DEUXIÈME PARTIE. — LA DÉFENSE DU DANUBE. LA RECONSTITUTION DE L’UNITÉ IMPÉRIALE (270-274).
Texte numérisé par Marc Szwajcer
Aurélien avait, en deux années, reconquis l’Orient et renversé l’empire gallo-romain. Il ramenait captifs la reine de Palmyre et l’empereur des Gaules. L’unité de l’Empire, brisée sous Gallien, était rétablie[1]. L’œuvre accomplie était solide ; elle était aussi extrêmement brillante, et les imaginations en furent vivement frappées. Le peuple et le Sénat lui-même, malgré ses rancunes, reçurent l’empereur avec enthousiasme[2]. L’Italie et Rome voyaient dans ces victoires une revanche de toutes les humiliations qu’elles avaient subies depuis le début de l’anarchie militaire. La prise de Zénobie et de Tetricus apparut connue la rançon de la captivité de Valérien. Le triomphe d’Aurélien[3], qui eut lieu au début de 274, fut un des plus luxueux qu’on eut vus depuis long temps. La description qu’en donne le biographe[4], — où naturellement nombre de détails sont sujets à caution, mais dont l’ensemble est authentique —, est à citer tout entière. Le triomphe d’Aurélien fut magnifique[5]. On y vit trois chars royaux : l’un était celui d’Odænath, couvert d’argent, d’or et de pierreries, d’un travail remarquable ; le second, d’un travail semblable, avait été donné par le roi de Perse à Aurélien ; le troisième avait été fait pour Zénobie, qui espérait y monter pour entrer à Rome. Son espérance ne fut pas trompée : c’est bien avec ce char qu’elle entra dans la ville, mais elle était vaincue et menée en triomphe. Il y en avait un quatrième attelé de quatre cerfs[6], qui avait appartenu, dit-on, au roi des Goths. Aurélien, comme le rapportent de nombreux auteurs, y monta jusqu’au Capitole pour immoler, suivant le vœu qu’il en avait fait, les cerfs à Jupiter Capitolin. Devant lui marchaient 20 éléphants, des bêtes fauves de Libye que l’on avait apprivoisés, 200 animaux de toute sorte amenés de Palestine, qu’Aurélien donna immédiatement à des particuliers, pour que leur entretien ne grevât pas le fisc. Venaient ensuite, conduits séparément, 4 tigres, des girafes, des élans ou autres animaux de ce genre, puis 800 couples de gladiateurs et les prisonniers des nations barbares[7], Blemyes, Axomites, Arabes Eudæmons, Indous, Bactriens, Hibères, Sarrasins, Perses, portant des offrandes, Goths, Alains, Roxolans, Sarmates, Francs, Suèves, Vandales, Germains, tous, les mains liées derrière le dos. Parmi eux se trouvaient les chefs palmyréniens qui avaient survécu[8] et les Egyptiens saisis comme rebelles. On voyait aussi dix femmes qui avaient et prises les armes à la main et en costume d’hommes parmi les Goths. Beaucoup d’autres avaient été tuées dans la bataille ; une inscription disait qu’elles appartenaient à la race des Amazones. Des inscriptions, portées devant les prisonniers, indiquaient la nationalité de chaque groupe. Parmi les prisonniers marchaient Tetricus[9] avec sa chlamyde écarlate, sa tunique verdâtre et ses braies gauloises, accompagné de son fils qu’il avait pris en Gaule comme collègue, et Zénobie[10], ornée de pierreries et chargée de chaînes d’or, que l’on soutenait autour d’elle. On portait aussi les couronnes de toutes les villes, couronnes d’or surmontées d’inscriptions qui en disaient l’origine. Le peuple romain, les vexilla des corporations et des troupes, les soldats catafractarii, les richesses royales, toute l’armée et le Sénat, ce dernier un peu triste parce qu’il voyait des sénateurs menés en triomphe, ajoutaient beaucoup à l’éclat de cette pompe. Le cortège n’arriva au Capitole qu’à la neuvième heure et très tard au palais impérial ; les jours suivants, on donna des réjouissances au peuple : jeux scéniques, jeux du cirque, chasses, jeux de gladiateurs et naumachies. La situation des doux monarques déchus était assez différente. Tetricus s’était rendu volontairement et à la suite d’une entente. Zénobie avait été faite prisonnière après une résistance acharnée. Tous deux cependant furent traités avec la même douceur. Aurélien n’était pas cruel par tempérament, et il savait n’avoir rien à craindre, ni de l’un, ni de l’autre. Il donna à Zénobie[11] une villa située à Tibur, non loin de la villa d’Hadrien, où elle vécut désormais en grande dame romaine[12]. Tetricus s’installa à Rome, sur le Cœlius, au lieu dit Inter duos lucos, près du Temple d’Isis[13]. Ses rapports avec Aurélien restèrent toujours très cordiaux[14]. Aurélien tenait à le ménager, car il faisait partie de l’aristocratie sénatoriale et avait beaucoup d’amis au Sénat. Il lui laissa ses biens[15], son rang de sénateur et le nomma correcteur de Lucanie[16]. Il est plus glorieux, lui aurait-il dit, de gouverner une région de l’Italie que d’être empereur au-delà des Alpes[17]. Son fils entra au Sénat[18]. Tetricus vécut longtemps à Rome en simple particulier[19]. A la suite du rétablissement de l’unité romaine, Aurélien prit le titre de Restitutor Orbis[20], que lui donnent les inscriptions et les monnaies. Rome n’avait jamais reconnu officiellement les empereurs gallo-romains, et elle n’avait concédé aux princes de Palmyre qu’un pouvoir subordonné. Légalement Waballath et Zénobie, tous les empereurs gallo-romains, étaient des usurpateurs et des tyrans. Aurélien affecta cependant de ne pas les traiter comme tels. Il savait qu’au temps de Gallien et de Claude les uns et les autres avaient rendu de grands services à l’Empire en sauvant la Gaule et l’Orient romain des attaques des barbares. Leurs inscriptions ne furent pas martelées[21]. Le numéraire romain avait toujours été accepté en Gaule et en Orient, tandis que celui de l’empire gallo-romain et probablement aussi la monnaie frappée par l’Etat palmyrénien depuis 270, ne l’étaient pas en Italie L’unité impériale rétablie, Aurélien consacra officiellement cet état de choses[22]. En Orient, le numéraire se composait du numéraire romain frappé à Antioche sous le contrôle palmyrénien, au nom de Gallien et de Claude, jusque dans la seconde moitié de 269, des Antoniniani à la double effigie de Waballath et d’Aurélien (270-271) et des Antoniniani d’indépendance de Waballath et de Zénobie, Les pièces a effigie de Waballath et Zénobie, y compris les monnaies d’indépendance qui n’avaient jamais eu cours légal en dehors de l’empire palmyrénien, durent être maintenues en circulation[23] ; mais, comme elles étaient en petit nombre, elles furent bientôt submergées sous la masse du numéraire romain. Dès la conquête de l’Orient, la frappe fut reprise à Antioche, dans huit officines[24], comme au temps de Claude[25]. Un nouvel atelier monétaire, avec deux officines, fut ouvert à Tripoli de Phénicie[26]. En Gaule et en Bretagne, la situation était différente. Dès le début, l’empire gallo-romain avait eu une frappe autonome. Postumus et ses successeurs, en particulier Tetricus, avaient émis une quantité considérable d’Antoniniani. Les pièces antérieures avaient été, pour la plupart, retirées et refondues[27]. La masse du numéraire en circulation, à la date de 274, comprenait le numéraire gallo-romain et, dans une proportion beaucoup plus faible, les pièces des empereurs romains de Gallien à Aurélien, qui avaient toujours circulé librement en Gaule et en Bretagne. Aurélien réduisit le nombre des ateliers monétaires de Gaule qui s’étaient multipliés sous les empereurs gallo-romains ; les ateliers de Vienne et de Cologne, peut-être aussi celui de Trêves[28], furent fermés. L’atelier monétaire de Lyon subsista seul ; la frappe n’y fut reprise qu’avec modération[29]. La monnaie des empereurs gallo-romains continua à avoir cours ; en raison de son abondance, elle continua, longtemps encore, à former la masse du numéraire en circulation[30]. Pour célébrer la reconstitution de l’unité impériale, Aurélien consacra au Forum, sur les Rostres, une statue d’or du Genius Populi Romani[31]. L’Empire témoignait officiellement sa reconnaissance à la divinité tutélaire qui l’avait protégé pendant la crise du IIIe siècle et à laquelle il attribuait un relèvement aussi rapide. |
[1] Vita Aureliani, 33, 4. — Epitomé, 35, 2. — EUTROPE, IX, 13, 1 ; IX, 13, 2. cf. OROSE, VII, 23, 4-5.
[2] ZOZIME, I, 61.
[3] Le triomphe d’Aurélien suivit la reconquête de la Gaule et de la Bretagne et fut célébré au début de 274. [Vita Aureliani, 32, 4. — Vitæ XXX Tyrann., 21 (Tetric. Sen., 4), 23 (Tetrir. Jun., 2)] ; — ZONARAS, XII, 27 (III, p. 153 Dind.) ; — EUTROPE, IX, 13, 2 ; — OROSE, VII, 23, 5. — La date 273 donnée par la Chronique de Saint Jérôme, ad ann. Abram. 2290 (éd. A. Schöne, p. 183), est inexacte. — L’erreur de ZOSIME, I, 61, qui place le triomphe d’Aurélien avant la chute de Tetricus, résulte d’une confusion entre les deux séjours d’Aurélien en Gaule, en 273 et en 274. Voir, sur ce second séjour, Ve Partie, Chap. Ier, pp. 310-312.
[4] Vita Aureliani, 33-34.
[5] Vita Aureliani, loc. cit. ; — Vitæ XXX Tyrann., 3 (Zenob.) 24 ; — ZOSIME, I, 61 ; — ZONAR., XII, 27 (III, p. 153 Dind.) ; — EUTROP., loc. cit. : — Chronique Saint Jérôme, loc. cit. ; — OROS., loc. cit.
[6] ZONARAS, XII, 27 (III, p. 153 Dind.). Br. RAPPAPORT (loc. cit., p. 98) croit que ce char était celui d’une divinité gothique.
[7] Les prisonniers, énumérés par le biographe, se répartissent ainsi entre les diverses campagnes d’Aurélien :
Guerres contre les Juthunges et les Alamans (210-271) : Suèves. — Il n’est question ni de Juthunges, ni d’Alamans, ni de Marcomans ;
Guerre contre les Vandales (270) : Vandales, Sarmates (= Jazyges) ;
Guerre contre les Goths (fin 271) : Goths ;
Guerres d’Orient (272-273) : Arabes Eudæmons, Perses, Indous, Bactriens, Hibères, Sarrasins. — Si la mention est exacte, ce sont évidemment des auxiliaires de Zénobie (cf. Vita Aureliani, 41, 10) ;
Guerre d’Égypte (272-273) : Blemyes, Axomites ;
Guerre contre les Carpes (272) : vraisemblablement les Alains et les Roxolans cités par le biographe ;
Campagnes de Probus sur le Rhin (fin 273) : Francs, Germains.
[8] D’après ZOSIME, I, 39, tous les Palmyréniens ramenés par Aurélien en Europe avaient péri dans le naufrage qui avait eu lieu au passage de la Propontide. Les chefs palmyréniens dont il est question ici peuvent avoir été faits prisonniers, lors de la seconde campagne d’Orient.
[9] Vitæ XXX Tyrann., 21 (Tetric. Sen.), 4 ; 25 (Tetric. Jun.), 2 : — EUTROPE, IX, 13, 2 : — Chronique Saint Jérôme, ad ann. Abrah. 2290 (éd. A. Schöne, p. 183) ; — OROSE, VII, 23, 5.
[10] Il existait dans l’antiquité, deux traditions sur la fin de Zénobie. Selon une tradition rapportée par ZOSIME, I, 59, Zénobie serait morte, en Asie tandis qu’Aurélien après la prise de Palmyre, l’emmenait prisonnière en Europe : elle serait morte de maladie ou se serait laissée mourir de faim. — Les autres textes, au contraire mentionnent sa présence au triomphe et disent qu’elle vécut longtemps encore : Vitæ XXX Tyrann., 24 (Tetric. Sen.) 4 ; 30 (Zenob.) 24-27 ; — EUTROPE, IX, 13, 2 ; — Chronique Saint Jérôme, ad ann. Abrah. 2290 (éd. A. Schöne, p. 183) ; — RUF. FESTUS, 24 ; — SYNCELLE, I, p. 721 Bonn. ; — ZONARAS, XII, 27 (III. p. 132 Dind.) donne les deux traditions sans se prononcer entre elles. — La tradition de Zosime, qui est sans doute une tradition orientale, est certainement erronée. Zosime d’ailleurs se borne à la mentionner φασιν, sans en garantir l’exactitude.
[11] Vitæ XXX Tyrann., 30 (Zenob.), 27. — Les identifications proposées pour l’emplacement de la villa de Zénobie, soit sur les Colli di San Stefano, à l’Est de la Villa Hadriana, soit sur les Colli di Saint Antonio ou di Perro, au Nord de Bagni (Aquæ Albulæ : voir surtout BULGARINI. Notizie storiche, antiquarie, statistiche ed agronomiche intorno all’antichissima Citta di Tivoli, pp. 131-132 (plan) : — Stefano CABHAL et Fausto DEL RE, Delle ville di Tivoli. Nuove Ricerche (plan), — sont arbitraires.
[12] Vitæ XXX Tyrann., 30 (Zenob.), 27. — Cf. Chronique Saint Jérôme, ad ann. Abrah. 2290 (éd. A. Schöne, p. 185) [(MALALAS, XII, p. 300 (Bonn), raconte qu’Aurélien, après le triomphe, fit décapiter Zénobie. Ce texte n’a aucune valeur]. — D’après une tradition rapportée par ZONARAS, XII, 27 (III, p. 153 Dind.), et SYNCELLE (I, p. 721), Zénobie aurait épousé à Rome un homme de haut rang (ZONARAS dit : de rang sénatorial) : le fait est certainement à rejeter. — EUTROPE (IX, 13, 2) et la Chronique de Saint Jérôme (loc. cit.) parlent de descendants de Zénobie qui vivaient de leur temps : il s’agirait alors de descendants de Waballath ou de ses sœurs (ZONAR., loc. cit., pp. 152-153) ; mais cette filiation, revendiquée par quelques grandes familles romaines de la fin du IVe siècle, est au moins fort douteuse.— Il est inutile de dire que la tradition selon laquelle Aurélien (ZONAR., XII, 27, III, p. 153 Dind.) aurait épousé une des filles de Zénobie, est fausse.
[13] Vitæ XXX Tyrann., 25 (Tetric. Jun.), 4.
[14] Les détails, donnés par les Vitæ XXX Tyrannor., 24 (Tetric. Sen.), 5 et 25, (Tetric. Jun.), 3-4, sur les relations d’Aurélien avec les deux Tetricus, sont fort sujets à caution.
[15] Vitæ XXX Tyrann., 25 (Tetric. Jun.), 2.
[16] Voir plus loin, sur la correcture de Tetricus, IIIe Partie, Chap. Ier.
[17] Epitomé, 35, 7.
[18] AURELIUS VICTOR, Cæsar., 35, 5 ; — Vita Aureliani, 39, 1 ; — Vitæ XXX Tyrann., 25 (Tetric. Jun.), 2.
[19] EUTROPE, IX, 13, 2. Il existe des monnaies de consécration de Tetricus (H. COHEN 2, VI, Tetricus père, n° 25-30). — TH. BERNHARDT (loc. cit., p. 201) pense que Tetricus est mort à l’époque où le Sénat était maître du gouvernement, c’est-à-dire pendant l’interrègne qui suivit le meurtre d’Aurélien ou sous Tacite au plus tard ; ni Aurélien, ni Probus, ni aucun des empereurs suivants, dit-il, n’aurait toléré la frappe de semblables monnaies. C’est la une pure supposition, qui est en contradiction formelle avec le texte d’Eutrope. On ne sait rien de précis sur la date à laquelle mourut Tetricus.
[20] Le titre de Restitutor Orbis est le seul qui se trouve sur l’ensemble des inscriptions et des monnaies ; celui de Pacator Orbis n’apparaît que sur une inscription de Gaule et sur les monnaies de l’atelier de Lyon.
[21] C’est le cas pour les inscriptions d’Odænath, de Zénobie, de Waballath et des empereurs gallo-romains.
[22] Les trésors de Villanova d’Asti (Rivist. Ital. di Numismat., IV, 1891, pp. 174-175 : 300 monnaies de Gallien à Maximien), de Dambel [GIOBOIO CLANI, il Riposti glio di Dambel (Id., VIII, 1895, pp. 140-141) : 285 monnaies de Claude à Dioclétien)], du Rongie (Th. MOMMSEN, Histoire de la Monnaie Romaine, trad. Blacas, III, p. 117), enfouis sous Dioclétien, ne contenaient aucune monnaie des empereurs gallo-romains. — Il y en avait quelques-unes dans les trésors de Gallarate (quelques pièces de Tetricus sur un total de 3542 monnaies : Th. MOMMSEN, loc. cit., III, p. 117), et dans le Trésor de la Venera, enfoui en 287-288 (A. MILANI, loc. cit. : sur 46.442 monnaies, dont 11.175 antérieures à l’avènement d’Aurélien, le trésor ne comptait que 27 Postumus, 38 Victorinus, 3 Marius, contre 5.300 Gallien, 4.880 Claude et 354 Quintillus), mais c’étaient de pures exceptions.
[23] Dans le trésor de Tautha (Haute-Égypte), enfoui sous le règne de Dioclétien et Maximien (Rivist. Ital. di Numismat., I, 1888, p. 151 et III, 1890, p. 20), sur 185 pièces de Gallien à Maximien, on trouve deux monnaies de Waballath-Aurélien et une de Zénobie.
[24] Th. ROHDE, loc. cit., pp. 398-399.
[25] And. MARKL., die Reichsmünzslätten unter der Regierung Clautlius II, loc. cit., pp. 449, 456-457.
[26] Th. ROHDE, loc. cit., pp. 102-103.
[27] Voir plus loin, IIIe Partie, Chap. III.
[28] Rob. MOWAT, les Ateliers monétaires impériaux en Gaule, principalement de Postume à Tetricus. Revue Numism., 1895, p. 170).
[29] Th. ROHDE, loc. cit., pp. 337-338. Les pièces frappées à Lyon, antérieurement à la réforme monétaire de 274, sont rares. Les trois seuls revers connus sont ceux de Pacator Orbis. Th. ROHDE, loc. cit., Catal., n° 2112 : Aurélien debout devant un autel : Cons. Princ. Aug. (Id., n° 126 : Aurélien couronnant un trophée. A droite et à gauche, 2 prisonniers assis : Virtus Aug. (Id., n° 390 : Mars debout). Toutes les pièces de la IIIe période monétaire sont frappées avec le revers Pacator Orbis.
[30] Je me borne à indiquer ici quelques trouvailles caractéristiques :
Bretagne. — Trésor de Carhayes (Cornouailles) enfoui sous Probus : 2.500 pièces ainsi réparties : 2 Valérien, 155 Gallien, 15 Salonine, 38 Postumus, 2 Lælianus, 470 Victorinus, 8 Marius, 844 Tetricus père, 355 Tetricus fils, 133 Claude, 19 Quintillus, 7 Aurélien, 6 Tacite, 2 Florianus, 22 Probus. Les pièces des empereurs gallo-romains formaient plus des deux tiers de la trouvaille. Il faut remarquer le petit nombre des pièces d Aurélien.
Trésor de Blackmoor [L. SELBORNE. On a hoard of Roman coins found at Blackmoor, Numism. Cronicl., 1877, pp. 90-156) enfoui sous Allectus. Sur 29.000 pièces, 19.877 appartiennent au numéraire gallo-romain (333 Postumus. 5.150 Postumus, 5.450 Victorinus, 10.195 Tetricus père, 13.833 Tetricus fils), 1.660 (dont 175 Aurélien et 14 Sévérina), seulement sont postérieures à la reconquête.
Cf. les trésors de Dean (Numism. Cronicl., 1880, pp. 52 sqq.), enfouis sous Probus et Allectus, de Bawtry (Numism. Cronicl., 1886, p. 245), enfoui sous Dioclétien, de Cadbury Camp (Numism. Cronicl., 1896, p. 238), etc.
Gaule. — Trésor d’Autrèches (Oise : Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 64), enfoui sous Probus : sur 800 pièces, il y avait 344 Tetricus.
Trésor des Fins d’Annecy (Haute-Savoie : Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 170), enfoui sous Probus. Sur 10.700 monnaies, il y avait 52 Postumus, 686 Victorinus. 1 Marius, 2.958 Tetricus père, 1.318 Tetricus fils, et seulement 179 pièces postérieures à la reconquête (112 Quintillus, 62 Aurélien, 5 Probus). Cf. les trésors de Sillingy (Haute-Savoie : Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 175), enfoui en 276, d’Evreux [(Ad. BLANCHET, n° 377 ; — Cf. E. FERRAY, le Trésor militaire d’Evreux, (Rev. Numism., 1892, pp. 1-27), du Bois du Fai, (Eure : Id., n° 396), enfouis à la même date.
Depuis les règnes de Carus et surtout de Dioclétien, les monnaies des empereurs gallo-romains disparaissent graduellement. Trésor de Reichenslein, Bâle ([Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 846 ; — Cf. Ad. ERMAN, der Fund von Cattenes (Zeitschr. für Numism. Berl., VII, 1880, p. 317)], enfoui sous Carus : sur 2.555 monnaies, il n’y a plus que 44 Postumus, 125 Victorinus, 2 Marius, 210 Tetricus père, 86 Tetricus fils. — Trésor de Niederrentgen (Lorraine : Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 797), enfoui sous Dioclétien et Maximien ; sur 600 pièces, il n’y en a qu’une douzaine de Gallien et des empereurs gallo-romains. — Cf. les trésors de Châlons (Ad. BLANCHET, loc. cit., n° 146) enfoui sous Dioclétien, de Lancié (Saône-et-Loire : Id., n° 288), enfoui sous le règne de Constance Chlore et Galerius, etc. Après Constantin, les pièces des empereurs gallo-romains ne figurent plus dans les trouvailles monétaires qu’à titre d’exception (voir Ad. BLANCHET, loc. cit.).
[31] CHRONOG. ANN. 354, p. 148 (éd. Th. Mommsen) : Genium populi Romani aureum in Rosira posuit. — Cette statue est encore mentionnée au IVe siècle par les Régionnaires (Notitia, Reg. VIII : Rostra III, Genium Populi Romani aureum et equum Constantini. — Curios. : Rostra III, Genium Populi Romani, Senalum), et à la fin du IVe ou au début du Ve siècle par une inscription gravée sur le pavé de la Basilique Julia (Genius Populi Romani : ORELLI-HENZEN, 5774 ; — Cf. H. JORDAN, Ephem. Epig., 1876. p. 278, n° 40). — Au dernier siècle de la République, il y avait dans la partie Nord-Est du Forum, près du Temple de la Concorde, un petit sanctuaire du Genius Populi Romani (DION CASS., XLVII, 2). On y sacrifiait au Genius le VII des Ides d’octobre (= 9 octobre : FASTES D’AMITERN., à cette date) : il n’est plus question de cet édifice à une époque postérieure. La statue d’or, placée par Aurélien sur les Rostres, en est absolument indépendante. — LIGORIO (Cod. Neapolit., XXXIV, p. 145), raconte qu’on a trouve au Forum, en 1539, un petit édifice circulaire de marbre ; et R. LANCIANI (The Ruins and Excavations of Ancien Rome, Londres, 1897, p. 281), rapporte cette trouvaille au sanctuaire du Genius Populi Romani. — Je ne crois pas qu’on puisse admettre comme authentique l’indication donnée par Ligorio ; le sanctuaire, qui d’après lui aurait été laissé intact et recouvert de nouveau, n’a pas été retrouvé lors du déblaiement du Forum. — L’inscription Genio Populi Romani, trouvée près de l’Arc de Titus (VAGLIERI, Bull. Archeol. Coin., 1900, p. 64 ; — Cf. Ch. HUELSEN, Beiträqe zur Allen Geschichte, II, 1902, p. 235), ne semble pas provenir de ce sanctuaire.
Le CALENDRIER DE PHILOCALUS (354 ap. J.-C.) à la date III Id. et prid. Id. Febr. (=11, 12 février) — Cf. le Feriale Campanum de 381 (C. I. L., X, 3792), à la date III Id. Febr. (=11 février), mentionne des Ludi Genialici, consacrés au Genius Populi Romani, que ne connaissent pas les calendriers antérieurs au IVe siècle (C.I.L., I2, p. 309). Il est possible que ces jeux aient été institués par Aurélien, lors de la dédicace de la statue du Genius Populi Romani.
A la suite de la crise du IIIe siècle, qui avait mis en péril l’empire romain, il y eut une renaissance du culte du Genius Populi Romani. Depuis Septime Sévère (H. COHEN 2, IV, Septime Sévère, 209), le type et la légende du Genius n’avaient plus figuré sur les monnaies ; ils reparaissent avec Dioclétien (Id., VI, Dioclétien, N3-132), Maximien (Id., Maximien, 138-225), Constance Chlore (Id., VII, Constance Chlore, 39-142), Galerius (Id., Galère, 50-111), Sévère (Id., Sévère, 19-40), Maximin (Id., Maximin, 56-101), Licinius père (Id., Licinius, 49-57). Constantin (Id., Constantin, 195-233). — PRUDENCE (Contra Symmachus, II, 392 sqq.) combat avec énergie le culte du Genius de Rome défendu par SYMMAQUE (X, 61).