ESSAI SUR LE RÈGNE DE L’EMPEREUR AURÉLIEN (270-275)

 

TROISIÈME PARTIE. — LE GOUVERNEMENT INTÉRIEUR. LES RÉFORMES.

CHAPITRE IV. — LES RÉFORMES ALIMENTAIRES[1].

Texte numérisé par Marc Szwajcer

 

 

Aurélien distribua au peuple 3 congiaires[2]. La dépense totale fut de 500 deniers par tête[3] et de 100.000.000 de deniers pour l’ensemble des 200.000 citoyens qui participaient aux distributions.

En 274[4], après le triomphe, il introduisit, dans le régime de l’Annone, d’importantes innovations. Contre le Sénat, le pouvoir impérial avait besoin de l’appui du peuple ; le moyen le plus efficace de l’obtenir était de multiplier les distributions[5]. Aurélien compléta le système de distributions alimentaires inauguré par C. Gracchus et étendu par Septime Sévère.

Il avait conçu un vaste plan do réformes alimentaires, applicable à toutes les denrées : le pain, l’huile, la viande de porc, le vin, qui formaient, à Rome, la base de l’alimentation du peuple. Ce plan, en raison des charges considérables qu’il entraînait pour le Trésor, ne put être réalisé intégralement. Il faut en étudier successivement les divers éléments.

Le pain. — II n’est pas question avant Aurélien de distributions de pain faites gratuitement ou à bas prix[6]. Le pain était fabriqué ou vendu sous le contrôle de l’Etat par la corporation des Pistores. L’administration de i’Annone vendait le blé aux boulangers, et, pour maintenir le pain à bas prix, intervenait dans la fixation du prix de vente.

Aurélien prit deux mesures, relatives l’une à la vente, l’autre à la distribution du pain.

a) Vita Aureliani, 47, 1 : Aurélien, sur le tribut de l’Egypte, augmenta d’une once les pains de Rome[7]. L’administration de l’Annone, qui vendait le blé aux boulangers, leur en fournit, à titre gratuit, une quantité suffisante pour augmenter d’une once tous les pains mis dans le commerce. Le prix de vente devait, naturellement, rester le même.

b) Vita Aureliani, 35, 1-2 : Aurélien, en partant pour la guerre d’Orient, promit au peuple, s’il revenait vainqueur, des couronnes de deux livres. Le peuple crut qu’il s’agissait de couronnes d’or. Mais Aurélien, ne pouvant ou ne voulant pas lui en donner de telles, fit fabriquer des pains de pur froment en forme de couronnes, et les distribua à raison d’un par tête. Chaque citoyen devait, pendant toute sa vie, recevoir quotidiennement un pain semblable et transmettre, à sa mort, le même droit à ses descendants[8]. (Cf. les textes de Zosime (I, 61) et du Chronographe de 354 (loc. cit.), d’après lesquels Aurélien fit au peuple une distribution gratuite de pain).

Aurélien établit donc des distributions régulières, quotidiennes et gratuites de pain siligineus, à raison de 2 livres par tête : tous les citoyens inscrits sur les rôles, avaient droit à ces distributions, et ce droit était héréditaire[9].

Cette mesure d’Aurélien transformait profondément le système des distributions alimentaires. Les distributions mensuelles de blé, irrégulières et peut-être même suspendues depuis la mort de Sévère Alexandre[10], étaient remplacées par des distributions quotidiennes de pain. Le droit aux distributions, qui était viager depuis le début de l’Empire[11], devenait héréditaire. Enfin l’innovation la plus importante dut être l’introduction du principe de la gratuité. Aucun texte ne dit formellement que les distributions de blé sous l’Empire aient été gratuites[12] ; probablement l’État avait toujours exigé une légère redevance. Si le fait est exact, Aurélien aurait, pour la première fois sous l’Empire, établi la gratuité des distributions.

Pour les distributions de pain, Aurélien ne créa pas de fonctionnaires spéciaux, analogues aux anciens Præfecti frumenti dandi. Ces distributions eurent lieu sous la surveillance du préfet de l’Annone.

L’huile. — Septime Sévère avait institué, pour l’alimentation du peuple, des distributions régulières, quotidiennes et gratuites d’huile d’Afrique[13]. Restreintes par Elagabal, rétablies intégralement par Sévère Alexandre[14], elles étaient devenues irrégulières, peut-être même avaient-elles été suspendues, pendant les troubles de l’anarchie militaire. Aurélien[15] les rétablit d’une manière permanente.

La viande de porc. — L’usage de la viande de porc, fraîche, fumée ou salée, était très répandu dès l’époque de la République[16]. Au IIIe siècle ap. J.-C, le peuple de Rome la préférait à la viande de bœuf. Sévère Alexandre en avait distribué à plusieurs reprises[17]. Aurélien, le premier, établit des distributions régulières et gratuites de viande de porc, analogues aux distributions de pain et d’huile[18].

Le sel. — Le Chronographe de 354 (loc. cit.) dit qu’Aurélien distribua gratuitement du sel au peuple. Il est probable qu’il ne s’agit pas là d’une distribution exceptionnelle, mais qu’Aurélien créa des distributions régulières et gratuites de sel[19].

Le vin. — Enfin, Aurélien voulut étendre au vin son système de distributions gratuites. La Vita Aureliani[20] parle longuement de ces projets : Aurélien avait résolu de distribuer gratuitement du vin au peuple de Rome, comme on lui donne de l’huile, du pain et de la viande de porc. Pour assurer la durée de ces distributions, il avait conçu le projet suivant. Il y a en Étrurie, le long de la Via Aurélia et jusqu’aux Alpes-Maritimes, de vastes campagnes fertiles et boisées. Aurélien voulait acheter aux possesseurs qui y auraient consenti, ces terres incultes, y établir des familles de prisonniers, planter des vignes sur le versant des montagnes et distribuer au peuple romain tout le vin que l’on récolterait, sans que le fisc en pût rien prélever. Il avait fait le calcul des récipients, des navires et des travaux nécessaires. Mais un grand nombre d’historiens prétendent qu’Aurélien fut détourné de ce projet par le préfet du Prétoire, qui lui aurait dit : Si nous donnons du vin au peuple, il ne nous reste plus qu’à lui donner des poulets et des oies. Une preuve qu’Aurélien s’occupa sérieusement de ce projet,qu’il prit les dispositions nécessaires ou même qu’il l’exécuta, au moins en partie, c’est que le vin destiné à être non pas donné, mais vendu à prix d’argent parle fisc, est placé dans les portiques du Temple du Soleil.

Ce projet offrait un double avantage. Il se rattachait directement au plan général conçu par Aurélien pour la remise en culture des terres italiennes ; d’autre part, il permettait d’établir des distributions gratuites de vin, sans rien demander au Trésor. Mais c’était un projet de longue haleine dont la réalisation demandait plusieurs années. En attendant Aurélien dut instituer les distributions de vin à prix réduit, dont il est question au IVe siècle. Il se proposait sans doute de les transformer plus tard en distributions gratuites. Il n’en eut pas lu temps, et son projet fut abandonné après lui[21].

Les réformes alimentaires d’Aurélien entraînèrent la création de nouveaux services, placés sous la dépendance du préfet de l’Annone. Les plus importants de ces services furent établis dans la région du Campus Agrippæ, qu’Aurélien avait si profondément transformée en y construisant le Temple du Soleil et la nouvelle caserne des Cohortes Urbaines (Castra Urbana). Les portiques du Temple du Soleil servirent d’entrepôt pour le vin destiné aux distributions[22]. Le Forum Suarium[23], le grand marché pour la viande de porc, limitrophe du Campus Agrippæ, fut rattaché administrativement au commandement des Cohortes Urbaines[24]. Nous ne savons rien de plus. Il est probable toutefois que l’organisation des distributions, telle que nous la connaissons en détail pour le IVe siècle[25], remonte, dans ses traits essentiels, aux réformes d’Aurélien.

Aurélien, en ce qui concerne le vin, ne put compléter son système de distributions gratuites : le temps et les moyens lui manquèrent également. Ses réformes marquent la dernière étape dans le développement des institutions alimentaires de Rome. Jusqu’à la fin du IIe siècle, les seules distributions régulières avaient été les distributions mensuelles de blé, qui, croyons-nous, n’étaient pas gratuites. Septime Sévère créa des distributions régulières et gratuites d’huile. Aurélien substitua aux distributions de blé des distributions gratuites de pain, établit des distributions gratuites de viande de porc et des distributions de vin à prix réduit.

Le système alimentaire d’Aurélien représente l’effort maximum que l’État ait jamais fait en faveur de la plèbe. Après la mort d’Aurélien, il ne tarda pas à être modifié. Les distributions gratuites de pain siligineus furent remplacées, entre 306 et 369, par une vente de pain plebeius à prix réduit[26] (50 onces = 4 livres 1/6 par tête). Valentinien, par une constitution de 369 (loc. cit.), revint au principe de la gratuité et distribua de nouveau des Panes siliginei (Buccellæ mundæ) en réduisant la quantité à 3 livres. Sous Honorius, la vente du pain à raison de 1 nummus par livre, avait déjà été rétablie[27]. Constantin supprima les distributions régulières d’huile d’Afrique[28]. Enfin il est probable — nous ne le savons pas avec certitude — que, pour la viande de porc, comme pour le pain et l’huile, la gratuité fut remplacée, au IVe siècle, par la vente à bas prix[29].

 

 

 



[1] Sources. — ZOSIME, 1, 61 ; — Vita Aureliani, 35, l-2, 47-48 ; — AURELIUS VICTOR, Cæsar., 35, 7 ; — Epitomé, 35, 6-7 ; — CHRONOGR. ANN. 334, p. 148 (Chronic. Minor., I, éd. TH. MOMMSEN).

O HIRSCHFELD, die Getraideverwaltung in der Römischen Kaiserzeit (Philologus, XXIX, 1870, pp. 1-96).

G. KHAKAUER, das Verspftergungswesen der Stadt Rom in der Späteren Kaiserzeit, Berlin, 1874, 59 pages.

[2] Vita Aureliani, 49, 5. — On n’a pas d’indications précises sur les dates auxquelles furent distribués ces trois congiaires. Il y en eut un à l’avènement en 270, comme c’était la règle, et probablement un autre à l’occasion du triomphe en 274. Le troisième doit se placer soit en 271, après la délivrance de l’Italie, soit plutôt, dans le courant de 274, lorsque la religion solaire fut proclamée culte d’État.

[3] CHRONOGR. ANN. 354, loc. cit. : ce qui donne une moyenne de 166 deniers par congiaire. Il est possible que le premier congiaire ait été de 200 deniers, tandis que les deux suivants n’auraient été que de 150. Le montant des congiaires, depuis le début du IIIe siècle, était en moyenne de 150 deniers (J. MARQUARDT, Organisation financière chez les Romains, trad. franc., p. 175). — Le revers Liberalitas Aug(usti) (Th. ROHDE, Catal., n° 212), de l’atelier de Siscia et de la seconde période monétaire du règne (271-274), se rapporte probablement à l’un de ces congiaires.

[4] AURELIUS VICTOR (loc. cit.) et l’Epitomé (loc. cit.) mentionnent la réforme sans la dater. La date résulte de ZOSIME (I, 61) et de la Vita Aureliani (35, 1-2). — Les revers Annona Aug(usti), sur les monnaies d’Aurélien, ne se rapportent pas à la réforme de 274 (Th. ROHDE, Catal., n° 71, 72. H. COHEN 2, ne donne pas ce revers) ; ces pièces ont été frappées à Home (Th. ROHDE, Catal., n° 71) et à Siscia (Id., n° 72), dans la première période monétaire du règne (270). — Les tessères de plomb au type de l’Annone ne font aucune allusion aux réformes alimentaires d’Aurélien.

[5] AURELIUS VICTOR, 35, 7.

[6] O. HIRSCHFELD, loc. cit., p. 20 ; — GODEFROY, Comment. ad. COD. THEODOS., XIV, 17, 5, pp. 271-274 ; — G. KRAKAUER, loc. cit., p. 43 ; — M. VOIGT, die verschiedenen Sorten von Triticum, Weizenmehl und Brod bei den Römern (Rhein. Mus., XXXI, 1876, pp. 127-128), place la substitution des distributions de pain aux distributions de blé dans la seconde moitié du IIe siècle : Aurélien n’aurait fait qu’élever d’une once la ration journalière qui, jusque-la n’était que de 23 onces (cf. G. KRAKAUER, loc. cit., p. 43) : ce qui est inadmissible. M. Voigt appuie son interprétation sur le texte d’une scholie de PERSE (III, 111) : Panem non deliciosum cribro discussum, sed plebeium, de populi annona, id est fiscalem. — Ce texte ne prouve rien pour l’époque antérieure à Aurélien, car les scholies de Perse (édit. Fr. Hermann, préface p. XII), ne sont pas plus anciennes que le Ve siècle. Il y a eu des distributions de blé, au moins jusque sous Sévère Alexandre ; d’autre part, l’augmentation d’une once décrétée par Aurélien s’applique non pas au pain des distributions, mais au pain mis en vente.

[7] Cf. 17, 2, dans la lettre d’Aurélien à Flavius Arabianus, préfet de l’Annone. Sur cette lettre, qui n’est pas authentique, voir plus loin la note 21. — Probus, qui était alors chargé du gouvernement de l’Égypte, eut à prendre les dispositions rendues nécessaires par la mesure d’Aurélien (Vita Probi, 9, 3) ; cf. Vita Aureliani, 45, 1.

[8] Cf. COD. THEODOS., XIV, 17, 3.

[9] Ce furent surtout les moulins, situés au pied du Janicule et alimentés par l’Aqua Trajana, qui eurent à fournir la farine aux boulangers de Rome : ces moulins furent compris à l’intérieur de la nouvelle enceinte. — PROCOPE, Guerr. Goth., 1, 19 ; — PRUDENCE, C. Symmach., II, 949 ; — C. I. L., VI, 1711.

[10] O. HIRSCHFELD, loc. cit., p. 21.

[11] O. HIRSCHFELD, loc. cit., p. 4. — J. MARQUARDT, loc. cit., p. 149.

[12] Sur la question, voir O. HIRSCHFELD, loc. cit., pp. 12-13 et J. MARQUARDT, loc. cit., p. 157, et not. 3. Les arguments donnés en faveur de la gratuité sont loin d’être décisifs. II faut remarquer que le système suivi au IVe siècle n’est généralement pas celui de la gratuité, mais celui de la vente à bas prix (voir plus loin).

[13] Vita Sept. Sever., 18, 3.

[14] Vita Severi Alexand., 22, 2.

[15] Vita Aureliani, 48, 1 ; — CHRONOG. ANN. 354, loc. cit.

[16] J. MARQUARDT, Vie privée des Romains (trad. franc.), II, pp. 53-54.

[17] Vita Severi Alexand., 23, 2.

[18] Vita Aureliani, 35, 2. — 48, 1 ; — AUREL. VICT., Cæsar., 33, 7. — Cf. Epitomé, 35, 7. — Le CHRONOGRAPHE de 354 ne mentionne pas cette innovation.

[19] Il y avait eu déjà antérieurement des distributions exceptionnelles de sel (PLINE, Hist. Natur., XXXI, 89 ; — DION CASS., XLIX, 43).

[20] Vita Aureliani, 48, 1-4.

[21] Selon la Vita Aureliani, 48, 5, Aurélien aurait encore distribué au peuple des vêtements et des mouchoirs. — Il est question d’autres dispositions dans la lettre d’Aurélien à Flavius Arabianus (47, 2-4) : cette lettre n’est pas authentique et n’a pas plus de valeur que les autres documents de l’Histoire Auguste. Les faits énumérés sont les suivants :

a) Création d’un nouveau service de navigation sur le Nil et sur le Tibre, pour assurer les arrivages (47, 3).

b) Construction de quais le long du Tibre.

c) Creusement du lit.

d) Offrandes aux dieux et à la Perennitas (47, 3-4).

e) Consécration d’un sanctuaire ou d’une statue de Cérès.

Il est impossible de déterminer dans quelle mesure ces faits, qui ne sont confirmés par aucune autre source, sont exacts.

[22] Vita Aureliani, 48, 4. — C. I. L., VI, 1785. — Sur l’emplacement du Temple du Soleil, voir plus loin. Chap. V.

[23] Notit., Reg. VII ; Cur., id. ; — POLEM. SILVIUS, p. 545 (Chronic. Minor., I, éd. Th. Mommsen) ; — Notit. Dignit., Occ, IV, 10 ; — DIGESTE, I, 12, 11 ; — C. I. L., VI, 1136, 3728, 9631. Cf. Ch. HUELSEN, Il Tempio del Sole nella Reg. VII, di Roma (Bull. Archeol. Com., 1895, p. 48). — Le Forum Suarium, dont l’emplacement exact n’est pas connu, était situé dans la partie de la VIIe région comprise entre la via Flaminia et le Pincio, à l’Est du Campus Agrippæ, dont il était limitrophe, et probablement au pied du Pincio. Sur le Campus Agrippæ, voir plus loin, Chap. V.

[24] C. I. L., VI, 1156 : Fl. Ursacius V(ir) P(erfectissimus) tribunus Cohorti/um Urbanatum/ X. XI et XII et Fori/Suari (date : 317/337).

[25] Pour le pain, COD. THEODOS., XIV, 15 ; 17, 1-7 ; 19, 1 ; pour l’huile, Id., 15, 3 ; 17, 15 ; 24, 1 ; pour la viande de porc, Id., XIV, 4, 1-10 (Cf. SYMMACH., Epist., X, 27) ; pour le vin, COD. THEODOS., XIV, 4, 3, et le commentaire de Godefroy ; — O. HIRSCHFELD, loc. cit., pp 19-21 ; — G. KRAKAUER, loc. cit., pp. 37-55.

Il est intéressant d’établir, même d’une manière approximative, dans quelle mesure les réformes alimentaires d’Aurélien grevèrent les finances de l’État.

a) Le pain. — Avant Aurélien, chacun des 200.000 citoyens inscrits sur les rôles, recevait 3 modii de blé par mois [J. MARQUARDT, Organisat. financ. (trad. franc.) p. 146] (O. HIRSCHFELD, loc. cit., pp. 2-3), soit 43lit,75, ce qui équivalait — le litre de blé donnant en moyenne 0kg,934 grammes de pain, — à 40kg,813 de pain, par conséquent 4 livres romaines de pain par jour. — Aurélien donne 2 livres de pain siligineus par jour : la réduction, en quantité, est de moitié.

Les 5 modii mensuels étaient, nous l’avons vu, vraisemblablement livrés, non pas gratuitement, mais au tarif très réduit de 6 as 1/3 le modius = 0,42 centimes. C’était le taux normal pour les distributions de blé au dernier siècle de lu République (J. MARQUARDT, loc. cit., p. 140 ; — O. HIRSCHFELD, loc. cit., pp. 2-3). — Sous Honorius (COD. THEODOS., XIV, 9, 1 : Constit. de 398 : — cf. G. KHAKAUER, loc. cit., p. 44), le tarif était d’un nummus (= 0,0543), la livre : ce qui donne pour le modius de 8lit,75, un prix moyen de 0,33 centimes : le prix perçu par le Trésor était donc sensiblement resté le même. — Le modius de blé, sur le marché, valait en moyenne 5 sesterces (= 1 fr. 34) (Th. MOMMSEN et H. BLUMNER, der Maximaltarif des Diocletian, Berlin, 1893. p. 63 ; — Sal. REINACH, le Prix du blé dans l’Édit de Dioclétien [Rev. Archéol., 1900, pp. 428-434]. L’État perdait donc, par tète et par mois (1.31-0.42) X 5 = 4 fr. 60 : en réalité, un peu moins. — Aurélien donnant une quantité deux fois moindre, mais à titre gratuit, la dépense se trouve ramenée pour l’État à 3 fr. 35 par tête et par mois, chiffre auquel il faut ajouter les frais de manutention qui n’existaient pas auparavant.

En ce qui concerne le pain, la réforme d’Aurélien n’a pas entraîné de nouvelles charges pour le Trésor. Tout au plus, y a-t-il eu équivalence.

b) La viande de porc. — Nous ignorons la quantité de viande de porc qui était distribuée gratuitement au peuple. — Le prix moyen, sur le marché était de 0,27 — 0.35 centimes la livre (Th. MOMMSEN et H. BLUMNER, loc. cit., p. 73) : en admettant le chiffre d’une demi-livre par tète et par jour, on arriverait pour les 200.000 inscrits, a une dépense mensuelle maxima de (4.80 x 200.000) = 960.000 francs et annuelle de 11.520.000 francs, — chiffre considérable étant donné l’état des finances romaines a la fin du IIIe siècle.

c) Le vin. — Aurélien n’a pas réalisé son projet de distributions gratuites de vin. — En admettant la quantité journalière de 1/2 litre et le prix moyen de 0 fr. 15 le litre (COLUMELLE, III, 3, 10 : environ 0,12 cent. ; NOVELL. VALENT., III, 18, 1, 4 : environ 0,15 : — cf. Th. MOMMSEN et A. BLUMNER, loc. cit., p. 67) ces distributions eussent exigé une dépense annuelle de (2,25 X 200.000 x 12) = 5.400.000 francs.

Quant à l’huile, elle continuait è être fournie gratuitement par la ville de Leptis (AUREL. VICT., Cæsar., 41. 19).

Le nouveau système n’entraînait donc aucune dépense supplémentaire pour le pain ; il ne fut pas étendu au vin : il n’y eut aucun changement pour l’huile. La grosse dépense résultait des distributions de viande de porc.

[26] COD. THEODOS., XIV, 17, 5 ; — G. KRAKAUER, loc. cit., pp. 44-45 ; — M. VOIGT, loc. cit., p. 127.

[27] COD. THEODOS., XIV, 19, 1 (de 398) ; — G. KRAKAUER, loc. cit., p. 44.

[28] AURELIUS VICTOR, Cæsar., 41, 19.

[29] Les distributions gratuites de viande de porc sont encore mentionnées par ZOSIME (II, 9), à la date de 306. II semble bien que pour le pain et la viande de porc, comme pour l’huile, ce soit Constantin qui ait substitué la vente à bas prix aux distributions gratuites. — Peut-être faut-il rattacher à la réforme alimentaire d’Aurélien, la disparition définitive des institutions alimentaires de Trajan (W. HENZEN, Ann. Inst., 1844, pp. 53 sqq. ; O. HIRSCHFELD, Untersuchungen, loc. cit., p. 122). — Le dernier Curator Alimentorum connu, est T. Flavius Postumius Varus, préfet de la Ville en 271, qui exerça cette charge quelque temps avant sa préfecture urbaine (C. I. L., VI, 1419).