LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

MAGISTRATURE ET POUVOIRS DE MAGISTRATS.

 

 

L’IMPERIUM DOMI ET L’IMPERIUM MILITIÆ

Tout État a pour tâche de se développer sous une double forme et pourtant de concilier en un tout organique les deux régimes, l’état de paix et l’état de guerre, l’organisation politique et l’organisation militaire du peuple, les pouvoirs du juge et ceux du général. Toutes les conceptions que l’on peut se faire de la puissance publique à Rome dépendent de la question de savoir comment y a été résolu ce problème politique, le premier et le plus ardu de tous.

Le droit public romain exprime cette distinction en distinguant l’exercice du pouvoir domi et militiæ[1]. Cette distinction ne se confond aucunement avec celle de l’état de paix et de l’état de guerre. L’état de paix finit avec la déclaration de guerre, et pourtant la formation de l’armée rentre dans les fonctions exercées domi. Quand la ville est assiégée et que les citoyens se défendent derrière ses murailles, — hypothèse qui ne se présente pas souvent, il est vrai, dans notre tradition, mais dont la fréquence relative à l’époque ancienne est fortement attestée par les étroites limites du territoire, par les puissantes murailles de la ville et par toute l’organisation défensive, — il est bien vrai qu’il y a guerre, et les citoyens qui défendent la ville font un service militaire[2] ; même lorsqu’ils font des exercices de campagne, à l’endroit qui y est affecté en dehors des portes, ils forment une armée, un exercitus[3] ; mais les règles portées pour l’autorité exercée domi n’en restent pas moins en vigueur. La célébration de la victoire a lieu au Capitole, par conséquent domi ; cependant elle est considérée comme un acte militaire, et le triomphateur exerce le commandement sans qu’il faille pour cela lui accorder un privilegium[4]. Par conséquent, les fonctions exercées domi ne comprennent pas seulement les actes non militaires, mais encore les actes d’ordre militaire qui s’accomplissent à l’intérieur de la ville ou prés de la ville ; le principe n’est pas atteint parce que les règles établies, principalement en vue de la paix, pour cette sphère d’opérations, ne peuvent pas toujours être maintenues en cas de guerre réelle, et que des exceptions y sont apportées, soit pour des situations exceptionnelles, soit en vertu des dispositions générales de la constitution[5]. — En revanche, le pouvoir exercé d’après le droit de la guerre avait bien pour principe, à l’époque ancienne, l’idée de guerre faite par le général en chef et d’administration militaire dirigée par lui ; mais, dans la forme, il comprenait tous les actes qui, d’après le régime en vigueur, avaient lieu hors de la ville. La préture provinciale appartient dans la forme aux fonctions d’ordre militaire ; mais l’administration de la justice civile constituait si bien la compétence propre de ces préteurs, que, s’il y avait, dans leurs ressorts, des guerres de quelque importance, on en chargeait les consuls. — Par conséquent, la distinction est d’ordre purement territorial, ainsi que l’expriment nettement les deux très vieux locatifs caractéristiques : domi et militiæ. Les fonctions sont exercées demi, quand elles sont exercées à l’intérieur de la ville, ou dans le voisinage, et elles sont exercées militiæ quand elles le sont à l’extérieur, sans qu’on ait à s’occuper de la différence des affaires civiles et militaires.

Cette distinction, décisive pour le droit public romain, a pour condition première l’idée des limites de l’urbs Roma, entourée par l’enceinte de Servius[6], ou, comme on les appelle dans la langue technique, du pomerium[7]. Le magistrat, qui quitte la ville afin de prendre un commandement, franchit ces limites avec des formes solennelles[8]. Après que des auspices spéciaux ont été pris pour cet acte au Capitole[9] et que le général a offert les vœux militaires habituels au Deus Optimus Maximus auquel il espère rapporter la palme de la victoire[10], les trompettes sonnent la marche[11], le général[12] et ses licteurs[13] endossent le costume de guerre (patudamentum), et ses amis et la foule l’escortent jusqu’à la limite de la ville, jusqu’au pomerium[14] ; à partir de là, le magistrat est général.

Il est certain que, pour les traits essentiels, cette cérémonie est aussi vieille que Rome ; il est certain que l’auspicium urbanum qu’elle requiert était également pris, avant de partir pour l’armée, par le roi dans l’enceinte du pomerium[15]. Mais cependant, au moins dans la conception de la puissance royale que les jurisconsultes de la République s’étaient formée ou qui leur avait été transmise, il n’y avait pas de changement de fond des attributions royales qui se liât au passage du pomerium. Si, relativement aux Dieux, il fallait au roi, pour faire la guerre, l’auspicium urbanum et s’il ne prenait qu’au départ son costume et ses ornements militaires, la puissance qui lui appartenait n’était pas moins illimitée en deçà qu’au delà de l’enceinte, et ses licteurs portaient la hache d’un de ses côtés comme de l’autre.

La différence essentielle présentée par les attributions du magistrat, selon qu’elles sont exercées dans le domaine de la paix ou dans celui de la guerre, est une institution de la République, ou plus exactement c’est la conséquence nécessaire du principe républicain dans son opposition au principe monarchique. Les restrictions fondamentales que la nouvelle constitution de l’État apporte à la puissance des magistrats ne s’appliquent pas partout sans distinction elles sont limitées topographiquement au territoire intérieur ; pour-la territoire de guerre, elles ne s’appliquent pas, ou ne s’appliquent que dans une mesure beaucoup moins large.

Ces restrictions[16] sont : l’exercice exclusif de l’autorité par des magistrats soumis à l’annalité, sans prolongation de pouvoirs ni constitution arbitraire de représentants ; la collégialité des magistrats, qui trouve son expression dans l’admissibilité de l’intercession entre les collègues ; enfin le droit du peuple de statuer souverainement sur les accusations capitales, droit dont l’expression est la provocatio. La profonde clarté de l’intelligence romaine se montre nettement en ce que l’on ne peut ni transporter une de ces idées fondamentales sous la royauté, qui repose sur l’unité et l’intégralité de l’imperium auspiciumque[17], ni concevoir la république sans elles ; et aussi en ce que, quoi qu’il en ait pu être historiquement[18], le droit public romain et les annales des temps non historiques, qui en sont la forme doctrinale, lie nous les représentent pas comme s’étant développées progressivement pendant l’époque républicaine, mais comme étant arrivées à la vie avec la république elle-même, de suite et dans la plénitude de leur notion[19]. L’opposition de la magistrature et de la promagistrature, d’une part, et, d’autre part, la double nature de la magistrature, qui tantôt est liée par les privilèges du peuple et tantôt ne l’est pas (magistratus sine provocatione) résultent de ces principes, ou plutôt, comme il a déjà été dit, elles n’en sont que l’expression. Quant au développement de ces oppositions, il ne p. eut assurément pas être fourni ici ; car il constitue en réalité le droit public romain lui-même.

La transformation la plus profonde qu’ail éprouvée l’État romain, la délimitation de la puissance publique jusqu’alors une et indivise, se rattache à l’antique coutume, selon laquelle le magistrat, qui prend la qualité de général, quitte le costume de paix et revêt le costume de guerre, en franchissant solennellement le pomerium, après avoir pris les auspices au Capitole.

Cet acte a pris une importance en droit public depuis que le général a des pouvoirs plus étendus que le magistrat de la capitale. Il sépare l’autorité exercée militiæ de celle exercée domi. Pour exprimer que son droit de punir, jusqu’alors limité par la Provocation, recouvre à ce moment l’intégrité qu’il avait autrefois, le magistrat qui sort de la ville[20] fait, en prenant le costume militaire, immédiatement remettre-les haches dans les faisceaux de verges des licteurs, et révèle ainsi par un signe matériel la démarcation tranchée qu’opère le départ dans la situation officielle du magistrat. L’acquisition des : pouvoirs de général en chef est en principe liée à l’observation de ces formes. Si le magistrat a franchi le pomerium sans avoir pris les auspices, son commandement est considéré comme étant affecté d’un vice. Par suite, il est arrivé qu’en pareil cas des soldats aient contraint leur général à retourner à Rome pour répéter la solennité du départ[21].

Mais la limite topographique de l’autorités exercée demi n’était pas la muraille de la ville. Toutes les villes se développent en débordant hors de leur enceinte, et les environs immédiats de la ville requièrent un régime légal qui ne diffère pas de celui de la ville elle-même. A Rome, la limite a, de tout temps, autant que nous sachions, été fixée à la première borne milliaire des diverses routes qui partaient de la ville[22] ; si bien que le territoire de la ville, de quelque nom qu’on l’appelle[23], s’étend encore de mille pas romains, un peu moins d’un kilomètre et demi, au delà de l’enceinte des murs. De même que le sénateur romain est obligé d’habiter dans cette zone[24], l’autorité urbaine s’étend jusqu’à cette limé de démarcation, aussi bien la juridiction civile du préteur urbain, qui ne peut pas valablement organiser de procès au delà[25], que celle des édiles[26] et des magistrats qui leur sont subordonnés[27]. Il n’est pas douteux que la même limitation existe pour tous les magistrats qui sont appelés urbani ou qui, sans porter ce nom, ne possèdent que des attributions urbaines.

Relativement à la provocation et à l’intercession, les témoignages semblent se contredire. Pour la provocation, la première borne milliaire est la limite qui est soit expressément indiquée[28], soit révélée indubitablement comme constituant la règle par les applications pratiques du système[29] ; mais, d’un autre côté, il y a un cas de l’époque historique dans lequel l’imperium indépendant de la provocation se présente à nous comme existant constitutionnellement, dans l’espace compris entre le pomerium et la première borne milliaire[30]. Il en est de même pour l’intercession[31]. La juridiction civile s’étendait jusqu’à la première borne milliaire, le dilectus avait, à l’époque récente, le plus souvent lieu au Champ de Mars[32], le peuple et le sénat[33] s’assemblaient très fréquemment hors des portes ; le premier ne pouvait même, dans les cas les plus importants, être rassemblé dans l’intérieur du pomerium. Il est par conséquent impossible que l’intercession corrélative à toutes ces opérations, en particulier l’auxilium des tribuns, ait dû fonctionner exclusivement à l’intérieur du pomerium. Le préteur et les consuls ne peuvent pas avoir eu la facilité de se soustraire à l’intercession des tribuns en installant leur tribunal, pour rendre la justice ou pour lever des troupes, en dehors des portes, mais, d’un autre côté, la validité est expressément refusée, au moins dans un cas historiquement digne de foi, à l’intercession dirigée contre un général qui agit hors du pomerium et en deçà de la première borne milliaire[34], et l’on place même la distinction entre l’ancienne puissance tribunicienne et celle des empereurs dans ce que, tandis que la limite de la première était la muraille de la ville, celle de la seconde est la première borne milliaire[35].

Cette contradiction apparente de deux traditions également irréfutables se résout en partant de l’idée indiquée plus haut sur la différence existant dans l’imperium militaire, suivant qu’il a ou non été acquis avec les auspices du départ.

Le premier n’est soumis nulle part aux restrictions constitutionnelles tirées de la provocation et de l’intercession. Le second n’y est pas soumis au delà de la première borne milliaire[36] ; mais il y est soumis en deçà. Ce n’est pas seulement de logique juridique. C’est exprimé matériellement par le fait que celui qui quitte la ville avec ces auspices fait mettre les haches dans les faisceaux, tandis que celui qui part sans ces auspices n’a que les faisceaux de verges. Enfin, les deux cas historiquement dignes de foi où l’intercession et la provocation sont dénuées d’effet dans l’espace situé entre le pomerium et la première borne milliaire concernent précisément des magistrats qui, ayant pris l’imperium dans les formes, se trouvent en possession d’un commandement muni de son plein effet[37].

Il résulte de là, pour la nature des pouvoirs publics, une division territoriale tripartite entre :

1) Le territoire intérieur de la ville, sur lequel les magistrats urbains sont compétents, les promagistrats ne le sont pas, et où : la provocation et l’intercession s’appliquent sans réserve ;

2) Le territoire situé au delà de la première borne milliaire, sur lequel les promagistrats le sont, et où la provocation et l’intercession sont hors de cause ;

3) Le territoire situé entre les murs de la ville et la première borne milliaire, sur lequel les magistrats et les promagistrats sont également compétents, et où la provocation et l’intercession sont admissibles en face d’un magistrat qui a pris d’autres auspices[38] ou qui n’en a pas pris du tout, mais où elles ne le sont pas en face du magistrat ou du promagistrat parti solennellement pour l’armée après avoir pris les auspices du départ. Cette sorte de zone neutre entre les deux systèmes opposés est parfaitement appropriée aux actes de cette puissance militaire urbaine qui trouve son expression militaire dans la formation de l’armée par les censeurs et dans les exercices de campagne et son expression civile dans les comices par centuries.

Des dispositions législatives durent être prises afin que tous les actes des magistrats qui devaient être soumis à la provocation ou à l’intercession fussent accomplis en deçà de la première borne milliaire ; on y arriva soit en limitant l’exercice des pouvoirs des magistrats en question à ce territoire, comme on fit pour le préteur urbain et les censeurs, soit en soumettant les différents actes eux-mêmes à cette restriction, comme on peut le démontrer pour les comices par centuries[39] et comme il faut aussi l’admettre pour le dilectus et pour d’autres. On assurait ainsi l’application régulière de la provocation et de l’intercession à ces actes publics, même si, comme c’était le cas pour les comices par centuries, ils revêtaient nécessairement une forme militaire. Il restait possible à la vérité qu’un magistrat, après avoir quitté la ville en qualité de général, accomplit sur ce territoire un acte officiel que sa nature aurait dû soumettre aux limitations constitutionnelles des pouvoirs des magistrats et qui pourtant n’y serait pas alors soumis. Mais cependant, autant que nous sachions, il n’y a jamais eu d’abus sérieux et l’on a pris son parti de cette discordance entre la lettre et l’esprit de la constitution, sans y parer par voie législative.

En partant de cette division territoriale, les magistrats romains se classent en trois catégories ; les magistrats dont les  fonctions s’exercent aussi bien sur le territoire civil que sur le territoire militaire ; ceux dont les fonctions ne s’exercent que sur le territoire civil, ou, comme nous pouvons aussi les appeler, les magistrats urbains ; enfin ceux affectés au territoire extérieur à la ville[40]. Cette division est certainement étrangère à l’ancien droit public, même à celui de la République ; car, si ce droit distingue bien le territoire civil et le territoire militaire, tous les magistrats les plus anciens, les consuls, le dictateur, les questeurs, ont compétence sur les deux. Le principe général de la magistrature est, comme nous verrons dans la partie des Attributions, que les magistrats de l’État ont à administrer non pas telle ou telle affaire particulière, mais les affaires de l’État en général. Et la règle que le magistrat exerce ses fonctions d’une façon domi et d’une autre militiæ, mais que tout magistrat les exerce aussi bien domi que militiæ, a toujours été maintenue pour la magistrature suprême, en ce sens qu’il était considéré comme absolument inadmissible de charger un magistrat appartenant au collège des préteurs et consuls, soit exclusivement de l’administration civile[41], soit exclusivement de l’administration militaire. Nous aurons à en montrer les conséquences dans l’étude des différentes magistratures, en particulier dans celle de la Dictature et de la Préture. La première, bien qu’essentiellement militaire dans son butine s’en applique pas moins à la ville. La seconde, bien que, dans sa forme primitive, elle soit essentiellement affectée à l’administration de la justice à Rome, implique le commandement militaire ; si bien que le préteur urbain, quoiqu’il ne puisse lui-même quitter la ville, exerce pourtant ce commandement par voie de délégation et que ce commandement peut lui être attribué à lui-même par prorogation. Le premier cas où la puissance attachée aux hautes magistratures a été légalement restreinte à la sphère d’attributions étrangères à la ville, a été celui du commandement militaire donné pendant la guerre d’Hannibal, en 543, pour l’Espagne, à P. Scipion[42]. Et le motif pour lequel ce mandataire du peuple, bien qu’ayant par ailleurs été nommé avec l’observation de toutes les règles en vigueur pour l’élection des magistrats, ne fut pas considéré comme étant exactement un magistrat, mais fut relégué dans la catégorie des promagistrats, c’est, comme nous avons vu, précisément que son élection était en désaccord avec ce principe fondamental du droit public romain, c’est qu’il fut le premier magistrat supérieur qui n’eût pas eu de compétence domi au début de ses fonctions.

La seconde catégorie de magistratures, celle des magistratures purement urbaines, apparaît d’abord, en un certain sens, dans les magistratures plébéiennes, la plèbe n’ayant obtenu sa reconnaissance légale que dans la circonscription urbaine. C’est pour cela que, même plus tard, en qualité de magistrats de l’État, les magistrats de la plèbe ont continué à n’avoir de compétence que dans la ville. Cela s’est ensuite étendu soit à l’édilité patricienne, modelée en ce sens sur la plébéienne, soit à toutes les magistratures en sous-ordre auxquelles on assigna des attributions spéciales et purement urbaines[43]. Le cas le plus ancien de ce genre est la mesure prise en l’an 333 de Rome, qui doubla le nombre des questeurs et affecta spécialement deux d’entre eux aux affaires de la capitale.

La troisième catégorie de magistrats, celle des magistrats qui ne sont pas compétents sur le territoire de la ville et qui par conséquent exercent leurs fonctions uniquement hors de Rome, est sensiblement plus récente. Les magistrats ordinaires de cette espèce qui sont les plus anciens sont les quatre questeurs établis en l’an de Rome 487, à la suite de la soumission de l’Italie, précurseurs des magistrats provinciaux plus récents ; et, même parmi les magistrats extraordinaires, on ne peut établir avec sûreté qu’il y en ait eu de cette espèce avant le cinquième siècle[44].

Sous le Principat, il y a encore des magistrats de la seconde et de la troisième catégorie, des magistrats urbains et des magistrats étrangers à la ville. Mais la première catégorie, celle des magistrats qui, selon le lieu où ils se trouvaient, étaient soumis aux lois de l’un ou l’autre des territoires, a disparu, ou plutôt elle ne subsiste encore que dans le principat lui-même, où le prince combine, d’une manière permanente et sans distinction entre les lieux où il se trouve, la puissance urbaine dans la forme d’abord du consulat, puis du tribunat du peuple, et celle qui ne l’est pas, dans la forme du proconsulat.

Nous avons exposé quelle est, au point de vue topographique, la situation du magistrat à l’intérieur. Sa situation à l’extérieur ne réclame pas d’exposition spéciale ; car elle reste la même, qu’il se trouve à l’extérieur, au delà de la première borne milliaire, ou qu’il soit au delà des limites qui séparent géographiquement le territoire romain, c’est-à-dire le sol soumis à la propriété du peuple romain ou à la propriété privée qui en dérive, du territoire des États voisins. L’idée des fines populi Romani ou de l’imperium populi Romani au sens topographique, sur laquelle nous reviendrons au sujet de l’empire de Rome (VI, 2), n’entre en considération relativement aux droits des magistratures qu’à un point de vue : le magistrat supérieur doit, d’après les institutions primitives, nommer un représentant quand il franchit la limite du territoire. Ce principe a, comme nous l’expliquerons dans la théorie de la Représentation, toujours continué à être appliqué à la fête latine, et cela en s’attachant non pas à la limite réelle, mais à la limite primitive, c’est-à-dire à celle du temps où fut créée la fête latine. Pour le surplus, cette règle a, comme la nomination du représentant, disparu de bonne heure des institutions romaines.

 

 

 



[1] Cicéron, De re p. 1, 40, 63 : Noster populus in Pace et domi imperat et ipsis magistratibus minatur, recusat appellat provocat : in bello sic partit ut regi. Le même, De leg. 3, 3, 6 : Militiæ ab eo qui imperabit provocatio nec esto. § 8 : Regio imperio duo sumo... militiæ summum jures habento. On dit également aut belli aut domi (Cicéron, Brut. 73, 256). On ne dit pas plus imperium militare qu’imperium domesticum, parce qu’à l’époque récente on a coutume d’appeler l’imperium militiæ, imperium tout court.

[2] Ce que nous savons de l’organisation militaire romaine concerne le service de campagne, et les règles posées à ce sujet, par exemple celles sur la nomination des officiers, ne peuvent pas être transportées purement et simplement à l’état de guerre existant dans l’intérieur de la ville- Mais tout ce qu’il résulte de là, c’est que les institutions établies pour ce dernier cas sont tombées dans l’oubli.

[3] Il n’y a pas de distinction à faire selon que l’armée part pour une guerre réelle ou pour des manœuvres. Il s’agit du second cas aussi bien que du premier, ainsi que le montre la dénomination exercitus.

[4] Pour le promagistrat, il faut un privilegium, le magistrat ordinaire a de droit le pouvoir de monter an Capitole en qualité de général victorieux.

[5] La plus importante de ces exceptions est la suspension de l’intercession et de la provocation pour le cas de dictature, c’est-à-dire pour le cas de guerre importante ; mais précisément, cela montre avec clarté la loi par laquelle est régie l’organisation républicaine. Certainement, on a toujours nommé un dictateur quand Rome a été assiégée ; mais, si on ne l’avait pas fait, le consul qui défendait la ville aurait été soumis à l’intercession et à la provocation.

[6] Le pomerium de la Rome du Palatin a disparu du droit public romain.

[7] J’ai exposé dans l’Hermes, 10, 40 et ss. = Rœmisch. Forsch. 2, 23, et ss., mon opinion selon laquelle il faut entendre par là le chemin de ronde intérieur qui entoure la ville derrière la muraille et non pas le glacis du fossé. Si l’on y voit avec Detlefsan, Hermes, 21, 504 et ss. un templum tracé extérieurement autour des murs de la ville, et si par conséquent l’on comprend dans l’urbs Roma l’espace situé entre les murs de la ville et la ligne qui circonscrit le templum, la triple limite politique des murs, du templum et de la première borne milliaire suscite, à mon avis, des complications inextricables. Au reste, le droit public n’a pas à déterminer le tracé de cette ligne. — L’espace entouré par le pomerium est l’urbs ; la ville dans son étendue réelle, ce qu’on appelle à Rome urbs et urbi continentia ædificia (sénatus-consulte cité dans Frontin, De aqu. 127 ; de même lex Julia municipalis, lignes 20. 56 ; Digeste 3, 3, 5. 20, 2, 4, 1. 27, 1, 45, 4. 50, 16, 173, 1. l. 190) ou encore Roma par opposition à urbs (Digeste 50, 16, 2, pr. 87. 139, pr, 147), ne joue aucun rôle en droit public.

[8] Semper quidem ea res, dit Tite-Live, 42, 49, du départ du consul P. Licinius Crassus pour la guerre de Macédoine en 583, cum magna dignitate ac majestate geritur ; præcipue convertit oculos animosque, cum ad magnum nobilemque aut virtute aut fortuna hostem euntem consulem prosequuntur.

[9] On comparera, à ce sujet, la théorie des Auspices.

[10] Festus, p. 173 : Vota nuncupata dicuntur, quæ consules prætores cum in provinciam profeciscuntur faciunt : ea in tabulus præsentibus multis referuntur. Tite-Live, 45, 39, 11 : Consul proficiscens prætore paludatis lictoribus in provinciam et ad bellum vota in Capilotio nuncupat : victor per petrato eo eodem (c’est ainsi qu’il faut lire) triumphans ad eosdem deos quibus vota nuncupavit, merita dona portans redit. 21, 63, 9 : Ne auspicato profectus in Capitolium ad vota nuncupanda paludatus inde cum lictoribus in provinciam iret. 22, 1, 6. 7. 42, 49, 1. Cicéron, Verr., 5, 13, 34 : Cum paludatus exisset votaque pro imperio suo communique re publica nuncupasset. César, B. c. 1, 6. Pline, Paneg. 5.

[11] Varron, L. L. 7, 37 : (Paludamenta) insignia atque ornamenta militaria ideo ad bellum cum exit imperator ac lictores mutarunt vestem et signa incinuerunt ; paludatus dicitur proficisci.

[12] Cela s’appelle paludamento mutare prætextam (Pline, Paneg. 56. Tacite, Hist. 2, 89) ; paludatum exire (Tite-Live. 36, 3, 14. 37, 4, 3. 40, 26, 6. 41, 17, 6. Cicéron, Ad fam. 8, 10, 2. 15, 17, 3. Ep. 19, 2. Pro Sest. 33, 71. In Pis. 13, 31, et des textes nombreux). Sur le paludamenium, voir tome II, ce qui concerne les insignes.

[13] Varron, loc. cit. Tite-Live, 31, 14, 1 : P. Sulpicius secundum vota in Capitolio nuacupata paludatis lictoribus profectus ab urbe. De même 41, 10, 5 et ss. 45, 33. Cicéron, In Pis. 23, 55, pour le retour du général : Togulæ lictoribus ad portam præsto fuerunt, quibus illis acceptis sagula rejecerunt.

[14] Tite-Live, 42, 49, ,8 : Omnium ordinum homines profeiscentem consulem prosecuti sunt. 44, 22, 17 : Traditum memoriæ est majore quam solita frequentia prosequentium consulem (L. Paulum cos. II) celebratum. 27, 40, 7. Cicéron, Ad Att. 4, 13, 2 : Crassum quidem nostrum minore dignitate aiunt profectum paludatum quam olim æqualem ejus Paullum iterum consulem. Le même, Ad fam. 13, 6, 1 ; In Pis. 13, 31. Pline, Paneg. 5.

[15] Messala, dans Aulu-Gelle, 13, 14, 1 : Pomerium est locus infra agrum effatum... qui facit finem urbani auspicii. Varron, 5, 143 : Qui (orbis), quod erat post murum, postmœrium dictum : eo usque (le Ms. : ejusque) auspicia urbana finiuntur. 6, 53 : Effata dicuntur, quia (Ms. : qui) augures finem auspiciorum cælestium (c’est-à-dire des auspices urbains ; cf. plus loin la théorie des auspices) extra urbem agris (vers les champs situés hors de la ville) sunt effati ubi esset. Servius, Ad Æn. 6, 197 : Ager post pomeria ubi captabantur auguria dicebatur effatus. Comp. Hermes, 10, 4 (Rœm. Forsch. 2, 30).

[16] Il s’agit ici de la règle envisagée dans son ensemble. Il y a des exceptions à ces principes dans la compétence dorai la représentation de la magistrature suprême n’y a pas fait défaut, mais seulement elle y a été limitée et dissimulée ; il y a eu des cas où l’intercession et la provocation y ont été mises de côté. Cela va de soi et sera plus longuement expliqué dans l’exposition de ces institutions, dont il n’est question ici qu’afin de marquer l’opposition qui existe entre le régime urbain et le régime militaire. L’organisation républicaine primitive ne connaît guère d’exceptions en sens inverse, c’est-à-dire d’extensions des conséquences de ces principes au territoire militiæ ; il n’y a ni collégialité parfaite des consuls, ni intercession effective, dans l’administration exercée hors de la ville.

[17] Il ne faut même pas admettre l’existence de l’intercession de la major potestas à l’époque royale ; car elle suppose encore deux pouvoirs de même nature, comme sont les consuls et les questeurs de la République, depuis que les uns et les autres sont nommés dans les comices.

[18] Il serait assez oiseux de faire des spéculations sur ce que peut avoir été réellement la puissance royale a Rome. Mais les limitations essentielles de la magistrature que l’on fait remonter à l’époque royale paraissent bien avoir été attachées, d’une manière parfaitement réfléchie, au territoire domi. Ce n’est pas sans motifs que l’affaire de la provocation d’Horace se passe à Rome. On se figurait la provocation comme étant, d’une part, facultative pour le roi et, d’autre part, comme n’étant admissible que domi.

[19] Le mouvement ultérieur tendant à écarter les exceptions admises au début se montre en particulier dans l’agitation, finalement couronnée de succès, dirigée contre la préfecture de la ville et la dictature : on constate aussi naturellement à plusieurs reprises la tendance à étendre les droits populaires fondamentaux : c’est à elle que se rattachant l’établissement de l’intercession des tribuns, l’extension de la provocation en dehors du cercle des accusations capitales, et enfin toute une série des modifications les plus importantes faites à la constitution.

[20] Voici probablement comment cela doit se comprendre : le général ne devait pas seulement avoir franchi le pomerium, c’est-à-dire la ligne qui limite la ville en deçà du rempart, mais avoir aussi passé la porte, c’est-à-dire laissé derrière lui la muraille avec le chemin de ronde et ses dépendances, en particulier l’Aventin. Il fallait bien limiter le domaine de l’auspicium urbanum par la ligne intérieure des fortifications et celui de l’imperium militaire par leur ligne extérieure, et par suite exclure l’Aventin de tous deux. La preuve qu’il en était ainsi résulte, d’une part, de ce que l’Aventin est expressément exclu de l’auspicium urbanum, et, d’autre part,de ce que ni les comices par centuries ne pouvaient y être tenus, ni la proconsul ne pouvait y séjourner en cette qualité.

[21] Tite-Live, 41, 10, pour l’an 577.

[22] Les distances des voies romaines se calculent en partant des portes de l’enceinte de Servius, comme Canina (Ann. dell’ Inst. 1353, p. 134) le démontre, par exemple, pour la voie Appienne qui est connue d’une manière précise. Le miliarium aureum du Forum de Rome (Becker, Topogr. p. 314) n’a rien de commun avec le calcul des distances, Macer le dit expressément, Digeste 50, 16, 154. Mille passas non a miliario urbis, sed a continentibus ædificiis numerandi sunt. Mais Jordan (Topogr. 2, 95) remarque, avec raison, qu’il n’est fait mention nulle part ailleurs du procédé, indiqué par Macer, d’après lequel on partirait de la limite de fait de la ville et non de sa muraille. Le texte se rapportant, d’après sa rubrique, eu première ligne à l’impôt sur les successions, pour lequel la division en régions d’auguste servait de base, ce mode anormal de mesurage peut avoir été employé pour la délimitation de la circonscription de la ville de Rome par rapport aux légions d’Étrurie et de Campanie.

[23] Il n’y a pas d’autre expression technique que urbs Roma propiusque urbem Romam passus mille. Urbs se trouve souvent employé dans ce sens dans un langage peu rigoureux.

[24] Statut de Genetiva, c. 91 : Quicumque decurio... hujusque col(oniæ) domicilium in ea col(onia) oppido propiusve il oppidum p(assus) M non habebit annis V proxumis, unde pignus ejus quoi satis sit capi possit, is in ea col(onia)... decurio ne esto quique IIviri in ea colonia erunt, ejus nomen de decurionibus... eximendum curanto. — Cf. Tite-Live, 43, 11, sur l’an 584 : M. Rœcio prætori mandatum ut edicto senatores omnes ex tota Italia, nisi qui rei publicæ causa abessent, Romam revocaret ; qui Romæ essent, ne quis ultra mille passuum a Roma abesset. Voir tome VII, p. 90 et ss.

[25] Gaius, 4. 504 : Legitima sunt judicia, quæ in urbe Roma vel intra primum urbis Romæ miliarium... accipiuntur. Tite-Live, 6, 12, 11 : Qui (prætor) jus in urbe diceret. Cf. Tite-Live, 23, 32, 4.

[26] C’est exprimé de la manière la plus précise pour la police de la voirie confiée aux édiles, qui, d’après la loi Julia municipalis (ligne 10, moins énergiquement ligne 56), s’exerce in urbem Rom(am) propiusve u(rbem) Romam) p(assus) m(ille) ubei continente habitabitur, le dernier membre de phrase excluant de la police de la voirie les localités situées dans l’intérieur de l’enceinte indiquée où les habitations ne forment pas une ligne continue. Il en est de même pour les règlements de police sur la circulation des voitures (Tite-Live, 34, 1, 3 : In urbe oppidove aut propius inde mille passus, ici donc non seulement pour Rome, mais pour toutes les villes), sur l’ouverture de théâtres (Val. Max. 2, 4, 2 : In urbe propiusve passus mille), sur l’établissement de chapelles privées (il ne peut être sacrifié à Isis qu’έξω νοΰ πωμηρίου, Dion, 40, 47 ; Dion, 54, 6), bien que les édiles ne soient pas nommés ici directement.

[27] Les édiles, ayant la surveillance de la voirie dans toute la circonscription urbaine, avaient au-dessous d’eux des quattuorvirs, pour le nettoyage des rues de l’intérieur de la ville, et des duumvirs, pour celui dei voies situées en dehors des murs jusqu’à la première borne milliaire.

[28] Tite-Live, 3, 20, 7 : Neque provocationem esse longius ab urbe mille passuum et tribunos, si eo (au lac Régille, près de Tusculum, où les consuls avaient convoqué le peuple) veniant, in alia turbo Quiritium subfectos fore consulari imperio.

[29] Toute l’histoire romaine est renversée, si l’on accorde en règle aux magistrats supérieurs la plénitude de l’imperium militaire, dès qu’ils ont franchi le pomerium.

[30] Tite-Live, 24, 9, 2 : Lictores ad eum accedere consul jussit et, quia in urbem non inierat protinus in campum ex itinere profectus, admonuit cum securibus sibi fasces præferri.

[31] Elle appartient, avec des exceptions qui peuvent être négligées ici et qui ne touchent pas l’intercession des tribuns, essentiellement à la compétence domi, comme il sera montré dans la partie qui lui est relative.

[32] Handb. 5, 381.

[33] Même sous la présidence de tribuns. Dion, 41, 15, cite une séance du sénat de ce genre. Les réunions de la plèbe sons les murs de la ville sont fréquentes.

[34] Appien, B. c. 2, 31, relativement au proconsul Pompée qui se trouvait ad urbem. Denys, 8, 87. — Cette limitation de la provocation à la ville a, comme nous expliquerons plus loin (VI, 1), subsisté en ce sens qu’on ne peut faire appel au peuple que d’un jugement rendu en vertu de l’imperium doms. La prétendue provocation de l’époque récente, qui appartient à tout citoyen romain indépendamment de sa résidence, ne conduit pas à une instance en provocation ; ce n’est pas autre chose qu’une restriction apportée à la compétence des magistrats en exercice hors de Rome : ils ne peuvent frapper les citoyens romains de peines capitales ou corporelles ; ils ne peuvent que les envoyer à Rome et mettre ainsi les magistrats compétents en situation d’introduire la procédure soumise à la provocation selon les règles en vigueur dans la capitale. C’est pourquoi Tite-Live considère à bon droit la limite de la provocation comme encore existante.

[35] Dion, 51, 19. En pratique, elle a assurément dès le principe été appliquée à tout l’empire : ainsi elle est déjà exercée sous Auguste à Rhodes (Suétone, Tib. 11) ; l’explication probable est indiquée note 37.

[36] Il résulte clairement de là que la plénitude du commandement militaire n’était aucunement liée aux auspices du départ en eux-mêmes ; une pareille exigence ne concorderait du reste pas du tout avec la manière générale dont sont traités les auspices.

[37] Tite-Live, 24, 9, 2 et Appien, B. c. 2, 31. On comprend aussi en partant de là que la puissance tribunicienne du prince, une fois étendue expressément à la banlieue, ait été considérée comme étant par suite applicable dans tout l’empire. D’après le droit de la République, cette puissance brisait la puissance exercée demi, mais s’inclinait devant celle exercée militiæ. En décidant qu’Auguste pourrait en user jusqu’à la première borne milliaire même en face d’un magistrat investi de la plénitude de l’imperium militæ, on la reconnaissait même à l’égard de ce dernier. Et de là sinon Labéon, au moins Capiton pouvait conclure que la puissance tribunicienne de l’empereur avait été ainsi reconnue, d’une manière générale, comme mise au-dessus du commandement exercé d’après le droit de la guerre.

[38] Le magistrat qui franchit le pomerium pour tenir les comices par centuries prend aussi des auspices. Mais ce ne sont pas les auspices solennels du départ, ce sont probablement les auspicia peremnia.

[39] Cela résulte de l’indication des annales, d’après laquelle, un consul ayant, en 397, fait voter novo exemplo une loi in castris, un plébiscite défendit sous peine capitale ne quis postea populum sevocaret (Tite-Live, 7,16), La limite extérieure que l’on suppose ici n’est nulle part indiquée expressément ; mais il ne peut être question que de la première borne milliaire. Ce n’est pas par hasard que la loi de 397 n’a pas été faite par les centuries et que les annales spécifient, ce qu’elles ne font pas sans cela, que le vote à ce sujet a eu lieu par tribus, Pour les comices par centuries, c’était visiblement une règle depuis longtemps établie que le peuple ne pouvait être pour eux sévoqué. Mais il pouvait être douteux que ce principe s’appliquât aux assemblées qui n’étaient attachées par la loi ni à l’intérieur de la ville, comme celles des curies, ni à l’espace situé entre les murs et la première borne milliaire, comme celles des centuries. Ce doute, qui concernait en particulier les comices consulaires par tribus, fut tranché par la loi nouvelle. L’inadmissibilité du cens et des comices par centuries au delà de la première borne milliaire est sûrement aussi vieille que ces actes eux-mêmes, c’est-à-dire aussi vieille que la République. En admettant le contraire, on rendrait illusoire la distinction du droit de la paix et du droit de la guerre qui est la base de la République.

[40] Il n’y a pas de termes techniques pour désigner ces catégories de magistrats. On peut défendre l’expression magistratus urbani, puisque les deux départements prétoriens qui concernent l’administration de la justice dans la ville de Rome sont désignées comme les duæ urbanæ provinciæ (Tite-Live, 48, 11, 8. 45, 44, 2 ; et tome III, la théorie de la Préture) ; on pourrait alors par exemple désigner les édiles comme magistratus urbani. Mais, quand cet adjectif se rencontre dans les qualifications officielles, il n’implique pas seulement que les fonctions s’exercent à la ville ; il implique que le magistrat est soumis à l’obligation spéciale, dont il ne peut âtre dispensé que par une loi, de ne pas quitter la capitale durant ses fonctions pendant plus d’un certain temps ; ainsi par exemple le prætor urbanus ne pouvait pas s’absenter de Rome pendant plus de dix jours, et des dispositions analogues existaient sûrement pour les quæstores urbani (voir, tomes III et IV, les chapitres relatif à ces magistrats). Pour les tribuns du peuple et les censeurs, qui étaient soumis à la même loi, elle ne s’exprimais pas dans leurs qualifications officielles, parce qu’il n’y avait pas besoin de faire de distinction entre eux.

[41] Les IIviri ædi dedicandæ et les IIviri perduellionis sont trop imparfaitement connus pour pouvoir être invoqués comme argument en sens contraire. On doit sans doute les compter, les premiers sûrement et les seconds peut-être, parmi les magistrats supérieurs, et le but dans lequel les uns et les autres sont créés appartient exclusivement à la compétence domi. Mais la conséquence que leurs pouvoirs soient dans la forme limités à cet espace n’en résulte pas plus pour eux que par exemple pour le dictateur nommé clave figendi causa ou en vue de tout autre acte exclusivement urbain. Dans ce dernier cas, il est expressément reconnu que la détermination du but de la nomination ne produit aucun lien légal. Il peut en avoir été de même au moins aussi bien qu’il peut en avoir été différemment pour nos magistrats.

[42] La question est étudiée de plus près, tome IV, dans la théorie de la Magistrature extraordinaire, où sont aussi examinées les exceptions voisines, mais non de même nature, qui ont préparé celle-là.

[43] La censure ne rentre pas dans celles-là. L’exercice des fonctions du censeur est bien, comme celui des fonctions du préteur urbain, lié à la ville de Rome ; mais sa compétence ne l’est pas. Cf. tome IV, la théorie de la Censure.

[44] Les magistrats spéciaux pour des assignations de terres ou des fondations de colonies, qui rentrent dans cette catégorie, ne sont probablement pas plus anciens ; il est à croire que jusqu’alors les magistrats supérieurs ordinaires auront procédé à cet ordre d’opérations. Cf. tome IV, la section qui les concerne, dans le tableau des magistratures extraordinaires.