DEUXIÈME PARTIE. — LA DÉFENSE DU DANUBE. LA RECONSTITUTION DE L’UNITÉ IMPÉRIALE (270-274).
Texte numérisé par Marc Szwajcer
L’empire palmyrénien, en 271, comprenait deux parties : les anciennes provinces autrefois gouvernées par Odænath (Arabie, Palestine, Phénicie, Syrie, Mésopotamie et probablement Cilicie), d’une part ; d’autre part, les conquêtes ultérieures de Zénobie qui lui avaient été garanties par la convention de 270, l’Asie-Mineure jusqu’à la Bithynie au Nord, l’Égypte au Sud. L’Asie Mineure où dominait l’élément hellénique, l’Égypte, où il existait un fort parti romain, devaient être assez facilement reconquises. Il fallait au contraire, s’attendre à une vive résistance dans la Syrie centrale, où l’élément oriental était très puissant et surtout à Palmyre, qui avait fondé l’empire et qui avait tout à perdre à cesser d’être capitale, pour redevenir une simple ville de province[2]. Aurélien arrêta son plan de campagne en conséquence[3]. Il s’agissait d’enlever d’abord les dernières conquêtes palmyréniennes, pour attaquer ensuite la Syrie et écraser Palmyre sous l’effort convergent des armées romaines ; deux armées furent préparées pour la réalisation de ce plan. L’une sous le commandement du meilleur général d’Aurélien, M. Aurelius Probus, le futur empereur, fut chargé de reconquérir l’Égypte, et de marcher vers le Nord, en soumettant sur son passage les provinces d’Arabie, de Palestine et le Sud de la Syrie ; l’autre, sous les ordres directs d’Aurélien, devait reconquérir l’Asie Mineure, Antioche et la Syrie du Nord. Aurélien comptait ensuite réduire Palmyre avec toutes ses forces réunies. Cette seconde armée aurait à exécuter la tâche la plus lourde, et combattre la principale armée palmyrénienne, qui négligerait la diversion sur l’Égypte pour faire face, en Syrie, à l’attaque principale. La campagne devait commencer en automne 271 par la conquête de l’Égypte ; la marche sur Palmyre était fixée au printemps de 272, avant les chaleurs de l’été, moment le plus favorable pour la traversée du désert. Dans cette nouvelle lutte contre les provinces Orientales, la situation de l’empire romain n’était plus, au point de vue des effectifs, ce qu’elle avait été dans les luttes antérieures. En 175, contre Avidius Cassius appuyé par les 9 légions de Syrie et d’Égypte, M. Aurèle avait pu disposer des 21 légions d’Occident ; en 193, contre Pescennius Niger, Septime Sévère pouvait compter sur 18 légions. Aurélien se trouvait en présence d’une situation bien différente : sur les 22 légions d’Occident, 7 (les 3 de Bretagne et les 4 des deux Germanies) relevaient de l’Empire gallo-romain. Restaient la VIIe Gemina, d’Espagne ; la IIIe Augusta, d’Afrique ; la IIe Parthica, d’Albanum, et les 12 légions danubiennes, au total 15 légions, présentant avec leurs auxiliaires et les 14 Cohortes Prétoriennes et Urbaines un effectif maximum de 180.000 hommes environ. — Mais c’était là un effectif purement nominal ; l’effectif réel, par suite des guerres incessantes des 40 dernières années, était certainement bien inférieur. De plus toutes ces troupes étaient loin d’être disponibles. Il fallait laisser en Italie une réserve pour couvrir Rome contre une invasion toujours possible et protéger la construction du mur d’enceinte. Sur le Danube, les légions de Rhétie et de Norique devaient contenir les Juthunges et les Alamans menaçants ; les deux légions de Dacie, refoulées par les Goths entre les sources de la Ternes et le Danube, défendaient à grand peine ce qui restait de la province ; les légions des deux Mésies avaient à faire face à une nouvelle invasion des Goths ; dans ces conditions, Aurélien ne pouvait songer à dégarnir complètement la frontière du Danube. — Zosime (I, 52), à propos de la bataille d’Hémèse, énumère les troupes qui formaient l’armée d’Aurélien. C’étaient les légions de Rhétie, de Norique, de Pannonie, de Mésie, l’élite des troupes danubiennes, les Cohortes Prétoriennes, la cavalerie dalmate et maure et les contingents des provinces d’Asie reconquises. L’effectif total n’est pas connu, mais il résulte du récit de Zosime que l’armée Romaine était très inférieure en nombre à l’armée palmyrénienne qui comptait 70.000 combattants. Aurélien, malgré la disproportion des forces, avait bien des chances en sa faveur. Son armée, aguerrie par trente années de guerre, était très supérieure, en qualité, aux troupes syriennes et palmyréniennes que Zénobie pouvait lui opposer. L’Orient était divisé ; l’élément hellénique, assez mal disposé de tout temps pour les Orientaux, les chrétiens, mécontents de l’appui donné à Paul de Samosate, les Juifs[4], aimaient mieux être gouvernés par Rome qui était loin, que par Palmyre qui était près, et souhaitaient la victoire d’Aurélien. Zénobie était inquiète. Au moment où la lutte décisive allait s’engager (début 272), elle consulta les deux oracles d’Apollon Sarpédon à Séleucie de Cilicie et de Vénus d’Aphaca, en Syrie. Elle n’obtint que des réponses décourageantes[5]. Les dieux eux-mêmes favorisaient la cause romaine. Probus entra le premier en campagne. A la fin de l’été ou au début de l’automne 271, il reconquit l’Égypte. Le texte de la Vita Probi qui mentionne le fait, ne donne aucun détail, mais il est vraisemblable que Probus ne rencontra pas beaucoup de résistance, Zénobie ayant concentré son armée en Syrie pour tenir tète à Aurélien. — Aurélien quitta Rome dans les derniers mois de 271, gagna l’Illyricum par la grande voie d’Aquilée et de Sirmium, rallia les légions du Haut et du Moyen Danube et se porta en Mésie, à la rencontre des Goths qui avaient envahi la province. Il les refoula et les poursuivit sur la rive gauche du Danube, dans la Dacie, où il tua leur chef Cannabas avec 5.000 de ses soldats. A la suite de cette victoire, il prit le surnom de Gothicus[6], Puis il continua sa route par Serdica et Byzance, d’où il passa en Asie-Mineure[7]. L’armée palmyrénienne n’avait pas franchi le Taurus qui formait vers le Nord la véritable ligne de défense de la Syrie[8]. La Bithynie était restée fidèle à Home ; la Galatie ne fut pas défendue et l’année romaine entra à Ancyre[9]. Aurélien[10] rencontra une première résistance à Tyane, qui commandait les passes du Taurus. Il est probable que les Palmyréniens avaient mis garnison dans la place ; peut-être aussi les habitants craignaient-ils le ressentiment d’Aurélien dont on connaissait le caractère inexorable. Cette résistance inattendue exaspéra l’empereur. Dans un de ces accès de colère[11] qui lui étaient habituels, il promit à ses soldats le pillage de la ville[12]. Pour en finir au plus vite, car le temps pressait et il importait de ne pas laisser à Zénobie le temps d’achever ses préparatifs, il se ménagea des intelligences dans la population. Il gagna un des principaux citoyens Héraclammon, qui lui indiqua une hauteur d’où l’on pouvait dominer la ville. Aurélien y monta avec quelques troupes. A cette vue, les habitants, sans attendre l’assaut, capitulèrent[13]. La ville prise, les soldats rappelèrent à Aurélien sa promesse et réclamèrent le pillage. L’empereur ne pouvait ni ne voulait le leur accorder. Tyane était la première ville grecque qui eût osé résister ; il était habile de se montrer clément à son égard et de se concilier ainsi, dans la lutte décisive qui allait s’engager avec Palmyre, la faveur ou tout au moins la neutralité de l’élément hellénique. Il refusa donc le pillage à ses soldats en leur donnant les raisons de sa conduite[14]. Le Continuateur de Dion lui prête les paroles suivantes : C’est pour délivrer ces villes que nous faisons la guerre ; si nous les pillons, elles n’auront plus confiance en nous. Mieux vaut piller le territoire des barbares et épargner ces villes qui sont notre propriété[15]. Ces paroles caractérisent bien la politique d’Aurélien, qui affectait de délivrer l’Orient, non de le reconquérir, et voulait ménager les populations des provinces orientales pour les rallier à la cause romaine. Le biographe parle d’une apparition d’Apollonius de Tyane[16], qui aurait déterminé l’empereur à faire grâce ; cette histoire, si elle n’est pas simplement une invention postérieure, aura été imaginée par Aurélien pour frapper l’esprit superstitieux de ses soldats et obtenir leur obéissance. Une autre satisfaction fut donnée à la population de Tyane : Héraclammon, qui avait trahi ses concitoyens, fut mis à mort[17]. L’habile politique d’Aurélien ne tarda pas à porter ses fruits. Le Taurus franchi, les villes grecques de Cilicie, rassurées sur ses intentions, se hâtèrent de faire leur soumission[18]. L’armée palmyrénienne déconcertée par la prise de Tyane, ne défendit pas les Portes Syriennes, où autrefois Darius et, en 194, P. Niger s’étaient arrêtés pour livrer bataille ; elle se replia sur la ligne de l’Oronte, de manière à couvrir Antioche. Une forte avant-garde prit position en avant du fleuve. Zénobie, avec le gros de l’armée sous les ordres directs de Zabdas, s’établit dans la ville[19]. L’Oronte, qui passe à Antioche même, formait, du côté du Nord, la dernière ligne défensive de la Syrie. Zénobie avait le choix entre deux partis : battre immédiatement en retraite sur Palmyre par Apamée et la grande route d’Occaraba-Theleda, ou livrer bataille sur l’Oronte. La retraite entraînait le sacrifice d’Antioche, la ville la plus importante de l’empire palmyrénien, le nœud de toutes les routes vers Palmyre et l’Euphrate, et de toute la Syrie : c’était livrer sans combat, a Aurélien, une solide base d’opérations, où son année, épuisée par la longueur de la marche, pourrait se refaire, lui donner les moyens de la renforcer et surtout rendre inévitable la concentration des forces romaines encore dispersées[20]. La tactique dos deux adversaires devait être nécessairement opposée. Il s’agissait pour les Palmyréniens de se maintenir dans une position centrale, d’où ils pouvaient empêcher la jonction des différents corps de l’armée romaine et conserver la supériorité numérique sur chacun d’eux ; pour Aurélien, au contraire, de concentrer ses forces et de marcher ensuite sur Palmyre avec toute l’armée romaine réunie. Zénobie et Zabdas résolurent de défendre la ligne de l’Oronte[21]. Arrivée sur les bords du fleuve[22], l’avant-garde romaine, formée par la cavalerie légère des Dalmates et des Maures, se heurta au détachement palmyrénien qui occupait la rive septentrionale[23]. Les forces palmyréniennes se composaient surtout de grosse cavalerie. La cavalerie romaine, harassée de fatigue, était fort inférieure, en armement et en expérience, à la cavalerie de Palmyre. Aurélien lui enjoignit de ne pas attaquer et de tourner bride dès que les Palmyréniens prendraient l’offensive. En même temps, il ordonna à son infanterie d’aller franchir l’Oronte sur le flanc de l’armée palmyrénienne, de manière à inquiéter l’ennemi pour sa ligne de retraite. Cette tactique réussit. La cavalerie romaine s’enfuit, entraînant à sa poursuite les lourds escadrons palmyréniens. Lorsqu’ils les virent épuisés par la chaleur et par le poids de leurs armures, les Romains firent brusquement volte-face et les repoussèrent en désordre. Les cavaliers palmyréniens succombèrent presque tous sous les coups de leurs adversaires ou foulés aux pieds de leurs chevaux[24]. Ce n’était qu’une affaire d’avant-garde, mais les conséquences en furent importantes. L’armée palmyrénienne ne put tenir à Antioche[25]. La population connaissait trop, depuis les défaites de P. Niger, la supériorité tactique des légions d’Occident pour conserver quelque doute sur l’issue de la lutte. L’élément hellénique, très puissant à Antioche, était sinon hostile aux Orientaux, du moins fort déliant à leur égard ; Aurélien, en pardonnant aux habitants de Tyane, l’avait pleinement rassuré, et il n’était pas disposé à se compromettre pour le maintien de l’empire palmyrénien. Les chrétiens, qui formaient un groupe compact et fortement organisé, étaient en lutte ouverte avec l’évoque hérétique, Paul de Samosate, et souhaitaient, pour en être débarrassés, la chute de sa protectrice Zénobie. Les dispositions des Juifs n’étaient guère meilleures. Zabdas, quoi qu’il eût avec lui la principale armée palmyrénienne, ne crut pas pouvoir conserver la ville[26] ; il se décida à battre immédiatement en retraite par la haute vallée de l’Oronte et la Syrie centrale. Il était à craindre que la partie hostile de la population d’Antioche, enhardie par l’approche d’Aurélien[27], ne mît obstacle à la retraite des Palmyréniens. Zabdas eut recours à un subterfuge ; il répandit le bruit qu’il avait été victorieux dans le combat de l’Oronte et qu’Aurélien lui-même avait été fait prisonnier. Pour mieux tromper la population, raconte Zosime, il revêtit du costume impérial un homme qui, paraît-il, ressemblait à Aurélien et le fit conduire à travers les rues de la ville[28]. Cette ruse eut un plein succès : personne n’osa remuer. La nuit même, Zabdas décampa secrètement emmenant avec lui Zénobie, les fonctionnaires palmyréniens et les habitants les plus compromis[29]. Paul de Samosate resta à Antioche. Les Palmyréniens laissèrent une forte arrière-garde près du faubourg de Daphné[30], pour surveiller les mouvements de l’armée romaine, et se retirèrent par la grande route d’Apamée. A Apamée, ils avaient le choix entre deux routes : la route directe de Palmyre, par Occaraba-Theleda, la route de Syrie et de Palestine d’où se détachait, à Hémèse, une route latérale sur Palmyre : à prendre la première, il fallait reculer jusqu’à Palmyre, car le désert n’offrait aucune position défensive où il fût possible de s’arrêter ; la guerre se réduisait dès lors à un siège, qu’étant données les difficultés de tout genre, on pouvait, il est vrai, rendre désastreux pour l’armée romaine. Zabdas préféra battre en retraite sur Hémèse ; il traînait ainsi la guerre en longueur et donnait aux Perses, dont il attendait les secours, le temps d’entrer en campagne. Aurélien, vainqueur sur l’Oronte, avait tout disposé pour recommencer la bataille dès le lendemain matin ; il comptait ramener à lui son infanterie, qui n’avait pas donné la veille, et accabler l’armée palmyrénienne sous une double attaque de front et de flanc[31]. Mais il n’eut pas à combattre et entra sans résistance dans Antioche, dont la population le reçut avec faveur[32]. Il se hâta de proclamer une amnistie générale dans laquelle étaient compris les habitants qui avaient suivi l’armée palmyrénienne, car, disait-il habilement, ils l’avaient fait par contrainte et non de plein gré[33]. A cette nouvelle, les fugitifs revinrent avec empressement, heureux de rentrer en grâce à des conditions aussi favorables. Aurélien les accueillit tous avec la plus grande bienveillance. Paul de Samosate, déposé par le troisième Synode d’Antioche, avait refusé d’obéir[34]. Il continuait à occuper la maison épiscopale, au détriment du nouvel évêque nommé par le Synode, Domnus. La question était à la fois religieuse et civile : religieuse, en ce que Paul de Samosate refusait de s’incliner devant la décision du Synode, civile, en tant qu’il détenait la maison épiscopale, propriété corporative de la communauté chrétienne d’Antioche. Les chrétiens d’Antioche firent appel à l’intervention d’Aurélien. La compétence d’Aurélien en cette matière était purement civile. Aurélien décida, conformément à la loi, que la maison épiscopale devait appartenir au représentant légal du légitime propriétaire, la communauté chrétienne d’Antioche. Mais Paul et Domnus prétendaient tous deux représenter légalement cette communauté. Aurélien, appelé à choisir entre eux, statua que le véritable représentant était celui qui était reconnu par l’évoque de Rome et les autres évoques d’Italie et qui était en correspondance régulière avec eux[35]. Pour Aurélien, partisan résolu de l’unité impériale qu’il était alors occupé à reconstituer, Rome et l’Italie étaient, au point de vue du christianisme, aussi bien qu’au point de vue politique, le centre de l’Empire. Depuis la retraite de Zénobie, Paul de Samosate avait perdu son meilleur appui. Il ne put résister. Il fut expulsé par force de la maison épiscopale, dont Domnus, l’élu du Synode, prit possession[36]. En droit, la sentence d’Aurélien était strictement civile ; en fait, l’empereur exécutait les décisions du Synode d’Antioche contre Paul de Samosate. — Aurélien, au moment d’engager la lutte décisive contre l’empire palmyrénien, ralliait ainsi à sa cause l’ensemble des évêques et des chrétiens d’Orient. Après avoir réglé les affaires d’Antioche, Aurélien reprit sa marche en avant. Il pouvait d’Antioche, par la route d’Apamée-Theleda[37], marcher droit sur Palmyre ; mais il était imprudent de s’engager dans le désert[38] sans avoir été rejoint parles contingents romains venus du Sud et en laissant sur son flanc droit, à Hémèse, l’armée palmyrénienne renforcée et réorganisée. Le parti le plus sûr était de suivre les Palmyréniens en retraite et de leur livrer une bataille décisive avant de marcher sur Palmyre. A sa sortie d’Antioche, l’armée romaine se heurta au détachement que Zabdas avait placé près du faubourg de Daphné[39]. Le corps palmyrénien occupait une colline escarpée qui commandait la route d’Hémèse. Aurélien brusqua l’attaque ; il disposa son infanterie en colonne serrée, lui fit faire la tortue, et, malgré les traits et les pierres que les Palmyréniens faisaient pleuvoir sur elle, il la lança à l’assaut. Les Palmyréniens, vigoureusement abordés, furent culbutés, les uns précipités du sommet de la hauteur, les autres tués dans la poursuite. A la suite de ce coup de vigueur, il n’y eut plus aucune résistance[40]. Apamée, Larisse, Aréthuse ouvrirent leurs portes[41]. Mais, en arrivant à Hémèse, Aurélien trouva l’armée palmyrénienne, établie dans une forte position et prête au combat. Zénobie et Zabdas avaient résolu de livrer bataille. Depuis le début de la campagne, l’armée palmyrénienne n’avait cessé de reculer, d’Asie Mineure sur Antioche, d’Antioche sur Hémèse ; il était impossible de battre en retraite plus loin vers le Sud, car c’est à Hémèse môme que venait déboucher la route de Palmyre. Il fallait donc se retirer définitivement sur Palmyre ou livrer bataille en avant d’Hémèse[42]. Zénobie, qui comptait sur une victoire pour rétablir d’un seul coup sa puissance, choisit ce dernier parti. L’année palmyrénienne comptait 70.000 hommes, tant Palmyréniens qu’alliés[43] ; elle se composait surtout de grosse cavalerie, clibanarii, dont les hommes et les chevaux portaient une armure complète[44] ; l’infanterie était presque exclusivement composée d’archers, qui avaient toujours été excellents à Palmyre[45]. L’armée romaine venait d’être renforcée de contingents venus du Sud. Le gros de l’infanterie était formé par les légions danubiennes (Rhétie, Norique, Pannonie, Mésie), la garde prétorienne et les troupes asiatiques de Tyane, de Mésopotamie, de Syrie, de Phénicie, de Palestine, ces dernières armées de massues. La cavalerie, composée uniquement de cavalerie légère dalmate et maure, était très inférieure à la cavalerie palmyrénienne[46]. L’effectif total de l’armée romaine n’est pas connu ; mais il est certain, d’après le récit de Zosime, que les Palmyréniens avaient, et de beaucoup, l’avantage du nombre[47]. La véritable supériorité d’Aurélien était dans l’infanterie légionnaire, celle de Zénobie dans la grosse cavalerie. C’est entre ces deux armes que devait avoir lieu le choc décisif. La bataille s’engagea[48], comme le combat de l’Oronte, par une charge à fond de la cavalerie palmyrénienne. Aurélien, qui connaissait l’infériorité de sa propre cavalerie, lui ordonna de se dérober et de renouveler la tactique qui lui avait si bien réussi une première fois[49]. Elle céda du terrain. La cavalerie palmyrénienne se mit à sa poursuite, abandonnant ainsi le poste qu’elle occupait dans la ligne de bataille. Mais la manœuvre des Romains faillit tourner à leur désavantage. La cavalerie romaine, poursuivie avec acharnement par toute la cavalerie ennemie, qui lui était très supérieure en nombre, fut un moment sur le point de succomber[50]. A cette vue, Aurélien lança aussitôt son infanterie légionnaire[51] sur la ligne palmyrénienne dégarnie. Les troupes légères de Zénobie, incapables de résister au choc, furent mises en fuite. L’infanterie romaine fit alors demi-tour et attaqua par derrière la cavalerie palmyrénienne isolée et épuisée par la poursuite. Les troupes de Palestine, frappant hommes et chevaux à coups de massue, les mirent en désordre et en firent un grand carnage. Très peu de Palmyréniens échappèrent au désastre ; les fuyards coururent s’enfermer dans Hémèse[52]. Cette fois, la victoire des Romains était décisive[53] : c’en était fait de l’empire palmyrénien[54]. Zénobie, consternée de sa défaite, réunit un conseil de guerre à Hémèse, pour délibérer sur la situation[55]. L’avis unanime, — et il n’y avait pas d’autre solution possible : se maintenir en Syrie autour d’Hémèse, difficile avant la bataille, était devenu impossible depuis que la bataille avait été livrée et perdue, — fut de se retirer sur Palmyre, mettre la ville en état de défense et y attendre les secours promis parles Perses[56]. Il fallait se hâter, car la population d’Hémèse, comme l’avait fait celle d’Antioche, se prononçait en faveur des Romains[57]. L’armée palmyrénienne se retira sur Palmyre par la route du désert. Aurélien entra à Hémèse[58], y fut accueilli avec joie par les habitants et y trouva un riche butin que les Palmyréniens, dans la précipitation de la retraite, n’avaient pas eu le temps d’évacuer[59]. Puis il alla visiter le célèbre sanctuaire du dieu Elagabal[60]. Fervent adepte de la religion solaire, il attribuait à l’intervention de ce dieu sa victoire sur les Palmyréniens. Il lui consacra de riches offrandes et lui dédia plusieurs temples[61]. C’était à la fois un acte de ferveur religieuse et d’habile politique, qui devait rattacher à la cause romaine la population du pays. Aurélien ne séjourna pas longtemps à Hémèse. Il se mit à la poursuite de l’armée palmyrénienne en retraite[62]. La deuxième partie de la campagne devait être la plus pénible. Il fallait traverser un pays aride. Les populations étaient hostiles. La route d’Hémèse à Palmyre[63] était longue de 80 milles (120 kilomètres), et, sauf une bande de pays cultivé large de 12 kilomètres, au voisinage d’Hémèse, elle était tout entière en plein désert. Sur ce long parcours, il n’y avait aucune localité importante. Les points d’eau étaient rares : il n’en existe aujourd’hui que trois, Aifir Fokani et Tahtani, à la limite du désert ; Forklus (l’ancienne Betproclis) et Dûelîb ; Aïn el Bédâ. Les populations nomades du désert étaient entièrement dévouées à Zénobie, et Palmyre, dépouillée de ses conquêtes, ramenée, du côté de la Syrie, à ses limites de 260, était décidée à une résistance acharnée. L’armée, attaquée par les nomades dans la traversée du désert, éprouva des pertes sérieuses. Lorsqu’elle arriva devant Palmyre, la place était en état de défense[64]. Aurélien dut se résoudre à entreprendre un siège régulier. La ville s’étendait en plaine, mais elle avait de solides fortifications[65] ; les débris de l’armée battue à Hémèse s’y étaient enfermés avec Zabdas et Zénobie ; la population était nombreuse et résolue. L’armée romaine, épuisée et réduite en nombre par les combats qu’elle avait livrés — la bataille d’Hémèse notamment avait été très sanglante[66] — devait cependant suffire à un triple objet : bloquer la ville et la réduire par la famine ; fournir un corps d’observation, capable d’intercepter les secours que Palmyre attendait des Perses par la grande route de l’Euphrate ; enfin assurer les lignes de communication avec la Syrie et l’approvisionnement de l’armée de siège. Le pays, dans un rayon de 100 kilomètres autour de Palmyre, était un désert sans aucune ressource ; l’eau manquait. Il fallait faire venir tous les approvisionnements d’Hémèse, qui était la grande base d’opérations de l’armée et, pour les soustraire aux attaques des nomades, jalonner la route d’une ligne de postes militaires. Le siège se poursuivit quelque temps sans que l’armée romaine fît aucun progrès ; les Palmyréniens croyaient la ville imprenable et raillaient les assiégeants[67]. Aurélien lui-même fut blessé d’une flèche[68]. La situation devenait grave ; l’armée était affaiblie par le climat et par les privations. L’été approchait et, avec cette saison si pénible dans le désert, les difficultés du blocus allaient augmenter encore. Aurélien essaya d’en finir par des négociations[69]. Il écrivit une lettre à Zénobie, l’engageant à capituler. Elle refusa. Aurélien ne se découragea pas. Résolu à enlever la ville à tout prix, il acheta la défection des nomades du désert alliés de Zénobie[70]. Cette mesure était décisive. Elle assurait d’une manière permanente le ravitaillement de l’armée[71] et, en délivrant Aurélien de toute crainte pour sa ligne de communications, elle lui permettait de faire refluer sur Palmyre les troupes restées en arrière[72]. L’armée de siège fut renforcée et le blocus resserré[73]. Enfin les troupes envoyées par les Perses au secours de Palmyre furent battues et rejetées sur l’Euphrate[74]. Dès lors Palmyre était perdue. Bientôt la famine s’y fit sentir[75] et la capitulation ne fut plus qu’une question de jours. Zénobie résolut de s’enfuir de Palmyre et de gagner l’Euphrate, où les Perses, espérait-elle, lui fourniraient de nouveaux moyens de résistance[76]. L’idée était juste : Palmyre prise, on pouvait, avec l’appui des Perses, reporter la guerre en arrière ; Zénobie captive, la guerre était finie. Zénobie sortit secrètement de la place, montée sur un chameau et, escortée de quelques troupes légères, gagna l’Euphrate[77]. Aurélien, informé de sa fuite, la fit aussitôt poursuivre par un corps de cavalerie. Zénobie était parvenue à l’Euphrate, et elle s’embarquait déjà pour passer sur l’autre rive, lorsque les cavaliers romains arrivèrent. La résistance était impossible[78] ; Zénobie fut faite prisonnière et ramenée au camp d’Aurélien. L’empereur la reçut avec bienveillance[79] : il avait lieu d’être satisfait. Zénobie tombée entre ses mains, l’empire palmyrénien était détruit[80], et sans espoir de relèvement. Dans l’intérieur de la ville, deux partis étaient aux prises : l’un voulait résister à outrance, l’autre demandait que la ville capitulât[81]. Lorsqu’ils virent Zénobie captive, — ce qui rendait sans objet la prolongation de la guerre, — les partisans de la reddition s’enhardirent et se décidèrent à agir. Quelques-uns d’entre eux se présentèrent au sommet des murs, suppliant l’empereur de leur promettre l’oubli du passé[82]. L’empereur le leur accorda et les engagea à prendre courage ; ils sortirent alors solennellement de la ville et se rendirent au camp romain, portant de riches offrandes et menant avec eux des victimes. Aurélien les reçut avec bonté, agréa leurs offrandes et les laissa ensuite retourner à Palmyre. Quelques jours après, rassurée parla modération d’Aurélien, la ville ouvrait ses portes[83]. L’armée romaine y trouva un immense butin[84]. Les textes ne mentionnent aucune mesure de rigueur à l’égard des vaincus : Aurélien se contenta de les réduire à l’impuissance, du moins il l’espérait, en emmenant avec lui, lors de son retour en Europe, Zénobie, son fils Waballath et les principaux chefs du parti de l’indépendance[85]. Il y eut probablement, aussitôt après la prise de Palmyre, quelques hostilités entre Aurélien et les Perses[86] ; mais ces hostilités, dans lesquelles les Romains eurent l’avantage, furent de courte durée. Il est vraisemblable, si les faits mentionnés par le biographe sont exacts, qu’elles ont été suivies de négociations et peut-être de la conclusion d’une trêve[87]. Aurélien, à la suite de ses victoires sur les Perses, prit le titre de Parthicus[88]. Il séjourna peu de temps à Palmyre ; la ville semblait définitivement soumise. Sans doute la situation n’était pas réglée vis-à-vis de la Perse ; la Mésopotamie n’était pas reconquise et l’Arménie n’était pas replacée sous la souveraineté romaine. Mais, pour le moment, il suffisait à Aurélien de n’être pas attaqué sur l’Euphrate ; une campagne contre les Perses, campagne nécessairement offensive, comme l’avaient été celles de Gordien III en 242-244 et d’Odænath, en 262-264, comme devait l’être celle de Carus en 283, exigeait d’immenses préparatifs. Aurélien, épuisé par le siège de Palmyre, ne pouvait songer à l’entreprendre. La guerre tôt ou tard était inévitable ; mais la Gaule et la Bretagne n’étaient pas encore reconquises ; Aurélien, avec raison, crut devoir achever auparavant la reconstitution de l’unité impériale. Le roi de Perse, Sapor, était vieux : il avait alors près de soixante-dix ans et allait mourir quelques mois plus tard[89]. Aurélien pensa que la chute de Palmyre serait une leçon suffisante pour les Perses et que, pendant quelque temps au moins, l’Empire n’avait à redouter aucune attaque de leur part. Aurélien fut rappelé en Occident par une nouvelle invasion sur le Bas Danube. Les Carpes, profitant de l’affaiblissement des garnisons danubiennes, avaient franchi le fleuve et ravageaient impunément la Mésie Inférieure et la Thrace[90]. Avant de quitter l’Orient, en prévision de troubles toujours possibles, Aurélien constitua un grand commandement militaire et le remit à un homme en qui il avait pleine confiance, Marcellinus. Marcellinus fut nommé préfet de Mésopotamie et chargé de l’administration de l’Orient tout entier[91]. La préfecture de Mésopotamie, créée au temps de S. Sévère, avait toujours été une fonction équestre[92]. Marcellinus, qui la reçut, était lui-même un chevalier. Le choix du préfet de Mésopotamie pour gouverner tout l’Orient s’explique par deux motifs. Aurélien se défiait du Sénat, et par suite ne tenait pas à remettre le gouvernement de l’Orient à un membre de l’aristocratie sénatoriale ; il aimait mieux le confier à un chevalier, sur la fidélité duquel il comptait. D’autre part, le préfet de Mésopotamie était seul en mesure de faire face aux complications qui pouvaient se produire en Orient. Un double danger était à craindre : une révolte des Palmyréniens, une intervention des Perses, et surtout — Aurélien s’en était aperçu durant la campagne — une coopération possible des uns et des autres. Marcellinus, placé sur l’Euphrate, pouvait arrêter les Perses, s’ils tentaient de franchir le fleuve ; Palmyre, prise à revers et coupée de la Perse, attaquée de front par l’armée revenue d’Europe, devait être facilement réduite à l’impuissance. La concentration du pouvoir en une seule main et le choix de Marcellinus étaient deux mesures d’habile prévoyance, que la suite des événements n’allait pas tarder à justifier. |
[1] Sources pour les deux campagnes d’Orient (fin 271-début 273). — ZOSIME, I, 50-61 ; — ZONARAS, XII, 21 (III, p. 132. éd. Dindorf) ; — CONTINUATEUR anonyme de DION, deux fragments : a) Prise de Tyane (Fragm. Hist. Græc, éd. C. Müller, IV, p. 197, n° 10, fragm. 4) ; Edit. Dion Cassius (L. Dindorf), V, pp. 228-229. — b) Négociations entre Aurélien et Zénobie (F. H. G., loc. cit., fragm. 5 ; édit. Dion Cassius, loc. cit., p. 229) ; — SYNCELLE, I, p. 121 (Bonn) ; — MALALAS, XII, p. 300 (Bonn).
Vita Aureliani, 22-34 ; — Vita Probi, 9, 5 ; — Vita Firmi, 2, 6 ; — AURELIUS VICTOR, Cæsares, 35, 1 ; — EUTROPE, IX, 13, 2 ; — Chroniq. d’Eusèbe (Vers. Armén., Ed. A. Schöne, p. 184) ; — Chronique de Saint Jérôme, ad. ann. Abrah. 2289 (id., p. 185) ; — RUFUS FESTUS, 24 ; — OROSE, VII, 23, 4 ; — JORDANES, Rom., 291.
Inscriptions (10 décembre 271 / 9 déc. 273). — Espagne, II, 4506 (Tarraconaise, Tarcino : du décembre 271/9 décembre 272) ; Gaule, XII, 5456 (Narbonaise, route Forum Julii à Aix : 10 décembre 272 / 9 décembre 273) ; — Afrique : VIII, 10.017 (Proconsulaire, IIe Lemta, route Tacapæ-Leptis Magna : 10 décembre 271 / 9 décembre 272) ; id. 9010 (Maurétanie Césarienne, Auzia : 10 décembre 271 / 9 décembre 272) ; — Mésie Inférieure, III, supplém. 7586 (Callatis : décembre 271 / 9 décembre 272).
Monnaies. — Seconde période monétaire du règne (271-274) : Th. ROHDE, lot. cit., pp. 299-302.
Travaux divers. — J. OBERDICK, Uber den Ersten Feldzug des Kaisers Aurelian gegen die Zenobia bis zur Schlacht von Emesa (Zeitschr. fur die Œsterreichischen Gymnasien, XIV, 1863, pp. 735-759).
Id., die Neuesten Texten Ausgaben der Scriptores Historiæ Augustæ (Id., XVI, 1865, pp. 727-745).
Id., Die Römerfeindlichen Bewegungen im Orient während der letzten Hälfte des dritten Jahrhunderts nach Christus (254-274), Berlin, 1869 ; — Th. MOMMSEN, Histoire Romaine (trad. Cugnat-Toutain), t. X, pp. 291-296 ; — Th. NOELDEKE, Geschichte der Perser und Araber ans dem Arabischen Chronik des Tabari, Leyde, 1879 ; — Id., Aufsätze zur Persischen Geschichte, Leipzig. 1887.
[2] ZOSIME (I, 51) indique avec précision, à la date de 270, les différentes parties dont se composait l’Empire Palmyrénien. — L’έώα comprend les anciennes provinces d’Odænath ; l’Égypte et la plus grande partie de l’Asie Mineure avaient été conquises par Zénobie en 269-270. — Voir mon travail, De Claudio Gothico, Romanorum Imperatore, Chap. VII.
[3] La rupture entre Rome et Palmyre se place après le 23 février et avant le 29 août 271. Il n’y a pas de monnaies alexandrines de la 6e année de Waballath (29 août 271 / 28 août 272) : il est possible qu’il y en ait eu, mais ces monnaies ont été peu nombreuses, et la frappe n’en a pas duré longtemps. La reconquête de l’Égypte a eu lieu à la (in de l’été ou dans le courant de l’automne 271.
La première prise de Palmyre est certainement postérieure au mois d’août 271, date à laquelle les généraux Zabdas et Zablaï consacrèrent, à Palmyre, deux statues d’Odænath et de Zénobie (WADDINGTON, loc. cit., 2611 ; DE VOGUË, Syrie centrale. Inscriptions sémitiques, n° 28, 29). Aurélien, dans sa marche contre l’Orient, eut à lutter contre les Goths en Mésie et en Thrace ; le surnom de Gothicus qui se rapporte à cette guerre, n’apparaît, sur les inscriptions, que dans la IIIe année tribunicienne (10 décembre 271 / 9 décembre 272) ; c’est également le cas des surnoms de Parthicus et d’Arabicus, donnés par les inscriptions à Aurélien, à la suite de ses victoires sur les Perses et les Arabes nomades, alliés de Zénobie (voir plus loin). La guerre contre les Goths se place doue au plus tôt à la fin de 271 et la campagne d’Orient, postérieure de quelques mois, dans le courant de 272.
Nous possédons deux autres indications chronologiques.
a) Il résulte d’une inscription funéraire de Palmyre, d’août 272, la dernière en date avant le sac de la ville (DE VOGUË, loc. cit., n° 116), que la seconde prise de Palmyre n’est pas antérieure au mois d’août 272.
b) L’inscription de Kirmus à Alexandrie dont il est question plus loin, contemporaine de son usurpation est datée du vingtième jour du mois d’έπειφί (18 juillet). L’année n’est pas douteuse ; il ne peut s’agir que de 272.
La révolte de Palmyre et d’Alexandrie se place donc en été 272 ; la seconde prise de Palmyre est postérieure au mois d’août 272. — Or la révolte s’est produite peu de temps après le départ d’Aurélien pour l’Europe. Aurélien était encore sur le Bas Danube où il venait d’écraser les Carpes, lorsqu’il en reçut la nouvelle. Il ne s’est guère écoulé entre les deux prises de Palmyre plus de cinq à six mois : la première campagne d’Orient et la prise de Palmyre se placent au printemps 212. C’est, comme le fait remarquer WADDINGTON (ad n° 2002), le moment le plus favorable pour une expédition en Orient.
De Sirmium à Palmyre par la vallée du Danube, Serdiea, Byzance, Antioche, Hemèse, il y avait 1.666 mille pas = 2.463 kilomètres (Sirmium-Byzance. 717 mp = 1.039 kilomètres, Itiner. Anton., éd. G. Parthey, pp. 62-65 ; Byzance-Antioche : 736 mp = 1.088 kilomètres : Id., pp. 67-68 ; Antioche-Hémèse, 133 mp = 196 kilomètres : Id., p. 83 ; Hémèse-Palmyre, 80 mp = 120 kilomètres : B. MORITZ, Zur Antiken Topographie der Palmyrene, Abhandt. der Kön. Pr. Ahad. der Wissensch., 1889, pp. 9-11). — Pour parcourir cette distance, l’armée romaine a employé au moins trois mois ; la campagne contre les Goths sur les deux rives du Danube, le siège de Tyane, le séjour à Antioche et surtout le siège de Palmyre prirent nécessairement un temps assez long. Il est matériellement impossible que la marche vers l’Orient et la campagne elle-même aient duré moins de six mois. Aurélien a quitté Rome dans les derniers mois de 271, avant décembre : la guerre contre les Goths se place à la fin de 271. Une constitution d’Aurélien (COD. JUSTIN., V, 72, 2, promulguée a Byzance, est datée des ides de janvier (= 13 janvier), sans indication d’année ; il est vraisemblable qu’il s’agit de 272. Dans ce cas, la guerre des Goths aurait déjà été terminée, et Aurélien aurait été présent à Byzance à cette date.
La campagne d’Orient et le siège de Palmyre ont occupé la première moitié de 272. Palmyre a du capituler à la lin du printemps ou dans les premiers jours de l’été (fin mai-juin 272) ; le retour sur le Bas Danube (distances : Palmyre-Byzance. 949 milles = 1.401 kilomètres : Itin. Anton., pp. 65—68, 83 ; Byzance-Tomi, par Anchialos et Callatis, 404 milles = 591 kilomètres : Itin. Anton., pp. 106-107 ; Tomi-Axiopolis, sur le Danube, environ 10 milles = 60 kilomètres, soit au total 1.303 milles = 2.061 kilomètres), la campagne contre les Carpes et les mesures administratives qui en lurent la conséquence, ont pris au moins trois mois ; le retour sur Palmyre, deux autres mois. La seconde occupation de Palmyre et le sac de la ville se placent donc an plus lût dans les derniers mois de 272.
Aurélien se rendit ensuite à Alexandrie, où il comprima la révolte de Firmus ; puis il revint en Europe, et, vraisemblablement par la vallée du Danube, la route la plus courte, il marcha contre l’année gallo-romaine, qu’il battit à Chalons. Or celte bataille est antérieure au 10 décembre 273. Aureliem sur l’inscription C. I. L., XII, 5436, qui est datée de sa IVe puissance tribunicienne, 10 décembre 272/9 décembre 273, est déjà qualifié de Restitutor Orbis ; voir plus loin. Cf. Epitomé, 35, 2 : Romanum Orbem triennio (=270-273) ab invasoribus receplavit. — Les distances de Palmyre en Gaule sont les suivantes :
Marche sur Alexandrie, route Palmyre-Alexandrie, Itin. Anton. (Ed. G. Parthey), pp. 68-70, environ 736 milles = 1.088 kilomètres.
Retour en Europe, route Alexandrie-Antioche-Byzance, id., pp. 65-68 ; 68-70, 802 mp = 1.185 kilomètres.
Marche contre l’empire gallo-romain, route Byzance-Sirmium-Rauraci-Châlons : Id., pp. 108-112.116, environ 1.883 milles — 2780 kilomètres. — Soit au total environ 3.421 milles = 5.053 kilomètres, ce qui suppose, au minimum et sans arrêts, une marche de six à sept mois. Il faut ajouter le séjour d’Aurélien à Alexandrie : entre la seconde prise de Palmyre et la bataille de Châlons, il s’est écoulé au moins huit mois, et certainement un peu plus. Le sac de Palmyre se place donc, au plus lard, en janvier 273.
En résumé, la chronologie des campagnes d’Aurélien en 272-273, dans la mesure où on peut la déterminer avec précision, s’établit de la manière suivante :
Départ de Rome |
Octobre ou novembre 271. |
Guerre contre les Goths |
Fin 271. |
Présence à Byzance (?) |
Janvier 272. |
Première campagne d’Orient — Prise de Palmyre |
Janvier-fin printemps 272. |
Retour en Europe — Guerre contre les Carpes, |
Été-début automne 272. |
Révolte de Palmyre et d’Alexandrie |
Été 272. |
Seconde campagne d’Orient — Sac de Palmyre. |
Fin 272. |
Marche sur Alexandrie — Défaite de Firmus. |
Début 273. |
Marche sur la Gaule |
Printemps-été 273. |
Bataille de Châlons |
Automne 273. |
Triomphe à Rome |
Début 274. |
A. VON SALLET (Die Fürsten von Palmyra, p. 71) place dans la seconde moitié de 271 les deux campagnes d’Orient et la répression de la révolte d’Alexandrie ; J. OBERDICK, au contraire (Der Erster Feldzug, loc. cit., pp. 736-737, not. 3 ; — Die Römerfeindt Bewegung, p. 3), recule la première prise de Palmyre jusqu’à la fin de 272 ou au début de 273, la seconde, jusqu’à l’automne de 273. Ces deux chronologies, comme il résulte des indications données ci-dessus, sont, l’une et l’autre, inadmissibles.
[4] H. GRÆTZ, Geschichte der Juden, 2e édit. Leipzig, 1866, t. IV, chap. XVI, pp. 297-299. — Les traditions arabes, relatives à Odænath et à Zénobie (A. P. CAUSSIN DE PERCEVAL, Essai sur l’histoire des Arabes avant l’Islamisme, Paris, 1841, II, pp. 30, 46, 192) n’ont aucune valeur historique sérieuse. (Cf. TH. NOELDEKE, die Ghassanischen Fürsten aus dem Hause Gafnas, Abhandt. der Kön. Pr. Akad. der Wissensch., 1887. pp. 3-4.)
[5] ZOSIME, I, 57-58. — Les Palmyréniens étaient déjà venus à Aphaca consulter l’oracle de Vénus, en 271, et en avaient obtenu une réponse favorable.
[6] Le seul récit détaillé est celui de la Vita Aureliani, 22, 2-3. — Cf. 41, 8 ; — AMMIEN MARCELIN, XXXI, 5, 17 ; — EUTROPE, IX, 13, 1 ; — OROSE, VII, 23, 1 ; — JORDANES, Rom., 290 : — WIETFHSH.-DAHN., loc. cit., I, p. 239. — Le biographe mentionne au triomphe d’Aurélien (33, 4), des Goths prisonniers et (34, 1) des femmes Gothes. D’après le même texte (33, 3), Aurélien aurait pris au roi des Goths le char, traîné par quatre cerfs, sur lequel il monta le jour du triomphe (voir plus loin). L’auteur de la Vita Bonosi raconte qu’Aurélien fit enfermer à Périnthe plusieurs femmes Gothes de haute naissance (15, 6), et maria l’une d’elles, Hunila, qui était de race royale, à Bonosus (15, 4). Tout ce récit est fort suspect. La lettre d’Aurélien, qui donne le nom d’Hunila ne peut être considérée comme authentique : en dehors de ce texte, le nom d’Hunila n’est connu que comme nom d’homme (H. PETER, die Scriptores Historiæ Augustæ, p. 184 ; — Fr. RAPPAPORT, loc. cit., p. 97). Il est possible d’ailleurs, qu’au cours de la campagne de 271, un certain nombre de femmes Gothes de haute naissance aient été faites prisonnières. — A. VON GUTSCHMID (Kleine Schriften, Leipzig, 1894, V, p. 331) identifie Cannabas avec le Cniva, mentionné par JORDANES (Get., 18), à l’époque de Decius : c’est une supposition sans preuves. F. DAHN (Urgeschicht., p. 226) fait intervenir les Sarmates dans cette invasion : les textes n’en parlent pas. Le surnom de Sarmaticus, donné à Aurélien par la Vita (30, 5), et par une inscription de Serdica (C. I. L., III, Supplém., 12.333), se rapporte à la campagne contre les Vandales, en 270 (voir plus haut).
A la suite de ses victoires sur les Goths, Aurélien reçut les surnoms de Gothicus et de Dacicus : le premier seul semble avoir été officiel. Le titre de Dacicus, qui rappelle la défaite de Cannabas, sur la rive gauche du Danube, dans la Dacie Trajane, ne se rencontre qu’une fois sur une inscription de 275 (ORELLI-HENZEN, 5551). Le surnom de Gothicus est attesté par la Vita Aureliani (30, 5), les inscriptions et les monnaies. Sur les inscriptions, il apparaît dès la IIIe année tribunicienne d’Aurélien (10 décembre 271/9 décembre 272), et, sauf quelques exceptions, suit régulièrement le surnom de Germanicus [C. I. L., III, Supplém., 7586, 10 décembre 271/9 décembre 272 : VIII, 10.017, Id., II, 4506, probablement même date ; XII, 5551, 5456, 5548 ; V, 1319 ; VI, 1112 ; XII. 2673 (=5571). ORELLI-HENZEN, 5551, de date postérieure à 273. Non datées : III, Supplém., 12.517, 12.333 ; XI, 2635 ; XII, 5549, 5561. — Le surnom a été restitué sur les inscriptions : III, 122 (= WASHINGTON. 2137), 219 : VIII, 9040.
Deux monnaies portent au revers la légende Victoria Gothica, sous la forme Vict. Gothic. (Th. RODHE, loc. cit., Catal., n° 383) ou Victoriæ Gothic. (Fr. GNECCHI, Appunti di Numism dica Romana, Rivist. Ital. di Numismat., IX, 1896, p. 191, n° 190). — La première représente Aurélien debout couronné par la victoire ; la seconde, un trophée entre deux prisonniers assis. La monnaie de TH. ROHDE, la seule dont l’origine soit connue, a été frappée dans l’atelier de Cyzique, au début de la seconde période monétaire du règne d’Aurélien ; donc, au plus tôt, dans la seconde moitié de 271.
Aurélien poursuivit Cannabis et les Goths sur la rive gauche du Danube, mais il ne reconquit pu la Dacie Trajane. Il n’en avait ni le temps ni les moyens. Il est donc inexact de dire avec EUTROPE (loc. cit. ; cf. OROSE, loc. cit.) : Ditionem romanum antiquis terminis statuit. Sur l’évacuation définitive de la Dacie, qui eut lieu en 275, voir plus loin, Ve Partie. Chap. II.
[7] Vita Aureliani, 22, 3.
[8] ZOSIME, I, 50. — La Vita Aureliani (22, 3) dit avec moins d’exactitude : [Aurélien] passa par Byzance pour gagner le Bithynie qu’il occupa sans coup férir.
[9] ZOSIME, I, 50.
[10] ZOSIME, I, 50. — ZOSIME mentionne simplement la reprise de Tyane. Les deux seuls récits détaillés sont ceux du CONTINUATEUR de DION (loc. cit., fragm. 4) et de la Vita Aureliani (22, 5—24).
[11] Voir plus loin, IIIe Partie, Chap. Ier.
[12] Selon le CONTINUATEUR de DION (loc. cit.) et la Vita Aureliani (22, 3-23, 2), Aurélien se serait écrié, qu’il ne laisserait pas un chien vivant dans la ville. La ville prise et ses soldats lui rappelant sa promesse, il aurait répondu : J’ai dit que je ne laisserais pas un chien vivant dans la ville. Eh bien ! tuez tous les chiens. L’anecdote peut être véridique, mais il est peu vraisemblable que l’armée se soit contentée de la réponse.
[13] La Vita Aureliani (22, 6 ; 23, 2, 4-3 ; 24, 1) mentionne seule l’intervention d’Héraclammon. On ne voit pas bien le motif qui a pu déterminer Héraclammon à trahir ses concitoyens ; la Vita Aureliani dit qu’il a craint d’être tué avec les autres habitants au moment où Aurélien s’emparerait de la ville. Il est possible aussi qu’il ait agi au nom d’un parti dissident, hostile aux Palmyréniens et favorable aux Romains.
[14] Le CONTINUATEUR de DION (loc. cit.), et le biographe (23, 3-1), après avoir rapporté l’anecdote relative au massacre des chiens, disent que les soldats furent désarmés par la plaisanterie de l’empereur et se déclarèrent satisfaits. Il est difficile de l’admettre ; en tout cas, Aurélien, d’après le Continuateur de Dion lui-même, crut devoir réunir ses soldats pour leur exposer les motifs de sa conduite. C’est sans doute à cette occasion, si l’anecdote racontée par le biographe n’est pas une pure légende, qu’il leur parla de l’apparition d’Apollonius de Tyane.
[15] CONTINUATEUR de DION (loc. cit.).
[16] Vita Aureliani, 24, 2-6.
[17] Vita Aureliani, 23, 2. — La prétendue lettre d’Aurélien à Mallius Chilo, donnée par la Vita Aureliani (23, 4-5) est une falsification sans aucune valeur.
[18] ZOSIME, I, 50.
[19] ZOSIME, I, 50.
[20] Vita Probi, 9, 5.
[21] Les indications des textes, relatives aux combats de la première campagne d’Orient, sont assez confuses. Il faut partir du récit de ZOSIME. Zosime mentionne trois combats : a) sur l’Oronte, avant l’entrée à Antioche (I, 50) ; — b) à Daphné, au moment où Aurélien, après avoir séjourné quelque temps à Antioche, reprend sa marche vers le Sud (1, 52,) ; — c) a Hémèse, où a lieu la bataille décisive (1,53). — La Vita Aureliani n’en indique que deux : un à Daphné (25, 1), et la bataille d’Hémèse (25, 3) ; le biographe, confondant les deux combats de l’Oronte et de Daphné, place ce dernier, par erreur, avant l’entrée à Antioche.
Dans les autres textes, il n’est question que d’un seul combat : selon RUF. FESTUS (24), la Chronique de Saint Jérôme, ad ann. Abrah. 2289 (éd. A. Schöne, p. 185), JORDANES (Rom., 291), SYNCELLE, (I, p. 721 Bonn), ce combat aurait eu lieu à Immæ. EUTROPE (IX, 13, 2) place le combat non loin d’Antioche, sans préciser ; MALALAS, XII, p. 300 (Bonn), près de l’Oronte ; tous deux disent, par erreur, que Zénobie y fut faite prisonnière.
Les deux sources principales, ZOSIME et la Vita Aureliani, ne connaissent pas le combat d’Immæ. J. OBERDICK (liber den Ersten Feldzuq des Kaisers Aurelian gegen die Zenobia, loc. cit., p. 745. Cf. die Römerfeindliche Bewegungen im Orient, p. 96), pense que le combat placé à Daphné par Zosime (I, 52), a eu lieu, en réalité, à Immæ ; le texte de Zosime serait corrompu et un copiste ne comprenant pas le texte original : Ίμμης τοΰ (τής Άντιοχείας) προαστείον, aurait interprété et transcrit : Δάφνης τοΰ προαστείου. Cette identification est absolument insoutenable. Il n’y a aucune raison pour corriger arbitrairement le texte de Zosime. La Vita Aureliani est d’accord avec Zosime pour mentionner un combat à Daphné. Ce combat, d’après Zosime, ne fut pas très important : il ne décida nullement du sort de la campagne. Ce fut exclusivement un combat d’infanterie ; selon RUFUS FESTUS, loc. cit., au contraire, la cavalerie semble avoir joué un certain rôle dans la bataille d’Immæ.
Immæ, aujourd’hui Imm, était située à 23 milles (= 34 kilomètres) à l’Est d’Antioche (il est donc bien difficile de nommer cette localité προαστεΐον d’Antioche), sur la route de Berœa (aujourd’hui Alep). Il faudrait admettre que l’armée palmyrénienne, évacuant Antioche, se serait retirée par la roule de Berœa, au lieu de suivre la route directe Apamée-Hémèse, puis, après avoir laissé une arrière-garde à Immæ, aurait regagné Hémèse par la route de Chalcis-Apamée. Un semblable détour est absolument inexplicable ; l’armée palmyrénienne n’aurait pris la route de Berœa, qu’avec l’intention de regagner directement Palmyre, et ne serait pas ensuite revenue sur Hémèse. Aurélien, d’autre part, pressé d’en finir, n’avait aucun intérêt à adopter cet itinéraire. Il était plus court et plus décisif de marcher directement d’Antioche sur Apamée.
Je crois donc qu’il ne peut être question d’un combat livré à Immæ ; comme l’admet Th. MOMMSEN, dans A. VON SALLET (die Fürsten von Palmyra, p. 47, not. 73), la difficulté provient simplement d’une erreur de noms. Le nom d’Immæ, dans l’antiquité, se retrouve aussi sous la forme Emma (Table de Peutinger ; route Antioche-Berœa), Immissa et Immos.
Il y a eu confusion entre Immæ et Emesa. — Les textes qui citent le combat d’Immæ en font la bataille décisive de la guerre : ce qui est le cas pour la bataille d’Hémèse dans ZOSIME et dans la Vita Aureliani. Aucun texte, le fait est à noter, ne mentionne à la fois les deux combats.
[22] ZOSIME, I, 50 est le seul texte qui mentionne le combat de l’Oronte. Le combat de Daphné que la Vita Aureliani (25 1) place par erreur avant la prise d’Antioche : Antiochiam brevi apud Daphnem certamine obtinuit, est en réalité postérieur. C’est le combat dont parle Zosime, I, 52. J. OBERDICK (Uber den Ersten Feldzug, loc. cit., p. 710 ; cf. die Römerfeindl. Bewegung., p. 91) identifie à tort les deux batailles et donne du combat de l’Oronte une description inexacte.
[23] J. OBERDICK, Uber den Ersten Feldzug, p. 741 ; die Römerfeindl. Bewegung., p. 91 pense que l’engagement entre les deux cavaleries a eu lieu sur la rive méridionale de l’Oronte. Cette supposition n’est pas admissible : il aurait fallu que la cavalerie romaine franchit le fleuve en présence de l’armée palmyrénienne opération difficile dont Zosime ne parle pas.
[24] Selon J. OBERDICK, Uber den Erstern Feldzug, p. 741 : die Römerfeindl. Bewegung, p. 91, l’infanterie romaine aurait contribué à la défaite des Palmyréniens. Il résulte formellement de ZOZIME, I, 52, que la cavalerie romaine fut seule engagée et que l’infanterie romaine ne prit aucune part au combat.
[25] ZOSIME, I, 51. — Vita Aureliani, 25 1.
[26] ZOSIME, I, 51.
[27] ZOSIME, I, 51.
[28] ZOSIME, I, 51.
[29] ZOSIME, I, 51.
[30] ZOSIME, I, 52.
[31] ZOSIME, I, 51.
[32] ZOSIME, I, 51.
[33] ZOSIME, I, 51 — Vita Aureliani, 25, 1 : Proposita omnibus impunitate. Le biographe attribue la clémence, dont fit preuve Aurélien, aux conseils d’Apollonius de Tyane.
[34] L’intervention d’Aurélien dans les affaires religieuses d’Antioche est connue pur EUSÈBE (Hist. Ecclés., VII, 30, 19) — Alb. RÉVILLE, le Christianisme unitaire au IIIe siècle : Paul de Samosate et Zénobie (loc. cit., pp. 103-104) ; — B. AUBÉ, l’Église et l’Etat au IIIe siècle, pp. 462-164 ; — G. J. HEFELE, Histoire des Conciles (trad. Delarc) I, pp. 117-125.
[35] EUSÈBE, Hist. Eccles., VII, 30, 19.
[36] EUSÈBE, Hist. Eccles., VII, 30, 19.
[37] Sur cette route, mentionnée par la carte de Peutinger, voir B. MORITZ, Zur Antiken Topographie der Palmyrene (loc. cit.), pp. 3-8. Les stations étaient Theleda (Tell’Edà), à 48 milles d’Apamée (Kal’at il Medik), Occaraba (Okàrib), à 28 milles de Theleda, Centum Putea (Kottar ?) à 27 milles d’Occaraba. Le chiffre, qui indiquait la distance de Centum Putea à Palmyre, a disparu.
[38] C’est à Theleda que la roule Apamée-Palmyre atteignait le désert de Syrie et le domaine linguistique arabe (B. MORITZ, loc. cit., p. 6).
[39] ZOSIME, I, 52 ; — Vita Aureliani, 25, 1. — Zosime seul décrit le combat en détail.
[40] ZOSIME, I, 52. — Le texte est corrompu, mais le sens général n’est pas douteux.
[41] ZOSIME, I, 52. — Zosime indique formellement ces trois villes.
[42] ZOSIME, I, 52. La plaine d’Hémèse était un champ de bataille très favorable pour l’armée palmyrénienne qui se composait surtout de cavalerie.
[43] ZOSIME, I, 52.
[44] ZOSIME, I, 53 : — RUFUS FESTUS, 24 : Zenobia multis clibanariorum et sagittariorum milibus freta. Cf. sur l’armement des Clibanarii, NAZARII PANEGYR., Constantino Augusto dictas, 22 (éd. Bæhr., p. 230) : Operimento ferri, equi atque humilies pariter obsæpli. Clibanariis in exercitu nomen est. Superne hominibus tectis, equorum peclora oribus demissa lorica et crurum lenus pendens sine impedimento gressus a noxa vulneris vindicabat.
[45] RUF. FESTUS, loc. cit. ; — Vita Claudii, I, 5 : Omnes sagittarius Zenobia possidet ; — APPIEN, Guerr. Civ., V, 9.
[46] ZOSIME, I, 52. Ce texte est capital.
[47] ZOSIME, I, 53, dit formellement que l’armée romaine risquait d’être entourée par la masse des cavaliers palmyréniens.
[48] Le récit le plus complet de la bataille est celui de ZOSIME (I, 53). Celui de la Vita Aureliani (25, 2-3) est bref et fragmentaire. — Cf. J. OBERDICK, Uber den Ersten Feldzug, etc., pp. 750-752 ; — Id., Die Römerfeindl. Bewegung., pp. 102-104, dont la description contient un certain nombre d’erreurs.
[49] Cette manœuvre est nettement indiquée par ZOSIME (I, 53).
[50] L’armée romaine fut un instant en danger. — ZOSIME, I, 53 ; — Vita Aureliani, 25,3.
[51] La victoire fut décidée par l’infanterie légionnaire. — ZOSIME, I, 53. — Cf. Vita Aureliani, 25, 3. Il est question, en outre, dans ce dernier texte, d’une apparition surnaturelle — 25, 5. Peut-être Aurélien, pour relever le courage de ses troupes ébranlées, leur parla-t-il d’une apparition.
[52] Un texte des Panégyriques (NAZARII PANEGYR., Constantino Augusto dictas, 22-24, éd. Bæhr., pp. 230-231), permet de bien comprendre la tactique des deux armées palmyrénienne et romaine à la bataille d’Hémèse. C’est le récit de la bataille de Turin, qui fut livrée par Constantin aux troupes de Maxence, en 312, lors de sa marche sur Rome.
[53] Vita Aureliani, 25, 3.
[54] Vita Aureliani, 25, 4.
[55] ZOSIME, I, 54.
[56] ZOSIME, I, 54.
[57] ZOSIME, I, 54.
[58] ZOSIME, I, 54 ; — Vita Aureliani, 25, 4.
[59] ZOSIME, I, 54.
[60] Vita Aureliani, 25, 4.
[61] Vita Aureliani, 25, 6.
[62] ZOSIME, I, 54. — Vita Aureliani, 26, 1.
[63] B. MORITZ, loc. cit., pp. 9-11.
[64] La lettre d’Aurélien à Mucapor, donnée par la Vita Aureliani (26, 2-5), n’a aucune valeur historique. C’est une pièce falsifiée qui a été composée uniquement pour mettre en relief les difficultés de l’entreprise. — La même remarque doit être faite, pour la prétendue lettre d’Aurélien au Sénat (Vitæ XXX Tyrann., 30 (Zenob.) 5-11, dont il a été question plus haut.
[65] ZOSIME, I, 54.
[66] ZOSIME, I, 53 ; — Vita Aureliani, 25, 3.
[67] ZOSIME, I, 54, raconte une anecdote caractéristique à ce sujet : Les Palmyréniens, dit-il, raillaient l’armée romaine, comme si In prise de la ville eût été impossible. L’un d’eux insulta l’empereur lui-même ; un Perse, qui se trouvait près d’Aurélien, dit alors : Si tu le veux, tu verras bientôt mort cet insolent. L’empereur ayant donné son assentiment, le Perse fit avancer quelques soldats devant lui pour le couvrir, banda son arc et décocha une flèche à l’insulteur. Ce dernier s’était avancé hors d’un créneau de mur et de là, il continuait à proférer des injures. Frappé, il fut précipité à bas des murailles, en présence de l’empereur et de l’armée.
[68] Vita Aureliani, 26. 1.
[69] Ces négociations ne sont mentionnées que par le CONTINUATEUR de DION (loc. cit., fragm. 5) et par la Vita Aureliani (26, 5 - 27, 6). ZOSIME n’en parle pas. — Le fragment du Continuateur de Dion est très court : Aurélien envoya des députés à Zénobie pour l’engager a se rendre. Zénobie répondit : Pour moi, je n’ai pas fait de grandes pertes. Ceux qui sont tombés dans cette guerre sont presque tous des Romains. Comment faut-il interpréter le mot ̔Ρωμάιοι ? Je ne pense pas qu’il faille entendre par là les Romains de l’armée d’Aurélien. Il résulte de Zosime, que, dans les combats de l’Oronte de Daphné et d’Hémèse, les perles de l’armée d’Aurélien ont été beaucoup moins considérables que celles de Zénobie. L’armée de Zénobie (ZOSIME, I, 44 ; cf. I, 52) comprenait trois éléments : les Palmyréniens, les Syriens, les Barbares alliés (cf. Vita Aureliani, 33, 4 ; 41, 10). Palmyre n’avait jamais été que vassale de Rome ; les Syriens seuls étaient, dans toute la force du terme, d’anciens sujets de l’Empire, des ̔Ρωμάιοι. Zénobie oppose les contingents syriens, — ̔Ρωμάιοι — qui ont fait des pertes, aux troupes palmyréniennes — έγώ — qui ont peu souffert. La même distinction se retrouve dans les titres officiels de Waballath (voir plus haut) : Waballath est à la fois Βασιλεύς (Παλμυρηνών) et Στρατηγός ̔Ρωμαίων.
La Vita Aureliani donne deux documents relatifs à ces négociations : une lettre d’Aurélien à Zénobie (26, 7-9), une réponse de Zénobie (27, 1-5) ; aucun n’est authentique. Aurélien offre à Zénobie les conditions suivantes : la vie sauve, — droit de vivre avec les siens dans une résidence désignée par l’Empereur et le Sénat, — versement à l’Ærarium des richesses royales (pierreries, or, argent, soie, chevaux, chameaux). — Maintien des privilèges administratifs (jus suum), de Palmyre. Ces conditions, qui sont d’ailleurs fort vraisemblables, peuvent avoir été réellement proposées, et le biographe, lorsqu’il n fabriqué le document, peut les avoir trouvées dans quelque source. Le fait est possible ; on ne peut rien dire de plus.
[70] Vita Aureliani, 28, 2.
[71] ZOSIME, I, 54.
[72] Vita Aureliani, 28, 1.
[73] Vita Aureliani, 28, 1.
[74] Vita Aureliani, 28, 2. — Le biographe ajoute : Neque quidquam vir fortis reliquit quod nul imperfectum videretur aut incuratum.
[75] ZOSIME, I, 55.
[76] ZOSIME, I, 55.
[77] ZOSIME, I, 55. — Vita Aureliani, 28, 3.
[78] ZOSIME, I, 55. — Vita Aureliani, 28, 3.
[79] ZOSIME, I, 55.
[80] Vita Aureliani, 28, 4.
[81] ZOSIME, I, 56.
[82] ZOSIME, I, 56.
[83] ZOSIME, I, 56.
[84] ZOSIME, I, 56.
[85] ZOSIME, I, 59. — Vita Aureliani, 33, 5 – 34, 1.
[86] AURELIUS VICTOR, Cæsar., 35,1 — Vita Aureliani, 37, 4 ; 31, 9 ; 28, 4-5.
[87] In Vita Aureliani (29, 2) parle d’un manteau de pourpre de couleur particulièrement éclatante, qui aurait été donné par le roi de l’erse à Aurélien.
[88] In Vita Aureliani (31,8) dit qu’Aurélien reçut les surnoms de Parthicus, Armeniacus et Adiabenicus. En ce qui concerne ces deux derniers, le témoignage du biographe n’est confirmé ni parles inscriptions, ni par les monnaies. — Les inscriptions donnent les surnoms de Parthicus, Persicus, Palmyrenicus, Arabicus : mais le seul surnom officiel fut celui de Parthicus, qui apparaît dans la IIIe année tribunicienne d’Aurélien (10 décembre 271 /9 décembre 272) et se rencontre sur les inscriptions suivantes : C. I. L., VIII, 90i0 (10 décembre 271/9 décembre 272) ; XII, 5456 (273, avant le 10 décembre) ; VI, 1112 (fin de 274, avant le 10 décembre) ; OHELLI-HENZEN, 5551 (de 275) ; C. I. L., XII, 5349 (274 ou 275). Sur l’inscription C. I. L., XII, 5561 (Tournon, même date), Parthicus est remplacé par Persicus.
La légende Victoria Parthica apparaît au revers d’une monnaie dont un seul exemplaire est connu ; il faisait partie du grand trésor de la Venera, découvert en 1876 (A. MILANI, Il Ripostiglio della Venera, loc. cit., p. 70, n° 645 ; — Th. ROHDE, loc. cit., Catal., n° 383). Aurélien est représenté debout, tenant un globe dans la main droite, qui est levée, un sceptre dans la main gauche. La Victoire, debout, tient une palme dans la main gauche, et, de la main droite, pose une couronne sur la tête de l’empereur. La pièce appartient à l’atelier de Siscia (S*) et à la seconde période monétaire du règne (271-274).
Les surnoms de Palmyrenicus et d’Arabicus ne sont mentionnés qu’une fois chacun : Palmyrenicus (C. I. L., V, 4319, décembre 274), Arabicus (C. I. L., II, 4506, 10 décembre 271 / 9 décembre 272). Sur aucune inscription, on ne trouve deux de ces surnoms à la fois.
Palmyre et les tribus arabes du désert dépendaient légalement de l’Empire. Il entrait dans la politique d’Aurélien (voir le texte du CONTINUATEUR de DION, cité plus haut), de ne pas les traiter en ennemies. Aussi se contenta-t-il du titre de Parthicus : la victoire remportée sur les Perses l’avait été, non sur des sujets, mais sur des ennemis de l’Empire.
A la suite de la reconquête de l’Orient, les monnaies donnent à Aurélien les titres de Restitutor Orientis et de Pacator Orientis. Ces deux titres ne se trouvent jamais sur les inscriptions. Tous les Antoniniani, frappés avec ces deux légendes, sont antérieurs à la réforme de 271 et appartiennent à la seconde période monétaire du règne (271-274).
Restitutor Orientis. — Or. Atelier monétaire d’Antioche : Th. ROHDE, loc. cit., Catal., n° 34, 35, 36 (au type du Soleil debout). — Antoniniani. Atelier monétaire de Tarraco : Id., n° 319 (Aurélien et une femme de debout lui tendant une couronne) ; atelier de Siscia : Id., n° 320, 323, 324 (sur ces deux derniers revers, Aurélien debout et femme agenouillée) : indéterminés : Id., n° 322, 326, 327. — Un certain nombre de ces Antoniniani portent par erreur la légende Restitutor Orientis.
Pacator Orientis. — Antoniniani. Atelier monétaire de Siscia : C. I. L., n° 203 (Aurélien debout tenant un sceptre : devant lui, un prisonnier assis).
En dehors de la numismatique d’Aurélien, la légende Restitutor Orientis ne se trouve que sur quelques monnaies de Valérien : H. COHEN, VI, Valérien, n° 188-190 et de Gallien (Id., Gallien, IV, n° 902-903) ; la légende Pacator Orientis n’est attestée pour aucun autre empereur.
[89] Vers 221, au moment de la bataille décisive qui mit fin à l’Empire arsacide, Sapor avait déjà l’âge d’homme Th. NOELDEKE, Geschichte der Perser und Araber, pp. 14-15, not. 1 ; — Cf. Id., Aufsütze zur Persischen Geschichte, p. 92. — Sapor mourut entre le 14 septembre 272 et le 13 septembre 273 (Geschichte der Perser und Araber, p. 434 ; Aufsütze, p. 95.
[90] Vita Aureliani, 30, 4.
[91] ZOSIME, I, 60. Peut-être ce Marcellinus est-il identique à Aur(elius) Marcellinus V(ir) P(erfectissimus) dux duc(enarius), mentionné sur l’inscription de Vérone, relative à la reconstruction de l’enceinte par Gallien, en 265 (C. I. L., V, 3329 : insistente Aur. Marcellino, v. p. duc. duc). — Marcellinus reçut le titre de préfet de Mésopotamie sans que la province, dans son ensemble, eût été effectivement reconquise. Elle ne devait l’être qu’en 283, sous Cyrus.
[92] Voir sur la question A. VON DOMASZESKI, Die Verwaltung der Provinz Mesopotamien (Wiener Studien, IX, 1881, pp. 291-299).