuple actuellement en fonctions[100]. Les tribuns siégeaient alors sur leur subsellium[101], comme une sorte de tribunal[102]. L’appelant motivait sa requête[103]. La décision attaquée était, selon les cas, défendue soit par le magistrat qui l’avait rendue[104], soit plus ordinairement par la partie en faveur de qui elle avait été rendue, laquelle était sans doute aussi invitée à comparaître[105]. Le collège[106] se retirait pour délibérer et prendre parti[107], et il rendait ensuite une sentence[108], généralement accompagnée de considérants justificatifs[109]. Cependant la ressemblance entre cette procédure et la procédure véritable est surtout extérieure[110]. La publicité est indispensable en matière de procès ; ici elle n’est pas absolument nécessaire[111]. Le droit de citation en forme, qui rentre essentiellement dans le droit de juridiction, est expressément dénié aux tribuns. Les décisions peuvent avoir été en règle prises à la majorité[112] ; mais, pour que l’intercession eût lieu, il suffisait qu’un seul des membres du collège persistât finalement à la faire[113]. Enfin le collège ne peut, comme on sait, que casser l’acte dont est appel ; il ne peut le réformer.

Les intercessions de la seconde espèce se rapportent aux actes que le magistrat accomplit en concours avec le peuple ou avec le sénat.

Les senatus consulta sont, sous ce rapport, traités de la même manière que les decreta. Au moment du vote[114], tout magistrat qui a une potestas supérieure ou même égale à celle du magistrat qui fait le sénatus-consulte, peut venir s’y opposer et dépouiller ainsi la résolution qui a été prise[115] de sa valeur légale[116] ; seulement on dresse néanmoins en général un procès-verbal régulier de la résolution, non pas en qualité de senatus consultum, mais en qualité de senatus auctoritas, dans l’espérance qu’on arrivera à lever l’opposition et alors à faire, sans nouveau débat, du contenu de ce procès-verbal un sénatus-consulte régulier[117].

Le droit d’intercession appartient par suite là au tribun contre le tribun[118] comme contre le consul[119] et le préteur[120], au consul contre le consul[121] et contre le préteur[122], mais non sans doute contre le tribun. Il n’y a pas à s’occuper des magistrats inférieurs, puisqu’ils n’ont pas le jus referendi. Dans le développement récent, l’intercession des consuls s’efface et l’intercession prend la forme exclusive d’un pouvoir exercé par le tribun contre les puissances égales ou inférieures à la sienne[123].

Au moins à partir de l’époque où les magistrats autorisés à intercéder eurent tous le droit de participer aux délibérations du sénat, l’usage fut naturellement que l’intercession s’introduisit par une menace préalable destinée à faire l’auteur de la proposition attaquée la retirer ou la modifier. La menace d’intercession pouvait encore se manifester sous la forme d’une déclaration dans laquelle le magistrat affirmait son intention de mettre obstacle à toutes les décisions du sénat tant que sa volonté n’aurait pas été faite sur un certain point[124]. En face d’une pareille menace, l’auteur de la proposition et la majorité qui était favorable à cette proposition n’avaient d’autre ressource que d’obtenir à l’amiable le retrait de l’intercession[125] et, à la dernière extrémité, de provoquer un vote du sénat blâmant formellement la conduite du magistrat comme nuisible à l’intérêt public[126].

Au reste, l’intercession dirigée contre les sénatus-consultes a été, pour certains cas, écartée par des lois spéciales. C’est ce que fit en particulier la loi Sempronia de 633, qui prohiba l’intercession contre les sénatus-consultes relatifs à l’attribution des provinces consulaires, tandis que ceux sur les provinces prétoriennes y restèrent soumis après comme avant[127].

Enfin l’intercession est admise contre toutes les rogationes, que le scrutin soit relatif à l’instance de provocatio de la procédure criminelle dont il a déjà été parlé plus haut, ou à des élections de magistrats de l’État[128], on à l’acceptation de projets de lois, soit de lois proprement dites[129], soit de plébiscites[130]. La forme des assemblées est également indifférente : l’intercession était aussi bien formée contre les questions posées aux curies[131], aux centuries[132], ou aux tribus patricio-plébéiennes[133] que contre celles adressées à l’assemblée plébéienne (note 127). Mais ces intercessions sont soumises à des règles différentes de celles qui régissent les intercessions dirigées contre les sénatus-consultes.

Elles s’en distinguent avant tout au point de vue du moment où elles sont faites. L’intercession dirigée contre un sénatus-consulte a pour condition que la résolution attaquée ait déjà été prise ; au contraire celle dirigée contre une loi n’est admissible qu’autant que cette loi n’existe pas encore. Du reste, même ici, non seulement l’intercession suppose que, sans que l’opération totale soit terminée, il y a déjà, eu un acte du magistrat. Mais il semble même qu’il ne suffit pas de tout acte préparatoire pour fonder l’intercession. Il est sinon illégal, au moins contraire à l’usage de former intercession avant que le jour du vote soit arrivé[134] ; l’intercession ne doit pas, en particulier pour les accusations et les lois, empêcher les actes préparatoires : le réquisitoire et les plaidoiries dans les premières, la suasio et la dissuasio de la rogation dans les secondes[135]. En revanche, la menace préalable de l’intercession devait naturellement jouer là son rôle ordinaire. Pour les poursuites criminelles et les lois, il est étalement contraire à l’usage, quoique peut-être légal, de former l’intercession une fois le vote commencé[136]. Le bon moment pour l’intercession était donc celui où les discussions sur la proposition étaient terminées et où le vote allait commencer. Pour les élections, qui n’admettent pas de discussions préparatoires, l’intercession parait avoir été en principe formée lorsque le rogator ouvrait le vote et que la prærogativa était à voter[137]. En tout cas la proclamation officielle du résultat rendait l’intercession impossible contre les rotations[138], tandis qu’en matière de sénatus-consultes l’intercession ne devient possible qu’avec le scrutin et n’empêche pas la proclamation de son résultat. Par suite, il n’y a, en matière de rotation, aucune expression dont le sens corresponde à celui des mots senatus auctoritas.

Une autre différence essentielle est que, si notre intercession fut bien primitivement, selon toute apparence, un pouvoir général attribué aux magistrats d’après les règles de la par majorve potestas[139], ce pouvoir fut de bonne heure perdu par les consuls et les préteurs[140] et que le droit d’intercession devint ici encore plus tôt et encore plus nettement qu’en matière de sénatus-consultes un droit exclusif des tribuns, probablement en vertu de lois spéciales qui auront enlevé aux magistrats patriciens, dès une époque relativement ancienne, le droit d’intercéder contre les rogations[141].

Enfin le droit d’intercession a encore, en dehors de cela, été écarté à plusieurs reprises par des lois spéciales pour des espèces déterminées de résolutions populaires. Ainsi ce ne peut être par le simple effet du hasard que l’on ne trouve, en matière d’élections de magistrats patriciens, aucune trace certaine de l’intercession exercée de collègue à collègue[142], et qu’il n’en est pas non plus question pour celles des tribuns du peuple[143] ; et nous voyons encore ailleurs l’emploi de l’intercession prohibé soit en face de l’élection d’autorités déterminées, soit en face de leur confirmation, par les lois mêmes qui constituent les autorités[144].

Le droit public romain ne connaît pas d’autre intercession que celle dirigée, sur un appel, contre les décrets des magistrats et celles dirigées contre les propositions de lois ou de sénatus-consultes faites par eux. Tous les autres actes des magistrats, par exemple l’entrée en fonctions, la prise des auspices, la nomination même du dictateur, qui se rapproche tant de l’élection[145], et la demande de l’auctoritas du sénat[146], ne sont, dans l’esprit du droit le plus ancien, soumises ni à l’intercession de collègue à collègue, ni à l’intercession des tribuns.

L’effet de droit produit par l’intercession est d’enlever sa force légale à l’acte de magistrat duquel il s’agit, que cet acte soit un décret, un sénatus-consulte ou une question adressée au peuple assemblé. Lorsque l’auteur de l’intercession ne poursuit que ce résultat de principe, tout est fini par l’intercession elle-même, et il n’y a pas contre elle de ressource constitutionnelle. Le jugement, le sénatus-consulte frappés d’intercession, la résolution populaire prise malgré l’intercession, sont en droit non avenus. Tant que l’on se tient sur le terrain constitutionnel, toute discussion est définitivement tranchée par l’intercession en matière législative. Mais, lorsque l’intercession est exercée d’une autre façon, il ne s’agit pas seulement de la nullité de droit, il s’agit fréquemment de savoir si le magistrat contre lequel l’intercession est formée se soumettra à cette intercession. Si, malgré l’intercession, une recrue est enrôlée, un débiteur est emprisonné, un gage pris sur un individu est détruit ou un condamné à mort est exécuté, l’intercession se trouve paralysée sinon en droit, au moins en fait. Sans doute le magistrat qui agit ainsi sans tenir compte de l’intercession commet un crime capital, et il y a des exemples de poursuites criminelles intentées de ce chef[147]. Mais ces poursuites, n’étant en principe possibles contre les magistrats supérieurs qu’après l’expiration de leurs fonctions et pouvant en outre être éludées de plus d’une façon, ont plus de valeur théorique que d’efficacité pratique, et par suite elles n’ont pour ainsi dire pas été employées. Pour que l’auxilium ne devint pas un vain mot, il fallait que l’auteur de l’intercession eût dans la main un moyen d’assurer à son acte une force suspensive et de contraindre s’il était besoin le magistrat à l’obéissance.

Le droit d’intercession se rencontre donc ici de nouveau avec le droit de prohibition. Le second s’appuie exclusivement, le premier fréquemment sur la coercition. Mais le droit d’intercession appartient à la par potestas, et le droit de coercition n’appartient qu’à la major potestas et à ses équivalents ; le domaine dans lequel l’intercession peut s’appuyer sur, la coercition est donc beaucoup plus étroit que le domaine total de l’intercession. C’est principalement pour cette raison que l’auxilium est moins représenté comme un droit générai des magistrats que comme un pouvoir attaché au tribunat du peuple, et même comme un pouvoir né avec lui. Tant qu’il n’y avait pas encore de tribuns du peuple, on pouvait bien faire appel à l’auxilium de la par majorve potestas, mais il n’avait de force suspensive que dans les cas les moins importants, dans les cas où l’appelant avait demandé le secours de la puissance supérieure contre l’inférieure. Le questeur pouvait bien être forcé sans restriction par le consul à s’incliner devant l’intercession ; mais le consul ne pouvait pas y être forcé par le consul ; si l’un des consuls donnait, par exemple, un ordre d’arrestation, son collègue pouvait bien intercéder, mais il n’avait pas de moyen de contrainte pour faire respecter son intercession. Depuis l’introduction du tribunat, il n’en est plus de même : le tribun qui intercède est, par rapport au consul, dans la même situation que le consul qui intercède par rapport au questeur ; il est par conséquent désormais possible d’employer les moyens coercitifs même contre le magistrat supérieur. — Assurément ce qui a été dit de l’emploi da la coercition en matière de prohibition du magistrat est également vrai ici. Elle n’est pas une défense, mais un ordre ; si donc l’intercession n’est pas possible contre une intercession[148], elle est parfaitement possible contre les mesures de coercition prises pour lui servir de sanction[149]. Par conséquent, si les tribuns sont tous d’accord sur l’intercession, ils sont en état de contraindre à une obéissance immédiate tous les magistrats patriciens ; mais chacun d’eux peut dépouiller de sa force suspensive l’intercession d’un ou plusieurs de ses collègues en annulant les mesures de coercition[150]. Aussi n’est-il pas en général tenu compte de l’intercession d’un tribun isolé, lorsque le magistrat est certain de la protection de ses collègues ; car, ainsi que nous avons remarqué, il n’a guère à se tourmenter des poursuites criminelles[151]. En particulier, les enrôlements, pour lesquels tout l’intérêt était dans l’effet suspensif de l’intercession, doivent avoir souvent été mis à exécution par les consuls appuyés sur l’adhésion d’une partie des tribuns contrairement à la volonté des autres[152].

Si nous jetons, pour finir, un coup d’œil rétrospectif sur les origines et le développement du droit d’intercession, il n’existe pas à l’époque royale, où l’unité rigoureuse de la magistrature rend les conflits de pouvoirs impossibles. L’intercession qui est provoquée par une appellatio et celles dirigées contre des lois et des sénatus-consultes sont toutes également des corollaires du principe de la collégialité, de la par majorve potestas, qui date de la République. On peut aussi faire remonter à la fondation de la République l’importante restriction du droit d’intercession aux trois hypothèses du decretum, du senatus consultum et de la rogatio. Ce n’est pas seulement de l’établissement de la puissance tribunicienne que daté l’existence de l’intercession ; la preuve en est, sans parler de bien d’autres indices, que l’intercession se présente comme une institution politique parfaitement développée dans la constitution des villes latines, quoiqu’elles n’aient rien emprunté aux institutions plébéiennes. Mais l’établissement du tribunat élargit sous deux rapports l’importance de l’intercession : en premier lieu, ce fut la création d’une autorité ayant et exerçant le pouvoir de défendre non pas comme accessoire du pouvoir de commander, mais à titre principal ; en second lieu, l’établissement du tribunat fit naître une puissance supérieure à. celle des consuls et par conséquent à même d’assurer par des mesures coercitives une efficacité immédiate à l’intercession dirigée contre les consuls. L’intercession se concentra dès lors de plus en plus dans les mains des tribuns du peuple. Mais cependant cela ne se fit pas dans la même mesure polir toutes ses variétés. C’est dans la matière des rogationes, où l’étendue du droit d’intercession aurait été gênante pour l’administration ordinaire, que le changement fut le plus radical : le droit d’intercession y fut probablement, dès une époque relativement précoce, enlevé par une loi aux magistrats patriciens, tandis qu’il fut laissé aux plébéiens, partie parce qu’ils veillaient avec un plus grand soin sur leurs privilèges, partie parce qu’ils étaient dépourvus d’attributions punitives ; il est possible aussi, l’interdiction de l’intercession aux autres magistrats se plaçant probablement à une époque où les tribuns étaient déjà devenus principalement des instruments du sénat, que celui-ci ait jugé avantageux de ne pas abandonner complètement la garantie qu’il avait la contre les excès de pouvoirs des magistrats. Le droit d’intercession contre les sénatus-consultes a aussi fini par devenir de fait un droit propre aux tribuns ; mais cependant il a plus longtemps conservé son caractère de généralité. C’est pour l’intercession formée sur appel que l’ancien système s’est le moins modifié, bien que ce soient encore les tribuns qui pratiquement en fassent de beaucoup le plus fréquent usage.

 

Il faut ici mentionner, à titre d’appendice, une institution étroitement parente du droit d’intercession, mais qui cependant a une base distincte, ce que l’on peut appeler le droit d’annulation existant entre collègues. L’un des questeurs urbains peut effacer la créance inscrite sur les registres publics par son collègue, et par là annuler l’obligation[153]. La nota prononcée par un des censeurs ne peut pas seulement être supprimée par l’autre : elle n’est valable que si elle est également prononcée par lui[154]. Les dispositions pénales portées par une loi au moment de sa promulgation, ne lient pas légalement les collègues du magistrat qui a fait la rogatio[155]. — Dans toutes ces hypothèses, l’intercession ne serait pas possible, et le droit exercé par le magistrat n’y est du reste jamais appelé de ce nom. II y a là probablement une conséquence de ce que la collégialité exige dans certains cas l’action commune des collègues ; comme il est prescrit de faire L’acte en commun, s’il est fait par un seul, il n’oblige pas celui qui n’y a pas participé. Seulement on ne peut pas soumettre à cette règle toutes les hypothèses dans lesquelles se rencontre l’action commune des collègues ; par exemple, il n’est aucunement établi que le sénatus-consulte provoqua par un des consuls ne soit pas valable au regard de son collègue[156]. Pour déterminer avec précision les limites de cette règle de droit, il faudrait pouvoir indiquer exactement quelles sont les hypothèses où l’action commune des collègues est non seulement permise, mais exigée par la loi ; or nous ne sommes pas à même de le faire.

 

 

 



[1] Ainsi Tite-Live, 10, 37, emploie le mot intercedere pour qualifier la prohibition d’un triomphe déjà commencé, prohibition qui n’est pas une annulation. Le même acte est désigné dans Suétone, Tib. 2, par les mots vetare aut intercedere. Cet emploi de t’expression s’explique dans une certaine mesure par le fait que l’acte du triomphe est prohibé au cours de son exécution et, par conséquent, est en partie déjà exécuté. — Dans Tite-Live, 31, 20, 5, il parait s’agir de l’intercession contre le sénatus-consulte.

[2] Le droit de commander a, d’un magistrat à un autre comme d’un magistrat à un particulier, pour condition la compétence. Le consul peut bien défendre à un magistrat inférieur qui n’est pas sous ses ordres, par exemple à un édile, d’accomplir un acte. Mais il ne peut pas lui commander d’en accomplir un. Pour l’inexécution de l’acte défendu par le consul à l’édile, ce serait le consul qui serait responsable, et, pour l’accomplissement de l’acte commandé par le consul à l’édile, ce serait l’édile. Du reste, la prohibition peut souvent être aussi bien exprimée sous forme de prescription positive. C’est la même chose d’ordonner au consul de rester à Rome ou de lui défendre de se rendre à l’armée.

[3] Cicéron, Pro Cluentio, 27, 74.

[4] Pline, Ep. 1, 23 : Qui jubere posset facere quemcumque. Salluste, Juq. 34. Le dernier cas, dans lequel un tribun du peuple donne la parole à un orateur et un autre la lui enlève et où ce dernier commandement l’emporte, montre que la défense est considérée comme dirigée non pas contre le magistrat qui donne la parole, mais contre l’orateur ; car un tribun ne pouvait retirer la parole à son collègue.

[5] La même chose peut avoir lieu à raison d’une assemblée du peuple (VI, 1).

[6] Si, un préteur dépouillant un particulier de sa propriété dans un intérêt public, ce particulier s’adresse aux tribuns pour obtenir justice (Tite-Live, 40, 30. 12), c’est parce que le préteur se fonde là sur ses fonctions ; sans cela le litige ressortirait uniquement de la justice civile.

[7] Messala dans Aulu-Gelle, 13, 16, 1.

[8] Le tribun punit un préteur, quod is eo die ; quo ipse contionem habebat, jus dicendo partem populi avocasset (De vir. ill. 73, 1). Dans une contio tenue par un tribun, un censeur ordonne à son appariteur de faire faire silence à la foule, se conduit donc comme s’il était le président ; le tribun l’accuse par suite, qued contionem ab se avocasset (Tite-Live, 43, 10).

[9] C’est ce que montre l’incident connu qui se produisit à la sortie de Cicéron du consulat (Cicéron, Ad fam. 5, 2, 7 ; In Pis. 3, 6, et ailleurs. Drumann, 5, 562). Dion, 38, 12, en raconte un analogue.

[10] L. Postumius Megelius, le consul de 460, triompha durant ses fonctions sans avoir obtenu de résolution du sénat ni du peuplé (cf. Röm. Forsch. 1, 215), auxilio tribunorum ilebis teium adsersus intercessionem seplem tribunorum (Tite-Live, Ap. Claudius, consul en 611, triompha de la même façon, sans doute aussi durant ses fonctions, en dépit de l’opposition d’un tribun du peuple (Cicéron, Pro Cælio, 14, 34 ; Suétone, Tib. 2 ; Val. Max. 5, 1, 6). Les ovations des proconsuls L. Lentulus (Tite-Live, 31, 20) et L. Manlius (Tite-Live, 32, 7) se heurtèrent également à l’opposition tribunicienne ; dans le premier cas, l’opposition tut écartée ; dans le second, le tribun l’emporta. Il ne faut pas omettre de remarquer là qu’en face d’un promagistrat une intercession proprement dite était possible, en particulier contre la rogation, qui lui attribuait l’imperium pour le jour du triomphe ; mais au contraire, en face d’un magistrat, le tribun n’avait d’autre instrument que le droit de prohibition.

[11] Tite-Live, 33, 23, 3.

[12] Des défenses de ce genre furent dirigées contre Metellus Celer, en 694 (Dion, 37, 50), et M. Crassus, en 699 (Dion, 39, 39).

[13] Salluste, Jugurtha, 39, 4.

[14] Dans Tite-Live, 9, 34, un tribun ordonne d’abdiquer au censeur Ap. Claudius qui prolonge sa censure au delà du terme légal de 13 mois. L’expiration dit délai ne met pas fin ipso jure aux fonctions ; car autrement il n’y aurait pas besoin de prohibition ; le censeur apparaît comme ayant le droit formel d’exercer ses fonctions un temps plus long, mais comme abusant de ce droit.

[15] Tite-Live, 30, 23, 3.

[16] Tite-Live, 27, 5 (cf. 30, 24, 3) ; le fait que le préteur agit sur le mandat du sénat n’y change rien. D’après Dion, 42, 23, le consul Isauricus fit, sans y être autorisé par un sénatus-consulte, enlever par ses licteurs la loi promulguée par le préteur M. Cælius.

[17] Le consul de 697, Metellus Nepos ordonna au préteur (urbain) de ne pas procéder au tirage au sort du jury, pour un procès de vi, autrement que par l’intermédiaire des questeurs qui pour le moment n’existaient pas (Dion, 39, 7, rapproché de Cicéron, Ad Q. fr. 2,1, 2), c’est-à-dire de s’en tenir pour cette opération à la lettre de la loi, au lieu de faire lui-même le tirage à défaut de questeur, comme on le lui demandait d’un autre côté.

[18] Elle n’est mentionnée que dans un seul texte, Tite-Live, 4, 43. Il serait aussi inconcevable d’après la logique des principes juridiques qu’en présence des considérations pratiques, que les tribuns dit peuple aient eu le droit d’empêcher l’établissement de l’interregnum (Chronol., p. 98 ; Forsch. 4, 232). Mais les tribuns pouvaient bien menacer d’arrestation ou de saisie tout patricien qui participerait à l’acte et en particulier celui qui recevrait le titre d’interroi ; et l’annaliste qui a inventé ce trait peut avoir pensé à quelque chose de pareil. Car il n’est guère à croire qu’il ait voulu anticiper l’usage du sénatus-consulte postérieurement usité pour convoquer les patricii, puisque ce sénatus-consulte ne peut être rendu que sous la présidence d’un tribun. Dans la réalité, il n’est guère possible qu’il ait même été fait aucun usage de ce mode d’empêchement indirect. En somme il va de soi que les tribuns n’exerçaient pas facilement leur droit de prohibition contre des actes formels constitutionnellement prescrits et nécessaires.

[19] Le sénat, par lui-même, n’a pas ce pouvoir. Les décrets de lui qui invitent des magistrats supérieurs du rang le plus élevé à s’abstenir d’exercer leurs, fonctions soit à raison de l’irrégularité de l’élection (Plutarque, Marc. 4), soit pour d’autres motifs (comme la décision prise en 692 contre le préteur César et le tribun du peuple Metellus : Suétone, Cæs. 46 ; Plutarque, Cat. maj. 29 ; Drumann, 3, 482), ne peuvent légalement être considérées que comme une invitation à le faire volontairement. La désobéissance à. cette invitation ne peut être réprimée par le sénat lui-même, mais seulement par les magistrats qui voudront bien se prêter à répéter l’invitation en leur propre nom.

[20] Le dictateur L. Quinctius suspendit ainsi, en 298, le consul L. Minutius, d’après Tite-Live, 3, 29, 2, et Denys, 10, 25. Les deux versions regardent ceci par erreur comme une abdication ; mais le fait de la suspension ressort clairement dans Tite-Live, des mots : Tu donec consularem animum incipias habere legatus his legionibus præeris. L’événement de 352 raconté par Tite-Live, 5, 9, est semblable : le dictateur force les tribuns consulaires à abdiquer, sans doute en leur défendant d’exercer leurs fonctions et en les menaçant d’arrestation au cas de désobéissance.

[21] Tite-Live, 8, 36, 1. Il ne faut pas confondre avec ce cas celui où le dictateur ordonne d’abdiquer au maître de la cavalerie, pour préparer sa propre retraite (Tite-Live, 4, 34, 5).

[22] De viris ill. 72, 6. Dion, 42, 23, (cf. Quintilien, Inst. 6, 3, 25, et César, B. c. 3, 21). Cf. Vita Marci, c. 12.

[23] Cicéron, Verr. 3, 58, 134. Cf. Divin. in Cæcil. 11, 35. Un exemple dans Dion, 36, 23. De même, le consul qui a le commandement militaire renvoie de sa circonscription à Rome le préteur en faute (Tite-Live, 32, 7, 7. 39, 3, 31. C’est aussi à cela que se rattache le renvoi du gouverneur de Syrie, Cn. Piso, prononcé par Germanicus, en l’an 19 de l’ère chrétienne, en vertu de son imperium majus (Tacite, Ann. 2, 70 : Addunt plerique jussum provincia decedere, ce qui est ensuite, c. 76, qualifié d’ademptio provinciæ). Pison considéra cette déposition comme illégale, parce qu’il n’avait pas reçu ses pouvoirs de Germanicus, mais de l’empereur (Tacite, 2, 77. 80). Mais c’était à tort ; car le majus imperium de Germanicus avait été étendu expressément aux légats impériaux (Tacite, 2, 43, rapproché de 3, 12). En dehors de cela, le principe qu’il invoquait était vrai en soi, le légat impérial de Syrie ne pouvait sans doute déposer ni le légat de légion ni le procurateur de la province, puisqu’ils tenaient aussi bien que lui leurs pouvoirs de l’empereur.

[24] Contre Ap. Claudius, en 444, lorsqu’il refusa d’abdiquer au bout de 18 mois (Tite-Live, 9, 34) ; contre M. Æmilius Scaurus, en 645, lorsqu’il refusa pareillement d’abdiquer après la mort de son collègue (Plutarque, Q. R. 50). Il n’est question ici que de l’arrestation ; mais visiblement elle avait été précédée d’un ordre de suspendre l’exercice des fonctions.

[25] Differt vadimonia prætor, Juvénal, 3, 213. Vadimoniaque ejus diei di[ferri], C. I. L., X, 3903, dans un décret funéraire municipal.

[26] Cicéron, De Har. resp. 26, 55. Plutarque, Ti. Gracchus, 10.

[27] D’après Cicéron (Pro Planc. 14, 33, avec les scolies, p. 253), le consul P. Nasica (sans doute, celui de l’an 643) demande au præco Granius, edicto justitio, quid tristis esset ? an quod rejectæ auctiones essent ? immo vero, répond Granius, quod legationes. Le justitium devait avoir été provoqué par l’explosion de la guerre de Jugurtha.

[28] Cicéron, Brut. 89, 304. Le justitium établi pendant la guerre sociale s’étendait naturellement aussi peu aux tribunaux d’exception institués précisément la raison de cette guerre qu’aux opérations militaires elles-mêmes.

[29] Tite-Live, 3, 27, 2 ; 4, 32, 1. 9, 1, 8.

[30] Plutarque, Ti. Gracchus, 10. En revanche, le conseil ou le préteur ne peut, à l’aide du justitium, réduire le tribun du peuple à l’inaction. Il peut seulement retarder indirectement l’adoption de plébiscites par la fixation des feriæ, quas consules vel prætores pro arbitrio potestatis edicunt (Macrobe, Sat. 1, 16, 6) ; c’est ce que tentèrent par exemple les consuls de 666 contre le tribun du peuple P. Sulpicius (Plutarque, Sull. 8).

[31] Tite-Live, 10, 21, 6. Cf. 3. 3, 8.

[32] Tite-Live, 7, 9, 6. Cicéron, Phil. 5, 12, 31. De même, op. cit. 6, 1, 2. Une poésie de la fin du IVe siècle (Hermes, 4, 355, ligne 32) dit encore : Quis tibi justitium incussit, pulcerrima Roma. ad saga confugerent, populus quœ non habet olim ? Autres exemples dans Tite-Live, 3, 3, 8. c. 5, 4. 4, 26, 12. 6. 7, 1. 5, 6, 12. c. 23, 3. 10, 4. 2. c. 21, 3. Cicéron, Brut. 89, 304. Suétone, Galb. 10.

[33] Dion, 59, 7.

[34] On en a l’exemple après la nouvelle de la bataille de Candium (Tite-Live, 9, 7. 8) ; après la mort de Sulla (Granius Licin. éd. de Bonn., p. 44) ; surtout sous le principat en présence de décès princiers. Inscription de Rome (dans mon éd. du Mon Ancyr. 2e éd. p. 54 = C. I. L. VI, 895). Dans un autre qui concerne certainement Gaius (Monum. Ancyranum, 2e éd. p. 115 = C. I. L. IX, 5290), il y a : Romœ justit[ium indictum est] donec ossa ejus in [ma]esol[œum inferrentur]. Il en fut de même pour Auguste (Tacite, Ann : 1, 16. 50), Germanicus (Tacite, Ann. 2. 82. 3, 7), le jeune Drusus (Suétone, Tib. 53), Drusilla (Suétone, Calig. 24), Antonin le Pieux (Vita Marci, c. 7). Il se peut qu’un justitium fut lié à tout funus publicum, bien que seulement pour le court espace de temps que le convoi funèbre passait sur le Forum. — Un justitium à cause d’une famine, dans Dion, 55, 26.

[35] Le droit de prohibition ne se confond pas pour cela avec le droit de coercition. La coercition est immédiatement dirigée contre un acte illicite en soi ; l’acte licite, dans la mesure où le magistrat peut le défendre n’est englobé dans le domaine de la coercition que par cette défense.

[36] Lors de l’établissement de son justitium, Ti. Gracchus menaça par écrit de prononcer une amende contre tout préteur qui y contreviendrait, et personne n’osa agir à l’encontre de cette défense du tribun, subversive de l’État, mais régulière en la forme (Plutarque, Ti. Gracchus, 10. Tite-Live, 42, 21, 4). On peut rapprocher de cette procédure celle suivie contre Camille, qui fut menacé par un plébiscite d’une grosse amende, si pro dictatore quid egisset (Tite-Live, 6, 38, 9). Une suspension véritable, qui rende juridiquement impossible d’exercer efficacement les fonctions, ne peut être prononcée ni par le magistrat supérieur, ni par le peuple.

[37] La situation ressort clairement dans les suspensions des deux censeurs citées plus haut. Dans les deux cas, les tribuns n’usent pas arbitrairement de leur droit ; ils en usent pour la défense de la constitution existante, ou tout au moins de la coutume, et ils réussirent, dans le second cas, en menaçant Scaurus d’arrestation, mais, dans le premier cas, la menace fut paralysée par l’opposition de leur collègue et Appius continua b exercer ses fonctions. De même l’ordre tribunicien adressé à M. Crassus de ne pas se rendre dans sa province échoua, parce que les collègues de son auteur ne consentirent pas à l’arrestation.

[38] Ainsi le consul Megellus se défendit, lors de son triomphe, contre l’arrestation dont le menaçaient sept tribuns par l’intercession des trois autres ; de même le censeur Appius fut défendu contre l’arrestation dont il était menacé à raison de la prolongation de ses fonctions par trois tribuns contre sept.

[39] Ainsi la vestale Claudia, en empêchant le tribun de mettre la main sur le consul, dans le triomphe de 641, empêcha l’arrestation de ce dernier, (Cicéron, Pro Cæl. 14, 34. Val. Max. 5, 4, 6. Suétone, Tib. 2. Handb., 6, 341 = tr. fr. 13, 23).

[40] Pour peu que l’on y réfléchisse sans prévention, la question de savoir si l’intercession agit à titre rescisoire ou prohibitif est plus une question de mots qu’une question de fond. Il s’agit toujours d’un acte juridique qui sert lui-même de fondement é d’autres actes juridiques. Il n’est ni ne peut être contesté que, si le premier acte est frappé d’intercession, il ne peut servir de fondement aux suivants. Or c’est absolument la même chose d’exprimer ce résultat en disant que les éléments de la série juridique qui se placent dans le passé sont regardés en droit comme n’existant pas, c’est-à-dire comme annulés, ou de dire que ceux qui se placent dans l’avenir ne peuvent plus se produire et que, si en fait ils se produisent, ils sont tenus pour non existants, c’est-à-dire pour directement prohibés. Cependant la première idée est plus conforme aux sources ; car l’intercession n’intervient jamais, tant que l’acte juridique en jeu est encore à venir et la prohibition a régulièrement pour conséquence la simple coercition et non la nullité de l’acte. La prohibition est logiquement concevable, même si on lui donne la nullité pour conséquence dès avant que l’acte soit commencé. Mais l’intercession ne demande pas seulement que l’acte soit commencé, elle demande aussi, quand il s’agit d’un décret on encore d’un sénatus-consulte, qu’il soit accompli. Relativement aux lois, l’intercession ne demande pas que le vote définitif ait eu lieu, elle est au contraire exclue par lui, parce que la décision qui vient d’être rendue par le peuple souverain ne peut pas convenablement être écartée. Mais là encore elle exige au moins l’accomplissement de quelqu’un des actes préparatoires sans lesquels le vote définitif ne peut avoir lieu. Même dans les hypothèses rares où le mot intercedere se trouve employé sans qu’il y ait d’annulation, l’acception anormale dans laquelle le mot se trouve pris s’explique par le fait que la prohibition n’est pas dirigée là contre un acte futur, mais contre un acte en vraie de s’accomplir. Nous regarderons donc, d’une part, à l’exemple des anciens, l’intercession comme une des formes de la prohibition, en même temps que, d’autre part et de préférence, nous lui reconnaîtrons un effet rescisoire. Les deux conceptions sont justes ; mais la seconde est la plus rigoureusement exacte.

[41] La définition la plus énergique du principe est donnée, — elle se rapporte là au seul tribunat, mais elle est vraie partout, — par Plutarque, Q. R., 81. La comparaison de l’intercessio du droit public avec l’exceptio du droit privé nous vient certainement des meilleures sources Romaines. — L’intercession du droit public ne ressemble que de nom à celle du droit privé. L’intervention d’un tiers en faveur d’une personne obligée n’a rien de commun avec l’intervention du magistrat.

[42] Bien entendu en supposant qu’il n’y ait pas ensuite d’intercession. Lorsque le consul défend é un préteur de présenter une loi et que le préteur le fait néanmoins, la présentation est valable, mais en régie le consul intercédera et empêchera par là la loi de passer. Quand plus tard les consuls perdirent le droit d’intercession contre les rogations, ils eurent bien encore, en pareil cas, le pouvoir de punir, mais non plus celui d’empêcher. Et c’est précisément la conclusion à laquelle à conduit l’incident de 597 étudié plus loin.

[43] Ulpien, præf. 2.

[44] Lorsque, par exemple, Tite-Live, dit, 6, 33. 6 : intercessionem secessione quondam plebis partum, il n’a visiblement pas eu clairement présent à l’esprit que l’intercession consulaire existait dès avant l’intercession des tribuns.

[45] La régie encore plus de logique que de droit positif : In re pari potiorem causam esse prohibentis (Digeste, 10, 3, 28) est souvent formulée à propos du tribunat du peuple, ainsi dans Plutarque, Cat. min. 28, et de même, Ti. Gracch. 10, dans Sénèque, Controv. 1. 5, 3, dans Tite-Live, 2, 44, 3. Mais il n’y a là qu’une application particulière du principe général. Le principe est aussi exact pour l’intercession consulaire, ou pour toute autre intercession, que pour l’intercession tribunicienne. Les annales font particulièrement ressortir l’intercession non tribunicienne exercée entre collègues, relativement aux consuls de 259 (Tite-Live, 2, 27, 1) et relativement aux décemvirs consulari potestate (Tite-Live, 3, 31, 8 ; c. 36, 6). Dans le premier cas, c’est pour marquer la transition de l’intercession entre collègues à l’intercession tribunicienne, introduite en 266. Dans le second, c’est parce que le tribunat était suspendu pendant le décemvirat.

[46] En ce sens, on peut dire du consulat, comme du tribunat, qu’il a été créé en vue de l’intercession ; et c’est à quoi pense Tite-Live, 2, 18, en comparant le consulat à la dictature. De même, 2, 27, 1 ; Denys, 5, 9 ; Suidas, v° ύπατος.

[47] Elle est aussi bien appliquée au pouvoir législatif des tribuns qu’à leur pouvoir de coercition ; ainsi dans Tite-Live, 2, 43, 3. c. 44, 3. 4. 4, 48. 5, 29, 6. 6, 35, a 37, 3 ; dans Denys, 9, 4. 10, 30. 31.

[48] Ainsi le préteur Verrés annula, après qu’elle était terminée, une procédure qui avait été renvoyée devant des récupérateurs par son questeur, auquel la juridiction civile devait donc nécessairement avoir été déléguée par lui (Cicéron, Divin. 17, 56).

[49] La preuve décisive sur ce point est fournie par le chapitre 27 de la loi municipale de Salpensa qu’il semble à propos de reproduire intégralement. De intercessione IIvir(um) et ædilium [et] q(uæstorum). Qui IIvir(i) aut ædiles aut quæstores ejus municipi erunt, his IIvir(is) inter se et cum aliquis alterutrum eorum aut utremque ab ædile ædilibus aut quæstore (quæstores sur la table) quæstoribus appellabit ; item ædilibus inter se ; [item quæstoribus inter se] intercedindi in triduo proxumo quam appellatio facta exit poteritque intercedi, quod ejus adversus h. l. non fiat et dum ne amplius quam semel quisque eorum in eadent re appelletur, jus potestasque esto, neve quis adversus ea quid, quom (la table quicquam) intercessum exit, facito. Les mots entre [ ] manquent sur le bronze. L’application par analogie de ces dispositions à Rome ne me parait prêter à aucun doute. Le défaut de documents relatifs à de telles intercessions ne peut constituer une objection sérieuse ; car, d’une part, nous sommes généralement très peu renseignés sur l’administration des magistrats inférieurs, et, d’autre part, la limitation de fait de l’intercession au cercle des attributions de l’intercédant, dont nous parierons plus bas, a exercé ici une action restrictive.

[50] D’après Val. Max, 7, 7. 6, Mamercus Lepidus, consul en 677, annula, sur l’appellatio qui lui fut adressée, une bonorum possessio secundum tabulas accordée par le préteur urbain (cf. Niebuhr, Rœm. Gesch. 3, 39 = tr. fr. 5, 46).

[51] Cicéron, De re p. 2, 33, 58. Le même, De leg. 3, 7, 16. Tite-Live, 2, 33, 1. Appien, B. c. 1, 1. Denys, 11, 54, et d’autres textes.

[52] Tite-Live, 43, 46, 5,

[53] Aulu-Gelle, 4, 14. Val. Max. 6, 1, 7.

[54] Tite-Live, 33, 42.

[55] Assurément la par potestas semble se rencontrer dans certaines hypothèses rares et anormales, par exemple lorsque deux préteurs commandent sur le même territoire. Mais peut-être ignorons-nous simplement les règles qui l’excluaient alors.

[56] Cicéron, De leg. 3, 3, 6, traite de l’intercession de la par majorve potestas et de la provocatio ad populum, et il les réunit toutes deux sous l’idée de provocatio, en faisant rentrer l’appellatio dans la provocatio. Lorsqu’il continue ensuite en disant : Militiæ ab eo qui imperabit provocatio nec esto quodque is qui bellum geret imperassit jus ratumque esto, il exclut par là aussi bien l’intercession de la par majorve potestas que la provocatio proprement dite.

[57] Ainsi note 50. On peut, il est vrai, objecter que ce fait a lieu sous l’empire éphémère de la législation de Sulla sur les tribuns et qu’il est possible qu’une extension du pouvoir d’intercession des consuls y ait correspondu à la mutilation de celui des tribuns. — Lorsque l’auteur, ad Herenn. 2, 13, 19, dit : Ea (judicata) sæpe diversa sunt, ut aliud alii judici aut prætori aut cansuii aut tribuno plebis placitum sit, ce n’est pas, semble-t-il, à la juridiction administrative des censeurs et des consuls, mais au pouvoir d’intercession des consuls qu’il fait allusion.

[58] Cicéron, Verr. l. 1, 46, 119. Le scoliaste, éd. Orelli, p. 192, n’ajoute rien à ce qui est déjà dans le texte. La compétence propre de Pison n’est pas connue autrement ; mais il y a les plus grandes vraisemblances qu’il était préteur pérégrin. M. Cælius, qui administrait probablement aussi la préture pérégrine, essaya également d’intercéder contre les décrets da préteur urbain C. Trebonius (César, B. c. 3, 20 ; d’où inexactement Dion, 42, 22).

[59] Le langage de Cicéron (note 58) permet de voir qu’en face du préteur urbain Verrés, l’intercession ne pouvait pas être obtenue de l’un des consuls ou d’un préteur quelconque, mais exclusivement du seul préteur L. Pison, qui ne pouvait être que le préteur pérégrin.

[60] C’est ce qui résulte du silence absolu des sources relativement, anse appellations et aux intercessions qui  auraient été dirigées contre des sentences de jurés, surtout si on le rapproche des indications fréquentes de l’intervention des unes et des autres contre les décrets rendus par le préteur en matière de procédure civile. Celui qui se prétendait lésé, non pas par le décret du magistrat qui avait institué le tribunal ou par la formule délivrée par lui, mais par la sentence du juré ou des jurés, n’avait à sa disposition aucune voie d’appel régulière. Le magistrat qui avait institué le jury, ou son successeur pouvait, à titre extraordinaire, soumettre l’affaire à un nouvel examen des mêmes jurés qui avaient rendu la première sentence ; cela s’est produit en particulier dans le cas où il était allégué que la première sentence n’avait pas été rendue librement (Cicéron, Pro Flacco, 21, 49), mais cela s’est produit également dans d’autres hypothèses où des circonstances exceptionnelles paraissaient requérir une modification de la sentence (Val. Maxime, 5, 4, 7). C’est un cas de restitutio in integrum ; et l’exercice de ce droit exceptionnel fut restreint dans d’étroites limites. Ou ne petit même pas établir qu’une telle rescision intervint, à l’époque de la République, au cas de corruption du juge ; à l’époque impériale, il y a au moins une hypothèse où c’est admis. Cf. tome V, la théorie de la Juridiction civile de l’Empereur.

[61] Aulu-Gelle, 13, 12, 9. Une saisie de gage accomplie en dehors du territoire où les tribuns sont compétents, n’est pas soumise à l’intercession des tribuns (Denys, 8, 87). Des tribuns zélés s’attachent à la personne des divers magistrats afin d’intercéder contre eux (Tite-Live, 4, 55, 3). Par suite aussi, on se garantit contre l’intercession, en ne se laissant pas approcher par le tribun (Cicéron, In Vatin. 9, 21). Cette règle se retrouve au reste partout, aussi bien pour l’intercession fondée sur une appellatio que pour celle dirigée contre des lois ou des sénatus-consultes. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire que le magistrat qui intercède assiste à l’acte contre lequel il intercède, il suffit qu’il notifie personnellement la défense à l’auteur de cet acte ; les tribuns ont intercédé contre des sénatus-consultes dés l’époque où ils ne siégeaient pas encore dans la curie, et lis ont souvent intercédé contre des décrets d’ordre judiciaire dont ils n’avalent eu connaissance que par l’appellatio. Lorsque Zonaras, 7, 13, dit le contraire, son allégation est doublement erronée ; car l’intercession ne conduit pas à un débat devant le peuple. Naturellement il n’est pas douteux que la menace de l’intercession a dû souvent suffire pour déterminer le préteur à modifier son décret.

[62] Il sera traité des délais de l’intercession qui intervient sur une appellatio, en même temps que d’elle-même. Pour les sénatus-consultes, un certain intervalle a dû être admis, tant que les tribuns n’ont pas eu le droit d’entrer dans la curie. Quant aux rogationes, l’intercession, ne devant pas être dirigée contre le vote, mais seulement contre les actes qui le préparent, elle se trouve par là même limitée quant au temps dans lequel elle doit se produire.

[63] Cicéron, Verr. l. 1, 46, 119.

[64] Par exemple, l’intercession n’est pas possible contre la nota des censeurs et l’est contre leurs décrets.

[65] On peut objecter que l’intercession est moins un droit de la partie lésée que de la par majorve potestas. Mais Cicéron l’attribue au civis, d’ailleurs en la rapprochant de la provocation, et je ne trouve point de preuve certaine en sens contraire. La décision tribunicienne, sur le point de savoir si un non citoyen tombe sous le coup d’un décret d’expulsion du collège (Cicéron, Verr. l. 2, 41, 100) ne se rapporte pas à une appellatio.

[66] Cicéron, Pro Tull. 38.

[67] Cf. encore, en général, Pline, Ep. 1, 23. Asconius, In Milon. p. 47.

[68] D’après Asconius, p. 84, le préteur pérégrin M. Lucullus constitua un tribunal pour l’action intentée par les Grecs contre C. Antonius.

[69] Cicéron, Pro Tull. 88. La contestation sur le point de savoir si le représentant du défendeur devait être admis à le défendre sans fournir la caution judicatum solvi, à raison de laquelle Alfenus en appela du préteur aux tribuns (Cicéron, Pro Quinct. 7, 29, 20, 63. 64), rentre dans le même ordre d’hypothèses.

[70] Tite-Live, 6, 27, 8. 19.

[71] Val. Max. 7, 7, 6.

[72] L’unique exception est l’hypothèse rapportée par Cicéron. In Vatin. 14, 33. Vatinius est accusé lette Licinia et Julia ; le préteur C. Memmius le cite par édit pour le trentième jour ; Vatinius fait ce jour-là appel aux tribuns, ne causant diceret. Cicéron qualifie ce mode de procéder d’in omni memoria inauditum, parce que le tribun, auquel il a fait appel, jure more potestate judicia impedire non posset. Mais il est plus remarquable que, d’après le scoliaste, l’intercession n’est pas dirigée contre le quæsitor, mais contre Memmius qui a organisé la quæstio, probablement comme préteur urbain. Cela porte à penser que l’intercession était inadmissible, non seulement contre les actes des jugés, mais contre ceux de leurs présidents, que ce fussent des préteurs ou d’autres quæsitores, et qu’en revanche elle pouvait intervenir, dès lors que le préteur chargé de la juridiction civile était mêlé à la procédure et pour les actes par lesquels il y était mêlé. — Les autres hypothèses où l’intercession parait intervenir dans la procédure des quæstiones tirent leur origine de confusions. L’accusation dirigée contre César par un tribun du peuple n’est certainement qualifiée de postulatio que par suite d’une erreur de Suétone (Cæs. 23). Dans Asconius, In Mil. p. 47, il s’agit probablement d’une action civile d’injure. L’intervention des tribuns dans le procès repetundarum de Macer (Plut. Cie. 9) et dans le procès de meurtre d’Oppianicus (Cie. Pro Cluent. 27, 74) prouve moins pour leur droit d’intercession que contre lui. La défense générale de judicia impedire portée par le sénat (Cicéron, Ad Q. fr. 2, 1, 2), ne prouve rien ; il est assurément fait allusion en première ligne aux tribuns ; mais ils avaient, en dehors du droit d’intercession, assez de moyens d’arrêter les travaux des tribunaux.

[73] La tradition ne nous apprend rien sur l’origine du tribunal des centumvirs ; mais il n’y a pas de raison pour qu’il ait été fondé avant les quœstiones perpetuæ dont la nature est la même, et il y en a beaucoup pour qu’il ne l’ait pas été auparavant.

[74] Les clauses qui défendent l’intercession contré certains procès ne sont pas rares dans les lois du VIIe siècle. Ainsi la loi Rubria, 1, 51, porte : Nieve quis mag(istratus)... intercedito neive quid aliud facito, quo minus de ea re ita judicium detur judiceturque. La même clause, seulement sans mention expresse de l’intercession, se retrouve dans la loi repetundarum, ligne 69, et peut être rapportée directement à notre matière. Des clauses semblables se trouvent dans la table de Bantia, ligne 19, nu le serment prescrit est de ne pas intercéder et de ne pas agir autrement contre la loi, et dans la loi Julia municipalis, ligne 462. La table de Salpensa indique également des exceptions de ce genre. En revanche le droit d’intercession est expressément reconnu dans la loi agraire, ligne 36. Nous trouverons des limitations semblables apportées par des lois spéciales au droit d’intercession contre les sénatus-consultes et contre les lois.

[75] Tite-Live, 3, 24, 7.

[76] Tite-Live, 3, 13, 6. c. 56, 5. 25, 3, 15, etc.

[77] Aulu-Gelle, 4, 14.

[78] Tite-Live, 8, 33, 7. 9, 26, 10. 16, parle d’intercession en matière de procès criminels du dictateur ; cependant son récit prête à des objections multiples.

[79] Cette hypothèse d’intercession est visée par Cicéron, De leg. 3, 3, 6 : Magistratus nec obœdientem et noxium civem mulla vinculis verberibusve cœrcelo, ni par majorve potestas populusve prohibessit, ad quos provocatio esto. S’il dit ensuite § 9 : Tribuni... sunto quodque ii prohibessint... ratum esto, cette addition particulière n’est faite qu’à cause du poids spécial de l’intercession des tribuns.

[80] Appel contre l’acte de nomen recipere ou de causam dicere, Tite-Live, 9, 26, 10. 16 ; contre le diem dici, Tite-Live, 3, 59, 2 ; contre le cum populo agere, Aulu-Gelle, 4, 14.

[81] Tite-Live, 3, 13, 5. 6. c. 56, 5. c. 59, 2, et beaucoup d’autres textes, Cicéron, De har. resp. 16, 34.

[82] Tite-Live, 26, 3, 8. Le tribun, annonce une poursuite criminelle en paiement d’amende, niais, avant d’avoir statué sur elle, il l’abandonne et transforme l’affaire en procès capital.

[83] Cicéron, De leg. 3, 3, 6 ; Tite-Live, 37, 51, 4.

[84] Tite-Live, 3, 24, 7.

[85] Tite-Live, 23, 3, 15.

[86] Tite-Live, 2. 55, 5. Ep. 59. Tacite, Ann. 14, 48.

[87] Il faut encore classer ici le fait qu’un citoyen auquel les consuls refusent la parole avant le vote et qu’ils font emmener (summoveri) en appelle aux tribuns (Tite-Live, 3, 74, 4) ; car cette expulsion n’est pas autre chose que l’arrestation pratiquée en matière de coercition.

[88] Cicéron le dit (De leg. 3, 3, 6). Exemples dans Tite-Live, 2,55, 5. 3,56, 5. 8, 33, 7. 37, 51, 4. Denys, 9, 30.

[89] Tite-Live, 2, 43, 3. c. 55, 4. 3, 25, 0. 4, 1, 6. c. 42, 5. c. 30, 15. c. 53, 2. c. 55, 2. 6, 27, 10. 42, 32. 33. Denys, 8, 87. 9, 1. 5. 39. 10, 13. 26. 11, 50. Salluste, Jug. 39. Dion, 39, 39, et beaucoup d’autres textes. Nous plaçons ici les décisions sur l’obligation au service militaire, en tant qu’elle est, à l’égal de l’obligation au paiement de l’impôt, régie par les principes du droit du patrimoine de l’État. Quand l’affaire est, comme cela peut aussi avoir lieu, portée sur le terrain criminel, cette intercession appartient à la deuxième espèce. Dans une hypothèse comme dans l’autre, l’intercession n’est pas dirigée contre l’appel de l’individu au service, mais contre les mesures de coercition qui l’atteignent s’il : ne s’y rend pas, et en particulier contre son arrestation. Tite-Live dit, 3, 11, 1 : Citati pauci... quemcumque lictor jussu consulis prendisset, tribunus mitti jubebat, et Denys, 8, 81. De même, 11, 54.

[90] Tite-Live, 4, 60, 5. 5, 12 ; 3, et surtout 33, 42. Il parait résulter de Tacite, Ann. 13, 28, que les intercessions des tribuns contre les procédures d’exécution des questeurs furent le motif pour lequel Néron transféra la surveillance de l’Ærarium à des préfets. Les préfets, en leur qualité de représentants de l’empereur, étaient sans doute soustraits à cette intercession. En revanche, dans Tite-Live 6, 39, 1 (et. c. 31, 4), la plèbe est obligée de se soumettre au tributum, quia quem dilectum impedirent non habebant tribuni plebis.

[91] Telle est l’arrestation de L. Scipion pour une amende légalement prononcée qu’il n’était pas en état d’acquitter (Aulu-Gelle, 6 [7], 19, 5 ; Tite-Live, 33, 56 ; Hermes, 1, 195 = Römisch. Forsch. 2, 472). La version falsifiée d’après laquelle Scipion aurait été condamné a raison d’un furtum publicum, dans des formes semblables à celles de la procédure civile, a des dommages intérêts qu’il ne pouvait payer (Tite-Live, 33, 58. 60 ; Hermes, 1, 178 = Römisch. Forsch. 2, 445), aboutit au même résultat en ce qui concerne l’arrestation et l’intercession. La différence entre cette arrestation et l’arrestation du droit criminel consiste en ce que celle du droit criminel a pour but d’assurer la comparution de l’accusé au jour du jugement et par suite est en règle écartée par la constitution de vades, tandis que cella du droit privé suppose un jugement passé en force de chose jugée et qu’on ne peut s’en défendre que par le paiement ou par la constitution de prudes qui est équivalente au paiement.

[92] Tite-Live, 33, 60, 4. L’intercession pouvait donc s’étendre à cette hypothèse.

[93] Les règles rigoureuses qui régissent la représentation en matière d’actio ne paraissent pas s’être appliquées en matière d’appellatio ; l’appel est adressé pour Scipion aux tribuns, d’après une version (Aulu-Gelle, 6 [7], 39, 3) par son frère, d’après l’autre (Tite-Live, 38, 58, 3) par un de ses parents.

[94] Les tribuns sont désignés une quantité innombrable de fois comme ceux, plebes quos pro se contra vim auxilii ergo creassit, selon l’expression de Cicéron, De leg. 3, 3, 9 ; de même, 3, 7, 19 ; Pro Quinct. 20 ; 63 ; De re p. 2, 33 ; Claude, dans le discours de Lyon, 1, 20 ; Tite-Live, 2, 33, 3. 3. 3, 13, 6. c. 19, 9. 6, 37, 1. Denys, 6, 89. 7, 17. 22. 52, 1O, 4. 34 ; Appien, B. c. 1, 9, 33, et ailleurs. Hais Tite-Live, 2, 18, emploie également le mot auxilium pour designer l’intercession des consuls, et il est encore vrai ici que toutes les règles et tous les termes qui se rencontrent pour l’intercession des tribuns se révèlent, à un examen plus approfondi, comme s’appliquant d’une manière générale à toutes les intercessions.

[95] Il est inutile de fournir des exemples de l’emploi technique de ce mot. Cicéron la remplace par provocatio, par suite du zeugma qu’il fait dans De leg. 3, 3, 6 ; la même chose est faite sans la même excuse par les écrivains de l’époque impériale, par exemple par Aulu-Gelle, 4, 14, 6 [7], 19, 3 ; et souvent par les jurisconsultes, du temps desquels la provocation avait disparu et il ne subsistait que l’appel.

[96] Les arguments dans ce sens sont en première ligne la table de Salpensa, qui ne permet l’intercession que cum aliquis appellabit ;  puis Tite-Live, 4, 53, 2 ; enfin les faits racontés par César, B. c. 3, 20.

[97] Digeste, 49, 4, 1, 5, et ailleurs.

[98] Nous ne connaissons ce délai en matière d’intercession que par la loi municipale de la cité latine de Salpensa ; son antiquité et son application à Rome ne peuvent être prouvées, mais ne sont pas invraisemblables.

[99] Nous ne connaissons encore cette prescription que par la loi municipale de Salpensa. Puisque cette loi ne s’occupe que de l’interpellatio qui a lieu en vertu d’une appellatio, c’est en tout cas de cette hypothèse qu’il s’agit ici.

[100] On pouvait indifféremment faire appel d’une manière générale aux magistrats compétents ou spécialement à l’un d’entre eus (alterutrum eorum aut utrumque, dit la loi de Salpensa). On rencontre aussi pour les tribuns l’appel adressé individuellement (nominatim) à un seul d’entre eux (Cicéron, In Vat. 44, 33) ; mais, dans les cas de beaucoup les plus nombreux, l’appellatio s’adresse à tout le collège ou, plus exactement, à chacun des tribuns en particulier (Tite-Live, 43, 16, 5. 10).

[101] Tite-Live, 43, 33.

[102] Cognoscere est l’expression technique. Asconius, In Mil. 14, 37, p. 47. Tite-Live, 42, 32, 8. Aulu-Gelle, 6 [7], 19, 4. Juvénal, 1, 223.

[103] Tite-Live, loc. cit., donne le discours du représentant des centurions qui en ont appelé aux tribuns. Ailleurs (Asconius, p. 84), l’appelant fortifie sa demande par un serment.

[104] Pour le dilectus, par le consul : Tite-Live, loc. cit. Pour une procédure, par le préteur : Tite-Live, 38, 60, 1.

[105] Capiton, dans Aulu-Gelle, 13, 12, 4 ; Tacite, Ann. 13, 28.

[106] De conl(egarum) sententia, dit l’inscription C. I. L., I, 593 ; pro collegio : Tite-Live, 4. 26, 9 ; ex collegii sententia : Tite-Live, 4, 53, 7 ; pro collegii sententia : Tite-Live, 4, 44, 12 ; de omnium sententia : Cicéron, Verr. l. 2, 41, 100 ; ex sua collegariumque sententia : Tite-Live, 33, 60, 3.

[107] In consilium secedere : Tite-Live, 38, 60, 2 ; ad deliberandum secedere : Tite-Live, 45, 36, 10 ; secedere : Tite-Live, 4, 26, 9.

[108] Decernere : Tite-Live, 3, 13, 6. 4, 53, 6. 38, 52. Aulu-Gelle, 4 ; 14, 6. 6 [7], 19. Val Max. 6, 5, 4, et beaucoup d’autres textes.

[109] C’est ce que montrent les exemples donnés dans Aulu-Gelle 6 [7], 19, et dans Asconius, In Milon. p. 47. dais il est dans la nature des choses que l’intercession des tribuns n’ait pas besoin d’être motivée, et Appien, B. c. 1, 23, le dit ; il est vrai qu’il parle de celle dirigée contre des actes législatifs.

[110] Il n’y a que des autorités de la valeur de Pomponius (Digeste 1, 2, 2, 34), qui fassent les tribuns jura reddere. Cf. l’auteur ad Herenn. 2, 13, 19.

[111] En l’an 56 de l’ère chrétienne, il fut interdit aux tribuns du peuple, ne quid intra domum pro potestate adverterent (Tacite, Ann. 13, 28). Ce n’est probablement là qu’une disposition confirmative ; mais cela montre cependant qu’il y avait des intercessions qui n’étaient pas publiques.

[112] Les allégations de Zonaras, 7, 45, sont embrouillées et sans force probante.

[113] Tite-Live, 3, 56, 6 ; 9, 34, 26. Val. Max. 4, 1, 8.

[114] Naturellement le tribun peut, dès un moment antérieur, entraver le magistrat qui fait la relatée, à l’aide de ses droits de prohibition et de coercition ; cf. Polybe (6, 16). Ainsi qu’il fallait s’y attendre, le texte de Polybe ne distingue pas les empêchements prohibitifs et les empêchements dirimants. Le double droit des tribuns a encore laissé d’autres traces : ainsi, lorsque, dans la formule rapportée note 117, la potestas impediendi est mise à côté de la potestas intemedendi et corrélativement referri ad senatum à côté de sc. fieri ; ainsi encore, dans Asconius, In Mil. p. 32, et dans Tite-Live, 33, 22, 2 ; au contraire, dans Tacite, Ann. 1, 13, la relatio consulum, contre laquelle Tibère aurait pu intercéder, n’est visiblement pas un acte actuellement en délibération, c’est une résolution prise déjà depuis longtemps et il s’agit de son exécution. Mais il y a là des empêchements, il n’y a pas d’intercession. Il n’y a qu’une personne étrangère à la science qui puisse contester que, jusqu’au moment du vote, l’intercession reste constamment et forcément à venir et que le tribun ne peut en aucune manière arrêter les délibérations du sénat, comme il peut arrêter une rogatio.

[115] Lorsque le sénatus-consulte et l’intercession sont rapprochés, le premier est présenté comme la condition de la seconde il en est ainsi en particulier dans le récit de Valère Maxime, 2, 2, 7, d’après lequel les tribuns examinaient les décisions (decreta patrum examinabant) et, s’il les approuvaient, les apostillaient d’un C. On a récemment attaché de l’importance au fait que l’intercession et l’expression des votes se produisent simultanément au cours des débats (Eigenbrodt, De mag. Rom. juribus, Leipzig, 18-15, p, 38 et ss.). C’est exact (Tacite, Hist. 4, 9 ; Cicéron, Ad fam. 10, 12, 3 ; le même, Pro Sest. 34, 74 ; Tite-Live, 5, 9, 2. 9, 8, 13). Mais cela ne modifie pas les principes théoriques. Le principe que l’intercession doit suivre immédiatement la décision du sénat peut avoir été appliqué pratiquement de telle sorte que, les magistrats ne prenant pas part au vote, ceux qui avaient le pouvoir d’intercéder pussent exercer leur droit au milieu du scrutin, à partir du moment où il était commencé, que peut-être même ils ne pussent plus l’exercer dés que le scrutin était clos. Mais, puisque le scrutin commencé se continue jusqu’à sa fin malgré l’intercession survenue pendant sa durée, l’idée est évidemment que l’intercession, bien qu’à l’époque récente elle se produise chronologiquement en même temps que le vote, ne l’empêche pas, mais le dépouille de sa force.

[116] Varron, dans Aulu-Gelle, 14, 7, 6. Cicéron, De leq. 3, 3, 10. Je ne comprends pas comment on a pu regarder comme l’addition d’un copiste la dernière clause qui est absolument indispensable.

[117] Les sénatus-consultes rapportés dans Cicéron, Ad fam. 8, 8, lors de la proposition desquels une intercession était à prévoir, portent la clause : Si quis huic s. c. intercessisset, senatui placere auctoritatem perscribi et de ea re ad hunc ordinem referri, ou encore ad senatum [populumque] referri (cf. Rœm. Forsch. 4, 171, note 2) ; ou encore simplement : Si quis hieie s. c. intercessisset, auctoritas perseriberetur. Op. cit. 1, 2, 4 : De his rebus... senatus auctoritas gravissima intercessit, cui cum Cato et Caninius intercessissent, tamen est perscripta. Cf. 1, 7, 4. Ad Att. 4, 16, 6. Dion, 42, 23. V. pour les développements la théorie du Sénat, tome VII.

[118] Ainsi une proposition faite au sénat par le tribun du peuple L. Ninnius, en 697, fut paralysée par une intercession tribunicienne (Cicéron, Pro Sest. 31, 63 ; Cum sen. grat. egit, 2. 3 ; Drumann, 2, 273).

[119] Cicéron, Ad fam. 3, 8 ; Pro Sest. 34, 74, et beaucoup d’autres exemples.

[120] Cicéron, Ad fam. 10, 12, 3. 4.

[121] Tite-Live, 30, 43, 1. 38, 42, 9. 39. 33, 9. 42, 10, 10. Une hypothèse de ce genre, en date de l’an 659, est rapportée par Asconius, in Pison. 26, 63, p. 15.

[122] Cela ne pouvait pourtant guère se produire, le préteur ne convoquant régulièrement le sénat qu’en l’absence des consuls.

[123] L’intercession du consul contre le consul — il ne peut guère être question de celle du consul contre le préteur, ci-dessus, note 122, — ne fait plus pour l’époque postérieure à Sulla, l’objet d’aucune allusion, même dans les cas où l’on devrait s’attendre à la rencontrer, par exemple lors d. la querelle des consuls César et Bibulus. Il est possible qu’elle ait été abolie par une loi. Mais il est difficile qu’il ait été en même temps prescrit législativement aux deux consuls de faire, quand cela se pourrait, la relatio en commun. — La tentative faite par Willems, Le Sénat, 2, 200, d’établir la subsistance du droit d’intercession consulaire jusqu’à la fin de la République a été infructueuse. Si le principe de l’intercession de la par majorve potestas est encore posé postérieurement, cela ne prouve rien ; car il s’agit de savoir à quels cas il s’applique. Or, les faits concrets invoqués par Willems prouvent plutôt le contraire de son opinion. Des deux consuls favorables à Pompée de 705, Lentulus veut faire un allié de Juba et Marcellus est d’un avis contraire (Marcellus passurum in præsentia negat), selon César, B. c. 1, 6. Mais c’est là un dissensus politique et il est clairement distingué de l’intercession tribunicienne citée immédiatement auparavant. Il en est de même de l’opposition faite d’après Suétone, Cæs. 29, aux consuls M. Marcellus de 703 et L. Marcellus de 704 par César au moyen de leurs collègues ; là aussi l’opposition, qui peut avoir simplement consisté en ce que les opposants obtinrent la majorité, est nettement distinguée de l’intercession. Il est impossible de se débarrasser du silence éloquent garda sur l’intercession de Bibulus contre César en prétextant que Bibulus ne serait pas venu au Sénat ; il n’y est pas venu, parce qu’il ne pouvait pas faire d’intercession.

[124] Il arrive à plusieurs reprises qu’un consul déclare non passurum quicquam agi, si telle ou telle résolution est prise ou ne l’est pas (Tite-Live, 26, 26, 7 ; de même 30, 40, 8. 39, 38, 9). Le consul n’ayant pas le droit de prohibition contre son collègue, cela ne peut s’entendre que d’une menace d’intercession. Denys, 11, 54, dit la même chose pour le tribun.

[125] Cela s’appelle intercessionem remittere (Tite-Live, 36, 40, 10 ; cf. 27, 6, 11. 31, 20, 6) ; la déclaration de l’intercédant se in senatus potestas fore (Tite-Live, 9, 10, 1) a le même sens.

[126] Cicéron, Ad fam. 8, 8, 6. Cette formule parait avoir été une formule fixe ; car elle se retrouve encore ailleurs (Cicéron, Cum sen. gr. egit, 11, 27 ; Pro Sest. 41, 129 ; In Pis. 15, 33). Ad Att. 4, 21 4, se rapporte également sans doute au vote de blâme ordinaire.

[127] Cicéron, De prov. cons. 7, 8, § 17, dit que la proposition de donner les provinces de Pison et de Gabinius non pas à des consulaires, mais à des prætorii n’est pas exécutable. La preuve que la loi dont il s’agit ici est la loi de 631 de C. Gracchus résulte partie du rapprochement de c. 2, 3, partie de De domo, 9, 24. Cette prescription ne pouvait être réalisée que par la suppression de l’intercession.

[128] Intercession tribunicienne contre l’élection de consuls, Tite-Live, 4, 50, 8. 7, 17, 12. c. 13, 9. c. 21, 1. 9, 42, 3. 27, 6, 5 ; de tribuns militaires consulari potestate, Tite-Live, 6, 35, 9 ; d’édiles curules, Tite-Live, 25, 2, 6.

[129] Cicéron, De leg. 3, 8, 13.

[130] L’exemple le plus connu est l’intercession de M. Octavius contre la loi agraire de Ti. Gracchus. Autres exemples dans Tite-Live, 2, 56, 4. 4, 43, 6. 15. 5, 25, 1. 13. c. 29, 6, et ss. 6, 35, 6. c. 36, 7. c. 33, 3. 5. 10, 9, 1. Asconius, In Cornel., p. 57, etc.

[131] Cicéron, De leg. agr. 2, 12, 30. Une hypothèse de ce genre, de l’an 698, est rapportée par Dion, 39, 49. Cf. Cicéron, Ad fam. 1, 9, 25. Dion, 45, 5, parle d’une intercession dirigée contre la loi curiate relative à l’adoption testamentaire du futur empereur Auguste ; au contraire l’intercession citée par Cicéron, Ad Att. 1. 13, 4. 5. 19, 5, se rapporte à la transitio ad plebem et à la rogation qu’elle implique.

[132] Les exemples donnés pour l’intercession contre les élections de magistrats consulaires suffisent.

[133] La preuve en est dans les intercessions contre les élections d’édiles curules.

[134] Cicéron, Ad Att., 4, 16, 6. Asconius, In Cornel. p. 53 et beaucoup d’autres textes.

[135] L’intercession formée dès la lecture de la proposition parait prématurée (VI, 1). Tite-Live, 45, 21. Puisque les tribuns intercèdent, semble-t-il, néanmoins ante tempus, il faut que cela soit légalement possible ; Cicéron dit aussi, dans Asconius, In Cornel., p. 70, que l’intercession est recevable, dum privati dicunt. Elle a lieu de même dans Tite-Live, 6, 35, 7.

[136] Cicéron explique, chez Asconius, In Cornel., p. 70, que l’intercession peut être formée jusqu’au dernier moment avant le commencement du vote ; à la vérité on ne peut conclure de 1à qu’elle fut expressément exclue à partir de là.

[137] L’existence ou l’absence de candidatures en forme avait naturellement son influence ici. Si, dans le premier cas, les tribuns avaient des objections contre l’admission des candidats, ils les exprimaient dès la déclaration du candidat (Tite-Live, 25, 2, 6), c’est-à-dire qu’ils menaçaient d’une intercession, afin de la former avant l’ouverture du scrutin si le magistrat qui présidait le vote admettait sur la liste des candidats celui qu’ils attaquaient. Lorsqu’il n’y a pas de candidatures en forme, ceux qui font intercession expriment les mêmes objections après que la prærogativa a voté (Tite-Live, 27, 6 ; cf. 7, 17, 12).

[138] Cela n’est, il est vrai, dit expressément nulle part ; mais les preuves en sont superflues.

[139] Lorsque Cicéron, De leg. 3, 4, 11, dit : Vis in populo abesto : par majorve potestas plus valeto... intercessor rei malæ salutaris civis esto, je ne voudrais pas affirmer qu’il ait pensé à l’intercession générale des magistrats plutôt qu’à l’intercession ordinaire des tribuns. Mais l’idée que ce droit a, en réalité, primitivement appartenu à la par majorve potestas en général, s’appuie, en dehors de l’importante disposition de la loi municipale de Malaca, principalement sur le fait que le droit d’intercession contre les rogationes a, autant que nous voyons, appartenu de tout temps, aux tribuns. Tite-Live le mentionne, pour la première fois, en 203, au sujet de comices judiciaires des questeurs (3, 4) ; mais il en suppose déjà l’existence dans son récit relatif à la loi Publilia de 282 (2, 56, 4). Denys en parle pour la première fois, 8, 90, pour les comices consulaires de 271 ; l’un et l’autre le regardent comme étant naturellement né en même temps que le tribunat. Or cela se conçoit si ce droit d’intercession est une conséquence de la situation générale de major potestas des tribuns : mais cela reste inexplicable si notre intercession n’est arrivée à la vie, qu’avec cette magistrature et par elle. L’analogie de l’intercession contre les sénatus-consultes est aussi en faveur de notre opinion ; car on peut démontrer que ce droit d’intercession a été primitivement un droit général des magistrats, et est devenu plus tard, au moins de fait, un droit spécial des tribuns.

[140] Je ne trouve aucune trace certaine d’intercession consulaire on prétorienne contre des élections ni des prépositions de loi. Il est fort discutable de comprendre ainsi l’opposition du consul Proculus Verginius contre la loi agraire de son collègue Sp. Cassius (Tite-Live, 2, 41). D’autre part, le sort de la rogatio faite, en 557, par le préteur M’ Juventius Thalna, novo maloque exemplo, non ante consulto senata, non consulibus certioribus factis (Tite-Live, 43, 21) et contre laquelle, pourtant intercédèrent non pas les consuls, mais les tribuns, parait indiquer que les consuls étaient alors déjà privés du droit d’intercession. Cela se concilie parfaitement avec le fait que le consul pouvait défendre au préteur de proposer une loi et le punir en cas d’infraction à cette défense.

[141] C’est ce qu’implique principalement le chapitre 58 de la loi municipale de Malaca. La rédaction du texte prouve que l’intercession aurait été possible en soi contre les rogationes électorales si la loi ne l’avait interdite. Il ne peut là naturellement être question que de l’intercession générale des magistrats.

[142] Si, comme il est vraisemblable, la pluralité de rogatores s’explique par le fait que celui qui était en réalité le rogator s’entendait préalablement avec ses collègues pour éviter leur intercession, le fait qu’il n’y a, pour toutes les élections, qu’un rogator implique à son tour que l’intercession y était inadmissible. La menace du consul L. Quinctius de ne pas permettre la renuntiatio si son collègue qui présidait l’élection ne l’effaçait pas, lui Quinctius, de la liste des candidats (Tite-Live, 3, 21, 6) ne suffit pas pour établir l’admissibilité de l’intercession des collègues dans les élections de consuls ; elle y suffit d’autant moins que ces mots se trouvent dans un discours intercalé au texte. Cf. note 141.

[143] Le silence des sources est pour ce cas décisif. On peut encore invoquer, dans le même sens, des précédents comme celui rapporté par Tite-Live, 6, 33, 10 : Comitia præter ædilium tribunorumque plebis nulla sunt habita, d’autant plus que l’opposition avait avec elle des tribuns, et qu’elle aurait pu faire usage de L’intercession contre les élections de magistrats plébéiens si ces élections l’avaient comporté. Cf. Dion, 42, 20. — Le fait qu’il ne fut pas formé d’intercession contre la rogatio par laquelle Ti. Gracchus enleva la puissance tribunicienne à M. Octavius à raison de son intercession inopportune s’explique encore par le principe que l’autorité s’enlève selon les mêmes règles suivant lesquelles elle est conférée (Paul, Digeste 54, 17, 153).

[144] Cicéron, De leg. agr. 2, 33, 30. Les clauses restrictives du droit d’intercession citées plus haut, peuvent aussi en partie être rattachées à cet ordre d’idées.

[145] Dans Tite-Live, 4, 57, 5, le tribun consulaire déclare : Si maneat in sententia senatus, dictatorem nocte proxima dicturum; ac si quis intercedat senatus consulto, auctoritate se fore contentum. On voit là clairement que l’intercession pouvait bien être dirigée contre le sénatus-consulte, mais non contre la dictio elle-même.

[146] Rœm. Forsch. 1, 241. En dehors de ce que nous ne rencontrons pas d’intercession de ce genre, le principal argument dans notre sens est que le concession ou le refus de l’auctoritas senatus dans son aspect le plus ancien n’était elle-même que la confirmation ou l’annulation d’une résolution du peuple et qu’en simple logique l’intercession ne devait pas être dirigée contre l’acte confirmatoire, mais contre l’acte à confirmer, c’est-à-dire contre la rogatio et non contre l’auctoritas.

[147] Tite-Live, 43, 16.

[148] Si simple que cela soit, cela a produit des confusions multiples. On’ ne nie pas une négation.

[149] La situation juridique est caractérisée de la manière la plus nette dans Tite-Live, 4. 53, 6. La même chose s’est souvent produite. Si, par exemple, un tribun est cité en justice pour une affaire civile ou criminelle, il punit, en vertu de son droit de coercition, celui qui, pour cette raison, met la main sur lui ; mais, en présence d’exercices abusifs de ce droit, il est arrivé aux collègues du tribun d’intercéder contre ses actes de coercition et de le forcer par là de répondre au procès (Val. Max., 6, 5, 4, où il faut effacer le eum intercalé après appellantibus dans le membre de phrase se appellantibus creditoribus auxilio futurum l’exemple analogue rapporté, op. cit. 6, 1, 7, concerne probablement un édile plébéien et non pas un tribun). Le tribun n’ayant pas la vocatio, les tribuns d’opinions rigides protègent contre la coercition de leur collègue les particuliers qui ne se rendent pas à une vocatio tribunicienne (Varron, dans Aulu-Gelle, 13, 13, 6).

[150] C’est précisément à ce sujet qu’il est dit dans Tite-Live, 2, 41. 3 : Plures, si pluribus opus sit,... tribunos ad auxilium consulum paratos fore et unum vel adversus omises salis esse. Les textes dans le même sens sont nombreux. Il est bien entendu arrivé que le tribun ne s’inclinât pas devant l’opposition de son collègue (Fronton, Ad M. Cæs. 5, 27) ; mais c’était une illégalité.

[151] L’incident rapporté dans Tite-43, 16, le montre. En revanche, il n’y eut non plus qu’un tribun qui intercéda dans le procès de L. Scipion. Mais c’était un homme d’une tout autre importance, et, si le préteur n’avait pas tenu compte de cette intercession, il n’aurait pu, dans les circonstances, compter avec aucune sûreté sur la protection des autres tribuns contre celui qui intercédait.

[152] C’est ainsi que le dilectus est opéré à l’encontre de l’un des tribuns grâce à l’auxilium de tous (Tite-Live. 2, 43, 4, et Denys, 9, 2 ; Tite-Live, 2, 44, 5. 6, et Denys, 9, 5 ; Tite-Live, 4, 53, 7). Comp. Dion, 39, 39 et Tite-Live, 7, 9, 6, sur des ordres analogues des tribuns.

[153] Plutarque, Cat. min. 13.

[154] On comparera à ce sujet, tome IV, la théorie de la Censure.

[155] Lorsque Clodius eut fait passer, en 696, la loi contre Cicéron, huit de ses collègues en proposèrent l’abrogation le 29 octobre de la même année, mais en ajoutant pourtant cette clause que toute disposition de leur projet qui serait contraire à des lois ou à des plébiscites devrait être tenue pour non avenue ; par suite, la loi nouvelle aboutissant à une dérogation à la loi Clodia et la loi Clodia ayant sévèrement puni toute dérogation à ses dispositions, cette loi nouvelle s’abrogeait elle-même pour peu que la loi Clodia dû être comptée parmi les lois et les plébiscites. Ce n’était, explique Cicéron, Ad Att. 3, 23, assurément pas le cas pour les huit collègues de Clodius : Lege enim conlegii (sic et non pas conlegæ dans les Mss.) sui non tenebantur, et par suite, la clause était, en ce qui les concernait, inutile, mais non pas nuisible ; mais elle devait devenir nuisible si, conformément à l’usage, les prochains tribuns reproduisaient simplement la proposition, et, par conséquent, il y avait dans l’insertion de cette clause une perfidie manifeste que Clodius lui-même avait fait ressortir. — Par la même raison, si une loi réclame le serment des magistrats, elle n’est pas appliquée aux collègues de l’auteur de la proposition ; car ce doit être pour cela que Néron, comme consul de 55, dispensa son collègue dans le consulat du serment in sua acta (Tacite, Ann. 13, 11). — Nous n’avons point d’autres renseignements sur cette disposition ; mais les textes indiqués ne paraissent pas pouvoir admettre d’autre interprétation que celle donnée ci-dessus.

[156] On ne peut appuyer sur le non passurum quicquam agi des textes cités note 124, l’existence d’un droit, dont, s’il avait été reconnu réellement, nous rencontrerions sûrement de multiples applications positives.