LA GUILLOTINE

ET LES EXÉCUTEURS DES ARRÊTS CRIMINELS PENDANT LA RÉVOLUTION

 

CHAPITRE PREMIER. — LA HAUTE JUSTICE SOUS L'ANCIEN RÉGIME.

 

 

I. — LE BOURREAU

 

L. S. Mercier écrivait en 1795[1], pour son Nouveau Paris, un chapitre saisissant : Je voudrais bien savoir, disait-il en parlant du bourreau, ce qui se passe dans sa tête et s'il a regardé ses terribles fonctions uniquement comme un métier... Il a vu la jeune fille, à la veille de ses noces, affronter le trépas avec plus de sang-froid, que le fameux d'Estaing qui avait rempli l'Europe des récits glorieux de sa bravoure et de son intrépidité. Comment dort-il après avoir reçu les dernières paroles et les derniers regards de toutes ces têtes coupées... Il a entendu ces milliers de femmes furies applaudir avec des cris forcenés à cet épouvantable déluge de sang. Il dort, dit-on, et il pourrait bien se faire que sa conscience fût en plein repos... Il est vrai qu'il ne fût point tout à la fois, comme l'exécuteur de la justice de Nantes, bourreau, président des sociétés populaires et témoin gagé pour déposer contre les prévenus. On ne se disputa point, comme à Nantes, le bonheur de l'avoir pour gendre ; on ne vit point, comme à Nantes, des personnes de tout rang et de tout état l'aborder d'un air caressant et presser amicalement ses mains sanglantes. Et les Parisiennes ne portèrent point à leur oreille, comme bien des femmes de Nantes, des guillotines de vermeil.

Il reçut, dit-on, des excuses de la reine lorsque sur l'échafaud elle eut posé par mégarde le bout de son pied sur le sien. Que pensa-t-il alors ? Il fut longtemps payé des deniers du trésor royal. Quel homme que ce Sanson ! Il va, vient comme un autre ; il assiste quelquefois au théâtre du Vaudeville, il rit, il me regarde ; ma tête lui est échappée, il n'en sait rien...

Ces quelques lignes de Mercier, et la lettre que l'exécuteur écrivit, à un journaliste[2], plusieurs jours après le 21 janvier 1793, voilà à peu près tout ce qu'on sait de Sanson, qui fut, suivant un mot célèbre, la clef de voûte de la Révolution. Quant à ses confrères des départements, nul indice. Parfois, dans les monographies locales, surgit un nom que la répulsion populaire a recueilli, que la tradition transmet, sans autre titre à l'histoire que celui-ci : ainsi s'appelait le bourreau au temps de la Terreur. Encore le fait est-il des plus rares. Car c'est une chose digne de remarqué qu'on ait pu écrire, sur l'époque révolutionnaire, une étonnante quantité de récits, qu'on soit parvenu à en éclairer les plus sombres coins, qu'on ait reconstitué, à force de recherches et de documents, ses plus dramatiques aspects, et que toujours soit demeuré dans l'ombre le terrible fonctionnaire auquel restait le dernier mot de tant de drames. L'échafaud et l'exécuteur semblent être des abstractions. Cette rouge silhouette domine toute l'histoire à la façon d'un fantôme qui passe, impersonnel et insaisissable, et personne encore n'a cherché la solution de ce problème : Qui était-ce ? Et pourtant — là est l'intérêt de la question — c'étaient des hommes ; des hommes ayant comme d'autres, sinon une famille, du moins, ainsi que le disait de Maistre, une femelle et des petits, des sentiments, des haines, des intérêts, des préjugés, de l'orgueil, des passions, des besoins, des ambitions. Quand on ouvre leurs dossiers déposés dans nos Archives, il se dégage, de toutes ces liasses jamais feuilletées, l'impression qu'on pénètre dans un monde étrange, effrayant et inexploré. C'est un grouillement de figures sinistres, à la fois, et placides, une évocation de monstres bons bourgeois, s'alliant entre eux, se dénonçant, s'entr'aidant, écrivant aux ministres, sollicitant des protecteurs, criant misère, faisant souche de petits bourreaux, demandant des places, se démenant de cent façons pour parvenir, et surtout parlant du métier avec une bonhomie si naturelle et si froide qu'elle en est terrifiante. Il y a là des papiers jaunis, aux plis cassés, qu'on ne peut d'abord regarder sans une sorte de dégoût ; des commissions d'exécuteurs, grises de crasse, qu'ils avaient sur eux pendant la besogne ; des procès-verbaux rédigés au pied de l'échafaud ; des lettres tracées par ces mains gourdes, devenues calleuses au contact des boucles de la bascule ; des billets écrits, après le travail, du bout de ces gros doigts qui avaient encore du sang aux ongles. Pourtant la répulsion instinctive, que cause tout d'abord le dépouillement de ces dossiers, se change bientôt en quelque chose qui ressemble à de la compassion : on éprouve une sorte d'intérêt des plus vifs pour toute cette classe d'hommes qu'une hérédité fatale a retranchés du nombre des hommes. Les fils de Jacques d'Armagnac sentirent, dit-on, le sang de leur père dégoutter sur leur front des planches mal jointes de l'échafaud. Eh bien ! ce fait odieux s'est renouvelé cent fois dans notre histoire : le sang qu'avait versé l'exécuteur allait, à travers les générations, salir le front de ses descendants : nul espoir de laver cette tache originelle ; le fils du bourreau était bourreau, et, s'il est vrai que cette hérédité n'a jamais existé de droit, il n'en est pas moins certain que, de fait, elle fut toujours inéluctable. Et c'est ainsi que, pendant des siècles, plus de deux cents familles ont passé dans la vie, humbles, sans droit à la susceptibilité, se sachant méprisées et maudites, honnêtes parfois, souvent cyniques et se léguant, comme un héritage implacable, la souveraine horreur qui s'attachait à leurs fonctions.

 

II. — LES RIFLEURS

 

Bien des gens, sans doute, pensent, non sans quelque raison, que la Révolution fut le beau temps des exécuteurs. Il n'en est rien : nulle classe de la société n'eut, au contraire, plus à souffrir, du grand changement qui suivit l'établissement du régime parlementaire et la propagation des idées nouvelles.

Avant 1789, il y avait en France, la Corse comprise, plus de cent soixante exécuteurs ; il est difficile d'en fixer le nombre exact, le chiffre de ceux exerçant en Alsace n'étant pas connu[3]. Ils tenaient, pour la plupart, leurs provisions du Roi : un très petit nombre seulement avaient été commissionnés par des seigneurs ou des municipalités. Les Sanson, à Paris, à Tours, à Reims ; les Desmorets, à Étampes, à Dourdan, à Senlis, à Noyon, à Laon, à Epernay, à Châlons et à Vitry-le-Français ; les Ferey, à Rouen, à Pont-Audemer, à Provins, à Orléans ; les Jouenne, à Melun, à Evreux, à Caen, à Dieppe, à Caudebec : telles étaient les principales dynasties qui se transmettaient dans le Nord de la France les fonctions de justice. La région du Midi était moins favorisée sous ce rapport : les villes qui voulaient s'offrir le luxe d'un maître des hautes œuvres commissionnaient ordinairement un condamné chargé d'exécuter les autres, car le préjugé qui sévissait dans les provinces méridionales était tel que personne ne se présentait pour remplir une fonction mal rémunérée d'abord, et en si grande mésestime que le bourreau ne trouvait point, la plupart du temps, de boulanger qui lui voulût vendre, ni de propriétaire qui consentît à le loger[4].

Le Nord-Est, et particulièrement la Lorraine, était, au contraire, véritablement l'Eden des exécuteurs. Le voisinage de l'Allemagne où, dans presque dans tous les villages, se trouvait un maître des basses œuvres chargé de la police des marchés, l'extrême rareté des exécutions à mort, l'habitude de coudoyer chaque jour le bourreau ou quelqu'un de ses descendants — car, en général, les familles d'exécuteurs étaient fort nombreuses, — et, plus que tout cela peut-être, l'aisance dans laquelle vivaient ces fonctionnaires, avaient, pour ainsi dire, éteint le préjugé et fait accepter ces hommes, dont quelques-uns même jouissaient d'une certaine considération. Aussi pullulaient-ils dans cette partie de la France.

Dans le ressort du ci-devant parlement de Nancy, qui était composé de trente-trois bailliages ou prévôtés royales outre plusieurs prévôtés bailliagères seigneuriales, on comptait quarante et un exécuteurs, non compris ceux établis et salariés par les seigneurs particuliers.

A l'exception des deux seules villes et bailliages de Vézelise et de Bruyères, il n'y avait pas un des bailliages du ressort dans l'étendue desquels il n'y eût un et, quelquefois, deux exécuteurs. On n'a aucune indication sur leurs émoluments. On sait seulement que le droit de havage n'était perçu, avant 1775, qu'aux seuls marchés des villes de Neufchâteau, Bourmont, Épinal, Châtel et Mirecourt. Ces exécuteurs, moins heureux que leurs confrères des Trois-Evêchés, étaient dans la misère. Ils ne retiraient presque rien des exécutions qui ne profitaient qu'à ceux de Nancy, parce qu'à la réserve de celles par effigie, elles se faisaient toutes dans cette ville pour éviter au domaine les frais de translation des condamnés.

A Thionville, il y en avait deux : Jean Graulle et Jean-Baptiste Dallenbourg, qui exerçait depuis 1748 ; à Montenach, Mudac Spirkel, commissionné en 1761 ; à Rodemach, Jean-Nicolas Spirkel était attaché à la justice du prince de Baden, qui lui avait fait construire une maison isolée au bas du bourg ; à Boulay était Nicolas Wolff ; à Sarrelouis, Pierre Cauni, depuis-1781 ; à Bisten[5], François Spirkel, depuis 1766 ; à Filstroff, Pierre Back, depuis 1768 ; à Diding, Pierre Hippo, depuis 1787 ; à Puttelange, Georges Bour ; à Longuyon, Henry Habile, dont le véritable nom était Schewindt, mais à qui sa dextérité avait sans doute mérité ce surnom, l'Habile ; à Briey, Antoine Roch ; à Forbach, les deux frères Mathias et François Bourgard ; à Reling, Jean Wolff, sans compter l'exécuteur des jugements du Parlement de Metz, qui, grassement payé[6], était, en quelque sorte, par sa situation et son importance, le doyen et le patriarche de ses confrères de la région.

Chacune des bourgades d'Alsace, pour ainsi dire, comptait également un exécuteur au nombre de ses habitants ; en Champagne, ils étaient plus rares. Cependant toute ville un peu importante avait le sien ; en Flandre, il y en avait à Lille, à Cambrai, à Douai ; celui du Conseil d'Artois siégeait à Arras ; les municipalités de Laon et de Soissons avaient chacune le leur ; la Normandie en comptait près de dix, et, en revanche, certains départements du Midi et du Centre, l'Ain, l'Allier, les Basses-Alpes, les Hautes-Alpes, l'Ardèche, etc., n'en avaient point en 1791. Il convient de dire que la plupart de ces agents de la force publique, gratifiés généralement du titre de maître des hautes et basses œuvres, n'exerçaient que les fonctions de rifleur[7], c'est-à-dire de surveillant des marchés et d'exécuteur des règlements de police locale.

 

III. — LE BOURREAU DE LANDAU

 

De quelles ressources vivait cette nombreuse corporation ? La chose est malaisée à établir : d'après l'ancienne législation, se trouvait au nombre des droits féodaux un droit de havage[8], appartenant au Roi, qui l'avait cédé, en manière d'émoluments, aux exécuteurs de la haute justice. Celui de Paris le faisait percevoir par ses préposés, et, en raison de l'aversion qu'inspiraient les gens de cet état, on ne les laissait opérer la rafle qu'au moyen d'une cuiller de fer-blanc qui servait de mesure. L'usage du droit de havage s'était répandu dans tout le royaume, et les exécuteurs en tiraient un bénéfice parfois considérable. Mais on pense bien qu'un tel impôt n'était point du goût des contribuables. A chaque instant, c'étaient des discussions, voire des rixes, la plupart des vendeurs ne voulant pas souffrir que le bourreau ou son préposé les marquât sur le bras avec de la craie, ainsi qu'il avait coutume de faire pour reconnaître ceux qui l'avaient payé. Aussi un arrêt du Conseil en date du 3 juin 1775 supprima-t-il le droit de havage sur les grains et les farines ; ce fut la ruine des exécuteurs, car les vendeurs s'empressèrent d'étendre la mesure à toutes les autres denrées. Le maître des hautes œuvres de Paris perdit par ce fait 60.000 livres de revenus ; celui de Troyes, 6.552 livres ; celui de Sedan, 4.236 livres ; celui de Pont-l'Evêque, 5.800 livres ; celui de Laon, 4.000 livres[9], etc. Il fut donc nécessaire de pourvoir à leur existence ; on leur accorda un traitement provisoire, qui ne fut pas réglé d'une manière uniforme : quelques-uns conservèrent le droit de havage sur les denrées autres que les grains et farines ; le plus grand nombre fut pourvu de gages sur le domaine, d'allocations payées par les communes ; on leur abandonna certains droits féodaux bizarres et tombés en désuétude. L'exécuteur des arrêts du Conseil d'Artois, à Arras, obtint le privilège d'enlever, à son profit, tous les chevaux morts dans la ville et dans la banlieue : celui de Lille percevait sur les personnes qui donnaient à jouer un droit dont le produit n'est pas connu ; Ferey, de Provins, se faisait un revenu annuel de 40 livres en usant du privilège exclusif qu'il avait d'établir un jeu de quilles dont la municipalité demanda la suppression, trouvant que ce jeu est onéreux au public et dangereux pour la jeunesse ; enfin presque tous reçurent une indemnité pour chaque exécution opérée. Il y en eut même un qui eut l'excellente aubaine de trouver du travail en ville : le fait mérite d'être conté, et, comme il est passablement invraisemblable, nous laisserons parler les documents eux-mêmes dont l'authenticité ne peut être mise en doute[10].

Landau, ce 8 avril 1777.

MONSEIGNEUR,

Je me crois obligé d'informer Votre Grandeur d'un fait assez extraordinaire qui a donné lieu à bien des bruits et à bien des conjectures dans toute cette province ; j'en ai fait consigner le détail et les principales circonstances dans un interrogatoire qui est ci-joint en copie, et auquel j'ai vaqué moi-même en présence de la plupart des officiers de mon siège.

Mon avis est de déclarer Jérôme Meuges avoir forfait dans son métier de maître des hautes œuvres, en conséquence déchu d'en faire les fonctions, sauf à servir le reste de ses jours en qualité de garçon ou compagnon bourreau ; en outre le condamner à tenir prison pendant trois mois au pain et à l'eau, en réparation de son avide et coupable complaisance ; et, enfin, d'ordonner que ce jugement fût rendu public par la voie des gazettes de Francfort et du Bas-Rhin. J'ai donné pour motif de mon avis que c'était offenser la juridiction française que d'avoir employé un de nos bourreaux clandestinement et à notre insu à une expédition de cette nature, qui peut n'avoir été qu'un acte de tyrannie aussi bien qu'un acte de justice, et qu'après tout l'on ne saurait improuver trop hautement des pratiques d'une conséquence aussi dangereuse. Tels étaient, Monseigneur, mon avis et ses motifs ; mais par la sentence qui a été rendue et dont la copie est ci-jointe, vous verrez que le coupable en a été quitte pour une légère réprimande, qui ne saurait l'avoir mortifié beaucoup, et pour un emprisonnement de quinze jours, qu'il est allé subir avec autant d'allégresse que de promptitude, et comme s'il ne se fût agi que d'une bagatelle.

Ce serait ici l'occasion de vous dire, Monseigneur, par quel concert de manèges et d'intrigues l'on a si bien su miner mon existence dans cette ville frontière et la considération dont je devrais y jouir, que je ne puis plus rien proposer à mon corps qui soit trouvé plausible ou faisable ; j'aime mieux tout uniment vous rendre compte du fait en question et prendre vos ordres sur ce qui en fait l'objet ; et, en attendant qu'il vous plaise me faire savoir vos intentions, je défendrai aux geôliers de mettre cet homme en liberté.

PHILBERT, Conseiller du Roi, et son prêteur à Landau.

 

INTERROGATOIRE

Ce jourd'hui septième avril mil sept cent soixante et dix-sept, à l'assemblée ordinaire du magistrat, sur ce qu'il lui est revenu que Jérôme Meuges, maître des hautes œuvres de cette juridiction, doit avoir fait une exécution à mort clandestinement et en pays étranger, le magistrat l'a fait mander en sa chambre d'audience, où étant, après serment par lui fait de dire et de répondre vérité, il a été interrogé par M. le prêteur royal ainsi qu'il suit :

Interrogé de son nom, âge, qualité et demeure :

A répondu s'appeler Jérôme Meuges, maître des hautes œuvres, demeurant en cette ville, âgé d'environ quarante-cinq ans, de la religion catholique, apostolique et romaine.

Interrogé pourquoi il a été introuvable en cette ville, quoiqu'il y fût, et pourquoi il s'est absenté ensuite les deux premières fois qu'il a été mandé à l'hôtel de ville, il y a environ trois ou quatre semaines :

A dit qu'il avait été appelé pour guérir des chevaux malades, ce qui l'a empêché de se rendre aux ordres qui lui ont été donnés.

Interrogé s'il n'a pas affecté par là d'éviter les éclaircissements qu'il devait bien s'attendre qu'on lui demanderait sur le bruit qui courait dès lors d'une exécution clandestine à laquelle il a vaqué :

A répondu que ce n'était point à cette occasion qu'il s'était absenté, et qu'il sait bien qu'il ne peut se refuser de dire vérité sur le fait en question.

Interrogé si le bruit qui a couru alors était vrai ou faux :

A répondu que le dit bruit est vrai, et que, vers la Saint-Martin de l'année dernière, on lui aurait envoyé un paysan à lui inconnu, pour lui faire savoir de se trouver vers le moulin appelé Daumühl où se trouveraient deux messieurs qui avaient à lui parler.

Interrogé sur ce que lui ont dit ces personnes au rendez-vous à lui indiqué, et s'il les connaît :

A répondu ne point les connaître ; que l'un portait un habit gris, l'autre un habit blanchâtre, tous deux portant perruques, âgés entre cinquante et soixante ans, qui lui ont proposé d'aller avec eux en Allemagne pour y faire une exécution secrète, et ce, avec le glaive ; que n'en ayant point, il se serait mis avec eux en voiture pour emprunter le glaive du maître des hautes œuvres à Neustadt.

Interrogé où les personnes qui l'ont ainsi amené avec eux ont logé à Neustadt :

A dit que, pendant que lui était allé chercher le glaive, la voiture a resté ainsi que ces messieurs à la porte.

Interrogé sur ce qui est arrivé lorsqu'il les a rejoints avec le glaive :

A répondu qu'on lui a bandé les yeux et qu'on est parti.

Interrogé s'ils ont changé de chevaux en chemin faisant, ou s'ils ont fait le trajet avec les mêmes chevaux :

A répondu qu'il ne pouvait pas le savoir, ayant eu les yeux bandés pendant tout le voyage et n'étant pas même sorti de la voiture.

Interrogé s'ils avaient avec eux des domestiques à livrée ou sans livrée :

A dit n'avoir vu qu'un cocher qui portait une redingote et qui soignait les chevaux.

Interrogé combien de jours a duré le voyage :

A répondu qu'il est revenu le sixième jour au soir, et se ressouvenir qu'ils ont passé et repassé une rivière.

Interrogé si les personnes avec lesquelles il était n'ont point eu d'entretien ensemble pendant le voyage :

A répondu que leur discours se tenait en latin, et n'avoir par conséquent pu comprendre de quoi il s'agissait.

Interrogé combien de fois ils ont pernocté pour arriver au terme de leur voyage :

A dit qu'on ne l'a pas laissé sortir de voiture et qu'on ne s'était pas beaucoup arrêté.

Interrogé ce qui s'est passé lorsqu'il est arrivé à l'endroit de l'exécution :

A dit qu'on l'a conduit dans une chambre tendue en noir, suivi des deux compagnons de son voyage, où, après l'avoir fait attendre deux ou trois heures les yeux bandés, on lui avait amené un patient ayant le visage couvert d'un crêpe et assisté de deux religieux aussi masqués, avec ordre de lui trancher la tête, ce qu'il aurait fait.

Interrogé quels habits portaient les deux religieux :

A répondu qu'ils étaient vêtus de noir, ne sachant s'ils étaient Augustins ou Cordeliers.

Interrogé quel habit avait le patient :

A dit n'avoir vu que la chemise et des culottes, et le visage couvert d'un crêpe depuis le sommet de la tête jusqu'à la bouche.

Interrogé si on lui a exhibé un jugement :

A répondu que non.

Interrogé ce qu'il a reçu pour salaire :

A répondu avoir reçu trois louis d'or, et qu'incontinent les mêmes personnes qui étaient venues le chercher, l'ont ramené dans la même voiture jusque vers le Daumühl où elles l'ont pris.

Interrogé si le patient n'a pas protesté contre l'injustice qu'on lui faisait par le supplice qu'il a subi :

A répondu qu'il paraissait, au contraire, très résigné et très disposé à la mort.

A lui remontré qu'il était répréhensible au dernier point d'avoir vaqué à une besogne pareille sans notre participation ni permission :

A dit qu'il ne peut disconvenir d'avoir manqué et qu'il nous en demande pardon.

Interrogé s'il n'a jamais été repris de justice sous pareils ou d'autres faits :

A dit non.

Lecture à lui faite du présent son interrogatoire, et à lui interprété en langue allemande : A dit que ses réponses contiennent vérité, y a persisté et a signé. Fait le jour et an que dessus, et soit communiqué au procureur fiscal. Ainsi signé au bas de chaque page et à la fin : Hieronimus Meuges, Philbert et J. Keller, syndic-greffier, avec paraphe.

Vu le présent interrogatoire, je requiers à ce que le dit Jérôme Meuges, pour avoir manqué à son devoir, être sévèrement réprimandé et à être condamné à tenir prison pendant un mois. Fait à Landau, ce septième avril mil sept cent soixante-dix-sept. Signé : Schweighard, avec paraphe.

Collationné et trouvé conforme à son original, coté, paraphé et signé en toutes ses pages et à la fin comme dit et par moi soussigné, syndic greffier de la ville de Landau.

Signé : S. Heller, syndic-greffier, avec paraphe[11].

 

Faut-il ajouter que la Revue rétrospective de 1835, ayant publié cette singulière enquête, reçut d'un correspondant une lettre, assez peu claire, où il était dit que le drame avait dû se passer à Francfort, dans l'hôtel de Tour-et-Taxis, et que c'était un membre de cette illustre famille qui avait ainsi été mis à mort par Jérôme Meug. Ce n'était là qu'une hypothèse, et cette étrange histoire restera vraisemblablement toujours mystérieuse.

 

IV. — LES EXÉCUTEURS ET LA RÉVOLUTION

 

L'arrêt de 1775 avait donc modifié sensiblement la situation pécuniaire des exécuteurs : ils vivaient pauvrement, mais ils vivaient. La Révolution, en supprimant tous les droits féodaux, toutes les justices seigneuriales, abbatiales, prévôtales et autres — la seule prévôté de Paris comprenait six cents juridictions différentes, — porta un coup fatal à la corporation : il s'éleva de toutes les parties du royaume, principalement des provinces du Nord et de l'Est, un concert de lamentations, de plaintes, de récriminations : les bourreaux comprenaient que le vieux monde allait sombrer dans la tourmente, et, comme ils étaient de l'équipage, ils criaient à l'aide et cherchaient à gagner le bord. Tous écrivent au ministre pour exposer leur misère ; ils ne savent, pour la plupart, aucun métier, toutes les portes leur sont fermées ; ils sont repoussés de partout ; que devenir ? Jean-Louis Desmorest, qui remplit à Laon les fonctions d'exécuteur depuis trente-six ans, demande qu'on statue sur son sort ; Pierre Outredebanque, d'Arras, n'ayant plus d'emploi par suite de la suppression des justices seigneuriales, sollicite une pension ; Pierre Canné[12], de Sarrelouis, fait observer que les parties lucratives de ses fonctions en sont bannies à la faveur de celle que s'arroge chaque citoyen d'exercer ces mêmes fonctions, sans qu'il soit au pouvoir de L'exposant de les entraver de son chef, ni invoquer, à cet effet, comme du passé, l'appui judiciaire ; maître Grosseholtz, de Sarralbe, rappelle hautement les lettres patentes du roi, datées de 1785, qui l'autorisent, ainsi que sa femme, à exercer en cette ville les fonctions d'exécuteur des hautes œuvres ; Nicolas-Richard Jouenne fait valoir que, depuis deux siècles, ses ancêtres sont en possession des fonctions de justice à Caudebec-en-Caux, et qu'il se trouve, avec sa nombreuse famille, sans ressource aucune[13]... Tous supplient qu'on leur accorde un secours, sous quelque forme que ce soit ; et le cri de misère qui s'élève de cette foule affamée est si lamentable, si navrant, que le ministre s'en émeut et prend le parti d'adresser, à son tour, une supplique à l'Assemblée.

3 mars 1792.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT (de l'Assemblée nationale),

L'établissement des nouveaux tribunaux criminels m'engage à fixer l'attention de l'Assemblée nationale sur un objet dont l'humanité voudrait pouvoir toujours détourner, ses regards. Il s'agit des exécuteurs des jugements criminels. Notre ancienne législation, qui, dans le plus grand nombre des délits, voyait des crimes capitaux ; en multipliant le nombre des supplices, avait été forcée de multiplier celui des ministres de la rigueur des lois. Il est peu de villes considérables où il ne se trouve encore un homme enchaîné à ces tristes fonctions, et séparé du reste des citoyens par l'invincible horreur que la nature inspire pour celui qui, même au nom de la justice et de la société, se dévoue à devenir un instrument de mort. Une jurisprudence plus humaine a établi une plus juste proportion entre les peines et les délits, a diminué le nombre des sacrifices dus à la sûreté publique, et a confié à un seul tribunal par département le droit d'appliquer les dispositions sévères de la loi. Je crois devoir proposer à l'Assemblée de réduire au même nombre celui des exécuteurs des jugements criminels. Cette disposition, à la fois morale et économique, rendra à la nature et à la société plusieurs familles qui en sont comme séquestrées, diminuera une dépense désormais inutile, et fera encore plus chérir et respecter une législation dont elle annoncera que le véritable esprit est le respect pour la vie des hommes. Je ne doute pas cependant que l'Assemblée nationale ne croie de sa justice d'assurer leur subsistance à des infortunés à qui la constitution a déjà rendu le titre de citoyen, mais qui, ayant déjà renoncé, pour ainsi dire, à la qualité d'homme pour exercer leur rigoureux ministère, trouveront longtemps encore dans un préjugé qu'on peut difficilement combattre, parce qu'il tient au sentiment, un éloignement pour leurs personnes qui ne leur permettrait de se procurer aucune ressource pour subvenir à leurs besoins.

Je suis avec respect,

Monsieur le Président,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

H.-H. DUPORT.

(P.-S. de la main du ministre.) J'ai l'honneur, monsieur le Président, d'observer à l'Assemblée que je reçois très fréquemment des plaintes et des demandes pressantes et directes de plusieurs de ces malheureux réduits à la plus affreuse misère par la suppression des droits qui assuraient leur subsistance ; que quelques-uns même m'ont laissé entrevoir qu'ils n'ont plus que l'affreuse ressource du crime dont (et je dois ici l'observer) ils m'annonçaient une grande horreur liée à l'idée de leurs cruelles fonctions qui devait plus particulièrement les en éloigner, espèce d'horreur que j'ai trouvée chez la plupart d'entre eux et qui m'a commandé une sorte d'intérêt assez vif à leur sort, dont je crois devoir transmettre l'impression à l'Assemblée nationale.

 

Mais l'Assemblée avait bien autre chose à faire : la monarchie s'écroula, la Législative fit place à la Convention, la République fut proclamée ; le roi fut jugé, condamné et mis à mort, et l'on songeait d'autant moins aux ci-devant maîtres des hautes œuvres que, partout où l'on en avait besoin pour exécuter un jugement, on en trouvait facilement un de bonne volonté, qui, moyennant une petite redevance, se chargeait de remplir son office. Ce ne fut que lors de l'organisation de la justice révolutionnaire et de la création. dans chaque département d'un tribunal criminel que le pouvoir législatif sentit la nécessité d'envoyer dans tous les chefs-lieux de la République, en même temps qu'un accusateur public, un exécuteur des jugements criminels, et, le 13 juin 1793, fut rendu le décret suivant :

Décret qui établit près des tribunaux criminels un exécuteur de leurs jugements, et qui fixe le traitement de ces exécuteurs. — Du 13 juin 1793 (n° 1022) :

ARTICLE PREMIER. — Il y aura dans chacun des départements de la République, près des tribunaux criminels, un exécuteur de leurs jugements.

ART. 2. — Le traitement des exécuteurs est une charge générale de l'État.

ART. 3. — Dans les villes dont la population n'excède pas 50.000 âmes, il sera de 2.400 livres

Dans celles dont la population est de 50 à 100.000 âmes, de 4.000 livres ;

Dans celles de 100 à 300.000 âmes, de 6.000 livres ;

Enfin, à Paris, le traitement de l'exécuteur sera de 10.000 livres.

ART. 4. — Lorsque les exécuteurs seront obligés d'aller faire, hors le lieu de leur résidence, une exécution à mort, il leur sera alloué vingt sous par lieue pour le transport de la guillotine et autant pour le retour.

ART. 5. — Tout casuel et autres droits généralement quelconques, dont étaient en possession de jouir les exécuteurs des arrêts criminels, sont supprimés.

ART. 6. — Ceux d'entre eux qui, par l'effet du présent Décret, se trouveront sans emploi recevront un secours annuel de 600 livres jusqu'à ce qu'ils soient placés.

ART. 7. — Il sera fait, à la diligence du ministre delà Justice, un tableau des exécuteurs, ci-devant en titre, non employés ; ils seront envoyés, suivant l'ordre de leur ancienneté, dans les départements qui viendront à en manquer. S'ils refusent de s'y rendre, le secours ci-dessus à eux accordé cessera d'avoir lieu.

ART. 8. — Les exécuteurs qui exerçaient les droits connus sous le nom de havage, riflerie, et autres dénominations de l'espèce, et qui, depuis la Révolution, ont cessé d'en jouir par le refus formel des citoyens de s'y soumettre, sur l'attestation des corps administratifs constatant ce refus et l'époque où il a eu lieu, ensemble qu'ils n'ont rien touché qui puisse y suppléer, recevront, à partir de sa date et par forme d'indemnité, le traitement ci-dessus déterminé.

 

Cette mesure radicale portait la marque de toutes les décisions qu'a prises la Convention, c'est-à-dire qu'en théorie elle semblait logique, et qu'en pratique elle était inexécutable et soulevait des difficultés sans nombre.

Les exécuteurs, liés entre eux par une sorte d'esprit de corps et, par suite d'alliances, ne formant, pour ainsi dire, qu'une seule famille, connaissaient tous les besoins et les ressources de chacun de leurs confrères ; ils étaient mieux à même que personne d'apprécier ces difficultés et de prévoir les obstacles qu'allait rencontrer l'application de ce Décret. Ils envoyèrent à l'Assemblée une adresse collective dont voici les principaux passages :

PÉTITION À LA CONVENTION NATIONALE

CITOYENS,

Les exécuteurs des jugements criminels de la République, après avoir renouvelé leurs serments de la maintenir une et indivisible de tout leur pouvoir, et de sacrifier tout pour son soutien et pour l'exécution de vos décrets, vous représentent que le Décret rendu le 13 juin présent mois les met absolument hors d'état de continuer leurs fonctions... On a induit en erreur vos comités réunis, et, le Décret ayant été rendu dès le lendemain de l'impression et de la distribution du rapport, les exécuteurs n'ont pu communiquer leurs observations qui sont trop justes pour ne pas être accueillies par vous, représentants d'un peuple libre et qui avez en horreur la tyrannie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Suivent les doléances concernant les dépenses, les commis, l'ancienne prospérité, l'éloignement de leur pays habituel :

Que vont devenir ces malheureux sans ressources, presque tous surchargés de famille et ne pouvant rien espérer de leurs concitoyens ? Lisez dans vos cœurs, citoyens représentants, vous y verrez que la tache que le préjugé attache à l'état des exécuteurs est encore trop profondément gravée dans l'esprit public pour en être effacée de sitôt, et qu'il se passera encore bien du temps avant que la philosophie des républicains foule aux pieds ce préjugé dont les exécuteurs sont et seront longtemps les victimes.....

Les exécuteurs ont tout sacrifié pour soutenir, la Révolution ; ils sont encore prêts à tout faire pour, le maintien de la République française une et indivisible, et pour la défendre, ainsi que la Convention nationale, contre les intrigues des tyrans coalisés, des brigands et des rebelles.

Oui, citoyens représentants, pleins de confiance en votre justice et votre humanité, cent cinquante malheureuses familles, au moins, vont espérer que vous voudrez bien, en rapportant votre Décret, leur rendre la justice qui leur est due, assurer à ceux en fonctions un traitement indispensable et absolument nécessaire pour les mettre à même de remplir avec exactitude les fonctions pénibles de leur état ;

Et à ceux qui se trouvent supprimés, un traitement qui puisse les faire subsister.

En pesant dans votre sagesse, citoyens représentants, les motifs qui les ont déterminés à vous présenter cette pétition, vous verrez qu'il y aurait de l'injustice et de l'inhumanité à ôter les moyens d'existence à ceux à qui le préjugé ne peut prêter d'autre crime que celui d'avoir rempli exactement leurs devoirs, crime qui, s'il en est un dans l'esprit du vulgaire, rejaillirait sur leurs malheureuses familles.

Signée par les exécuteurs pétitionnaires, tant en leur nom qu'en ceux de leurs confrères :

SANSON, à Paris, à Versailles, à Tours, à Reims ; DESMORESTS, à Etampes, à Dourdan, à Senlis, à Noyon, à Laon, à Épernay, à Châlons et à Vitry-le-Français ; JOUENNE, à Melun, à Évreux, au Mans, à Caen et à Caudebec ; VERDIER, à Poitiers ; Trois FERET, à Rouen, à Pont-Audemer, à Provins et à Orléans avec ETIENNE ; GANIÉ, à Rennes ; DOLLÉ, à Compiègne ; OLIVIER, à Gisors, à Mantes et à Troyes ; DOUBLOT, à Blois ; DESFOURNAUX, à Issoudun ; HÉBERT, à Meaux ; BROCHARD, à Sens ; BARRÉ, à Metz ; BERGE, à Beauvais ; CARLIER, à Pontoise ; LACAILLE, à Pont-Lévêque ; ETIENNE, à Gien ; MONTAGNE, à Vendôme ; CHRÉTIEN, à Loches, etc.

 

V. — RÉSULTATS DU DÉCRET DE 1793

 

Cette protestation émue n'empêcha point les choses de suivre leur cours, lentement, il est vrai, puisque le Décret du 13 juin ne fut transmis aux accusateurs publics que le 6 juillet 1793[14]. Le tableau des exécuteurs par rang d'ancienneté fut long à dresser ; les premières nominations ne furent faites qu'en septembre ou octobre 1793, et avec elles commença un autre genre de difficultés.

La première place, celle de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, échut à ce Spirkel, dont les ancêtres exerçaient de père en fils, depuis des siècles, à Montenach, en Lorraine. Le pauvre homme avait sept enfants, il ne comprenait et ne parlait que le patois allemand des environs de Thionville ; Tarbes, pour lui, c'était non seulement l'exil, mais la ruine ; il ne répondit même pas, et son silence fut considéré comme un refus[15].

Quelques jours après, l'accusateur public près le département de la Moselle recevait une nouvelle commission nommant le citoyen Cauny, de Sarre-Libre[16], exécuteur des jugements criminels du département des Basses-Alpes. Cauny terrifié, ignorant même sous quelle latitude se trouvait ce pays dont il entendait le nom pour la première fois, allégua ses infirmités et donna sa démission. Il avoue, du reste, dans une lettre jointe à son dossier, que, depuis vingt ans qu'il exerce à Sarre-Libre, il touche, il est vrai, les émoluments attachés à sa charge, mais qu'il n'a jamais fait aucune exécution ; ayant été un jour sommé de remplir son office, il n'avait pu échapper à la dure nécessité de son métier qu'en payant de ses deniers l'exécuteur de Metz, qui consentit à faire le voyage pour travailler à sa place[17]. Nicolas Wolff, de Boulay, nommé à Privas, s'excuse également pour cause d'inexpérience et d'incapacité. Il expose qu'il avait été pourvu de la commission d'exécuteur des ci-devant tribunaux de Boulay, mais qu'il n'en a jamais joui : quand il y avait une exécution, il se faisait suppléer par de vrais exécuteurs[18].

Le cas, du reste, n'était point rare ; et l'on peut se figurer quel devait être l'affolement de ces pauvres paysans, n'ayant de l'exécuteur que le titre, à qui l'idée n'était jamais venue qu'ils seraient un jour appelés à verser le sang de leurs concitoyens, et qui, subitement, se trouvaient appelés à faire manœuvrer la sinistre machine dont on commençait à parler beaucoup, et qu'ils se représentaient, sans doute, terrifiante et compliquée. On les voit, au reçu de leurs lettres de commission qui mettaient en émoi tout le village, courir à la mairie et supplier qu'on les délivre de ce cauchemar, en attestant leur ignorance et leur incapacité :

La municipalité de Gerbeviller atteste que le citoyen Wolff, natif de cette commune, n'a pas sorti d'icelle, qu'il n'y a fait aucune exécution, qu'il n'a fait que le métier de rifleur et celui de bourrelier, dont il est très utile aux cultivateurs de cette commune ; qu'il est d'une complexion faible et convalescent.

La municipalité de Bayon atteste que Courtois, âgé de soixante ans, n'a fait jusqu'à présent aucune exécution à mort, s'occupant du métier de bourrelier ; qu'il est attaqué depuis plusieurs années d'une maladie qui lui ôte l'usage de ses membres, et qu'en outre il est affligé de surdité.

 

Quelques-uns cependant acceptèrent, non sans hésitation :

Au commissaire de l'Administration civile, police et tribunaux.

J'ai remis, citoyen, à Antoine Roch la commission que tu m'avais adressée[19] et je t'envoye son récépissé. Il a fallu que je lui parlasse d'un ton grave pour qu'il partit sans délai ; sa femme fera bien la vente de ses meubles, car il n'est pas possible de les transporter à un si grand éloignement. Qu'il parte toujours seul, et, comme si, à l'exemple de Bias, il emportait tout avec lui ; il faut que le Gouvernement révolutionnaire ait du nerf et de l'activité sans le despotisme.

Salut et fraternité. (Illisible.)

De Briey, ce 16 prairial l'an II

 

Ceux que la misère ou les injonctions pressantes des autorités forçaient ainsi à se mettre en route ne tardaient point, du reste, à s'en repentir. Il faut noter que ces pérégrinations avaient lieu au plus fort de la Terreur ; que, par conséquent, les accusateurs publics des départements n'avaient point attendu la nomination officielle d'un exécuteur des jugements de leurs tribunaux pour s'en procurer un provisoire, soit qu'ils fissent appel à la bonne volonté d'un citoyen bien pensant, ainsi qu'il advint en quelques endroits, soit qu'ils employassent tout simplement l'ancien rifleur de la région. Si l'on avait observé à la lettre les prescriptions du Décret du 13 juin 1793, si l'ordre du tableau d'ancienneté, dressé en vertu de ce Décret, avait été suivi intégralement, il serait arrivé ceci que, grâce aux lenteurs administratives, grâce surtout aux nombreux refus qu'opposaient les exécuteurs aux ordres de l'Administration de la justice, la plupart des départements n'auraient été pourvus de bourreaux que longtemps après le 9 thermidor, et la Terreur n'aurait fait en province qu'un nombre très restreint de victimes. Il n'en fut malheureusement point ainsi. Les agents que le Comité de Salut public envoyait dans toute la France porter la bonne parole révolutionnaire, avaient pour principale mission de purger le sol de la République des aristocrates qui le souillaient, et, lorsqu'on tardait à leur expédier un exécuteur en titre, ils s'en procuraient comme ils pouvaient.

Ce fait restait-il ignoré de l'autorité supérieure ? Ce n'est pas admissible ; pourtant le désarroi qui régnait dans l'Administration était si grand qu'elle continuait imperturbablement à envoyer, suivant l'ordre du tableau, des commissions à des exécuteurs qui se mettaient en route et, en arrivant au poste désigné, trouvaient la place prise.

Claude Bourg, qui exerçait depuis une vingtaine d'années à Bourmont (Haute-Marne), est nommé à Castres ; privé de toutes ressources, il accepte et traverse toute la France afin de gagner sa nouvelle résidence, emmenant avec lui un de ses fils pour lui servir d'aide, et laissant à Bourmont sa femme et cinq enfants. Il avait touché par avance, et à titre de provision de route, une somme de deux mille livres. Arrivé à Castres, il se rend au tribunal, et là il a le désagrément d'apprendre que, depuis plus de six mois, un nommé Etienne-Victor Rives exerce les fonctions d'exécuteur à la satisfaction générale. Et voilà le malheureux Bourg qui, fort déçu, reprend le chemin de Bourmont et réclame une somme de douze cents livres à titre d'indemnité ; son voyage lui ayant coûté — en assignats sans doute — trois mille deux cent six livres[20].

Le cas de Jean-Pierre Roch, de Longwy, est à peu près semblable : nommé à Feurs, chef-lieu de département de Rhône-et-Loire[21], il part sans argent, car, sa commission ayant été jointe par mégarde à une lettre adressée à l'accusateur public de ce département, il n'a pu se présenter chez le receveur pour toucher une avance. Le voici à Paris logé à l'hôtel du Croissant[22] ; il court aux Tuileries où sont concentrés tous les pouvoirs et toutes les Administrations, et s'adresse au bureau de la commission des Administrations civiles, afin d'obtenir un subside. Le pauvre homme tombait bien ; c'était précisément le 9 thermidor ; il trouve tout le palais en émoi, on le renvoie de bureaux en bureaux, l'affolement est général ; on lui conseille d'attendre à cause du moment de trouble. Il attend un mois ; enfin il se décide à écrire qu'il est sans un sou, que, de plus, il a perdu son passeport, qu'il sent sa femme et ses enfants dans l'inquiétude et le besoin à Longwy, et qu'il demande des fonds pour gagner Commune-Affranchie[23], ou retourner chez lui. C'est ce qu'il fit sans doute : un an après on le nommait dans le Tarn ; mais une première expérience lui avait suffi, et il refusa.

L'odyssée de Thierry, rifleur à Étain, dans la Meuse, est bien plus lamentable encore. Commissionné pour le département de la Mayenne, il se hâte de remercier le Ministre, et, plein d'entrain, part pour Laval avec sa famille et son mobilier. Son voyage dure vingt-deux jours, et quelle n'est pas sa stupéfaction en apprenant à son arrivée que l'on n'a nul besoin de lui, et qu'un nommé Durand exerce les fonctions d'exécuteur auxquelles il n'a nulle envie de renoncer. Fureur de Thierry qui s'installe à l'auberge, écrit lettres sur lettres au Ministre, et fait si bien qu'on lui accorde la place de Feurs[24], vacante par suite du refus de Jean-Pierre Roch. Nouveau voyage, nouvelle déception. Le Tribunal de Feurs a un excellent bourreau nommé Louis Farau, dont il est satisfait : Thierry se fâche, réclame son droit, fait un tel tapage que les autorités l'invitent à se taire et lui font comprendre que, puisqu'il a si grande envie de faire connaissance avec la guillotine, la chose est facile et ne souffrira aucun retard. Voilà Thierry calmé, et la lettre de désolation qu'il écrit au Ministre est si navrante et si pittoresque en son extravagante orthographe qu'elle mérite d'être citée en sa forme originale :

De Feurs, le 21 thermidor l'an 2 de la République une et indivisible.

= liberté, égalité.

Sitoien je vous ay écris en DaDe Dus Septdus courant ; Dans Le que je vous ay envoie La cinifi qua ciont Dus refus formel Dus representans Dus peuble et par laquel Il meintien Dans Sont poste Celui quis loqupe ; vous pouve pancer que celas meumet Dans um Grand anbaras, meu trouvant sant plus Dargant Dans un peis aux Silloin, et malade comme je le suis ; je vous avet marque tous ces raisont Dans ma letre, mais naiant point de vos nouvel, je meur De chagrin jusque votre bonté mus fait reponce, et meu fus pacer Des fon et une voiture pour nous reconduir che nous atandus que je ne peu pas voïager pour le présent Davantage ; vous trouverez cy join un certificas De loficié De canté qui constade ma malaDis je vous pris Donc Derechef De meu fair une prompte reponce et De me marque ce qu'il fos que je face Dans un aux ci gran anbaras. Et vous obligere Geluy quis meur De chagrin.

Salut et fraternité.

J.-S. THIÉRI.

joubis De vous Dire que nous navont pas an cor notre paquet jay ecris a commune afrachis et a roanne pour en avoir Des nouvel et je ne peut le savoir je vous pris De vous en informe nous La vont mis aux burau le 18 messidor a la Diligence pour rester aux buraux a feurs mais la Diligence nis vient pas nous ne savont pour comble Demaleur ous il est.

 

Ces peu encourageants exemples n'incitaient pas, on le comprend, les exécuteurs à recevoir volontiers les commissions que le Gouvernement leur offrait pour les départements éloignés. Aussi le nombre des refus dépassa-t-il de beaucoup celui des acceptations. Ceux qui avaient quelques ressources donnaient simplement leur démission ; ainsi fit Louis Olivier, ancien maître des hautes œuvres des bailliages de Mantes et de Meulan, qui demanda que son nom fût rayé de tous les registres et tableaux où il pouvait être inscrit ; ainsi fit Nicolas-Richard Jouanne, dont la famille était installée depuis deux siècles à Caudebec-en-Caux, et qui, faisant valoir que, depuis qu'il a cessé d'être en activité, il s'est livré au commerce et trouvant à faire vivre ainsi sa femme et ses six enfants, il ne peut se résoudre à abandonner la Normandie pour aller à Dax où il est nommé, et renonce à la profession de ses ancêtres ; ainsi firent presque tous les anciens rifleurs ; et le tableau dressé en vertu du Décret du 13 juin 1793 se trouva de la sorte si vite épuisé que la commission des administrations civiles, police et tribunaux était en l'an III dans l'obligation d'écrire aux accusateurs publics :

Citoyen, nous vous prévenons qu'il ne nous est pas possible, pour le moment, de vous envoyer d'exécuteurs ; ceux à qui on fait passer des commissions les refusent...

 

Et le Comité de Législation, aux abois, proposait en ces termes une solution à cette situation anormale :

19 fructidor an III. — Comité de Législation.

L'exercice de la justice criminelle se trouve suspendu dans plusieurs départements par défaut d'exécuteurs. Les uns donnent leur démission, vu l'insuffisance du traitement, les autres refusent d'exécuter leur commission et de se transporter avec leur famille d'une extrémité de la France à l'autre.

Le premier tableau dressé en vertu de la loi du 13 juin est épuisé ; nous avions entrepris avec votre autorisation d'en former un second composé des exécuteurs des justices ci-devant seigneuriales, des fils et aides d'exécuteurs ; il se présente très peu de sujets, et encore ils résident tous dans la partie du Nord. Quand on leur envoie des commissions pour la partie du Midy, qui est celle qui manque le plus d'exécuteurs, ils allèguent que le voyage absorberait plusieurs années de leur traitement.

Citoyens représentants, nous pensons qu'il est un moyen bien simple d'éviter ces inconvénients et de rendre à cette branche de la justice criminelle toute son activité, c'est de décréter que l'Administration des départements et le tribunal criminel réunis indiqueront un sujet au Comité de Législation...

 

Ainsi, le Décret du 13 juin 1793 avait eu un singulier résultat : on peut affirmer qu'à l'exception de quelques centres où les anciens maîtres des hautes œuvres avaient conservé leurs fonctions, aucun tribunal criminel de France ne se trouva légalement pourvu d'un exécuteur en titre, pendant la période qui s'étend de juillet 1793 au 9 thermidor an II, et qui marqua l'époque de la Terreur.

 

 

 



[1] Le Nouveau Paris ne parut qu'en 1800 ; mais les chapitres dont il se compose avaient été écrits à différentes époques de la Révolution : Mercier avait, en effet, pris soin de noter, au jour le jour, les impressions de ses flâneries dans les rues, ses conversations dans les couloirs de l'Assemblée, la nouvelle à sensation, fausse ou vraie : il appelait cela prendre son chocolat du matin. — Quinze mois de prison aux époques les plus critiques, écrit-il, peu d'influence en général et la voix d'un homme faible dans la tourmente des affaires politiques ne m'ont pas permis de faire mieux ni davantage : porté sur les flots orageux, n'ayant pas perdu un coup de vent, je m'appliquais à distinguer dans la tempête quelques traits particuliers. (Lettre inédite de Mercier.)

[2] Ce journaliste était Dulaure, rédacteur du Thermomètre du jour. Dans son numéro du 13 février 1793, cette feuille avait rapporté le fait suivant :

Anecdote très exacte sur l'exécution de Louis Capet :

Au moment où le condamné monta sur l'échafaud, dit Sanson (car c'est l'exécuteur des hautes œuvres criminelles lui-même qui a raconté cette circonstance, et qui se sert du mot le condamné), je fus surpris de son assurance et de sa fermeté ; mais, au roulement du tambour qui interrompit sa harangue et au mouvement simultané que firent mes garçons pour saisir le condamné, sur-le-champ sa figure se décomposa ; il s'écria trois fois de suite très précipitamment : Je suis perdu ! Cette circonstance, réunie à une autre que Sanson a également racontée, savoir que le condamné avait copieusement soupe la veille et fortement déjeuné le matin même, nous apprend que Louis Capet avait été dans l'illusion jusqu'à l'instant précis de sa mort, et qu'il avait compté sur sa grâce. Ceux qui l'avaient maintenu dans cette illusion avaient eu sans doute pour objet de lui donner une contenance assurée qui pourrait en imposer aux spectateurs et à la postérité, mais le roulement du tambour a dissipé le charme de cette fausse fermeté, et les contemporains ainsi que la postérité sauront à quoi s'en tenir sur les derniers moments du tyran condamné.

Sanson mis, par cet article, directement en cause, adressa un démenti formel aux assertions du Thermomètre du jour, et Dulaure se rétracta en ces termes dans le numéro daté du 18 février :

Le citoyen Sanson, exécuteur des jugements criminels, m'a écrit pour réclamer contre un article inséré dans le n° 410 du Thermomètre du jour, dans lequel on lui fait raconter les dernières paroles de Louis Capet. Il déclare que ce récit est de toute fausseté.

Je ne suis pas l'auteur de cet article. Il a été tiré des Annales patriotiques par Carra, qui en annonce le contenu comme certain. Je l'invite à se rétracter. J'invite aussi le citoyen Sanson à me faire parvenir, comme il me le promet, le récit exact de ce qu'il sait sur un événement qui doit occuper une grande place dans l'histoire. Il est intéressant, pour le philosophe, d'apprendre comment les rois savent mourir.

Et Dulaure recevait quelques jours après la lettre suivante :

Au rédacteur,

Voici, suivant ma promesse, l'exacte vérité de ce qui s'est passé à l'exécution de Louis Capet :

Descendant de la voiture pour l'exécution, on lui a dit qu'il fallait ôter son habit. Il fit quelques difficultés en disant qu'on pouvait l'exécuter comme il était. Sur la représentation que la chose était impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit encore la même difficulté lorsqu'il s'est agi de lui lier les mains qu'il donna lui-même lorsque la personne qui l'accompagnait lui eût dit que c'était un dernier sacrifice. Alors il s'informa si les tambours battraient toujours. Il lui fût répondu que l'on n'en savait rien, et c'était la vérité. Il monta l'échafaud et voulut foncer sur le devant, comme voulant parler. Mais on lui représenta que la chose était impossible encore. Il se laissa alors conduire à l'endroit où on l'attacha et où il s'est écrié très haut : Peuple, je meurs innocent ! Ensuite, se retournant vers nous, il nous dit : Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français ! Voilà, citoyen, ses dernières et véritables paroles.

L'espèce de petit débat qui se fit au pied de l'échafaud roulait sur ce qu'il ne croyait pas nécessaire qu'il ôtât son habit et qu'on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux.

Et, pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous ont étonnés. Je reste très convaincu qu'il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion dont personne ne paraissait plus pénétré ni persuadé que lui.

Signé : SANSON.

Exécuteur des arrêts criminels.

Ajoutons, pour terminer le récit de cet incident, toujours incomplètement raconté, que Dulaure, pour ne point paraître épouser l'opinion fort peu équivoque du bourreau, crut devoir faire suivre le texte de Sanson des quelques lignes que voici :

Comment allier ces principes de religion qui condamnent le crime, les perfidies, la trahison, avec les crimes démontrés, les perfidies de Louis ? Comment allier la conscience de ses propres forfaits avec la fermeté de l'innocence ? Ou Louis était un des hommes les plus opiniâtres dans ses opinions criminelles, ou son hypocrisie l'a suivi jusqu'à la mort ; ou bien il était l'homme le plus fanatique, le plus crédule, le plus imbécile de tous ceux que les prêtres aient aveuglés.

[3] Archives nationales : BB3 206.

[4] Voir au chapitre V, § III, le rapport de Sanson sur la difficulté de trouver des exécuteurs pour exercer dans les départements du Midi.

[5] Bisten-im-loch ou Bistain, dans l'ancienne province des Trois-Évêchés, dépendant du bailliage seigneurial de l'évêché de Metz, à Vic. Diding près Freistroff, Filstroff, Puttelange, Forbach, Reling ou Remeling, étaient des bourgs de l'ancienne province de Lorraine. Montenach faisait partie des Trois-Évêchés et dépendait de la prévôté de Sierck. Rodemach était situé dans le bailliage de Thionville. Quant à Longuyon et Briey, c'étaient d'anciennes villes du Barrois.

[6] L'exécuteur de Metz touchait, en 1789, 7.163 livres d'émoluments annuels.

[7] Ce mot ne se trouve ni dans Littré, ni dans Furetières, ni dans Richelet, ni dans le Dictionnaire de Trévoux, ni dans le Glossaire de Ducange. Son étymologie me semble cependant facile à établir. Le vieux verbe riffler signifie à la fois : effleurer, écorcher et prendre ; dans cette dernière acception, il a formé rafler. Rifflade, riffleure, qui en étaient les substantifs, désignaient une blessure qui ne fait qu'effleurer, une éraflure.

Le rifleur était donc l'exécuteur, chargé non seulement de donner un nombre déterminé de coups de baguette aux délinquants, mais encore d'écorcher les bêtes mortes ; et le droit de riflerie, la vente, à son profit, de la dépouille de ces bêtes. — Presque partout le bourreau était en même temps équarisseur.

[8] Havage, havagiau ou havée, droit que certaines personnes avaient de prendre sur les grains et fruits que l'on exposait en vente dans les marchés, autant qu'on en pouvait saisir avec la main.

[9] Archives nationales : BB3 206. — Tableau des exécuteurs existant dans le royaume, avec leurs revenus avant 1775, y compris les droits de havage et leurs revenus depuis 1775.

[10] L'Intermédiaire des chercheurs et des curieux posait, il y a quelques années, la question de savoir si un exécuteur n'avait pas, au cours du XVIIIe siècle, exercé son office à la requête d'un particulier. — Cette question est demeurée sans réponse. — Évidemment elle visait le fait que nous rapportons ici.

[11] On lit sur la lettre au ministre, qui était alors M. Hue de Mirosménil, une note de celui-ci ainsi conçue : Vérifier si j'ai répondu ; puis cette autre : Répondre que dès que le Siège a puni l'exécuteur par la prison, il doit le faire mettre en liberté, et se conformer à la décision du Siège, le temps étant expiré.

[12] Le nom s'écrit Canné, Cauny, Caunet, Canet... etc. Il est curieux d'observer combien les noms d'exécuteurs ont peu d'orthographe fixe ; quelques-uns se dénaturent absolument en quelques années. Sans doute, ces malheureux n'attachaient pas grande importance à transmettre intégralement à leurs enfants un nom qu'ils savaient flétri.

[13] Archives nationales : BB3 206, passim.

[14] La circulaire du ministre Gohier est datée du 6 juillet 1793, an second de la République française. Ici encore se retrouve cette même erreur de date qui vient parfois tant obscurcir la lecture des pièces originales de l'époque révolutionnaire. L'an 1er de la République ayant commencé le 22 septembre 1792, le 6 juillet 1793 devait encore compter en l'an I. Mais bien des gens, pressés de vieillir le nouveau régime, avaient, au commencement de 1793, compté : 1er janvier an II, de sorte que pour eux l'an Ier n'avait eu que trois mois et huit jours. Il est vrai que l'an II eut ainsi vingt et un mois. C'est une inextricable confusion que ces deux premières années républicaines.

[15] Archives nationales : BB3 207.

[16] Sarrelouis.

[17] Archives nationales : BB3 207.

[18] Archives nationales : BB3 207.

[19] Antoine Roch était nommé exécuteur à Gap (Hautes-Alpes).

[20] Archives nationales : BB3 207.

[21] Voyez plus bas et au chapitre II, § III.

[22] Dans la rue de ce nom. Il semble ressortir de diverses lettres d'exécuteurs que cette maison était le gîte habituel des gens de la profession. Il s'y trouvait même un homme de loi qui était en quelque sorte leur correspondant, et qui s'occupait de leurs affaires.

[23] Lyon. — Archives nationales : BB3 207.

[24] Voir, sur la Révolution, à Feurs, au chapitre II, § III.