DANTON ET LA PAIX

 

CHAPITRE IV. — LA TRAHISON DE DUMOURIEZ.

 

 

Danton n'avait vu dans le procès du Roi qu'un moyen d'extorquer à l'Espagne et à l'Angleterre quelques millions en mettant à l'enchère sa popularité révolutionnaire. Il n'avait voté la mort que par rancune d'avoir échoué auprès de Pitt et pour parer le coup que lui avait porté l'imprudent Bertrand de Moleville. Mais il s'était bien gardé de rompre avec les royalistes. Par Théodore de Lameth, qui était toujours à Paris, par Chévetel qu'il avait envoyé à Londres à la fin de décembre, il gardait avec eux le contact.

Chévetel nous dit lui-même, dans sa notice apologétique[1], que Danton l'avait envoyé en Angleterre au début d'octobre 1792 avec la mission apparente d'accélérer le départ des salaisons qui avaient été achetées pour le compte de la France, mais avec la mission réelle d'épier l'Angleterre, dont il prévoyait la rupture, et de tâcher, au moyen d'un secrétaire de Calonne, avec lequel il (Chévetel) était lié, de pénétrer plus avant dans le secret des princes. Chévetel resta à Londres jusqu'au début de janvier. Il vit le secrétaire de Calonne ; il eut une longue entrevue avec Calonne lui-même. Il fut admis deux fois en présence du comte d'Artois. De Londres, il correspondit avec Danton et, de son propre aveu, il lui envoya une liste d'émigrés.

L'indulgence étrange que Théodore Lameth témoigne à Danton dans ses mémoires est une preuve suffisante que, malgré son vote dans le procès du Roi, les royalistes n'avaient pas perdu tout espoir de le ramener à leur cause. Ils devaient avoir pour cela leurs raisons.

Ce qui est plus significatif encore, c'est que Dumouriez, l'ami de Talon, continue plus que jamais de compter sur Danton pour le défendre contre les préventions et les accusations graves dont il est l'objet. La veille même de l'exécution du Roi, il lui écrit la lettre suivante :

Clichy, le 20 janvier 1793, l'an II de la République.

Au citoyen L'anion, député à la Convention nationale.

J'ay été accusé à la tribune des amis de la liberté et de l'égalité par Hassenfratz, et il ne s'est pas trouvé un honnête citoyen qui ait élevé le moindre doute en ma faveur : on n'a pas même jugé à propos de me communiquer les pièces que, dit-on, Hassenfratz a déposées sur le bureau. Voilà la récompense de mes services ! Voilà les moyens qu'on prend pour faire diversion aux justes plaintes quec- portent tous les généraux sur, l'état inquiétant de nos braves armées, qui, après les victoires les plus brillantes, périssent de misère ! C'est ainsi qu'on prépare les catastrophes les plus sanglantes et la ruine de notre liberté. J'ai montré que je sçais battre les Ennemis de la République. Je n'ai point d'armes contre la calomnie, elle peut renaître à tous moments, sous de nouvelles formes, et, tout entier à ma Patrie, je n'ai pas le tems de m'occuper de moy.

Vous venés de la Belgique, mon cher Danton ; les fonctions importantes dont vous y avez été chargé vous rendent un témoin irrécusable. Dites ce que vous avez vu avec cette impartialité et cette énergie qui vous caractérisent. Soyés mon avocat si vous me croyés bon citoyen et vertueux. Je ne peux plus me rendre au milieu de la société, dont j'ai été un des plus fermes soutiens et que j'ay propagée en pays étrangers, que je ne sois lavé des calomnies d'Hassenfratz. Si mes frères sont assés aveugles ou assés injustes pour ne pas voir que le but de ces calomnies est le distraire l'attention de la société des dangers qui menacent la France par les fautes des hommes qui me calomnient, je vais demander à la Convention nationale qu'elle ordonne qu'Hassenfratz dépose à un tribunal les pièces que, dit-on, il a déposées sur le bureau des Jacobins. Alors il sera confondu, ou je serai puni. On ne doit pas garder à la tête des armées de la République un général aussi grossièrement inculpé, et moy même je ne reprendrai pas le commandement que ce procès scandaleux ne soit terminé ; je ne me présenterai à cette tribune, où j'ay toujours reçu des marques d'estime et d'amitié, que lorsque mes frères sçauront que je suis digne de leur confiance. Le tems presse et mon sort est lié au salut de la Patrie, soit innocent soit coupable. Agissés d'après votre véracité et votre civisme[2].

Votre concitoyen,

DUMOURIEZ.

 

Dumouriez avait conservé au club des Jacobins des amis influents. Le marchand de vins Desfieux, ami de Chabot, avait dénoncé Pache dès le 31 décembre, veille de l'arrivée de Dumouriez à Paris. Il venait d'être nommé vice-président du club, et il mettait toute son influence au service du général. Il avait annoncé aux jacobins que celui-ci viendrait bientôt leur rendre visite. Dumouriez eut une entrevue avec Desfieux et son ami le banquier belge Proli à la table de Bonnecarrère, un intrigant plein de ressources auquel il avait donné un poste dans ses bureaux quand il était ministre des Affaires étrangères. Anacharsis Cloots, le vaniteux cosmopolite que Dumouriez avait enguirlandé de louanges dans une récente brochure[3], et le Dr Saiffert, un médecin saxon au service du duc d'Orléans, avaient joint leurs instances à Proli et à Desfieux pour l'entraîner au club. Mais Dumouriez hésitait. Il ne voulait se risquer que s'il pouvait compter sur une réception triomphale, pareille à celle que Danton lui avait ménagée, le 14 octobre, à son retour de Valmy. D'où sa lettre à Danton.

Danton, rendu prudent depuis que le dossier Bertrand de Moleville était suspendu sur sa tête, n'osa se risquer à se faire publiquement l'avocat de Dumouriez. Celui-ci retourna en Belgique sans visiter les Jacobins[4]. Mais, ce que Danton n'avait pas osé faire pour Dumouriez au grand jour du club, qu'il savait à demi hostile, il n'hésita pas à le faire à la Convention, dans les comités et les ministères.

Dumouriez haïssait Pache, qui avait dénoncé ses concussions. Le 21 janvier, Danton insinua avec des ménagements à la Convention l'idée que Pache n'était pas capable de diriger le ministère de la Guerre. Pache sans doute est bon citoyen, mais ce ministère passe les forces humaines, et, si je dois m'expliquer ouvertement, je dirai que ce citoyen, à qui je rends justice, n'a pas ce caractère d'impulsion, ce coup d'œil rapide qu'il faut à un homme chargé d'aussi grandes opérations, d'une aussi grande responsabilité. Je ne demande pas qu'on le renvoie de ses fonctions, mais je vous fais remarquer qu'elles doivent être divisées pour ne pas écraser celui qui s'en charge. L'intervention fut efficace. Pache fut remplacé à la Guerre par Beurnonville, le 4 février. Tout le parti Danton vota pour ce dernier, qui était l'ami, le confident de Dumouriez. Beurnonville hérita de tout le fardeau que Danton avait trouvé trop lourd pour un seul homme, quand cet homme s'appelait Pache.

Mais l'entente de Dumouriez avec Danton se révèle à bien d'autres signes. Dumouriez restait en coquetterie réglée avec les Girondins, qui étaient encore maîtres des principaux comités de l'Assemblée. Dans ce même discours du 21 janvier, OU il débarquait Pache en douceur, Danton s'appliquait longuement, habilement, à désarmer les défiances des Girondins à son égard : Je vous interpelle, citoyens, vous qui m'avez vu dans les ministères, de dire si je n'ai pas porté l'union partout. Je vous adjure, vous Petion, vous Brissot, je vous adjure tous, car enfin, je veux me faire connaître ; je vous adjure tous, car enfin je veux être connu ! La réconciliation de Danton avec les Girondins ne pouvait que sceller son entente avec Dumouriez. Peut-être en était-elle une condition. Louis Blanc a pu dire avec raison que Dumouriez était le lien entre Danton et la Gironde.

Tout le monde sentait que la mort du Roi allait aggraver les dangers extérieurs. Danton savait mieux que personne, puisqu'il en revenait, que l'armée de Belgique, affaiblie par le départ des volontaires qui retournaient en foule dans leurs foyers, privée du nécessaire par les vols des fournisseurs, aurait du mal à défendre ses conquêtes et qu'elle n'était nullement prête à prendre une nouvelle offensive. Cela ne l'avait pas empêché, nous l'avons vu, d'afficher à la tribune une confiance illimitée, de proposer la guerre à l'Espagne, de provoquer tous les rois et de pousser plus que tout autre à l'annexion de la Belgique. Il ne pou, vait ignorer cependant que l'annexion de la Belgique, la présence des Français à Anvers, l'ouverture de l'Escaut, c'était la guerre fatale avec l'Angleterre et avec la Hollande. Dumouriez le savait aussi, et, si on l'en croit dans ses mémoires, il aurait essayé de conjurer cette redoutable éventualité.

Il raconte que son ami Emmanuel de Maulde, qui revenait de La Haye, où on lui avait donné François Noël comme successeur auprès du gouvernement hollandais, lui assura, pendant son séjour à Paris, dans le courant de janvier, qu'il était possible d'éviter la guerre avec la Hollande et avec l'Angleterre. A la vérité, les ministres des deux cours ne voulaient ni reconnaître de Convention nationale, ni traiter avec le ministre Lebrun ; mais le grand pensionnaire de Hollande Van Spiegel et l'ambassadeur d'Angleterre mylord Auckland l'avaient chargé d'annoncer qu'on traiterait volontiers avec le général Dumouriez. En même temps, continue Dumouriez, Benoist, agent du ministre français, qui arrivait de Londres, dit à Lebrun de la part de l'ancien évêque d'Autun, de Talon et des autres émigrés constitutionnels, qui avaient des relations avec le ministère britannique, que le ministre Pitt et le conseil de Saint-James ne demandaient pas mieux que d'assurer la neutralité, pourvu que le général Dumouriez, fût chargé de la négociation et passât en Angleterre pour la terminer ce qu'il pouvait faire aisément avant d'entrer en campagne[5]. Dumouriez croyait pouvoir compter sur Lebrun et Garat pour obtenir cette autorisation. Mais Garat craignait, paraît-il, que les Anglais n'eussent la mauvaise foi de garder Dumouriez à Londres, dès qu'il y serait arrivé, pour ôter aux Français leur meilleur général. D'autre part, les autres ministres Clavière, Pache et Monge firent de l'opposition. L'idée de l'ambassade fut abandonnée, mais non pas l'idée des négociations. Lebrun fit partir pour La Haye de Maulde avec une lettre de Dumouriez pour lord Auckland. En même temps, il chargeait Maret d'une nouvelle mission en Angleterre pour savoir de M. Pitt si réellement il souhaitait traiter personnellement avec le général Dumouriez. De Maulde remplit sa mission dans les derniers jours de janvier. Lord Auckland et Van Spiegel acceptèrent l'idée d'une suprême entrevue- avec Dumouriez au Mœrdyk, sur les yachts du prince d'Orange. Dumouriez arriva à Anvers le 2 février plein d'espoir dans le succès. Il écrivit le lendemain à Lebrun : Je viens de recevoir, mon cher Lebrun, par le neveu de Danton[6], la copie de la dépêche qu'il vous envoie. Si on ne va pas trop vite à Paris, il est possible qu'il y ait encore de la ressource... Le courrier de Noël qui vous porte ma lettre m'a remis une dépêche qui m'indique les dispositions militaires des Hollandais... Le neveu de Danton, qui m'a été dépêché par Maret, m'assure que je suis respecté et surtout craint en Angleterre. Je profiterai de ce sentiment populaire soit pour négocier, soit pour agir militairement, et je jugerai sous deux jours, à l'arrivée du citoyen de Maulde, quelles sont les vraies dispositions du ministère anglais[7].

Au moment où Dumouriez écrivait cette dépêche, il ignorait que la Convention, prenant les devants, venait de déclarer la guerre à l'Angleterre sur le rapport de Brissot. Il était trop tard pour négocier. Dumouriez accuse Brissot et Lebrun d'avoir agi avec une coupable précipitation.

Que Danton ait été mêlé avec Dumouriez à cette ultime tentative pour éviter la guerre avec l'Angleterre et avec la Hollande, c'est ce que suffirait déjà à prouver la lettre que nous venons de citer, puisqu'on y voit figurer son parent Mergez. Le même homme qui lançait quelques jours plus tôt les provocations les plus extravagantes aux despotes essayait encore de s'entendre avec eux sous le manteau.

N'ayant pu mettre à exécution le projet de pacification générale qu'il avait formé in extremis avec son ami de Maulde[8], Dumouriez envahit la Hollande dans l'espoir de frapper ses riches cités d'énormes contributions pécuniaires. Là encore, Danton appuya Dumouriez et quand, au début de mars, l'échec de Miranda à Aix-la-Chapelle mit en péril l'expédition de Hollande, Danton persista à faire l'éloge du plan de Dumouriez : Dumouriez, dit-il le 10 mars, avait conçu un plan qui honore son génie. Je dois lui rendre une justice bien plus éclatante que celle que je lui rendais dernièrement dans votre Assemblée. Il prétendit qu'on avait eu tort de ne pas écouter Dumouriez, qui voulait envahir la Hollande en plein hiver et prévenir par une offensive hardie l'effort des coalisés. Mais il se garda bien de dire un mot des suprêmes négociations entamées à la veille de la campagne par ce même Dumouriez contre l'avis de la majorité du Conseil exécutif. Il ne s'en souvenait plus ou ne voulait plus s'en souvenir.

Nous retiendrons donc que l'entente sur la politique extérieure était entière entre Danton et Dumouriez, à cette époque critique où se forme la première coalition, au lendemain de la mort de Louis XVI.

Si indulgent qu'il soit d'ordinaire pour son héros, M. Madelin n'a pu s'empêcher de porter sur la diplomatie de Danton ce jugement sévère et justifié : On est étonné que Danton, si désireux de garder ou de reconquérir l'Angleterre, ait poussé à l'occupation, en octobre, à la réunion, en décembre, de la Belgique. Telle chose prouve qu'il était novice dans la science diplomatique : tout agent des Affaires étrangères lui eût pu dire que, Anvers occupé, l'Angleterre deviendrait une irréconciliable ennemie[9].

Mais Danton nè peut passer pour novice qu'aux yeux de ceux qui ne le jugent que sur ses déclarations publiques. Les contradictions qu'on relève continuellement dans ses actes ne peuvent s'expliquer que par des raisons cachées.

Dumouriez a avoué que son plan d'invasion de la Hollande était très téméraire. Il marchait sur Rotterdam par la basse Meuse, alors qu'il n'avait pour couvrir son flanc droit que l'armée de Miranda qui assiégeait Maëstricht. Si Miranda cédait, c'était la Belgique envahie et l'armée de Hollande menacée dans ses communications. C'est précisément ce qui se produisit. Le 1er mars, l'armée autrichienne, commandée par Cobourg, surprit les avant-gardes de l'armée de Miranda sur la Rœr et leur infligea : une telle défaite que, coup sur coup, Miranda leva le siège de Maëstricht, évacua Aix-la-Chapelle et Liège et s'enfuit plutôt qu'il ne battit en retraite jusqu'à Louvain. Les commissaires de la Convention qui avaient assisté au jr désastre, les généraux eux-mêmes supplièrent Dumouriez de revenir en toute hâte pour rallier les troupes et arrêter l'invasion. Valence lui écrivait le 2 mars : Notre rêve est fini en Hollande ! La Providence qui veille sur la France fait que vous n'êtes pas embarqué. Venez ici, il faut changer le plan de campagne ; les minutes sont des siècles ! Mais Dumouriez, tout à son entreprise hollandaise, ne veut rien entendre. Il écrit du Mœrdick aux commissaires de la Convention, il répond à Valence que le meilleur moyen de défendre la Belgique, c'est de continuer de marcher sur Rotterdam. Le 8 mars, le Conseil exécutif lui donne enfin l'ordre de quitter la Hollande et de venir au plus vite au secours de Miranda. Il obéit, mais à regret, et il marque sa mauvaise humeur dès son arrivée à Bruxelles en annulant, par une série de proclamations, toute l'œuvre administrative que les commissaires de la Convention et les commissaires du Conseil exécutif avaient accomplie en Belgique.

Chose curieuse, dans cette crise Danton reste fidèle à Dumouriez. Il avait assisté avec ses collègues de la commission à la déroute de l'armée de Miranda. Il savait que les généraux de l'avant-garde avaient commis des fautes, qu'ils n'étaient pas à leur poste au moment de l'attaque, qu'ils s'étaient laissé surprendre. La commission l'avait renvoyé, lui et Delacroix, à Paris pour avertir la Convention de la gravité de la situation militaire. Ce qu'il fit à Paris du 8 au 14 mars, avant de retourner en Belgique, nous le dirons tout à l'heure. Mais achevons pour l'instant de marquer son entente persistante avec Dumouriez.

Le 10 mars, comme son secrétaire venait de lire trois lettres de Dumouriez datées du Mœrdick, le 3 et 4 mars, dans lesquelles le général exposait les raisons pour lesquelles il ne voulait pas quitter la Hollande pour venir au secours de Miranda, Danton s'écria : Je demande la parole sur les lettres de Dumouriez. Il l'obtint, après que Robespierre eut critiqué la conduite des généraux et des ministres, et il se mit à faire l'éloge ou plutôt l'apologie du plan de Dumouriez, trait de génie, qu'on avait méconnu. Dumouriez, ajouta-t-il, ne s'est pas découragé, il est au milieu de la Hollande ; il y trouvera des munitions ; pour renverser tous nos ennemis, il ne lui faut que des Français, et la France est remplie de citoyens... Remarquez bien notre situation politique. Quel est le point central de nos ennemis ? C'est le Cabinet anglais. Pitt sent bien qu'ayant tout à perdre il ne doit rien épargner. Prenons la Hollande, et Carthage est détruite, et l'Angleterre ne peut plus vivre que pour la liberté. Que la Hollande soit conquise à la liberté, et l'aristocratie commerciale elle-même, qui domine en ce moment le peuple anglais, s'élèvera contre le gouvernement qui l'aura entraînée dans cette guerre du despotisme contre un peuple libre. Elle renversera ce ministère stupide qui a cru que les talents de l'ancien régime pouvaient étouffer le génie de liberté qui plane sur la France... Conquérons la Hollande, ranimons en Angleterre le parti républicain ; faisons marcher la France, et nous irons glorieux à la postérité ! Il est impossible de supposer que Danton ignorait que le Conseil exécutif avait enjoint depuis deux jours à Dumouriez de venir prendre le commandement de l'armée de Miranda pour la rallier et couvrir Bruxelles. Que se proposait-il donc en contrecarrant ainsi l'ordre donné et en servant de tout son pouvoir les désirs avoués de Dumouriez ? Voulait-il simplement plaire à celui-ci ou l'encourager peut-être à la résistance ? Y avait-il un pacte entre les deux hommes, et quel pacte ?

Dumouriez a reconnu qu'avec les moyens dont il disposait, la conquête de la Hollande était très hasardeuse. Danton n'était pas tellement dénué de bon sens pour croire que la continuation de cette entreprise était encore possible après la prise de Liège par les Autrichiens et la déroute de l'armée de Miranda. Et pourtant son discours du 10 mars prouve jusqu'à l'évidence qu'il avait l'air d'y croire d'une foi robuste.

Quand Dumouriez eut trahi décidément la France, à trois semaines de là, les coalisés affirmèrent que sa trahison remontait au début de février, à l'entreprise hollandaise elle-même. Ils ont dit qu'il n'avait conduit son armée en Hollande que pour découvrir la Belgique et en faciliter la conquête par les années de Cobourg. On lit dans une dépêche que l'ambassadeur de Suède à Saint-Pétersbourg, le baron de Steding, écrit au duc de Sudermanie, régent de Suède, le 26 avril, les phrases suivantes : L'Impératrice (Catherine II) a reçu, à la fin de la semaine dernière, le plan qui avait été concerté entre MM. Clerfayt (lieutenant de Cobourg) et Dumouriez, d'après lequel ce dernier a agi, depuis le commencement de cette campagne. L'attaque de la Hollande, les dispositions des Français sur la Meuse et sur le Rhin, tout avait été concerté depuis longtemps. Cependant la Cour de Vienne n'en avait rien communiqué ni à celle de Saint-Pétersbourg, ni aux autres puissances coalisées ; ce qui était très prudent a beaucoup déplu ici. Toute cette intrigue avait été conduite par le comte de Mercy, et MM. Coblentz et Spielmann ont été éloignés des affaires pour n'avoir pas voulu y entrer[10]. M. Jaurès, qui cite ce témoignage d'une gravité particulière, refuse d'y ajouter foi, tant la chose lui paraît incroyable. Mais il ne peut s'empêcher de s'étonner que Dumouriez n'ait pas protesté après sa trahison contre une légende que son silence a accréditée. Est-ce une légende ? M. Jaurès ignorait sur Danton et sur Dumouriez les autres témoignages que nous avons rassemblés. Retenons son texte et écartons ses commentaires.

Nous savons, par la lettre que Pellenc adressait de Londres au comte de Mercy-Argenteau le 29 décembre 1792 et que nous avons eu déjà l'occasion de citer, nous savons que cet ancien agent de Marie-Antoinette, passé au service de l'Autriche, se faisait fort de placer auprès de Dumouriez, par l'intermédiaire de Talleyrand, un homme à lui, Jaubert, qui avait rédigé avant le 10 août le journal royaliste l'Indicateur. Nous avons vu qu'il croyait possible, toujours par l'intermédiaire de Talleyrand, de faire concerter entre Clerfayt et Dumouriez la capture des fils de Philippe-Égalité, qui serviraient d'otages pour garantir la vie des membres de la famille royale. Il résulte de cette lettre que, dès la fin de décembre 1792, les royalistes croyaient possible de se servir de Dumouriez et de le mettre en rapport avec les Autrichiens. Mais je m'empresse d'ajouter qu'en l'état de la documentation, rien ne prouve que les projets de Pellenc aient été mis à exécution. Le témoignage du baron de Steding, ambassadeur suédois, est jusqu'à présent un témoignage unique sur lequel il serait prématuré de bâtir des conclusions.

Mais c'est une chose étrange que, le 10 mars, 'quand Dumouriez, obéissant tardivement aux commissaires de la Convention et à l'ordre du Conseil exécutif, se rendait enfin à l'armée de Miranda, Danton persistait du haut de la tribune de la Convention à l'encourager à continuer sa campagne de Hollande.

Dans ces tristes jours du mois de mars où affluaient les mauvaises nouvelles de la Belgique, Danton déploie une activité fiévreuse. Comme au lendemain de la prise de Longwy et de Verdun, il prend l'initiative des grandes mesures de défense nationale. Le 8 mars, il fait décréter de nouvelles levées d'hommes. Des conventionnels se rendront sur-le-champ dans les sections de Paris pour les galvaniser. D'autres seront envoyés dans les départements. La mesure est exécutée sur-le-champ. Les sections se réunissent et les enrôlements recommencent. Comme en septembre, les défiances se font jour. On attribue les défaites aux trahisons des généraux, aux menées des traîtres de l'intérieur. On réclame de grands exemples, l'institution d'un tribunal révolutionnaire qui punira les agents de l'ennemi. Cette idée a été lancée, dès le 3 mars, par le jacobin Desfieux, le même qui s'était beaucoup démené en janvier pour faire venir Dumouriez au club. L'idée fait rapidement son chemin. Plusieurs sections réclament le tribunal révolutionnaire — par exemple celle du Louvre. Carrier en fait la proposition expresse à la Convention le 9 mars, mais Carrier manque d'autorité. Danton reprend le lendemain la proposition : Les ennemis de la liberté lèvent un front audacieux ; partout confondus, ils sont surtout provocateurs. En voyant le citoyen honnête occupé dans ses foyers, l'artisan occupé dans -ses ateliers, ils ont la stupidité de se croire en majorité ! Eh bien ! arrachez-les vous-mêmes à la vengeance populaire. Ici un député crie Septembre ! Mais cette interruption causant un mouvement d'indignation générale, Danton reprit : Puisqu'on a osé, dans cette Assemblée, rappeler ces journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi, je dirai, moi, que si un tribunal eût alors existé, le peuple auquel on a si souvent, si cruellement reproché ces journées, ne les aurait pas ensanglantées ; je dirai et j'aurai l'assentiment de tous ceux qui ont été les témoins de ces événements, que nulle puissance humaine n'était dans le cas d'arrêter le débordement de la vengeance nationale. Profitons des fautes de nos prédécesseurs. Faisons ce que n'a pas fait l'Assemblée législative, et soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être ; organisons un tribunal, non pas bien, cela est impossible, mais le moins mal qu'il se pourra, afin que le peuple sache que le glaive de la loi pèse sur la tête de tous ses ennemis. Danton descendit de la tribune au milieu des plus vifs applaudissements, et le tribunal révolutionnaire, qui tint lieu en ce temps-là de nos conseils de guerre et de notre Haute Cour, fut voté séance tenante.

Danton comprenait que, pour intéresser les masses à l'agitation patriotique, il fallait se pencher sur leurs misères : Je viens, dit-il le 9 mars, demander la destruction de la tyrannie de la richesse sur la misère... Il est une classe d'hommes qui ne sont pas mauvais citoyens et qui cependant gémissent dans les fers : ce sont les prisonniers pour dettes. C'est une honte pour l'humanité, pour la législation et pour la philosophie, qu'on ait pu dire qu'un citoyen, en recevant de l'argent, hypothèque sa personne et sa sûreté... Je demande donc que la Convention nationale décrète que tout citoyen français emprisonné pour dettes sera mis en liberté, parce que ces emprisonnements sont contraires à la déclaration des droits, à la saine morale... La mesure fut votée au milieu des applaudissements et peu après, sur la proposition de Saint-André, la Convention abolissait la contrainte par corps.

Pendant que Danton faisait voter ces mesures populaires, la mise en liberté des prisonniers pour dettes, le tribunal révolutionnaire, les enrôlements, l'agitation grandissait dans Paris et menaçait de dégénérer en insurrection. Le Club des Cordeliers, la Société des Fédérés des quatre-vingt-trois départements défenseurs de la République, la Section des Quatre Nations lançaient des manifestes menaçants contre Dumouriez, contre les Girondins, ses protecteurs, contre les ministres. Le 9 mars au matin, un comité insurrectionnel essaya de se former dans le local des Jacobins, sous la haute direction des Défenseurs de la République. Le tocsin devait être sonné dans toutes les églises et on aurait marché sur la Convention pour en expulser les députés qui avaient voté l'appel au peuple dans le procès du Roi. Mais la ferme attitude de la Commune qui resta fidèle à la légalité, l'appui que lui prêta Santerre, aidé du bataillon des Fédérés brestois, firent échouer le mouvement. Tout se borna au pillage de deux imprimeries girondines, celle de la Chronique de Paris et celle du Patriote français[11].

Cette insurrection manquée avait pour but avoué de faire punir Dumouriez et de chasser les Girondins de la Convention. Sur tous ces points, Danton s'était expliqué contre le vœu des agitateurs. Et cependant Danton fut accusé au moment même d'être l'inspirateur secret de l'émeute, le chef invisible qui en faisait mouvoir les fils. Ces accusations s'expliquent par différentes raisons. L'agitation de Paris provenait d'abord des enrôlements dont Danton avait pris l'initiative. Puis les Cordeliers, les Défenseurs de la République, passaient pour tout dévoués à Danton. Ceux-ci avaient pour chef Mamin, qui était considéré comme un des auteurs des massacres de septembre[12]. Desfieux, qui avait proposé le premier le Tribunal révolutionnaire, et qui figurait parmi les meneurs de l'émeute, était l'homme de Chabot et de Danton.

Mais surtout on remarquait que Danton, qui défendait Dumouriez et qui justifiait, même contre Robespierre, les généraux Stengel et La Noue, compromis dans l'échec d'Aldenhoven, attaquait le Conseil exécutif, sur lequel il rejetait la responsabilité des mécomptes militaires. Le 10 mars, il avait réclamé nettement la réorganisation du Conseil : Car nous ne pouvons le dissimuler, disait-il, il nous faut des ministres ; et celui de la Marine, par exemple, dans un pays où tout peut être créé, parce que tous les éléments s'y trouvent, avec toutes les qualités d'un bon citoyen, n'a pas créé de marine ; nos frégates ne sont pas sorties et l'Angleterre enlève nos corsaires. Le lendemain il revint à la charge à l'occasion de la démission de Beurnonville, qui voulait renoncer au portefeuille de la Guerre. Il fit l'éloge de Beurnonville, qui était l'ami de Dumouriez, mais il n'en réclama que plus fort la réorganisation du ministère. Il demanda à la Convention s'il ne conviendrait pas de renoncer à la règle constitutionnelle qui défendait d'en choisir les membres parmi les députés. Pour qu'on ne pût pas l'accuser d'ambition personnelle, il prit bien haut l'engagement de refuser une place de ministre si elle lui était offerte. Je ne parle pas, dit-il, de la nécessité de prendre des ministres dans votre sein, mais de la nécessité de vous en réserver la faculté. Longuement il fit valoir que l'unité d'impulsion nous donnerait seule la victoire, qu'il fallait par conséquent des rapports plus directs, un rapprochement plus immédiat, plus quotidien entre les ministres et la Convention. Puis il conclut par un appel patriotique à l'union. Pour lui il se disait sans fiel, non par vertu, mais par tempérament. La haine est étrangère à mon caractère.

Je ne doute pas que ce ne soit surtout ce discours, cette proposition de renouveler le ministère et de prendre désormais les principaux ministres dans la Convention qui ait excité la défiance et contribué à accréditer le bruit que le mouvement de la veille avait été concerté par Danton.

Déjà son discours du 10 mars sur l'établissement du tribunal révolutionnaire avait été haché d'interruptions. Un député lui avait crié : Tu agis comme un roi ! et il avait répliqué : Je dis que tu parles comme un lâche ! Malgré la précaution qu'il avait crise de désarmer ses adversaires en déclarant qu'il n'accepterait jamais une place dans le ministère, tant qu'il aurait l'honneur d'être membre de la Convention, son discours du 11 mars souleva les colères des Girondins. L'un d'eux, qui était un très honnête homme, Larévellière-Lépeaux, qui avait voté comme Danton la mort du Roi, contre le sursis et contre l'appel au peuple, s'élança à la tribune pour combattre âprement, avec des allusions personnelles, blessantes, la proposition qu'il venait de faire. Si vous adoptez une pareille mesure, dit-il, je dis que vous organisez la plus épouvantable tyrannie. Faites attention aux circonstances qui vous environnent, voyez ce qui se passe autour de vous, et vous vous convaincrez que, si votre choix tombe aujourd'hui sur quelques hommes d'une grande ambition et d'une grande audace, demain peut-être la Convention est dissoute ; et ces hommes, revêtus tout à la fois de la puissance législative et de la puissance exécutrice, exercent alors nécessairement la plus formidable dictature, surtout ayant à leurs ordres ce tribunal terrible que vous venez de créer... L'allusion était claire. Les circonstances dont parlait Larévellière, c'était l'émeute de la veille. Les hommes d'une grande ambition qui voulaient dissoudre la Convention, c'était Danton et ses amis. D'ailleurs Larévellière s'exprima à la fin de son discours, en termes encore plus précis : Citoyens, je vous déclare que, quant à moi, tant qu'une goutte de sang coulera dans mes veines, je me ferais plutôt exterminer... pour empêcher que la République en général, et en particulier mon département, devienne le sujet très fidèle et le tributaire très soumis d'une ville orgueilleuse, d'un dictateur insolent ou d'une oligarchie sanguinaire ! Oui, je le déclare encore, je ne cesserai de poursuivre ces tyrans-brigands qui, bien logés, bien nourris, bien vêtus, vivant dans les plaisirs, s'apitoient si affectueusement sur le sort du pauvre, s'élèvent avec tant de fureur contre tout ce qui jouit de quelque aisance et s'intitulent fastueusement du nom des Sans-Culottes. Je m'élèverai, je le répète, tant que je vivrai, contre ces tyrans-brigands avec la même énergie que j'ai déployée à poursuivre les tyrans-brigands couronnés ; car c'est la tyrannie que je hais et non pas le nom qu'elle porte. Ces allusions sanglantes aux bruits qui couraient avec persistance sur l'accroissement subit de la fortune de Danton, sur la vie de plaisirs qu'il menait, — il s'était acquis, dit M. Chuquet dans sa mission de Belgique, une réputation sinistre, — cette dénonciation brutale de ses aspirations à la dictature, ne furent pas relevées par l'homme de l'audace. Il battit au contraire assez piteusement 'en retraite : je prie l'Assemblée d'observer, dit-il, que je n'ai point fait une motion positive ; je déclare que j'ai simplement énoncé mon opinion sur la latitude que vous devez avoir dans le choix des ministres et que je persiste dans mon opinion, mais sans rien soumettre à la délibération. Je n'étais monté à la tribune que pour rendre justice à Beurnonville[13]. Et ce fut tout. Cette faible défense parut un aveu. Ceux qui déjà se défiaient de Danton ne doutaient plus que sa proposition de renouveler le ministère n'était que la conclusion de l'émeute de la veille, dont les auteurs, les Desfieux, les Fournier, les Sébastien Lacroix, n'étaient que les instruments de l'ambition de Danton. Brissot écrivit aussitôt dans son journal[14] en parlant de celui-ci et de ses amis : Ils ont cru qu'il ne s'agissait plus que de monter au trône ; déjà ils s'étaient partagés les branches du pouvoir ; leurs complices colportaient complaisamment la liste du nouveau Conseil exécutif. Danton était ministre des Affaires étrangères ; Dubois-Crancé, de la Guerre ; Jeanbon Saint-André, de la Marine ; Thuriot ou Cambacérès, de la Justice ; Fabre d'Églantine, de l'Intérieur, et Collot d'Herbois des Contributions. A la vérité, il leur fallait encore un décret. Mais ils allaient l'exiger, ils le croyaient rendu. Danton monte à la tribune, sûr de son succès ; il demande que la Convention se réserve le droit de choisir les ministres dans son sein. Nous y voilà, s'écrièrent quelques membres ! Personne ne doutait que Danton ne voulût être le premier de ces ministres. On en douta bien moins encore lorsqu'on l'entendit jurer par la patrie que jamais il n'accepterait une place dans le ministère. Danton, jurer par la patrie ! La patrie d'un ambitieux ! Il m'a semblé entendre un athée jurer par l'Être suprême !

Cet article est sans doute d'un adversaire politique, mais d'un adversaire qui a été longtemps l'ami de Danton et d'un adversaire qui dirige encore la diplomatie de la République. La liste des futurs ministres que reproduit Brissot n'a pas dû être purement imaginaire. Il est remarquable que, dans cette liste, ile portefeuille des Affaires étrangères était attribué à Danton. Quand il entrera au Comité de Salut public, moins d'un mois plus tard, ses préférences se porteront précisément sur les Affaires étrangères, qu'il gérera avec Barère[15]. Ce n'est sûrement pas un hasard si, dans cette crise même du mois de mars, l'ami de Dumouriez, Emmanuel de Manicle, l'ancien ambassadeur de France à La Haye, qui avait essayé au dernier moment, au début de février, d'empêcher la guerre avec la Hollande et avec l'Angleterre, joint ses critiques à celles de Danton contre le ministère. Il monte à la tribune des Jacobins, les 9 et 10 mars, pour se plaindre amèrement de Lebrun, qui l'a destitué et qui a entravé ses pourparlers pacifiques avec lord Auckland. Son intervention était évidemment concertée avec Danton.

Quant à l'accusation de dictature que Brissot formule contre celui-ci après Larévellière, ce n'était pas une accusation nouvelle. Les amis de Danton y avaient depuis longtemps donné lieu par leurs imprudences. C'est ainsi qu'au moment de l'agitation républicaine qui suivit la fuite à Varennes, l'imprimeur Brune, le futur maréchal, alors très lié avec Danton, avait dit au café Procope qu'il fallait se rassembler au Champ de Mars le 17 juillet pour proclamer Danton tribun du peuple[16]. Le rôle prépondérant que Danton avait joué au Conseil, après le 10 août, réveilla les défiances et les soupçons. Je vois qu'en novembre 1792 le Journal français le comparait à Catilina[17].

Ce n'est pas seulement la presse girondine qui accusa Danton d'ambitions dictatoriales, les Montagnards reprendront plus tard l'accusation, et pas seulement les Robespierristes. Dans son compte rendu à ses commettants paru en l'an III, Barère dira que l'émeute du 10 mars avait été concertée entre Danton et Dumouriez. Le système de Danton, dit-il, était de provoquer, à quelque prix que ce fût, un mouvement tumultueux dans Paris, de frapper la Convention, de la dissoudre en tout ou en partie : son but était de fournir à Dumouriez un prétexte de diriger son armée sur Paris en la faisant précéder d'une proclamation aux départements sur la nécessité de réparer le mal causé par la violation de la représentation nationale...[18]

Avant Barère, dans ses notes fameuses contre les Dantonistes, Robespierre avait déjà porté sur l'émeute du 10 mars le même jugement : Le 8 mars, on voulait exciter une fausse insurrection pour donner à Dumouriez le prétexte qu'il cherchait de marcher sur Paris, non avec le rôle défavorable de rebelle et de royaliste, mais avec l'air d'un vengeur de la Convention. Desfieux en donna le signal aux Jacobins, de là à la Commune. Fabre s'agitait beaucoup dans le même temps pour exciter ce mouvement, dont les Brissotins tirèrent un si grand avantage. On m'a assuré que Danton avait été chez Pache, qu'il avait proposé d'insurger, en disant que, s'il fallait de l'argent, il avait la main dans la caisse de la Belgique[19]. Un peu plus loin, Robespierre dit que, le 10 mars, on vit Fabre s'agiter, courir de tous côtés pour exciter ce mouvement. Un député lui demandant, dans les corridors de la Convention, quelle était la situation de Paris, Fabre lui répartit : Le mouvement est arrêté, il a été aussi loin qu'il le fallait. En effet, continue Robespierre, le but de la faction de Dumouriez était rempli. On lui avait fourni le prétexte qu'il cherchait de motiver sa rébellion par les mouvements de Paris, et il en fit la base des manifestes séditieux qu'il publia peu de temps après contre la Montagne et des adresses insolentes qu'il envoyait à la Convention[20]. Saint-Just a recueilli le grief de Robespierre dans son rapport d'accusation contre les Dantonistes. A la séance des Jacobins du 16 germinal an II, 15 avril 1794, Arthur, fabricant de papiers peints et membre influent de la section des Piques, précisera en ces termes le rôle de Danton dans le mouvement du 10 mars : Il vint, dit-il, à la mairie et dit au maire : Il faut qu'il y ait une insurrection. J'ai de l'argent à ma disposition, j'en donnerai s'il le faut ; il est indispensable que le peuple marche et que la Convention soit purgée. Il est évident, continue Arthur, que Danton voulait fournir à Dumouriez un prétexte pour marcher sur Paris. Si l'on avait touché aux membres de la Convention, Dumouriez aurait dit à ses soldats : Je vous conjure, au nom de tous les départements, de marcher et de punir la ville de Paris, qui a violé la représentation nationale. L'insurrection n'a pas eu lieu, et Dumouriez a été obligé de dire aux soldats que c'était au nom du Roi qu'il marchait sur Paris. Les soldats ont reconnu le piège et nous avons été sauvés. L'argent que Danton possédait fut offert à Santerre, mais il ne fut pas distribué assez promptement pour faire naître un mouvement.

Comment se fait-il que des contemporains aussi différents que Brissot et que Larévellière, que Robespierre et que Barère, sans compter Saint-Just et Arthur et d'autres encore, aient eu les mêmes soupçons et aient interprété l'émeute du 10 mars comme le résultat d'une entente scélérate entre Danton et Dumouriez ?

Sans doute, Danton et de Maulde défendirent chaudement Dumouriez pendant les troubles. Mais les émeutiers demandaient la révocation de Dumouriez.

Ce qui étonnait les gens réfléchis, c'est peut-être que certains de ceux-ci, comme Desfieux, avaient été naguère les prôneurs attitrés de Dumouriez. On ne les croyait pas sincères quand ils vitupéraient maintenant contre le général, qu'ils élevaient la veille au pinacle. Puis on connaissait le passé trouble de plusieurs d'entre eux, notamment de Desfieux, qu'une note découverte dans l'armoire de fer représentait comme ayant été stipendié par la liste civile en mars 1791[21]. On crut que ces gens sans aveu jouaient pour de l'argent le rôle qui leur avait été indiqué.

Mais surtout ce qui acheva de donner corps aux soupçons, ce fut l'attitude arrogante que prit Dumouriez, immédiatement après l'émeute du 10 mars. Cette coïncidence entre la levée de boucliers des émeutiers et les menaces du général ne parut pas fortuite.

Pendant que Danton rassurait la Convention sur le compte du général, celui-ci, par une série de proclamations qui se succédaient coup sur coup, dans la journée du ri mars, ordonnait la restitution de l'argenterie enlevée aux églises belges, la fermeture de tous les clubs, l'arrestation de certains commissaires du Conseil exécutif comme Chépy. Bref, il anéantissait l'œuvre révolutionnaire accomplie depuis le décret du 15 décembre. Le lendemain 12 mars, il justifiait sa conduite dans une lettre insolente et menaçante qu'il adressait à la Convention[22]. Il y rendait Pache et ses bureaux responsables de la défaite, et il insinuait que Pache et Hassenfratz étaient les auteurs des troubles dont Paris venait d'être le théâtre. Il déclarait que les réunions avaient été opérées en Belgique à coups de sabre, et il allait jusqu'à évoquer le souvenir du duc d'Albe. C'était le langage d'un factieux qui se plaisait à aiguiser le mécontentement des Belges et qui dictait des ordres à la Convention.

Dès le Ir' mars, les députés Treilhard et Camus, restés en Belgique, avertirent la Convention des actes et des menaces de Dumouriez, qu'ils qualifiaient d'événements graves qui devaient appeler toute l'attention de l'Assemblée[23]. Ils ne connaissaient pas encore la lettre injurieuse que Dumouriez écrivit le lendemain. Celle-ci fut lue au Comité de Défense générale dans sa séance du 15 mars. Le procès-verbal officiel est extrêmement bref. Mais nous savons ce qui s'est passé par les confidences que plusieurs membres feront les jours suivants afin de dégager leurs responsabilités.

Barère déclara le 2 avril : Quand on a lu au Comité la lettre de Dumouriez, datée du 12 mars, je proposai contre lui le décret d'accusation. Danton seul s'y est opposé et a empêché qu'il ne fût proposé à la Convention. Il nous dit qu'il croyait Dumouriez nécessaire à l'armée.

Pénières raconta, le 1er avril, que Danton fut appelé au Comité de Défense générale pour entendre la lecture de la lettre de Dumouriez : Bréard, qui était alors président[24], dit qu'il était de son devoir d'en donner connaissance à l'Assemblée. Delacroix lui répondit en ces termes : Quant à moi, si j'étais président, je ne balancerais pas un moment à exposer ma responsabilité et la lettre ne serait pas lue ; car si un décret d'accusation devait être porté contre Dumouriez, j'aimerais mieux que ma tête tombât que la sienne. Dumouriez est utile à l'armée. Après cette explication, continue Pénières, il fut arrêté que le lendemain on ferait renvoyer cette lettre au Comité sans en faire faire la lecture. Après que ce renvoi fut décrété, Danton nous dit qu'il repartirait avec Delacroix et qu'il promettait de faire rétracter-Dumouriez, et il ajouta que, dans le cas où Dumouriez s'y refuserait, il demanderait lui-même le décret d'accusation contre lui.

A ces2témoignages il faut joindre celui de Danton lui-même, qui s'est défendu en ces termes à la séance du 1er avril : Je dois dire un fait qui s'est passé dans le Comité même de Défense générale. C'est que, lorsque je déclarai que je voyais du danger à ce qu'on lût la lettre de Dumouriez et à s'exposer d'engager un combat au milieu d'une armée en retraite, en présence de l'ennemi, je proposai cependant des mesures pour que l'on parvînt à se saisir du général, au moment où on pourrait le faire sans inconvénient. Je demandai que les amis même de Dumouriez, que Guadet, Gensonné se rendissent à l'armée ; que, pour lui ôter toute défiance, les commissaires fussent pris dans les deux partis de la Convention et que, par là, il fût prouvé en même temps que, quelles que soient les passions qui vous divisent, vous êtes unanimes pour ne jamais consentir à recevoir la loi d'un seul homme. Ou nous le guérirons momentanément, leur disais-je, ou nous le garrotterons.

De ces témoignages concordants de Barère et de Pénières, comme de l'aveu même de Danton, il résulte donc d'une façon indiscutable que, si Dumouriez ne fut pas immédiatement frappé pour ses proclamations factieuses du ri mars et pour sa lettre menaçante du 12, que si les mesures énergiques réclamées par Camus et Treilhard ne furent pas prises, que si la destitution de Dumouriez proposée par Barère ne fut pas prononcée, c'est que Danton s'y opposa. Danton fut même assez puissant pour faire garder secrète la lettre du général. Nous commençons maintenant à comprendre pourquoi le soupçon germera dans les esprits que Danton et Dumouriez s'entendaient.

Dans sa séance du 15 mars, le Comité de Défense générale décida que Danton et son inséparable Delacroix retourneraient en Belgique, avec la mission d'obliger Dumouriez à se rétracter. Ils ne partirent pas sur-le-champ, car ils n'étaient à Bruxelles que le 19, ainsi qu'en fait foi un arrêté qu'ils signèrent avec leurs collègues de la commission Treilhard, Gossuin et Camus. On était au lendemain de la grande défaite de Neerwinden. La retraite ou plutôt la déroute de l'armée de Dumouriez se précipitait. Les commissaires envoyèrent Camus à Paris pendant que Danton et Delacroix se rendraient auprès de Dumouriez. Ceux-ci joignirent Dumouriez près de Louvain, dans la journée du 20. Le général, occupé à repousser une attaque des Impériaux, les renvoya à Louvain, où ils conférèrent avec lui le soir même. Nous connaissons cette conférence par ce que nous en a dit Dumouriez dans ses Mémoires, et Danton lui-même dans l'apologie de sa conduite qu'il prononça le 1er avril devant la Convention. Dumouriez nous peint les deux commissaires très affectés de la perte de la bataille, mais bien plus encore de la commission qu'ils avaient, disaient-ils, d'engager le général à se rétracter de sa lettre du 12, qui avait occasionné un grand déchaînement contre lui dans la Convention  à cause de sa trop franche véracité[25]. Dumouriez se justifia en parlant des excès commis sur les Belges. Ils furent, dit-il, obligés d'en convenir, mais, comme ils insistaient cependant sur la rétractation... le général leur déclara positivement qu'il ne se rétracterait pas. Et il ajoute cette réflexion : Les commissaires mirent dans toute cette négociation beaucoup d'esprit, d'intérêt et de cajolerie. Ce qu'il ne dit pas, mais ce que Danton nous apprend dans son discours du 27 mars, c'est qu'on parla politique. Dumouriez montra à Danton et à Delacroix une lettre où Roland lui écrivait : Il faut vous liguer avec nous pour écraser ce parti de Paris et surtout ce Danton. Par ces confidences, Dumouriez essayait donc de gagner Danton, comme Danton par ses cajoleries essayait de gagner Dumouriez. Danton s'est vanté aux Jacobins, le 31 mars, d'avoir menacé Dumouriez de le faire arrêter s'il ne se rétractait pas. Mais Danton se défendait alors contre les préventions de Marat. Il a dû embellir son attitude. Tout ce qu'il obtint du général, ce fut un court billet adressé au président de la Convention, dans lequel il priait l'Assemblée de ne rien préjuger sur sa lettre du 12 mars jusqu'à ce qu'elle eût reçu le résultat de ses conférences avec les commissaires[26].

Danton conviendra, le 1er avril, que ce billet qu'il avait arraché à Dumouriez ne l'avait point satisfait : Nous acquîmes la conviction, dit-il, qu'il n'y avait plus rien à attendre de Dumouriez pour la République. Il avait promis de guérir Dumouriez ou de le garrotter. Il ne le guérit ni ne le garrotta. Pourquoi ne le garrotta-t-il pas ? Il a prétendu, le 1er avril, que la chose était impossible, que les généraux ne lui auraient pas obéi, et il a dit aussi qu'il lui aurait fallu un mandat de la Commission tout entière. Or, la Commission tout entière se réunit à Bruxelles le lendemain 21 mars. Danton ne lui demanda pas d'arrêter Dumouriez. La Commission décida que Delacroix resterait au quartier général et que Danton retournerait à Paris avertir la Convention. C'était encore un ajournement.

Mais voici où les choses deviennent de plus en plus obscures. On allait .en ce temps-là de Bruxelles à Paris en moins de deux jours. La lettre envoyée par Delacroix à la Convention, et datée de Gand le 22, porte la mention reçue le 23. Camus, qui quitte la Belgique, quand Danton y arrive, dit à la Convention le 22 mars : J'ai quitté la ville de Bruxelles avant-hier. Si Danton avait quitté Bruxelles le 21, il eût dû être arrivé à Paris le 23. Dans une lettre datée de Gand le 22 mars, Delacroix s'exprime comme si Danton était en route pour Paris. Treilhard et Robert écrivent de Tournay le 24 mars à la Convention : Danton vous- a déjà instruits de notre situation au moment où il est parti pour Paris d'après un arrêté de la commission. L'un des arrêtés que signa Danton avec la commission, à Bruxelles, est daté du 21 mars à 4 heures du matin. Il a pu partir pour Paris, aussitôt après la réunion de la commission, c'est-à-dire de bon matin. Il aurait pu être arrivé à Paris le 22 mars ou tout au moins le 23. Nous venons -de voir que le 24 mars, ses collègues croyaient qu'il avait déjà fait son rapport à la Convention.

Comment se fait-il qu'on ne constate la présence de Danton dans la capitale que le 26 mars, jour où il paraît à la séance du Conseil exécutif provisoire ? Pourquoi ne s'est-il pas montré du 23 au 26, ni aux comités, ni à la Convention ? Où était-il ? Qu'a-t-il fait dans l'intervalle ? N'était-il pas urgent, d'une urgence extrême, qu'il fit connaître la situation de l'armée, après un désastre comme celui de Neerwinden, qu'il s'acquittât promptement de la mission qui lui avait été confiée, quand les minutes étaient si précieuses ?

Il faut avouer que Danton n'a donné aucune explication satisfaisante de l'emploi de son temps. Pressé de questions à ce sujet, à la séance du 1er avril, il se borne à dire : Arrivé à Paris à neuf heures du soir„ je ne me suis pas de suite transporté au Comité, parce que j'avais couru toute la nuit ; mais, dès que j'ai pu y aller, j'ai dit textuellement que Dumouriez était 'devenu tellement atroce qu'il nous avait dit que la Convention n'était composée que de trois cents imbéciles qui se laissaient conduire par quatre cents brigands. Le lendemain dont il est ici question, c'est le 26 mars, car on lit au procès-verbal du Comité de Défense générale de ce jouir que les deux commissaires de la Belgique (c'est-à-dire Camus et Danton) assistaient à la délibération du Conseil exécutif pour l'aider des renseignements qu'ils sont à la portée de lui donner, et on voit en effet que la présence de Danton et de Camus est notée au procès-verbal de la réunion du Conseil exécutif qui eut lieu le même jour.

Donc, du propre aveu de Danton, il ne serait rentré à Paris que le 25 mars à neuf heures du soir, et il était cependant parti de Bruxelles le 21. il a mis quatre longs jours à faire un trajet qu'on faisait normalement en moins de deux. Il ne dit pas qu'il y ait eu à subir un accident quelconque qui l'aurait retardé. Il y a là quelque chose qui ne s'explique pas et qui devait forcément provoquer le soupçon.

La conduite que tint Danton après sa tardive réapparition n'était pas de nature à lui ramener la confiance. Puisqu'il avait la conviction, ainsi qu'il le dit, qu'il n'y avait plus rien à attendre de Dumouriez, pourquoi n'a-t-il pas encore demandé sa destitution ? L'insurrection vendéenne qui venait d'éclater paraissait liée aux intrigues du général en Belgique. Dès le 17 mars, Robespierre avait déclaré aux Jacobins que Dumouriez était un traître.

Le 23 mars, en effet, Dumouriez se mettait en rapport avec l'ennemi par l'intermédiaire du colonel Montjoye, son aide de camp, qui annonça à Cobourg qu'il se proposait de dissoudre la Convention par la force et de rétablir la monarchie. Le 25 mars, le colonel autrichien Mack venait dîner au quartier général de Dumouriez et s'entendait avec celui-ci sur les mesures à prendre pour réussir la trahison. Dumouriez s'engageait à évacuer toute la Belgique et à remettre à l'ennemi les trois places d'Anvers, de Bréda et de Gertruydenberg, ce qui fut exécuté.

Pendant que Dumouriez conférait ainsi avec l'ennemi, du 23 au 25 mars, où était Danton ? Il est impossible de le dire.

Revenu à Paris le 25 au soir, que fait-il ? Au Comité de Défense générale où il paraît le 26 au soir, il se borne à dire, selon Lasource[27], que Dumouriez avait perdu la tête en politique, mais qu'il conservait tous ses talents militaires, Alors Robespierre, continue Lasource, demanda que la conduite de Dumouriez fût examinée. Danton s'y opposa et dit qu'il ne fallait prendre aucune mesure contre lui avant que la retraite dé Belgique fût entièrement effectuée. Son opinion fut adoptée.

Il prononce le lendemain devant la Convention un violent discours, maïs contre les seuls ennemis de l'intérieur. Il ne dit pas un mot de Dumouriez ni de la Belgique : Il faut enfin, s'écrie-t-il, que la Convention nationale soit un corps révolutionnaire ; il faut qu'elle soit peuple ; il est temps qu'elle déclare la guerre la plus inexpiable aux ennemis de l'intérieur. Quoi ! la guerre civile est allumée de toutes parts et la Convention reste immobile ! Un tribunal révolutionnaire est créé qui devait punir tous les conspirateurs, et ce tribunal n'est pas encore en activité ! Que dira donc ce peuple ? Car il est prêt à se lever en masse ! Se lever en masse, dans le style de l'époque, cela voulait dire s'insurger. Danton reprendrait-il à son compte l'idée du mouvement qui a avorté le 10 mars ? Il a parlé jusque-là de sa place. Il se lance alors, dit le Moniteur, à la tribune et il reprend : Que dira donc ce peuple ? Cas il est prêt à se lever en masse, il le doit, il le veut !... Et il demande que dans toute la république chaque citoyen soit armé d'une pique aux frais des riches, qu'on mette hors la loi quiconque aura l'audace d'appeler la contre-révolution, de manifester des opinions perverses, d'appeler tous les malheurs sur sa patrie, que le tribunal révolutionnaire soit mis sur-le-champ en activité, etc. M. Jaurès a dit que, par ce discours, Danton tentait une diversion pour retrouver toute sa popularité révolutionnaire en concentrant sur la Gironde, haïe du peuple, toutes les responsabilités[28]. Je n'ai pas l'impression que Danton attaquait la Gironde, car, à différentes reprises dans ce discours, il faisait appel à l'union. Mais ce qui me frappe, c'est que Danton ne disait pas un mot de Dumouriez, du sujet qui hantait tous les esprits. Le lendemain encore, il parlait devant la Convention en faveur de La Noue, un général compromis dans le désastre d'Aix-la-Chapelle. S'il tentait donc une diversion, cette diversion ne pouvait que profiter à Dumouriez, duquel il détournait l'attention.

Coïncidence étrange et qui donne à réfléchir, pendant que Danton invitait le peuple à se lever en masse contre les ennemis de l'intérieur, trois hommes, qui avaient été parmi ceux qui avaient préparé et dirigé le mouvement du 10 mars, Proli, l'ami de Desfieux, Pereira et Dubuisson, trois hommes qui portèrent plus tard leur tête à l'échafaud comme agents de l'ennemi, avaient avec Dumouriez des entretiens très graves, dont l'objet semblé bien avoir été d'entraîner le général sur Paris pour dissoudre la Convention, mais avec le concours et au profit des Jacobins.

Partis de Paris le 18 mars avec une vague mission de Lebrun pour la Hollande, ils rencontrèrent Dumouriez-le 26 mars au soir à Tournai. Ils le revirent encore au même endroit le lendemain. Dumouriez leur déclara qu'il sauverait la France malgré la Convention, dût-on l'appeler César, Cromwell ou Monck. Il leur exposa ses projets. Il rétablirait la constitution monarchique de 1791, qu'il ferait reconnaître par une assemblée de présidents des districts qu'il convoquerait pour remplacer la Convention dispersée -par son armée. Ici, d'après le récit des trois commissaires, l'un d'eux, Dubuisson, aurait attiré l'attention sur le danger que courrait la reine avant que Dumouriez ait eu le temps d'atteindre Paris. Alors Dumouriez s'écria : Eh bien ! vos Jacobins, à qui vous tenez tant, ont ici un moyen de s'illustrer à jamais et de faire oublier tous leurs crimes ; qu'ils couvrent de leurs corps ceux de la famille royale ; qu'ils fassent faire une troisième insurrection qui rachète les crimes de celles de 1789 et de 1792 et que le fruit de cette dernière insurrection soit la dispersion des 745 tyrans, à quelque prix que ce soit ; pendant ce temps, je marche avec mon armée et je proclame le roi ! Pour tromper Dumouriez, Dubuisson aurait feint d'applaudir à ses vues, et il lui aurait dit qu'il trouvait son idée belle et possible dans l'exécution, qu'il allait partir pour Paris et qu'il espérait sonder adroitement les Jacobins sur cet objet ; qu'il ne doutait même pas du succès[29].

Si on en croit Dumouriez lui-même dans ses Mémoires, ce serait les commissaires, ce serait Dubuisson qui aurait proposé le premier d'employer les Jacobins à la réussite du projet de dissolution de la Convention. Voici, dit-il, la seule réticence importante qu'ils se sont permise (dans leur récit) et qui était la clef de leur mission. Après être convenus de la nécessité d'anéantir le corps législatif et de le remplacer, ils eurent l'air de chercher avec le général corn-ment se ferait le remplacement. Alors l'un des trois hasarda de dire que les Jacobins avaient président registre, tribune, correspondances, orateurs, habitude de traiter les grandes affaires ; qu'ainsi le remplacement était tout trouvé. Et Dumouriez ne doute pas que s'il eût abondé dans leur idée de faire remplacer la Convention par la société des Jacobins, il n'eût gagné toute leur confiance...[30] Sur le moment même, le 29 mars, Dumouriez écrivait déjà à Beurnonville que les députés qui lui étaient venus de la part du club des Jacobins lui avaient proposés les plus belles choses du monde, à condition qu'il les aidât à culbuter la Convention[31].

Si on réfléchit que l'émeute du 10 mars, inspirée par ce même Proli et par son ami Desfieux, avait eu pour but avoué de dissoudre la Convention, on trouvera vraisemblable la version que Dumouriez a donnée de ses conversations avec Proli, Dubuisson et Pereira ;on admettra que ceux-ci lui ont bien offert de se mettre à la tête des Jacobins pour réaliser ses ambitions. Mais Dumouriez, déjà engagé avec Cobourg, ne pouvait plus reculer. Il trahira ouvertement trois jours plus tard en livrant aux Autrichiens, le 1er avril, les quatre commissaires de la Convention venus pour l'arrêter.

Mais une question se pose, pressante. C'est au moment même où Proli, Pereira et Dubuisson cherchaient à attirer Dumouriez dans leur parti pour renverser la Gironde, par un coup d'état militaire, que Danton, à la tribune de la Convention, exhortait le peuple à se lever en masse. Ce simple synchronisme donne à réfléchir. Le Jacobin Dubuisson exprime à Dumouriez sa sollicitude pour la vie de la Reine. Danton ne s'exprimait pas autrement dans ses entretiens avec l'émigré Théodore Lameth. Proli, cela est certain, était en relations amicales avec Danton[32].

Nous nous demandions tout à l'heure où Danton avait passé les deux ou trois jours dont il ne pouvait justifier l'emploi. S'était-il rencontré avec Proli, Dubuisson et Pereira, qui avaient quitté Paris le 18 mars[33] et qui devaient être dans la direction de Valenciennes le 2I, au moment du départ de Danton pour Paris ? Ce n'est pas une hypothèse gratuite de notre part. Le 31 mars, les trois commissaires du Conseil exécutif paraissent aux Jacobins pour faire connaître la conversation qu'ils ont eue avec Dumouriez. Aussitôt Danton monte à la tribune pour se disculper des accusations dont il a été l'objet. Au milieu de son discours, il s'adresse aux trois commissaires, et il les prend à témoin : J'interpelle les commissaires du pouvoir exécutif de déclarer si je n'ai pas déployé le zèle le plus ardent et le plus efficace pour opérer une réunion contre laquelle Dumouriez s'élevait constamment. Danton ne se serait pas exprimé ainsi si les commissaires ne l'avaient pas vu à l'œuvre au cours de sa mission, s'il ne les avait pas rencontrés auprès de Dumouriez, s'il n'avait pas été sûr à l'avance de leur réponse favorable.

Alors la question revient toujours. Ces mêmes hommes, qui avaient été considérés comme les agents de Danton dans l'émeute du 10 mars, se sont-ils concertés avec Danton pour la singulière démarche qu'ils tentèrent auprès de Dumouriez les 26 et 27 mars, à la veille de sa trahison ?

Je considère comme un fait grave que Danton n'ait pris parti contre Dumouriez qu'après l'échec de la mission de ces trois hommes auprès du général. Ceux-ci avaient écrit à Lebrun le récit de leur première entrevue avec Dumouriez dans la nuit du 26 au 27. Leur lettre fut à Paris le 29, et son contenu transpira immédiatement[34]. Ce ne furent pas seulement les Girondins, mais les Montagnards eux-mêmes qui s'étonnaient du silence gardé par Danton sur sa mission de Belgique. Marat s'écriait, le 29 mars à la Convention : Je demande que Danton, qui, à mon grand étonnement, n'est pas encore venu vous dénoncer le malheureux état de la Belgique, soit entendu sur-le-champ. Le lendemain, la Commune, sur le réquisitoire de Chaumette, demandait le décret d'accusation contre Dumouriez.

Danton se décida à parler. Dumouriez avait définitivement jeté le masque. Il n'avait plus de ménagements à garder. Il devait pourvoir à sa propre défense. Une première fois, le 30 mars, il prononce devant la Convention une apologie d'un ton modéré où il adresse à ses collègues des paroles d'union. Le 31 mars, Marat le somme de nouveau aux Jacobins de se justifier. Cette fois, Danton ne se borne pas à expliquer pourquoi il n'a pas fait arrêter Dumouriez, il attaque les Girondins, la faction criminelle qui a voulu sauver le Roi.

Marat veut bien pardonner à Danton. Il est ravi de voir que le tribun, qui jusque-là avait gardé la neutralité entre les partis, passe décidément à la Montagne et va la renforcer de toute la fougue de son tempérament et de toute l'amertume de ses rancunes. Il ne peut s'empêcher cependant de reprocher à Danton son imprévoyance : Si tu avais prévenu, par une mesure ferme, les trahisons de Dumouriez, ta juste sévérité n'eût pas donné le temps à nos ennemis de renouer leurs trames et de creuser l'abîme sous nos pas.

Mais déjà Danton était mis sur la sellette devant les Comités de Défense et de Sûreté générale qui se réunissaient dans la nuit du 31 mars au 1er avril pour faire arrêter tous ceux qui étaient soupçonnés d'intelligence avec Dumouriez. Les Comités décidèrent d'écrire à Danton pour l'inviter à venir donner des éclaircissements sur la situation de la Belgique[35]. C'était presque un mandat d'amener, car une lettre semblable avait été écrite à, Philippe-Égalité et à Sillery, qui furent mis en arrestation le lendemain. Le bruit courut que Danton, lui aussi, était arrêté[36].

La grande explication que tout le monde attendait eut lieu le 1er avril. Quand Cambacérès eut fini de justifier les arrestations ordonnées la veille par les deux Comités de Défense et de Sûreté générale, Pénières somma Danton d'expliquer pourquoi, ayant promis de faire rétracter Dumouriez et ne l'ayant pas fait, il n'avait pas demandé contre lui le décret d'accusation. Danton répondit qu'il avait obtenu une lettre de demi-rétractation et qu'au reste lui et les autres commissaires avaient toujours été en désaccord avec Dumouriez, qu'ils avaient, par exemple, fait exécuter contre lui l'annexion du Hainaut. S'il n'avait pas fait arrêter le général, c'était de peur qu'on ne l'accusât de désorganiser l'armée.

Alors La Source se leva et déclara que la conduite de Danton ne pouvait s'expliquer que parce qu'il s'était concerté avec Dumouriez. Il est bien étonnant, dit-il, que Danton n'ait osé prendre aucune mesure contre Dumouriez, tandis qu'il nous a dit que l'armée était tellement républicaine que, malgré la confiance qu'elle avait dans son général, si elle lisait dans un journal que Dumouriez a été décrété d'accusation, elle l'amènerait elle-même à la barre de l'Assemblée. La Source affirma qu'il y avait un plan formé pour rétablir la royauté : Que fallait-il faire pour le faire réussir ? Il fallait maintenir Dumouriez à la tête de son armée. Danton est venu à la tribune et a fait le plus grand éloge de Dumouriez... Pour faire réussir la conspiration tramée par Dumouriez, il fallait acquérir la confiance populaire, il fallait tenir les deux extrémités du fil. Delacroix reste dans la Belgique, Danton vient ici... Pour faire réussir la conspiration de Dumouriez, que fallait-il faire ? Il fallait faire perdre à la Convention la confiance publique. Que fait Danton ? Danton paraît à la tribune, et là il reproche à l'Assemblée d'être au-dessous de ses devoirs ; il annonce une nouvelle insurrection, il dit que le peuple est prêt à se lever, et cependant le peuple était tranquille... En criant sans cesse contre la faction des hommes d'État, ne semble-t-il pas qu'on se ménageait ici un mouvement, tandis que Dumouriez se serait avancé à la tête de son armée ? La Source conclut en demandant la nomination d'une commission d'enquête pour examiner la conduite de Danton et de ses collègues de la commission de Belgique. Après lui, Birotteau rappela que Fabre d'Églantine avait proposé au Comité de Sûreté générale de rétablir la royauté[37]. La commission d'enquête fut votée à l'unanimité.

Alors Danton interpella Cambon : Je somme Cambon, sans personnalité, sans s'écarter de la proposition qui vient d'être décrétée, de s'expliquer sur un fait d'argent, sur 100.000 écus qu'on annonce avoir été remis à Danton et à Lacroix et de dire la conduite que la Commission a tenue relativement à la réunion. Cambon, qui s'était montré très sévère au mois d'octobre lors de l'examen des comptes ministériels de Danton, Cambon qui avait dénoncé les vols des fournisseurs de Dumouriez[38], Cambon, ainsi interpellé, ne daigna pas répondre.

Danton, écroulé, retournait à sa place quand la Montagne tout entière se leva et l'invita à remonter à la tribune pour se justifier sur-le-champ, sans attendre la réunion de la Commission d'enquête. Ainsi excité et fouaillé par son parti, Danton comprit que, s'il ne faisait pas un suprême effort pour se justifier, il était perdu, car ses amis l'abandonneraient. Il s'élança de nouveau à la tribune, et il prononça un plaidoyer désespéré d'une fougue ardente, un des plus beaux qui soient sortis de sa bouche. D'accusé, il se fait accusateur. Les amis de Dumouriez, c'est Brissot, c'est Guadet, c'est Gensonné, qui l'ont toujours défendu et qui correspondaient régulièrement avec lui. Les amis de la royauté, ce sont ceux qui ont voulu sauver le tyran, ceux qui ont calomnié Paris, citadelle de la Révolution. La Montagne le soutient, de ses applaudissements frénétiques. Marat lui souffle de nouvelles accusations : Et leurs petite soupers, disait Marat, et Danton reprenait : Il n'y a que ceux qui ont fait des soupers clandestins avec Dumouriez quand il était à Paris... — Marat : La Source ! La Source en était ! — Danton : Oui, eux seuls sont les complices de la conjuration ! Il continua ainsi pendant plus d'une heure, transformant son apologie personnelle en une attaque violente contre le parti girondin. La Montagne lui fit une ovation. Ses amis l'embrassèrent. Cette diversion politique le sauva.

Un an plus tard, les mêmes Montagnards qui avaient porté Danton en triomphe le conduisirent au supplice en reprenant à leur compte les accusations de Birotteau et de La Source. En avril 1793, les Montagnards, dans leur lutte à mort contre la Gironde, avaient besoin du renfort de Danton, qui avait jusque-là affecté de rester dans la neutralité et de prêcher l'union. Ayant besoin de Danton, les Montagnards étaient tout prêts à le croire innocent.

Le jugement d'absolution qu'ils prononcèrent alors n'était qu'un jugement de parti.

L'historien qui s'en tient aux faits est obligé de reconnaître que, dans cette crise terrible de la perte de la Belgique et de la trahison de Dumouriez, la conduite de Danton ne répond pas du tout au portrait légendaire qu'on s'en fait. L'homme de l'audace s'est montré singulièrement indécis et timide. Effet sans doute de la réserve et du calcul.

A toutes les grandes époques de la Révolution, Danton agit de même. Il s'absente de Paris le jour du massacre du Champ de Mars, où il avait conduit ses naïfs auditeurs. Il se réserve lors de la déclaration de guerre. A la veille du 10 août, il quitte Paris pour se retirer à Arcis-sur-Aube, quand ses amis négocient avec la Cour et travaillent l'émeute. Pendant le procès du Roi, il passe de l'indulgence à la frénésie. Tel il avait été dans les crises antérieures, tel il fut dans la crise de mars 1793, tel il sera à l'avenir.

Les contradictions de ses paroles et de ses actes se résolvent toujours dans le souci de ses intérêts. Il était lié avec Dumouriez par les mêmes intrigues financières, par les mêmes ambitions démesurées, par la même absence de scrupules. Tant qu'il crut à l'étoile de Dumouriez, il le ménagea, il le soutint. Tant qu'il fut incertain sur l'issue de la lutte que le général avait engagée contre les Jacobins, il se garda de se compromettre. Soyons sûrs que, si Dumouriez avait réussi, Danton aurait été du côté du vainqueur.

S'était-il concerté avec Dumouriez ? Son rôle équivoque dans l'émeute du 10 mars, son étrange silence à son retour de Belgique le 26 mars ; son silence sur l'emploi de son temps du 22 au 25 mars, le silence plus étrange encore sur les mesures à prendre à l'égard de Dumouriez, la mission suspecte de Proli, Pereira et Dubuisson, tout cela a donné naissance aux soupçons graves qui se sont fait jour au moment même. Accusé de complicité au sein des comités et jusqu'à la tribune de la Convention, Danton fut sur le point d'être arrêté. Il se tira d'affaire en payant d'audace, en formulant, en guise de défense, une accusation politique contre ses adversaires. Il était trop finaud pour se livrer, trop prévoyant pour laisser une trace matérielle de ses intrigues. Il excellait à jeter des comparses en avant, quitte à les désavouer. On ne saura jamais le fin mot sur ses projets véritables. Il faut se résoudre à ignorer.

Ce qu'il y a de sûr, c'est que sa mauvaise réputation faisait la vraisemblance des accusations dont il fut l'objet. Quand Danton proposait les mesures les plus patriotiques, on lui imputait des arrière-pensées. S'il poussait à la guerre, on ne le croyait pas sincère. Quand il proposera la paix, il éveillera les mêmes défiances.

 

 

 



[1] Publiée dans la Revue de la Révolution, t. VII, 1886, Documents, 1er semestre.

[2] Archives nationales, F⁷ 6888, plaquette 2. — Cette lettre a été publiée dans les Annales révolutionnaires de juillet-septembre 1918.

[3] Le général des Sans-Culottes à l'orateur des Sans-Culottes, lettre datée de Ruremonde, le 13 décembre, et reproduite dans le Moniteur, t. XIV, p. 778 : Toi cependant, lui disait-il, orateur du genre humain, poursuis ta généreuse carrière, tonne contre les préjugés et le fanatisme, éclaire les faibles mortels, rends-les sensibles et vertueux : que la fraternité, la seule, la vraie religion, devienne le charme de notre existence et le lien de tous les cœurs.

[4] Le lendemain de son départ, le 27 janvier, Desfieux expliqua aux Jacobins que Dumouriez aurait été très flatté de leur rendre visite, mais qu'il avait craint d'y rencontrer Marat, Marat qui menait contre lui une clairvoyante campagne.

[5] Mémoires du général Dumouriez, t. I, Londres, 5794, p. 86.

[6] Il s'agit de Mergez, qui avait déjà accompagné Noël à Londres et que Dumouriez prendra dans son état-major.

[7] Archives nationales, C 359 : Correspondance de Dumouriez avec les ministres.

[8] Voir sur les pourparlers de De Maulde les dépêches publiées par H.-E. COLENBRANDER, Nederland en de Revolutie, La Haye, I, 05.

[9] MADELIN, Danton, p. 210.

[10] Jean JAURÈS, La Convention, p. 1083.

[11] Il est à noter que Santerre, dans son rapport à la Convention, le 10 mars, déclare qu'on répandait dans les groupes des propos insidieux, entre autres celui-ci : qu'on voulait un roi et on parlait du citoyen Egalité (Archives parlementaires, t. LX, p. 67).

[12] Voir le mémoire adressé par Mamin au Comité de Salut public pour demander un emploi (après le 31 mai 1793). Archives nationales, F⁷ 4774⁷².

[13] Archives parlementaires, t. LX, p. 92. J'ignore pourquoi cette réplique de Danton ne figure pas dans l'édition de ses Discours par M. André FRIBOURG.

[14] Patriote français du 13 mars 1793.

[15] Il est remarquable aussi que la Marine fut confiée d'avance à Saint-André, qui l'organisera quelques mois plus tard.

[16] Voir mon livre sur le Club des Cordeliers, p. 133, note.

[17] Voir ces curieux articles du journal français des 16 novembre, 20 novembre et 23 novembre 1792, dans les Annales révolutionnaires, 1912, t. V, p. 559-564.

[18] BARÈRE, Mémoires, t. II, p. 313.

[19] Annales révolutionnaires, numéro de juillet-septembre 1918, p. 458.

[20] Annales révolutionnaires, numéro de juillet-septembre 1918, p. 461.

[21] Pièce de l'armoire de fer n° 201. Voir, sur Desfieux, les Annales révolutionnaires de juillet-septembre 1918, p. 462, note.

[22] Cette lettre, très longue, est reproduite aux Archives parlementaires, t. LX, p. 528.

[23] AULARD, Actes du Comité de Salut public, t. II, p. 336.

[24] Bréard présida en effet le début de la séance du 25 mars.

[25] Mémoires, édition de 1794, t. II, p. 68-69.

[26] On trouvera cette lettre aux Archives parlementaires, t. LX, 509.

[27] Séance du 1er avril.

[28] JAURÈS, La Convention, p. 1172-1173.

[29] Moniteur, XVI, p. 20.

[30] Dumouriez, Mémoires, 1794, t. II, p. 82.

[31] Archives parlementaires, t. LXI, p. 98.

[32] Voir aux Archives nationales, W 76, les interrogatoires et papiers de Proli. Après le 31 mai, les relations se refroidirent quand Proli passera à l'hébertisme. Il accusera Fabre d'Églantine de l'avoir desservi auprès de Danton.

[33] Interrogatoire de Proli, le 19 ventôse an II, devant le Comité da Sûreté générale (Arch. nat., W 78).

[34] Discours de Danton du 30 mars : Les nouvelles reçues d'hier des armées transpirent déjà.

[35] Procès-verbal officiel dans AULARD, Actes du Comité du Salut public.

[36] Dans le moment actuel, on fait circuler le bruit que le Comité de Sûreté générale a fait arrêter Danton (Discours de Robespierre aux Jacobins, le 1er avril 1793).

[37] Si on songe qu'au moment de l'agitation républicaine du Champ de Mars, Fabre d'Eglantine s'exprimait dans une lettre privée en termes méprisants sur la République, et qu'il parlementait avec la Cour à la veille du 10 août, on ne trouve pas invraisemblable le propos de Birotteau (Voir la lettre de Fabre d'Églantine en appendice de mon livre sur Le Club des Cordeliers).

[38] Voir le chapitre sur le fournisseur d'Espagnac dans la première série de mes Études robespierristes.