LA PROSCRIPTION DES GIRONDINS

 

CHAPITRE PREMIER. — HORS-LA-LOI.

 

 

DANS la chambrette, au cinquième étage, qu'il occupe avec deux jeunes couturières, Pétion, le beau Pétion se morfond, oisif et anxieux. Depuis le 30 mai 1793, — un mois bientôt, — lui, naguère l'idole de Paris, il a erré dans la grande ville, en quête d'un refuge ; il a dormi dans les champs, près des barrières qu'il n'osait se risquer à franchir, il s'est glissé, la nuit, le long des murs, cherchant les ténèbres, comme un malfaiteur ; on l'a traqué, arrêté, consigné chez lui, sous la surveillance d'un policier qu'il est parvenu à dépister en le faisant boire. Déguisé, vêtu d'une redingote de garde national, chaussé de grosses bottes, coiffé d'un chapeau à larges bords posé sur une perruque à la sans-culotte, il s'est esquivé un .soir, et Mme Goussard, — une amie de sa femme, — l'a clandestinement conduit chez les deux lingères qui, plus courageuses que bien des hommes, ont, sans hésitation, consenti à le cacher, en attendant un moyen sûr de le faire sortir de Paris.

Situation délicate : la cohabitation forcée, jour et nuit, de cet homme de trente-sept ans, avec deux jeunes filles, ne laisse point d'être parfois gênante. La chambre n'est pas grande : deux lits sans rideaux, deux étroits cabinets très obscurs servant de garde-robe, une croisée donnant sur la rue, une petite cheminée et deux ou trois chaises. En braves parisiennes, heureuses de rendre service, ses compagnes agissent avec la simplicité d'honnêtes personnes, sans affectation de pruderie mais lui ne peut s'empêcher de remarquer qu'elles sont d'une physionomie intéressante, ce qui lui cause quelque embarras. On l'a tant adulé qu'il se croit irrésistible ; Paris n'a-t-il pas été amoureux de lui ? Ne l'a-t-on pas, au temps de ses grandeurs, comparé au soleil, à Dieu même ? Lors du tragique retour de Varennes, quand il ramenait vers la capitale la famille royale humiliée, ne se persuada-t-il pas que la sœur de Louis XVI, la pudique et sainte fille de France, quoique gâtée par les vices d'une éducation de Cour, subissait le prestige de sa mâle beauté et le fixait avec des yeux attendris ?

Les jeunes lingères chez lesquelles il se trouvait maintenant n'avaient point de si hautes visées et ne paraissaient nullement troublées par sa présence ; elles se levaient de bonne heure ; partaient pour leur magasin où il ne fallait pas que leur absence fût remarquée ; elles apportaient à Pétion ses repas et venaient, dans le cours de la journée, le distraire pendant quelques instants par leur babillage ; en sortant, elles l'enfermaient et emportaient la clef. Il passait presque tout son temps sur son lit, essayant de lire ; parfois il marchait dans la chambre pour se dégourdir, non sans avoir pris la précaution de se déchausser et d'étendre sa couverture sur le plancher afin de ne pas faire de bruit. Ses réflexions n'étaient pas couleur de rose ; quel roman que sa vie ! Comme il l'avait désirée, cette révolution, alors que, petit avocat à Chartres, sa ville natale, il végétait sans espoir de se signaler ! Député par ses concitoyens aux États généraux, modeste d'abord, bientôt gonflé de son importance qui grandit, le voilà maire de Paris ; il peut imaginer, un moment, qu'il est appelé à remplacer le roi défaillant. Après la chute de la monarchie, élu membre de la Convention, il s'est rallié à ce groupe de représentants que leurs adversaires, les Montagnards, qualifient de Girondins quoique huit d'entre eux seulement fassent partie de la députation du département de la Gironde. Quels noms ! Que de talents ! Que d'espoirs pour la république naissante ! Vergniaud, Condorcet, Barbaroux, Brissot, Louvet, Roland, Buzot, Guadet, Pétion aussi qui, à défaut d'éloquence, apporte à ses amis l'appui de sa popularité et de sa joyeuse bonhomie : — un visage épanoui par un rire éternel.

Comment pareille phalange de jeunes hommes éminents et braves, soutenus par plus de cent collègues résolus, n'est-elle point parvenue à dominer l'Assemblée ? C'est que leurs rivaux, disposant d'une force irrésistible, — l'émeute, — ont soulevé contre ces provinciaux les colères de la Commune et de la population parisiennes. Marat, l'énergumène, a conduit l'affaire ; sous la dictée de la racaille la Convention s'est docilement amputée de trente de ses membres et a décrété l'arrestation des Girondins dont plusieurs sont déjà en fuite ou se cachent dans Paris, attendant de pouvoir s'en évader. Quel revirement inattendu, quel désastre !... Ce sont ces choses tragiques que rumine Pétion, sous clef dans la mansarde des deux lingères. Non point qu'il soit homme à démêler les causes profondes de ce Coup d'État, — le premier et le plus néfaste de tous, — ni les fautes qui l'ont amené et dont plusieurs lui sont, imputables ; mais il déplore la cruauté du destin qui le rejette dans la lutte après l'avoir élevé si haut. Il regrette son bien-être acquis ; car, sinon l'opulence, l'aisance est venue ; bien logé à l'Orangerie des Tuileries, propriété nationale qu'il loue à bon compte, il vivait là confortablement, entre sa femme, ménagère experte, et son fils, son petit Etienne qui a maintenant onze ans. Parti de rien, le ménage a prospéré ; c'est presque le luxe en comparaison des débuts misérables : bon mobilier, argenterie, domestiques, voiture et chevaux, une ferme en Beauce, une maison à Chartres, des terres dans l'Yveline et des rentes qui permettent à Pétion de servir une pension suffisante à son père, vieil homme de loi beauceron que la parcimonie la plus vétilleuse n'a pas enrichi. Étant, de par sa nature insouciante, l'homme du monde le plus indifférent à la misère d'autrui, Pétion juge la révolution terminée : à quoi bon, désormais, tant de discussions et de bouleversements puisqu'il est satisfait et peut, sans illusion, ambitionner, après son mandat législatif, quelque emploi éminent qui le mettra pour toujours à l'abri du besoin ? Car la crise actuelle n'est qu'un incident : il n'est pas possible que la France tolère le triomphe des Montagnards anarchistes ; elle va se soulever tout entière à l'appel de la Gironde indignement molestée.

L'important était de quitter Paris sans être reconnu et cette harcelante pensée obsédait l'esprit du fugitif confiné dans la chambrette des couturières. Mme Goussard avait bien promis qu'elle assurerait son départ et son voyage jusqu'à Évreux et Caen où les députés proscrits s'étaient donné rendez-vous. Mais deux nuits et un jour avaient déjà passé sans qu'elle eût reparu. Était-elle arrêtée ? Les ennemis de Pétion étaient-ils sur sa piste ? Il savait que, s'il tombait dans leurs mains, c'était la prison et la mort. A peine osait-il, crainte d'être aperçu par quelques vis-à-vis, et malgré la chaleur de l'été commençant, s'approcher de la fenêtre qui donnait sur la rue Croix-des-Petits-Champs. Parfois on frappait à la porte de la chambre. Il se tenait coi, retenait son souffle et ne respirait avec aise que quand l'intempestif visiteur, lassé, redescendait. Une porte qui battait, au quatrième étage, lui causa bien des émotions, et il y avait aussi, quelque part dans la maison, un petit chien dont les aboiements fréquents avivaient son angoisse : — n'annonçaient-ils pas que des inconnus circulaient dans l'escalier ?

Une terreur le hantait : celle d'être surpris à l'improviste dans sa retraite et de tomber vivant entre les mains des scélérats. En proie aux plus sombres pensées, il essayait de se familiariser avec l'idée de se brûler la cervelle. Cent fois il plaça ses deux pistolets, l'un à sa tempe, l'autre dans sa bouche, afin de s'assurer qu'il ne se manquerait pas. Mais sa résolution n'était pas sans incertitudes. Mme Goussard l'avait prévenu qu'un ami sûr viendrait le chercher, à la fin du second jour, la nuit tombée, vers neuf heures du soir. Pétion était prêt bien à l'avance : neuf heures, neuf heures et demie ; personne. Son sang bouillait. Enfin la porte s'ouvrit, Mme Goussard entra : — le départ était remis au lendemain. Quelle déception ! Vingt-quatre heures encore d'alarmes et d'inaction. Ces vingt-quatre heures furent un siècle ; le soir venu de ce jour interminable, sa libératrice reparut ; cette fois tout était combiné ; un fiacre attendait ; il fallait partir. Tous deux descendirent l'escalier ; l'allée était encombrée par plusieurs personnes ; Pétion passa sans hésiter ; fit quelques pas dans la rue et monta en voiture avec Mme Goussard.

On alla d'abord à la Chaussée-d'Antin où l'ami sûr attendait ; on le trouva occupé à charger ses pistolets. Il se faisait fort de conduire le soir même jusqu'à Saint-Cloud le proscrit qui y était annoncé, Pétion y resterait jusqu'au lendemain et poursuivrait Seul son voyage vers la Normandie. On remonta donc dans le fiacre ; on déposa Mme Goussard devant la Madeleine dont la construction était interrompue ; puis, par le travers de la place de la Révolution et le ci-devant Cours-la-Reine, le fiacre gagna la barrière de la Conférence. C'était l'instant critique ; dix heures étaient sonnées, et les soldats de garde devaient, à cette heure-là vérifier l'identité des voyageurs. La voiture passa devant le poste sans que personne s'inquiétât d'elle. Le pas le plus difficile était franchi.

Pourtant, par prudence, sachant que le pont de Saint-Cloud était gardé, Pétion et son compagnon mirent pied à terre avant d'y arriver ; ils ordonnèrent au cocher, de continuer sa route à vide et de les attendre de l'autre côté du pont sur lequel ils s'engagèrent, se tenant par le bras, chantonnant et marchant à l'allure flâneuse de bourgeois qui rentrent chez eux après avoir pris le frais. Une sentinelle cria : Qui vive ? Ils répondirent : Citoyens ! et continuèrent leur chemin sans autre malencombre. Pétion trouva bon accueil dans la maison où un gîté lui était préparé ; une voiture était commandée pour le lendemain, cinq heures du matin ; il se coucha et dormit tranquille.

A l'aube du jour suivant, — 25 juin, — il était debout, trépignant d'impatience. On annonçait pour la matinée des visites domiciliaires dans toutes les maisons de Saint-Cloud, et la voiture qui devait l'emmener ne paraissait pas. Elle n'arriva devant la porte qu'à onze heures et demie. Il embrassa ses hôtes et partit aussitôt ; il lui semblait que les routes étaient pleines de monde ; un cabriolet de poste qui roulait de conserve avec le sien et le dépassait quelquefois, l'inquiétait. Les occupants de cette voiture suspecte allongeaient la tête pour le dévisager. Se croyant poursuivi, il affectait de dormir ; sa perruque cachait une partie de son visage et il avait rabattu les ailés de son chapeau. A Saint-Germain-en-Laye, où il arriva vers une heure et demie, l'alerte fut vive : le relai était voisin d'un corps de garde ; un grand nombre de curieux stationnait là on battait la caisse et le pauvre homme devait se forcer à des mines inattentives et ennuyées tandis que, le cœur battant, il songeait qu'il était bien impossible que, dans cette foule, quelqu'un ne le reconnût pas ; car, depuis sa célébrité, son portrait s'était vendu à des milliers d'exemplaires ; on en avait même orné des tabatières !

Les palefreniers achevaient d'atteler à sa voiture des chevaux frais : le postillon se mit en selle.... Nouvel, émoi ; le fugitif se persuade qu'il a vu cette figure-là quelque part.... Mais non, l'homme ne semble pas faire attention à lui, et, à la sortie de la ville, la route est si belle, coupant droit, à perte de vue, la forêt ; les futaies sont si majestueuses, l'herbe est si verte, le ciel si bleu, que ce splendide spectacle rassérène le voyageur. S'il avait du temps à perdre, il descendrait de voiture pour se prosterner devant la voûte des deux et se plonger en des rêveries délicieuses. L'abord des premières maisons de Poissy le rejette à des pensées moins contemplatives ; mais ici encore, nul obstacle : on est loin de Paris déjà et tout danger semble écarté. Ni là, ni, deux heures plus tard, à Mantes, les maîtres de poste ne lui réclament son passeport ; il est paré, d'ailleurs, contre toute réquisition de ce genre car on l'a muni, à Saint-Cloud, de faux papiers, en apparence parfaitement en règle, qu'il n'aura pas à sortir de sa poche de toute la journée.

A huit heures du soir il arrivait à Bonnières ; il y coucha, après avoir soupe de grand appétit dans sa chambre d'où il se garda de sortir. Le 26, il se remettait en route à cinq heures du matin, traversait Pacy-sur-Eure où il dut, au corps de garde, exhiber ses papiers qui furent visés sans difficultés et, trois heures plus tard, il entrait à Évreux ; il était sauvé.

***

Évreux, patrie de Buzot, l'un des membres les plus en vue de la Gironde, s'apprêtait en effet à l'insurrection contre la Convention et, ce même jour, faisait ovation à 800 fédérés venus de Caen et prêts à marcher sur Paris afin de mettre à la raison les proscripteurs. Pétion en fut tout réconforté ; Évreux, évidemment, à en juger par l'enthousiasme de ses habitants, ne comptait que des amis de Buzot et des partisans de la politique Girondine. Pétion alla chez l'un d'eux, qu'il connaissait, et fut accueilli avec effusion. Le bruit avait couru qu'il était emprisonné. Il apprit là bien des nouvelles : Louvet, l'un des orateurs du parti, caché depuis quinze jours dans Paris même, s'en était enfui avec sa sensible maîtresse, Lodoïska, afin de gagner Caen où déjà Buzot, Barbaroux, Salle et d'autres étaient installés. En traversant Évreux, Louvet avait aperçu, errant par les rues, un homme que, d'abord, il prit pour un spectre ; c'était son collègue Guadet, un fugitif aussi, un vrai Girondin celui-ci, puisqu'il était de Saint-Émilion. Lé pauvre Guadet, déguisé en garçon tapissier, avait fait vingt-deux lieues dans sa journée et, le plus souvent, par des chemins de traverse. Sur ses observations amicales, Louvet comprit qu'il ne convenait pas de mêler des femmes aux dangers et à la vie périlleuse qu'on allait affronter ; il se sépara donc, non sans des torrents de larmes, de sa chère Lodoïska qui retourna à Paris, tandis que son amant et Guadet s'acheminaient vers Caen, qu'ils avaient dû atteindre le jour même où Pétion débarquait à Évreux. Il résolut de les y rejoindre sans retard.

 

Le chef-lieu du Calvados était tout dévoué aux proscrits ; en choisissant ce lieu de réunion, ils savaient que, dès la fin de mai, avant même que le parti Maratiste les eût abattus, l'Administration de ce département avait spontanément voté la création d'un corps de volontaires destiné à marcher sur la Capitale afin d'assurer à la Convention la liberté de ses délibérations. Depuis lors, le coup de force du 2 juin et le désastre delà Gironde avaient stimulé l'insurrection contre la Terreur menaçante ; les riches Normands ne voulaient pas du joug des anarchistes et le soulèvement gagnait les provinces voisines. Déjà de la Mayenne et de la Bretagne, on annonçait l'imminente venue de nombreux volontaires désireux de pactiser avec les Normands : — Résistance à l'oppression ! Tel était le cri de ralliement. Le général Wimpfen, officier de carrière, originaire de Bayeux reçut le commandement de l'armée fédérée ; le comte de Puisaye, riche gentilhomme des environs d'Évreux, accepta d'être son lieutenant ; fortes de la belle cause quelles vont défendre, leurs troupes triompheront facilement de la gueusaille parisienne dont la Convention a fait sa garde. Et quand, le 9 juin, étaient arrivés à Caen les premiers des représentants bannis, leur présence suscita une confiance enthousiaste ; c'étaient Henry-Larivière, député du Calvados, jovial, aventureux, plus frondeur que réfléchi, et Gorsas, le journaliste du Courrier des Départements, porté à la Convention par le département de Seine-et-Oise, très combatif, très entreprenant et très laid. Le 12 juin avaient débarqué trois de leurs collègues, Buzot et Lesage, députés d'Eure-et-Loir, accompagnés de Salle, de la Meurthe, médecin de campagne, d'une intransigeante droiture d'Alceste, instruit, bon orateur, de savoir encyclopédique, mais de maintien gauche et emprunté, de tenue négligée, et resté paysan, quoique bel homme. Quant à Buzot, fameux déjà depuis ce temps de la-Constituante, son aspect sombre et grave, révélait aux moins perspicaces une angoisse dont l'objet devait être, durant trois quarts de siècle, une énigme pour la postérité. Seuls, ses amis les plus intimes savaient, en 1793, que, quoique marié, il avait conçu pour l'héroïne de la Gironde, Mme Roland, un de ces amours qui ravagent le cœur et sillonnent une existence ; amour ardemment partagé, mais pur, dont le vieux Roland, époux ulcéré, avait reçu le cruel et désespérant aveu.

Successivement arrivèrent à Caen, Duval, Bergœing, Lahaye, Cussy, Barbaroux, échappés, non sans aventures, aux gendarmes chargés de leur surveillance ; puis, le 26, venant d'Évreux, Guadet et Louvet, précédant de trente-six heures Pétion qui, le 28 au soir, se rendit à l'assemblée départementale où il fut acclamé avec transports. Caen s'enorgueillissait de posséder ces hommes dont le talent illustrait la tribune française et dont les noms étaient mêlés aux grands événements des dernières années. Chacun d'eux avait reçu de la main des jeunes filles de la ville un bouquet de laurier noué d'un ruban tricolore ; Wimpfen leur donnait une garde d'honneur et la municipalité mettait à leur disposition le bel hôtel de la ci-devant Intendance, solennelle demeure, bâtie au temps du grand Roi, et dont le lourd portail sculpté, ouvrant sur l'étroite rue des Carmes, les hauts bâtiments réguliers, à beaux balcons de fer forgé, offraient à ces sans-asile, une manière de palais.

Si on leur faisait fête, c'est que, mal instruits des nuances et de la stratégie parlementaires, les Normands, fatigués de la révolution et regrettant l'ancien régime, estimaient naïvement que ces Girondins, persécutés par les sans-culottes parisiens, ne pouvaient être que des royalistes. Cette erreur mettait Pétion et ses compagnons dans une situation fausse : tous ardents partisans de la république, ils risquaient de s'aliéner les esprits en proclamant leur véritable opinion. Ils le comprirent et, pour, ne pas enrayer par une manifestation intempestive de leurs sentiments le mouvement insurrectionnel dont ils espéraient leur salut, ils affectèrent de ne point l'influencer. Sous prétexte que personnellement intéressés dans l'affaire, il leur convenait peu d'y intervenir, ils s'isolèrent, évitant, crainte de heurts irrémédiables, de se produire aux sociétés populaires, aux revues, à la Commission départementale, se contentant de se réunir entré eux, en une petite Convention ; se donnant l'illusion que l'autre n'étant qu'un ramassis de factieux en délire, ils formaient, eux, la pure représentation nationale, un parlement modèle, sans opposition, sans divergence, auquel la France entière allait obéir. Pétion fut élu président de ces parlottes intimes ; Barbaroux et Lesage étaient les secrétaires ; mais on en resta là ; les séances s'espacèrent faute d'assiduité.

Il faut dire aussi que pour ces jeunes gens, — les plus âgés atteignaient à peine la quarantaine, — harassés par la vie surmenante de Paris, cette échappée prenait l'attrait d'une vacance. Après l'âpre bataille des derniers mois, les haineux duels de tribune, l'assourdissant Vacarme des polémiques quotidiennes, ils éprouvaient un délicieux délassement de cet accord à l'unisson, dans une calme ville de province, de ce séjour dans une noble demeure entourée de frais jardins, et aussi de la considération sympathique et flatteuse dont ils se sentaient entourés. Les visiteurs, en effet, affluent chaque jour dans les salons de l'Intendance, et, plus encore, semble-t-il, les visiteuses, curieuses d'approcher ces héros de roman dont l'éloquence, les aventures, les amours mêmes, ont fait l'objet de tant de chroniques. Leur infortune présente, les prouesses qu'on attend d'eux, les rendent déjà presque légendaires et leur prêtent un charmant prestige. Barbaroux surtout, dont la beauté est renommée, passe pour irrésistible. Un jeune habitant de Caen qui fréquentait à l'Intendance, a tracé de lui ce portrait : Physionomie grecque ou romaine, regard d'aigle, avantages extérieurs de toute espèce ; seulement un peu trop d'embonpoint ; élocution gracieuse, enthousiasme de poète... et, avec tout cela, franche et naïve gaîté d'un jeune homme du caractère le plus aimable.... D'autres contemporains ont confirmé ce signalement ; femmes et hommes s'accordaient, — ce qui est rare sur un tel point, — à reconnaître que Barbaroux était excessivement beau ; son front large, ses grands yeux très noirs et très brillants, la ligne de son nez droite et pure, sa peau ambrée, ses dents superbes, son menton légèrement fendu d'une fossette, ses cheveux noirs frisés, retombant en boucles sur le col de l'habit, sa haute prestance, lui valurent cette désignation d'Antinoüs de la Gironde dont Mme Roland le qualifia. Ceci rend plausible l'amical reproche de Louvet, au sujet des mille enchanteresses attirées par la beauté de Barbaroux, l'enivrant de plaisirs variés mais aussitôt délaissées par son inconstance.

Cet essaim d'adoratrices n'avait pas suivi à Caen le séduisant marseillais ; de son propre aveu, durant le mois qu'il y séjourna, il n'y fut occupé que de trois femmes : Anna, Julia et Zélia. On n'a point su mettre de noms sur ces pseudonymes : suivant Pétion Zélia était une ci-devant marquise, — mais une marquise républicaine, ajoute-t-il bien vite, soucieux de ne point diminuer son ami ; c'est là tout ce que l'on sait d'elle. Julia n'a pas été identifiée ; Anna pas davantage. Il semble pourtant que l'incognito de celle-ci n'est pas impossible à percer : c'est, très vraisemblablement, l'Annette adorée dont Barbaroux a eu un fils, l'année précédente, à Marseille. Annette s'appelait, en réalité, Marie Harlove et passait pour être la femme de Barbaroux : c'est le titre que lui donne Mme Pétion qui la rencontra, en juillet, à Évreux, se rendant à Caen où d'autres la virent peu après : un jeune Normand, familier des causeries de l'Intendance, notait plus tard : Il ne s'agissait pas d'une intrigue plus ou moins passagère : c'était une liaison antérieure, une femme attachée à Barbaroux et le suivant dans les péripéties de sa proscription.

Bien que la Gironde fugitive eût déclaré la guerre à la capitale, on circulait cependant aisément entre Paris et la Normandie. Mme Pétion vint passer quatre ou cinq jours à Caen avec son mari et s'y logea à l'Hôtel d'Angleterre, rue Saint-Jean. Mme Goussard, l'amie dévouée des Girondins, — celle-là même qui avait présidé à l'évasion de Pétion, — s'y rendit également, et Lodoïska, la maîtresse de Louvet, fit, elle aussi, plusieurs fois le voyage. Ces deux dernières, ainsi qu'une sœur de Mme Goussard, assuraient courageusement la correspondance des proscrits ; toutes deux étaient dans le secret des chastes et réciproques amours de Buzot et de Mme Roland. Ah ! les belles lettres qu'elles portèrent de l'une à l'autre ! Mme Roland, emprisonnée dès le 1er juin à l'Abbaye, puis à Sainte-Pélagie, pouvait enfin, sans crainte d'une défaillance de sa stoïque vertu, crier sa passion à son mélancolique et sombre amoureux ; les verrous d'un cachot et 50 lieues les séparent.... Le 22 juin elle recevait, par Mme Goussard, revenant de Normandie, deux billets de Buzot, datés des 15 et 17 juin ; ils sont perdus, mais on a sa réponse ; elle dut, le 22, la faire passer à Lodoïska qui, avec Louvet, s'échappait de Paris le surlendemain. — Combien je les relis (les deux billets). Je les presse sur mon cœur, je les couvre de mes baisers, je n'espérais plus d'en recevoir !... J'ai été dans les plus cruelles angoisses jusqu'à ce que j'ai été assurée de ton évasion... Elle fait allusion à son mari, lui aussi fugitif et caché à Rouen chez de vieilles amies, et, tout de suite : — Je n'ose te dire, et tu es le seul au monde qui puisse l'apprécier, que je n'ai pas été très fâchée d'être arrêtée.... En me trouvant seule, c'est avec toi que je demeure.... Je dois à mes bourreaux de concilier le devoir et l'amour. Elle se réjouit d'être délivrée de l'assiduité passionnée du vieil époux auquel elle restera fidèle tant qu'il vivra ; elle l'estime, mais elle ne l'aime plus ; l'a-t-elle jamais aimé ? Comme je chéris les fers où il m'est libre... de m'occuper de toi sans partage !... Je remercie le ciel d'avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant. Et, plus loin : O toi, si cher et si digne de l'être, tempère l'impatience qui te fait frémir, en songeant aux fers dont on m'a chargée ; ne vois-tu pas les biens que je leur dois ?... Elle a donné à son bien-aimé son portrait, — une miniature encadrée d'un cercle d'or incrusté de pierres brillantes et qu'il porte continuellement sur lui. Il lui envoie le sien, de forme et de dimension absolument pareilles, destiné à faire pendant. Elle a dans son cachot this dear picture ; elle est sur mon cœur, cachée à tous les yeux, sentie à tous les moments et souvent baignée de mes larmes.... Comme la prisonnière est incertaine du lendemain, pour que, après sa mort, la dear picture échappe au lamentable sort des portraits anonymes, inéluctablement destinés à la boîte du brocanteur, elle a pris soin de glisser sous le cadre, derrière l'image, une courte mais dithyrambique notice : François-Nicolas Buzot, né à Évreux en 1760.... La nature l'a doué d'une âme aimante, d'un esprit fier et d'un caractère élevé. Sa sensibilité lui faisait chérir la paix et la douceur d'une vie obscure.... Les chagrins du cœur ajoutèrent à la mélancolie vers laquelle il était incliné.... La postérité honorera sa mémoire... et l'on accueillera précieusement son portrait, pour le placer parmi ceux des généreux amis de la Liberté qui croyaient à la vertu.

La vaillante Lodoïska, grâce à laquelle se prolongea durant plus d'un mois la correspondance clandestine entre l'héroïne captive et le conventionnel proscrit, n'était point du tout polonaise ; née en 1760, à Paris, de petits bourgeois, elle se nommait Marguerite Demuelle. Louvet, qui était du même âge, s'éprit d'elle dès l'adolescence ; mais le père Demuelle ne se souciant pas de donner sa fille à un petit commis libraire, la maria, sitôt qu'elle eut quinze ans, à un sieur Cholet, joaillier au Palais-Royal, qui alla se fixer, avec sa jeune épouse, à Lyon d'où il la ramena imprudemment sept ans plus tard. Louvet la revit et conçut pour elle une passion véhémente et tapageuse que partagea bientôt la sensible Marguerite. Dans le but de ravir au joaillier sa compagne et de fuir avec elle vers quelque retraite lointaine et champêtre, — leur rêve à tous deux, — Louvet entreprit d'écrire, et c'est ainsi que naquit Faublas. Le copieux roman, publié par étapes, eut un gros succès, si bien que Louvet, s'évertuant, se lança dans la révolution commençante, devint journaliste, orateur de section, membre des Jacobins, et fut député à la Convention par le département du Loiret. Il avait de l'esprit, de l'aplomb, de l'ardeur, s'affilia à la Gironde et, pour son coup d'essai, asséna à Robespierre, en pleine assemblée ébahie, un de ces réquisitoires foudroyants dont le seul effet est d'accentuer les dissentiments des partis, mais qui classent leurs auteurs au nombre des hommes politiques de tout premier rang. Mme Roland, enthousiasmée, déclara Louvet supérieur à Cicéron et mit son discours au-dessus des Catilinaires. Il était célèbre ; Lodoïska, son Égérie, pareillement. Car il avait affublé Mme Demuelle du nom de l'une des héroïnes de son Faublas, ce qui contribuait à la renommée de la dame et ne nuisait pas à la vente du roman. Lodoïska apparaît, d'ailleurs, abstraction faite des apostrophes adoratives de Louvet, comme une femme dévouée, aimante, courageuse, intelligente et bonne. Était-elle jolie ? A prendre un moyen terme entre ceux de ses contemporains qui nous la présentent comme marquée de la petite vérole, laide, noire, de la tournure la plus commune, et d'autres qui la jugeaient agréable et assez gracieuse, on peut conclure que ses charmes extérieurs n'avaient rien d'exceptionnel. Quant à Louvet, c'était, suivant les uns, un petit homme malingre, bilieux, chauve, myope, avec des yeux creux et une mine de papier mâché ; certains, au contraire, lui trouvaient une jolie figure efféminée et lui attribuaient même une partie des prouesses galantes de Faublas.

Il est certain que, dans les premiers jours de juillet 1793, le groupement des Girondins, de leurs femmes ou de leurs maîtresses à l'Intendance de Caen, le mouvement occasionné par leur présence, le va-et-vient de leurs émissaires, excitaient singulièrement l'intérêt et la curiosité des Normands. Quelle aubaine pour la province qu'un événement comme celui-là ! Aussi se pressait-on à leurs réceptions et, si la société guindée s'en abstenait, on y voyait pourtant figurer des dames fort régulières et même d'irréprochables jeunes filles. L'une de celles-ci, du moins, qui s'y montra plusieurs fois, a laissé un nom dans l'histoire : elle s'appelait Charlotte de Corday et demeurait chez une parente dans le voisinage de l'Intendance. On a la certitude qu'elle s'entretint avec ces hommes de Plutarque, tout récemment échappés de la fournaise et qu'elle vénérait à l'égal des héros tragiques créés par le génie de son grand ancêtre, Pierre Corneille ; elle trouva auprès d'eux un accueil exempt de banalité. Non point qu'ils parussent s'être étonnés de cette fraîche jeune fille, passionnée pour la politique ; on ne devait guère leur parler d'autre chose et ils y étaient résignés ; mais elle leur inspira confiance puisque, leur ayant appris qu'elle projetait un voyage à Paris, Salle, le plus laborieux de la bande, qui passait ses jours et une partie de ses nuits à rédiger manifestes, adresses au peuple et proclamations, lui remit son Examen critique de la Constitution et la pria de porter cet écrit à Lauze de Perret, l'un dès Girondins que n'avait point frappés le décret d'arrestation ; et Barbaroux chargea Charlotte d'une lettre recommandant à de Perret de faire bon accueil à la jolie commissionnaire et de répandre la brochure de Salle. Il paraît bien probable que Charlotte déjeuna même, certain jour, à l'Intendance et, quoiqu'on en ait dit, il est impossible que ses relations, si passagères fussent-elles, avec les victimes de Marat, n'eussent pas influencé son effroyable résolution.

Que l'imagination est fallacieuse et combien on doit se garer de ses suggestions. Il semblerait que ces entretiens rassemblant autour d'une table ou sous lès ombrages dit jardin des personnages légendaires tels que Buzot, Barbaroux, Louvet, Pétion, sa femme, Charlotte de Corday et d'autres, auraient dû laisser dans là mémoire des rares survivants un souvenir ineffaçable ; que les assistants n'en oublieraient aucun incident, ni les paroles dites, ni le son des voix, ni les moindres gestes.... Mais non, ces choses paraissaient aux contemporains tout ordinaires. L'un d'eux, assis à table à côté de Mlle de Corday, note simplement qu'on parla de littérature et de politique, et Mme Salle qui, de crainte d'être emprisonnée, était venue, avec ses trois, enfants dont l'un âgé de quelques semaines, rejoindre son mari à Caen, y vit aussi — sans doute à ce même déjeuner, — Charlotte de Corday ; quand on la questionnait plus tard sur l'héroïne, elle avouait ne rien se rappeler d'elle, sinon la robe qu'elle portait ce jour-là. Quelle pénurie pour notre insatiable avidité des détails précisés et intimes, du trait qui peint un caractère ou résume une situation ; et quelle gratitude ne doit-on pas au chroniqueur caennais qui, mieux avisé, nous rapporte que, entrant chez Barbaroux, un jour d'excessive chaleur, il le trouva couché tout de son long sur le parquet, un mouchoir blanc étendu sur sa figure ; — deux lignes qui nous renseignent mieux que bien des pages sur les illusions des proscrits. Us n'agissaient pas et perdaient, à jouir d'un repos à la vérité bien gagné, un temps dont toutes les minutes eussent dû être consacrées à la lutte. Ils étaient trop sûrs de leur bon droit. Ne leur disait-on pas que soixante-neuf départements s'étaient ralliés à leur cause ; que Lyon, Marseille, Bordeaux se soulevaient ? Ne voyaient-ils pas journellement arriver à Caen des bataillons de volontaires tout armés et prêts à combattre ? L'Eure, le Calvados avaient mis sur pied plus de 800hommes ; l'Ille-et-Vilaine leur en envoyait 500 ; le Finistère 600 dont 50 cavaliers ; il en était venu 200 du Morbihan, à peu près autant de la Mayenne et 3 à 400 de la Manche. A Caen même, il est vrai, l'enthousiasme était moindre : quand Wimpfen, entouré d'un état-major monté comme pour une grande armée, réunit la garde nationale locale et exhorta les hommes à s'enrôler, il ne recueillit pas plus de vingt signatures. N'importe : le mouvement était lancé ; il n'y avait qu'à laisser faire et l'on patientait dans l'indolence. A cinquante lieues de là au fond de son cachot, Mme Roland se montrait plus perspicace ; son pénétrant génie devinait qu'on gâchait des heures infiniment précieuses. Ah ! elle les connaissait bien, ces grands enfants dont elle avait été le Mentor ; elle écrivait à Buzot, le 7 juillet : Où donc Louvet a-t-il laissé son amie ?.... Et ce jeune Barbaroux, ne fait-il pas des siennes dans cette terre hospitalière ? C'est pourtant le cas d'oublier de s'amuser à moins que de savoir, comme Alcibiade, suffire à tout. Quand je me rappelle la sérénité de Pétion, l'effervescence aimable mais passagère de Guadet, je crains que ces honnêtes gens, là-bas comme ici, n'emploient à rêver le bien public le temps qu'il faudrait consacrer à l'opérer....

 

Pourtant, les événements se dessinaient. Le 9 juillet, Mlle de Corday partait pour Paris, emportant, avec son terrible secret, les proclamations de Salle et la lettre de Barbaroux. Le même jour l'armée des Girondins s'ébranlait et marchait sur Lisieux. L'avant-garde conduite par Puisaye, s'avançait jusqu'à Vernon, sûre de vaincre, car les troupes de la Convention qui s'apprêtaient à lui barrer la route étaient un ramas d'aventuriers sans discipline, qu'un seul bataillon de vrais républicains aurait chassés à coups de bâton ; le général Sepher, l'ancien suisse de Saint-Eustache, commandait cette horde. Le choc eut lieu près de Brécourt ; il fut sans violence car, au seul aspect de l'adversaire, les deux armées opérèrent demi-tour et s'enfuirent : celle des Girondins jusqu'à Caen, celle de la Convention jusqu'à Versailles. Pétion et ses amis qui s'étaient rendus à Lisieux, rentrèrent à l'Intendance désemparés ; ils discutèrent s'ils ne quitteraient pas la toge pour prendre l'armure guerrière ; c'est-à-dire s'ils ne se mêleraient pas aux troupes fédérées pour combattre dans leurs rangs et relever par l'exemple leur courage. Mais on décida, en fin de compte, que cette détermination chevaleresque risquait de faire perdre aux représentants une considération qu'ils avaient besoin de conserver.

Leur prestige, d'ailleurs, s'était effondré subitement. Caen leur devenait unanimement hostile ; les volontaires s'égaillaient et, par bandes, retournaient chez eux, indignés contre ces beaux parleurs qui les avaient appelés à l'aide et ne savaient ni commander ni se battre. Le 18 on apprit la mort de Marat ; la première nouvelle en fut donnée, laconiquement, par les affiches, annonces, avis divers du journal du département du Calvados, tout à la dévotion des proscrits : — Marat, l'ami des fripons et le père des assassins, y lisait-on, pour qui une horde de brigands combat sous les murs de Vernon, Marat n'est plus : une citoyenne de Caen lui a plongé deux coups de poignard dans le sein en disant : Scélérat, tu as perdu ma patrie, va expier tes crimes. Cette fille qu'on dit s'appeler Charlotte Cordé est arrêtée et paraît ne pas craindre les horreurs de la mort.... Caen prend peur. La Convention ne va-t-elle pas imputer aux Girondins la responsabilité du crime et exercer d'impitoyables représailles sur la cité qui les a hébergés ? Il faut se soumettre au plus vite : ordre est donné aux bataillons bretons de quitter la ville ; quant aux députés, on leur signifie leur congé de façon brutale, en affichant au portail de l'Intendance le projet de décret qui les proclame, traitres à la patrie et les met hors la loi. Il faut partir. Où aller ? Les fédérés bretons s'apprêtent à regagner leurs départements ; le commandant du bataillon du Finistère, Fouchet de la Brémandière, offre aux représentants de les enrôler dans sa troupe, de les inscrire sur ses contrôles, de les armer, de leur fournir l'étape ; et c'est le sac aux teins, le fusil à l'épaule, marchant dans le rang, que, le 29 juillet, ils s'éloignent de Caen enfin délivré de leur présence compromettante et prêt à faire fête aux émissaires de la Convention.