Depuis l'expédition de Sauveterre trois ans s'étaient écoulés en négociations vaines, quand, en 1280, la guerre franco-castillane parut de nouveau sur le point de se terminer par une paix définitive. Nicolas III écrivit le 20 février à l'archevêque de Tours et à ses suffragants ; il leur rappelait les malheurs de cette lutte sacrilège qui avait entraîné peu à peu tout l'Occident dans son tourbillon[1] ; il disait les efforts impuissants du Saint-Siège pour l'apaiser, annonçant qu'il avait fait revenir à Rome les cardinaux médiateurs parce que humainement il fallait désespérer de la concorde[2] ; il ordonnait enfin de célébrer pendant la messe, dans tous les diocèses, en vue de fléchir l'esprit des belligérants, des prières publiques dont il indiquait le formulaire[3]. En même temps il invitait le roi de France à consacrer une partie des décimes pour la croisade à la défense immédiate de la Terre sainte. Il représentait, dans une bulle au roi de Castille, les souffrances des chrétiens orientaux ; il le suppliait de suspendre une guerre qui perpétuait ces souffrances. Prières et supplications ne furent pas, cette fois, inutiles. Philippe III et Alfonse X ne demandaient qu'à les exaucer ; le roi d'Angleterre déployait, de son côté, une grande activité pour leur en fournir les moyens sans que leur amour-propre fût atteint. G. de Valence et J. de Grailli avaient déjà demandé au roi de Castille, en ambassade solennelle, que pour l'amour de leur maître il conclût avec son ennemi une trêve jusqu'aux fêtes de Noël. Mais Edward Ier, voyant la tournure que prenaient les choses — propter casus emergentes —, redoubla d'instances afin qu'Alfonse X lui donnât ses pleins pouvoirs pour arrêter un armistice d'un an, pendant lequel on s'entendrait sur les conditions de la paix avec le roi de France[4]. Le 23 mai, les pleins pouvoirs furent concédés. Quelque temps après la trêve fut établie et une entrevue décidée entre les deux rois de France et de Castille[5]. Mais, chose surprenante, la suspension d'armes ne fut pas conclue
sous les auspices du roi d'Angleterre ; ce n'est pas à lui que les pleins
pouvoirs furent concédés. L'amitié me fait un devoir,
écrivait Philippe III à Edward Ier (2 juillet)[6], de vous informer de ce qui s'est passé ces jours derniers
entre nous et le roi de Castille ce roi, à la requête du prince de Salerne,
m'a envoyé des plénipotentiaires chargés de négocier une rencontre entre
nous, et une trêve provisoire, en attendant le traité de paix, d'amitié et
d'alliance que nous rédigerons. Ledit prince est venu ici, et sous sa
médiation il a été convenu que j'irais à Mont-de-Marsan, dans la quinzaine
après la Saint-Michel le roi de Castille sera à Bayonne, et le prince de
Salerne à Dax pour porter les paroles de l'un à l'autre jusqu'à ce que la réconciliation
soit accomplie. La trêve a été accordée jusqu'à la Saint-Michel et de la
Saint-Michel en un an. Comment s'était opéré le coup de théâtre qui
avait substitué brusquement, comme médiateur, le prince de Salerne au roi
d'Angleterre ? C'est ce que les agents d'Edward Ier à Paris s'empressèrent de
lui apprendre. Il reçut presque simultanément trois dépêches, l'une de
Maurice de Craon (3 juillet)[7], l'autre de M. de
Craon et de G. de Gienvile[8], la troisième de
G. de Gienvile et de Jean de Grailli[9]. Chiers sires, disaient M. de Craon et G. de Gienvile, monstrames votz letres au roi de France, à Paris, lendemein de la feste saint Johan-Baptiste e feismes vostre message sur le feit de li et du roi de Castele selonc ce qe vos noz avietz enchargié. Et sur ce Ii rois ot conseyl, et nos respondi que il n'avoit mie conseyl de parler sur celé chose à ses evesques ni à ses barons com sur chose qui n'estoit pas certaine, et nos fist dire après que il nos mercioit moult et mout bon gré vous savoit de ce que vos, en si bone volonté et en si bone foi, vos travalhiels de ceste besonhe. mais il n'entendoit mie que vos poussietz avoir tel pooir du roi de Castele, com vos cuidietz, car li rois de Castele avoit donné ce pooir au prince de Salerne, vostre cosin, qui vint à Paris le jor de ladite feste saint Johan, e duquel pooir li rois de France dist qu'il estoit certeins par les lettres dudit roi de Castele que il avoit veu et avoit oï par ses messages, et que li pooirs estoit si larges et si pleniers com il convenoit. Nos nos aperceumes bien que plusors du conselh du roi de France estoient lié de la desnaturesce que li rois de Castele vos mostroit, qui mieutz voloit si grant chose tretier par un jone homme qui de rien ne li estoit tenutz que par vos, et en oïsmes plusors paroles. Et aucun de vos amis. en estoient anuié parce qu'il ne lor sembloit mie que li rois de Castele vos feist honor, por ce que vos avietz meu la parole avant. La conduite d'Alfonse X, signataire des pleins pouvoirs du 23 mai, avait été certainement inconvenante ; car les correspondants d'Edward Ier l'informèrent que des messagers du roi de Castille avaient quitté leur pays pour la Provence environ la Pasque florie prochainement passée, c'est-à-dire alors que les négociations anglo-castillanes étaient déjà commencées. Voici l'analyse de la lettre que ces messagers avaient portée au prince de Salerne, et que Philippe III fit lire (28 juin) devant ses évêques et ses barons, en présence de Maurice de Craon. Es queus letres estoit contenu qu'il saluoit ledit prince et li fasoit asavoir que, com aucun desacort fussent entre luy d'une part, et le roy de France d'autre, de laquel chose li enuioit et li pesoit, que il li prioit qu'il vousist travalher et tretier de pès et d'accort sur cests contents, et qu'il voloyt mieux, parce que li dits prin ces estoit cousins et amis dudit roy de France, que cest close fut treitié par li que par l'Apostoyle ni par le roys d'Angleterre, ni par nulh autre... et qu'il li donnoit pooir de prendre trives. Et sachetz, sire, ajoute Maurice de Craon, que je ay entendu que les gens audit roy de Castele, sur ceste besonhe, ont dit à aucuns du conselh aucunes paroles contre vos, lesqueles je ey entendu. Et li roys de France le m'a dit que il n'en croit riens contre vos, meis qu'il entend que tot ce est por la pes et por l'amor que vos feistes avec li, sans ledit roy de Castele et sans sa volonté. Philippe III vit-il juste en cette circonstance ? Est-ce parce qu'Edward Ier avait conclu le traité d'Amiens sans la participation d'Alfonse X, que celui-ci, jadis si empressé, lui fit l'injure de repousser sa médiation avec une duplicité offensante ? Certains historiens ne l'ont pas cru[10] ; ils ont supposé avec subtilité que don Sanche, désireux de faire échouer les négociations consenties par son père, avait voulu écarter la médiation d'un prince aussi puissant qu'Edward Ier. L'inconsistance d'Alfonse X et la correction du roi de France restent, en tout cas, hors de doute. L'entrevue projetée des rois de France et de Castille devait avoir lieu en Aquitaine. Mais Mont-de-Marsan, Bayonne et Dax étaient des villes anglaises ; le roi d'Angleterre, rebuté, consentirait-il à admettre des étrangers sur son territoire ? Il y aura du danger pour vous du côté de Bayonne, lui écrivaient G. de Gienville et J. de Grailli, car le roi de Castille viendra sans doute au parlement projeté avec une grande suite. Réfléchissant qu'il serait trop tard, au moment de l'entrevue, pour lui interdire l'accès de vos terres — car les Français nous accuseraient alors de vouloir faire manquer la paix —, nous nous sommes expliqués sur ce point avec le roi de France. Il a paru nous écouter avec intérêt, et, après un silence, il nous a répondu qu'il vous avait écrit la veille sans réfléchir à cette difficulté ; il a bien compris que le roi de Castille ne pouvait entrer dans vos villes avec les siens sans votre assentiment. (11 juillet.) Philippe avait en effet mandé le 10 juillet en termes affectueux à son cousin d'Angleterre qu'il serait heureux de le voir assister au congrès de Mont-de-Marsan[11]. — Edward reçut les deux lettres, celle du roi et celle de ses agents, à Langeley, le 21 juillet, comme il se disposait à visiter pour la première fois ses provinces du Nord. Il ne répondit rien à G. de Gienvile et à J. de Grailli, car, moins soucieux de son droit strict que ces fidèles serviteurs, il avait, dès le 15, ordonné aux jurats de Bayonne et au sénéchal de Gascogne de recevoir le roi de Castille à la prochaine Saint-Michel avec les honneurs dus à son rang[12]. Auprès de Philippe il s'excusa simplement de ne point se rendre sur le continent, sous prétexte que les grands de son royaume[13] étaient présentement dispersés et ne pourraient être consultés en temps utile. Le dépit d'Edward Ier se traduisit pourtant, non sans
amertume, dans sa correspondance avec le roi de France. Vous savez, écrivit-il, que
nous avions désiré travailler de nos propres mains à la paix et que nous
avions envoyé pour cela des messagers en Castille ; mais le roi de ce pays
nous trouvant, à ce qu'il nous semble, trop paresseux et trop endormi, nous a
dispensé de cette tâche en nous laissant sans réponse[14]. Ces messagers
revinrent d'Espagne en Angleterre au mois d'août ; ils rapportaient les
instruments des négociations qu'ils avaient entamées. Edward Ier envoya aussitôt
ces documents à Philippe le Hardi, en lui demandant ses ordres[15]. — Ainsi, rien
ne devait s'opposer à la tenue du congrès en septembre. Le roi se mit effectivement en route dans les premiers ours de ce mois[16], mais les opérations diplomatiques ne commencèrent réellement qu'en décembre, à cause des retards d'Alfonse X[17]. Elles ne justifièrent pas, du reste, les espérances qu'elles avaient fait naître. Pourtant, les deux rois s'installèrent, l'un à Bayonne, l'autre à Mont-de-Marsan ; le prince de Salerne, qui s'entoura de discrètes personnes désignées par les deux partis, à Dax, suivant les conventions[18]. Au bout d'une semaine dépensée en pure perte, le prince alla à Bayonne ; mais là, il ne put obtenir pour les infants de la Cerda autre chose que le royaume de Jaën, qu'ils auraient reçu en fief de don Sancho[19]. Quand le roi de France et ses barons connurent le texte de ces propositions, ils les rejetèrent avec indignation ; ils ne se seraient pas contentés à moins du royaume de Castille ou de celui de Léon. Là-dessus, le roi, qui, d'après les chroniques de Saint-Denis, n'avait jamais cessé de penser il réunir une nouvelle armée[20], s'éloigna (20 décembre) sans en entendre davantage. Il va célébrer la Noël à Moissac, dit un rapport du sénéchal de Gascogne à Edward Ier ; sur son ordre, je l'accompagne jusqu'aux limites de vos domaines ; de là, il ira il Toulouse pour avoir parlement avec le roi d'Aragon. Il me semble, du reste, que les deux rois et leur suite partent fort contents de vous et des vôtres[21]. On connaît fort mal l'histoire du congrès de Toulouse, qui eut lieu, comme on voit, aussitôt après la rencontre de Mont-de-Marsan. G. de Nangis dit seulement que P. d'Aragon fut reçu à Toulouse très honorablement, et que le roi lui fit des cadeaux. On n'a, d'ailleurs, d'autre compte rendu que celui des Gesta comitum Barchinonensium, et celui de Muntaner, dont la chronologie est imparfaite et l'impartialité douteuse[22]. Ce parlement, quoi qu'on en ait dit, eut lieu au mois de janvier 1281 le prince de Salerne et le roi de Majorque y assistaient, outre les rois de France et d'Aragon. Philippe III demanda sans doute la délivrance des infants de Castille, enfermés à Xativa. Il tâcha de détourner en Peyre de l'alliance castillane en expliquant sa conduite dans l'affaire de Foix, et surtout de réconcilier la maison d'Aragon avec celle d'Anjou en apaisant leurs rivalités en Italie[23]. Enfin il fit quelques concessions à propos de Montpellier pour amadouer les deux frères d'Aragon, promettant, au dire de Muntaner, de ne jamais acquérir par échange ou autrement l'évêché de Maguelonne, dont dépendait la seigneurie de Montpellier. De plus, il confirma sa bonne amitié avec le roi de Majorque cet arrangement et plusieurs autres bonnes conventions étant terminées, ils se séparèrent. Le roi de France s'en revint par Cahors et Figeac ; le roi en Peyre retourna en Catalogne ; quant au roi de Majorque et au prince de Salerne, ils partirent ensemble, et je les vis entrer à Perpignan, où ils passèrent huit jours au milieu des fêtes[24]. Quand Philippe III revint en France, l'horizon politique était bien changé. Depuis cinq ans la papauté avait orienté toutes les âmes du côté de la croisade ; on avait nourri l'espérance d'une paix chrétienne qui aurait été le signal de la guerre sainte. Or, l'entrevue de Mont-de-Marsan venait de démontrer que la paix avec la Castille était moins prochaine que jamais ; l'entrevue de Toulouse, qu'en dépit des apparences amicales, l'Aragon était prêt à rompre à son tour avec les Capétiens de France à cause de leur clientèle angevine. En Peyre n'y avait rien cédé au sujet des infants de la Cerda ; il y avait en revanche étalé sa haine contre le prince de Salerne. Un nouveau pape occupait le siège de Pierre, qui, contrairement à la tradition des Grégoire X, des Jean XXI, des Nicolas III, paraissait modérément zélé pour l'expédition d'outre-mer et pour la paix[25]. Martin IV, qui, sous le nom de Simon de Brie et de cardinal-de Sainte-Cécile, avait été si longtemps légat en France, était aussi dévoué à Charles d'Anjou que Nicolas III lui avait été hostile ; il lui devait son élection, enlevée, le i8 janvier 1281, comme par surprise. Né en France d'une famille qui comptait quelques-uns de ses membres dans les conseils du roi, il allait mettre de très bonne foi l'autorité pontificale au service de ses protecteurs. Dès lors, on ne parla plus de la croisade sarrasine que par acquit de conscience. Les querelles de Charles d'Anjou, confinées à l'origine en Sicile, en Provence, dans le royaume de Naples, enflammèrent toute l'Italie et le royaume d'Arles ; le Saint-Empire et l'Angleterre s'y trouvèrent mêlés ; elles mirent aux prises la France et l'Aragon, greffant de nouvelles inimitiés sur les anciennes ; enfin, elles grandirent, avec la complicité du Saint-Siège, jusqu'aux proportions d'une croisade prêchée dans toute la chrétienté, non contre les Infidèles, mais contre les héritiers de Manfred. Les cinq années qui s'écoulèrent à partir de 1280 constituent donc, en quelque sorte, la période angevine du règne de Philippe le Hardi. Pendant cette période, le roi, déjà protecteur de Jeanne de Navarre et des infants de la Cerda, se trouva successivement invoqué par Marguerite de Provence contre Charles d'Anjou, par le pape contre les Gibelins d'Italie, par Charles d'Anjou contre le roi d'Aragon. Ainsi, partout la guerre ; et, sauf au sud-ouest, partout des guerres angevines. Il y avait longtemps que Marguerite de Provence intriguait contre Charles d'Anjou, de concert avec Aliénor d'Angleterre, pour récupérer une part de son patrimoine provençal[26]. Elle avait demandé à prêter hommage à l'Empereur, dont la Provence relevait[27]. Quand Rudolf de Habsbourg avait formé le projet d'unir sa fille au roi de Sicile, elle avait signalé le danger à son fidèle neveu, Edward Ier[28]. Mais à partir de 1280, et surtout après les visites du prince de Salerne à Paris, elle agit avec une nouvelle vigueur. Entrée dans la vassalité impériale, elle invita le roi d'Angleterre par l'intermédiaire de son clerc, Me G. de Beaufort, à l'aider à reconquérir son héritage. En même temps, elle obtint de Philippe III la promesse de lui prêter main forte et la permission de requérir l'aide de ses amis dans le roiaume e aillors[29]. Ses messagers ayant constaté à Rome que l'intention du roi de Sicile était de la mener par paroles, elle déclara que son conseil était d'aler avant en sa besogne et de la pourchacer par la force. Sur ces entrefaites, le prince de Salerne vint apporter à Paris ses projets de médiation entre la France et la Castille. Dieu doint, écrivait prophétiquement, le 4 août, la reine douairière, que bien en vigne, de laquel chose nos n'avons pas graunt espérance ; mais nous avons en consoil de metre en délai nostre besoigne jusquetant à... que cest tretiés que le prince a aporté tornera. Après l'échec de la conférence de Mont-de-Marsan, Marguerite reprit sa liberté d'action, et, sûre de l'appui d'un contingent anglais[30], elle convoqua pour l'automne de 1281, à Mâcon, une assemblée de ses partisans. Jean de Grailli, sénéchal de Gascogne, l'accompagnait ; et comme, pour la pesanteur de son corps, elle n'avait pu arriver sans délai en Bourgogne, Edward Ier, sur sa prière, prolongea la mission de cet habile homme auprès d'elle[31]. A Mâcon, une foule de seigneurs était réunie la reine leur montra le droit qu'elle avait en la terre de Provence, le grant tort que li rois de Sicile li avoit fait, comment elle avoit poursuivi son droit devant plusors apostoiles et comment le roi d'Allemagne avoit reçu son hommage. Elle les requit qu'ils l'aidassent à recouvrer son droit et empeschier que li prince de Salerne ne poust venir au roiaume d'Arle et de Viene que il porchaçoit vers l'Empereur. Ils jurèrent de s'employer à son service et en donnèrent leurs lettres scellées. Rendez-vous fut fixé à Lyon, en armes, au commencement du mois de mai de l'année 1282[32]. La ligue féodale de Mâcon s'était formée avec l'assentiment de Philippe III ; Edward Ier y envoya aussitôt son adhésion[33], avec cette sage réserve que, pendant les six mois à venir, il tenterait encore la voie des négociations. En effet, il écrivit au pape pour solliciter son intervention et à Charles d'Anjou pour lui représenter que s'il lui paraissait dur de tirer l'épée contre un prince uni à sa maison parles liens du sang et de l'amitié, il ne saurait refuser de secourir sa mère et sa tante, au cas où elles ne recevraient pas satisfaction[34]. Il répondit aussi au prince de Salerne, qui lui avait dénoncé les délibérations de l'assemblée de Mâcon, et qui semblait disposé à déterminer la besogne, non par force d'armes, mais par droit et sanz péril. Regardée, lui écrivit-il, l'amour ke madame de France, nostre taunt, a eu tus jurs à nus... lui grauntasmes d'ayder la... [mais] si hom peust trover autre voye resnable, nus i metrons volontiers le conseil que nus porrum[35]. Ces menaces et ces remontrances n'agirent guère sur Charles d'Anjou. Martin IV, en son nom, se contenta de prodiguer de belles paroles au roi d'Angleterre[36] ; aussi Edward, comme le bruit courait que le rendez-vous du mois de mai était prorogé, réitéra-t-il ses assurances antérieures à Marguerite de Provence[37]. Cependant, quand le terme fut échu, les partisans de Marguerite et d'Aliénor ne partirent point à la conquête de la Provence ; Edward Ier, surpris par une révolte des Gallois, avait dû au dernier moment s'excuser de les soutenir. La reine mère supporta ce contre-temps avec beaucoup de philosophie. Sachez, dit-elle, que nous vous avons bien excusé de cette besogne quant à ores, et sachez que nous nous convenons de délaier la nostre besoigne jusque tant que Nostre Sire ait mise en bon point la vostre[38]. Philippe III travaillait, de son côté, à accorder son oncle et sa mère ; en juin, le prince de Salerne s'engagea nettement, à Paris, à faire sanctionner par son père un projet d'accommodement qui venait d'être ordonné sous les auspices du roi de France[39]. Celui-ci fut même choisi comme arbitre lorsque l'orgueil de Charles d'Anjou se fut assoupli. Marguerite donna ses pouvoirs à l'abbé de Saint-Étienne de Dijon, et à Pierre le Blanc, son clerc[40] ; son adversaire, à G. de Farouville, prieur de Douai, et à H. de Châlons, chanoine de Tours[41] ; la cour de Philippe devint le tribunal où le grand procès de Provence fut définitivement débattu[42]. La voie de guerre était abandonnée. La veille de sa mort (6 janvier 1285, à Foggia), Charles d'Anjou confia, par une sorte de testament[43], la tutelle des comtés d'Anjou, de Provence et de Forcalquier à Philippe le Hardi jusqu'à la délivrance de son fils, alors prisonnier des Aragonais. La sentence arbitrale fut enfin rendue Marguerite renonça au comté de Provence moyennant un revenu de 2000 livres tournois à prendre sur le comté d'Anjou. L'affaire de Provence reçut ainsi la plus heureuse solution. Si elle avait entretenu l'agitation dans le royaume d'Arles, elle avait, du moins, démontré l'impuissance du chef nominal de ce royaume car il ne paraît pas que le roi des Romains ait été consulté au sujet de la ligue de Mâcon. Les historiens allemands blâment sévèrement Rudolf de Habsbourg, qui ne fit preuve, à leur avis, ni d'énergie ni de clairvoyance patriotique. Aussi les grands seigneurs des Alpes et de la vallée du Rhône regardèrent-ils, dès lors, plus que jamais, vers la royauté française[44]. En 1280, Philippe le Hardi régla souverainement les différends de Thomas de Savoie et du marquis de Montferrat[45] ; le comte de Bourgogne, si dévoué à la dynastie capétienne, épousa la fille de Robert d'Artois[46], mariage qui devait plus tard donner la Franche-Comté à la France. Mais Rudolf de Habsbourg-, d'ailleurs en guerre ouverte avec le comte de Savoie, était trop occupé à forger des mariages chimériques entre ses enfants et ceux des maisons de Sicile et d'Angleterre pour s'apercevoir que les droits de l'Empire s'émiettaient sur toutes ses frontières. N'alla-t-il pas, le 16 novembre 1281, jusqu'à placer sous la sauvegarde du roi de France l'évêque et l'évêché de Toul, comme il avait fait jadis pour l'abbaye d'Orval[47] ? Il crut, à la vérité, prendre sa revanche en célébrant à Remiremont, en février 1284, son mariage avec une sœur du duc Robert de Bourgogne — il avait soixante-six ans ; la fiancée en avait quatorze —. En effet, en investissant son nouveau beau-père des droits qu'il avait en Dauphiné, il comptait restaurer sa propre autorité dans ces contrées mais on vit bien, en cette circonstance, ce que valait l'investiture impériale. Robert de Bourgogne se heurta aux droits d'Humbert de la Tour du Pin ; et la guerre privée qui éclata entre les deux princes pour la possession du Dauphiné ne prit fin, en 1286, que grâce à l'intervention de Philippe le Bel. Dans l'affaire de Provence, le roi d'Angleterre avait tenu une conduite non seulement honorable, mais habile, car son projet d'intervention armée dans le royaume d'Arles en faveur de sa mère et de sa tante se liait dans son esprit à un plan très vaste il voulait faire donner ce royaume, où sa maison avait quelques biens, soit à Hartmann, fils de l'Empereur, qui aurait épousé sa fille, soit à la maison de Savoie qui lui était fort attachée. On ne saurait trop admirer l'activité du roi anglais ; il était à la fois sur la brèche du côté de la vallée du Rhône et du pays de Galles ; les fils de toutes les intrigues européennes, en Castille, en Aragon, en Italie, se raccordaient entre ses mains ; et il trouvait encore le loisir de veiller, sur le continent, à ses intérêts comme duc d'Aquitaine. De 1280 à 1285, il n'y eut en Aquitaine que deux affaires graves, celle de Géraud V d'Armagnac et celle de la succession de Bigorre ; comme elles ont été quelque temps à l'ordre du jour de la politique, nous les raconterons brièvement avant d'aborder l'histoire des grandes affaires internationales qui ont marqué la fin du règne. On se souvient que Géraud V d'Armagnac ayant pris part, en 1272, à l'insurrection du comte de Foix, en avait été puni par une amende. Ce seigneur, ainsi que son frère, l'archevêque d'Auch, avait gardé depuis de la haine contre les Français, haine ravivée par de continuels différends avec le sénéchal de Toulouse ; il rechercha naturellement la protection du duc d'Aquitaine. Telle est du moins l'opinion commune ; mais le sénéchal d'Edward Ier, Jean de Grailli, ne la partageait pas il pensait au contraire que le comte d'Armagnac et l'archevêque, gagnés à la France, étaient d'accord, au fond, avec les officiers français qui feignaient de les persécuter, pour nuire à la juridiction du duc. Il y a donc deux interprétations possibles des événements qui se passèrent dans l'Armagnac en 1282. On m'a donné à entendre, écrivait à Edward Ier son fidèle serviteur, et je crois fermement qu'il a été convenu entre le roi de France et l'archevêque d'Auch, non sans la connivence de Mgr G. d'Armagnac, que ledit archevêque soumettrait son temporel à la cour de France, ce qui pourrait s'étendre au temporel de toutes les églises de la province d'Auch ; l'archevêque vous réclamerait alors l'Armagnac et le Fézensac, qui appartiennent, suivant lui, à l'église d'Auch, avec l'approbation de ladite cour et la collusion du comte... Vous allez recevoir prochainement des messagers de Mgr Géraud, qui vous présenteront des requêtes ; il ne leur déplairait peut-être pas qu'on leur répondit durement, car celui-là cherche les occasions qui veut rompre avec un ami. Jean de Grailli recommandait en terminant : 1° de répondre avec prudence aux messagers du comte ; 2° d'écrire à l'archevêque et au comte qu'on était bien fâché des vexations que leur infligerait le sénéchal de Toulouse, et qu'on leur conseillait de persister dans leur loyalisme ; 3° d'agir auprès de la cour de Rome. Le 19 mai, Jean de Grailli rédigea une nouvelle dépêche à Montflanquin en Agenais[48]. Sachez, sire, que le comte d'Armagnac a été enfermé au château de Toulouse ; lui et l'archevêque ont été si tourmentés par le sénéchal qu'ils ont été obligés de lui livrer le château et la ville d'Auch, mais le procureur dudit G. a déclaré que ce que ledit G. possède en ces lieux, il le tient de vous en hommage lige. Je pense cependant, avec plusieurs autres, que les deux frères sont ainsi opprimés afin qu'ils soient à la fin forcés de se soumettre au roi de France d'une certaine manière dont vous avez déjà entendu parler[49], et il ne semble pas qu'ils puissent supporter longtemps de telles vexations. Le gouverneur d'Agenais envoya aussi en Angleterre un homme chargé d'expliquer au roi la cause véritable de l'arrestation du comte d'Armagnac[50]. Voici ce qui était arrivé un certain Bernard d'Astarac avait construit dans les environs d'Auch la bastide de Pavie[51] que Philippe III avait prise sous sa garde, afin que les habitants de la bastide pussent inquiéter ceux d'Auch en toute sécurité. Un jour que G. d'Armagnac était à Toulouse, les gens de Pavie razzièrent les troupeaux des Auscitains ; il s'ensuivit une bagarre qui laissa sur le terrain des morts et des blessés. Ajourné par le sénéchal à raison de ces faits, le comte éprouva un déni de justice ; il en appela au Parlement ; sur quoi le sénéchal l'arrêta et le conduisit à Paris. Cette version est celle de G. d'Armagnac lui-même, dans une lettre qu'il adressa à Edward Ier, le 6 octobre, du château de Péronne, où il avait été transféré[52]. La version de dom Vaissète, d'après les archives d'Albi, est différente[53] : le comte aurait fortifié Auch, et, pour s'en saisir, Eustache de Beaumarchais aurait du lui livrer bataille. Les deux récits concordent, du reste, sur les points essentiels. Edward Ier partagea-t-il la défiance que Jean de Grailli exprimait dans ses rapports secrets[54], on ne saurait l'affirmer ; toujours est-il qu'il ne secourut pas son vassal ; il l'assura seulement de sa condoléance, l'autorisa à se servir du ministère de ses avocats à la cour de France, et intercéda pour lui auprès de ses amis de Paris. Les soupçons du sénéchal de Gascogne contribuèrent peut-être à lui faire observer une attitude aussi réservée. En 1283, la succession d'Eschivat de Bigorre ouvrit une nouvelle ère de difficultés entre le duc d'Aquitaine et Gaston de Béarn. Même du vivant d'Eschivat, homme d'un caractère faible et versatile[55], il y avait eu des batailles entre Béarn et Bigorre[56] ; quand il fut mort sans postérité, Gaston, agissant en vertu des prétentions de sa fille Constance, nièce du dernier comte, entra dans le Bigorre et reçut les hommages des gentilshommes, au préjudice des droits de Laure de Turenne, veuve d'Eschivat, et contre la défense formelle du sénéchal de Gascogne. L'infatigable Jean de Grailli se rendit aussitôt sur les lieux (Rameaux 1284), pour étouffer la révolte en son germe[57] ; il prit possession du pays, malgré les protestations de G. de Béarn, qui refusa de lui faire jurer fidélité par les habitants pour la durée du séquestre[58]. Cette promptitude empêcha probablement le comte d'en appeler, comme jadis, à la cour de France ; Constance alla, quelques mois après, implorer son pardon en Angleterre[59] ; enfin, le 10 septembre, G. de Béarn se soumit au payement de dommages-intérêts convenables par un acte passé à Paris, hors du Parlement, sous la garantie de G. d'Armagnac, d'Amanieu des Fossés et du sire de Navailles[60]. — On sait d'ailleurs que cet accord ne mit fin qu'à un incident préparatoire, et que les procès nés de la succession de Bigorre se sont perpétués jusqu'au début du XIVe siècle[61]. En somme, pendant la troisième période du règne de Philippe III, comme pendant les deux premières, ce n'est ni vers l'Empire ni vers les domaines anglo-aquitains que se concentra l'attention du gouvernement de Philippe III. Les affaires de Provence, d'Armagnac et de Bigorre ne furent, pour ainsi dire, que des intermèdes ; la véritable pièce, qui fut, cette fois, non plus une comédie diplomatique, mais une tragédie sanglante, se joua entre la France, l'Italie et l'Espagne. Après la rupture des conférences de Mont-de-Marsan, la trêve entre la France et la Castille subsista plusieurs mois. Pendant cet intervalle, Edward Ier, jamais découragé, revint encore à la charge ; en juillet 1281, il proposa à Alfonse X une entrevue, pria Philippe III de le laisser s'entremettre, et, pour faciliter ses opérations, de consentir à la prolongation de la trêve[62]. Le roi ne répondit qu'en décembre, annonçant que, sur les instances du pape, il était disposé à suspendre encore les hostilités ; Martin IV devait s'occuper à son tour d'une pacification définitive. Les offres du roi d'Angleterre étaient donc de nouveau dédaignées[63]. Aussi bien, don Sanche de Castille n'avait pris la trêve que comme une préparation à la guerre. Le 27 mars 1281, il avait resserré son alliance avec le roi d'Aragon dans une conférence près d'Agreda, où les deux princes s'étaient entendus pour envahir et se partager la Navarre[64]. Si les hostilités n'éclatèrent pas de nouveau, c'est qu'une guerre civile inattendue, bien mieux que tout arbitrage, réduisit ce dangereux ennemi à la modération. Alfonse X n'aimait point don Sanche ; il le craignait. Voyant que le peuple le délaissait, comme Saül, pour suivre en toutes choses les volontés de ce nouveau David, vainqueur des Mores, il s'irrita. C'était don Sanche qui avait donné à la guerre contre la France un caractère implacable. Alfonse, abandonné à lui-même, aurait traité depuis longtemps il avait toujours eu des sentiments tout paternels pour les enfants de don Fernando de la Cerda, ses petits-fils, dépouillés et persécutés par son héritier désigné. En 1282, puisant de la résolution dans l'inconscience de son extrême faiblesse, il prit donc le parti de déshériter son ainé ; sachant qu'il comblait ainsi les désirs de Philippe III, il lui expédia en secret l'évêque d'Oviedo, qui était Français d'origine, pour convenir avec lui des moyens propres à délivrer les infants, toujours prisonniers en Aragon. Il avait annoncé officiellement que l'évêque d'Oviedo allait à la cour de Rome, mais don Sanche découvrit le mensonge. Fort de l'approbation des Cortès de Valladolid, qui garantirent son droit de succession, ce prince menaça son père ; celui-ci s'allia aussitôt au roi de Maroc ; don Sanche s'adressa, de son côté, aux Mores de Grenade, et quand, le 8 novembre 1282, Alfonse X eût solennellement privé, à Séville, son fils rebelle de ses droits à la couronne, la Castille se trouva déchirée entre deux partis. Philippe III avait lieu de se féliciter de ces événements. Alfonse X, converti à la cause des infants, implorait maintenant ses secours ; bien plus, il les faisait demander par son étrange auxiliaire, Yacoub, fils d'Abd-Alhakk, émir du Maroc, dont nous avons encore les lettres, adressées en langue arabe au roi de France[65]. Alfonse implorait aussi Martin IV, le pape français, qui refusa, à la vérité, de lui envoyer un légat a latere[66], mais qui s'employa auprès d'Edward Ier[67] et de Philippe[68] pour leur persuader d'aider un père contre ses fils coupables. Martin IV finit même par enjoindre au clergé de Castille de combattre l'usurpateur et par frapper d'interdit les partisans de don Sanche[69]. Philippe, intéressé à la prolongation du désordre et au triomphe d'Alfonse X, permit alors aux garnisons de Navarre de ravager les frontières de Castille, jusqu'à Tolède, de concert avec les grands de ce royaume que la sentence du pape avait détachés de don Sanche[70]. Quant à Edward Ier, il avait désigné, dès le début des hostilités, Gaston de Béarn, avec cent chevaliers, pour marcher au secours d'Alfonse X, son beau-frère[71], et il solda jusqu'à la fin les dépenses de cette compagnie[72]. Grâce aux musulmans d'Afrique, aux contingents de Gascogne, aux garnisons de Navarre et à la bénédiction du pape, la guerre se perpétua donc au delà des Pyrénées, comme on le désirait en France. En vain y eut-il des tentatives et même des apparences de réconciliation[73]. La mort d'Alfonse X, arrivée au mois de mai 1284, ne rendit même pas à don Sanche la liberté de ses mouvements. En effet, don Juan de Lara, avec une troupe de Navarrais, tenait la ville d'Albarazin, d'où il désolait la Castille et l'Aragon ; il fallut le combattre ; les attaques de l'émir de Maroc empêchèrent aussi le nouveau roi de se mêler activement aux différends de la France et de l'Aragon en 1284-85. On sait, d'ailleurs, que Philippe III lui députa alors une ambassade pour l'inviter à n'avoir rien de commun avec les Aragonais excommuniés. Don Sanche, quoiqu'il n'eût point conclu la paix avec Philippe, fut ainsi amené à assister en simple spectateur à l'invasion simultanée de la Navarre par les Aragonais et de l'Aragon par les croisés[74]. Il était réservé à Philippe le Bel de mettre fin officiellement ü cette guerre entreprise pour les infants de la Cerda, qui, sans être fort meurtrière, avait continuellement préoccupé son père pendant près de dix ans. Du reste, à partir de 1280, l'axe de la politique française s'était déplacé ; la guerre de Castille était tombée au rang d'un embarras secondaire ; les choses d'Italie avaient commencé absorber l'attention et les forces du gouvernement de Philippe III. Philippe fut, en effet, depuis les voyages du prince de Salerne, le patron des Guelfes contre les Gibelins de la péninsule et les Gibelins d'Aragon ; son entourage féodal, dévoué à la cause angevine et amoureux de hasards, l'amena aisément à se laisser subjuguer, comme en 1270, par l'ascendant de Charles d'Anjou. La royauté capétienne n'avait guère engagé, jusque-là, que des guerres défensives et profitables ; Philippe inaugura malheureusement la mode de ces lointaines expéditions d'apparat que ne justifiaient ni l'intérêt bien entendu de la couronne ni l'intérêt supérieur de la justice ; il a lancé le premier la France dans les aventures qui, sous la famille des Valois, ont énervé la virilité du royaume. Martin IV se trouva aux prises, dès le lendemain de son élection, avec les Gibelins des États pontificaux. Les Orsini, parents du pape défunt, les barons.de Romagne et les citoyens romains détestaient celui qui s'était empressé de rendre au roi de Sicile le titre de sénateur de Rome que Nicolas III lui avait enlevé. Martin IV fut obligé, le 23 mars 1281, de se faire consacrer à Civita-Vecchia et do demander il ses protecteurs guelfes des troupes pour s'installer. Naturellement, Charles d'Anjou, dont il était la créature, lui fit passer des secours, huit cents hommes, sous le commandement du Français Jean d'Eppe, qui fut nommé recteur de Romagne pour l'Église[75]. Mais c'est en France même que le pape recruta le plus de soldats pour sa guerre de Romagne, et c'est de Philippe III qu'il reçut l'aide la plus efficace. Comment le roi aurait-il résisté aux prières d'un pape qui, depuis son élévation, l'accablait de privilèges spirituels[76], qui paraissait mener avec une ardeur extrême le procès de la canonisation de Louis IX, et qui mettait à son service le glaive du Saint-Siège[77] ? Il permit aux agents du pape, Guillaume Durant et Henri, chanoine de Limoges, d'enrôler des hommes et d'emprunter de l'argent dans le royaume[78] ; il promit un contingent de chevaliers et d'arbalétriers[79] ; il dépensa, pour les entretenir en Romagne, une somme de près de 55.000 livres[80] ; enfin il consigna au trésor du Temple 100.000 livres prélevées sur le produit des décimes pour la croisade, qu'il mit à la disposition de Martin IV[81]. Il mérita ainsi d'exercer une certaine influence sur la direction de la guerre de Romagne. Grâce à lui, Gui de Montfort, le meurtrier du comte Henri l'Allemand, délivré des prisons de l'Église romaine, fut mis à la tête de l'armée pontificale[82] ; et quand cet habile homme eut réduit à l'extrémité le chef des Gibelins, Guido de Montefeltro, on dit communément que la Romagne était rentrée sous l'obéissance du pape, non pas tant par amour que par crainte des Français[83]. Les Romains révoltés avaient cherché aussi des alliés hors de chez eux ; et, d'après certaines chroniques, quelques-uns avaient conclu un pacte avec P. d'Aragon[84], car ils avaient la même trinité d'ennemis que ce prince Martin IV, Charles d'Anjou et Philippe III. En 1282, Charles d'Anjou s'était cru arrivé au moment favorable pour la réalisation de ses desseins sur l'Orient. Martin IV avait excommunié l'empereur Paléologue, infidèle aux engagements pris au concile de Lyon une armée se formait dans le royaume de Naples pour envahir la Grèce byzantine. Une seule crainte agitait Charles c'était que le roi d'Aragon ne profitât des dispositions de la population indigène de la Sicile, excédée du joug très dur des Angevins, pour faire valoir, pendant l'absence du maître, les droits de sa femme Constance sur ce pays. Le roi d'Aragon, l'Empereur grec et les Gibelins d'Italie pouvaient se confédérer secrètement pour lui faire échec. Or, la nouvelle s'était répandue tout d'un coup que Peyre d'Aragon réunissait une flotte pour une destination inconnue. Tout l'univers était à penser, dit Muntaner[85], le vol que prendrait notre prince avec ses ailes étendues. Le roi de France s'inquiéta aussitôt pour le compte de son oncle ; il réclama des explications par l'intermédiaire de deux ambassadeurs, A. de la Loayse et Jean de Carroaix ; on a le rapport de ces personnages et le texte de leur message[86]. Le 19 mai 1282, ils présentèrent leurs lettres au roi d'Aragon aux environs de Tortose ; puis, devant sept membres de son conseil, ils lui dirent que Philippe III ignorait encore le but de son expédition s'il avait l'intention de la diriger contre les païens du pays barbaresque, le roi l'en félicitait ; mais s'il armait pour attaquer le roi de Sicile ou le prince de Salerne, tout ce qui serait fait contre eux serait fait contre Philippe lui-même. — En Peyre répondit simplement que sa volonté avait toujours été de faire le service de Dieu[87]. A. de la Loayse et son compagnon interprétèrent ingénument cette réponse comme une promesse de ne pas aller contre le roi de Sicile. Ces naïfs diplomates ajoutent, dans le compte rendu de leur mission, que les gens de Catalogne paraissaient bien disposés pour les Français, et que tuit cil qui savoient pourquoi nous estions là alé an estoient tuit lié par samblant. Mais, à Paris, on s'aperçut bien que la réponse d'en Peyre était ambiguë et menaçante ; on continua à prendre des mesures propres à permettre de soutenir par la force la défense faite d'attaquer Charles d'Anjou empêchements mis l'exportation des chevaux[88], proclamation du ban féodal dans les provinces du Languedoc[89]. De plus, on prévint le roi de Sicile. Celui-ci n'était déjà que trop bien informé du renversement de toutes ses espérances. Il ne songeait plus à conquérir l'Empire grec, car, le 30 mars, la célèbre catastrophe des Vêpres siciliennes lui avait révélé combien profonde était la désaffection de ses sujets ; il comprenait assez que si le roi d'Aragon n'avait pas trempé dans la conspiration sicilienne, il n'attendait que l'occasion d'en profiter, et que ses préparatifs étaient suspects. Une ambassade envoyée par Martin IV à en Peyre n'avait pas eu plus de succès que celle d'A. de la Loayse elle n'avait rapporté aussi qu'une réponse énigmatique. Philippe le Hardi apprit, à la fin du mois de mai, la nouvelle des Vêpres siciliennes[90] ; une lettre de Charles d'Anjou, datée du 9, lui annonça[91] la rébellion de l'île. Elle le requérait, en termes affectueux, de permettre au comte d'Artois et à cinq cents hommes d'armes de venir en Italie pour mettre hastif conseil ses besoignes, et de leur prêter l'argent du voyage[92]. La fleur de la chevalerie française obéit bientôt à cet appel, avec l'agrément du roi ; on vit partir Pierre d'Alençon, fils de France, Robert d'Artois, le comte de Bourgogne, les comtes de Boulogne et de Dammartin, Mathieu de Montmorency et beaucoup d'autres gentilshommes. Ils traversèrent l'Italie bannières déployées[93] ; plus d'un allait mourir en Pouille, de même que leurs compatriotes étaient morts à Urbino, à Forli, au service de Martin IV. Ainsi, le plus pur sang de la France se perdait en Italie ; il s'établissait à travers les Alpes comme un courant continu entre la métropole et les colonies angevines. En octobre, le prince de Salerne, en novembre, le comte d'Alençon, chacun avec un corps d'armée, passèrent par Florence[94], marchant vers le royaume de Naples ; ils trouvèrent Charles d'Anjou, qui les attendait, dans les plaines de Saint-Martin de Calabre. Jusque-là, le roi de Sicile, réduit à ses seules forces, n'avait pas été heureux ; après avoir perdu beaucoup de temps au siège de Messine, il avait été obligé de se replier en deçà du Phare, pendant que le roi d'Aragon soulevait l'île tout entière. Le roi d'Aragon, en effet, avait cinglé d'abord, par une feinte habile, du côté de l'Afrique ; mais, à Alcoyl, ayant reçu les messagers des Siciliens qui le proclamèrent leur seigneur, il s'était laissé aisément persuader de débarquer dans leur île[95]. Arrivé le 30 août à Trapani, il avait été couronné à Monréal par l'évêque de Cefalu ; pour son coup d'essai, il avait contraint Charles d'Anjou à la retraite par la seule apparition de sa flotte dans le détroit de Messine. Comme la venue de Robert d'Artois et de Pierre d'Alençon rétablissait l'équilibre entre les deux adversaires, il semblait que la guerre dût entrer dans une phase décisive ; il n'en fut rien. Les rebelles et les Aragonais fuyaient, évitaient le combat. Lors, dit le chroniqueur de Saint-Denis[96], le prince d'Aragon, sachant la valeur du roi Charles et la présence des renforts de France, aimant mieux combattre par ruse qu'autrement, pour se préparer il la défense et se pourvoir des choses nécessaires, manda à son rival qu'il était prêt à se mesurer avec lui corps il corps, cent chevaliers choisis de chaque côté, et il l'assigna au 1er juin suivant, à Bordeaux. La Sicile serait le prix du combat. G. de Nangis tranche ici avec trop d'assurance une question difficile. Il n'est point certain que P. d'Aragon ait eu l'initiative du défi ; les chroniques italiennes et catalanes disent, au contraire, qu'il fut provoqué[97]. Quoi qu'il en soit, les conditions de cet étrange appel au jugement de Dieu furent arrêtées, après de longues négociations, par un traité solennel, publié le 30 décembre 1282, qui spécifia dans le plus grand détail le règlement du champ clos[98]. Que le roi d'Aragon ait, en effet, voulu gagner du temps, que Charles d'Anjou ait voulu se ménager une raison pour aller en France conférer avec Philippe III, ou que tous deux aient résolu sans arrière-pensée de décider leur querelle par une procédure qui, si bizarre qu'elle fut, n'était pas absurde aux yeux des hommes du moyen âge, c'est ce qu'il est impossible de décider. On sait seulement que Charles d'Anjou, abandonnant la régence à son fils, quitta son royaume au commencement de l'année 1283. Il visita Rome ; le pape, selon Nangis, essaya vainement de le détourner de la rencontre projetée ; mais il est probable que cette visite eut un tout autre objet ; le roi de Sicile, qui avait des desseins profonds, y suggéra probablement à Martin IV l'idée de lancer une croisade contre l'Aragon Martin IV publia, en effet, quelques jours après son passage, la bulle qui privait en Peyre de son royaume, jusqu'à ce qu'il eût fait satisfaction à l'Église romaine[99]. Charles d'Anjou était à Florence au mois de mars[100], et bientôt à Paris. Quant à son adversaire, il rentra en Aragon, d'où il envoya à Messine sa femme Constance et son fils, pour le remplacer auprès des Siciliens. Philippe III accueillit sans répugnance la folie chevaleresque de son oncle ; il s'était empressé de faire faire, à la nouvelle du duel projeté, cent armures pour les champions ; il recruta même des chevaliers pour la bataille de Bordeaux, les plus renommés qu'il eut en son ost, auxquels il aurait bien confié sa vie et sa seigneurie[101]. — Edward Ier montra plus de bon sens non seulement il refusa à la reine Constance de faire cause commune avec les Aragonais[102], quoiqu'un mariage fût décidé entre sa fille et l'infant d'Aragon, mais encore il déclina nettement la surveillance du champ clos de Bordeaux. Sachez, en vérité, écrivait-il à Charles d'Anjou, que, pour gagner deux royaumes comme ceux de Sicile et d'Aragon, nous ne serions gardien du champ de ladite bataille, mais mettrons peine et travail que paix et accord soit entre vous. Le pape aurait donc pu s'abstenir d'exhorter le roi d'Angleterre, par sa bulle du 5 avril, à ne pas favoriser l'exécution des conventions du 30 décembre[103] ; mais les traditions ecclésiastiques avaient fait une loi à Martin IV d'élever la voix pour anathématiser l'appel au jugement de Dieu[104]. Que se passa-t-il, à la cour de France, entre Charles d'Anjou et Philippe III, du mois d'avril au mois de mai ? Nous ne sommes renseignés là-dessus que par la chronique de Muntaner, dont le récit, outre qu'il nous apprend ce qu'on pensait en Aragon, ne manque pas de vraisemblance[105]. La mort du comte d'Alençon, tué en Sicile le 6 avril, avait préparé le roi à écouter aveuglément les récriminations de Charles d'Anjou contre les Aragonais, ainsi que ses conseils. Charles d'Anjou lui rappela qu'il était le frère de son père ; que la France n'avait jamais délaissé aucun membre de la maison royale ; qu'il implorait son secours contre des excommuniés. Si Philippe avait quelques scrupules à déclarer ouvertement la guerre à un prince qui, après tout, ne l'avait pas personnellement offensé, ces scrupules se dissipèrent aisément. L'entrevue de Toulouse n'avait pas été amicale ; le roi d'Aragon s'était ligué avec don Sanche pour persécuter les infants de la Cerda. Ces considérations amenèrent Philippe III, pendant que continuaient les préparatifs du duel, à envoyer à Martin IV l'évêque de Dol et Raoul d'Estrées pour affirmer au pontife son désir de venger le roi de Sicile et lui demander, à titre de secours, une décime de trois ans sur les terres d'Église[106]. Ce fut dans de pareilles dispositions que Philippe s'ébranla au mois de mai, avec une suite nombreuse, une véritable armée, chèrement équipée[107], pour escorter le roi de Sicile jusqu'à Bordeaux. Charles d'Anjou conduisait cent champions choisis parmi les hommes les plus vigoureux ; il y avait parmi eux des Italiens, des Français, des Provençaux, et jusqu'à des chevaliers du Hesbain[108]. Au jour fixé, ils parurent dans la lice ; le roi de France avait fait dresser ses tentes tout autour. Ils attendirent toute la journée, mais P. d'Aragon ne parut pas. Il faut avouer qu'il avait d'assez bonnes raisons pour manquer au rendez-vous. D'abord, la convention du 30 décembre portait expressément que les deux rois ne combattraient qu'en présence du roi d'Angleterre et qu'ils ne seraient tenus de comparaître devant un de ses officiers qu'en vertu d'une nouvelle entente ; or, Edward Ier n'était pas venu. En second lieu, Charles d'Anjou avait été en quelque sorte autorisé par le pape, s'il était vaincu, à refuser l'accomplissement des conditions attachées à la défaite, puisque les bulles de Martin IV avaient proclamé la sainteté de sa cause. Enfin en Peyre n'avait pas d'illusions sur les sentiments du roi de France son égard[109] ; et quand G. de Cruylles, son envoyé à Bordeaux, lui annonça que Philippe III accompagnait avec une armée les champions de Charles d'Anjou, il craignit pour sa sûreté. Il est vrai qu'il pouvait compter sur Jean de Grailli, le sénéchal anglais de Gascogne, qui devait être gardien du camp ; il est vrai que le roi de Sicile lui avait adressé un sauf-conduit, et que le roi de France offrait de lui délivrer des lettres semblables, corroborées par les serments de tous les barons qu'il avait amenés à Bordeaux. Néanmoins, en Peyre ne voulut pas risquer l'aventure ; mais, pour qu'on ne l'accusât pas de mauvaise foi, il s'avisa d'un stratagème. Il fit disposer des relais des frontières d'Aragon jusqu'à Bordeaux[110] ; sous un déguisement et avec deux serviteurs seulement, il chevaucha si bien qu'il arriva, le 31 mai au soir, à deux lieues du champ de bataille. Le 1er juin, au matin, il appela le sénéchal anglais et, en sa présence, fit attester par un notaire qu'il avait comparu loyalement ; puis, après avoir fait le tour de la lice, il s'enfuit dans son pays[111]. Philippe III et Charles d'Anjou avaient été joués ; ils s'en consolèrent en accusant le non-comparant de lâcheté[112] ; et pendant le court séjour qu'ils firent à Bordeaux, Philippe, confirmé dans ses intentions hostiles contre l'Aragon, prit des résolutions décisives. En effet un légat du pape, le cardinal Jean Cholet, arriva de Rome à Bordeaux[113]. Le cardinal, écrivait alors un clerc du roi de France à l'abbé de Moissac, a présenté au roi les lettres du souverain Pontife par l'autorité desquelles il peut choisir l'un de ses fils qui sera fait roi d'Aragon et comte de Barcelone, à la place de Pierre[114]. Comme ces lettres contiennent quelques obscurités dangereuses, le roi n'a pas encore accepté ; il a envoyé à la cour romaine pour avoir des éclaircissements[115] ; s'il en obtient, il ne refusera pas. C'était là le fruit des récentes conférences de Charles d'Anjou et de Martin IV le pape faisait de l'acceptation de la couronne d'Aragon par un prince capétien — événement si favorable aux intérêts du roi de Sicile — la condition de la décime demandée par l'évêque de Dol et par Raoul d'Estrées. Les habiletés de Charles d'Anjou avaient donc acculé le roi à la guerre ; il la commença sans délai. De Bordeaux même, il fit partir pour la Navarre une grande quantité de gens d'armes avec mission d'attaquer soit l'Aragon, soit don Sanche de Castille, suivant l'occasion[116]. Le roi s'en va à Toulouse, ajoute le correspondant de l'abbé de Moissac, pour y attendre de leurs nouvelles. A Toulouse, il apprit que don Juan Nunès, chef de l'expédition, avait surpris les trois villes de Cerda, Ul et Fillera ; on lui amena des prisonniers aragonais[117]. Sachez, écrivait le 28 juillet en Peyre au roi de Portugal, que les Français marchent contre nous et notre neveu don Sanche[118]. Nous n'avons cependant pas offensé le roi, disait-il à l'officier anglais Bek, et nous ignorons la cause de sa malveillance[119]. En septembre, il ordonna, par représailles, de saisir les biens de tous les sujets du roi de France[120]. Philippe le Hardi manifestait, de son côté, l'intention de convoquer à Toulouse tous les barons de son royaume pour l'Annonciation prochaine. De juin à novembre, le roi, dans toute l'ardeur d'une guerre nouvelle, parcourut les provinces du Midi, préoccupé d'aplanir les voies à l'expédition qu'il méditait pour l'année suivante[121]. Il s'aboucha avec la comtesse de Foix et Jayme de Majorque. La comtesse lui remit les châteaux de Foix, de Lordat, de Mongrenier et de Montréal, à charge de les rendre à son mari quand il serait hors de la prison où le détenait en Peyre (26 juin). Jayme de Majorque lui fit hommage, le 18 août, à Palairac, de la seigneurie de Montpellier, comme membre du royaume de France ; en échange, le roi, qui passa quelques jours à Montpellier, concéda à son nouvel allié divers privilèges. Alliances menaçantes pour l'Aragon, dont le jeune Philippe le Bel était le seul à soutenir les intérêts à la cour de son père[122]. Cependant Martin IV avait promulgué, le 26 août, la bulle par laquelle il autorisait le cardinal Cholet à offrir à l'un des fils du roi, sous certaines conditions, le patrimoine du roi d'Aragon, déjà rejeté du sein de l'Église[123]. Au moment de regagner sa capitale, Philippe III réunit à Bourges (en novembre)[124] une assemblée de prélats et de barons pour délibérer sur la grave question de savoir s'il convenait d'accepter[125]. A Bourges comme à Bordeaux, le texte des conditions proposées par le pape ne parut pas satisfaisant. Etienne de Bayeux et Pierre, archidiacre de Sologne, furent chargés d'aller porter à Rome les représentations de l'assemblée[126]. Barons et prélats demandaient essentiellement que la décime fût concédée non seulement sur les terres françaises, mais sur toutes les terres chrétiennes, ou tout au moins, pour quatre ans, dans les diocèses suivants, situés hors du royaume Cambrai, Liège, Metz, Toul, Verdun, Vienne, Aix, Lyon, Besançon ; qu'il y eût une prédication comme pour une croisade, et les mêmes indulgences que pour une expédition d'outre-mer ; que le pape s'engageât, par lettres apostoliques, à accorder tout ce qui précède : 1° au fils du roi qui serait choisi — à l'exclusion de l'aîné —, si toutefois les barons et les prélats étaient d'avis qu'il acceptât ; 2° au roi lui-même si, sans accepter le don proposé, il aidait l'Église romaine contre P. d'Aragon ; que certaines clauses du projet papal fussent effacées, par exemple celle-ci : Le nouveau roi gardera les coutumes et les lois d'Aragon qui ne sont pas contraires aux canons, car il y aurait des discussions sans fin pour définir les lois contraires aux canons qu'on procédât canoniquement contre Pierre et ses complices que le titre de légat fût conféré à Jean Cholet, avec le pouvoir de décréter l'équivalence du vœu pour la croisade d'Aragon et de tous les autres vœux. Martin IV répondit aux conclusions de l'assemblée de Bourges
avec une certaine âpreté. Voici, écrivit-il
au roi après avoir rappelé les négociations antérieures, que tout semble recommencer ! Nous n'accusons pas ta
dévotion ni ta constance, mais ceux qui cherchent à entraver une entreprise
— qu'ils désapprouvent en secret — par des artifices
coupables. Si tu renonçais à tes projets, quelle joie pour tes rivaux, quelle
honte pour la nation française ! tes prélats et tes barons s'abstiendraient
de pareils conseils s'ils y réfléchissaient davantage. Toutefois
Martin IV ne laissa pas de consentir à la plupart des concessions que
l'assemblée de Bourges avait demandées. L'un de ses notaires, Me Gilles du
Châtelet, accompagna de Rome à Paris les ambassadeurs de Philippe III ; il
était porteur d'un grand nombre de dépêches adressées soit au roi[127], soit au
cardinal Cholet[128]. Par ces
dépêches, le pape modifiait ses instructions du mois d'août 1283 ; il
accordait la décime de quatre ans sur les terres d'Empire, sauf dans les
diocèses de Cambrai, où on levait encore la dîme votée par le concile de
Lyon, d'Aix et d'Arles propter necessitates regni
Sicilie ; il y soumettait, en revanche, les provinces d'Embrun et
de Tarentaise il autorisait Jean Cholet à engager la décime à des banquiers
des que l'acceptation de la couronne d'Aragon serait décidée[129]. Il donnait
encore satisfaction sur d'autres points aux barons et aux prélats ainsi, le
roi ne serait pas obligé de s'engager par lettres solennelles ; on effaçait
les mots suas patentes litteras concedendo
; par coutumes contraires aux canons, il était déclaré qu'on entendait coutumes qu'on ne pourrait observer sans péché mortel,
etc. Deux articles seulement de la pétition de l'assemblée de Bourges étaient
catégoriquement rejetés, l'article 2, qualifié par le pape de scandaleux[130], et l'article
7, d'après lequel le roi, s'il se bornait à aider l'Église contre P.
d'Aragon, aurait reçu d'elle les mêmes faveurs que s'il avait accepté la
couronne proposée l'un de ses fils[131]. En revanche
Martin IV se disait prêt à poursuivre le procès canonique, en cas
d'acceptation, contre tous les partisans du roi d'Aragon. Les gens que le roi de France avait envoyés à Rome, écrivait Maurice de Craon au roi d'Angleterre, sont revenus à Paris avec le messager du pape au parlement de la Chandeleur. Leur arrivée fut suivie de la convocation d'une nouvelle assemblée chargée de procéder à une solennelle et décisive discussion des propositions de la cour de Rome. Cette assemblée, qui tenait entre ses mains la paix ou la guerre, se réunit à Paris, le 20 février 1284 ; en dépit des gens sages, malgré Mathieu de Vendôme et ses amis[132] — ceux-là sans doute que Martin IV accusait d'hostilité secrète contre la croisade d'Aragon —, elle allait choisir la guerre. Cette résolution prépara les désastres qui nous restent à raconter. La fin du règne devait être malheureuse de toutes les façons. Pendant ces dernières années, de grands cataclysmes naturels désolèrent tout l'Occident tremblements de terre, tempêtes, inondations[133]. Il avint moult merveilleux signes au royaume de France[134]. Les églises du Bec et de Beauvais s'écroulèrent ; beaucoup de ponts furent enlevés au fil des rivières débordées, et il y eut d'atroces famines. |
[1] RAYN., 1280, § 13. Le pape envoya sans doute des balles semblables aux métropolitains des autres provinces ecclésiastiques.
[2] RAYN., 1280, §
14, 15.
[3] RAYN., 1280, § 17.
[4] Arch. nat., J, 915, n° 12.
[5] RYMER, p. 184, c. 2 ; p. 185, c. 2.
[6] RYMER, p. 186, c. 1.
[7] Rec. Off., Royal Letters, n° 1426. Ed. RYMER, p. 186, c. 1. CHAMP., I, 364.
[8] Rec. Off., Royal Letters, n° 1127. Ed. RYMER, p. 186, c. 2. CHAMP., I, 363 (3 juillet).
[9] RYMER, p. 186, c. 2 (5 juillet).
[10] SISMONDI, Histoire des Français, V, 67.
[11] Le porteur de ces lettres était Alex. de la Loaise. RYMER, p. 187, c. 1.
[12] . RYMER, p. 187, c. 1. — Cf. p. 187, c. 2. Edward Ier au prince de Salerne : A ceo, sires, ke vus nus priastes. ke nus comandisum ke le rey de Chastele fust honorablement receu en nostre cité de Baionne, sachez, sires, ke nus le tenons si pur nostre ami ke volons ke il seit receuz e honorez en tous les tous ou nus avons pœr e noméement en cest cas, kant il vient pur si grant bien.
[13] RYMER, p. 188, c 1.
[14] RYMER, p. 181, c. 1.
[15] RYMER, p. 188, c. 2 (York, 19 août). Il faut croire que ces messagers expliquèrent d'une façon satisfaisante les procédés d'Alfonse X, car, le 27 août, Edward Ier écrivit à ce prince, sans rancune, pour lui fixer un rendez-vous à la prochaine quinzaine de Pâques. Tous les documents relatifs à la médiation d'Edward 1er et celle du prince de Salerne ont été transcrits sur un rouleau spécial, dont RYMER s'est beaucoup servi. Rec. Off., Chanc. miscellan. rolls, n° 49.
[16] H. F., XX, 426. Il était à Châtellerault en septembre.
[17] G. de Nangis (H. F., XX, 514) est très incomplet et très fautif sur l'histoire du congrès de Mont-de-Marsan : il faut consulter les rapports du sénéchal de Gascogne à Edward Ier. Le premier est daté de Baïonne, 16 novembre (B. N., Coll. Moreau, 689, f° 202).
[18] Philippe arriva à Mont-de-Marsan le 29 novembre.
[19] MARIANA (De reb. hispan., p. 665) avoue que l'obstination de don Sanche, qui dirigea en réalité Alfonse X en cette circonstance, lui fit rejeter les propositions les plus modérées du prince de Salerne.
[20] H. F., XX, 514.
[21] Rec. Off., Roy. Lett., n° 2097. (RYMER, p. 189.)
[22] Hist. gén. Lang., X, 24. — Cf. Marca hispanica, c. 560.
[23] MUNTANER, chap. XXXVIII. Le roi Charles (de Sicile) fit prier son neveu (Ph. III) de prendre des mesures telles, dans cette réunion, qu'il n'eût rien à craindre du roi d'Aragon. Mais le prince (de Salerne) ne reçut pas un bon accueil du roi en Peyre.
[24] MUNTANER. — L'anonyme de RipoIl ajoute que le roi d'Aragon réclama, pendant l'entrevue le Fenouillède, Millau et Rodez, sur lesquels il avait des droits. Voyez Marca, l. c.
[25] Martin IV lança, il est vrai, un grand nombre de bulles pour exhorter les chrétiens la délivrance des lieux saints, mais l'accent n'en est pas très sincère, voyez notamment B. N., lat., 8992, n° 35.
[26] V. Potthast, n° 20657. Commission de Grégoire X à l'évêque de Senlis et à l'abbé de Saint-Denis pour le rétablissement de la concorde entre Charles d'Anjou et ses belles sœurs.
[27] Sur la date de cet hommage, voyez HELLER, Deutschland und Frankreich, p. 66, note 1.
[28] En 1278, BOUTARIC, Marguerite de Provence, p. 446. — Cf. HELLER, o. c., p. 75.
[29] Marguerite de Provence à Edward Ier (4 août 1280). CHAMP., I, 252. — Cf. l'apostille d'Aliénor, Ibid., I, 264.
[30] Voyez lettre d'Edward Ier à Marguerite de Provence (20 sept. 1280). RYMER, p. 188, c. 2.
[31] BOUTARIC, o. c., p. 419.
[32] Voyez la lettre du 30 octobre 1281, CHAMP., I, 265.
[33] 26 nov. 1281 : Edward Ier à Marguerite de Provence ; Madame, nous vous responons ke nous, au terme ke vous nous avez mandé, entendons envoier à Lyon gens à armes pur vos servir. RYMER, p. 196, c. 2.
[34] RYMER, p. 196-7.
[35] RYMER, p. 197, c. 1.
[36] RYMER, 197, c. 2 (28 janvier 1282). Le pape à Edward 1er.
[37] CHAMP., I, 297 (12 février 1282).
[38] (Mâcon, 9 mai 1282), CHAMP., I, 299.
[39] Arch. Nat., J, 511, n° 2. — BOUTARIC, o. c., p. 455.
[40] Arch. Nat., J, 511, n° 7 (nov. 1283).
[41] Arch. Nat., J, 511, n° 3 (mars 1284).
[42] RYMER, p. 206, c. 1. Aliénor à Edward Ier. Nos avons mestier de vostre prier au roy de Fr. que il nous soit aidant à porchacer nostre droiture en la partie qui apartient a noz en la terre de Provence.
[43]
Arch. Nat., J, 511, n° 5. Ed. AMARI, La guerra dei Vespr. Sicil., II, 334. — BOUTARIC, o. c., p. 456, n° 1.
[44] Voyez les textes cités par HELLER, op. cit., p. 83. Jean de Victring, II, c. 7.
[45]
Thomas de Savoie à Philippe III, Arch. Nat, J, 501, n° 3. (Guichenon, Preuves
de l'hist. généalog. de la maison de Savoie, VI, II, 99) [1280]. Tré chiers sires, sapchiés que la vigile de Saint Bartolome
l'apostre vinrent a moy vos sollempnes messages. Ji quex. me dirent que il
venoient de par vos por la délivrance de mun cusin le marquis de Monferrat et
que vos volies metre pais entre ti et moi et que vos vos en tenés mal a paiés de
moi. Il termine par des protestations d'obéissance. Sapchiez que je sui appareilliez de metre mon cors et toute
ma terre en vostre prison, en vostre main et en vostre volunté por le emmander.
a vostre plaisir. — Cf. lettre du marquis de Montferrat à Philippe III
sur le même sujet. Arch.
Nat., J, 501, n° 4.
[46] H. F., XXII, 473.
[47] BÖHMER, Regesten Rudolfs, n° 637. —
Cf. HELLER, op. cit., p. 80.
[48] Rec. Off., Roy. Letters, n° 2100 (CHAMP., I, 312).
[49] Rec. Off., Roy. Letters, n° 2100 (CHAMP., I, 312).
[50] Rec. Off., Roy. Letters, n° 2140, Auger Mota à Edward Ier.
[51] CURIE SEIMBRES, Essai sur les villes fondées dans le S.-O. de la France, p. 291.
[52] CHAMP., I, 163, avec la date fausse de 1273. — Cf. la réponse d'Edward Ier.
[53] Hist. gén. Lang., IX, 69, à la date erronée de 1279.
[54] Dans ses rapports secrets, car, officiellement, le sénéchal tenait un autre langage. Cf. une lettre de recommandation pour G. d'Armagnac. Rec. Off., Roy. Letters, n° 1338.
[55] J. de Grailli à Edward Ier, CHAMP., I, 311.
[56] V. une commission d'Edward Ier pour informer des dégâts faits par G. de B. et E. de B. sur les terres l'un de l'autre (juin 1279). B. E. C, XVIII, p. 320.
[57]
Voyez une lettre de l'évêque de Lectoure à Edward Ier sur ses opérations. Rec. Off., Exch.
Queen's Remembr., Realm of France, 451/2, n° E, 1.
[58] Voyez le rapport de Jean de Grailli. Lectoure, pendant la quinzaine de Pâques. Rec. Off., ibid., 481/2, n° E, 14. Cf. Procès-verbal de la prise de possession du comté de Bigorre, Arch. des Basses-Pyrénées, E, 370.
[59] Voyez son acte de soumission (29 juin 1284), RYMER, p. 233, c. 1. Sur l'affaire de Bigorre, voyez D'AVEZAC, Hist. du Bigorre, II, 46.
[60] RYMER, p. 233, c. 2.
[61] Voyez CH. ROCHER, Rapports du Puy avec le Bigorre, Le Puy, 1873.
[62] RYMER, p. 194, c. 1. Instructions données aux messagers anglais en France.
[63] RYMER, p. 197, c. 2.
[64] ZURITA, Anales de l'Aragon, f° 235. — MARIANA, De reb. hispan., lib. XXIV, c. 4.
[65] Aux Arch. nat. Cf. la traduction et le commentaire de ces documents par S. de Sacy, Mém. de l'Ac. des Inscript, et Belles-Lettres, IX, 484 (24 oct. 1282). L'émir dit que le forfait de don Sanche l'a décidé, bien qu'il fût en guerre avec Alfonse X, à soutenir ce prince persécuté ; qu'il a pris des villes : Mais nous avons évité d'entrer dans vos États, qui sont limitrophes, dans l'intérêt des droits du susdit roi. Il nous a appris que vous avez recherché sa société et que vous avez le projet de l'aider contre une perfidie .sans exemple. C'est un devoir pour un roi comme vous.
[66] RAYN., 1283, § 54.
[67] RYMER, p. 222, c. 2.
[68] RAYN., 1283, § 56. Cf. MARTÈNE, Ampl. Collect., II, c. 1291.
[69] RAYN., § 56. — MARIANA, De reb. hispan., p. 673.
[70] MARIANA, op. cit., p. 674.
[71] RYMER, 13, p. 85, c. 2 (22 décembre 1282). — Cf. Ibid., p. 86, c. 2. Edward Ier à Alfonse X.
[72] RYMER, p. 216, c. 1, p. 235, c. 2, etc.
[73] RYMER, p. 230, c. 1.
[74] MARIANA, p. 675, ss. — Cf. ch. IV.
[75] H. F., XX, 516. — Villani, ap. SS. RR. II., XIII, 29.
[76] RAYN., 1281, § 22. Indulgences accordées à tous les pénitents qui prieront pour le roi de France. — Cf. CHAMP. FIGEAC, Privilèges spirituels des rois de France, p. 66 et suiv.
[77] Arch. Nat., J, 698, n° 57. Réponse de P. d'Aragon au pape au sujet de la délivrance des Infants. CARINI, Gli archivi di Spagna, p. 43.
[78] THEINER, Codex diplomaticus dominii temporalis sanctæ sedis, I, 251, 258, 259.
[79] Arch. Nat., J, 698, n° 59. Martin IV à Philippe III (Montefiascone, décembre 1282). — Cf. n° 60.
[80] H. F., XXII, 531 a.
[81] H. F., XXII, 531 a. — Cf. THEINER, op. cit., I, 262, c. 1 (21 avril 1283). Mandement du pape au trésorier du Temple de payer à l'ordre de certains marchands italiens 20.000 l. t., reliquat de la somme de 100.000 l. t. que le roi avait consignée il la disposition du Saint-Siège.
[82] Bulle de Martin IV. A. DU CHESNE, Scriptores, V, 886.
[83] H. F., XXIII, 341, Contin. Chron. Rothom. — La ville d'Urbino résista la dernière, et, en 1283, le comte de Joigny y fut tué avec beaucoup de gentilshommes de France. H. F., XXII, 7.
[84] H. F., XXII, 7, g.
[85] MUNTANER, chap. XLVII ; P. d'Aragon au roi de Castille (19 mai 1282). CARINI, p. 48.
[86] Arch. d'Aragon, publié par SAINT-PRIEST, Conquête de Naples, IV, p. 203.
[87] Arch. Nat., J, 318, n° 64.
[88] Rec. Off., Royal Letters, n- 2179 (CHAMP., I, 298). Maurice de Craon à Edward 1er : Je entens que ceste poor vient [au roi de France] de ce que le roi d'Aragon s'a arroié et atorné forment de grantz gens d'armes et ne set l'en pourquoi ; et a le roy de France envoie cele part tous les arbalestriers que il puet trouver de la langue de France ; et je croi que le roi d'Aragon ne le fet mie pour lui. V. sur l'ambassade d'A. Bek, officier d'Edward Ier, en Aragon, au mois de mai 1282, CARINI, op. cit., p. 21.
[89] Convocation des hommes de la sénéchaussée de Carcassonne pour la Saint-Pierre-aux-Liens. B. N., Coll. Doat, CLV, f° 156 v°, 517 (juillet 1282).
[90] RYMER, p. 204, c. 1 [Paris, 26 mai], P. d'Aragon à Edward Ier. — Cf. Rec. Off., Royal Letters, n° 1215. Lettre d'O. de Granson à Edward Ier, Orvieto, 11 juin Nova.
[91] Arch. Nat., J, 513, n° 49. Ed. SAINT-PRIEST, o. c., IV, p. 204 ; AMARI, La guerra, etc., l, 301.
[92] L. c. En cas de maladie de Robert d'Artois, Charles d'Anjou demande un bon capitaine avec les devant diz Ve homes d'armes.
[93] H. F., XX, 522.
[94] Villani, XIII, 294.
[95] RYMER, p. 206, c. 2. Lettre de P. d'Aragon à Edward Ier, datée d'Alcoyi, pour l'informer de sa résolution.
[96] H. F., XX, 522.
[97] MUNTANER, chap. LXXII. — Cf. SAINT-PRIEST, o. c., IV, 108.
[98] RYMER, p. 213, et Marca Hispanien, c. 581 et suiv.
[99] RAYN., 1283, § 15-25 {21 mars). — Cf. le récit de MUNTANER, chap. LXXVIII.
[100] Villani, p. 296.
[101] Jean d'Outremeuse, V, 431.
[102] RYMER, I3, p. 86, c. 2. Edward Ier à Constance d'Aragon (12 janvier 1283).
[103] LABBE, XI, c. 1148.
[104]
RAYN., 1283, §
6-7. Cf. une bulle dans le même sens, adressée à Ph. III. Arch. Nat., J, 714, n° 3054.
[105] MUNTANER, chap.
LXXIX. — Cf. chap. LXXXVIII.
[106] Arch. Nat.. J, 724. Ed. AMARI, op. cit., I, 320.
[107] H. F., XXIII, 344, c. Contin. Chron. Rotham.
[108] Voyez l'histoire des quatre chevaliers du Hesbain, et notamment de G Guilheame Macleir, qui, prié par le sénéchal de Ch. d'Anjou de rendre le destrier qu'on lui avait prêté pour la bataille, coupa les oreilles du cheval et fit pendre le sénéchal. Chronique de J. d'Outremeuse, loc. cit.
[109] Voyez la lettre adressée par le roi d'Aragon au pape et aux cardinaux, pour les fléchir, 13 février 1283 (SAINT-PRIEST, op. cit., IV, 227).
[110] MUNTANER, ch. LXXXIX et suiv. — Cf. CARINI, Gli archivi di Spagna, fasc. II, p.149.
[111] MUNTANER, ch. XC. Jean de Grailli favorisa de tout son pouvoir la bravade du roi d'Aragon.
[112] H. F., XX, 524.
[113] Martin IV dit quelque part qu'il l'envoya à Ph. III non absque sua conniventia (AMARI, l. c., p. 320). — C'est à tort que, confondant les dates, G. de Nangis prétend que Jean Cholet accompagna Charles d'Anjou dès le mois de mars 1283. (H. F., XX, 524.)
[114] Ces lettres étaient secrètes.
[115] Il y eut, en effet, des messages échangés entre Philippe III et Martin IV depuis l'arrivée de Jean Cholet jusqu'à l'assemblée de Bourges. Le Pape amenda quelque peu ses propositions et ajouta le don du royaume de Valence. (AMARI, op. cit., p. 322.) — V. Arch. Nat., J, 114, n° 3054. Martin IV indique au légat les conditions auxquelles il attache le don du royaume d'Aragon (27 août) (Potthast, n° 22061).
[116] H. F., XXI, 804. Ann. de Saint-Martial ; cf. XX, 524.
[117] Cette expédition, où périt le comte de Bigorre, se termina, à la fin de l'année, par une trêve (voyez CARINI, op. cit., p. 27) conclue par le gouverneur de Navarre. — Cf. MUNTANER, chap. CXI.
[118] SAINT-PRIEST, o. c., IV, 231.
[119] CARINI, o. c, p. 51.
[120] CARINI, o. c, p. 23. Cf. les couplets que Peyre III adressa vers cette époque au jongleur Peire Salvatge, MILA Y FONTANALE, De Los trovadores en Espana, p. 349.
[121] Sur son itinéraire pendant cette période, voyez les tablettes de Pierre de Condé et Hist. gén. Lang., IX, p. 90, note 5.
[122] CARINI, o. c., p. 51 (16 nov. 1283). En Peyre à Ph. le Bel. Il lui demande d'obtenir un sauf-conduit pour ses ambassadeurs et le prie de lui dire des nouvelles de son très cher neveu Charles (de Valois). — Cf. MUNTANER, ch. CIII.
[123] RYMER, p. 223. — RAYN., XIV, 344.
[124] D'après les tablettes de cire de P. de Condé, Ph. III resta à Bourges du 10 au 14 novembre. — Cf. RAYNAL, Hist. du Berry, II, 252.
[125] H. F., XXI, 804. Ann. de Saint-Martial.
[126] On en a conservé le texte original, Arch. Nat., J, 714, n° 305.
[127] Arch. Nat., J, 699, n° 65.
[128] RYMER, I2, p. 227 ; Potthast, n° 22092 et suiv. (janv. 1284).
[129] AMARI, op. cit., p. 326. L'Assemblée avait rédigé sur ce point un vœu particulier.
[130] Texte de la pétition.
[131] Réponse : Precise repellitur, quia est etiam auditu horrenda.
[132] RYMER, p. 227, c. 2. York, 12 janvier 1281. Edward Ier à Mathieu de Vendôme pour le prier d'incliner l'esprit du roi à la paix.
[133] H. F., XXI, 182. Chron. J. Desnouelles. — Chron. Gir. de Arvernis, XXI, 218. — Chroniques normandes, XXIII, 182, 576, etc.
[134] H. F., XXI, 98.