Louis IX mourut le 25 août 1270 au camp devant Carthage et Philippe, enfant de bon commencement, lui succéda el gouvernement du roiaume et à l'administration de l'ost[1]. Il était atteint lui-même de la maladie qui avait emporté son père ; et quand ses oncles, le roi de Sicile et le comte de Poitiers, accompagnés du roi de Navarre, lui découvrirent la fatale nouvelle, il resta sans voix. Mais Charles d'Anjou le blâma de son abattement ; il lui montra moult de causes pour le relever et alléger sa douleur ; il lui conseilla, entre autres choses, de recevoir l'hommage de ses vassaux, et, dès le 27 août, les comtes d'Artois, de Flandre, de Poitiers, de Bretagne, et beaucoup de barons jurèrent, en effet, fidélité au nouveau roi. Cependant Philippe resta en proie à une fièvre aiguë qui n'était pas encore apaisée le 4 septembre[2] ; et le roi de Sicile prit, en fait, le commandement de l'armée. C'est lui qui régla les obsèques de Louis IX[3] ; c'est lui qui, quelques jours après, rétablit les affaires et ranima le courage des croisés en surprenant un parti de Sarrasins, grâce à son expérience des guerres d'Orient[4]. Quand Philippe fut guéri, il fit en sa compagnie quelques sorties assez heureuses ; enfin, quand le sultan de Tunis eut envoyé des propositions pacifiques — car les musulmans souffraient autant que les chrétiens de la pestilence et de l'épidémie —, Charles d'Anjou exhorta le roi à les écouter. Il y avait certainement de bonnes raisons à faire valoir pour décider l'armée à abandonner l'Afrique. Bien que Philippe III eût pourvu au gouvernement de son royaume en expédiant, dès le 12 septembre, aux régents Mathieu de Vendôme et Simon de Néelle, institués par son père, des lettres de confirmation[5], il était nécessaire qu'il revint au milieu de son peuple, qu'il fût sacré et couronné comme ses ancêtres[6]. D'ailleurs, le succès de la campagne, si on la continuait, était incertain[7] ; et, en tout cas, on n'en pouvait guère attendre des résultats profitables pour la cause chrétienne. Enfin le sultan semblait disposé à faire des concessions assez larges pour débarrasser son pays des envahisseurs. L'occasion se présentait de liquider honorablement une expédition qui avait été désastreuse. Charles d'Anjou, qui avait jadis conseillé de l'entreprendre, conseilla donc d'y mettre un terme. Quelques seigneurs voulaient demeurer, pourtant, jusqu'à ce qu'ils eussent conquis et pillé la capitale des Sarrasins. Leur avis fut soutenu dans le conseil de l'ost, et, grâce à l'intervention des rois de Sicile et de Navarre, rejeté par Philippe III. Mais cet avis était partagé par le commun de l'armée, qui aurait trouvé dans le sac de Tunis comme une compensation vengeresse de ses souffrances. Quand on apprit que des pourparlers étaient entamés en vue de la conclusion d'une trêve, les murmures éclatèrent[8] ; le menu peuple s'écria que Charles d'Anjou n'avait amené les croisés à Tunis que pour contraindre le sultan à lui payer le tribut qu'il négligeait depuis longtemps d'acquitter entre les mains des rois de Sicile. L'historiographe de Saint-Denis traite ces accusations avec dédain ; il les attribue à la simplicité et à l'ignorance de pauvres gens qui n'entendaient rien à la politique ; elles étaient pourtant assez fondées, et un. homme comme P. de Condé n'hésitait pas à les développer dans une lettre adressée à Mathieu de Vendôme[9]. Seulement, si Louis IX avait eu tort, pour satisfaire l'ambition de son frère, d'engager la croisade dans l'aventure sanglante de Tunis, Philippe III avait raison, que Charles d'Anjou y trouvât ou non son compte, de se retirer au plus vite d'une situation sans issue. Le mois d'octobre se passa en négociations entre les plénipotentiaires[10], Geoffroi de Beaumont et Abou Zeyyan Mohammed, qui intervinrent tous deux au traité. Le roi, pendant ce temps, s'occupait de payer les gages de ses chevaliers[11] ; le 2 octobre, il fit son testament et, prévoyant l'éventualité de sa mort et d'une minorité, institua un nouveau conseil de régence[12]. Il réitéra, le 4 octobre, les prescriptions contenues dans ses lettres du 12 septembre, invitant les régents à veiller à la sécurité de son royaume, à fortifier les défenses des frontières de terre et de mer, afin d'éviter les surprises ; il leur recommandait aussi de faire payer au Temple toutes les sommes ordonnancées par son père et par lui-même, et de lui envoyer de l'argent, pour parer aux graves nécessités de l'heure présente[13]. Il craignait sans doute que ses premiers messages, confiés à Geoffroi de Beaulieu et à Guillaume de Chartres, ne se fussent égarés en route. Enfin on arrêta les conditions d'une trêve ; elles étaient fort acceptables pour les chrétiens, quoique l'instrument original du traité, écrit en arabe[14], ne contienne pas certaines clauses très favorables qui, d'après G. de Nangis et un anonyme de Padoue, y auraient été insérées. Le sultan de Tunis ne promit point de laisser prêcher dans ses États la religion chrétienne, ni d'entretenir trois mille hommes au service du Christ en Terre sainte[15] ; mais il consentit à l'échange des prisonniers il autorisa les chrétiens à demeurer et à faire le commerce sur ses terres et à y pratiquer leurs rites. Il s'engagea en outre à payer : 1° pour les frais de la guerre, 210.000 onces d'or, chaque once du poids de 50 sous tournois, moitié comptant ; 2° l'arriéré de cinq années de tribut au roi de Sicile ; 3° à l'avenir, un tribut double de celui qu'il payait jadis à Frédéric II. Ces articles furent arrêtés le 30 octobre, au dire de P. de Condé ; ils furent approuvés le 1er novembre par Abou-Abdallah-Mohammed, qui jura de les observer. Le 15 novembre, mardi après la Saint-Martin, les croisés commencèrent à s'embarquer sur leurs vaisseaux, à l'exception de Charles d'Anjou, qui restait en arrière pour recueillir les pauvres et les retardataires. On devait cingler vers le port de Trapani en Sicile, où l'armée se réunirait pour délibérer sur la direction que la croisade, commencée à Tunis, allait prendre désormais. On pense généralement, écrit P. de Condé, que quelques seigneurs, comme le comte de Poitiers et Mgr. Pierre le Chambellan, par exemple, iront en Terre sainte avec des corps soldés d'autres en Grèce contre Michel Paléologue avec le roi de Sicile ; et que le roi de France, escortant le corps de son père, retournera directement dans son royaume en passant par Rome[16]. On leva l'ancre le jeudi et on arriva le vendredi ; mais, pendant la nuit du samedi, il s'éleva une tempête terrible qui dura trois jours ; les marins n'en avaient jamais vu de pareille. Les plus grands navires chassèrent sur leurs ancres et furent engloutis, comme des pierres, au fond de la mer, avec des milliers de personnes qui n'étaient pas encore descendues à terre. Dix-huit vaisseaux, neufs et solides, furent perdus ; celui de l'évêque de Langres ne renfermait pas moins de mille âmes, hommes et femmes, quand il sombra[17]. A Trapani, toute velléité de croisade se trouva détruite chez les Francs par le désastre de leur flotte ; ils se contentèrent de s'engager à se rendre dans trois ans, le jour de la Madeleine, dans un port qu'on désignerait, pour aller en Palestine, à moins que le roi de France ne leur reconnût alors des excuses légitimes. Les Anglais seuls persistèrent ; le prince Edward, arrivé à Tunis après la mort de Louis IX, avait été indigné de la convention passée avec les Sarrasins Charles d'Anjou lui avait, paraît-il, défendu de se battre[18], parce que le sultan, en vertu du traité, avait envoyé au camp des croisés trente-deux chameaux chargés d'or et d'argent. Les Anglais avaient vu là une sorte de trahison ; comme leurs navires furent épargnés par la tempête du 19, ils crurent qu'un miracle avait protégé ceux qui ne s'étaient point souillés de l'argent des infidèles. C'est pourquoi Edward, laissant avec les rois de France et de Sicile son parent Henri d'Allemagne, annonça qu'il ne quitterait Trapani que pour aller, lui et sa compagnie, à Saint-Jean-d'Acre[19]. Philippe III resta quinze jours à Trapani, retenu par la maladie du roi de Navarre que tourmentaient des fièvres contractées en Afrique. Thibaut mourut le jeudi avant la fête de saint Nicolas ; et l'armée, égrenant continuellement sur son chemin des cadavres et des malades, s'ébranla enfin du côté de l'Italie. On franchit le phare de Messine, Monteleone, Nicastro[20]. Le 11 janvier 1271, la reine Isabelle, grosse de six mois, tomba de cheval en traversant une rivière débordée sous les murs de Marturano, près de Cosenza, en Calabre elle accoucha d'un enfant mort, et, dix-sept jours après, elle succomba elle-même dans des souffrances atroces. Le roi notre sire en a été très affligé, écrit P. de Condé[21], et l'on craint beaucoup pour sa vie si la crise de douleur qu'il traverse ne s'apaise pas. Après avoir tout disposé pour l'érection d'un monument funéraire dans la cathédrale de Cosenza[22], Philippe continua sa route, portant avec lui cinq cercueils, ceux de son père, du roi de Navarre, de son frère, le comte de Nevers, de sa femme et de son fils ; il écrivait à l'abbé de Saint-Denis qu'il avait toujours ainsi sous les yeux les plaies saignantes de sa famille[23]. Par Foggia[24], Capoue, San Germano, Caperana, Ferentino et Rome, où il passa quelques jours pour honorer les saints Apôtres, il arriva enfin, le 9 mars, à Viterbe, où les cardinaux du parti guelfe et du parti gibelin étaient réunis depuis longtemps pour l'élection d'un pape. A Viterbe, Philippe III, accompagné de Charles d'Anjou,
alla visiter les membres du sacré collège, leur donna le baiser de paix, et
les conjura, comme il le dit lui-même dans une lettre aux régents (14 mars)[25], de pourvoir
promptement l'Église d'un pontife convenable,
c'est-à-dire, sans doute, favorable aux intérêts de la maison d'Anjou[26]. Le séjour des
croisés à Viterbe fut marqué par une tragédie émouvante le comte Henri
l'Allemand, fils de Richard de Cornouailles, assistait à la messe dans
l'église Saint-Silvestre, quand Gui de Montfort, fils de Simon de Leicester
et vicaire de Toscane pour le roi de Sicile, l'assassina à coups de couteau,
sous prétexte qu'il avait jadis contribué à faire mourir son père, le vaincu
d'Evesham[27].
G. de Montfort aggrava encore ce sacrilège comme il sortait de l'église, un
de ses chevaliers lui demanda ce qu'il avait fait ; il répondit qu'il s'était vengé[28]. — Mais votre père, répondit l'autre, a été traîné dans les rues. Gui rentra aussitôt
dans le sanctuaire, et, prenant par les cheveux le cadavre de Henri
l'Allemand, il le traîna ignominieusement jusqu'à la porte. Puis il s'enfuit
sur les terres du comte Rosso Aldobrandino, son beau-père, dans la Maremne
toscane[29].
— Cet événement attrista le roi de France, dit l'annaliste de Plaisance, car
la victime lui était alliée par le sang, et il était désolé de ne pas pouvoir
châtier les coupables[30]. Quant au roi de
Sicile, il écrivit aussitôt une lettre au prince Edward pour lui annoncer
l'assassinat de son cousin par ces fils de
malédiction, Gui et Simon de Montfort, protestant qu'il les ferait
rechercher et poursuivre[31] néanmoins, les
Anglais accusèrent toujours Charles d'Anjou d'avoir permis ou même facilité
ce crime fameux[32],
dont deux monuments, élevés, l'un à Viterbe[33], l'autre à
l'entrée du pont de Londres, perpétuèrent le souvenir. Philippe III annonçait à Mathieu de Vendôme et à Simon de Néelle, dans une lettre du 14 mars, qu'il allait rentrer bientôt en France en traversant la Lombardie à grandes journées en effet, voyant que l'élection du pape ne se ferait pas de sitôt, les deux rois se séparèrent pour retourner dans leur pays, Charles en Apulie, et Philippe à Paris. Le roi parcourut d'abord la Toscane, Montefiascone, Orvieto, Florence, puis la Lombardie, Bologne, Modène, Reggio, où il logea, le 31 mars, dans le palais épiscopal[34] ; Parme, où il passa le 1er avril et où il paya spontanément vingt livres tournois pour réparer le dommage que les siens avaient causé en brûlant dans la campagne une quinzaine de maisons[35]. Il évita Plaisance, à cause d'une guerre privée qui désolait son territoire[36], et il arriva à Crémone, où les fourriers qui le précédaient avaient été fort mal reçus[37] ; mais les habitants, s'excusant de la méprise qu'ils avaient commise, vinrent lui demander pardon dans la maison des Frères Mineurs, où il était descendu. C'est que son appareil était encore imposant ; il avait, dit un gibelin de Plaisance, six cents bêtes de charge et une compagnie de quatre cents chevaliers. Cet appareil frappa tellement les Milanais qu'ils envoyèrent au-devant de lui, jusqu'aux frontières de l'Etat de Crémone, une députation pour lui faire honneur. Ils le prièrent même, selon l'annaliste de Saint-Denis, d'être leur seigneur et de recevoir leur ville en sa tutelle et en sa défense, après lui avoir offert douze beaux chevaux tout harnachés. Philippe III eut la sagesse de se faire excuser complètement et de refuser ces présents. Il le fit, dit la chronique de Primat, par la bouche de Me Foulques de Laon, homme très bien enraisonné et très beau parleur, qui montra aux habitants pourquoi le roi ne voulait pas les satisfaire, si bien que les seigneurs de la ville s'en tinrent pour contents[38]. Le marquis de Monferrat attendait le roi à l'entrée de ses terres, qui touchaient au Milanais ; il le conduisit avec magnificence, par Verceil, jusqu'en Savoie, non sans multiplier les protestations de dévouement. Après Suse, Moncenis, Lans-le-Bourg, et le difficile passage des Alpes, Philippe traversa la Maurienne tout droit jusqu'à Lyon ; il chevaucha en Bourgogne, par Mâcon, Châlon et Cluny ; enfin il vit la Champagne, dépassa Troyes, déposa à Provins le corps du roi Thibaut, et il entra en cette très désirée contrée de France, où il vint à grand désir de cœur. Le 21 mai, il atteignit Paris[39]. Le premier soin de Philippe III fut de transporter les ossements des martyrs qu'il ramenait d'Afrique à Notre-Dame, où ils furent veillés toute la nuit au chant des psaumes, à grand'foison de luminaire. Le lendemain, au matin, une immense procession se forma pour transporter les reliques à l'abbaye de Saint-Denis. Philippe lui-même portait, dit-on, la châsse de Louis IX sur ses épaules[40]. Le clergé de l'abbaye, en chapes de soie, des cierges allumés à la main, vint à la rencontre du cortège ; mais quand on arriva aux portes de l'église, on les trouva closes[41]. C'était que l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris avaient revêtu leurs habits épiscopaux, et que les moines, forts de leurs anciens privilèges, ne voulaient pas permettre que ces personnages entrassent en ce costume dans leur abbaye, contre leurs franchises ; cela aurait créé un précédent. Tout le monde s'arrêta ; les prélats s'allèrent dévêtir ; après quoi, les portes furent ouvertes, et la cérémonie suivit son cours. Ces pieux devoirs accomplis, et après deux mois d'un deuil sévère, Philippe dut songer à inaugurer son règne par le sacre traditionnel dans la ville de Reims. Les fêtes du couronnement furent célébrées le 15 août[42] avec beaucoup d'éclat, car elles coûtèrent plus de douze mille livres[43]. Le roi fut sacré par Milon de Bazoches, évêque de Soissons, le siège de Reims étant vacant. Robert, comte d'Artois, porta devant lui l'épée Joyeuse ; et donc, ajoute Primat, fist le roy le serment de garder l'estat du royaume et des églises selonc les anciennes coustumes ; et quand les solempnitez des messes furent dites, les barons et le peuple se assemblèrent au disner, et toute la cité trépoit de joie, et, au soir, moult de précieux vêtements furent donnés des barons aux menestrex[44]. Dès que ces réjouissances prirent fin, Philippe III alla visiter le Vermandois, et, prié par le comte d'Artois de daigner traverser ses terres, il vint à Arras, où, pendant quatre jours, sa présence excita une liesse sans pareille. La ville était toute pavoisée d'étoffes de couleurs variées Robert y avait appelé les dames et les demoiselles du pays pour faire tresches et quaroles avec les femmes des bourgeois. Puis le roi revint en France et, le 29 août, il se rendit en pèlerinage à l'abbaye de Saint-Denis. C'est donc au mois d'août 1271 que commence, en réalité, le règne de Philippe le Hardi. De graves difficultés politiques allaient mettre aussitôt à l'épreuve l'habileté de son gouvernement. Elles découlèrent de deux sources d'abord, le Saint Empire romain germanique n'avait plus d'empereur depuis plusieurs années ; l'ambition de Charles d'Anjou allait mettre tout en œuvre pour assurer à son neveu cette proie magnifique, la dignité impériale. En second lieu, la mort d'Alfonse de Poitiers et de sa femme posa la grave question de l'annexion définitive des domaines de la maison de Toulouse à la couronne de France. Alfonse de Poitiers, atteint devant Carthage d'une affection mortelle, avait été forcé de relâcher à Corneto, ville des Maremnes, où son mal se déclara ; en allant à Gênes, il s'arrêta encore à S. Pier d'Arena et à Savone ; mais à Savone, il mourut, le 21 août, et sa femme, Jeanne, succomba le lendemain même ; si bien, dit l'annaliste génois, qu'on parla de poison[45]. Ce double décès, assurément causé par une maladie contagieuse, ouvrait une succession très riche, car les deux époux n'avaient pas d'enfants. L'héritage comprenait les sénéchaussées de Poitou et de Saintonge, de Toulouse et d'Albigeois, la terre d'Auvergne, les sénéchaussées de Quercy, d'Agenais, de Rouergue, et, en Provence, le comtat Venaissin. C'était, pour ainsi dire, la France du Midi à qui devait-elle échoir ? Les prétendants ne manquaient pas ; c'était d'abord Philippe III, qui voulait naturellement recueillir le bel héritage que les traités passés entre Louis IX et Raymond VII assuraient à la couronne de France en cas d'extinction de la maison de Toulouse. C'était aussi Henri III, roi d'Angleterre ; il se réclamait des droits qu'il tenait de Jeanne d'Angleterre, mère de Raymond VII, sur la dot de cette princesse, c'est-à-dire sur l'Agenais, le Quercy et la Saintonge ; ces droits, le traité de Paris de 1258 les avait formellement reconnus en stipulant que, si la famille des comtes s'éteignait, ces domaines retourneraient au roi d'Angleterre, ayant cause des possesseurs primitifs[46]. Si le testament d'Alfonse de Poitiers laissait le champ libre à toutes les prétentions, — car il se bornait à instituer ceux qui devaient être ses héritiers par la loi ou par la coutume[47], — il n'en était pas de même du testament de la comtesse Jeanne[48], qui léguait formellement le comtat au roi de Sicile, et tous ses acquêts à Philippa de Lomagne, sa cousine. En outre, le pape pouvait prétendre à recevoir le Venaissin, en vertu des conventions de 1229, qui avaient promis cette terre au siège de saint Pierre. Enfin, les princes d'Aragon avaient des droits sur le comté de Millau, et la tentation était pour eux bien forte de s'immiscer dans les affaires d'une province où leur nom était très populaire, où ils pouvaient apparaître comme les défenseurs de la race méridionale, opprimée par les hommes du Nord ; n'auraient-ils pas trouvé beaucoup de seigneurs mécontents, tout prêts à embrasser leur cause ? Ces convoitises, liguées entre elles, auraient pu créer de graves embarras au gouvernement de Philippe III ; mais Philippe agit avec tant de promptitude qu'il déconcerta d'abord les prétendants. Le 19 septembre, un mandement fut expédié par courrier royal au sénéchal de Carcassonne pour lui ordonner de mettre en la main du roi le comté de Toulouse, l'Agenais et tout l'héritage d'Alfonse et de sa femme[49]. On dit, à la vérité, que les bourgeois de Toulouse prièrent en Peyre, fils du roi d'Aragon, de se déclarer leur comte[50] ; mais Jayme Ier, père de ce prince, craignit un échec, et il ordonna aux siens de s'abstenir. Henri III, plus fort et mieux armé de textes à l'appui de ses réclamations, commença, il est vrai, à fatiguer la cour de France de ses ambassades et de ses exigences ; l'héritage de la comtesse Jeanne devait servir, pendant plusieurs années, d'aliment à l'hostilité des deux peuples anglais et français, que le mariage d'Éléonore avait condamnés à un antagonisme perpétuel. Dès le 25 octobre 1271, Henri III envoya à Paris l'abbé de Westminster et Jean de la Lynde pour demander et recevoir, en son nom, l'Agenais et la Saintonge[51] ; le 28 janvier 1272, de nouveaux messagers furent expédiés de Londres[52] ; le roi d'Angleterre rappelait les stipulations de 1258 ; il insistait pour qu'on lui livrât sans retard l'Agenais et la Saintonge, et pour qu'on continuât l'enquête commencée sous Louis IX au sujet du Quercy, afin de savoir si certaines parties de cette province avaient été comprises jadis dans la dot de la comtesse Jeanne. De plus, il se plaignait — grief nouveau — que les agents du roi de France inquiétassent les officiers de son fils Edward au sujet de l'hommage de la cité de Limoges. Ainsi s'annonçaient déjà les deux grandes querelles qui devaient être débattues entre la France et l'Angleterre jusqu'à la fin du règne d'une part, les Anglais réclament les terres que le traité de Paris leur avait cédées conditionnellement, la condition étant échue de l'autre, les Français cherchent à s'immiscer dans les affaires des provinces formellement abandonnées par Louis IX en 1238. Tous les conflits anglo-français, pendant la fin du XIIIe siècle, résultèrent ainsi du traité de Paris comme des conséquences nécessaires. Philippe III satisfit d'abord les plénipotentiaires du roi Henri de réponses dilatoires ; et il résolut, en dépit des prétendants, de parcourir les nouveaux États que Dieu, comme dit G. de Puylaurens, lui avait donnés pour y promener sa justice et sa majesté. Il quitta Paris au mois de janvier ; le 30, il était à Poitiers. Il visitait les villes du Poitou et de l'Aunis, Cognac, Niort, Fontenay, la Rochelle, leur prodiguant les privilèges et les bienfaits propres à les attacher à la dynastie, quand il reçut du Toulousain des nouvelles inquiétantes les comtes de Foix et d'Armagnac avaient bravé outrageusement son autorité, encore mal assurée dans les pays du Midi[53]. Une guerre privée en avait été l'occasion. Un certain G. de Casaubon, seigneur de Sompuy, était en guerre avec la famille d'Armagnac ; un jour, le comte d'Armagnac et son frère, Arnaut Bernard, passaient avec quelques hommes d'armes sur une route voisine du château de leur ennemi celui-ci crut à une bravade, engagea le combat et tua de sa propre main Arnaut Bernard. Puis, sachant bien que les parents et les amis de sa victime, très nombreux et très puissants, viendraient tirer de lui vengeance, il se réfugia sous la garde du roi de France et déclara que, prisonnier volontaire, il s'abandonnait à sa justice et lui soumettait toute sa terre. Le sénéchal de Toulouse fit mettre aussitôt les enseignes royales, symbole de la sauvegarde et de la paix du souverain, sur les châteaux du sire de Casaubon. Néanmoins, le comte d'Armagnac et son beau-frère, Roger Bernard III de Foix, accompagnés d'une multitude de gens armés, assiégèrent le château de Sompuy, où le meurtrier était enfermé avec sa femme et ses enfants. Ils tuèrent, parmi les défenseurs, plusieurs serviteurs du roi ; et, G. de Casaubon ayant réussi à s'échapper, ils ravagèrent toute la contrée[54], incendiant le château, arrachant les vignes et les arbres, massacrant les hommes et les femmes[55], au mépris des proclamations du sénéchal. C'est ainsi que, dès le début de son règne, Philippe III trouva l'occasion de faire œuvre de justicier[56]. A la nouvelle de l'attentat, il entra dans une grande colère, indigné de ce que, pour son joyeux avènement, des gens qui n'étaient de nulle comparaison aux barons de France avaient osé entrer en ennemis sur ses terres. Il avait, du reste, d'autres griefs contre le comte de Foix Roger Bernard avait refusé de lui faire hommage ; il molestait l'abbaye de Pamiers. Alors Philippe trouva en son conseil qu'il alât sur les rebelles efforciement, pour ce qu'il étoit nouvellement rois et qu'il le dampnast en tele manière que tout li autre anemis du royaume s'en doutassent plus à meffaire vers lui[57]. Il convoqua tous les vassaux de son royaume qui étaient astreints au service militaire c'était, dit G. de Nangis, une réunion d'hommes capables de subjuguer plusieurs nations barbares. On voulait que la vue du roi de France, ainsi escorté, inspirât aux populations du Midi et aux royaumes voisins la crainte de l'offenser. Le comte d'Armagnac n'attendit pas que la tempête fondit sur lui. Il vint implorer sa grâce à la Rochelle, vers Pâques. Quelque temps après, il fut condamné par le Parlement à 15.000 livres tournois d'amende, qu'il s'engagea solennellement à payer en quinze années[58]. Roger Bernard, au contraire, confiant dans sa force[59], surprit le sénéchal de Toulouse et lui enleva quelques chevaux. Mais les bourgeois de Saverdun lui fermèrent leurs portes ; Beaumarchais, le sénéchal battu, ramena des troupes de Toulouse et conquit rapidement tout le comté jusqu'au Pas de la Barre. S'il n'avait pas reçu l'ordre de s'arrêter, il aurait peut-être forcé le comte de Foix, avant l'arrivée de l'ost royal, jusque dans ses derniers refuges. Cet ost s'était formé à Tours, le 8 mai, sous la direction du maréchal F. de Verneuil, qui était chargé d'y recevoir les montres il comprenait les plus grands seigneurs de France ; le comte de Bretagne avait soixante chevaliers ; le comte de Flandre en amenait cinquante-trois ; les comtes de Boulogne, de Rodez, de Pontieu, de Blois, à proportion. L'armée se dirigea du côté de Toulouse, où le roi arriva lui-même le 25 mai. D'autres contingents sillonnaient encore la France, se hâtant vers le même but[60]. Huit jours après son entrée à Toulouse, Philippe quitta cette ville à la tête de toutes ses forces. Il avait fait, dans l'intervalle, frayer et aplanir les routes[61]. Sur le chemin de Pamiers à Bolbonne, le 1er juin, Philippe III rencontra le roi d'Aragon, jadis son beau-père, qui venait l'implorer en faveur du rebelle avec d'autant plus d'autorité qu'il avait défendu à ses propres vassaux de l'aider dans sa rébellion[62]. On régla aussitôt les termes d'une capitulation ; mais Roger Bernard refusa d'y souscrire. Alors le roi jura qu'il ne partirait point sans avoir détruit le repaire de son ennemi, et il fit miner les rochers sur lesquels s'élevait le château fort où le comte s'était réfugié. C'en fut assez pour que, le 5 juin, le comte de Foix, suivant les conseils de Jayme d'Aragon et de Gaston de Béarn, se mît, lui, sa famille et ses domaines, à la discrétion du vainqueur. Gaston de Béarn lui-même, allié de très près au comte de Foix, dut s'agenouiller devant son suzerain et se purger par serment de tout soupçon de complicité[63] ; Roger Bernard fut enfermé dans une des tours de Carcassonne et un sénéchal fut installé au nom du roi dans son comté. Le châtiment avait donc suivi de près l'offense, et l'impression qu'on en retira fut certainement profonde et salutaire[64]. Pourtant, tout n'était pas fini ; les places fortes du pays de Foix devaient être livrées au roi d'Aragon, à charge pour celui-ci de les transférer à son tour aux officiers du roi de France. Le 7 juin, en présence de Gaston de Béarn, le château de Foix fut en effet remis aux Aragonais[65], et par ceux-ci à Eustache de Beaumarchais. Mais Jayme ne se dessaisit pas aussi facilement des châteaux du haut pays, du Sabartès, dont il se disait suzerain. Le 7 juillet, les sénéchaux de Toulouse, de Carcassonne et de Foix rédigèrent officiellement les résultats d'une enquête sur les limites exactes du comté du côté de l'Aragon[66] ; ce fut en vain. R. de Cardonne continua à occuper au nom du roi d'Aragon et de Roger Bernard les châteaux de Lordat, de Monreal, de Sos, d'Ax et de Merenx. Le 1er août, des envoyés du sénéchal français Pierre de Vilars allèrent porter des réclamations à ce sujet à Jayme Ier, qu'ils trouvèrent dans le jardin des frères mineurs de Montpellier. Ils lui expliquèrent[67] que les officiers de Philippe III avaient demandé aux châtelains de leur ouvrir les portes de leurs forteresses, en vertu de la capitulation générale du 5 juin ; on leur avait répondu que Roger Bernard, de sa prison de Carcassonne, avait donné ordre de les défendre comme par le passé et d'en faire hommage à R. de Cardonne, à la mode catalane. Quant à R. de Cardonne, il avait déclaré qu'il ne pouvait satisfaire les Français que sur l'ordre exprès de son maître. P. de Vilars, en un langage très ferme, dit que c'étaient là de graves injures, puisque les châteaux en litige appartenaient notoirement au diocèse de Toulouse et au royaume de France. A ces plaintes qui lui furent laissées par écrit, Jayme répondit qu'il consulterait son conseil avant de faire connaître ses décisions ; mais, au mois d'octobre, les choses étaient encore en l'état. Toutefois, comme on redoubla de rigueur envers Roger Bernard dans sa prison[68], les Aragonais cédèrent enfin, le 8 février 1273, en abandonnant le Sabartès. Dès le 29 juin, Philippe le Hardi était revenu à Limoges et, dès le 25 août, à Saint-Denis[69]. Jusqu'alors son règne avait été très heureux il avait fait, pendant l'expédition de Foix, l'expérience de sa force ; il avait pacifiquement recueilli un immense héritage. Le roi d'Angleterre ne songeait plus à réclamer énergiquement le Quercy ni l'Agenais, il se mourait deux fois, le 20 mai et le 5 juin, il avait écrit à Philippe pour s'excuser sur l'état de sa santé de ne pas lui avoir encore prêté hommage[70] ; il succomba le 30 novembre. D'autre part, en Italie, les affaires du nouveau roi de France semblaient en bonne voie. Grégoire X, ancien légat en Terre sainte, avait été élu pape le 1er septembre 1271. C'était un homme des anciens temps, tout pénétré de l'idéal du moyen âge, qui commençait alors à s'obscurcir. Étranger aux passions guelfes ou gibelines de ses prédécesseurs, il avait, comme Innocent III, la passion de la croisade ; il rêvait l'union de tous les peuples chrétiens sous la double magistrature, spirituelle et temporelle, du pape et de l'empereur. Créer un empereur qui pût relever l'Allemagne, défendre l'Église, entraîner à sa suite tout l'Occident à la délivrance de Jérusalem, telle était sa chimère. Or, à son avènement, le monde n'avait point d'empereur ; la chrétienté était veuve, depuis plus de vingt ans, de son chef traditionnel. Pendant l'Interrègne, des princes étrangers s'étaient bien parés du titre impérial, mais l'un de ces pseudo-Césars, Richard de Cornouailles, mourut en Angleterre le 2 avril 1272 son rival, Alfonse de Castille, envoya aussitôt deux messagers à Grégoire X pour lui demander de le reconnaître et de fixer le jour du couronnement. Le pape avait plusieurs raisons pour rejeter une pareille requête Alfonse X ne pouvait rien pour relever l'Allemagne et pour organiser la future croisade ; de plus, il était l'ennemi déclaré de Charles d'Anjou, étant le chef reconnu des Gibelins des villes lombardes ; le parti des cardinaux angevins agit donc pour le desservir. Il en résulta qu'une bulle fermement motivée débouta provisoirement le roi de Castille de ses prétentions[71]. Richard et Alfonse ainsi écartés, quel candidat Grégoire X pouvait-il recommander aux électeurs de l'Empire ? N'était-ce pas le roi de France ? Les rois de France avaient joué, en fait, le rôle de véritables empereurs. Louis IX avait guerroyé en Orient contre les Infidèles ; en Occident, il avait travaillé à la pacification des princes chrétiens, exerçant par là, bien mieux que Frédéric II, cette magistrature impériale qui imposait trois devoirs à ses détenteurs maintenir la paix dans le monde, protéger l'Église et propager la foi. Philippe III semblait le digne héritier de son père[72] et se montrait aussi ardent que lui pour les expéditions d'outre-mer. L'archevêque de Corinthe, qui était venu le trouver de la part du pape au commencement de l'année 1272 pour lui demander des subsides, avait été fort bien reçu. Le roi lui avait donné 25.000 marcs destinés à secourir les établissements de terre sainte en se contentant d'une hypothèque sur les biens des Templiers ; le jour de Pâques, à la Rochelle, il avait encore consenti un prêt de 5.000 marcs d'argent en faveur de Grégoire X[73]. Bien plus, il avait envoyé vers le Saint-Siège des ambassadeurs, et, parmi eux, Jean d'Acre, pour supplier le nouveau pontife de hâter la guerre sainte, tant il était impatient d'y retourner ; et Grégoire, au lieu de l'exciter, avait dû tempérer son zèle[74]. Et puis, le roi de France était puissant ; comme Empereur, il aurait été le serviteur à la fois fort et docile de la papauté romaine. Ainsi raisonnaient les Guelfes et surtout leur chef, le roi de Sicile, qui redoutait avec raison l'accession d'un prince d'Allemagne à la dignité impériale. C'est en faisant briller ces raisonnements aux yeux du pape que les cardinaux du parti angevin, Ottohone Fieschi — plus tard Adrien V — et Simon de Brie — plus tard Martin V —, posèrent officieusement la candidature de Philippe le Hardi à l'Empire ; mais c'était Charles d'Anjou, ambitieux pour son neveu, parce que, en l'exaltant, il sauvegardait sa propre hégémonie en Italie, qui parlait par leur bouche. Nous savons que de nombreux courriers furent échangés entre Orvieto et Paris. D'abord, les cardinaux Simon et Ottobone chargèrent un certain maître Pierre de dire au roi, de la part du pape, à ce qu'ils prétendaient, qu'il acquerrait de grands biens et qu'il aurait grand profit à prendre l'Empire[75]. Philippe pensa en la chose, et envoya au pape et aux deux cardinaux maître Nicolas, trésorier de Saint-Frambold de Senlis, pour leur montrer la volonté et la pensée que Dieu lui avait données. Il le pourvut avant son départ d'instructions très nettes, en trois points demander l'avis formel de l'Église romaine ; les raisons de cet avis, s'il était favorable à l'acceptation de l'Empire par le roi de France ; et la nature des secours que l'Église d'outre-monts lui accorderait pour l'aider à mener à bien l'entreprise. Grégoire X avait quitté Orvieto au commencement de juin pour s'acheminer vers Lyon, où devait siéger sous sa présidence un grand concile œcuménique[76]. Le 18, il arriva à Florence accompagné de Charles d'Anjou. Maître Nicolas, venant de France, l'y rencontra. Il s'aboucha aussitôt avec les cardinaux Ottobone et Simon dans la maison de ce dernier[77], qui était retenu chez lui par une indisposition. Maître Pierre rappela les négociations antérieures et invita Nicolas à faire connaître les intentions du roi de France Maître Nichole, or lor distes. — Quand l'envoyé de Philippe eut développé ses instructions, on lui conseilla de ne parler au pape ni de raisons ni de secours à donner, mais de lui demander seulement s'il convenait de prendre l'Empire ; quar demender les raisons ore droit, tant que il eut randu son consoil, ne demendier aide n'avoit pas leu, et bien pooit li rois savoir que si ceste chose se faisoit, que il averoit de l'Esglise quanque il vourroit. Le lendemain, Me Nicolas et Pierre allèrent visiter le pape et lui dirent tout ce qu'ils surent dire de bien. Mais quoiqu'il fût alors très bien disposé pour Charles d'Anjou, dont il venait de condamner les adversaires gibelins[78], et quoiqu'il ne fût pas surpris par leur requête, Grégoire X paya les orateurs d'une réponse évasive. Quand estoit de sa volenté, il vourroit mout que la chose se feit ; vos estiez li princes de quoi il vourroit plus et son prou et s'anour et de qui il auroit plus grant joie, se Deus volloit que la chose avenit, mais son consoil n'osoit-il randre sur ce ne oseroit-il mie tan que il y eut pansé, quar il i voiet moût de raisons et de ça et de là. Il ajouta que, en droit, les prétentions du roi de Castille n'avaient pas encore été détruites, et qu'il ne pouvait conseiller à un prince de s'emparer de l'Empire avant que le droit fût rendu. — Et il ne povoit autre chose dire. En juillet, le pape quitta Florence pour Santa-Croce, près de Bologne. Là, tous les amis du roi de France, sauf le roi de Sicile, qui était resté en arrière à Florence, le prièrent de leur communiquer le résultat de ses réflexions ; il répondit avec toutes sortes de précautions ecclésiastiques qu'il n'en avait point fait, mais que si la chose s'opérait, il assurait Philippe de son aide. Après ce nouvel échec, Me Nicolas et les Angevins eurent encore ensemble quelques entrevues[79] ; mais, entre deus, Charles d'Anjou manda aux envoyés de venir le retrouver, et le cardinal Simon leur conseilla, puisque le pape ne voulait point découvrir sa pensée, de prendre congé. Ils le firent, et Grégoire X leur dit au départ : Vous revenrez par ci, reparlés encore à moi, et si ge avoie ci entredeus chose pansé qui feit à la besongne, si la vous diroie. Le roi de Sicile leur donna à Florence un mémoire qui contenait des conseils et des raisons propres, à défaut des conseils et des raisons du pontife, à lever les scrupules de son neveu. Après cela, maître Nicolas et ses compagnons traversèrent de nouveau Santa-Croce Grégoire X y était tombé malade ; il ne les reçut même pas, et leur fit dire seulement, au bout de trois ou quatre jours, qu'il n'avait rien à ajouter à ses réponses antérieures ; il les priait, à leur retour, de saluer le roi de France en son nom. Cependant les envoyés de Philippe III ne retournaient pas en France les mains vides. Grégoire X ne s'était pas prononcé et ses hésitations mêmes étaient significatives ; mais Charles d'Anjou avait mis dans son mémoire, dont nous possédons encore l'original[80], des exhortations très persuasives. On a remarqué que ce document révèle assez bien l'esprit de la politique du roi de Sicile, comme les Enseignemens de 1270, adressés aussi à Philippe, révèlent l'esprit de la politique de Louis IX[81]. Or, cette politique de Charles d'Anjou, c'est déjà celle de Philippe le Bel. Le mémoire comprend vingt articles, arrangés selon une gradation habile. Il pose d'abord en principe que le devoir des princes est de faire le service de Dieu (art. 1, 2) et qu'on est en droit de demander davantage au fils d'un prud'homme qu'au fils d'un autre[82]. Donc, le roi doit se dévouer au service de Dieu, lui qui est puissant et dont tous les ancêtres, le roi Philippe, le roi Louis, ont bataillé outre-mer contre les Infidèles (art. 3-6). Mais il y a différentes façons de servir Dieu porter la haire, cela ne convient point à un homme jeune ; pour un prince comme le roi de France, la meilleure façon de servir Dieu, c'est de prendre l'Empire, car les croisades de ses prédécesseurs ont échoué, malgré tous les efforts, contre la puissance du sultan ; or, si le roi devenait Empereur, il pourrait cueillir chevalerie de par tout le monde (art. 9, 11). Du reste, s'il est Empereur, il aura meilleur marché de ses propres sujets (art. 10), et des autres princes de la chrétienté (art. 12), sans compter que ce sera grand honneur à la chevalerie de France et grand profit peut-être que son seigneur soit par-dessus tous les seigneurs du monde (art. 20). Charles d'Anjou prévoit ici la plus grave des objections : ce qui est facile à dire est difficile à faire ; il y répond aussitôt : Que le roi puisse justicier et avoir en paix l'Empire, cela est trop facile. Il a alliance ou lignage à six rois — Castille, Aragon, Navarre, Angleterre, Sicile, Hongrie —, si que il n'i a que faire alliance à un poi d'Alemans — et le roi a bien de quoi — et à l'Esglise qui tout li abandonne. Il ne prend pas l'Empire pour recouvrer ses droits en Italie, car ce pays n'est pas son héritage, mais pour pouvoir assembler une plus forte chevalerie contre les ennemis de la foi (art. 13, 14). Le mémoire de Charles d'Anjou était destiné à persuader Philippe III d'accepter l'Empire, s'il lui était offert, mais il faut croire que le roi de Sicile se préoccupait aussi, quoique nous n'en sachions rien, de le lui faire offrir. Le pape, pour des motifs cachés[83], s'était tenu sur la réserve. Quant au peu d'Allemands dont le mémoire parlait, avait-on seulement essayé de les gagner ? C'est à peine s'il est permis de supposer qu'on agit sur l'un des électeurs, l'archevêque de Trèves, qui se trouvait à Orvieto en août 1272 et dont les affaires furent expédiées avec une promptitude inusitée[84]. Maître Henri d'Isernia écrit seulement, vers le milieu de septembre, que le terrible roi de Sicile est auprès du pape, à Santa-Croce, cherchant à retarder l'élection impériale par ses prières, de toutes ses forces, à prix d'argent[85]. Il semble en effet que Charles d'Anjou, ignorant la constitution germanique ou la méprisant, ait consacré toute son activité à s'assurer le concours du pape comme s'il était l'unique dispensateur de l'Empire. — Philippe III, de son côté, s'il s'occupait peu des choses d'Allemagne, se conduisait, par politique ou par hasard, de façon à mériter les remerciements du Saint-Siège. Grégoire X lui avait envoyé de Florence un messager, Guillaume de Mâcon, son chapelain, pour le prier d'accorder encore des secours pour la Terre sainte le 28 août, il lui écrivit de Santa-Croce pour le louer de son empressement et de son zèle[86]. G. de Mâcon avait été aussi chargé de réclamer au roi de France le comtat Venaissin, qui, suivant le traité de 1229, avait été conféré à l'Église romaine ; or, bien qu'en 1234[87] un pape eût fait tacitement abandon des droits acquis en 1229, bien que la comtesse Jeanne eût légué à Charles d'Anjou ses terres de Provence, les prétentions du pape ne furent pas rejetées ; Philippe III, au contraire, devait confirmer avant la fin de l'année la cession du comtat Venaissin au Saint-Siège[88]. Alors Grégoire X écrivit aux électeurs d'Allemagne une lettre impérative[89] pour leur enjoindre de choisir un Empereur dans un certain délai, ajoutant que, s'ils y manquaient, il pourvoirait lui-même aux nécessités de l'Empire. Il croyait, dit un glossateur italien qui a ajouté des notes au texte de la chronique de G. de Fracheto, il croyait que les électeurs ne pourraient s'accorder en un mois et il pensait : J'élirai le roi de France ; et son intention était sainte et bonne, car il faut que celui qui doit être Empereur soit riche et puissant, et, dans toute la chrétienté, le roi de France n'a point d'égal[90]. Que Grégoire X ait fait ou qu'il n'ait pas fait cette réflexion, il est certain que le parti français applaudit à son action. On ne pouvait pas penser, en effet, que les électeurs s'entendraient ou bien ils n'éliraient personne et alors le pape désignerait Philippe III ; ou bien ils éliraient à la fois deux princes et le pape serait leur juge comme il l'avait été entre Richard de Cornouailles et Alfonse de Castille pendant l'Interrègne. Ottokar de Bohême était lui-même candidat à la couronne impériale[91] ; Saxe et Brandebourg tenaient pour Siegfried d'Anhalt. L'archevêque de Trèves était peut-être gagné par les Angevins. Engelbert de Cologne et le palatin Ludwig se haïssaient depuis longtemps. L'union entre tous ces hommes paraissait irréalisable. Elle s'opéra pourtant tout d'un coup. La lettre de Grégoire X fut connue sans doute en Allemagne au mois d'août ; dès le 1er septembre, Werner de Mayence et le Palatin eurent une entrevue. Grâce aux négociations qu'ils entamèrent, deux candidatures seulement se trouvèrent en présence, celle du prince d'Anhalt et celle de Rudolf de Habsbourg. Le 1err octobre, à Francfort, Rudolf de Habsbourg fut proclamé roi des Romains. Le pape fut probablement fâché de cet événement ; car, comme défenseur de la foi, il aurait préféré un roi comme Philippe III ou Ottokar à un seigneur tel que Rudolf ; mais il n'éleva point de protestation. Il ne s'était jamais engagé envers la cour de France. Dans sa lettre à Alfonse de Castille comme dans ses réponses orales à Nicolas de Senlis, il s'était toujours refusé à anticiper sur la décision des électeurs légitimes ; il s'était toujours posé en partisan de la légalité il n'avait jamais manifesté que des sympathies vagues. Il acquiesça donc aisément au choix du collège électoral. Quant à Philippe III, il se consola très vite ; sa candidature lui avait été suggérée ; il ne l'avait jamais poussée avec ardeur, soit par absence d'ambition, soit par prudence. Charles d'Anjou, le seul qui fût frappé dans de chères espérances, dut s'en prendre à l'insuffisance de sa politique, qui s'était épuisée à envelopper le pape d'un réseau d'intrigues au lieu d'agir à la fois en Italie et en Allemagne. Mais l'Allemagne s'émut du danger qu'elle avait couru de perdre cet office international de l'Empire qu'elle considérait comme sa chose ; et le livre de Jordanus d'Osnabrück, écrit vers 1285[92], rappelle avec éclat que si le Sacerdoce appartient à Rome, l'Empire du monde, sous Charlemagne et sous Othon, a été transféré pour toujours à la race germanique[93]. D'ailleurs, Philippe III avait été obligé, depuis le commencement de l'année 1273, de s'occuper moins du Saint Empire que de l'Angleterre et de l'Aquitaine, car, à la nouvelle de la mort de Henri III, le nouveau roi, Edward Ier, avait quitté la Terre sainte pour revenir en Occident[94]. Son retour allait poser de très graves questions. En quels termes rendrait-il hommage au roi de France ? N'élèverait-il pas des prétentions sur les anciens domaines des Plantagenets, sur l'héritage de la comtesse Jeanne ? Des troubles s'élevaient en Béarn et en Limousin, où les intérêts du roi de France étaient plus ou moins engagés ; l'arrivée du roi d'Angleterre pouvait les rendre redoutables. Au mois de janvier 1273, Edward était débarqué en Italie ; il fut salué d'abord par Charles d'Anjou et par des messagers du pape[95] qui l'escortèrent jusqu'à Viterbe. Il eut des entrevues familières avec Grégoire X, qu'il avait connu à Saint-Jean-d'Acre avant son élévation ; il lui apprit les nécessités de la Terre sainte et il le pria de châtier sévèrement le meurtre de son cousin Henri l'Allemand. On ne sait point s'ils agitèrent ensemble le problème des candidatures à l'Empire. Toujours est-il que le roi traversa en grande pompe la Lombardie[96] ; sur son passage, on criait Vive l'empereur Edward ![97] Les Milanais lui offrirent des chevaux tout harnachés d'écarlate, comme ils en avaient offert jadis à Philippe III. Le 25 juin, le comte de Savoie lui rendit hommage. Pendant qu'il était au château de Saint-Georges en Viennois, un seigneur du royaume d'Arles, G. de Tournon, qui avait pillé autrefois les bagages des Anglais qui allaient à la croisade[98], vint implorer son pardon et l'obtint, grâce à l'intervention de la comtesse de Bourgogne et de l'archevêque de Vienne, à condition qu'il se déclarerait vassal de la couronne d'Angleterre pour toutes ses terres allodiales. A la descente des montagnes de Bourgogne, Edward rencontra une foule de comtes et d'abbés, venus d'Angleterre à sa rencontre[99]. Alors, dit Mathieu de Wesminster, les Français, qui ont toujours été vantards et susceptibles, voyant cette multitude d'Anglais, organisèrent un pas d'armes à Chalon en Bourgogne il y eut bataille, et les Anglais furent les plus forts, ils tuèrent même quelques hommes sans armes qui volaient les dépouilles des vaincus ; mais comme c'étaient des gens vils, on ne s'en soucia pas. Les croisés entrèrent ensuite en France ; et Edward, au commencement du mois d'août, joignit Philippe III et sa cour à Melun[100]. Edward et Philippe étaient cousins, fils des deux sœurs Marguerite et Aliénor, et, à ce titre, ils étaient obligés de se témoigner une affection de commande[101]. Il y eut donc de grandes fêtes à l'occasion de leur rencontre, et le roi d'Angleterre prêta solennellement hommage au roi de France ; mais il le fit en termes ambigus. Domine rex, dit-il, d'après l'annaliste de Westminster, facio vobis homagium pro omnibus terris, quas debeo tenere de vobis. N'était-ce pas rappeler ses droits à l'Agenais, au Quercy, et même à la Normandie et à l'Anjou ? Cela était très habile. Sachez, écrivait alors un compagnon d'Edward à l'un de ses correspondants d'Angleterre, sachez que le roi a fort bien expédié ses affaires à la cour de France ; après cela, il est parti pour la Gascogne[102]. Edward Ier resta en Gascogne, son ancien apanage, pendant les derniers mois de 1273, et il n'y demeura pas oisif. Il entama des négociations pour marier sa fille aînée à l'infant d'Aragon, et son fils à la fille du roi de Navarre, héritière de ce royaume et du comté de Champagne. En octobre, le contrat fut signé avec le prince d'Aragon ; en novembre, avec Henri de Navarre[103]. Alliances aussi dangereuses pour la sécurité de la France qu'utiles aux ducs d'Aquitaine ! Le fils d'Edward, s'il avait vécu assez longtemps pour épouser Jeanne de Navarre, aurait possédé, outre l'Angleterre et la Gascogne, la Navarre, la Champagne et l'amitié du roi d'Aragon ; l'accumulation de tant de couronnes sur une seule tête aurait peut-être changé pour toujours les destinées du Midi. En outre, Edward Ier s'occupa, dès son arrivée, à recevoir les hommages de ses vassaux gascons et à châtier leur turbulence[104] ; mais tous ceux de ces vassaux qui subissaient avec peine l'administration sévère et appliquée des sénéchaux anglais, tous ceux dont les ennemis personnels étaient protégés par ces sénéchaux, formaient comme la clientèle spéciale du roi de France en Aquitaine. Forts de l'appui du suzerain supérieur, ils osaient parfois entrer en guerre ouverte avec leur duc ; et, malgré la présence d'Edward, il y eut en effet de véritables guerres en 1273 aux deux extrémités du duché. Le gouvernement de Philippe III y joua un rôle assez considérable, qui n'est pas très connu, encore que les questions de Limousin et de Béarn aient tenu une grande place dans la politique du temps. Le Limousin était alors une terre contestée entre la France et l'Aquitaine et déchirée par de très sanglantes discordes féodales. La commune de Limoges d'une part, d'autre part la vicomtesse Marguerite de Limoges, se trouvaient en hostilité ouverte ; si Louis IX, en 1262, avait recommandé à ses sergents des pays avoisinants d'observer une neutralité exacte[105], la cour du roi, dès le commencement du règne de Philippe le Hardi, avait, à plusieurs reprises, donné raison à la vicomtesse[106]. Le sénéchal français, dit un annaliste local, se comportait comme la cour de son maître ; quelques-uns excusaient la personne du roi, mais l'injustice n'en était pas moins flagrante. On nous haïssait à cause du roi d'Angleterre, parce que ceux qui av aient monté les esprits du roi et de ses conseillers contre nous prétendaient faussement que nous aimions mieux les Anglais[107]. — Philippe avait, à la vérité, défendu à la vicomtesse de prendre les armes[108] ; elle avait réuni pourtant à Châlusset des bandes qui pillaient tout, mutilaient les bestiaux, répandaient le blé et faisaient toutes sortes de méchancetés. Or, malgré tant d'excès, le Parlement rendit, à la session de la Pentecôte 1273, un arrêt par lequel il accordait la justice de la ville à la vicomtesse, quoique les bourgeois eussent déclaré qu'ils n'étaient pas ses hommes, mais ceux du roi[109]. Les bourgeois restèrent stupéfaits d'un tel déni de justice[110] ; le roi combla la mesure de leur indignation en s'interposant pour faire délivrer les soldats de la vicomtesse qui étaient prisonniers, sans s'occuper en même temps des bourgeois qui avaient été capturés par l'ennemi. Ils firent remonter la responsabilité de toutes ces iniquités à Géraut de Maumont et à Hélie, son frère, clercs du roi. Géraut, qui était gouverneur de la vicomté de Limoges pour Marguerite, avait été fait, le 21 juillet, conseiller du roi de France ; et c'était lui qui, d'après le continuateur de P. Coral, avait tout machiné à la cour de France, en dénonçant la commune comme suspecte de sympathies anglaises. Le 5 juillet, les hommes de Limoges firent une sortie contre Aixe, quartier général de l'ennemi ; il y eut des prisonniers et des morts. Ils résolurent vers cette époque, puisqu'ils avaient tous les désavantages de l'alliance anglaise, d'en avoir aussi les bénéfices[111]. Le 25 juillet, la reine d'Angleterre vint à Limoges et fut conduite en procession à Saint-Martial avec de grands honneurs. Le 7 août, le sénéchal anglais, venu au secours des bourgeois, les récompensa de leur bonne volonté en battant l'armée de la vicomtesse, entre Aixe et Limoges ; il y eut des réjouissances dans la ville. Aussi, quand Eschivat de Bigorre et G. de Valence arrivèrent avec des lettres d'Edward Ier, datées de Saintes (27 août), qui demandaient aux habitants de Limoges, en dépit des anciens arrêts de la cour de France, de lui prêter le serment de féauté comme duc d'Aquitaine[112], ils acquiescèrent de bon cœur. La prestation du serment eut lieu le 3 septembre, dans l'abbaye de Saint-Martial, en présence des consuls et de toute la communauté. Le 16 septembre, il y eut de nouvelles escarmouches où les bourgeois eurent le dessus ; ils en furent si exaltés que, le dimanche suivant, au matin, avec tambours et trompettes, ils allèrent tenter une surprise contre Aixe après avoir traversé le gué de la Vienne, ils brûlèrent le bourg de Saint-Priest, maltraitant le curé du lieu, emportant le calice d'argent, le missel et les cierges. Mais, aux portes d'Aixe, une panique les prit ; beaucoup de gens s'étaient dit que les sacrilèges commis porteraient malheur ; ils jetèrent leurs armes et se cachèrent dans les bois. Le 27 septembre, la vicomtesse vint détruire les vignes jusqu'auprès du pont de Saint-Martial. On se battit encore le 2 octobre[113]. Pendant ce temps, Edward s'efforçait de réunir des secours ; le 23 octobre, il écrivit aux sénéchaux de Gascogne et de Limousin et au vicomte de Ventadour de dégager la ville de Limoges[114]. En outre, il agit près de Philippe le Hardi, qui ordonna tout à coup de poser les armes et qui cita les deux parties à comparaître devant lui, à la Saint-Martin d'hiver. La sentence du roi de France, dont le texte a été récemment retrouvé[115], fut prononcée au parlement de la Toussaint elle obligeait le roi d'Angleterre à abandonner avant le prochain dimanche des Brandons le serment de fidélité qu'il avait reçu des bourgeois ; s'il négligeait de le faire, le sénéchal de Périgord l'y forcerait ; il devait s'abstenir de combattre en aucune façon la vicomtesse, qui restait en possession de la justice de Limoges. Philippe III expliqua et développa cet arrêt, très conforme à la jurisprudence antérieure de ses Parlements, dans une lettre particulière au roi Edward[116] ; il lui ordonnait de retirer le bailli qu'il avait placé dans la ville et de reconnaître le droit de justice de Marguerite, son droit de justice armée en cas de rébellion[117]. La sentence de la cour ne fut pas exécutée incontinent, et durant plusieurs mois les choses restèrent en suspens. Mais, tandis que la guerre désolait ainsi toute la province limousine, une autre rébellion avait éclaté dans la Gascogne méridionale Gaston de Béarn avait pris les armes contre Edward[118]. Ce seigneur, qui, durant l'expédition de Foix, s'était lié avec la cour de France, était pour les rois d'Angleterre un vassal aussi gênant que Roger Bernard III l'avait été pour Philippe. Cité plusieurs fois à la cour ducale de Saint-Sever pour répondre de ses excès, il fit défaut, et ses gens arrêtèrent à Orthez un messager de Lucas de Tani, sénéchal de Gascogne[119]. La cour de Saint-Sever le frappa aussitôt d'une sentence très dure, et, le 2 octobre, il s'engagea à s'y soumettre en livrant Orthez entre les mains de son suzerain[120] ; mais il n'en fit rien. Le 1er novembre, le comte fut encore invité solennellement à comparaître devant la cour de Gascogne ; réfugié dans un château fortifié, il s'excusa de nouveau d'y paraître, et une armée fut dirigée contre lui[121]. Telle était, à la fin de l'année 1273, la situation politique. Philippe III se trouvait sans contredit dans les conjonctures les plus favorables. Il avait hérité presque pacifiquement de domaines immenses. Il avait coupé les révoltes féodales dans leur racine et déployé contre le comte de Foix une vigueur incomparable. Son rival, Edward Ier, était aux prises avec des difficultés sérieuses et n'osait agir avec trop d'énergie ni contre la vicomtesse de Limoges ni contre Gaston de Béarn, parce que le roi de France était derrière eux ; Philippe assistait en spectateur et en arbitre aux embarras du duc d'Aquitaine. A l'est, il est vrai que la candidature à l'Empire avait échoué ; mais les officiers de la couronne de France s'en consolaient en empiétant continuellement sur les terres d'Empire, qui étaient mal défendues. En 1271, un sénéchal royal était entré dans l'évêché de Viviers pour exiger le serment de fidélité des seigneurs ; le temporel de l'évêque de Viviers, qui prétendait ne relever que du royaume d'Arles, avait été saisi malgré les protestations de Grégoire X. En janvier 1273, Philippe avait conclu avec l'abbaye de Montfaucon-en-Argonne[122] un pariage qui introduisait son autorité à Montfaucon et dans tout le pays avoisinant, le long de la Meuse, à quelques lieues de Verdun. Il y avait placé un prévôt subordonné au bailli de Vermandois ; et une enquête faite en 1288 sur l'ordre de Rudolf de Habsbourg[123] constata que ce pariage avait été passé au détriment des droits de l'Empire. D'autres empiètements encore avaient été commis à la faveur de l'Interrègne[124]. L'année même de l'élection de Rudolf, d'après la chronique de Limoges, dont lé témoignage, sur ce point, demeure isolé, l'Empereur réclama ; Philippe III lui répondit avec fierté, et Rudolf détruisit un château que les Français avaient construit en terre d'Empire[125]. Mais c'est surtout dans les affaires de la ville impériale de Lyon que Philippe s'était immiscé avec persévérance. Les querelles de l'église et des bourgeois de Lyon avaient fourni aux rois de France, dès 1267, l'occasion d'intervenir dans les affaires de la grande république du Rhône. Philippe le Hardi la traversa le 2 mai 1271, en revenant de la croisade ; cette ville était alors en butte aux attaques des comtes de Savoie ; il la reçut sous sa protection. Et ce ne fut point là une formalité vaine, car le Parlement, en novembre, condamna le chapitre à 500 livres parisis d'amende pour avoir emprisonné et insulté P. Chevrier, sergent du roi et citoyen de Lyon, qui conduisait un navire royal[126]. Chose inouïe jusque-là, le nouvel archevêque, Pierre de Tarentaise, qui fut plus tard Innocent V, prêta, le 2 décembre 1272, serment de fidélité au roi de France[127] ; malgré les restrictions dont il l'enveloppa, la suzeraineté française plana désormais sur Lyon et prépara l'annexion. Le pouvoir de Philippe était si bien établi qu'après avoir frappé le chapitre en 1271, la cour de France frappa, le 28 mai 1273, le corps des bourgeois avec une sévérité extrême, en lui déniant le droit de posséder un sceau, de constituer une communauté, d'être une personne féodale[128]. Enfin, quand Grégoire X vint à Lyon pour y célébrer le concile œcuménique de 1274, Philippe III, agissant comme chez lui[129], sous prétexte de garantir la sécurité du pape et des Pères, introduisit dans la cité des chevaliers et des sergents sous les ordres d'Imbert de Beaujeu. C'est à Lyon, en effet, que devait se réunir le célèbre concile dont l'ouverture marque la fin de la première période du règne de Philippe III, la période d'inauguration. Grégoire X avait convoqué depuis longtemps tous les évêques et tous les princes de la chrétienté se rendre à Lyon, terre libre et neutre, au terme du mois de mai 1274[130], pour y délibérer sur les deux grands problèmes que le pape avait Louis IX mourut le 25 août 1270 au camp devant Carthage et Philippe, enfant de bon commencement, lui succéda el gouvernement du roiaume et à l'administration de l'ost[131]. Il était atteint lui-même de la maladie qui avait emporté son père ; et quand ses oncles, le roi de Sicile et le comte de Poitiers, accompagnés du roi de Navarre, lui découvrirent la fatale nouvelle, il resta sans voix. Mais Charles d'Anjou le blâma de son abattement ; il lui montra moult de causes pour le relever et alléger sa douleur ; il lui conseilla, entre autres choses, de recevoir l'hommage de ses vassaux, et, dès le 27 août, les comtes d'Artois, de Flandre, de Poitiers, de Bretagne, et beaucoup de barons jurèrent, en effet, fidélité au nouveau roi. Cependant Philippe resta en proie à une fièvre aiguë qui n'était pas encore apaisée le 4 septembre[132] ; et le roi de Sicile prit, en fait, le commandement de l'armée. C'est lui qui régla les obsèques de Louis IX[133] ; c'est lui qui, quelques jours après, rétablit les affaires et ranima le courage des croisés en surprenant un parti de Sarrasins, grâce à son expérience des guerres d'Orient[134]. Quand Philippe fut guéri, il fit en sa compagnie quelques sorties assez heureuses ; enfin, quand le sultan de Tunis eut envoyé des propositions pacifiques — car les musulmans souffraient autant que les chrétiens de la pestilence et de l'épidémie —, Charles d'Anjou exhorta le roi à les écouter. Il y avait certainement de bonnes raisons à faire valoir pour décider l'armée à abandonner l'Afrique. Bien que Philippe III eût pourvu au gouvernement de son royaume en expédiant, dès le 12 septembre, aux régents Mathieu de Vendôme et Simon de Néelle, institués par son père, des lettres de confirmation[135], il était nécessaire qu'il revint au milieu de son peuple, qu'il fût sacré et couronné comme ses ancêtres[136]. D'ailleurs, le succès de la campagne, si on la continuait, était incertain[137] ; et, en tout cas, on n'en pouvait guère attendre des résultats profitables pour la cause chrétienne. Enfin le sultan semblait disposé à faire des concessions assez larges pour débarrasser son pays des envahisseurs. L'occasion se présentait de liquider honorablement une expédition qui avait été désastreuse. Charles d'Anjou, qui avait jadis conseillé de l'entreprendre, conseilla donc d'y mettre un terme. Quelques seigneurs voulaient demeurer, pourtant, jusqu'à ce qu'ils eussent conquis et pillé la capitale des Sarrasins. Leur avis fut soutenu dans le conseil de l'ost, et, grâce à l'intervention des rois de Sicile et de Navarre, rejeté par Philippe III. Mais cet avis était partagé par le commun de l'armée, qui aurait trouvé dans le sac de Tunis comme une compensation vengeresse de ses souffrances. Quand on apprit que des pourparlers étaient entamés en vue de la conclusion d'une trêve, les murmures éclatèrent[138] ; le menu peuple s'écria que Charles d'Anjou n'avait amené les croisés à Tunis que pour contraindre le sultan à lui payer le tribut qu'il négligeait depuis longtemps d'acquitter entre les mains des rois de Sicile. L'historiographe de Saint-Denis traite ces accusations avec dédain ; il les attribue à la simplicité et à l'ignorance de pauvres gens qui n'entendaient rien à la politique ; elles étaient pourtant assez fondées, et un. homme comme P. de Condé n'hésitait pas à les développer dans une lettre adressée à Mathieu de Vendôme[139]. Seulement, si Louis IX avait eu tort, pour satisfaire l'ambition de son frère, d'engager la croisade dans l'aventure sanglante de Tunis, Philippe III avait raison, que Charles d'Anjou y trouvât ou non son compte, de se retirer au plus vite d'une situation sans issue. Le mois d'octobre se passa en négociations entre les plénipotentiaires[140], Geoffroi de Beaumont et Abou Zeyyan Mohammed, qui intervinrent tous deux au traité. Le roi, pendant ce temps, s'occupait de payer les gages de ses chevaliers[141] ; le 2 octobre, il fit son testament et, prévoyant l'éventualité de sa mort et d'une minorité, institua un nouveau conseil de régence[142]. Il réitéra, le 4 octobre, les prescriptions contenues dans ses lettres du 12 septembre, invitant les régents à veiller à la sécurité de son royaume, à fortifier les défenses des frontières de terre et de mer, afin d'éviter les surprises ; il leur recommandait aussi de faire payer au Temple toutes les sommes ordonnancées par son père et par lui-même, et de lui envoyer de l'argent, pour parer aux graves nécessités de l'heure présente[143]. Il craignait sans doute que ses premiers messages, confiés à Geoffroi de Beaulieu et à Guillaume de Chartres, ne se fussent égarés en route. Enfin on arrêta les conditions d'une trêve ; elles étaient fort acceptables pour les chrétiens, quoique l'instrument original du traité, écrit en arabe[144], ne contienne pas certaines clauses très favorables qui, d'après G. de Nangis et un anonyme de Padoue, y auraient été insérées. Le sultan de Tunis ne promit point de laisser prêcher dans ses États la religion chrétienne, ni d'entretenir trois mille hommes au service du Christ en Terre sainte[145] ; mais il consentit à l'échange des prisonniers il autorisa les chrétiens à demeurer et à faire le commerce sur ses terres et à y pratiquer leurs rites. Il s'engagea en outre à payer : 1° pour les frais de la guerre, 210.000 onces d'or, chaque once du poids de 50 sous tournois, moitié comptant ; 2° l'arriéré de cinq années de tribut au roi de Sicile ; 3° à l'avenir, un tribut double de celui qu'il payait jadis à Frédéric II. Ces articles furent arrêtés le 30 octobre, au dire de P. de Condé ; ils furent approuvés le 1er novembre par Abou-Abdallah-Mohammed, qui jura de les observer. Le 15 novembre, mardi après la Saint-Martin, les croisés commencèrent à s'embarquer sur leurs vaisseaux, à l'exception de Charles d'Anjou, qui restait en arrière pour recueillir les pauvres et les retardataires. On devait cingler vers le port de Trapani en Sicile, où l'armée se réunirait pour délibérer sur la direction que la croisade, commencée à Tunis, allait prendre désormais. On pense généralement, écrit P. de Condé, que quelques seigneurs, comme le comte de Poitiers et Mgr. Pierre le Chambellan, par exemple, iront en Terre sainte avec des corps soldés d'autres en Grèce contre Michel Paléologue avec le roi de Sicile ; et que le roi de France, escortant le corps de son père, retournera directement dans son royaume en passant par Rome[146]. On leva l'ancre le jeudi et on arriva le vendredi ; mais, pendant la nuit du samedi, il s'éleva une tempête terrible qui dura trois jours ; les marins n'en avaient jamais vu de pareille. Les plus grands navires chassèrent sur leurs ancres et furent engloutis, comme des pierres, au fond de la mer, avec des milliers de personnes qui n'étaient pas encore descendues à terre. Dix-huit vaisseaux, neufs et solides, furent perdus ; celui de l'évêque de Langres ne renfermait pas moins de mille âmes, hommes et femmes, quand il sombra[147]. A Trapani, toute velléité de croisade se trouva détruite chez les Francs par le désastre de leur flotte ; ils se contentèrent de s'engager à se rendre dans trois ans, le jour de la Madeleine, dans un port qu'on désignerait, pour aller en Palestine, à moins que le roi de France ne leur reconnût alors des excuses légitimes. Les Anglais seuls persistèrent ; le prince Edward, arrivé à Tunis après la mort de Louis IX, avait été indigné de la convention passée avec les Sarrasins Charles d'Anjou lui avait, paraît-il, défendu de se battre[148], parce que le sultan, en vertu du traité, avait envoyé au camp des croisés trente-deux chameaux chargés d'or et d'argent. Les Anglais avaient vu là une sorte de trahison ; comme leurs navires furent épargnés par la tempête du 19, ils crurent qu'un miracle avait protégé ceux qui ne s'étaient point souillés de l'argent des infidèles. C'est pourquoi Edward, laissant avec les rois de France et de Sicile son parent Henri d'Allemagne, annonça qu'il ne quitterait Trapani que pour aller, lui et sa compagnie, à Saint-Jean-d'Acre[149]. Philippe III resta quinze jours à Trapani, retenu par la maladie du roi de Navarre que tourmentaient des fièvres contractées en Afrique. Thibaut mourut le jeudi avant la fête de saint Nicolas ; et l'armée, égrenant continuellement sur son chemin des cadavres et des malades, s'ébranla enfin du côté de l'Italie. On franchit le phare de Messine, Monteleone, Nicastro[150]. Le 11 janvier 1271, la reine Isabelle, grosse de six mois, tomba de cheval en traversant une rivière débordée sous les murs de Marturano, près de Cosenza, en Calabre elle accoucha d'un enfant mort, et, dix-sept jours après, elle succomba elle-même dans des souffrances atroces. Le roi notre sire en a été très affligé, écrit P. de Condé[151], et l'on craint beaucoup pour sa vie si la crise de douleur qu'il traverse ne s'apaise pas. Après avoir tout disposé pour l'érection d'un monument funéraire dans la cathédrale de Cosenza[152], Philippe continua sa route, portant avec lui cinq cercueils, ceux de son père, du roi de Navarre, de son frère, le comte de Nevers, de sa femme et de son fils ; il écrivait à l'abbé de Saint-Denis qu'il avait toujours ainsi sous les yeux les plaies saignantes de sa famille[153]. Par Foggia[154], Capoue, San Germano, Caperana, Ferentino et Rome, où il passa quelques jours pour honorer les saints Apôtres, il arriva enfin, le 9 mars, à Viterbe, où les cardinaux du parti guelfe et du parti gibelin étaient réunis depuis longtemps pour l'élection d'un pape. A Viterbe, Philippe III, accompagné de Charles d'Anjou,
alla visiter les membres du sacré collège, leur donna le baiser de paix, et
les conjura, comme il le dit lui-même dans une lettre aux régents (14 mars)[155], de pourvoir
promptement l'Église d'un pontife convenable,
c'est-à-dire, sans doute, favorable aux intérêts de la maison d'Anjou[156]. Le séjour des
croisés à Viterbe fut marqué par une tragédie émouvante le comte Henri
l'Allemand, fils de Richard de Cornouailles, assistait à la messe dans
l'église Saint-Silvestre, quand Gui de Montfort, fils de Simon de Leicester
et vicaire de Toscane pour le roi de Sicile, l'assassina à coups de couteau,
sous prétexte qu'il avait jadis contribué à faire mourir son père, le vaincu
d'Evesham[157].
G. de Montfort aggrava encore ce sacrilège comme il sortait de l'église, un
de ses chevaliers lui demanda ce qu'il avait fait ; il répondit qu'il s'était vengé[158]. — Mais votre père, répondit l'autre, a été traîné dans les rues. Gui rentra aussitôt
dans le sanctuaire, et, prenant par les cheveux le cadavre de Henri
l'Allemand, il le traîna ignominieusement jusqu'à la porte. Puis il s'enfuit
sur les terres du comte Rosso Aldobrandino, son beau-père, dans la Maremne
toscane[159].
— Cet événement attrista le roi de France, dit l'annaliste de Plaisance, car
la victime lui était alliée par le sang, et il était désolé de ne pas pouvoir
châtier les coupables[160]. Quant au roi
de Sicile, il écrivit aussitôt une lettre au prince Edward pour lui annoncer
l'assassinat de son cousin par ces fils de
malédiction, Gui et Simon de Montfort, protestant qu'il les ferait
rechercher et poursuivre[161] néanmoins, les
Anglais accusèrent toujours Charles d'Anjou d'avoir permis ou même facilité
ce crime fameux[162], dont deux monuments,
élevés, l'un à Viterbe[163], l'autre à
l'entrée du pont de Londres, perpétuèrent le souvenir. Philippe III annonçait à Mathieu de Vendôme et à Simon de Néelle, dans une lettre du 14 mars, qu'il allait rentrer bientôt en France en traversant la Lombardie à grandes journées en effet, voyant que l'élection du pape ne se ferait pas de sitôt, les deux rois se séparèrent pour retourner dans leur pays, Charles en Apulie, et Philippe à Paris. Le roi parcourut d'abord la Toscane, Montefiascone, Orvieto, Florence, puis la Lombardie, Bologne, Modène, Reggio, où il logea, le 31 mars, dans le palais épiscopal[164] ; Parme, où il passa le 1er avril et où il paya spontanément vingt livres tournois pour réparer le dommage que les siens avaient causé en brûlant dans la campagne une quinzaine de maisons[165]. Il évita Plaisance, à cause d'une guerre privée qui désolait son territoire[166], et il arriva à Crémone, où les fourriers qui le précédaient avaient été fort mal reçus[167] ; mais les habitants, s'excusant de la méprise qu'ils avaient commise, vinrent lui demander pardon dans la maison des Frères Mineurs, où il était descendu. C'est que son appareil était encore imposant ; il avait, dit un gibelin de Plaisance, six cents bêtes de charge et une compagnie de quatre cents chevaliers. Cet appareil frappa tellement les Milanais qu'ils envoyèrent au-devant de lui, jusqu'aux frontières de l'Etat de Crémone, une députation pour lui faire honneur. Ils le prièrent même, selon l'annaliste de Saint-Denis, d'être leur seigneur et de recevoir leur ville en sa tutelle et en sa défense, après lui avoir offert douze beaux chevaux tout harnachés. Philippe III eut la sagesse de se faire excuser complètement et de refuser ces présents. Il le fit, dit la chronique de Primat, par la bouche de Me Foulques de Laon, homme très bien enraisonné et très beau parleur, qui montra aux habitants pourquoi le roi ne voulait pas les satisfaire, si bien que les seigneurs de la ville s'en tinrent pour contents[168]. Le marquis de Monferrat attendait le roi à l'entrée de ses terres, qui touchaient au Milanais ; il le conduisit avec magnificence, par Verceil, jusqu'en Savoie, non sans multiplier les protestations de dévouement. Après Suse, Moncenis, Lans-le-Bourg, et le difficile passage des Alpes, Philippe traversa la Maurienne tout droit jusqu'à Lyon ; il chevaucha en Bourgogne, par Mâcon, Châlon et Cluny ; enfin il vit la Champagne, dépassa Troyes, déposa à Provins le corps du roi Thibaut, et il entra en cette très désirée contrée de France, où il vint à grand désir de cœur. Le 21 mai, il atteignit Paris[169]. Le premier soin de Philippe III fut de transporter les ossements des martyrs qu'il ramenait d'Afrique à Notre-Dame, où ils furent veillés toute la nuit au chant des psaumes, à grand'foison de luminaire. Le lendemain, au matin, une immense procession se forma pour transporter les reliques à l'abbaye de Saint-Denis. Philippe lui-même portait, dit-on, la châsse de Louis IX sur ses épaules[170]. Le clergé de l'abbaye, en chapes de soie, des cierges allumés à la main, vint à la rencontre du cortège ; mais quand on arriva aux portes de l'église, on les trouva closes[171]. C'était que l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris avaient revêtu leurs habits épiscopaux, et que les moines, forts de leurs anciens privilèges, ne voulaient pas permettre que ces personnages entrassent en ce costume dans leur abbaye, contre leurs franchises ; cela aurait créé un précédent. Tout le monde s'arrêta ; les prélats s'allèrent dévêtir ; après quoi, les portes furent ouvertes, et la cérémonie suivit son cours. Ces pieux devoirs accomplis, et après deux mois d'un deuil sévère, Philippe dut songer à inaugurer son règne par le sacre traditionnel dans la ville de Reims. Les fêtes du couronnement furent célébrées le 15 août[172] avec beaucoup d'éclat, car elles coûtèrent plus de douze mille livres[173]. Le roi fut sacré par Milon de Bazoches, évêque de Soissons, le siège de Reims étant vacant. Robert, comte d'Artois, porta devant lui l'épée Joyeuse ; et donc, ajoute Primat, fist le roy le serment de garder l'estat du royaume et des églises selonc les anciennes coustumes ; et quand les solempnitez des messes furent dites, les barons et le peuple se assemblèrent au disner, et toute la cité trépoit de joie, et, au soir, moult de précieux vêtements furent donnés des barons aux menestrex[174]. Dès que ces réjouissances prirent fin, Philippe III alla visiter le Vermandois, et, prié par le comte d'Artois de daigner traverser ses terres, il vint à Arras, où, pendant quatre jours, sa présence excita une liesse sans pareille. La ville était toute pavoisée d'étoffes de couleurs variées Robert y avait appelé les dames et les demoiselles du pays pour faire tresches et quaroles avec les femmes des bourgeois. Puis le roi revint en France et, le 29 août, il se rendit en pèlerinage à l'abbaye de Saint-Denis. C'est donc au mois d'août 1271 que commence, en réalité, le règne de Philippe le Hardi. De graves difficultés politiques allaient mettre aussitôt à l'épreuve l'habileté de son gouvernement. Elles découlèrent de deux sources d'abord, le Saint Empire romain germanique n'avait plus d'empereur depuis plusieurs années ; l'ambition de Charles d'Anjou allait mettre tout en œuvre pour assurer à son neveu cette proie magnifique, la dignité impériale. En second lieu, la mort d'Alfonse de Poitiers et de sa femme posa la grave question de l'annexion définitive des domaines de la maison de Toulouse à la couronne de France. Alfonse de Poitiers, atteint devant Carthage d'une affection mortelle, avait été forcé de relâcher à Corneto, ville des Maremnes, où son mal se déclara ; en allant à Gênes, il s'arrêta encore à S. Pier d'Arena et à Savone ; mais à Savone, il mourut, le 21 août, et sa femme, Jeanne, succomba le lendemain même ; si bien, dit l'annaliste génois, qu'on parla de poison[175]. Ce double décès, assurément causé par une maladie contagieuse, ouvrait une succession très riche, car les deux époux n'avaient pas d'enfants. L'héritage comprenait les sénéchaussées de Poitou et de Saintonge, de Toulouse et d'Albigeois, la terre d'Auvergne, les sénéchaussées de Quercy, d'Agenais, de Rouergue, et, en Provence, le comtat Venaissin. C'était, pour ainsi dire, la France du Midi à qui devait-elle échoir ? Les prétendants ne manquaient pas ; c'était d'abord Philippe III, qui voulait naturellement recueillir le bel héritage que les traités passés entre Louis IX et Raymond VII assuraient à la couronne de France en cas d'extinction de la maison de Toulouse. C'était aussi Henri III, roi d'Angleterre ; il se réclamait des droits qu'il tenait de Jeanne d'Angleterre, mère de Raymond VII, sur la dot de cette princesse, c'est-à-dire sur l'Agenais, le Quercy et la Saintonge ; ces droits, le traité de Paris de 1258 les avait formellement reconnus en stipulant que, si la famille des comtes s'éteignait, ces domaines retourneraient au roi d'Angleterre, ayant cause des possesseurs primitifs[176]. Si le testament d'Alfonse de Poitiers laissait le champ libre à toutes les prétentions, — car il se bornait à instituer ceux qui devaient être ses héritiers par la loi ou par la coutume[177], — il n'en était pas de même du testament de la comtesse Jeanne[178], qui léguait formellement le comtat au roi de Sicile, et tous ses acquêts à Philippa de Lomagne, sa cousine. En outre, le pape pouvait prétendre à recevoir le Venaissin, en vertu des conventions de 1229, qui avaient promis cette terre au siège de saint Pierre. Enfin, les princes d'Aragon avaient des droits sur le comté de Millau, et la tentation était pour eux bien forte de s'immiscer dans les affaires d'une province où leur nom était très populaire, où ils pouvaient apparaître comme les défenseurs de la race méridionale, opprimée par les hommes du Nord ; n'auraient-ils pas trouvé beaucoup de seigneurs mécontents, tout prêts à embrasser leur cause ? Ces convoitises, liguées entre elles, auraient pu créer de graves embarras au gouvernement de Philippe III ; mais Philippe agit avec tant de promptitude qu'il déconcerta d'abord les prétendants. Le 19 septembre, un mandement fut expédié par courrier royal au sénéchal de Carcassonne pour lui ordonner de mettre en la main du roi le comté de Toulouse, l'Agenais et tout l'héritage d'Alfonse et de sa femme[179]. On dit, à la vérité, que les bourgeois de Toulouse prièrent en Peyre, fils du roi d'Aragon, de se déclarer leur comte[180] ; mais Jayme Ier, père de ce prince, craignit un échec, et il ordonna aux siens de s'abstenir. Henri III, plus fort et mieux armé de textes à l'appui de ses réclamations, commença, il est vrai, à fatiguer la cour de France de ses ambassades et de ses exigences ; l'héritage de la comtesse Jeanne devait servir, pendant plusieurs années, d'aliment à l'hostilité des deux peuples anglais et français, que le mariage d'Éléonore avait condamnés à un antagonisme perpétuel. Dès le 25 octobre 1271, Henri III envoya à Paris l'abbé de Westminster et Jean de la Lynde pour demander et recevoir, en son nom, l'Agenais et la Saintonge[181] ; le 28 janvier 1272, de nouveaux messagers furent expédiés de Londres[182] ; le roi d'Angleterre rappelait les stipulations de 1258 ; il insistait pour qu'on lui livrât sans retard l'Agenais et la Saintonge, et pour qu'on continuât l'enquête commencée sous Louis IX au sujet du Quercy, afin de savoir si certaines parties de cette province avaient été comprises jadis dans la dot de la comtesse Jeanne. De plus, il se plaignait — grief nouveau — que les agents du roi de France inquiétassent les officiers de son fils Edward au sujet de l'hommage de la cité de Limoges. Ainsi s'annonçaient déjà les deux grandes querelles qui devaient être débattues entre la France et l'Angleterre jusqu'à la fin du règne d'une part, les Anglais réclament les terres que le traité de Paris leur avait cédées conditionnellement, la condition étant échue de l'autre, les Français cherchent à s'immiscer dans les affaires des provinces formellement abandonnées par Louis IX en 1238. Tous les conflits anglo-français, pendant la fin du XIIIe siècle, résultèrent ainsi du traité de Paris comme des conséquences nécessaires. Philippe III satisfit d'abord les plénipotentiaires du roi Henri de réponses dilatoires ; et il résolut, en dépit des prétendants, de parcourir les nouveaux États que Dieu, comme dit G. de Puylaurens, lui avait donnés pour y promener sa justice et sa majesté. Il quitta Paris au mois de janvier ; le 30, il était à Poitiers. Il visitait les villes du Poitou et de l'Aunis, Cognac, Niort, Fontenay, la Rochelle, leur prodiguant les privilèges et les bienfaits propres à les attacher à la dynastie, quand il reçut du Toulousain des nouvelles inquiétantes les comtes de Foix et d'Armagnac avaient bravé outrageusement son autorité, encore mal assurée dans les pays du Midi[183]. Une guerre privée en avait été l'occasion. Un certain G. de Casaubon, seigneur de Sompuy, était en guerre avec la famille d'Armagnac ; un jour, le comte d'Armagnac et son frère, Arnaut Bernard, passaient avec quelques hommes d'armes sur une route voisine du château de leur ennemi celui-ci crut à une bravade, engagea le combat et tua de sa propre main Arnaut Bernard. Puis, sachant bien que les parents et les amis de sa victime, très nombreux et très puissants, viendraient tirer de lui vengeance, il se réfugia sous la garde du roi de France et déclara que, prisonnier volontaire, il s'abandonnait à sa justice et lui soumettait toute sa terre. Le sénéchal de Toulouse fit mettre aussitôt les enseignes royales, symbole de la sauvegarde et de la paix du souverain, sur les châteaux du sire de Casaubon. Néanmoins, le comte d'Armagnac et son beau-frère, Roger Bernard III de Foix, accompagnés d'une multitude de gens armés, assiégèrent le château de Sompuy, où le meurtrier était enfermé avec sa femme et ses enfants. Ils tuèrent, parmi les défenseurs, plusieurs serviteurs du roi ; et, G. de Casaubon ayant réussi à s'échapper, ils ravagèrent toute la contrée[184], incendiant le château, arrachant les vignes et les arbres, massacrant les hommes et les femmes[185], au mépris des proclamations du sénéchal. C'est ainsi que, dès le début de son règne, Philippe III trouva l'occasion de faire œuvre de justicier[186]. A la nouvelle de l'attentat, il entra dans une grande colère, indigné de ce que, pour son joyeux avènement, des gens qui n'étaient de nulle comparaison aux barons de France avaient osé entrer en ennemis sur ses terres. Il avait, du reste, d'autres griefs contre le comte de Foix Roger Bernard avait refusé de lui faire hommage ; il molestait l'abbaye de Pamiers. Alors Philippe trouva en son conseil qu'il alât sur les rebelles efforciement, pour ce qu'il étoit nouvellement rois et qu'il le dampnast en tele manière que tout li autre anemis du royaume s'en doutassent plus à meffaire vers lui[187]. Il convoqua tous les vassaux de son royaume qui étaient astreints au service militaire c'était, dit G. de Nangis, une réunion d'hommes capables de subjuguer plusieurs nations barbares. On voulait que la vue du roi de France, ainsi escorté, inspirât aux populations du Midi et aux royaumes voisins la crainte de l'offenser. Le comte d'Armagnac n'attendit pas que la tempête fondit sur lui. Il vint implorer sa grâce à la Rochelle, vers Pâques. Quelque temps après, il fut condamné par le Parlement à 15.000 livres tournois d'amende, qu'il s'engagea solennellement à payer en quinze années[188]. Roger Bernard, au contraire, confiant dans sa force[189], surprit le sénéchal de Toulouse et lui enleva quelques chevaux. Mais les bourgeois de Saverdun lui fermèrent leurs portes ; Beaumarchais, le sénéchal battu, ramena des troupes de Toulouse et conquit rapidement tout le comté jusqu'au Pas de la Barre. S'il n'avait pas reçu l'ordre de s'arrêter, il aurait peut-être forcé le comte de Foix, avant l'arrivée de l'ost royal, jusque dans ses derniers refuges. Cet ost s'était formé à Tours, le 8 mai, sous la direction du maréchal F. de Verneuil, qui était chargé d'y recevoir les montres il comprenait les plus grands seigneurs de France ; le comte de Bretagne avait soixante chevaliers ; le comte de Flandre en amenait cinquante-trois ; les comtes de Boulogne, de Rodez, de Pontieu, de Blois, à proportion. L'armée se dirigea du côté de Toulouse, où le roi arriva lui-même le 25 mai. D'autres contingents sillonnaient encore la France, se hâtant vers le même but[190]. Huit jours après son entrée à Toulouse, Philippe quitta cette ville à la tête de toutes ses forces. Il avait fait, dans l'intervalle, frayer et aplanir les routes[191]. Sur le chemin de Pamiers à Bolbonne, le 1er juin, Philippe III rencontra le roi d'Aragon, jadis son beau-père, qui venait l'implorer en faveur du rebelle avec d'autant plus d'autorité qu'il avait défendu à ses propres vassaux de l'aider dans sa rébellion[192]. On régla aussitôt les termes d'une capitulation ; mais Roger Bernard refusa d'y souscrire. Alors le roi jura qu'il ne partirait point sans avoir détruit le repaire de son ennemi, et il fit miner les rochers sur lesquels s'élevait le château fort où le comte s'était réfugié. C'en fut assez pour que, le 5 juin, le comte de Foix, suivant les conseils de Jayme d'Aragon et de Gaston de Béarn, se mît, lui, sa famille et ses domaines, à la discrétion du vainqueur. Gaston de Béarn lui-même, allié de très près au comte de Foix, dut s'agenouiller devant son suzerain et se purger par serment de tout soupçon de complicité[193] ; Roger Bernard fut enfermé dans une des tours de Carcassonne et un sénéchal fut installé au nom du roi dans son comté. Le châtiment avait donc suivi de près l'offense, et l'impression qu'on en retira fut certainement profonde et salutaire[194]. Pourtant, tout n'était pas fini ; les places fortes du pays de Foix devaient être livrées au roi d'Aragon, à charge pour celui-ci de les transférer à son tour aux officiers du roi de France. Le 7 juin, en présence de Gaston de Béarn, le château de Foix fut en effet remis aux Aragonais[195], et par ceux-ci à Eustache de Beaumarchais. Mais Jayme ne se dessaisit pas aussi facilement des châteaux du haut pays, du Sabartès, dont il se disait suzerain. Le 7 juillet, les sénéchaux de Toulouse, de Carcassonne et de Foix rédigèrent officiellement les résultats d'une enquête sur les limites exactes du comté du côté de l'Aragon[196] ; ce fut en vain. R. de Cardonne continua à occuper au nom du roi d'Aragon et de Roger Bernard les châteaux de Lordat, de Monreal, de Sos, d'Ax et de Merenx. Le 1er août, des envoyés du sénéchal français Pierre de Vilars allèrent porter des réclamations à ce sujet à Jayme Ier, qu'ils trouvèrent dans le jardin des frères mineurs de Montpellier. Ils lui expliquèrent[197] que les officiers de Philippe III avaient demandé aux châtelains de leur ouvrir les portes de leurs forteresses, en vertu de la capitulation générale du 5 juin ; on leur avait répondu que Roger Bernard, de sa prison de Carcassonne, avait donné ordre de les défendre comme par le passé et d'en faire hommage à R. de Cardonne, à la mode catalane. Quant à R. de Cardonne, il avait déclaré qu'il ne pouvait satisfaire les Français que sur l'ordre exprès de son maître. P. de Vilars, en un langage très ferme, dit que c'étaient là de graves injures, puisque les châteaux en litige appartenaient notoirement au diocèse de Toulouse et au royaume de France. A ces plaintes qui lui furent laissées par écrit, Jayme répondit qu'il consulterait son conseil avant de faire connaître ses décisions ; mais, au mois d'octobre, les choses étaient encore en l'état. Toutefois, comme on redoubla de rigueur envers Roger Bernard dans sa prison[198], les Aragonais cédèrent enfin, le 8 février 1273, en abandonnant le Sabartès. Dès le 29 juin, Philippe le Hardi était revenu à Limoges et, dès le 25 août, à Saint-Denis[199]. Jusqu'alors son règne avait été très heureux il avait fait, pendant l'expédition de Foix, l'expérience de sa force ; il avait pacifiquement recueilli un immense héritage. Le roi d'Angleterre ne songeait plus à réclamer énergiquement le Quercy ni l'Agenais, il se mourait deux fois, le 20 mai et le 5 juin, il avait écrit à Philippe pour s'excuser sur l'état de sa santé de ne pas lui avoir encore prêté hommage[200] ; il succomba le 30 novembre. D'autre part, en Italie, les affaires du nouveau roi de France semblaient en bonne voie. Grégoire X, ancien légat en Terre sainte, avait été élu pape le 1er septembre 1271. C'était un homme des anciens temps, tout pénétré de l'idéal du moyen âge, qui commençait alors à s'obscurcir. Étranger aux passions guelfes ou gibelines de ses prédécesseurs, il avait, comme Innocent III, la passion de la croisade ; il rêvait l'union de tous les peuples chrétiens sous la double magistrature, spirituelle et temporelle, du pape et de l'empereur. Créer un empereur qui pût relever l'Allemagne, défendre l'Église, entraîner à sa suite tout l'Occident à la délivrance de Jérusalem, telle était sa chimère. Or, à son avènement, le monde n'avait point d'empereur ; la chrétienté était veuve, depuis plus de vingt ans, de son chef traditionnel. Pendant l'Interrègne, des princes étrangers s'étaient bien parés du titre impérial, mais l'un de ces pseudo-Césars, Richard de Cornouailles, mourut en Angleterre le 2 avril 1272 son rival, Alfonse de Castille, envoya aussitôt deux messagers à Grégoire X pour lui demander de le reconnaître et de fixer le jour du couronnement. Le pape avait plusieurs raisons pour rejeter une pareille requête Alfonse X ne pouvait rien pour relever l'Allemagne et pour organiser la future croisade ; de plus, il était l'ennemi déclaré de Charles d'Anjou, étant le chef reconnu des Gibelins des villes lombardes ; le parti des cardinaux angevins agit donc pour le desservir. Il en résulta qu'une bulle fermement motivée débouta provisoirement le roi de Castille de ses prétentions[201]. Richard et Alfonse ainsi écartés, quel candidat Grégoire X pouvait-il recommander aux électeurs de l'Empire ? N'était-ce pas le roi de France ? Les rois de France avaient joué, en fait, le rôle de véritables empereurs. Louis IX avait guerroyé en Orient contre les Infidèles ; en Occident, il avait travaillé à la pacification des princes chrétiens, exerçant par là, bien mieux que Frédéric II, cette magistrature impériale qui imposait trois devoirs à ses détenteurs maintenir la paix dans le monde, protéger l'Église et propager la foi. Philippe III semblait le digne héritier de son père[202] et se montrait aussi ardent que lui pour les expéditions d'outre-mer. L'archevêque de Corinthe, qui était venu le trouver de la part du pape au commencement de l'année 1272 pour lui demander des subsides, avait été fort bien reçu. Le roi lui avait donné 25.000 marcs destinés à secourir les établissements de terre sainte en se contentant d'une hypothèque sur les biens des Templiers ; le jour de Pâques, à la Rochelle, il avait encore consenti un prêt de 5.000 marcs d'argent en faveur de Grégoire X[203]. Bien plus, il avait envoyé vers le Saint-Siège des ambassadeurs, et, parmi eux, Jean d'Acre, pour supplier le nouveau pontife de hâter la guerre sainte, tant il était impatient d'y retourner ; et Grégoire, au lieu de l'exciter, avait dû tempérer son zèle[204]. Et puis, le roi de France était puissant ; comme Empereur, il aurait été le serviteur à la fois fort et docile de la papauté romaine. Ainsi raisonnaient les Guelfes et surtout leur chef, le roi de Sicile, qui redoutait avec raison l'accession d'un prince d'Allemagne à la dignité impériale. C'est en faisant briller ces raisonnements aux yeux du pape que les cardinaux du parti angevin, Ottohone Fieschi — plus tard Adrien V — et Simon de Brie — plus tard Martin V —, posèrent officieusement la candidature de Philippe le Hardi à l'Empire ; mais c'était Charles d'Anjou, ambitieux pour son neveu, parce que, en l'exaltant, il sauvegardait sa propre hégémonie en Italie, qui parlait par leur bouche. Nous savons que de nombreux courriers furent échangés entre Orvieto et Paris. D'abord, les cardinaux Simon et Ottobone chargèrent un certain maître Pierre de dire au roi, de la part du pape, à ce qu'ils prétendaient, qu'il acquerrait de grands biens et qu'il aurait grand profit à prendre l'Empire[205]. Philippe pensa en la chose, et envoya au pape et aux deux cardinaux maître Nicolas, trésorier de Saint-Frambold de Senlis, pour leur montrer la volonté et la pensée que Dieu lui avait données. Il le pourvut avant son départ d'instructions très nettes, en trois points demander l'avis formel de l'Église romaine ; les raisons de cet avis, s'il était favorable à l'acceptation de l'Empire par le roi de France ; et la nature des secours que l'Église d'outre-monts lui accorderait pour l'aider à mener à bien l'entreprise. Grégoire X avait quitté Orvieto au commencement de juin pour s'acheminer vers Lyon, où devait siéger sous sa présidence un grand concile œcuménique[206]. Le 18, il arriva à Florence accompagné de Charles d'Anjou. Maître Nicolas, venant de France, l'y rencontra. Il s'aboucha aussitôt avec les cardinaux Ottobone et Simon dans la maison de ce dernier[207], qui était retenu chez lui par une indisposition. Maître Pierre rappela les négociations antérieures et invita Nicolas à faire connaître les intentions du roi de France Maître Nichole, or lor distes. — Quand l'envoyé de Philippe eut développé ses instructions, on lui conseilla de ne parler au pape ni de raisons ni de secours à donner, mais de lui demander seulement s'il convenait de prendre l'Empire ; quar demender les raisons ore droit, tant que il eut randu son consoil, ne demendier aide n'avoit pas leu, et bien pooit li rois savoir que si ceste chose se faisoit, que il averoit de l'Esglise quanque il vourroit. Le lendemain, Me Nicolas et Pierre allèrent visiter le pape et lui dirent tout ce qu'ils surent dire de bien. Mais quoiqu'il fût alors très bien disposé pour Charles d'Anjou, dont il venait de condamner les adversaires gibelins[208], et quoiqu'il ne fût pas surpris par leur requête, Grégoire X paya les orateurs d'une réponse évasive. Quand estoit de sa volenté, il vourroit mout que la chose se feit ; vos estiez li princes de quoi il vourroit plus et son prou et s'anour et de qui il auroit plus grant joie, se Deus volloit que la chose avenit, mais son consoil n'osoit-il randre sur ce ne oseroit-il mie tan que il y eut pansé, quar il i voiet moût de raisons et de ça et de là. Il ajouta que, en droit, les prétentions du roi de Castille n'avaient pas encore été détruites, et qu'il ne pouvait conseiller à un prince de s'emparer de l'Empire avant que le droit fût rendu. — Et il ne povoit autre chose dire. En juillet, le pape quitta Florence pour Santa-Croce, près de Bologne. Là, tous les amis du roi de France, sauf le roi de Sicile, qui était resté en arrière à Florence, le prièrent de leur communiquer le résultat de ses réflexions ; il répondit avec toutes sortes de précautions ecclésiastiques qu'il n'en avait point fait, mais que si la chose s'opérait, il assurait Philippe de son aide. Après ce nouvel échec, Me Nicolas et les Angevins eurent encore ensemble quelques entrevues[209] ; mais, entre deus, Charles d'Anjou manda aux envoyés de venir le retrouver, et le cardinal Simon leur conseilla, puisque le pape ne voulait point découvrir sa pensée, de prendre congé. Ils le firent, et Grégoire X leur dit au départ : Vous revenrez par ci, reparlés encore à moi, et si ge avoie ci entredeus chose pansé qui feit à la besongne, si la vous diroie. Le roi de Sicile leur donna à Florence un mémoire qui contenait des conseils et des raisons propres, à défaut des conseils et des raisons du pontife, à lever les scrupules de son neveu. Après cela, maître Nicolas et ses compagnons traversèrent de nouveau Santa-Croce Grégoire X y était tombé malade ; il ne les reçut même pas, et leur fit dire seulement, au bout de trois ou quatre jours, qu'il n'avait rien à ajouter à ses réponses antérieures ; il les priait, à leur retour, de saluer le roi de France en son nom. Cependant les envoyés de Philippe III ne retournaient pas en France les mains vides. Grégoire X ne s'était pas prononcé et ses hésitations mêmes étaient significatives ; mais Charles d'Anjou avait mis dans son mémoire, dont nous possédons encore l'original[210], des exhortations très persuasives. On a remarqué que ce document révèle assez bien l'esprit de la politique du roi de Sicile, comme les Enseignemens de 1270, adressés aussi à Philippe, révèlent l'esprit de la politique de Louis IX[211]. Or, cette politique de Charles d'Anjou, c'est déjà celle de Philippe le Bel. Le mémoire comprend vingt articles, arrangés selon une gradation habile. Il pose d'abord en principe que le devoir des princes est de faire le service de Dieu (art. 1, 2) et qu'on est en droit de demander davantage au fils d'un prud'homme qu'au fils d'un autre[212]. Donc, le roi doit se dévouer au service de Dieu, lui qui est puissant et dont tous les ancêtres, le roi Philippe, le roi Louis, ont bataillé outre-mer contre les Infidèles (art. 3-6). Mais il y a différentes façons de servir Dieu porter la haire, cela ne convient point à un homme jeune ; pour un prince comme le roi de France, la meilleure façon de servir Dieu, c'est de prendre l'Empire, car les croisades de ses prédécesseurs ont échoué, malgré tous les efforts, contre la puissance du sultan ; or, si le roi devenait Empereur, il pourrait cueillir chevalerie de par tout le monde (art. 9, 11). Du reste, s'il est Empereur, il aura meilleur marché de ses propres sujets (art. 10), et des autres princes de la chrétienté (art. 12), sans compter que ce sera grand honneur à la chevalerie de France et grand profit peut-être que son seigneur soit par-dessus tous les seigneurs du monde (art. 20). Charles d'Anjou prévoit ici la plus grave des objections : ce qui est facile à dire est difficile à faire ; il y répond aussitôt : Que le roi puisse justicier et avoir en paix l'Empire, cela est trop facile. Il a alliance ou lignage à six rois — Castille, Aragon, Navarre, Angleterre, Sicile, Hongrie —, si que il n'i a que faire alliance à un poi d'Alemans — et le roi a bien de quoi — et à l'Esglise qui tout li abandonne. Il ne prend pas l'Empire pour recouvrer ses droits en Italie, car ce pays n'est pas son héritage, mais pour pouvoir assembler une plus forte chevalerie contre les ennemis de la foi (art. 13, 14). Le mémoire de Charles d'Anjou était destiné à persuader Philippe III d'accepter l'Empire, s'il lui était offert, mais il faut croire que le roi de Sicile se préoccupait aussi, quoique nous n'en sachions rien, de le lui faire offrir. Le pape, pour des motifs cachés[213], s'était tenu sur la réserve. Quant au peu d'Allemands dont le mémoire parlait, avait-on seulement essayé de les gagner ? C'est à peine s'il est permis de supposer qu'on agit sur l'un des électeurs, l'archevêque de Trèves, qui se trouvait à Orvieto en août 1272 et dont les affaires furent expédiées avec une promptitude inusitée[214]. Maître Henri d'Isernia écrit seulement, vers le milieu de septembre, que le terrible roi de Sicile est auprès du pape, à Santa-Croce, cherchant à retarder l'élection impériale par ses prières, de toutes ses forces, à prix d'argent[215]. Il semble en effet que Charles d'Anjou, ignorant la constitution germanique ou la méprisant, ait consacré toute son activité à s'assurer le concours du pape comme s'il était l'unique dispensateur de l'Empire. — Philippe III, de son côté, s'il s'occupait peu des choses d'Allemagne, se conduisait, par politique ou par hasard, de façon à mériter les remerciements du Saint-Siège. Grégoire X lui avait envoyé de Florence un messager, Guillaume de Mâcon, son chapelain, pour le prier d'accorder encore des secours pour la Terre sainte le 28 août, il lui écrivit de Santa-Croce pour le louer de son empressement et de son zèle[216]. G. de Mâcon avait été aussi chargé de réclamer au roi de France le comtat Venaissin, qui, suivant le traité de 1229, avait été conféré à l'Église romaine ; or, bien qu'en 1234[217] un pape eût fait tacitement abandon des droits acquis en 1229, bien que la comtesse Jeanne eût légué à Charles d'Anjou ses terres de Provence, les prétentions du pape ne furent pas rejetées ; Philippe III, au contraire, devait confirmer avant la fin de l'année la cession du comtat Venaissin au Saint-Siège[218]. Alors Grégoire X écrivit aux électeurs d'Allemagne une lettre impérative[219] pour leur enjoindre de choisir un Empereur dans un certain délai, ajoutant que, s'ils y manquaient, il pourvoirait lui-même aux nécessités de l'Empire. Il croyait, dit un glossateur italien qui a ajouté des notes au texte de la chronique de G. de Fracheto, il croyait que les électeurs ne pourraient s'accorder en un mois et il pensait : J'élirai le roi de France ; et son intention était sainte et bonne, car il faut que celui qui doit être Empereur soit riche et puissant, et, dans toute la chrétienté, le roi de France n'a point d'égal[220]. Que Grégoire X ait fait ou qu'il n'ait pas fait cette réflexion, il est certain que le parti français applaudit à son action. On ne pouvait pas penser, en effet, que les électeurs s'entendraient ou bien ils n'éliraient personne et alors le pape désignerait Philippe III ; ou bien ils éliraient à la fois deux princes et le pape serait leur juge comme il l'avait été entre Richard de Cornouailles et Alfonse de Castille pendant l'Interrègne. Ottokar de Bohême était lui-même candidat à la couronne impériale[221] ; Saxe et Brandebourg tenaient pour Siegfried d'Anhalt. L'archevêque de Trèves était peut-être gagné par les Angevins. Engelbert de Cologne et le palatin Ludwig se haïssaient depuis longtemps. L'union entre tous ces hommes paraissait irréalisable. Elle s'opéra pourtant tout d'un coup. La lettre de Grégoire X fut connue sans doute en Allemagne au mois d'août ; dès le 1er septembre, Werner de Mayence et le Palatin eurent une entrevue. Grâce aux négociations qu'ils entamèrent, deux candidatures seulement se trouvèrent en présence, celle du prince d'Anhalt et celle de Rudolf de Habsbourg. Le 1err octobre, à Francfort, Rudolf de Habsbourg fut proclamé roi des Romains. Le pape fut probablement fâché de cet événement ; car, comme défenseur de la foi, il aurait préféré un roi comme Philippe III ou Ottokar à un seigneur tel que Rudolf ; mais il n'éleva point de protestation. Il ne s'était jamais engagé envers la cour de France. Dans sa lettre à Alfonse de Castille comme dans ses réponses orales à Nicolas de Senlis, il s'était toujours refusé à anticiper sur la décision des électeurs légitimes ; il s'était toujours posé en partisan de la légalité il n'avait jamais manifesté que des sympathies vagues. Il acquiesça donc aisément au choix du collège électoral. Quant à Philippe III, il se consola très vite ; sa candidature lui avait été suggérée ; il ne l'avait jamais poussée avec ardeur, soit par absence d'ambition, soit par prudence. Charles d'Anjou, le seul qui fût frappé dans de chères espérances, dut s'en prendre à l'insuffisance de sa politique, qui s'était épuisée à envelopper le pape d'un réseau d'intrigues au lieu d'agir à la fois en Italie et en Allemagne. Mais l'Allemagne s'émut du danger qu'elle avait couru de perdre cet office international de l'Empire qu'elle considérait comme sa chose ; et le livre de Jordanus d'Osnabrück, écrit vers 1285[222], rappelle avec éclat que si le Sacerdoce appartient à Rome, l'Empire du monde, sous Charlemagne et sous Othon, a été transféré pour toujours à la race germanique[223]. D'ailleurs, Philippe III avait été obligé, depuis le commencement de l'année 1273, de s'occuper moins du Saint Empire que de l'Angleterre et de l'Aquitaine, car, à la nouvelle de la mort de Henri III, le nouveau roi, Edward Ier, avait quitté la Terre sainte pour revenir en Occident[224]. Son retour allait poser de très graves questions. En quels termes rendrait-il hommage au roi de France ? N'élèverait-il pas des prétentions sur les anciens domaines des Plantagenets, sur l'héritage de la comtesse Jeanne ? Des troubles s'élevaient en Béarn et en Limousin, où les intérêts du roi de France étaient plus ou moins engagés ; l'arrivée du roi d'Angleterre pouvait les rendre redoutables. Au mois de janvier 1273, Edward était débarqué en Italie ; il fut salué d'abord par Charles d'Anjou et par des messagers du pape[225] qui l'escortèrent jusqu'à Viterbe. Il eut des entrevues familières avec Grégoire X, qu'il avait connu à Saint-Jean-d'Acre avant son élévation ; il lui apprit les nécessités de la Terre sainte et il le pria de châtier sévèrement le meurtre de son cousin Henri l'Allemand. On ne sait point s'ils agitèrent ensemble le problème des candidatures à l'Empire. Toujours est-il que le roi traversa en grande pompe la Lombardie[226] ; sur son passage, on criait Vive l'empereur Edward ![227] Les Milanais lui offrirent des chevaux tout harnachés d'écarlate, comme ils en avaient offert jadis à Philippe III. Le 25 juin, le comte de Savoie lui rendit hommage. Pendant qu'il était au château de Saint-Georges en Viennois, un seigneur du royaume d'Arles, G. de Tournon, qui avait pillé autrefois les bagages des Anglais qui allaient à la croisade[228], vint implorer son pardon et l'obtint, grâce à l'intervention de la comtesse de Bourgogne et de l'archevêque de Vienne, à condition qu'il se déclarerait vassal de la couronne d'Angleterre pour toutes ses terres allodiales. A la descente des montagnes de Bourgogne, Edward rencontra une foule de comtes et d'abbés, venus d'Angleterre à sa rencontre[229]. Alors, dit Mathieu de Wesminster, les Français, qui ont toujours été vantards et susceptibles, voyant cette multitude d'Anglais, organisèrent un pas d'armes à Chalon en Bourgogne il y eut bataille, et les Anglais furent les plus forts, ils tuèrent même quelques hommes sans armes qui volaient les dépouilles des vaincus ; mais comme c'étaient des gens vils, on ne s'en soucia pas. Les croisés entrèrent ensuite en France ; et Edward, au commencement du mois d'août, joignit Philippe III et sa cour à Melun[230]. Edward et Philippe étaient cousins, fils des deux sœurs Marguerite et Aliénor, et, à ce titre, ils étaient obligés de se témoigner une affection de commande[231]. Il y eut donc de grandes fêtes à l'occasion de leur rencontre, et le roi d'Angleterre prêta solennellement hommage au roi de France ; mais il le fit en termes ambigus. Domine rex, dit-il, d'après l'annaliste de Westminster, facio vobis homagium pro omnibus terris, quas debeo tenere de vobis. N'était-ce pas rappeler ses droits à l'Agenais, au Quercy, et même à la Normandie et à l'Anjou ? Cela était très habile. Sachez, écrivait alors un compagnon d'Edward à l'un de ses correspondants d'Angleterre, sachez que le roi a fort bien expédié ses affaires à la cour de France ; après cela, il est parti pour la Gascogne[232]. Edward Ier resta en Gascogne, son ancien apanage, pendant les derniers mois de 1273, et il n'y demeura pas oisif. Il entama des négociations pour marier sa fille aînée à l'infant d'Aragon, et son fils à la fille du roi de Navarre, héritière de ce royaume et du comté de Champagne. En octobre, le contrat fut signé avec le prince d'Aragon ; en novembre, avec Henri de Navarre[233]. Alliances aussi dangereuses pour la sécurité de la France qu'utiles aux ducs d'Aquitaine ! Le fils d'Edward, s'il avait vécu assez longtemps pour épouser Jeanne de Navarre, aurait possédé, outre l'Angleterre et la Gascogne, la Navarre, la Champagne et l'amitié du roi d'Aragon ; l'accumulation de tant de couronnes sur une seule tête aurait peut-être changé pour toujours les destinées du Midi. En outre, Edward Ier s'occupa, dès son arrivée, à recevoir les hommages de ses vassaux gascons et à châtier leur turbulence[234] ; mais tous ceux de ces vassaux qui subissaient avec peine l'administration sévère et appliquée des sénéchaux anglais, tous ceux dont les ennemis personnels étaient protégés par ces sénéchaux, formaient comme la clientèle spéciale du roi de France en Aquitaine. Forts de l'appui du suzerain supérieur, ils osaient parfois entrer en guerre ouverte avec leur duc ; et, malgré la présence d'Edward, il y eut en effet de véritables guerres en 1273 aux deux extrémités du duché. Le gouvernement de Philippe III y joua un rôle assez considérable, qui n'est pas très connu, encore que les questions de Limousin et de Béarn aient tenu une grande place dans la politique du temps. Le Limousin était alors une terre contestée entre la France et l'Aquitaine et déchirée par de très sanglantes discordes féodales. La commune de Limoges d'une part, d'autre part la vicomtesse Marguerite de Limoges, se trouvaient en hostilité ouverte ; si Louis IX, en 1262, avait recommandé à ses sergents des pays avoisinants d'observer une neutralité exacte[235], la cour du roi, dès le commencement du règne de Philippe le Hardi, avait, à plusieurs reprises, donné raison à la vicomtesse[236]. Le sénéchal français, dit un annaliste local, se comportait comme la cour de son maître ; quelques-uns excusaient la personne du roi, mais l'injustice n'en était pas moins flagrante. On nous haïssait à cause du roi d'Angleterre, parce que ceux qui av aient monté les esprits du roi et de ses conseillers contre nous prétendaient faussement que nous aimions mieux les Anglais[237]. — Philippe avait, à la vérité, défendu à la vicomtesse de prendre les armes[238] ; elle avait réuni pourtant à Châlusset des bandes qui pillaient tout, mutilaient les bestiaux, répandaient le blé et faisaient toutes sortes de méchancetés. Or, malgré tant d'excès, le Parlement rendit, à la session de la Pentecôte 1273, un arrêt par lequel il accordait la justice de la ville à la vicomtesse, quoique les bourgeois eussent déclaré qu'ils n'étaient pas ses hommes, mais ceux du roi[239]. Les bourgeois restèrent stupéfaits d'un tel déni de justice[240] ; le roi combla la mesure de leur indignation en s'interposant pour faire délivrer les soldats de la vicomtesse qui étaient prisonniers, sans s'occuper en même temps des bourgeois qui avaient été capturés par l'ennemi. Ils firent remonter la responsabilité de toutes ces iniquités à Géraut de Maumont et à Hélie, son frère, clercs du roi. Géraut, qui était gouverneur de la vicomté de Limoges pour Marguerite, avait été fait, le 21 juillet, conseiller du roi de France ; et c'était lui qui, d'après le continuateur de P. Coral, avait tout machiné à la cour de France, en dénonçant la commune comme suspecte de sympathies anglaises. Le 5 juillet, les hommes de Limoges firent une sortie contre Aixe, quartier général de l'ennemi ; il y eut des prisonniers et des morts. Ils résolurent vers cette époque, puisqu'ils avaient tous les désavantages de l'alliance anglaise, d'en avoir aussi les bénéfices[241]. Le 25 juillet, la reine d'Angleterre vint à Limoges et fut conduite en procession à Saint-Martial avec de grands honneurs. Le 7 août, le sénéchal anglais, venu au secours des bourgeois, les récompensa de leur bonne volonté en battant l'armée de la vicomtesse, entre Aixe et Limoges ; il y eut des réjouissances dans la ville. Aussi, quand Eschivat de Bigorre et G. de Valence arrivèrent avec des lettres d'Edward Ier, datées de Saintes (27 août), qui demandaient aux habitants de Limoges, en dépit des anciens arrêts de la cour de France, de lui prêter le serment de féauté comme duc d'Aquitaine[242], ils acquiescèrent de bon cœur. La prestation du serment eut lieu le 3 septembre, dans l'abbaye de Saint-Martial, en présence des consuls et de toute la communauté. Le 16 septembre, il y eut de nouvelles escarmouches où les bourgeois eurent le dessus ; ils en furent si exaltés que, le dimanche suivant, au matin, avec tambours et trompettes, ils allèrent tenter une surprise contre Aixe après avoir traversé le gué de la Vienne, ils brûlèrent le bourg de Saint-Priest, maltraitant le curé du lieu, emportant le calice d'argent, le missel et les cierges. Mais, aux portes d'Aixe, une panique les prit ; beaucoup de gens s'étaient dit que les sacrilèges commis porteraient malheur ; ils jetèrent leurs armes et se cachèrent dans les bois. Le 27 septembre, la vicomtesse vint détruire les vignes jusqu'auprès du pont de Saint-Martial. On se battit encore le 2 octobre[243]. Pendant ce temps, Edward s'efforçait de réunir des secours ; le 23 octobre, il écrivit aux sénéchaux de Gascogne et de Limousin et au vicomte de Ventadour de dégager la ville de Limoges[244]. En outre, il agit près de Philippe le Hardi, qui ordonna tout à coup de poser les armes et qui cita les deux parties à comparaître devant lui, à la Saint-Martin d'hiver. La sentence du roi de France, dont le texte a été récemment retrouvé[245], fut prononcée au parlement de la Toussaint elle obligeait le roi d'Angleterre à abandonner avant le prochain dimanche des Brandons le serment de fidélité qu'il avait reçu des bourgeois ; s'il négligeait de le faire, le sénéchal de Périgord l'y forcerait ; il devait s'abstenir de combattre en aucune façon la vicomtesse, qui restait en possession de la justice de Limoges. Philippe III expliqua et développa cet arrêt, très conforme à la jurisprudence antérieure de ses Parlements, dans une lettre particulière au roi Edward[246] ; il lui ordonnait de retirer le bailli qu'il avait placé dans la ville et de reconnaître le droit de justice de Marguerite, son droit de justice armée en cas de rébellion[247]. La sentence de la cour ne fut pas exécutée incontinent, et durant plusieurs mois les choses restèrent en suspens. Mais, tandis que la guerre désolait ainsi toute la province limousine, une autre rébellion avait éclaté dans la Gascogne méridionale Gaston de Béarn avait pris les armes contre Edward[248]. Ce seigneur, qui, durant l'expédition de Foix, s'était lié avec la cour de France, était pour les rois d'Angleterre un vassal aussi gênant que Roger Bernard III l'avait été pour Philippe. Cité plusieurs fois à la cour ducale de Saint-Sever pour répondre de ses excès, il fit défaut, et ses gens arrêtèrent à Orthez un messager de Lucas de Tani, sénéchal de Gascogne[249]. La cour de Saint-Sever le frappa aussitôt d'une sentence très dure, et, le 2 octobre, il s'engagea à s'y soumettre en livrant Orthez entre les mains de son suzerain[250] ; mais il n'en fit rien. Le 1er novembre, le comte fut encore invité solennellement à comparaître devant la cour de Gascogne ; réfugié dans un château fortifié, il s'excusa de nouveau d'y paraître, et une armée fut dirigée contre lui[251]. Telle était, à la fin de l'année 1273, la situation politique. Philippe III se trouvait sans contredit dans les conjonctures les plus favorables. Il avait hérité presque pacifiquement de domaines immenses. Il avait coupé les révoltes féodales dans leur racine et déployé contre le comte de Foix une vigueur incomparable. Son rival, Edward Ier, était aux prises avec des difficultés sérieuses et n'osait agir avec trop d'énergie ni contre la vicomtesse de Limoges ni contre Gaston de Béarn, parce que le roi de France était derrière eux ; Philippe assistait en spectateur et en arbitre aux embarras du duc d'Aquitaine. A l'est, il est vrai que la candidature à l'Empire avait échoué ; mais les officiers de la couronne de France s'en consolaient en empiétant continuellement sur les terres d'Empire, qui étaient mal défendues. En 1271, un sénéchal royal était entré dans l'évêché de Viviers pour exiger le serment de fidélité des seigneurs ; le temporel de l'évêque de Viviers, qui prétendait ne relever que du royaume d'Arles, avait été saisi malgré les protestations de Grégoire X. En janvier 1273, Philippe avait conclu avec l'abbaye de Montfaucon-en-Argonne[252] un pariage qui introduisait son autorité à Montfaucon et dans tout le pays avoisinant, le long de la Meuse, à quelques lieues de Verdun. Il y avait placé un prévôt subordonné au bailli de Vermandois ; et une enquête faite en 1288 sur l'ordre de Rudolf de Habsbourg[253] constata que ce pariage avait été passé au détriment des droits de l'Empire. D'autres empiètements encore avaient été commis à la faveur de l'Interrègne[254]. L'année même de l'élection de Rudolf, d'après la chronique de Limoges, dont lé témoignage, sur ce point, demeure isolé, l'Empereur réclama ; Philippe III lui répondit avec fierté, et Rudolf détruisit un château que les Français avaient construit en terre d'Empire[255]. Mais c'est surtout dans les affaires de la ville impériale de Lyon que Philippe s'était immiscé avec persévérance. Les querelles de l'église et des bourgeois de Lyon avaient fourni aux rois de France, dès 1267, l'occasion d'intervenir dans les affaires de la grande république du Rhône. Philippe le Hardi la traversa le 2 mai 1271, en revenant de la croisade ; cette ville était alors en butte aux attaques des comtes de Savoie ; il la reçut sous sa protection. Et ce ne fut point là une formalité vaine, car le Parlement, en novembre, condamna le chapitre à 500 livres parisis d'amende pour avoir emprisonné et insulté P. Chevrier, sergent du roi et citoyen de Lyon, qui conduisait un navire royal[256]. Chose inouïe jusque-là, le nouvel archevêque, Pierre de Tarentaise, qui fut plus tard Innocent V, prêta, le 2 décembre 1272, serment de fidélité au roi de France[257] ; malgré les restrictions dont il l'enveloppa, la suzeraineté française plana désormais sur Lyon et prépara l'annexion. Le pouvoir de Philippe était si bien établi qu'après avoir frappé le chapitre en 1271, la cour de France frappa, le 28 mai 1273, le corps des bourgeois avec une sévérité extrême, en lui déniant le droit de posséder un sceau, de constituer une communauté, d'être une personne féodale[258]. Enfin, quand Grégoire X vint à Lyon pour y célébrer le concile œcuménique de 1274, Philippe III, agissant comme chez lui[259], sous prétexte de garantir la sécurité du pape et des Pères, introduisit dans la cité des chevaliers et des sergents sous les ordres d'Imbert de Beaujeu. C'est à Lyon, en effet, que devait se réunir le célèbre concile dont l'ouverture marque la fin de la première période du règne de Philippe III, la période d'inauguration. Grégoire X avait convoqué depuis longtemps tous les évêques et tous les princes de la chrétienté se rendre à Lyon, terre libre et neutre, au terme du mois de mai 1274[260], pour y délibérer sur les deux grands problèmes que le pape avait à cœur de résoudre depuis son avènement la délivrance de la Terre sainte et l'union de l'Église grecque à l'Église latine. D'Orvieto, par Florence et Santa-Croce, Grégoire se dirigea vers les Gaules afin do présider lui-même ces solennelles assises de la chrétienté. Philippe III vint le saluer dès qu'il eut franchi les Alpes ; ils eurent ensemble une entrevue, probablement à la mi-novembre 1273, où ils parlèrent d'aucunes besoignes qui appartenoient au royaume de France[261]. Il n'est pas malaisé de deviner le sujet de leurs entretiens ; Philippe s'entendit avec Grégoire X au sujet de la croisade, qu'il brûlait d'entreprendre, et au sujet du Venaissin, que le Saint-Siège réclamait comme sa part dans l'héritage d'Alfonse ; on peut croire aussi qu'ils parlèrent de l'élection de Rudolf de Habsbourg, et qu'ils prirent là la résolution commune d'empêcher Alfonse de Castille, qui voulait soumettre au concile ses prétendus droits à l'Empire, de se rendre à Lyon en traversant la France avec des hommes d'armes[262]. Quoi qu'il en soit, Philippe revint à Paris, après avoir reçu la bénédiction pontificale ; le pape s'installa à Lyon sous la sauvegarde d'une garnison française[263]. La vie historique parut comme interrompue en Europe pendant les premiers mois de l'année 1274 ; le monde entier, l'Orient et l'Occident, était dans l'attente du concile. Une foule de clercs et d'ambassadeurs affluaient chaque jour à Lyon, d'où le pape semblait gouverner l'univers chrétien. On vit arriver tour à tour les orateurs de Rudolf de Habsbourg et du roi de Castille[264], les évêques d'Angleterre[265] et de France, les délégués de l'empereur de Constantinople[266] et de tous les autres princes, le roi d'Aragon en personne. Le 4 mars, le comte d'Artois envoya, lui aussi, un représentant, Eudes de Saint-Germain, son clerc, pour demander au souverain pontife de lui céder le Venaissin, qu'il s'engagerait à tenir en fief de l'Église romaine ; mais Grégoire X nomma, le 27 avril, comme gouverneur du pays au nom du Saint-Siège, Guillaume de Villaret, prieur de l'hôpital de Saint-Gilles. Ce fut là, avec la proclamation officielle de Rudolf de Habsbourg, le seul acte politique du pontife jusqu'à la première session de l'assemblée catholique. de résoudre depuis son avènement la délivrance de la Terre sainte et l'union de l'Église grecque à l'Église latine. D'Orvieto, par Florence et Santa-Croce, Grégoire se dirigea vers les Gaules afin do présider lui-même ces solennelles assises de la chrétienté. Philippe III vint le saluer dès qu'il eut franchi les Alpes ; ils eurent ensemble une entrevue, probablement à la mi-novembre 1273, où ils parlèrent d'aucunes besoignes qui appartenoient au royaume de France[267]. Il n'est pas malaisé de deviner le sujet de leurs entretiens ; Philippe s'entendit avec Grégoire X au sujet de la croisade, qu'il brûlait d'entreprendre, et au sujet du Venaissin, que le Saint-Siège réclamait comme sa part dans l'héritage d'Alfonse ; on peut croire aussi qu'ils parlèrent de l'élection de Rudolf de Habsbourg, et qu'ils prirent là la résolution commune d'empêcher Alfonse de Castille, qui voulait soumettre au concile ses prétendus droits à l'Empire, de se rendre à Lyon en traversant la France avec des hommes d'armes[268]. Quoi qu'il en soit, Philippe revint à Paris, après avoir reçu la bénédiction pontificale ; le pape s'installa à Lyon sous la sauvegarde d'une garnison française[269]. La vie historique parut comme interrompue en Europe pendant les premiers mois de l'année 1274 ; le monde entier, l'Orient et l'Occident, était dans l'attente du concile. Une foule de clercs et d'ambassadeurs affluaient chaque jour à Lyon, d'où le pape semblait gouverner l'univers chrétien. On vit arriver tour à tour les orateurs de Rudolf de Habsbourg et du roi de Castille[270], les évêques d'Angleterre[271] et de France, les délégués de l'empereur de Constantinople[272] et de tous les autres princes, le roi d'Aragon en personne. Le 4 mars, le comte d'Artois envoya, lui aussi, un représentant, Eudes de Saint-Germain, son clerc, pour demander au souverain pontife de lui céder le Venaissin, qu'il s'engagerait à tenir en fief de l'Église romaine ; mais Grégoire X nomma, le 27 avril, comme gouverneur du pays au nom du Saint-Siège, Guillaume de Villaret, prieur de l'hôpital de Saint-Gilles. Ce fut là, avec la proclamation officielle de Rudolf de Habsbourg, le seul acte politique du pontife jusqu'à la première session de l'assemblée catholique. |
[1] H. F., XXIII, 61 (Primat).
[2] Lettre de P. de Condé au trésorier de Senlis, D'ACHERY, Spicilège, III, 667, c. 1.
[3] H. F., XX, 466, e.
[4] P. de Condé, l. c. ; H. F., XX, 470.
[5] Mand., n° 2, 3, 4.
[6] Spicilège, III, 670. Lettre des régents au roi, écrite au nom de tout le conseil royal.
[7] Les Ann. de Plaisance attribuent la retraite des croisés à la famine et à la crainte des Sarrasins et des chrétiens que le sultan de Tunis avait à sa solde. (Monum. Germ. hist., XVIII, 541.)
[8] Dès le commencement de septembre, beaucoup de gens pensaient cependant qu'à cause de la santé du roi on ne resterait pas longtemps en Afrique. Voyez une lettre de P. de Condé, l. c.
[9] L. c. Lettre à Mathieu de Vendôme.
[10] Post multas et mutuas missiones et verba (P. de Condé).
[11] Voyez les quittances. Musée des Archives, n° 278.
[12] Ord., I, 295.
[13] Mand., n° 5.
[14] Il est conservé aux Arch. Nat. Il a été traduit et commenté par M. de Sacy. Mém. de l'Acad. des Inscriptions, IX, 448.
[15] G. de Nangis ne fait mention de la première de ces conditions que dans sa Chronique et non dans les Gesta. Cf. le moine de Padoue, RR. II. SS., VIII, 734. Au texte officiel du traité, il faut comparer l'analyse qu'en donne un témoin très digne de foi, P. de Condé, quelques jours après l'événement. Spicilège, III, 668.
[16] Spicilège, III, 668, c. 1.
[17] Spicilège, III, 668, c. 1. P. de Condé au prieur d'Argenteuil.
[18] DE SACY, op. cit., p. 465.
[19] M. de Westminster, Flores histor., p. 349. — Cf. Mon. Germ., XVIII, 269 (Jac. Aurie Annales).
[20] Pendant ce temps, les reliques de Louis IX firent de grands miracles en Sicile. Voyez G. de Beaulieu (H. F., XX, 24). Philippe III avait voulu faire transporter en France le cadavre de son père, aussitôt après son avènement ; mais il s'était ravisé, et, sur les conseils du roi de Sicile, il le transportait avec lui.
[21] H. F., XXIII, 85 (Primat).
[22] L. c., p. 669, c. 1.
[23] Saba Malespina, ap. RR. II. SS.,
VIII, 861.
[24] H. F., XXIII, 85, note.
[25] Spicilège, III, p. 669, c. 2.
[26]
Spicilège, l. c. — Cf. Monum. Germ., XVIII, 271 (Annales Januenses).
[27] J. HELLER, Deutschland und Frankreich in
ihren politischen Beziehungen, p. 21.
[28] Sur le meurtre de Henri l'Allemand, voyez Arch. de la Société de l'Orient latin, I, 621, n. 24 ; cf. CH. BÉMONT, Simon de Montfort, p. 252 et suiv.
[29] SS. RR. II., VIII, 1017.
[30] Moment. Germ., XVIII, 550.
[31] RYMER, I2, p. 118 (13 mars).
[32] Malespina, loc. cit. Par la quale cosa Adoardo, poiche fu re, non fu amico del re Carlo ne di sua gente.
[33] Voyez M. de Westminster, o. c., p. 350.
[34] Memoriale potestatum Regiensium, ap. RR. II. SS., VIII, 1132, b. Huit jours après, un second corps de croisés, commandé par le comte de Flandre, passa aussi à Reggio.
[35] Ann. Parmenses majores. Monum. Germ., XVIII, 683.
[36] Ann. Placentini Gibellini. Monum. Germ., XVIII, p. 550.
[37] H. F., XX, 486.
[38] H. F., XXIII, 87.
[39] Les bourgeois de Paris sortirent à sa rencontre, et le corps des foulons, au nombre de 300 hommes, alla l'attendre jusqu'à l'orme de Bonnel. H. F., XX, 181 (Miracles de saint Louis).
[40] Cf. un tableau célèbre de Louis de Boullongne, gravé dans CH. BLANC, Hist. des peintres, Notice sur Fr. de B., p. 7, Philippe le Hardi conduisant le corps de saint Louis à saint Denys.
[41] H. F., XX, 486. Voyez un autre récit de la translation, d'après les impressions qu'en garda un pauvre valet qui fut guéri à cette occasion. Miracles de saint Louis. Ibid., p. 139.
[42] On a longtemps discuté sur l'authenticité de cette date, car les chroniqueurs donnent les uns le 15, les autres le 30 août. Voyez un mémoire sur la question, ap. Notices et extraits des manuscrits, II, 9. Cf. L. DELISLE, Mém. sur les ouvrages de G. de Nangis, p. 37.
[43] 12.931 l. 8 s. 1 d. Voyez un fragment du registre Pater, H. F., XXI, 405. — Cf. B. N., lat., 12814, f° 213, et lat., 15439, f° 35 v° : Despens pour le couronnement du roy Philippes. Le couronnement de saint Louis n'avait coûté que 4.333 livres 14 s.
[44] H. F., XXIII, 89.
[45] Monum. Germ. (Annales Januenses), XVIII, 271.
[46] F. FAURE, Hist. de saint Louis, II, 161.
[47] BOUTARIC, Alfonse de Poitiers, p. 119.
[48] Arch. nat., J, 406, n° 4.
[49] Mand., n° 9, 10. Sur le Saisimentum comitatus Tolose, V. livre III, ch. I.
[50] ZURITA, Anales de Aragon, 1, f° 201 v°. — Cf. V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 476.
[51] RYMER, I2, p. 119, c. 1.
[52] RYMER, I2, p. 120.
[53] Voyez un curieux mémoire rédigé sur les actes du Registrum Curie, vers 1272, par un clerc qui s'est appliqué à relever les droits de la couronne dans le Midi, et les abus qui y portaient atteinte. B. E. C., XXXIV, p. 199. Voir l'article qui concerne le comte de Foix. — L'humeur turbulente du comte de Foix s'était déjà manifestée durant les années précédentes. Voyez Hist. gén. Lang., IX, p. 12, note 2.
[54] Trois récits à consulter G. de Puylaurens, H. F., XX, 770 ; G. de Nangis, ibid., 490 ; majus Chronicon Lemovicense, XXI, 778.
[55] Voyez l'enquête jugée au Parlement, Olim, I, 407 ; et Essai de restitution, n° 121. — Cf. Hist. gén. Lang., X, p. 9 : Sur quelques circonstances de la guerre que Ph. le Hardi fit au comte de Foix, § 1.
[56] In primis auspiciis regni sui offertur occasio judicium et justiciam faciendi. (G. de Puylaurens.)
[57] H. F., XXI, 92 (Anonyme).
[58] Arch. nat., J, 392, n° 13.
[59] Un texte récemment découvert ferait croire qu'il fut poussé à la résistance par Sicard Alaman, ancien lieutenant d'A. de Poitiers dans le comté de Toulouse. Voyez CABIÉ ET MAZENS, Cartulaire des Alaman, p. 20. Charte royale de 1279.
[60] H. F., XXI, 778.
[61] Philippe III fit indemniser les habitants foulés par le passage de l'ost. Arch. nat., J, 474, n° 38.
[62] CARINI, Gli Archivi et le biblioteche di Spagna, fascic. II, p. 191 (1er mars 1272). — Cf. V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 479.
[63] H. F., XX, 564 (Chronicon G. de Nangiaco).
[64] Monum. Germ., XXV, 854 (Ann. S. Bert.).
[65] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 107.
[66] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 88. Cf. IX, p. 19, notes.
[67] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 103.
[68] Roger Bernard fut mis en liberté à la fin de l'année 1273 ; nous ne savons pourquoi M. Dareste (Hist. de Fr., II, 298) dit qu'il mourut presque aussitôt dans sa prison. Sur l'abandon du Sabartès par Jayme Ier, V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 480.
[69]
Il fit en septembre un voyage en Normandie et un pèlerinage au
Mont-Saint-Michel. E Chronico
Norm., H. F., XXIII, 222.
[70] RYMER, I2, p. 122, 123.
[71] RAYN., 1272, § 33-39. Cf. HELLER, op. cit., 26.
[72] C'est au roi de France que Grégoire X annonça d'abord la nouvelle de son élection. RAYN., 1212, § 12. — Cf. § 5.
[73]
Voyez RAYN.,
ibid., § 6. Les 25.000 marcs furent prélevés sur l'argent payé par le sultan de
Tunis. Arch. Nat., J, 448, n° 94.
[74] RAYN., ibid., § 1-8. Cf. Arch.
Nat., J, 449, n° 106.
[75] Tous nos renseignements sur ces négociations sont empruntés à un curieux rapport adressé à Philippe III par un certain maître Nicolas. M. HELLER (p 32, note 2) renonce à identifier ce personnage, de même que le magister P. dont il est ici question ; c'est probablement Nicolas, trésorier de Saint-Frambold de Senlis, plus tard évêque d'Évreux, qui s'acquitta de nombreuses missions auprès de la cour de Rome. Ce rapport de Nicolas de Senlis a été publié par M. CH. FIGEAC (Collect. des Doc. inéd., Mélanges, I, 652), d'après une médiocre copie de Dupuy.
[76] La réunion d'un concile œcuménique était annoncée dans les Gaules depuis le mois de mars 1272 (Potthast., n° 20525) ; la ville de Lyon fut désignée le 13 avril 1273 (ibid., n° 20716).
[77] Il est très probable que le roi de Sicile assista à ce premier conciliabule, car l'auteur du rapport fait mention de son absence en une autre circonstance (l. c, p. 654).
[78] Monum. Germ. (Ann. Placent. Gib.), XVIII, 558.
[79] Rapp. cité, p. 654. Puis plusors fois parlâmes aus cardenaus de ceste besoingne ; il. an sont mout curieus.
[80] Arch. Nat., J, 318, n° 19. (Coll. des Doc. inéd., Mélanges, I, 655.)
[81] HELLER, op. cit., p. 38, n. 2.
[82] Art. 5 : Dont je li dis (à Ph. le Hardi) outremer que ansis com ses peres avait meus valu que li siens, devoit-il mieux valoir de son père.
[83] M. Heller explique la conduite de Grégoire X par son respect de la tradition impériale, p. 42 et suiv.
[84] HELLER, op. cit., p. 29, 30.
[85] DOLLINER, Codex Epist. Prim. Ottoc, p. 11. Cité par HELLER, op. cit., p. 45, note 3.
[86] RAYN., 1273, § 35.
[87] Voyez VAISSÈTE, Hist. de Languedoc, IV, 528, Époque et circonstances de la cession que le roi Ph. le Hardi fit du comtat Venaissin à l'Église romaine.
[88] RAYN., 1273, § 81. La lettre de remerciement de Grégoire X est du 27 novembre.
[89] Le texte de cette lettre n'a pas été conservé ; mais M. ROPP (Werner von Mainz., p. 12) en a démontré l'existence. Voyez HELLER, op. cit., p. 47, note 5.
[90] KOPP, Gesch. der eidg. Bunde, II, 3, 338. Beilage V. Cf. SS. RR. II., XI, 1106 (Ptolémée de Lucques). Cette note est du commencement du XIVe siècle.
[91] Voyez HELLER, op. cit., p. 49, note 2. Lettre de Henri d'Isernia à l'évêque d'Olmütz (d'après Dolliner).
[92] Jordanus D'OSNABRÜCK, De prerogativa romani Imperii, publié par Waitz, Abh. der K. Gesellschaft der Wiss., Göttingue, Bd. XIV, p. 43 ssq.
[93] Jordanus D'OSNABRÜCK, De prerogativa romani Imperii, publié par Waitz, Abh. der K. Gesellschaft der Wiss., Göttingue, Bd. XIV, p. 49.
[94] Sur la croisade d'Edward en Terre sainte et sur son retour, voyez Arch. de l'Orient latin, I, .620.
[95] RAYN., 1273, § 21.
[96] Mon. Germ. (Ann. Placent. Gibell.), XVIII, 557.
[97] Math. de Westm., p. 353.
[98] RYMER, I2, 132.
[99] Chronicles of the reign of Edw. I (Annales London, I, 82).
[100] Voyez deux actes du 9 et du 10 août. RYMER, p. 133.
[101]
M. de W., p. 354 ; le chroniqueur de Limoges n'est pas dupe de cette affection
d'apparat : Hic amor, dit-il, dici poterat amor cati et canis. H. F., XXI, 776.
[102] Rec. off., Royal Letters, n° 2636. Cf. Chancery miscell. Portf., VII, n° 1171. La première lettre fixe le départ d'Edward Ier au 6 août ; on voit cependant, dans les actes publiés par Rymer, qu'il était encore le 11 août auprès du roi de France.
[103] RYMER, I2, 134, c. 1 ; 135, c. 2.
[104] M. de Westm., p. 254.
[105] Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 40.
[106] Dès 1269, un arrêt (Olim, I, 332) avait déclaré que le serment de fidélité des hommes de Limoges n'appartenait pas au roi de France, qui, par conséquent, n'avait pu le transmettre au roi d'Angleterre la vicomtesse seule devait le recevoir. Cf. un arrêt de 1271 au sujet de la monnaie seigneuriale. H. F., XXI, 777, c, et 780.
[107] H. F., XXI, p. 780. Continuateur de P. Coral.
[108] H. F., XXI, p. 779.
[109] Olim, I, 932, n° XXII.
[110] H. F., XXI, 779.
[111] H. F., XXI, p. 780. Cf. H. F., XXI, 760, 802.
[112]
Voyez les lettres d'Edward Ier et le procès-verbal de la prestation du serment.
Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 38.
[113] H. F., XXI, 182, P. Coral.
[114] Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 41. Cf. P. Coral, l. c., 782, c.
[115] L. DELISLE, Fragm. ined. du registre de Nic. de Chartres, p. 33 (Essai de restitution, n- 192).
[116] H. F., XXI, 782.
[117] Cf. B. DE SAINT-AMABLE, Histoire de Saint-Martial, III, 579.
[118] H. F., XXI, 780.
[119] V. le récit détaillé des origines de la révolte du comte de Béarn, d'après les principales sources, dans MONLEZUN, Hist. de Gascogne, II, 403 et suiv.
[120]
L'acte a été publié plusieurs fois. CHAMP., I, 170. RYMER, I2, 133, c. 2.
[121] Procès-verbal du 11 novembre. CHAMP., I, 172. RYMER, p. 134.
[122] A. GIRY, Documents sur les relations de la royauté avec les villes, p. 109.
[123] B. E. C., 1881, p. 381 et suiv.
[124] HELLER, Deutschland und Frankreich,
p. 60.
[125] H. F., XXI, 779.
[126] Olim, I, 873. La condamnation fut prononcée par le bailli de Mâcon elle fut taxée par le Parlement. Sur la part que les citoyens de Lyon, ennemis du chapitre, prirent peut-être à cette condamnation, voyez BONNASSIEUX, La réunion de Lyon à la France, p. 59, note 3.
[127] Arch. nat., J, 262, n° 5.
[128] Olim, I, 933.
[129] H. F., XX, 494.
[130] Voyez les bulles de convocation, RAYNALDI, 1273, § 1-4, et RYMER, I2, 132, c. 1.
[131] H. F., XXIII, 61 (Primat).
[132] Lettre de P. de Condé au trésorier de Senlis, D'ACHERY, Spicilège, III, 667, c. 1.
[133] H. F., XX, 466, e.
[134] P. de Condé, l. c. ; H. F., XX, 470.
[135] Mand., n° 2, 3, 4.
[136] Spicilège, III, 670. Lettre des régents au roi, écrite au nom de tout le conseil royal.
[137] Les Ann. de Plaisance attribuent la retraite des croisés à la famine et à la crainte des Sarrasins et des chrétiens que le sultan de Tunis avait à sa solde. (Monum. Germ. hist., XVIII, 541.)
[138] Dès le commencement de septembre, beaucoup de gens pensaient cependant qu'à cause de la santé du roi on ne resterait pas longtemps en Afrique. Voyez une lettre de P. de Condé, l. c.
[139] L. c. Lettre à Mathieu de Vendôme.
[140] Post multas et mutuas missiones et verba (P. de Condé).
[141] Voyez les quittances. Musée des Archives, n° 278.
[142] Ord., I, 295.
[143] Mand., n° 5.
[144] Il est conservé aux Arch. Nat. Il a été traduit et commenté par M. de Sacy. Mém. de l'Acad. des Inscriptions, IX, 448.
[145] G. de Nangis ne fait mention de la première de ces conditions que dans sa Chronique et non dans les Gesta. Cf. le moine de Padoue, RR. II. SS., VIII, 734. Au texte officiel du traité, il faut comparer l'analyse qu'en donne un témoin très digne de foi, P. de Condé, quelques jours après l'événement. Spicilège, III, 668.
[146] Spicilège, III, 668, c. 1.
[147] Spicilège, III, 668, c. 1. P. de Condé au prieur d'Argenteuil.
[148] DE SACY, op. cit., p. 465.
[149] M. de Westminster, Flores histor., p. 349. — Cf. Mon. Germ., XVIII, 269 (Jac. Aurie Annales).
[150] Pendant ce temps, les reliques de Louis IX firent de grands miracles en Sicile. Voyez G. de Beaulieu (H. F., XX, 24). Philippe III avait voulu faire transporter en France le cadavre de son père, aussitôt après son avènement ; mais il s'était ravisé, et, sur les conseils du roi de Sicile, il le transportait avec lui.
[151] H. F., XXIII, 85 (Primat).
[152] L. c., p. 669, c. 1.
[153] Saba Malespina, ap. RR. II. SS.,
VIII, 861.
[154] H. F., XXIII, 85, note.
[155] Spicilège, III, p. 669, c. 2.
[156]
Spicilège, l. c. — Cf. Monum. Germ., XVIII, 271 (Annales Januenses).
[157] J. HELLER, Deutschland und Frankreich in
ihren politischen Beziehungen, p. 21.
[158] Sur le meurtre de Henri l'Allemand, voyez Arch. de la Société de l'Orient latin, I, 621, n. 24 ; cf. CH. BÉMONT, Simon de Montfort, p. 252 et suiv.
[159] SS. RR. II., VIII, 1017.
[160] Moment. Germ., XVIII, 550.
[161] RYMER, I2, p. 118 (13 mars).
[162] Malespina, loc. cit. Par la quale cosa Adoardo, poiche fu re, non fu amico del re Carlo ne di sua gente.
[163] Voyez M. de Westminster, o. c., p. 350.
[164] Memoriale potestatum Regiensium, ap. RR. II. SS., VIII, 1132, b. Huit jours après, un second corps de croisés, commandé par le comte de Flandre, passa aussi à Reggio.
[165] Ann. Parmenses majores. Monum. Germ., XVIII, 683.
[166] Ann. Placentini Gibellini. Monum. Germ., XVIII, p. 550.
[167] H. F., XX, 486.
[168] H. F., XXIII, 87.
[169] Les bourgeois de Paris sortirent à sa rencontre, et le corps des foulons, au nombre de 300 hommes, alla l'attendre jusqu'à l'orme de Bonnel. H. F., XX, 181 (Miracles de saint Louis).
[170] Cf. un tableau célèbre de Louis de Boullongne, gravé dans CH. BLANC, Hist. des peintres, Notice sur Fr. de B., p. 7, Philippe le Hardi conduisant le corps de saint Louis à saint Denys.
[171] H. F., XX, 486. Voyez un autre récit de la translation, d'après les impressions qu'en garda un pauvre valet qui fut guéri à cette occasion. Miracles de saint Louis. Ibid., p. 139.
[172] On a longtemps discuté sur l'authenticité de cette date, car les chroniqueurs donnent les uns le 15, les autres le 30 août. Voyez un mémoire sur la question, ap. Notices et extraits des manuscrits, II, 9. Cf. L. DELISLE, Mém. sur les ouvrages de G. de Nangis, p. 37.
[173] 12.931 l. 8 s. 1 d. Voyez un fragment du registre Pater, H. F., XXI, 405. — Cf. B. N., lat., 12814, f° 213, et lat., 15439, f° 35 v° : Despens pour le couronnement du roy Philippes. Le couronnement de saint Louis n'avait coûté que 4.333 livres 14 s.
[174] H. F., XXIII, 89.
[175] Monum. Germ. (Annales Januenses), XVIII, 271.
[176] F. FAURE, Hist. de saint Louis, II, 161.
[177] BOUTARIC, Alfonse de Poitiers, p. 119.
[178] Arch. nat., J, 406, n° 4.
[179] Mand., n° 9, 10. Sur le Saisimentum comitatus Tolose, V. livre III, ch. I.
[180] ZURITA, Anales de Aragon, 1, f° 201 v°. — Cf. V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 476.
[181] RYMER, I2, p. 119, c. 1.
[182] RYMER, I2, p. 120.
[183] Voyez un curieux mémoire rédigé sur les actes du Registrum Curie, vers 1272, par un clerc qui s'est appliqué à relever les droits de la couronne dans le Midi, et les abus qui y portaient atteinte. B. E. C., XXXIV, p. 199. Voir l'article qui concerne le comte de Foix. — L'humeur turbulente du comte de Foix s'était déjà manifestée durant les années précédentes. Voyez Hist. gén. Lang., IX, p. 12, note 2.
[184] Trois récits à consulter G. de Puylaurens, H. F., XX, 770 ; G. de Nangis, ibid., 490 ; majus Chronicon Lemovicense, XXI, 778.
[185] Voyez l'enquête jugée au Parlement, Olim, I, 407 ; et Essai de restitution, n° 121. — Cf. Hist. gén. Lang., X, p. 9 : Sur quelques circonstances de la guerre que Ph. le Hardi fit au comte de Foix, § 1.
[186] In primis auspiciis regni sui offertur occasio judicium et justiciam faciendi. (G. de Puylaurens.)
[187] H. F., XXI, 92 (Anonyme).
[188] Arch. nat., J, 392, n° 13.
[189] Un texte récemment découvert ferait croire qu'il fut poussé à la résistance par Sicard Alaman, ancien lieutenant d'A. de Poitiers dans le comté de Toulouse. Voyez CABIÉ ET MAZENS, Cartulaire des Alaman, p. 20. Charte royale de 1279.
[190] H. F., XXI, 778.
[191] Philippe III fit indemniser les habitants foulés par le passage de l'ost. Arch. nat., J, 474, n° 38.
[192] CARINI, Gli Archivi et le biblioteche di Spagna, fascic. II, p. 191 (1er mars 1272). — Cf. V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 479.
[193] H. F., XX, 564 (Chronicon G. de Nangiaco).
[194] Monum. Germ., XXV, 854 (Ann. S. Bert.).
[195] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 107.
[196] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 88. Cf. IX, p. 19, notes.
[197] Hist. gén. Lang., X, pr., c. 103.
[198] Roger Bernard fut mis en liberté à la fin de l'année 1273 ; nous ne savons pourquoi M. Dareste (Hist. de Fr., II, 298) dit qu'il mourut presque aussitôt dans sa prison. Sur l'abandon du Sabartès par Jayme Ier, V. DE TOURTOULON, Jacme Ier, II, 480.
[199]
Il fit en septembre un voyage en Normandie et un pèlerinage au
Mont-Saint-Michel. E Chronico
Norm., H. F., XXIII, 222.
[200] RYMER, I2, p. 122, 123.
[201] RAYN., 1272, § 33-39. Cf. HELLER, op. cit., 26.
[202] C'est au roi de France que Grégoire X annonça d'abord la nouvelle de son élection. RAYN., 1212, § 12. — Cf. § 5.
[203]
Voyez RAYN.,
ibid., § 6. Les 25.000 marcs furent prélevés sur l'argent payé par le sultan de
Tunis. Arch. Nat., J, 448, n° 94.
[204] RAYN., ibid., § 1-8. Cf. Arch.
Nat., J, 449, n° 106.
[205] Tous nos renseignements sur ces négociations sont empruntés à un curieux rapport adressé à Philippe III par un certain maître Nicolas. M. HELLER (p 32, note 2) renonce à identifier ce personnage, de même que le magister P. dont il est ici question ; c'est probablement Nicolas, trésorier de Saint-Frambold de Senlis, plus tard évêque d'Évreux, qui s'acquitta de nombreuses missions auprès de la cour de Rome. Ce rapport de Nicolas de Senlis a été publié par M. CH. FIGEAC (Collect. des Doc. inéd., Mélanges, I, 652), d'après une médiocre copie de Dupuy.
[206] La réunion d'un concile œcuménique était annoncée dans les Gaules depuis le mois de mars 1272 (Potthast., n° 20525) ; la ville de Lyon fut désignée le 13 avril 1273 (ibid., n° 20716).
[207] Il est très probable que le roi de Sicile assista à ce premier conciliabule, car l'auteur du rapport fait mention de son absence en une autre circonstance (l. c, p. 654).
[208] Monum. Germ. (Ann. Placent. Gib.), XVIII, 558.
[209] Rapp. cité, p. 654. Puis plusors fois parlâmes aus cardenaus de ceste besoingne ; il. an sont mout curieus.
[210] Arch. Nat., J, 318, n° 19. (Coll. des Doc. inéd., Mélanges, I, 655.)
[211] HELLER, op. cit., p. 38, n. 2.
[212] Art. 5 : Dont je li dis (à Ph. le Hardi) outremer que ansis com ses peres avait meus valu que li siens, devoit-il mieux valoir de son père.
[213] M. Heller explique la conduite de Grégoire X par son respect de la tradition impériale, p. 42 et suiv.
[214] HELLER, op. cit., p. 29, 30.
[215] DOLLINER, Codex Epist. Prim. Ottoc, p. 11. Cité par HELLER, op. cit., p. 45, note 3.
[216] RAYN., 1273, § 35.
[217] Voyez VAISSÈTE, Hist. de Languedoc, IV, 528, Époque et circonstances de la cession que le roi Ph. le Hardi fit du comtat Venaissin à l'Église romaine.
[218] RAYN., 1273, § 81. La lettre de remerciement de Grégoire X est du 27 novembre.
[219] Le texte de cette lettre n'a pas été conservé ; mais M. ROPP (Werner von Mainz., p. 12) en a démontré l'existence. Voyez HELLER, op. cit., p. 47, note 5.
[220] KOPP, Gesch. der eidg. Bunde, II, 3, 338. Beilage V. Cf. SS. RR. II., XI, 1106 (Ptolémée de Lucques). Cette note est du commencement du XIVe siècle.
[221] Voyez HELLER, op. cit., p. 49, note 2. Lettre de Henri d'Isernia à l'évêque d'Olmütz (d'après Dolliner).
[222] Jordanus D'OSNABRÜCK, De prerogativa romani Imperii, publié par Waitz, Abh. der K. Gesellschaft der Wiss., Göttingue, Bd. XIV, p. 43 ssq.
[223] Jordanus D'OSNABRÜCK, De prerogativa romani Imperii, publié par Waitz, Abh. der K. Gesellschaft der Wiss., Göttingue, Bd. XIV, p. 49.
[224] Sur la croisade d'Edward en Terre sainte et sur son retour, voyez Arch. de l'Orient latin, I, .620.
[225] RAYN., 1273, § 21.
[226] Mon. Germ. (Ann. Placent. Gibell.), XVIII, 557.
[227] Math. de Westm., p. 353.
[228] RYMER, I2, 132.
[229] Chronicles of the reign of Edw. I (Annales London, I, 82).
[230] Voyez deux actes du 9 et du 10 août. RYMER, p. 133.
[231]
M. de W., p. 354 ; le chroniqueur de Limoges n'est pas dupe de cette affection
d'apparat : Hic amor, dit-il, dici poterat amor cati et canis. H. F., XXI, 776.
[232] Rec. off., Royal Letters, n° 2636. Cf. Chancery miscell. Portf., VII, n° 1171. La première lettre fixe le départ d'Edward Ier au 6 août ; on voit cependant, dans les actes publiés par Rymer, qu'il était encore le 11 août auprès du roi de France.
[233] RYMER, I2, 134, c. 1 ; 135, c. 2.
[234] M. de Westm., p. 254.
[235] Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 40.
[236] Dès 1269, un arrêt (Olim, I, 332) avait déclaré que le serment de fidélité des hommes de Limoges n'appartenait pas au roi de France, qui, par conséquent, n'avait pu le transmettre au roi d'Angleterre la vicomtesse seule devait le recevoir. Cf. un arrêt de 1271 au sujet de la monnaie seigneuriale. H. F., XXI, 777, c, et 780.
[237] H. F., XXI, p. 780. Continuateur de P. Coral.
[238] H. F., XXI, p. 779.
[239] Olim, I, 932, n° XXII.
[240] H. F., XXI, 779.
[241] H. F., XXI, p. 780. Cf. H. F., XXI, 760, 802.
[242]
Voyez les lettres d'Edward Ier et le procès-verbal de la prestation du serment.
Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 38.
[243] H. F., XXI, 182, P. Coral.
[244] Bull. Soc. Hist. Limousin, XV, 41. Cf. P. Coral, l. c., 782, c.
[245] L. DELISLE, Fragm. ined. du registre de Nic. de Chartres, p. 33 (Essai de restitution, n- 192).
[246] H. F., XXI, 782.
[247] Cf. B. DE SAINT-AMABLE, Histoire de Saint-Martial, III, 579.
[248] H. F., XXI, 780.
[249] V. le récit détaillé des origines de la révolte du comte de Béarn, d'après les principales sources, dans MONLEZUN, Hist. de Gascogne, II, 403 et suiv.
[250]
L'acte a été publié plusieurs fois. CHAMP., I, 170. RYMER, I2, 133, c. 2.
[251] Procès-verbal du 11 novembre. CHAMP., I, 172. RYMER, p. 134.
[252] A. GIRY, Documents sur les relations de la royauté avec les villes, p. 109.
[253] B. E. C., 1881, p. 381 et suiv.
[254] HELLER, Deutschland und Frankreich,
p. 60.
[255] H. F., XXI, 779.
[256] Olim, I, 873. La condamnation fut prononcée par le bailli de Mâcon elle fut taxée par le Parlement. Sur la part que les citoyens de Lyon, ennemis du chapitre, prirent peut-être à cette condamnation, voyez BONNASSIEUX, La réunion de Lyon à la France, p. 59, note 3.
[257] Arch. nat., J, 262, n° 5.
[258] Olim, I, 933.
[259] H. F., XX, 494.
[260] Voyez les bulles de convocation, RAYNALDI, 1273, § 1-4, et RYMER, I2, 132, c. 1.
[261] H. F., XX, 493.
[262] Lettre de Grégoire X à Alfonse de Castille. RAYN., 1273, § 38. Chambéry, 3 novembre. Cf. H. F., XXI, 785.
[263] Cette garnison ne fut pas inutile pour la sécurité du pape, car la ville de Lyon était alors troublée par les querelles de l'archevêque et des bourgeois on a une lettre de Grégoire X aux consuls de Montpellier (1er décembre 1273) pour les remercier d'avoir mis leur ville à la disposition du Concile, au cas où le séjour de Lyon deviendrait intolérable. Arch. munic. de Montpellier, EV, n° 2, 3.
[264] RAYN., 1274, § 5.
[265] RYMER, I2, 136, 137.
[266] Voyez L. DELISLE, Les recueils épistolaires de Bérard de Naples, p. 74.
[267] H. F., XX, 493.
[268] Lettre de Grégoire X à Alfonse de Castille. RAYN., 1273, § 38. Chambéry, 3 novembre. Cf. H. F., XXI, 785.
[269] Cette garnison ne fut pas inutile pour la sécurité du pape, car la ville de Lyon était alors troublée par les querelles de l'archevêque et des bourgeois on a une lettre de Grégoire X aux consuls de Montpellier (1er décembre 1273) pour les remercier d'avoir mis leur ville à la disposition du Concile, au cas où le séjour de Lyon deviendrait intolérable. Arch. munic. de Montpellier, EV, n° 2, 3.
[270] RAYN., 1274, § 5.
[271] RYMER, I2, 136, 137.
[272] Voyez L. DELISLE, Les recueils épistolaires de Bérard de Naples, p. 74.