LE RÈGNE DE PHILIPPE III LE HARDI

LIVRE DEUXIÈME

 

CHAPITRE IV.

 

 

Le 20 février, l'assemblée ouvrit ses séances ; le roi fit lire en latin, puis traduire en français les bulles du pape et l'énoncé des conditions que Martin IV attachait définitivement à la concession des royaumes d'Aragon et de Valence ; il requit ensuite les barons et les prélats de le conseiller fidèlement. Ceux-ci décidèrent aussitôt qu'ils délibéreraient le 21, et qu'ils rendraient compte de leurs travaux le 23. Le 21, en effet, de très grand matin, les deux ordres s'installèrent dans deux salles séparées du palais du roi. Les avis furent d'abord partagés mais, dans chaque section, une majorité se forma presque en même temps, après une discussion confuse, en faveur de l'acceptation. Simon de Néele, délégué par la noblesse, apprit au clergé l'opinion de son ordre à cette nouvelle, le légat et G. du Châtelet, le notaire apostolique, sans attendre le surlendemain, firent mander à Philippe III de se rendre incontinent au palais pour entendre le conseil de ses hommes.

Le roi arriva aussitôt, dit le procès-verbal du cardinal Cholet[1], avec ses deux fils, Philippe et Charles ; les prélats s'étaient mêlés aux barons, et il y avait là, en outre, une grande foule. Au nom du clergé, l'archevêque de Bourges- déclara le premier que, pour l'honneur de Dieu, de la sainte Église, du royaume de France et pour l'utilité de la foi catholique, il trouvait expédient d'agréer les offres et les conditions du notaire apostolique. Après quoi, le sire de Néele, pour les barons, dit qu'il était du même avis. Enfin le roi ajouta : Je vous remercie de m'avoir donné un bon et fidèle conseil ; pour l'honneur de Dieu et de notre sainte mère l'Église, nous nous chargerons de cette affaire, et nous acceptons. Il convoqua ensuite l'assemblée pour le lendemain afin de désigner le futur roi d'Aragon ; on choisit Charles, le second de ses fils.

Quelques jours après, le 27 mars, le cardinal Cholet et Gilles du Châtelet allèrent trouver le roi, et, en présence de ses deux fils et de tout le conseil, le cardinal lut encore une fois la bulle, en latin et en langue vulgaire ; puis il reçut les promesses de Philippe III et de Charles de Valois d'en observer rigoureusement les termes ; pour finir, il investit ce dernier du royaume d'Aragon et du comté de Barcelone, se réservant d'exiger de lui un serment de foi et d'hommage au nom de l'Église romaine, quand il serait arrivé à l'âge convenable, c'est-à-dire avant un mois.

Le roi d'Angleterre fut promptement informé de ces graves événements. Il y a du nouveau, lui écrivit Mathieu de Vendôme dès le 2 mars, voyez maintenant comment on pourra rétablir la paix ; j'y travaillerais bien volontiers, pour ma part ; de grands massacres vont se produire, si votre sagesse n'apporte pas un prompt remède. — Le roi de France, ajoutait Maurice de Craon, a envoyé à Rome ses messagers pour ratifier l'acceptation, et l'on prêchera la croisade aussitôt qu'ils seront revenus. On ne croit pas que l'on aille en Aragon avant la mi-carême en un an.

Le sort en était donc jeté ; ni les efforts combinés de Mathieu de Vendôme et d'Edward Ier, ni les supplications du roi d'Aragon auprès de Martin IV, qui ne voulait rien entendre[2], n'avaient abouti. L'année 1284 tout entière, comme Maurice de Craon l'avait prévu[3], fut consacrée à la prédication de la croisade, à des levées d'hommes et d'argent[4]. Ce fut le cardinal Cholet qui dirigea, en France, les préparatifs de cette seconde guerre des Albigeois. Philippe III se croisa d'abord avec ses fils ; une foule de nobles et de vilains suivirent son exemple[5]. Dans le Midi, l'archevêque de Bourges, Simon de Beaulieu, pendant une tournée pastorale, sermonna le peuple en plusieurs lieux, soit dans les églises, soit en plein vent ; il parla à Poitiers, à Saintes, à Agen[6], de cruce Aragonie, et il moissonna de nombreuses adhésions grâce à l'appât des indulgences. A Lille, les frères prêcheurs qui étaient venus exhorter les Flamands à prendre la croie d'Aragone furent injuriés et assaillis dans l'abbaye de Saint-Etienne, mais le légat imposa aux échevins, à cette occasion, une amende de 4.000 livres parisis, applicable aux besoins de l'expédition[7].

Le roi d'Aragon, de son côté, ne resta pas inactif. Il chercha à intéresser à sa cause les princes d'Occident ; ainsi, le 12 juin, il expédia à Rudolf de Habsbourg, comme à son ami le plus cher, un de ses chevaliers, R. de Bruncignach[8], pour lui exposer ses griefs contre le pape et contre Philippe ; le même messager était chargé d'exprimer à la reine douairière de France, Marguerite de Provence, la volonté du roi d'Aragon de l'aider en toutes ses besognes[9]. Il comptait sans doute sur Marguerite et sur ses amis[10], mal contents de Charles d'Anjou, pour modifier les résolutions de Philippe III. Il eut une nouvelle entrevue avec doña Sanche de Castille, excommunié comme lui et menacé par les Navarrais. Quant au pape, il ne renonça que très tard à l'espérance de le fléchir, car, le 12 décembre, il lui écrivit encore, ainsi qu'aux membres du Sacré Collège, pour leur recommander ses procureurs[11].

Mais en Peyre ne mettait pas toute sa confiance dans ces opérations diplomatiques, qui, d'ailleurs, ne lui profitèrent point ; il passa l'année il se débarrasser énergiquement des difficultés qui l'auraient empêché de disposer de toutes ses forces pour repousser la croisade. Le 27 mai, il céda au comte de Foix le vicomte de Castelbo[12] pour apaiser d'anciennes querelles. Le 23 juin, son amiral, Roger de Loria, infligea au prince de Salerne, sur les côtes de Sicile, une défaite célèbre. Enfin, quand le péril d'une invasion lui parut imminent, c'est-à-dire au mois de décembre, il appela aux armes les populations belliqueuses de son royaume. Nous sommes, disait-il dans la lettre de convocation, dans de graves conjonctures ; il nous faut une grande armée pour nous défendre contre ceux qui, avec des titres empruntés, viennent nous enlever la couronne[13]. Il se garda soigneusement des deux côtés par où l'ennemi aurait pu le surprendre du côté de la Navarre, où il alla en personne combattre le partisan Juan Nunès sous les murs d'Albarrazin[14] ; du côté des possessions de son frère, le roi de Majorque, qui, pressé par la crainte des Français et déjà à demi brouillé avec l'Aragon, avait promis secrètement aux croisés le passage sur ses terres[15]. En Peyre, pour punir Jayme et prévenir l'effet de sa trahison à la cause aragonaise, envahit le Roussillon et captura dans Perpignan toute sa famille, en même temps que plusieurs seigneurs du Languedoc, entre autres Amaury, fils du vicomte de Narbonne[16].

Le roi d'Aragon apprit pendant le siège d'Albarrazin la mort de Charles d'Anjou, arrivée le 7 janvier. Mais la disparition de celui qui avait été jusque-là l'inspirateur de la politique française n'empêcha point les événements de suivre leur cours. En mars, Philippe III prit l'oriflamme à Saint-Denis et se dirigea vers Narbonne, où l'ost de la croisade devait se concentrer. Il était accompagné du légat Cholet et de ses deux fils, le roi de Navarre[17], et Charles, le soi-disant roi d'Aragon. Le 24 mars, ils arrivèrent à l'abbaye de Saint-Martial de Limoges, où ils demeurèrent pendant huit jours[18]. En avril, ils étaient à Toulouse. A Carcassonne, le roi laissa la reine Marie de Brabant et les dames de la cour ; le 1er mai, les rois croisés entrèrent à Narbonne, où Jayme de Majorque, outré de la conduite récente de son frère à Perpignan, les joignit et leur offrit ses services.

La grande armée qui suivait Philippe le Hardi était assurément très imposante. Desclot l'évalue à 338.000 hommes[19], la chronique de Saint-Paul de Narbonne à plus de 300.000[20], Muntaner à 200.000 après le passage des Pyrénées il est vrai que Villani ne parle que de 20.000 cavaliers et de 80.000 piétons. Des approvisionnements énormes avaient été entassés depuis deux ans à Toulouse, à Carcassonne, à Béziers, et dans les ports de Marseille et d'Aigues-Mortes quant aux navires, Pons Rasier, procureur du roi pour l'affaire des galères, en avait réuni un si grand nombre, que G. de Nangis dit qu'ils formaient comme le cortège d'un autre Neptune[21] ; il y en avait une centaine, selon les annales de Gênes[22]. Mais, formé de gens de toutes les provinces, encombré de non-combattants, le coûteux ost féodal était plus redoutable en apparence qu'en réalité ; il allait se disjoindre au passage des montagnes, et fondre, comme tant d'armées chevaleresques du XIVe siècle, au soleil des batailles.

Le 22 avril, sachant que le flot de la croisade s'approchait de ses frontières, P. d'Aragon avait expédié de Figuières à ses vassaux les ordres les plus pressants. Comme le roi de France devait venir contre nous, écrivit-il au municipe de Barcelone, nous vous avons mandé d'être prêts avec des armes et des vivres pour quatre mois, sans vous assigner de jour précis ; mais nous avons appris que le roi s'avance, et, comme il faut résister virilement, venez sans retard ; il y a péril en la demeure[23]. En même temps, dès que le roi fut arrivé à Narbonne, P. d'Aragon jugea prudent d'évacuer le Roussillon et de couvrir les passes des montagnes. Le 7 mai, il s'installa avec des troupes aguerries au col de Paniçars[24] ; il décida que le col de Banyuls serait défendu par le comte d'Ampurias ; il mit enfin le comte de Rocaberti à la garde du Pertus[25]. De ces fortes positions, les Aragonais pouvaient surveiller la marche de l'ennemi, l'arrêter, et, s'il s'attardait en deçà des Pyrénées, l'inquiéter par des incursions soudaines.

Cependant Philippe était entré en Roussillon (mai 1285) ; Jayme de Majorque avait livré aux croisés ses châteaux de la Roca et de la Clusa, mais les villes n'ouvrirent pas si facilement leurs portes. Un détachement chargé d'occuper Perpignan fut repoussé avec perte[26] ; toutefois, E. de Beaumarchais et le comte de Foix finirent par obtenir des habitants qu'ils admissent chez eux une petite garnison. L'armée se répandit alors jusqu'au Boulou ; quelques jours après, sur le bruit que les Aragonais descendaient des montagnes, les croisés retournèrent contre Perpignan et, après y être entrés par surprise, la pillèrent au mépris des conventions antérieures. Telle est la version des chroniqueurs catalans.

Il est certain que, à Salces, à Espira de l'Agly[27], les croisés avaient déjà commis des excès regrettables[28], quand le sac de la ville d'Elne acheva de donner à la guerre sainte qui commençait un caractère atroce. Elne était toute dévouée au roi d'Aragon, quoique le roi de Majorque fut son seigneur[29] ; après un premier assaut, ses habitants obtinrent une trêve ; mais, comme ils profitaient de l'interruption des hostilités pour correspondre, à l'aide de grands feux allumés sur la tour de leur église, avec les Aragonais répandus dans la montagne, le roi ordonna un second assaut ; le légat Cholet exhorta auparavant les croisés à n'épargner personne, vu que les ennemis étaient des excommuniés et des ennemis de la sainte Église[30]. En effet, on tua tout, femmes et enfants, et la ville fut rasée ; elle n'a jamais été reconstruite[31].

La destruction d'Elne (25 mai), exploit honteux d'une armée enivrée d'impatience et de colère, est l'un des épisodes principaux de la croisade de 1285 ; elle fait date. Collioure évita le sort d'Elne, grâce l'habileté de son gouverneur, qui était un ami dévoué du roi de Majorque[32] ; mais, pendant que les croisés trompaient ainsi leur oisiveté par des conquêtes indignes d'eux, les ennemis postés sur les pentes infranchissables des montagnes les faisaient singulièrement souffrir. Un jour, le comte d'Ampurias attaqua un de leurs convois, et l'escorte dut lâcher pied en abandonnant quinze cents bêtes de somme[33]. Adonc se conseillèrent les barons par où ils pourroient plus légèrement passer les montagnes, car elles étoient si hautes qu'elles sembloient tenir au ciel[34].

Du 3 au 6 juin, le roi, venant d'Elne, s'arrêta à Palau del Vidre. Le 7 ou le 8, l'armée tenta d'enlever d'assaut le col de Paniçars, fol essai, dit Muntaner, car une foule d'Almogavares fondirent aussitôt sur l'avant-garde, et on voyait rouler les assaillants, hommes et chevaux, du haut de la montagne en bas[35]. Il fallut reculer ; les croisés n'eurent pas plus de succès en divertissant pour se venger, au siège de la petite ville du Boulou que défendait une femme nommée N'Aligsen[36]. Deux ou trois jours s'étaient écoulés, et l'armée était à peine consolée de ces échecs, quand quelqu'un découvrit un sentier que l'ennemi avait oublié de garder, voie étrange, dit la chronique de Saint-Denis, pleine d'épines et de ronces[37] ; c'était le col de la Maçana. Le comte d'Armagnac et le sénéchal de Toulouse avec trois mille hommes, accompagnés d'ouvriers pourvus de pieux et de haches, s'y engagèrent pendant la nuit ; au matin, ils étaient maîtres de la position ; une route fut pratiquée, assez large pour permettre le transport des bagages. Le passage eut lieu probablement du 10 au 11[38] ; pendant qu'il s'opérait, les Aragonais surpris se replièrent en bon ordre vers l'intérieur du pays.

Philippe III attendit au monastère de San-Quirico, au pied des montagnes, que toute sa chevalerie fût réunie et que sa flotte, avec les approvisionnements, fût arrivée devant le port de Rosas. L'armée s'ébranla ensuite de San-Quirico à Gariguela ; de là par Valguarnera et Puyamilot, elle traversa un vaste plateau de terres labourées, où elle put se développer en ordre de bataille ; en Peyre, qui l'observait de Peyralada, fut confondu de sa multitude. Mais la terre d'Espagne a toujours été rebelle aux envahisseurs. Bien que le légat eût essayé de faire circuler en Aragon des proclamations au nom du pape[39], la cause de la croisade ne trouva presque point de partisans.

Devant Peyralada, on se battit assez rudement[40] ; mais, après six jours d'engagements partiels, le roi d'Aragon quitta la ville, n'y laissant que quelques chevaliers et une garnison d'Almogavares. Les croisés, qui ne soupçonnaient pas cette retraite, se préparaient à livrer l'assaut le lendemain, quand les Almogavares, furieux de ne se voir assigner qu'un poste défensif, pillèrent et brûlèrent eux-mêmes la place, puis s'éloignèrent ainsi que tous les habitants. Cette nuit-là, le roi de France et son armée, voyant l'incendie, furent très surpris et restèrent à cheval ; au petit jour, ils s'aperçurent que la ville était abandonnée ; ils y entrèrent, mais il n'y avait plus que les murailles[41].

Le fils aîné du roi emporta Figuières pendant les jours suivants, et Castellon se mit à la merci du légat Cholet[42]. Le château de Lers fut pris de vive force après quatorze assauts c'est là que le légat donna à Charles de Valois l'investiture de la Catalogne[43]. La flotte, qui bloquait toute la côte depuis Rosas jusqu'à Blanes, réduisit d'autre part San-Feliu de Guixols. Enfin, le 27 juin[44], le siège de Girone commença. Girone était une très forte place ; en R. Folch, vicomte de Cardone, l'un des meilleurs capitaines d'Aragon, y commandait et Peyre avait muni de garnisons tous les châteaux d'alentour. — A partir du siège de Girone, la croisade n'éprouva plus que des désastres successifs.

D'abord sur mer. La flotte des croisés, qui servait au ravitaillement de l'armée, opérait des voyages continuels, pour escorter les navires de transport, entre Aigues-Mortes, Narbonne, Marseille et les ports de Catalogne qui étaient tombés entre les mains du roi de France, Rosas, San-Feliu, Cadaquès elle était dispersée ; vingt-cinq galères seulement, sous l'amiral Guillaume de Lodève, gardaient Rosas. A la vérité, la flotte aragonaise était dans les eaux de Sicile, et la sécurité des croisés ne semblait pas menacée ; mais deux capitaines catalans, en R. Marquet et B. Mallol[45], en attendant l'arrivée de l'amiral Roger de Loria et de ses soixante galères, conçurent le hardi projet de surprendre, avec dix vaisseaux catalans, l'escadre de G. de Lodève. Comme ils étaient très bien renseignés par des gens de Cadaquès sur ce qui se passait chez l'ennemi, leur attaque fut opportunément dirigée ; une manœuvre spéciale tous les navires liés ensemble et une ligne d'arbalétriers placée au troisième banc des rameurs eut un succès extraordinaire. Ils emmenaient les prises et les prisonniers qu'ils avaient faits, parmi lesquels G. de Lodève[46], quand cinquante autres galères de France, qui croisaient à la hauteur du cap d'Aigua Freda, leur donnèrent la chasse mais les Catalans, favorisés par le vent, réussirent à rentrer dans Barcelone sains et saufs, avec onze bâtiments sur vingt-cinq qu'ils avaient capturés la veille[47].

Un mois s'était déjà écoulé sans profit pour Philippe III depuis qu'il assiégeait Girone. Il avait ordonné de fréquentes attaques, mais en vain ; assiégés et assiégeants parlementaient sans aboutir[48]. Le roi résolut alors de faire fabriquer une énorme machine propre à renverser les défenses de la place ; dès qu'elle fut achevée, les Aragonais la brûlèrent ; quand le roi le sut, il en fut si courroucé qu'il dit que jamais ne laisserait le siège jusques à ce qu'il eût pris la ville. Mais il était lui-même bloqué, en quelque sorte, par la cavalerie et les Almogavares d'en Peyre, qui enlevaient souvent l'argent et les vivres expédiés de Rosas au camp de Girone ; tout homme isolé était aussitôt massacré[49] ; les croisés se fatiguaient dans des combats sans trêve ou les Catalans et surtout Galceran de Cartalla firent si bien, dit Muntaner, qu'on pourrait écrire sur leurs prouesses un livre plus étonnant encore que celui de Lancelot du Lac. Le camp était plein de malades, car la chaleur accablante de l'été, la pourriture des cadavres d'hommes et de chevaux — dont on perdit quarante mille pendant le siège —, et les piqûres de grosses mouches charbonneuses au ventre vert et noir qui pullulaient dans l'air chargé de miasmes, décimaient l'armée jadis si florissante.

Au commencement du mois d'août, P. d'Aragon pouvait avoir confiance dans l'avenir[50] ; il répondit assez sèchement au fils aîné du roi de France, qui lui avait écrit une lettre affectueuse, qu'il ne lui enverrait pas de messager secret[51]. Bien plus, le jour de l'Assomption, il offrit un combat en rase campagne, le premier qui eût encore été livré, entre Rosas et Girone, sur le parcours ordinaire des convois de ravitaillement quelques centaines d'hommes y furent engagés de chaque côté, mais il est difficile de dire quelle en fut l'issue, car les Aragonais prétendirent qu'ils avaient perdu seulement treize chevaliers et qu'ils avaient tué trois cents ennemis avec leur chef, le comte de Nevers[52] ; tandis que les croisés n'avouèrent que deux morts et se félicitèrent d'avoir tué le roi d'Aragon, en faisant un grand massacre des siens[53]. Or, ni le comte de Nevers ne fut blessé, ni le roi d'Aragon ne fut tué.

Si la route de Rosas avait été un peu dégagée par le combat de l'Assomption, le mois ne se passa pas avant qu'elle fût totalement obstruée. Roger de Loria, en effet, était arrivé de Sicile. Soixante-six galères qu'il amenait et seize autres que R. Marquet et B. Mallol avaient fait radouber à Barcelone formaient une flotte aussi redoutable que celle de Philippe III, alors composée de quatre-vingts vaisseaux et mouillée dans les parages d'Aiguafreda. Roger de Loria, sans prendre le temps de rallier R. Marquet, prévenu par ses espions de la position de l'ennemi, l'atteignit pendant la nuit à las Formiguas et se mit en ligne, trois fanaux allumés sur chaque navire. Avant le lever du soleil, il attaqua brusquement les croisés, épouvantés de cette apparition dans les ténèbres. Il prit cinquante-quatre galères quinze qui étaient aux Pisans se jetèrent à la côte ; quelques-unes seulement, montées par des Génois, s'échappèrent dans le silence de la nuit[54]. Plus de quatre mille hommes périrent en cette occasion et l'amiral de France fut fait prisonnier[55]. Ce désastre devait nécessairement en entraîner d'autres.

Après cela, l'amiral cingla vers Rosas ; le jour même de la bataille, il joignit R. Marquet et B. Mallol et leur confia toutes ses prises en leur disant de passer par Saint-Feliu, d'y prendre les navires des croisés et d'emmener le tout à Barcelone ; car, pour lui, il allait à Rosas[56]. À Rosas il y avait encore vingt galères et une garnison assez forte. Les vingt galères, attirées en pleine mer par le pavillon de France que Roger de Loria avait fait arborer à ses mâts, furent aisément capturées mais, entre les chevaliers croisés et les marins aragonais, descendus à terre, le choc fut plus rude[57]. Là moururent beaucoup de gens de la maison de Philippe III. Enguerrand de Bailleul fut pris, et le brave Aubert de Longval tué ; le chroniqueur de Saint-Denis accuse, soit dit en passant, le maréchal Jean d'Harcourt de les avoir abandonnés, alors qu'il aurait pu les secourir. Plusieurs charges de cavalerie se brisèrent contre l'ennemi ou s'abîmèrent dans des fossés ; enfin, voyant que la position n'était plus tenable, les Français, après avoir racheté E. de Bailleul, se retirèrent en mettant le feu à la ville. Roger de Loria sauva néanmoins les grands approvisionnements qui y avaient été entassés, et réinstalla dans le pays l'autorité du roi d'Aragon. Trois jours après, il couronna sa victoire par un succès inespéré. Un grand navire, chargé des trésors du duc de Brabant, accompagné de douze galères pleines de vivres et de l'argent destiné à la solde des troupes, parut devant Rosas[58] ; l'enlèvement de ce magnifique convoi plongea les chefs des croisés dans le plus grand embarras.

La garnison de Rosas s'était repliée sur Girone, dont la capitulation tardive entre les mains de Philippe III, le 7 septembre, n'était pas une compensation aux malheurs qui venaient de détruire les espérances de l'expédition[59]. Qu'importait en effet la possession d'une ville ruinée ? Le roi la fit pourtant réparer, et il en confia la garde a douze cents gendarmes et à cinq mille sergents sous les ordres d'E. de Beaumarchais. Mais il n'ignorait pas qu'il fallait retourner en France ; il proposa, dit Nangis, d'aller hiverner dans le pays de Toulouse, car la campagne ne pouvait plus être continuée avec une armée encombrée de malades, privée de ses communications avec la mer et découragée par la défaite. Et puis, des complications semblaient menaçantes du côté de la Castille ; les ambassadeurs du roi Sanche, venus au camp en médiateurs, avaient parlé avec jactance. Pour comble de malheur, le roi lui-même était atteint des fièvres pestilentielles.

Le camp devant Girone fut levé le 13 septembre et la retraite commença. Sept jours après, l'armée n'avait fait que treize lieues ; Philippe III était à Villanova de la Muga[60], près de Castellon, si accablé qu'il ne pouvait plus chevaucher et que, ses souffrances s'aggravant, on le portait en litière. Une légende dont Muntaner s'est fait l'écho se forma à Villanova ; on dit que le roi avait succombé près de ce bourg, dans la maison de Simon Villanova, au pied de Puyamilot, à moins d'une demi-lieue de Peyralada[61]. Muntaner rapporte même des discours fort invraisemblables que le roi aurait adressés à ses fils à son lit de mort. Il ajoute que l'héritier de la couronne, sur les conseils de son père, envoya un messager au roi d'Aragon pour le prier instamment de lui laisser franchir les montagnes, sachant bien qu'il ne pouvait sortir vivant du pays sans son aide. Il est possible que Philippe le Bel ait alors demandé à son oncle la liberté du passage en lui annonçant la maladie de son père, car Desclot assure le fait ; mais Muntaner a brodé évidemment sur ce thème lorsqu'il a représenté avec complaisance l'armée des croisés escortant la litière où reposait le cadavre de son chef et défilant par le col du Pertus sous la protection chevaleresque du roi d'Aragon. Cette scène dramatique, imaginée par le chroniqueur catalan, manque tout à fait de vraisemblance[62]. En réalité, la retraite fut très meurtrière. De grandes pluies avaient détrempé les terres ; on pouvait à grand'peine marcher ou coucher sous la tente[63]. Heureusement, les milices du Languedoc occupaient les passes de la Clusa et de Paniçars, afin que la retraite ne fût pas coupée par les Aragonais[64] ; et les croisés n'eurent pas à chercher un sentier dérobé pour sortir d'Aragon, comme ils avaient fait pour y entrer. Cependant, le 30 septembre et le 1er octobre[65], il y eut une dernière bataille ; les Almogavares pillèrent les bagages des croisés avec une férocité sans pareille, et, tombant sur leur arrière-garde, ils l'envoyèrent en paradis[66].

Aimeri de Narbonne et le roi de Majorque, avec les troupes du Languedoc, du Roussillon et de la Cerdagne, attendaient Philippe le Hardi à la Clusa et le convoyèrent jusqu'à Perpignan. C'est là que le roi mourut, le 5 octobre[67]. Après avoir passé huit jours à Perpignan, les Français se remirent en route. Le roi de Majorque les accompagna jusqu'au delà des frontières de ses États et pourvut à leurs besoins ; ils s'en allèrent en si piteux état qu'il n'y en eut pas moins d'un sur dix à mourir de maladie en chemin. Et je vous dis qu'ils s'en retournèrent de telle façon que, tant que le monde durera, on n'entendra point parler en France de la Catalogne sans se rappeler des choses terribles[68].

Telle fut l'issue de la croisade de 1285, une des plus injustes, des plus inutiles et des plus désastreuses expéditions que les Capétiens du moyen âge aient entreprises. Charles d'Anjou, en 1270, avait mené Louis IX en Afrique pour satisfaire son ambition ; en 1285, il mena Philippe III en Aragon pour venger ses injures ; le père et le fils moururent également pour lui, en croyant combattre pour Dieu.

Avec le roi, cent mille hommes avaient péri, et en pure perte, car, dès le 12 octobre, Eustache de Beaumarchais, à bout de vivres, rendit Girone aux Aragonais[69]. Bien que Philippe le Hardi eût fait jurer, dit-on, à son héritier, d'aider Charles de Valois à conquérir son royaume d'au delà des monts, le nouveau roi avait toujours été opposé à la croisade ; les derniers événements étaient faits pour augmenter sa volonté d'y mettre un terme. Philippe le Bel, au lieu d'hiverner à Toulouse, célébra dans la cathédrale de Narbonne les obsèques de son père[70] ; puis il se dirigea vers Paris.

Les honneurs que le clergé et le peuple de la France centrale rendirent au cercueil de Philippe III eurent plutôt un caractère officiel qu'un caractère d'effusion spontanée[71]. Philippe ne fut sincèrement et longuement pleuré que par la reine Marie de Brabant et par les amis de la dynastie angevine qui n'avaient rien à attendre après lui.

L'année 1285 ne s'acheva pas sans que le roi d'Aragon mourût à son tour, en novembre, les uns disent de maladie, les autres des suites des blessures qu'il avait reçues au combat de l'Assomption. Ainsi les personnages qui avaient joué un rôle dans le misérable drame de la croisade d'Aragon quittèrent la scène du monde tous ensemble. Le coupable conseiller de cette aventure, Charles d'Anjou, était mort le premier ; puis Martin IV, Philippe III, Peyre III, le légat Cholet ; la prédiction de la femme de Barletta s'était accomplie à la lettre[72]. C'est pourquoi la date de 1285 ne marque pas seulement la fin d'un règne, mais comme le point de départ d'une ère nouvelle dans la politique générale des États occidentaux et, en particulier, dans la politique extérieure de la France.

 

 

 



[1] Procès-verbal adressé par J. Cholet à Martin IV. RYMER, p. 229, c. 2. — Cf. RAYN., XIV, 357.

[2] SAINT-PRIEST, Conquête de Naples, IV, 227. (Barcelone, 13 février 1284.)

[3] Cf. le langage que Muntaner (ch. CIII) prête à Philippe III après l'assemblée de Paris : Faites publier partout la croisade ; nous aurons des soldats et des navires, et de ce mois d'avril eu avant, nous serons sur la terre d'Aragon avec toutes nos forces.

[4] Voyez sur ces levées, livre IV, ch. IV. Cf. le manifeste du pape au clergé de France, Arch. Nat., J, 714, n° 3056 (mai 1284) ; et une bulle de Martin IV à Bernard, card.-évêque de Porto, sur la prédication de la croisade (Potthast, n° 22149).

[5] H. F., XX, 324. — Chron. Lemov., XXI, 805.

[6] Provincie burdegalensis Visitatio, ap. HARDUINUS, Concilia, VII, 971, c ; 975, c ; 985, a.

[7] BRUN LAVAINNE, Livre Roisin, p. 308 ; cf. p. 315.

[8] SAINT-PRIEST, loc. cit., IV, 235. Mémorial de las coses qu'en Ramon de Bruncignach de part del senyor rey a a dir al Emperador d'Alamannya.

[9] Saint-Prest, loc. cit., p. 239. Cf. MARIANA, p. 677.

[10] CARINI, op. cit., p. 56. Lettres par lesquelles en Peyre demande à Marguerite de Provence, à Otte, comte de Bourgogne, et à l'évêque de Langres, des nouvelles de leur santé et les prie d'ajouter foi à ce que R. de Bruncignach leur dira de sa part.

[11] Arch. de Barcelone, reg. XLVII, f° 131. (CARINI, op. cit., p. 57.)

[12] B. DE MONY, Relations des comtes de Foix avec la Catalogne, p. 25. (Positions, 1886.)

[13] CARINI, p. 9 (21 déc. 1284). Ordre de fortifier les frontières (19 janvier 1285). Convocations adressées aux villes de Valence, Barcelone, Saragosse, aux ricos hombres de Catalogne, aux Sarrasins d'au delà du Xucar, etc.

[14] Anon. de Ripoll. (Marca, c. 564.) — DESCLOT (Éd. Buchon, p. 668.)

[15] Jayme de Majorque reçut, le 7 février 1285, par une bulle de Martin IV, la permission de lever une décime de trois ans sur toutes les églises de son royaume (Potthast, n° 22208) à condition qu'il unirait ses forces à celles du roi de France contre l'Aragon.

[16] Sur cette expédition, voyez le récit très bien fait de HENRY, Hist. du Roussillon, I, 148 et suiv.

[17] Philippe le Bel portait déjà ce titre, car, après avoir été fait chevalier, il avait épousé, le 16 août 1284, sa fiancée Jeanne de Champagne.

[18] H. F., XXI, 805.

[19] DESCLOT, p. 683.

[20] CATEL, Hist. des comtes de Toulouse, p. 169.

[21] H. F., XX, 528.

[22] Monum. Germ. hist., XVIII, 314.

[23] Arch. d'Aragon, reg. N, 51, f° 17 v°. (CARINI, p. 74.) Lettres analogues à Gaston de Béarn, aux Templiers et aux Hospitaliers, à l'archevêque de Tarragone, aux Sarrasins du royaume de Valence, aux riches hommes et aux mennaderii d'Aragon, etc.

[24] Il était le 5 mai Figuières ; le 7, il donna quittance au col de Paniçars de 40.000 sous de rançon que lui avait payée P. de Calidis, officier du roi de Majorque, pris dans Perpignan avec Amaury de Narbonne. (CARINI, p. 78.)

[25] MUNTANER, chap. CXX.

[26] DESCLOT (chap. CXL, CXLI) raconte en détail l'histoire du séjour des croisés en Roussillon. Son récit diffère sensiblement de celui de G. de Nangis.

[27] M. DELAMONT (la Croisade de 1285, Extr. du XXIe Bull. de la Société scientif. des Pyrénées-Orientales, p. 23). Cf. Mand., n° 169.

[28] CARINI, p. 82 (Paniçars, 23 mai). Le roi d'Aragon à l'évêque de Girone.

[29] (Paniçars, 25 mai). Le roi d'Aragon à l'université d'Elne.

[30] H. F., XX, 530. (G. de Nangis.)

[31] Le pillage d'Elne eut dans tout l'Occident un retentissement durable ; voyez les versions de Desclot, de Muntaner, de l'an. de Ripoll, de G. de Nangis, de Villani et des chroniques flamandes. — Les anciennes murailles d'Elne présentent encore des traces des brèches faites par les assiégeants en 1288.

[32] Ce gouverneur, Arnaut de Sagra, manqua de faire prisonnier le roi d'Aragon, qu'il avait attiré par ruse sous les murs de Collioure. DESCLOT, ch. CXLII.

[33] DESCLOT, chap. CXLIII.

[34] H. F., XX, 531.

[35] MUNTANER, chap. CXXI. Le chroniqueur catalan ajoute que le roi de Navarre très opposé, dès l'origine, à l'expédition, profita do ce premier échec pour railler la croisade. Cf. DESCLOT, p. 680, c. 2.

[36] DELAMONT, op. cit., p. 26, note.

[37] Desclot (p. 695) et Zurita attribuent l'invention du passage à l'abbé de San-Pedro de Roda et à un chevalier envoyé par le roi de Majorque ; G. de Nangis, Villani et Mariana, au bâtard de Roussillon ; et Muntaner (ch. CXXII), à quatre moines languedociens du monastère de Saint-André de Sorède, près d'Argelès.

[38] Le 11 juin l'armée se trouvait in primis vallibus Appuriæ. H. F., XXII, 453.

[39] CARINI, p. 87 (Paniçars, 6 juin). Le roi mande aux viguiers de Barcelone, Girone, etc., d'intercepter ces proclamations et de faire publier, dans leur ressort, défense de les lire.

[40] MUNTANER, chap. CXXIII-IV. Le siège de Peyralada commença le 14 juin au plus tard (H. F., XXII, 441). Dom Vaissète et les historiens modernes ont donc eu grandement tort de placer au 20 juin l'entrée des Français en Catalogne mais M. Molinier ne s'est pas trompé moins gravement en fixant au 17 juin l'arrivée du roi devant Peyralada (Hist. gén. Lang., IX, p. 108, note 4) ; son erreur vient de ce qu'il n'a consulté que le premier des comptes de Pierre de Condé.

[41] Comparez la version aragonaise, MUNTANER, chap. CXXV, et la version française, H. F., XX, 532.

[42] L'Anonyme de Ripoll (c. 566) blâme sévèrement la trahison de ceux de Castellon ; d'après d'autres chroniques catalanes, ils auraient obéi, en se soumettant, à un ordre d'en Peyre, qui désespérait de les défendre.

[43] An. de Ripoll, c. 567. — DESCLOT, p. 708.

[44] Les tablettes de cire de P. de Condé permettent d'établir très exactement l'itinéraire de l'armée française (H. F., XXII, 435-468). Le 26 juin, les croises étaient in castris versus Geronam (loc. cit., p. 467).

[45] En R. Marquet et B. Mallol avaient été investis par Peyre III, le 16 mai, de l'officium admirallorum. CARINI, p. 79.

[46] Voyez une supplique de Jean Estève de Béziers à Ph. le Bel, en 1286, pour lui demander la délivrance de G. de Lodève ; il dit qu'il fut fait prisonnier grâce à une trahison des siens, que le troubadour compare à celle de Judas. Mém. Soc. archéolog. de Béziers, 2e série, I, 221.

[47] Sur le combat de Rosas, voyez MUNTANER, chap. CXXIX-CXXXIV. Cf. une lettre du roi d'Aragon qui raconte les épisodes de la campagne (octobre 1285) aux rois de Castille, d'Angleterre et de Portugal. CARINI, p. 61. — Aurie Ann. ap. Monum. Germ. hist., XVLII, 314. — Cf. An. de Ripoll, c. 568.

[48] Nangis (XX, 534) dit que R. Roger de Pailhas et le comte de Foix allaient souvent à Girone parler à R. de Cardonne, leur parent.

[49] Sur les guérillas organisées tout le long de la route du col de Paniçars à Girone, voyez An. de Ripoll, c. 569. Cf. Hist. gén. Lang., IX, p. 108, note 7.

[50] CARINI, p. 98 (Barcelone, 28 juillet). Peyre III écrit aux profii homines de Lérida, à plusieurs villes et seigneurs que l'ost du roi de France est entré en Aragon ; comme ses troupes ne sont pas encore réunies, il estime que la guerre défensive est la plus sûre, d'autant que, par la grâce de Dieu, les ennemis diminuent autant par épidémie que par bataille. Cependant il a résolu de combattre, et il invite leurs milices à le rejoindre dix jours avant le 1er septembre.

[51] (Barcelone, 5 août). CARINI, p. 59.

[52] Voyez la version aragonaise, MUNTANER, chap. CXXXIV. — Cf. DESCLOT, chap. CLIX, et les Gesta Comit. Barc., c. 569, qui avouent la défaite des Aragonais.

[53] Voyez la version française, Nangis, XX, 534.

[54] Voyez le récit de la bataille ap. MUNTANER, chap. CXXXV. Lettre de Peyre III, déjà citée, CARINI, p. 61. — Nic. Specialis, Historia, X, 949.

[55] Lettre de Peyre III. — Nic. Specialis.

[56] MUNTANER, chap. CXXXVI.

[57] Sur le combat de Rosas, voyez Nic. Spec., loc. cit. — Barth. de Neocastro, Historia Sicula, SS. RR. II., XIII, 1107. — Nangis, XX, 534.

[58] SS. RR. II., XIII, 1108.

[59] Sur les incidents du siège de Girone, voyez surtout DESCLOT, chap. CLXIII, et l'An. de Ripoll. Il y en a de très curieux. L'Anonyme raconte par exemple que le bas peuple de l'armée, qui ne pouvait lancer des flèches contre l'ennemi, jetait des pierres contre les murs de la ville en disant : Ad indulgentiam capiendam lapidem istum mitto. Le fanatisme des croisés était surexcité au plus haut degré. Sur les circonstances de la capitulation de Girone, voyez Nangis, XX, 536 ; il accuse les négociateurs de la convention, le comte de Foix et de Pailhas Roger d'avoir laissé accorder aux assiégés des conditions trop favorables. Quelques jours plus tard, la famine aurait ouvert les portes de la ville. — Peyre III donna à R. de Cardone la permission de se rendre (de assensu domini regis). An. de Ripoll, c. 560.

[60] H. F., XXII, 454, e.

[61] MUNTANER, chap. LXXXVIII. Il y a quelques variantes de cette légende. Nicolas Specialis dit que Philippe III mourut à Peyralada, et la chronique de Montpellier à Girone. Cf. la note très convaincante de dom Vaissète sur la date et le lieu de la mort de Philippe le Hardi. Hist. gén. Lang., X, p. 40.

[62] Hist. gén. Lang., IX, p. 113, note 3.

[63] Nangis, XX, 53

[64] Contin. G. de Fracheto, XXI, 7.

[65] Hist. gén. Lang., X, pr. c. 196.

[66] Lettre de Peyre III aux rois d'Angleterre, de Portugal, etc. CARINI, p. 61.

[67] Cette date est donnée par l'inscription du tombeau de Philippe III à Narbonne, par la chronique de Saint-Paul de Narbonne et par la chronique de Saint-Denis ad Cyclos pascales. V. la discussion des textes contradictoires dans la note citée de dom Vaissète.

[68] MUNTANER, chap. CXXXIX. — Cf. DESCLOT, p. 731. Il en mourut beaucoup depuis le col de Paniçars jusqu'à Narbonne ; les chemins étaient pleins de cadavres.

[69] Continuateur G. de Fracheto. H. F., XXI, 7.

[70] Sur le tombeau de Philippe III, voyez Mercure de France, août 1718. Les chairs du roi furent inhumées à Narbonne, ses ossements à Saint-Denis, ses entrailles dans l'abbaye de la Noël en Normandie. Quant à son cœur, il fut disputé entre l'abbaye de Saint-Denis et l'ordre des Frères prêcheurs. (Voyez BOUTARIC, la France sous Ph. le Bel, p. 421.) — Fragm. de vita Ph. Audacis. H. F., XX, 541.

[71] Voyez la description détaillée du voyage à travers le Berry dans les Gesta Simonis, archiepiscopi Bituricensis. HARDOUIN, Concilia, VII, 1063. Cf. RAYNAL, Hist. du Berry, II, 254.

[72] Manumenta Parmensia et Placentina, Chron. Salimbene, p. 330.