II. LE COMMANDEMENT MILITAIRE (Imperium).Imperium, le mot qui, dans la langue technique, désigne d’une manière générale la puissance du magistrat le plus élevé, est employé par excellence, d’une façon qui n’est pas moins technique et qui est beaucoup plus fréquente, pour exprimer le commandement militaire[1]. Cela vient de ce que le commandement en chef des armées est l’élément essentiel de la plus haute puissance publique et en est inséparable en principe. La possession en appartient aussi bien aux hauts magistrats ordinaires, consuls, préteurs, dictateurs, maîtres de la cavalerie, qu’aux titulaires extraordinaires de la puissance la plus élevée, pour la situation desquels la qualification cum imperio est pour ainsi dire officielle[2] ; il n’y a jamais eu de magistrats du premier rang qui n’eut pas le droit de former et de conduire l’armée. C’est un point douteux de savoir si l’expression imperium est exclusivement réservée aux magistrats supérieurs. Peut-être a-t-elle pu en outre être appliquée aux officiers en sous-ordre, pourvu qu’ils fusent magistrats et fussent donc pareillement en possession d’un commandement indépendant[3]. L’imperium n’est jamais attribué aux officiers qui ne sont pas magistrats[4]. Mais les magistrats qui ont le droit d’exercer le commandement ne font pas tous ni à tout moment usage de leur droit. Les magistrats que leurs attributions affectent à l’administration domi, comme en particulier le préfet de la ville et le préteur urbain, peuvent se trouver dans le cas d’exercer leur commandement militaire ; mais, en règle, leur imperium se limite plutôt à la juridiction civile, qui, comme nous aurons à le montrer dans la section qui lui est relative, est aussi inséparable de la magistrature suprême, et par suite est aussi désignée techniquement, bien que d’une façon peu fréquente et seulement dans des tournures déterminées, par le mot imperium. Ce dont nous devons traiter ici, ce n’est pas du commandement militaire qui est attaché, en principe, à la puissance suprême, mais du commandement militaire effectif. L’imperium, l’ensemble des attributions de nature militaire du magistrat supérieur, qu’il faut bien distinguer des fonctions exercées militiæ, pour lesquelles la limite est territoriale, se compose principalement des éléments qui suivent[5]. 1. Le magistrat investi de l’imperium militaire a le droit de recruter une armée parmi les citoyens, et aussi, plus tard, parmi les alliés[6], et de prendre son serment, au nom et pour la durée de la magistrature dont il est investi[7], comme aussi de licencier les soldats, par mesure individuelle ou collective. Assurément ce droit a été limité par l’usage, sinon par la loi. Mais l’accomplissement des levées est un des actes ordinaires du magistrat et ne demande pas de vote du peuple. Un sénatus-consulte précédait habituellement le dilectus, au moins à l’époque pour laquelle nous avons des témoignages certains ; mais cependant il n’était pas constitutionnellement nécessaire, surtout quand il ne s’agissait que de la lavée régulière de deux légions par consul, et que l’on ne demandait pas aux citoyens de sacrifices extraordinaires, soit en retenant au service ceux qui avaient été appelés l’année précédente, soit en faisant des levées plus étendues[8]. Le droit de former l’armée n’était, comme il sera montré plus loin au sujet du Consulat, pas ordinairement exercé par les préteurs, même lorsqu’ils prenaient le commandement. Mais la levée annuelle faite par les consuls ne parait être tombée en désuétude que vers la fin de la République, avec le développement progressif du service permanent[9]. Ce qui vient d’être dit s’applique aux levées régulières, attachées à la capitale ; en outre, tout magistrat qui a l’imperium a, selon les circonstances, le droit de convoquer, en cas d’urgente, les individus en état de porter les armes, conformément aux prescriptions générales sur le tumultus[10]. 2. Le droit de nomination et de révocation des officiers est étroitement lié à celui de former l’armée ; il eu fait même véritablement partie. Cependant il a été limité de bonne heure. D’un côté, l’extension du vote du peuple à la questure, probablement réalisée après la chute des décemvirs, a mis, aux côtés du général, comme un second magistrat également élu par les citoyens, celui qui jusqu’alors était son premier lieutenant ; d’autre part, en 392, l’élection d’une partie, puis, entre 463 et 535, l’élection de la totalité des tribuns des quatre légions régulières annuelles furent attribuées aux comices, de sorte que le consul, s’il n’était pas, comme il arrivait parfois, dégagé de la règle légale, n’avait le choix des tribuns que pour les légions levées, à titre exceptionnel, en sus de ce chiffre[11]. Le général nomme en outre les centurions et les décurions[12] et tous les officiers de création nouvelle, comme les præfecti socium, les præfecti fabrum. Lorsque, sous l’Empire, les magistrats supérieurs à l’exception de l’empereur cessèrent de commander les troupes, il leur resta encore quelque temps, comme débris de ce droit de nomination, celui de nommer les præfecti fabrum, qui avaient en effet perdu relativement tôt leur caractère militaire[13]. 3. Le magistrat a le droit de faire la guerre aux peuples avec lesquels Rome est en guerre on plutôt n’est pas en rapport de trêve ou d’alliance, mais non de déclarer la guerre à un. État, à l’encontre d’un traité existant. Le droit de déclarer la guerre, ou, pour parler plus exactement, le droit de déclarer déliée et rompue une alliance régulièrement conclue on une trêve qui n’est pas expirée, réside dans le peuple assisté du conseil des anciens. 4. Le général en chef a comme tel qualité pour conclure des traités de trêve, d’alliance, de paix et de dédition. Cependant ce n’est pas ici, mais dans la dernière section de cette partie qu’il doit être question de ce droit ; car ce n’est pas une particularité du commandement militaire supérieur, mais une application pure et simple du droit général appartenant au magistrat de représenter l’État à l’extérieur. Il suffit ici de rappeler la règle que le magistrat peut bien conclure toute espèce de traité pour l’État, mais que, s’il le fait sans mandat, il agit à ses risques et périls, c’est-à-dire qu’il peut y avoir cassation du traité et même extradition de celui qui l’a conclu. 5. Naturellement la haute administration militaire ne peut pas se séparer du haut commandement. Des formes fixes ont été établies sous ce rapport pour la tenue des caisses. On distingue les fonds confiés par l’État sur son actif au général pour faire la guerre, d’une part, et le butin de guerre, de l’autre. L’administration et la comptabilité des deniers de la première espèce sont, depuis l’an 333 de Rome, attribuées à un magistrat spécial, également nommé par le peuple, au questeur militaire[14] ; seulement la limitation essentielle apportée par là à la libre disposition du général en chef ne s’applique pas à la dictature. Au contraire, le général n’était pas obligé de remettre le butin au questeur qui lui était adjoint ; il le gérait librement, et nous trouvons employés à cet effet, au moins à la fin de la République, les præfecti fabrum qui ont été mentionnés plus haut[15] ; si bien qu’il y a à l’armée deux caisses, la caisse de l’État et celle du général. Une conséquence des pouvoirs d’administration financière Droit de battre du général, est son droit de battre monnaie. Le droit de battre monnaie. monnaie, qui fut sans doute à l’origine un des droits généraux du magistrat, a été, dans la capitale, et probablement de très bonne heure, non seulement placé sous le contrôle du sénat, mais retiré des mains des magistrats supérieurs. Au contraire, les généraux ont, pendant toute la durée de la République, conservé le droit d’émettre des monnaies de toutes les valeurs, même des plus élevées, au pied légal romain et plus tard à tous les pieds admis dans l’intérieur de l’État, comme aussi, depuis l’époque où les magistrats qui émettent des monnaies commencent à se nommer sur elles, celui de frapper les leurs à leur nom[16]. Abstraction faite de l’administration qui se rapporte aux besoins directs de l’armée, et qui est inséparable du commandement, l’administration en générai n’a pas, on le conçoit, été irise par les Romains dans une relation plus intime avec le commandement militaire. En ce qui concerne spécialement l’Italie, on y laisse la place la plus large possible à l’administration des communes par elles-mêmes, et le pouvoir central n’est pas représenté par les consuls en leur qualité de généraux, mais principalement par les magistrats en fonctions dans la capitale, et, à leurs côtés, par les quatre questeurs qui résident en Italie. Dans les provinces, les fonctions administratives d’un caractère stable sont absolument liées aux fonctions judiciaires de même nature. 6. Il sera traité plus loin, d’une façon spéciale, de la juridiction civile et criminelle qui appartient au magistrat. La juridiction criminelle peut assurément aussi être regardée comme une partie intégrante de l’imperium militaire ; car non seulement les peines, mais les agents de répression et la notion même de l’acte punissable prennent, à l’égard des soldats, des formes essentiellement différentes. Les agents de répression sont, pour le soldat, les officiers, qui ailleurs n’ont pas qualité pour exercer la juridiction criminelle, en particulier les tribuns militaires et les præfecti socium[17]. Quant à l’acte punissable, non seulement on a organisé une série de crimes et de délits qui ne peuvent être commis que par des soldats et sont de préférence soumis à la justice des camps, mais tel acte qui, dans la vie civile, ne fonderait qu’une action civile de la compétence du préteur est justiciable des tribunaux de répression militaire comme violant la discipline des camps ; nous en avons, par exemple, la preuve pour le vol[18] et pour le manquement à la parole donnée[19]. La procédure revêt, en pareil cas, les formes extérieures de la procédure civile[20] ; mais il n’en est pas moins vrai que son fondement juridique n’est pas dans un droit de juridiction inter privatos, qui fait défaut au général, mais dans le commandement militaire. Cette procédure s’appliquait certainement lorsque le coupable et la victime appartenaient l’un et l’autre à l’armée, peut-être aussi quand un civil poursuivait un soldat : on ne peut rien déterminer de plus précis à son sujet ; car il est peu question de cette juridiction castrensis, et il y restait sans doute une large place pour l’arbitraire du général. 7. Il semble aller de soi que celui à qui appartient l’imperium a le droit de s’appeler imperator, en grec, αύτοκράτωρ[21], et il a pu en être ainsi dans le principe[22]. Mais plus tard, en premier lieu, l’acception étroite, qui est déjà saillante pour le mot imperium, s’est si bien établie pour le terme d’imperator que ceux qui sont investis d’un imperium autre que celui du général ne se qualifient jamais d’imperatores, et qu’en revanche ce terme devint le titre même du général. En outre, pour les généraux eux-mêmes, l’usage s’établit de ne pas prendre le titre d’imperator, en entrant en possession du commandement, mais seulement après avoir gagné la première grande bataille. Légalement c’est d’eux seuls qu’il dépend de décider quand cela a eu lieu[23]. Pourtant la coutume prescrit de laisser l’initiative aux soldats sur le champ de bataille[24], ou au sénat[25]. Il ne parait pas en revanche y avoir eu, à l’époque républicaine, de limitation de forme tenant à la nature des succès militaires qui donnent droit à ce titre[26]. Suivant un usage établi dès le VIe siècle[27], le général se nomme au début par le titre officiel de ses fonctions, consul, proconsul, préteur, etc., il n’obtient le nom de général en chef que comme titre attaché à la victoire, et alors il laisse désormais habituellement de côté le titre officiel de ses fonctions[28]. — Lorsque, comme nous verrons plus loin, on eut, en 709, étendu le droit de triompher à ceux qui commandaient en sous-ordre, on ne put guère leur refuser davantage le droit de prendre le titre d’imperator qui passait pour une distinction inférieure, servant en règle d’acheminement au triomphe ; nous trouvons, pour l’époque, des documents dans ce sens[29]. Seulement ici l’attribution du titre ne doit pas avoir dépendu du commandant en sous-ordre lui-même ni de ses troupes, mais du sénat ou encore du commandant en chef. Jusqu’à la constitution du Principat en 727, le titre d’imperator a été fréquemment accordé non seulement à des triomphateurs[30], mais encore en l’absence de triomphe[31]. Mais, dès que la monarchie s’établit en prenant ce titre pour base, l’usage le réserva à ceux qui étaient investis de cette monarchie[32]. On parvint sans doute à ce résultat en exigeant de nouveau la condition d’un commandement militaire indépendant[33] ; car, à l’exception de quelques rares hypothèses où le proconsul d’Afrique livra bataille, remporta la victoire et devint imperator[34], il n’y eut plus, depuis 727, d’autre commandement militaire indépendant que celui qui était lié à la puissance proconsulaire secondaire. Par suite, le titre est bien porté, sous le Principat, avec son ancienne valeur, mais seulement par le prince ou par des titulaires particuliers de la puissance proconsulaire secondaire, ainsi qu’il sera établi plus longuement dans la théorie du Principat. 8. Le triomphe, la fête de la victoire célébrée au retour du général et de l’armée[35], rentre, comme le droit de prendre le titre d’imperator, parmi les droits du magistrat ; c’est-à-dire que le droit de triompher a pour condition la possession absolument complète[36] de l’imperium le plus élevé, au moment de la fête[37]. Par suite, il n’y a, dans la rigueur du droit, de capable de triompher que le magistrat du premier rang qui est présentement en fonctions et qui a été nommé conformément aux règles constitutionnelles[38]. Cette formule exclut : a. Les magistrats qui ne sont plus en fonctions. Jamais le triomphe n’a été célébré par un particulier. C’est un acte qui se produit toujours sans qu’il y ait eu de solution de continuité dans l’exercice de la magistrature[39], ni même, d’après la rigueur du droit, dans les auspices militaires[40]. b. Le magistrat qui ne commandait pas en chef au moment de la victoire. Si deux magistrats, ayant en soi le droit de triompher, exercent simultanément le commandement, le droit au triomphe n’appartient rigoureusement qu’à celui qui est au sens propre le commandant en chef, c’est-à-dire s’il y a un consul et un dictateur, au dictateur[41] ; s’il y a un préteur et un consul, au consul[42] ; s’il y a deux consuls, à celui qui, d’après le roulement, avait au jour de la bataille l’auspicium et l’imperium[43]. C’est probablement le motif pour lequel jamais un maître de la cavalerie n’a triomphé[44]. II est en outre conforme à ce principe qu’on ait été jusqu’à contester le droit de triompher, au général qui remporte une victoire sur un autre territoire que celui qui est soumis à sa compétence propre[45]. — Cependant on n’a plus, à l’époque récente, tenu un compte rigoureux de ces scrupules ; à partir de la première guerre punique, le triomphe, oui du moins l’ovation a été accordée dans tous les cas de ce genre qui nous sont connus. c. Le magistrat qui, bien que nommé magistrat du premier rang, l’a été par dérogation à la rigueur du système constitutionnel, ainsi spécialement le tribun militaire consulari imperio[46] ; ce qui fait qu’en dehors de l’époque royale le triomphe requiert la qualité de dictateur ou de membre du collège des consuls et des préteurs[47]. d. Le magistrat en fonctions après l’expiration de la durée légale de ses pouvoirs. Même lorsqu’il continue à exercer le commandement, il ne peut pas triompher ; car la célébration du triomphe implique la possession de l’imperium, et l’imperium qui existe par prorogation disparaît de droit au passage du pomerium. Cependant cette conséquence rigoureuse du principe n’en a peut-être jamais été tirée en pratique[48] ; une loi spéciale prolongeait en pareil cas l’imperium du magistrat jusqu’à la fin du jour où il franchissait la limite de la ville[49]. e. Le magistrat ou le promagistrat qui a résigné son commandement. Le général qui cède le commandement à son successeur sans que les troupes reviennent avec lui à Rome, en les remettant au contraire à ce successeur, renonce par là au triomphe. Car ce n’est pas à raison d’une bataille gagnée, mais à raison d’une guerre terminée victorieusement et de la rentrée des troupes à Rome que la fête est célébrée ; on ne peut concevoir de véritable fête de la victoire sans le retour des vainqueurs dans leurs foyers[50]. Il n’est pas nécessaire que la paix ait été préalablement conclue ; par exemple, pendant la guerre d’Hannibal, le triomphe fut célébré après la prise de Tarente et la défaite d’Hasdrubal, et ce n’est qu’à raison d’autres objections de forme qu’il n’y a pas eu de triomphe en règle après las avantages décisifs obtenus en Sicile et en Espagne. Plus tard, lorsque les guerres s’étendirent et que spécialement les conquêtes d’outre-mer ne purent être conservées sans garnisons permanentes, on n’exigea plus le retour de la totalité de l’armée pourvu que la guerre eût été en fait terminée victorieusement (debellatum)[51]. Désormais le commandement resta toujours au général à son retour jusqu’au moment où il franchissait le pomerium[52]. f. Celui qui représente le général absent et celui qui commande sous les ordres du général présent[53] ; car le triomphe ne tient pas au fait du succès militaire, mais au droit de la magistrature ; par conséquent il appartient à celui sous les auspices duquel le combat est livré. Il n’y a pas à distinguer à ce point de vue si l’officier qui commandé alienis auspiciis a ou non, comme représentant, la qualité de promagistrat. Cette règle, qui fut observée sans aucune infraction pendant toute la République et même dans les premiers temps de la dictature de César[54], fut écartée par lui peu de temps avant sa mort[55]. Le procédé qu’il employa fut probablement de faire reconnaître au légat en question, pour le jour du triomphe, un imperium proconsulaire fictivement indépendant[56]. Le triomphe a été traité de la même manière à l’époque des triumvirs[57]. Mais, depuis la constitution de la monarchie, il n’a plus de nouveau été accordé qu’à ceux qui avaient un imperium propre[58]. g. Le promagistrat dont l’imperium est exclusivement relatif à l’extérieur de la ville. L’exclusion du triomphe même pour cette catégorie de promagistrature fut encore réclamée avec succès par le parti conservateur, en 548, à l’encontre de P. Scipion et, en 535, contre L. Manlius Acidinus[59] ; mais il y eut deux autres cas, en 554 et en 558, où le petit triomphe tout au moins fut accordé aux généraux desquels il s’agissait[60]. Les triomphes complets les plus récents qui n’aient pas été célébrés en vertu d’une magistrature régulière sont ceux de Cn. Pompée en 674 et 683[61] ; mais la cause n’en est pas dans un retour à l’ancienne rigueur, elle est dans l’absence de commandements de ce genre dans le plein développement du régime aristocratique. — Comme il va de soi, il fallait encore dans ce cas que l’imperium flet concédé par un privilegium pour le jour du triomphe[62]. Le triomphe est un acte des fonctions de général ; c’est la seule hypothèse dans laquelle le magistrat soit admis à agir sur le territoire de la ville comme s’il se trouvait sur le territoire militaire[63]. Pour ce motif, il est probable que le droit de provocation était supprimé le jour du triomphe, et qu’on y permettait, dans l’intérieur de la ville, l’usage des haches[64], qui paraissent y avoir été employées pour l’exécution des prisonniers de guerre destinés à la mort[65]. En ce qui concerne la nature de la guerre et de la victoire elles-mêmes, les conditions suivantes sont requises pour le triomphe : a. Pour qu’il puisse y avoir régulièrement une célébration de la victoire, il faut qu’il y ait eu une guerre régulière. La répression d’insurrections civiles ou de révoltes d’esclaves ne donne par conséquent droit ni au triomphe, ni à l’ovation[66]. Quant au triomphe, cette règle a été observée sans exception, au moins quant à la forme : ainsi, en 708, César triompha sur la Gaule, l’Égypte, le Pont et l’Afrique, Auguste, en 793, sur la Dalmatie et l’Égypte[67]. Mais l’ovation a été admise assez tût dans de telles hypothèses[68] ; on rencontre des ovations pour la guerre servile de Sicile, en 655[69] ; pour celle d’Italie, en 683[70]. Plus tard une ovatio fut même prescrite pour la guerre civile heureusement évitée en 714[71]. b. La victoire à laquelle se rapporte la fête ne doit pas avoir été remportée sans un combat sérieux et une grande effusion de sang. Ce point fut, à l’époque récente, précisé légalement il fallut que cinq mille ennemis au moins eussent succombé dans la guerre, et cela dans une seule et même bataille[72]. Un plébiscite, rendu en 692, tenta d’empêcher les bulletins militaires mensongers[73]. En présence de ces dispositions vacillantes en elles-mêmes et plus vacillantes encore dans leur application pratique, le point de savoir à qui appartiendrait la décision sur cotte application était naturellement de la plus extrême importance. En droit, cette décision appartenait sans doute, en première ligne, au général lui-même, et, lorsqu’il se contentait de célébrer la victoire hors de la ville, par exemple sur le mont Albain, personne ne pouvait, même à l’époque récente, l’en empêcher[74]. Il n’en était pas autrement à l’intérieur de la ville, à l’époque ancienne : la preuve en est qu’antérieurement à 523, aucun triomphe n’a eu lieu sur le mont Albain. L. Postumius Megellus en 460[75], C. Flaminius et P. Furius Philus, en 531[76], et, en 611, Appius Claudius[77] ont encore triomphé légalement au Capitole, en dépit de l’opposition des autorités de la capitale. Mais, soit par suite de la suprématie toujours croissante du sénat, soit comme correctif nécessaire de l’ambition démesurée des magistrats, il passa sûrement de plus en plus dans l’usage de ne célébrer la victoire que si le sénat l’autorisait et allouait les fonds nécessaires[78]. Les tribuns du peuple et les conciles de la plèbe sont aussi intervenus souvent dans ces délibérations, tantôt pour inviter les généraux à triompher, soit d’accord avec le sénat, soit à l’encontre de son avis[79], tantôt, dans leur rôle moderne de gardiens des traditions, pour arrêter le général, à l’aide de leurs pouvoirs supérieurs à tous les autres, par voie de prohibition et d’arrestation ; et en fait, dans le cercle de leur compétence, c’est-à-dire pour l’ascension triomphale au Capitole, ils se sont alors fait en général obéir[80]. De plus, les triomphes célébrés durant la magistrature se firent, dans le cours des temps, toujours plus rares ; ils devinrent même, après que Sulla eut lié l’imperium militaire au proconsulat et à la propréture, juridiquement impossibles dans l’ordre habituel des choses. Or, pour le triomphe des proconsuls et des propréteurs, il fallait toujours, comme nous avons dit plus haut, une dispense de l’observation des lois. Et, par suite, le triomphe se trouva ainsi transformé de droit ordinaire du magistrat en faveur particulière accordée à un général déterminé par un vote spécial du peuple et plus tard du sénat. Sous la monarchie, le triomphe a été traité comme l’acclamation d’imperator, bien que le premier honneur dût paraître donner lieu à moins d’objections politiques que le second[81]. Le rétablissement de la règle ancienne, d’après laquelle le triomphe n’est admis qu’en vertu d’un imperium propre, et la concentration de l’imperium dans la main du prince, eurent pour effet naturel de rendre en fait le triomphe un privilège de l’Empereur ; l’exception, qui exista pendant quelque temps pour la province sénatoriale d’Afrique,par suite de son occupation par une légion, fut bientôt écartée, Assurément le droit au triomphe continua d’appartenir, à côté du prince, aux titulaires de la puissance proconsulaire secondaire ; mais, depuis Agrippa, bien qu’étant dans les conditions de fait et de droit, eût refusé, à deux reprises, le triomphe qui lui avait été voté par deux fois par le sénat, sur la proposition d’Auguste[82], les titulaires de cette puissance eux-mêmes n’ont été admis à triompher que par exception, et, depuis l’an 71, ils ne l’ont même plus été du tout[83]. Au reste, le triomphe fut remplacé par la concession du’ costume triomphal, des ornamenta triumphalia. 9. Ce n’est pas à parler au commandement en chef, mais à la victoire[84] que se rattache le droit de l’imperator de distribuer des décorations militaires aux officiers et aux soldats[85]. Quant aux présents faits à la suite de la victoire, il en sera traité plus loin au sujet du droit de disposition reconnu aux magistrats sur les biens de l’État. |
[1] Cicéron, Phil. 5, 12, 45 : Imperium, sine quo res militaris administrari, teneti exercitus, bellum geri non potest.
[2] Il parait à propos d’expliquer immédiatement ici l’expression cum imperio esse, que l’on rencontre dans des constructions diverses. Cicéron dit, Ad Att. 7, 15, 9 : (C. Fannius) cum imperio in Siciliam præmittitur ; Fannius était alors préteur (car le témoignage décisif de ses cistophores datés n’a pas été écarté par Wehrmann, Fasti prætorii, p. 72), mais, d’après l’organisation existante, il n’exerçait pas en cette qualité un commandement effectif, et il n’en reçut un que lorsqu’il fut envoyé à titre extraordinaire en Sicile, après l’explosion de la guerre civile. Eod. loc. 3, 15, Cicéron désigne comme ayant le droit de quitter l’Italie ceux qui cum imperio sunt, comme le proconsul des deux Espagnes, Pompée, le proconsul de Syrie, Scipion, Fannius, qui vient d’être nommé ; et d’autres encore, par opposition au censeur Appius et à lui-même. Il dit encore ailleurs de lui-même qu’il n’a pas pour le moment d’imperium (Ad Att. 7, 7, 4 : Nec enim senatus decrevit nec populus jussit me imperium habere) et qu’une situation cum imperio ne lui conviendrait nullement (Ad Att. 7, 3, 3) ; il séjournait alors ad urbem, en qualité d’ex-proconsul de Cilicie, et avait l’imperium nominal qui ne serait redevenu effectif que par une décision du sénat ou du peuple. Lorsque Salluste, Hist. 1, 48, 22 : Cum Q. Catulo pro cos. et ceteris quibus imperium erat attribue l’imperium aux proconsuls qui se trouvent ad urbem, il pense à cet imperium nominal qu’on pouvait sans difficulté remettre en activité. — De même, cum imperio est fréquemment employé pour les promagistrats gouverneurs de provinces, spécialement lorsqu’ils sont arrivés d’une manière anormale à leur situation de promagistrats. C’est le sens qu’il a dans le sénatus-consulte rapporté dans Cicéron, Ad fam. 8, 8, 8 : Qui prætores fuerunt neque in provinciam cum imperio fuerunt, quos eorum ex s. c. cum imperio in provincias pro prætore mitti oportet ; de même, Ad fam. 3, 2, 1 : Ut mihi cum imperio in provinciam proficisci necesse esset ; aussi, Ad fam. 1, 9, 13 (cf. 1, 1, 3 et Drumann, 2, 534). Cum tu Hispaniam citeriorem cum imperio obtineres ; Suétone, Aug. 29 : Provincias cum imperio petituri. En outre, celui auquel les comices attribuent personnellement un commandement extraordinaire est appelé dans la langue technique cum imperio, nous atteste Festus. C’est dans ce sens que l’on dit cum imperio mittere de l’envoi de P. Scipio en Espagne, Tite-Live, 26, 2, 5 (cf. c. 31 in fine) et de celui de Pompée en Sicile et en Espagne, Tite-Live, Ep. 89. 91. Le même auteur dit d’une manière analogue, 26, 10, 9 : Placuit omnes qui dictatores consoles censoresve fuissent cum imperio esse, donec recessisset a muris hostis. — Enfin, cum imperio mittere (Tite-Live, 23, 32, 20. c. 34, 14. 27, 34, 1. 31, 3, 2 ; en sens analogue, 28, 46, 13. 35, 23, 6) ou cum imperio relinquere (Cicéron, Ad Att. 6, 4, 1) s’applique à la nomination d’un représentant investi des pouvoirs de magistrat. — Comme l’on voit, la qualification cum, ou, ainsi que portent les lois du VIIe siècle, pro imperio est, en une certaine mesure, d’ordre complémentaire. Celui qui exerce le commandement en qualité de consul, préteur, etc. est désigné par son titre officiel, celui qui l’exerce également comme commandement de magistrat, mais sans titre constitutionnel officiel, est cum imperio : ainsi la puissance publique extraordinaire ou déléguée est de préférence appelée cum imperio et, en revanche, la puissance qui a été prorogée selon l’usage est plus fréquemment désignée par les qualifications tirées de la promagistrature. Au reste, rien n’empêche, lorsque l’on réunit des commandements nommés et innommés, de comprendre les premiers dans l’expression cum imperio, mais techniquement elle ne s’applique qu’aux seconds. — Il faut, semble-t-il, encore rattacher à ces habitudes de langage l’opposition faite assez souvent entre magistratus et imperium. Ainsi, dans les lois du VIIe siècle (lex Baratina, lignes 17. 19 ; lex repetundarum, lignes 8. 9, rapprochées des lignes 72 à 79 ; peut être aussi lex agraria ligne 10), les attributions des magistrats sont souvent rassemblées sous la désignation magistratus imperiumve (cf. magistratu imperioque dans la loi municipale de Genetiva, c. 428) ; imperium peut désigner là le cum imperio esse dans son sens le plus large, la puissance publique suprême prorogée, déléguée ou extraordinaire. Quand, par exemple, la loi repetundarum énumère les magistrats et défend de les citer eu justice dum magistratum aut imperium habebunt, cela signifie que le consul par exemple ne doit être assigné en justice ni étant consul ni étant pro consule. La loi d’investiture de Vespasien dit d’une façon analogue (ligne 10) : Magistratus potestas imperium curatiove cujus rei (cf. in magistralu potestate curatione legatione dans la loi Julia repetundarum, Digeste 48, 11, 1) : les trois derniers termes désignent la puissance publique qui ne tient pas à la magistrature, ici avec mention expresse de celle qui n’est pas attachée aux magistratures supérieures (potestas, curatio) et qui du reste ne doit certainement pas être exclue dans la formule magistratus imperiumve, mais qui y est seulement omise par licence a potiori. De même il n’est pas rare que, dans les auteurs, imperium fasse opposition à magistratus ou honor (Cicéron, De re p. 1, 31, 41. Salluste, Jug. 3,1. 1, 7. Suétone. Cæs. 54. 76. Tib. 12. Digeste 4, 6, 26, 2. 48, 1, 1, 1).
[3] Cela se présente dans Tite-Live, 9, 30, 3 : Duo imperia eo anno dari capta per populum utraque pertinentia ad rem militarem, unum ut tribuni militum... a populo crearentur... alterum ut duumviros navales... idem populos juberet. Madvig (Emend. Liv. p. 181) s’est, il est vrai, appuyé sur ce que le meilleur manuscrit donne de première main duos feria pour mettre ministeria à la place du surprenant imperia. On a, en sens inverse, rapproché de cette expression Tite-Live, 23, 27, 11 : Imperium ablatum a tribunis (militam)... ad homines privatos detulistis, et Cicéron, De leg. 3, 3, 6 : Militiæ quibus jussi erunt imperanto eorumque tribuni sunto ; mais ces textes ne justifient pas notre forme de langage, puisqu’ils peuvent fort bien s’entendre de l’imperium délégué qui peut être donné à tout officier. Cependant, si l’on réfléchit, d’une part, qu’imperium exprime la puissance attachée à la magistrature sous le rapport militaire et, d’autre part, que, de tous les magistrats inférieurs, les deux désignés par le texte sont les seuls qui soient absolument et nécessairement militaires, imperium peut se défendre, en ce sens qu’il désigne la situation d’officiers qui sont magistrats et que, par conséquent, le mot peut également être employé pour la magistrat supérieur, s’il ale commandement, et pour l’inférieur, si, comme magistrat, il n’a autre chose que le commandement.
[4] Ainsi Salluste, Jug. 40, 1, opposa les legationes aux imperia.
[5] Nous traiterons ici des fonctions qui tiennent d’une manière générale à la magistrature supérieure, comme par exemple le triomphe. Pour le reste, nous renvoyons aux différentes magistratures, en particulier à la comparaison de l’imperium consulaire et du prétorien faite, tome III, dans la théorie du Consulat.
[6] Handb. 5, 381 et ss. Si plus tard les tribuns militaires procédant au dilectus, cela doit manifestement être ramené à un mandat ; ce sont les consuls qui l’édictent et qui, en cas de différend, statuent en dernier ressort.
[7] Le serment prêté au général est étudié tome II, dans la théorie de l’Entrée en fonctions.
[8] Le sénat était, d’après l’usage, consulté relativement au dilectus : de nombreux passages de Tite-Live, en particulier les exceptions citées 28, 45, 13. 42, 10, 14 l’attestent. Mais il ne résulte aucunement de cela que la levée ne rentrât pas primitivement dans les droits du magistrat, et que spécialement le consul ne pût pas procéder valablement, sans consulter le sénat, à la levée annuelle ordinaire de quatre légions (Polybe, 6, 10 ; cf. Handb. 6, 386). Il est remarquable que Polybe, en exposant quelle est la dépendance des consuls envers le sénat (6, 15) ne dit rien du sénatus-consulte sur le dilectus. Cf. tome VII.
[9] Il est vraisemblable que, lorsque le service devint peu à peu permanent et les levées de plus en plus irrégulières, leur direction passa en fait au sénat ; pourtant il n’y a pas de raison d’admettre que le droit de faire les levées ait été expressément enlevé aux consuls à l’époque récente, par exemple par Sulla. Le fait que, depuis lors, le consul ne prend le commandement qu’après l’expiration de son année de magistrature, ne change en soi rien au droit de faire les levées. Cf. tome VII.
[10] Handb. 5, 356.
[11] Cf. tome IV, le chapitre des Officiers magistrats.
[12] Tite-Live, 42, 33. Cicéron, In Pison. 36, 88. Varron (dans Nonius, v. Extispices) : Ait consulem mihi pilum credere (au lieu de cedere, Madvig, Adv. 2, 654). Tacite, Ann. 1, 41. A la vérité Polybe, 6, 2.1, 2. c. 25, 1, attribue la nomination des centurions et des décurions aux tribuns militaires, et l’optio soit du centurio, soit du decurio est nommée à l’origine par lui-même (Polybe, loc. cit.), plus tard par le tribun militaire (Varron, De l. L. 5, 91). Il est probable que le droit de nomination appartenait, jusqu’au bas de l’échelle des grades, au consul ; mais, en fait, les grades inférieurs ont sans doute été généralement conférés par les supérieurs immédiats.
[13] Voir à ce sujet, tome III, la théorie du Consulat. Sur les légats, qui ne peuvent aucunement être regardés comme étant en premier lieu des officiers d’état-major nommés par la magistrat supérieur, on comparera le chapitre qui les concerne, tome IV.
[14] Comparez à ce sujet, tomes II et IV, les théories de la Responsabilité des magistrats et de la Questure.
[15] Cf. tome IV, la théorie de la Questure militaire.
[16] Des développements plus étendus sont donnés dans ma Monnaie romaine, p. 365, 373 et ss. (tr. fr. 2, p. 44, 51 et ss.) La liberté avec laquelle s’exerçait ce droit est attestée surtout par les pièces d’or que frappèrent Sulla et Pompée à une époque où l’or ne circulait encore qu’en barres.
[17] Polybe, 6, 37, 8. Tite-Live, 23, 24, 10. Digeste, 49, 16, 12, 2. Loi municipale de la colonie Genetiva, c. 103. Handb. 5, 572.
[18] Caton dans Frontin, Stratagèmes, 4, 1, 16 ; Polybe, 6, 37, 9.
[19] Polybe, 6, 37, 9.
[20] Aulu-Gelle, 6 [7], 1. Tite-Live, Ep. 86.
[21] Le mot latin est conservé, dans une inscription de Messène (Lebas-Foucart, 318 a) pour L. Licinius Murena, qui triompha en 673.
[22] C’est ainsi que le comprend Salluste, Cat. 6 : Annua imperia binosque imperatores sibi fecere. Mais c’est par conjecture et non pas en vertu d’une tradition.
[23] César, B. c. 3, 31, dit ironiquement : Scipio detrimentis quibusdam... accepits imperatorem se appellaverat. Les conséquences qui changèrent la face de l’univers, tirées de ce principe et du suivant sous le Principat, devront être développées à propos de celui-ci.
[24] Tacite, Ann. 3, 74. Tiberius... Blæso tribuit ut imperator a legionibus salutaretur, prisco erga duces honore qui bene gesta re publica gaudio et impetu victoris exercitus conclamabantur. — Cf. Cicéron, Ad Att. 5, 90, 3. Dion, 43, 44. 52, 41. Pline, Paneg. 12, et beaucoup d’autres textes.
[25] Cicéron, Phil. 14, 4. 5, 11. 12. Cf. Dion, 46, 38. Lorsque l’empereur Marc-Aurèle est salué imperator pour la septième fois par les soldats sur le champ de bataille, il accepte καίπερ ούκ είωθώς πλήν τήν βουλήν ψηφίσασθαι τοσοΰτόν τι προσίεσθαι (Dion, 11, 10). — Acclamation du populus : Appien, B. c. 5, 31.
[26] Appien, B. c. 2, 44. Il ne peut là être fait allusion qu’aux acclamations impériales de ce genre ; sous la République, il n’y avait pas de limite fixée, Appien lui-même le dit et Cicéron le confirme, Philipp. 14, 4. 5, 11. 12. A la vérité, Diodore, éd. Wess., p, 538, déclare en sens contraire qu’il faut, pour donner droit au titre d’imperator, une bataille dans laquelle soient tombés au moins six mille ennemis, et Dion, 37, 40, blâme Antoine d’avoir, après la défaite de Catilina, pris le titre d’imperator bien que le nombre des morts ne fût pas suffisant. Y a-t-il là une contusion avec le règlement analogue dont nous parlerons plus bas pour le triomphe, c’est un point incertain.
[27] La plus ancienne mention concerne Scipion l’Africain (Tite-Live, S7, 19, 4) ; les plus anciens témoignages épigraphiques, L. Æmilius L. f inpeirator sur le bronze d’Hasta (C. I. L., II, 5041) de 565 et les inscriptions de L. Mummius, consul en 608 (C. I. L., I, 541 : L. Mummi L. f. cos... imperator dedicat ; cf. op. où, n. 546 et 619), ne sont guère plus récents.
[28] Dans les titres, mais la seulement, on trouve consul imperator, pro prætore imperator l’un à côté de l’autre (Cicéron, Phil. 14, 4, et l’inscription de Mummius).
[29] Les exemples les plus sors sont ceux de P. Ventidius qui, en qualité de légat d’Antoine (Tite-Live, Ep. 127, 128 ; Florus, 2, 19 ; Dion, 48, 41. 49, 21), battit les Parthes en 715 et 716 et, pour ce motif, s’appelle imperator sur ses monnaies (Cohen, Méd. consul. p. 326), et de C. Sosius, le successeur de Ventidius, qui s’appelle questeur sur quelques-unes de ses monnaies et imperator sur d’autres (Cohen, op. cit., p. 303).
[30] L. Munatius Plancus, consul en 712, triomphateur en 711 : imp. II (Orelli, 590 = C. I. L., X, 6087). — T. Statilius Taurus, consul en 717, 728, triomphateur en 720 : imp. III (C. I. L., II, 3556. X, 409). — Ap. Claudius Pulcher, consul en 716, triomphateur vers 723 : imp. (Orelli, 3417 = C. I. L., X, 1424). — C. Calvisius Sabinus, consul en 715, triomphateur en 736 : imp. (Henzen, 6742 = C. I. L., X, 6895).
[31] Q. Laronius, consul en 721 : imp. II (Henzen 6753 = C. I. L., X, 8041, 18). — Sex. Appuleius Sex. f., consul en 725 : imp. (C. I. L., IX, 2637). — M. Nonius Gallus, à la suite de sa victoire de 725 (Dion, 51, 20) : imp. (Orelli, 3419 = C. I. L., IX, 2642, comp. C. I. L., I, p. 419). — C. Cocceius Balbus, d’ailleurs inconnu, mais appartenant à cette époque : imp. (C. I. Att., III, 511). Il est certain que ces personnes ne sont pas arrivées au triomphe puisque, pour cette époque, la liste triomphale est complète.
[32] Un cas particulièrement remarquable est celui de M. Licinius Crassus, consul en 724, triomphateur pro consule en 127, parce qu’il se place précisément à l’époque du changement. Une inscription grecque (Eph. epigr. I. p. 106) lui donne le titre d’imperator ; mais Dion dit, 51, 26, qu’à raison de sa victoire sur les Thraces en 725, on lui accorda le triomphe, mais non, en dépit de l’avis de quelques-uns, le titre d’imperator. C’est à tort que Dittenberger (Eph., loc. cit.), se prononce pour l’inscription contre Dion ; les faux titres ajoutés par adulation sur des monuments municipaux, en particulier en Grèce, ne sont pas une rareté ; c’est ainsi par exemple que, d’une façon tout à fait analogue, Agrippa est à plusieurs reprises faussement transformé en imperator (C. I. L., IX, 262. 2200 ; C. I. Gr. 1878), et les circonstances politiques donnent clairement raison a Dion.
[33] Je ne trouve pas un seul exemple sur de concession du titre d’imperator à un légat, pas même pour les débuts du Principat. Quand Tibère et Drusus, en 743, furent acclamés imperatores par les soldats, Auguste ne leur permit pas de porter ce titre (Dion, 54, 33), probablement parce qu’à cette époque ils n’avaient livré de bataille qu’en qualité de légats impériaux, alienis auspiciis ; car Tibère n’était encore rien de plus à la guerre de Pannonie en 745 (Mon. Ancyr. 5, 45). Dans les cas où le titre apparaît comme concédé par acclamation, postérieurement à 727, ses titulaires sont au moins en possession de la puissance proconsulaire secondaire.
[34] L. Passienus Rufus, consul en 730, s’appelle, comme gouverneur d’Afrique, imperator dans l’inscription Eph. ep. V, 644, et sur la monnaie citée Mon. Ancyr. p. 38. Il doit sans doute en être de même de Cossus Cornelius Lentulus, consul en 753 (Velleius, 2, 116). Tacite, Ann., 3, 74, dit de Q. Junius Blœsus, proconsul en Afrique en l’an 22 : Tiberius id quoque Blæso... tribuit, ut imperator a legionibus salutaretur... Concessit quibusdam et Augustus id vocabulum ac tunc Tiberius Blæso postremum.
[35] Les formes extérieures de la marche triomphale sont décrites Handb. 5, 582 et ss.
[36] C’est pourquoi la loi curiate de imperio est une des conditions du triomphe (Cicéron, Ad Att. 4, 16, 19).
[37] Il faut rapprocher de là le fait que les spolia opima n’appartiennent qu’au général effectif : Ea rite, dit Tite-Live, 4, 20, spolia opima habentur quis dua duci detraxit, nec ducem novimus nisi cujus auspicio bellum geritur. De même Tite-Live, 1, 10 ; Festus, v. Opima, p. 186 ; Plutarque, Num. 8 ; Servius, Ad Æn. 6, 856. 860.
[38] Tite-Live, 28, 38, 4, sur l’an 548 (cf. Val. Max. 2, 7, 8. Appien, Hisp. 38) ; 31, 20, 3, sur l’an 551. Plutarque, Pompée, 14.
[39] Lorsque le consulat vient succéder immédiatement à l’imperium militaire du magistrat, le triomphe et le début du consulat semblent avoir lieu généralement le même jour. C. Marius triompha ainsi, à raison des victoires remportées dans son proconsulat d’Afrique, comme cos. II, le 1er janvier 650, et, à son exemple, les consuls M. Æmilius Lepidus en 708, probablement le 1er janvier, L. Antonins le 1er janvier 713, C. Marcius Censorinus le 1er janvier 715. — Le triomphe d’ailleurs anormal de Q. Fabius Maximus célébré le 13 octobre 709, viole cette loi encore plus fortement en ce qu’il avait commencé son consulat dès le 1er octobre. — Ces anomalies ont dû être toutes légalisées par des votes spéciaux du peuple d’après l’analogie de ceux mentionnés note 63.
[40] Même si le magistrat triomphe pendant sa magistrature, il ne franchit pas le pomerium avant le jour où il fait sa rentrée en qualité de vainqueur ; de sorte que, par exemple, tous les actes qu’il accomplit jusque-là avec le sénat ont lieu en dehors du pomerium (Tite-Live, 3, 63. 23, 9. 33, 22 et ailleurs encore ; cf. Becker, Top. p. 151. 605. 607) ; car, s’il le franchissait, les auspices de guerre spéciaux seraient perdus. Ils pouvaient, il est vrai, être renouvelés ; le jeune Drusus a certainement, en l’an 20 de l’ère chrétienne, célébré l’oratio en vertu d’un tel renouvellement (loc. cit.) ; l’empereur Vespasien quitta aussi Tome, en l’an 71, pour revenir triompher avec son fils (Josèphe, B. Jud. 7, 5, 4). Mais, pour l’époque ancienne, on ne peut invoquer en ce sens ni l’événement raconté par Tite-Live, 3, 10, ni aucun autre exemple certain, et les auspices renouvelés ne paraissent pas y avoir été tenus comme suffisants en rue du triomphe. La situation du promagistrat est différente en ce qu’il ne peut pas répéter les auspices ; on ne sait comment il fut paré à cette difficulté dans le cas de Drusus.
[41] On procéda conformément à cette règle dans les années 260 et 323, où il y avait eu en campagne soit l’un des consuls, soit les deux avec un dictateur. En 395, ce ne fut certainement pas le dictateur, mais le consul qui triompha (Tite-Live, 7, 11) ; cela ne peut s’expliquer qu’en admettant que le récit de Tite-Live est inexact et que le consul remporta, après la retraite du dictateur, l’avantage décisif.
[42] C’était le cas de la victoire remportée en 513 par le proconsul C. Lutatius et le propréteur Q. Valerius Falto. Les doutes qui furent soulevés ont été discutés note 68 de la partie précédente. Mais les fastes triomphaux prouvent que Falto a aussi triomphé. Et plus tard, en partant de ce précédent, on a également accordé le triomphe à M. Æmilius Regillus, propréteur en 563, et à Cn. Octavius, propréteur en 587, bien que des consuls eussent exercé le commandement à leurs côtés.
[43] C’était le cas de la victoire des consuls M. Livius et C. Nero à Sena en 537. Cependant le dernier obtint l’ovation (Tite-Live, 28, 9).
[44] Pas un des maîtres de la cavalerie de César n’est parvenu au triomphe. Il n’y a pas de renseignements généraux sur le point de savoir si le maître de la cavalerie est ou non juridiquement capable de triompher.
[45] Dans l’hypothèse qui vient d’être citée, on fait valoir contre le consul Néron que in provincia M. Livii res pesta esset (Tite-Live, 23, 9, 10). En 559, le gouverneur de l’Espagne ultérieure, un ex-préteur investi des pouvoirs proconsulaires, battit, au moment où il revenait vers Rome avec son escorte, l’ennemi dans l’Espagne ultérieure, où commandait alors le consul Caton. On lui refusa le triomphe quod alieno auspicio et in aliena provincia purgnasset, mais on lui accorda l’ovatio (Tite-Live, 34, 10). Cf. Tite-Live, 10, 37. D’après ce qui a été remarqué plus haut, on pourrait supposer qu’un tel triomphe serait plutôt accordé en vertu de la puissance consulaire qu’en vertu de la prétorienne, cependant cette distinction ne peut pas être suivie d’une manière suffisante dans nos sources. Il ne faut pas faire rentrer dans cet ordre d’idées le cas rapporté par Tite-Live, 31, 19, 57, où le préteur remporta une victoire immédiatement avant l’arrivée du consul auquel était attribuée la même compétence territoriale ; car le commandement qui n’est pas vacant n’est jamais acquis par le magistrat qui vient le prendra avant qu’il ne soit arrivé sur les lieux.
[46] Zonaras, 7, 13. Les fastes triomphaux le confirment. Il peut en avoir été de même pour les décemvirs legibus scribundis. On n’est pas revenu à cette règle pour les tresviri rei publicæ constituendæ.
[47] Cela est confirmé par la rédaction des textes cités note 38.
[48] Le plus ancien cas de ce genre, qui date de l’an 423 de Rome (fastes triomphaux pour cette année : Q. Publilius Q. f. Q. n. Philo II primus pro cos. de Samnitibus Palæopolitancis ann. CDXXVII k. Mai.) est également le cas le plus ancien d’une prorogation prolongée accordée par une résolution en forme (Tite-Live, 8, 26, 7 : Duo singularia hæc ei viro primum contigere, proragatio imperii non ante in ullo facta et acto honore triumphus). Nous ne connaissons pas d’exemple que le triomphe ait été refusé à un magistrat parce qu’il avait dépassé le terme de ses fonctions. Au reste, le triomphe célébré in magistratu que Tite-Live note parfois (10, 46, 2. 34, 49, 2, 33, 23, L c. 37, 10. 41, 43, 6) constituait encore en fait l’usage au sixième siècle (Tite-Live, 36, 39, 10 ; ma Chronologie, p. 84. 85).
[49] Tite-Live, 26, 21 : Tribun plebis ex auctoritate senatus ad populum tulerunt, ut M. Marcello, quo die urbem ovans iniret, imperium esset. 45, 35 : Tribus iis omnibus decretus est ab senatu triumphus mandatumque Q. Cassio prætori, cum tribunis plebis ageret, ex auctoritate patrum rogationem ad plebem ferrent, ut iis, quo die in urbem triumphantes inveherentur, imperium esset. Des décisions analogues ont naturellement été prises dans toutes les hypothèses semblables, probablement plus tard par le sénat, lorsque le droit de délier des lois lui eut passé en fait. — Cependant ces privilegia n’avaient pas du tout pour résultat de déclarer le passage du pomerium dénué d’effet, mais seulement d’en retarder l’effet jusqu’à la fan de la journée. Le jour du triomphe est par suite nécessairement pour le promagistrat le dernier jour où il exerce ses fonctions.
[50] Tite-Live, 31, 49, 10 : Majores ideo instituisse, ut legali tribuni centuriones milites denique triumpho adessent, ut [testes] rerum gestarum ejus, cui tantus honor haberetur, populus Romanus videret. Parmi les motifs pour lesquels, après la victoire de Sena, l’on accorda le triomphe à Livius et seulement l’ovation à Nero, il y avait encore le fait que exercitus Livianus deductus Romam venisset, Neronis deduci de provincia non potuisset (Tite-Live, 28, 9, 10). Lorsque Marcellus revint à Rome après la conquête de Syracuse, on invoqua contre lui (Tite-Live, 126, 21) qu’il n’était pas convenable quem tradere exercitum successori jussissent (quod nisi manente in provincia bello non decerneretur), eum quasi debellato triumphare, cum exercitus testis meriti atque immeriti triumphi abesset ; on lui refusa par suite le triomphe, mais on lui accorda l’ovation. Tite-Live, 45, 38,13.
[51] Tite-Live, 39, 29, 4, pour l’année 569 : Ita comparatum more majorum erat, ne quis qui exercitum non deportusset triumpharet, nisi perdomitam pacatamque provinciam tradidisset successori. Le préteur L. Furius triompha ainsi, en 554, de Gallis, bien qu’il eût remis toute l’armée aux mains de son successeur (Tite-Live, 31, 49, 2), et il fut procédé de la même façon pour tous les triomphes espagnols. Au reste, même en 569, on fit abstraction de la rigueur du droit et l’on accorda tout au moins l’ovation au général.
[52] V. tome II, la théorie de la Prorogation.
[53] Dion, 43, 42. 43, 41. 43, 42. 49, 21. 51, 21. 24. 25.
[54] Le seul triomphe qui, en dehors des triomphes propres de César, se rencontre à cette époque, le premier de M. Æmilius Lepidus ex Hispania en 708 (Dion, 43, 1) est régulier.
[55] Les premiers triomphes célébrés contrairement à cette règle sont, commet Dion l’indique (ci-dessus, note 53), ceux des lieutenants de César en Espagne (Bell. Hisp. 2 ; Dion, 43, 21), celai de Q. Fabius Maximus, le 13 octobre et celui de Q. Pedius, le 13 décembre 709.
[56] Tous les lieutenants cités dans les fastes triomphaux, à l’exception de Q. Maximus qui y est qualifié de consul, ont, d’après eux, triomphé pro consule. Cela ne peut pas se rapporter à leur situation officielle ; car, ainsi qu’il sera montré dans la théorie des pouvoirs exercés par représentation, le legatus ne peut jamais avoir plus que les pouvoirs de propréteur ; non seulement on ne rencontre pas la qualification de legatus pro consule, mais elle contiendrait une contradictio in adjecto. Il ne reste par conséquent qu’une solution possible ; c’est que César, pour accorder à ses lieutenants le droit de triompher, leur concéda, sans tenir compte de leur position antérieure, un imperium pro consule indépendant pour le jour du triomphe. On sait que, dans les fastes, la qualification officielle ne se rapporte pas au jour de la victoire remportée, mais à celui de la fête ; ainsi, comme il a déjà été remarqué, l’un des lieutenants cités ici, Q. Maximus triompha, d’après eux, le 13 octobre 709, consul, parce qu’il avait les faisceaux depuis le 1er octobre.
[57] Ainsi les légats P. Ventidius, C. Sosius, Ti. Nero, M. Crassus, sont parvenus au triomphe ; et il est encore probable pour d’autres triomphateurs de cette époque tout à fait récente qu’ils n’ont été rien de plus que légats.
[58] La liste des triomphes, complète dans sa partie finale, cite, depuis celui d’Actium, jusqu’à celui de Sex. Appuleius ex Hispania célébré le 26 janvier 728, un certain nombre de triomphes qui ne peuvent être rattachés qu’à un commandement exercé par représentation ; et c’est à eux que se rapporte ce que Dion, 54, 13, remarque par opposition à Agrippa. Mais, à partir de là, il n’y a, dans la liste, à côté de titulaires de la puissance proconsulaire primaire ou secondaire et de deux gouverneurs d’Afrique (aux années 733 et 753), c’est-à-dire également de titulaires d’un imperium propre, qu’un seul triomphateur auquel on ne puisse pas reconnaître un imperium propre ; c’est A. Plautius sous Claude, et son ovation pourrait être une fantaisie baroque de ce souverain. Le fait qu’Auguste refusa à Tiberius Nero le triomphe que le sénat lui avait attribué en 742, et ne lui accorda que les ornements triomphaux (Dion 54, 31, rapproché de Suétone, Tib. 9) peut également avoir été motivé sur ce que Tibère ne possédait pas alors d’imperium propre.
[59] Tite-Live, 32, 7, 4.
[60] A L. Lentulus (Tite-Live, 31, 20) et à Cn. Cornelius Blasio (Tite-Live, 33, 27 ; C. I. L., I, p. 533). Dans le premier cas, les opposants objectaient, assurément avec raison, que le petit triomphe était aussi contraire à la logique et à la tradition que le grand. Il est à remarquer que les quatre hypothèses citées ici concernent toutes la situation du gouverneur d’Espagne antérieurement à l’établissement des prétures fondées plus tard pour cette région.
[61] Cicéron, De imp. Cn. Pompeii, 21, 62 : Quid tam incredibile, quam ut iterum eques Romanus ex senatus consulio triumpharet ? Le second triomphe eut lieu la dernier jour de décembre 683. On sait que le consulat revêtu par lui le 1er janvier 684, est la première magistrature régulière occupée par Pompée. Drumann, 4, 337. 383.
[62] Aulu-Gelle, 10, 20, 10 : Sallustius.... privilegium quod de Cn. Pompeii reditu ferebatur, legem appellavit : verba ex secunda ejus historia hæc sunt : Nam illam (?) Sullam consulem de reditu ejus legem ferrentem ex composito tr. pl. C. Herennius prohibuerat.
[63] Il n’y a aucun indice qu’il y ait eu besoin, pour le magistrat ayant d’ailleurs droit au triomphe, d’une résolution populaire autorisant expressément le triomphe, et il n’est pas vraisemblable qu’il y en ait eu besoin ; car alors le triomphe n’aurait jamais pu avoir lieu qu’en vertu d’un privilegium. La soustraction du jour du triomphe aux règles sur l’autorité exercée domi doit avoir été établie dés le moment de la séparation des deus territoires. On peut rapporter à cela le fait que même le magistrat qui est dans ces conditions s’abstient de franchir le pomerium avant le jour du triomphe.
[64] Il n’est, à ma connaissance, pas fait allusion à la hache pour les fasces laureati du triomphateur. Mais celui-ci y avait, en tout cas, droit jusqu’au passage de la porte, et il est peu vraisemblable qu’elle dut être retirée des faisceaux à ce moment.
[65] Plus tard, ces exécutions ne furent plus faites par la hache (Josèphe, Bell. Jud. 7, 5, 6 ; Cicéron, Verr. 5, 30, 77 ; Handb. 5, 585) ; mais elles avaient lieu de cette façon à l’époque ancienne (Tite-Live, Ep. 11 et 26, 3, 15) ; et cela constitue, même quand il s’agit de non citoyens, une anomalie. Il est probable que toutes les exécutions en masse faites par la hache, en tant qu’elles ont lieu à Rome (par exemple, Tite-Live, 9, 24, 15), se rattachent à ce droit exceptionnel du triomphateur. Il semble naturel qu’il implique également la soustraction du magistrat qui triomphe au principe de la provocatio ; car, s’il se trouvait des citoyens romains qui avaient passé à l’ennemi parmi les prisonniers de guerre, il n’y avait aucun motif de faire une exception à leur profit. Ce fut, encore de cette manière que furent exécutés, en 483, les cives Romani Campani faits prisonniers à Rhegion ; il y eut, il est vrai, une protestation des tribuns motivée sur la violation du droit de provocation (Val. Max. 2, 7, 15) ; mais elle peut s’être rapportée à ce que les exécutions durèrent plusieurs jours.
[66] Val. Max. 2, 8, 7 : Quamvis gais præclaras res.... civili belle gessisset, imperator tamen eo nomine appellatus non est neque ullæ supplicationes decreta sunt neque aut ovans aut curru triumphavit. Dion, 42, 18. 43, 42. 51, 19. Florus, 2, 30 [3, 22]. Lucain, 1, 12, avec la scolie. Tacite, Hist. 4, 4. C’est à cela que se rapporte la polémique de Cicéron, Philipp. 14, 3, 4. — C’est pour ce motif (et non pas, comme dit par erreur Valère Maxime, 2, 8, 4, parce que le triomphe aurait en lieu seulement pro aucto imperio et non pro reciperatit quæ populi Romani fuissent), qu’il n’y eût pas de triomphe à la suite de la conquête de la cité de demi citoyens de Capoue, en 643, et de la colonie latine de Fregellæ, en 629 ; le dernier exemple surtout a une importance historique, parce qu’il en résulte que les Latins étaient, sous notre rapport, mis à cette époque sur le même pied que les citoyens.
[67] C. I. L., I, p. 478, et à ce sujet Henzen, eod. loco.
[68] Aulu-Gelle, 5, 6, 21 : Ovandi ac non lriurnphandi causa est, cum aut bella non rite indicta neque cum justo hoste gesta sunt aut hostium nomen humile et non idoneum est, ut sertorum piratarumque, aut deditione repente facto inpulverea ut dici solet incruentaque victoria obvenit.
[69] M’ Aquillius : Cicéron, De orat. 2, 47, 193 ; Athénée, 5, p. 213, B.
[70] M. Crassus : Aulu-Gelle, 5, 6, 23, et plusieurs autres textes. Drumann, 4, 82. Pompée ne dédaigna pas non plus de terminer par la défaite des pirate3 la longue liste de ses victoires de 693 (fastes triomphaux).
[71] La formule porte sur les deux tables triomphales : Quod pacem cum M. Antonio pour l’un, — et pour l’autre cum imp. Cæsare, — fecit.
[72] Val. Max. 2, 8, 1 : Ob levia prœlia quidam imperatores triomphos sibi decerni desiderabant (cf. Tite-Live, 40, 38 : Ili omnium primi nullo bello gesto triumpharunt ; Cicéron, In Pison. 26, 62 ; discours de Caton contre Q. Minucius Thermus, de falsis pugnis, combiné avec Tite-Live, 37, 46, 1) : quibus ut occurreretur ; lege cautum est, ne quis triumpharet, nisi qui quinque milia hostium una acie cecidisset. Comparez Aulu-Gelle, 5, 6, 21, et sur les indications analogues relatives au titre d’imperator, Appien, B. c., 2, 44.
[73] Val. Max. eod. loto : (Lex) quam L. Marius et M. Cato tr. pl. tulerunt, pœnam... imperatoribus minatur, qui aut hostium occisorum in prœlio aut amissorum civium fatsunt numerum litteris senatui ausi essent referre, jubetque cos, eum primum urbem intrassent, apud quæstores urbanos jurare de utroque numero vere ab his senatui esse scriptum.
[74] Ces solennités in monte Albano (Handb. 5, 590), avaient lieu jure consularis imperii (Tite-Live, 33, 23, 3), sine publica auctoritate (Tite-Live, 42, 21, 1). Leur validité légale est attestée par les fastes triomphaux, qui les comprennent dans le compte des triomphes.
[75] Tite-Live, 10, 37. Denys, éd. Kiessl. 18, 5 (16, 18).
[76] Zon. 2, 20, en termes plus précis que Plutarque, Marc. 4.
[77] Oros. 5, 4. Dion, fr. 14. Suétone, Tib. 2.
[78] Polybe, 6, 15, 8.
[79] Les triomphes senatus consulta jussaque populi (Tite-Live, 4, 20, 1 ; Zonar. 7, 21) ou consensu patrum plebisque (Tite-Live, 6, 42, 8) tout comme ceux appuyés contre la volonté du sénat sur un plébiscite (Tite-Live, 3, 63, 8 ; de même, 7, 47, 9, populi jussu) doivent tous être considérés comme se fondant théoriquement sur les pouvoirs du général ; les triomphes de Megellus, Philus, Claudius ne se fondent pas sur une loi et on ne peut leur trouver d’autre base que les pouvoirs du magistrat. Le plébiscite ne fait qu’exprimer l’approbation de la fête de la victoire et constater la non-intervention de la coercition tribunicienne. On ne peut par conséquent s’étonner que ces plébiscites se rencontrent dans des époques où des propositions de loi ne pouvaient être soumises à la plèbe qu’avec l’assentiment du sénat.
[80] Cela résulte précis meut des exceptions relatives à Megellus (Tite-Live, loc. cit.) et à Claudius (Suétone, loc. cit. ; Cicéron, Pro Cæl. 14, 34 ; Val. Max. 5, 4, 6).
[81] En 735, à cause de la défaite des Cantabres (Dion, 547 11) ; en 740, à cause de la soumission des Bosporani (Dion, 54, 24). C’est au dernier de ces précédents que Dion rattache la disparition du triomphe sauf pour le souverain en personne et son remplacement par la concession des ornements triomphaux.
[82] C’est une idée qui va de soi ; elle est du reste confirmée par le fait que M. Crassus, en 725, et le jeune Drusus, en l’an 20 de l’ère chrétienne, sont arrivés au triomphe ou à l’ovation, mais n’ont pas été acclamés imperatores.
[83] Pour l’époque du Principat, nous trouvons, en partant de celui de 728, les triomphes suivants en dehors de ceux de I’empereur lui-même et des deux triomphes de Africa, déjà cités : Nero Claudius Drusus, ovation pour 744 (Dion, 54, 33 ; Suétone, Claud. 1) ; une seconde solennité de ce genre avait été prescrite en sa faveur lorsqu’il mourut en 745 (Dion, 55, 2). — Ti. Claudius Nero, ovation en 745 (Dion, 55, 2 ; Velleius, 2, 96 ; Suétone, Tib. 9). — Le même, triomphe en 757, le 1er janvier (Dion, 55, 6. 8 ; Vell., 2, 97). — Le même triomphe en 765, le 16 janvier (Vell. 2, 121 ; Suétone, Tib. 20 ; C. I. L., I, p. 334). — Germanicus, triomphe le 26 mai de l’an 17 de l’ère chrétienne (Tacite, Ann. 2, 41) ; l’ovation qui lui fut accordée en l’an 19 (Tacite, Ann. 2, 64) fut empêchée par sa mort. — Drusus César, ovation en l’an 20 après J. C. (Tacite, Ann. 2, 65. 3, 11, 19). — A. Plautius, ovation en 47 ap. J. C. (Suétone, Claud. 24 ; Tacite, Ann. 13, 32 ; Dion, 60, 30 ; Eutrope, 7, 13). — Titus, triomphe avec son père en 71 ap. J. C. (Josèphe, Bell. Jud. 7, 5, 3 à 6 ; Suétone, Tit. 6, et d’autres textes encore). — Voir ce que Procope raconte de Bélisaire, B. Vand. 2, 9.
[84] Cela résulte surtout de Cicéron, Verr. 3, 80, où est aussi rapportée la præfatio velus atque imperatoria (quandogue tu quid in prælio, in bello, in re militari...) avec laquelle ces présents étaient faits devant l’armée réunie (in contione). Cf. encore Suétone, Aug. 25 : Solos triumphales... numquam donis (il est question des dona militaria) impertiendos putavit, quod ipsi quoque jus habuissent tribuendi ea quibus vellent. D’après Tacite, Ann. 3, 21, Tibère blâma le proconsul d’Afrique, parce qu’il n’avait pas donné, proconsulis jure, à un soldat la corona civica, mais seulement le torquis et la hasta.
[85] Handb. 5, 513. Sur la concession de l’anneau d’or équestre par le général, v. la partie des Chevaliers, tome VI, 2.