L'ÉPOPÉE HOMÉRIQUE EXPLIQUÉE PAR LES MONUMENTS

L'ÉPOQUE HOMÉRIQUE. — II. LE COSTUME

CHAPITRE XII. — LE COSTUME DES HOMMES.

 

 

Le costume ordinaire des hommes[1] se composait du chiton et d'un manteau qui s'appelle généralement chlaïna, souvent pharos[2] et qui correspondait à ce vêtement auquel les Grecs donnèrent plus tard le nom d'himation[3]. Les verbes dont les poètes se servent (δύω, δύνω, ένδύω, ένδύνω)[4] pour indiquer la manière dont on mettait le chiton, indiquent une sorte de chemise dans laquelle on se laissait glisser. Il n'est dit nulle part que le chiton ait été attaché au moyen d'agrafes (περόνη, πόρπη, ένετή)[5] ; il est donc probable qu'il était simplement maintenu par les coutures. Il faisait donc partie du costume que les Grecs de l'époque ultérieure désignaient comme étant ionien et qui se distinguait du costume dorien parce qu'il n'avait point besoin d'agrafes. Il semble en outre (si toutefois il est permis de tirer cette conclusion de l'Épopée) que le chiton de cette époque était fait d'une toile caractéristique de la mode ionienne. Nous avons vu dans le chapitre précédent que la description du chiton d'Ulysse se précipitant dans Troie ainsi que l'épithète σιγαλόεις et peut-être aussi νηγάτεος qualifiant dans d'autres passages le chiton, supposaient une surface brillante que n'ont pas les étoffes de laine ; nous avons montré que les chitons luisants d'huile des danseurs figurés sur le bouclier d'Achille n'étaient possibles que s'ils étaient en étoffe de lin. A cela, il faut ajouter cette remarque importante que l'Épopée ne mentionne nulle part un chiton bariolé. C'est tout naturel si le chiton était, en toile ; on sait, en effet, que le fil de lin s'assimile mal les couleurs[6] et, par suite, ne se prête guère à la teinture. C'est pourquoi les Orientaux comme les Grecs anciens avaient généralement le bon goût de laisser à la toile le ton éclatant du lin blanchi. Enfin il nous faut revenir encore une fois sur l'étymologie du mot χιτών. Ce mot, nous l'avons vu plus haut, est formé d'un substantif sémitique, qui indique un surtout de lin ; les Grecs avaient emprunté le mot et la chose aux Orientaux bien avant Homère. Si ces vêtements importés étaient en toile, il est probable que les Grecs, en les imitant, se servirent d'abord du même genre d'étoffes : c'est d'autant plus vraisemblable que les Grecs s'entendaient fort bien depuis longtemps à travailler le lin. Par conséquent, plus un chiton était ancien et plus il est permis d'affirmer qu'il était en toile.

Les poètes de l'Épopée, en décrivant les toilettes de femmes, parlent de la ceinture[7] ; mais ils ne la mentionnent jamais quand il s'agit du costume masculin. Dans un seul endroit[8] il est dit qu'un homme, occupé chez lui, se ceint les reins : c'est Eumaios, au moment où il sort de sa maison pour saigner deux porcs. Il semble donc que les hommes portaient le chiton sans ceinture et ne la passaient autour des reins que quand ils avaient un travail fatigant à faire. Dans les plus anciennes sculptures grecques le chiton, surtout le chiton long, apparaît généralement sans ceinture[9]. La ceinture était, au contraire, de rigueur dans la lutte et dans le pugilat : l'Épopée nous le dit très clairement[10]. Nous parlerons dans le chap. XXI du ceinturon qui faisait partie de l'équipement guerrier.

Le chiton était de différentes longueurs. Ceux que portaient les guerriers sous la cuirasse ne couvraient même pas complètement le haut des cuisses : cela ressort des vers de l'Iliade[11] qui nous affirment que les cuisses, les mollets et les chevilles de Ménélas, frappé au travers de la ceinture, sont inondés de sang, comme de l'ivoire qu'une femme de Mœonie ou de Carie aurait teint en rouge. Mais rien ne nous oblige à admettre que ce chiton court faisait exclusivement partie du costume guerrier et jamais du costume ordinaire. L'Épopée ne dit nulle part que les héros en s'armant[12], changeaient de chiton, il est donc très probable que les guerriers mettaient leur cuirasse par-dessus le chiton qu'ils avaient sur eux. Tout porte à croire qu'Ulysse, assistant aux jeux des Phéaciens, était vêtu de ce chiton court ; car, si ce vêtement avait dépassé les genoux, Laodamos n'eût pas été à même d'apprécier la forme des cuisses du héros[13]. Il en est de même de Télémaque qui s'assied sur son lit pour ôter son fin chiton[14] ; il est évident, en effet, qu'il eût été obligé de rester debout pour ôter un vêtement descendant jusqu'à la cheville. Il est vrai que le premier chant de l'Odyssée où se trouve ce passage est dû à un poète compilateur peu habile qui composa l'Odyssée avec plusieurs autres poésies anciennes[15]. Nous n'avons cependant pas le droit de le déclarer absurde, ce qui serait le cas s'il avait représenté un acte absolument impossible.

Mais en dehors du chiton court qui ne couvrait pas entièrement le haut des cuisses, on portait aussi, en temps de paix, un chiton un peu plus long. Eurykleia ne remarque la cicatrice qu'a Ulysse au-dessus du genou, qu'au moment où elle lui lave les pieds[16] ; Ulysse montre aux deux bergers cette cicatrice en écartant le vêtement qui la recouvre[17] ; les prétendants n'aperçoivent les fortes cuisses d'Ulysse que lorsque celui-ci se ceint pour lutter avec Iros[18]. Par conséquent, le chiton que portait le héros métamorphosé en mendiant[19] devait descendre tout au moins jusqu'aux genoux. Autrement la partie supérieure des cuisses et la cicatrice qui s'y trouvait eussent été visibles avant. Il ne faudrait pas en conclure que ce vêtement recouvrait entièrement les jambes. Nous serons plutôt dans le vrai si nous admettons un chiton descendant un peu au-dessous des genoux et tel, par exemple, que le portent les quatre figures d'hommes gravées sur une cuirasse de bronze qui a été trouvée dans l'Alphée[20]. La plupart des savants anciens et modernes veulent voir un vêtement long jusqu'à la cheville dans le χιτών τερμιόεις qui est mentionné une fois dans l'Odyssée[21] et une autre fois dans les Œuvres et les jours d'Hésiode (537) : ici le poète engage les paysans à se vêtir l'hiver d'une chlaïna moelleuse et d'un χιτών τερμιόεις. Toutefois cette explication repose sur une base bien fragile, notamment sur un prétendu substantif τέρμις qui aurait signifié le pied et qui pourrait bien avoir été inventé précisément en vue de cette explication. Nous croyons beaucoup mieux fondée l'hypothèse de Düntzer[22] développée par Studniczka[23] et appuyée sur ce fait que le mot Tipu.cc, employé dans la langue ultérieure pour les vêtements, signifie rayure ou bande. Par suite τερμιόεις, par analogie avec τειχίόεις, θυσανόεις, etc., signifierait pourvu d'une ou de plusieurs bandes et le χιτών τερμιόεις indiquerait un chiton dans lequel la ou les bandes sautaient aux yeux. Cette épithète s'appliquerait donc à un chiton de lin orné en haut comme en bas d'une triple rayure. Studniczka suppose ici une bordure entourant l'ouverture du cou et telle qu'on la reconnaît généralement sur le chiton ionien de lin, bordure qui n'était peut-être pas un simple ornement, mais servait en même temps à réunir et à maintenir les plis nombreux d'un vaste vêtement[24].

Le chiton long, tel que le portaient exclusivement plus tard les Ioniens, est mentionné clairement dans un passage de l'Iliade[25]. Parmi les peuplades achéennes qui résistent à Hector s'avançant vers les vaisseaux, sont nommés aussi les Ioniens tramant après eux le chiton (Ίάονες έλκεχίτωνες) : il résulte de ce qui suit que ces Ioniens étaient des Athéniens conduits par Ménestheus. L'épithète ici n'est pas heureusement choisie, car il est impossible que les guerriers grecs aient jamais guerroyé vêtus de chitons longs. C'est aux commentateurs d'Homère à déterminer l'âge de ces vers. Comme un Athénien n'aurait jamais donné le nom d'Ioniens à ses compatriotes[26], ils ne peuvent être une de ces interpolations introduites dans l'Épopée, du temps de Pisistrate par les littérateurs athéniens. Ils paraissent être beaucoup plus anciens ; ils doivent être l'œuvre d'un habitant de l'Asie Mineure qui comptait les Athéniens au nombre des Ioniens et qui, en donnant à ces guerriers l'épithète de έλκεχίτωνες, était fier de son costume national ; mais il a exprimé ce sentiment de fierté bien mal à propos. Il convient d'ajouter à ce passage une description de l'Hymne à l'Apollon Délien, un poème dont le fond remonte sans aucun doute à une époque relativement lointaine. Le poète parle à la fin des fêtes célébrées à Délos en l'honneur d'Apollon ; il nous montre à cette occasion les Ioniens aux chitones traînants affluant de toutes parts avec leurs femmes et leurs enfants[27]. Mais nous sommes obligés de laisser également aux savants commentateurs d'Homère le soin de déterminer la date de ce passage.

Il faut attacher la plus grande importance à une description qui revient deux fois dans l'Iliade et qui certainement fait partie de l'ancien fond de l'Épopée. Studniczka[28] a su en apprécier toute la valeur. Lorsqu'Athèna s'arme pour le combat, elle laisse glisser son peplos et revêt le chiton de Zeus, assembleur de nuages[29]. Si le poète et ses auditeurs se représentaient Zeus avec un chiton court, il faudrait supposer qu'Athèna était vêtue du même costume. La jeune déesse, représentée de la sorte, c'est-à-dire avec un vêtement laissant à nu les cuisses, c'eût été un contraste frappant avec la manière ordinaire de s'habiller des femmes et des jeunes filles grecques[30]. Cette contradiction disparaît si nous admettons que Zeus et par suite aussi Athèna portaient un chiton long. L'usage de ce vêtement semble donc remonter jusqu'à la période florissante de l'Épopée.

Toutefois cette mode était limitée et subordonnée à certaines conditions qui ressortent de l'étude des plus anciens monuments grecs.

Il est impossible de démontrer que le chiton long ait jamais été le costume ordinaire d'une peuplade grecque quelconque ; bien plus, on peut en nier l'emploi, du moins pour les époques sur les mœurs desquelles nous sommes renseignés par les monuments. Il est certain que les hommes mûrs comme les jeunes gens, chaque fois qu'ils avaient besoin de se mouvoir à l'aise, soit à la guerre, soit à la chasse, soit dans les exercices corporels, ne portaient jamais le chiton long. Les vases à ornements géométriques ne nous ont révélé jusqu'à ce jour qu'un seul exemple de ce costume : il est peint sur une amphore qui provient d'un tombeau découvert sur le versant occidental de l'Hymette : conformément au type de l'art grec ultérieur, il nous montre un conducteur de char habillé d'un long vêtement[31]. Au contraire, le chiton long ne se retrouve ni sur les anciens vases de Mélos[32] ni sur ceux de Rhodes[33]. Mais cela peut être un simple hasard ; car sur les exemplaires actuellement connus, à part un Apollon citharède[34] d'un vase de Mélos, on ne rencontre aucune des figures dont le chiton long de l'art ultérieur soit le vêtement caractéristique.

Le chiton long était en usage chez les Ioniens de l'Asie Mineure, où l'Épopée parvint à son entière floraison ; la preuve la plus ancienne que nous ayons de cet usage, c'est la série des figures plus grandes que nature qui étaient rangées le long de la route conduisant du port de Milet au temple de l'Apollon didyméen[35]. Il y a dans le nombre plusieurs portraits d'hommes habillés du chiton long. On peut déterminer approximativement la date où fut sculptée une de ces statues qu'une inscription désigne comme étant une offrande de Charès, souverain de Teichioussa[36]. Elle doit dater d'une époque postérieure aux débuts de la domination persique qui facilita l'éclosion de ces petits despotes, mais antérieure à l'insurrection ionienne qui détruisit pour longtemps le bien-être des Milésiens ; par conséquent, on peut la placer entre 546 et 500[37] avant Jésus-Christ. Mais son style très archaïque nous autorise à admettre la première plutôt que la seconde de ces dates. Parmi les autres figures d'hommes qui ont été trouvées sur cette route, il en est une qui semble contemporaine de celle de Charès[38], deux autres sont sans doute plus récentes[39]. Une quatrième[40] où les plis des draperies sont grossièrement indiqués par des lignes creusées au ciseau dénote un style plus primitif. Il faut, en outre, ajouter à cette catégorie le Dionysos vêtu d'un long chiton, qui figure sur la coupe de Phineus[41] trouvée près de Vulci, laquelle semble avoir été faite dans une fabrique ionienne vers la deuxième moitié du sixième siècle.

Le chiton long apparait très rarement sur les vases de Chalcis[42]. On le voit porté par Minos qui assiste au combat entre Thésée et le Minotaure[43], par un vieillard (Polybos) regardant une sortie de guerriers[44], ainsi que par Mopsos et deux vieillards qui assistent avec lui à la lutte entre Pelée et Atalante[45]. Sur un quatrième exemplaire, Adraste reposant sur une klinè semble aussi vêtu d'un chiton long[46], bien qu'on ne puisse pas l'affirmer, car un manteau couvre la partie inférieure du corps.

Parmi les vases attiques qui appartiennent à la période la plus ancienne du style à figures noires, il faut examiner surtout le vase François, le plus remarquable par la richesse de la décoration[47]. Le peintre a revêtu du chiton long tous les dieux qui arrivent pour complimenter Pélée et Thétis au sujet de leur mariage. Dans le nombre, on reconnaît distinctement Zeus, Dionysos, Hermès, Arès, Héphaïstos et Nereus[48]. En outre, le fiancé Pélée semble, dans cette scène, porter un long vêtement. Le même costume a été adopté pour Priam et Anténor dans la zone représentant la fuite de Troïlos, et pour Thésée dans le χορός qu'il mène avec ceux qu'il a sauvés. Sur les autres vases attiques du même genre, Zeus[49], Poséidon[50], Dionysos[51] et Apollon[52], dans quelque situation qu'ils soient représentés, sont toujours habillés de ce chiton. Enfin on le voit chez les hommes d'un âge avancé, qui ne s'occupent plus de luttes ni d'exercices corporels[53], sur ceux qui prennent part à des festins ou apportent des offrandes, sur les joueurs de flûte[54], les conducteurs de chars qui maîtrisent les chevaux dans les combats ou dans la carrière[55], ainsi que sur les juges des combats[56]. Sur la coupe d'Archiklès et Glaukytès[57] il est porté par les jeunes Athéniens qui-assistent à la lutte de Thésée contre le Minotaure. Hermès n'en est vêtu que dans certains cas, une fois dans la naissance de Pallas[58], une autre fois dans la délivrance de Prométhée[59], une troisième fois dans l'attaque de Troïlos[60]. Il faut, en outre, mentionner ici une statue vêtue d'un long chiton de pourpre et trouvée récemment dans l'Acropole d'Athènes : ce doit être le portrait d'un Athénien de distinction de la seconde moitié du sixième siècle[61].

Si maintenant nous passons à l'examen des monuments de la civilisation dorienne, nous remarquons que les bas-reliefs archaïques qui se trouvent sur le territoire de Sparte représentent toujours le défunt héroïsé vêtu d'un chiton long[62]. Studniczka a montré que l'idole de l'Apollon amycléen était habillée de même[63]. Sur les vases corinthiens et les tablettes votives (pinakes), on le retrouve dans les mêmes conditions que sur les vases de Chalcis et sur les anciens vases attiques. Ici également le chiton long est le vêtement typique de Poséidon[64], des hommes d'un âge avancé[65], des convives dans les festins[66], des conducteurs de chars[67] et des joueurs de flûte[68]. C'est aussi celui des demi-dieux qui assistent aux jeux funéraires de Pelias[69], d'Hadès[70] et, sur le vase de Thersandros[71], celui d'Agamemnon qui, le sceptre à la main, assiste à une chasse au sanglier, sans y prendre part.

Enfin il est nécessaire de ranger dans cette catégorie le groupe de vases peints dont l'exemplaire le plus remarquable est la coupe d'Arcésilas. Tout porte à croire que ces vases ont été fabriqués à Cyrène ; en tout cas, les inscriptions indiquent une fabrique dorienne[72]. Sur cette coupe[73] on voit, vêtus du chiton long, le roi Arcésilas et le fonctionnaire qui surveille les porteurs de sacs de silphium ; sur d'autres exemplaires, Zeus[74] et un citharède[75]. Si tous les vases de cette espèce étaient publiés ou exactement décrits, on trouverait peut-être d'autres exemples du même costume[76].

Les résultats qui ressortent de cette revue concordent parfaitement avec les renseignements mentionnés plus haut, que donne Thucydide[77] sur l'histoire de l'ancien costume d'hommes grec, et complètent en même temps ces données sur plusieurs points. L'historien athénien signale le chiton de lin comme caractérisant des mœurs plus douces qui naissent avec l'organisation municipale des villes : les monuments que nous venons de parcourir témoignent que ce vêtement n'est autre que le chiton long, qui nous occupe actuellement. Le récit de Thucydide permet de supposer que ce costume avait été également introduit à Lacédémone. Voilà pourquoi nous trouvons le chiton long non seulement sur les monuments ioniens, mais encore sur ceux de la civilisation dorienne, notamment sur des bas-reliefs de Sparte, sur l'idole de l'Apollon amycléen, sur des vases corinthiens et sur les vases de l'espèce de la coupe d'Arcésilas. De plus il résulte de tout ce que nous venons de dire que, chez les Ioniens comme chez les Athéniens et chez les Doriens, l'usage de ce costume était subordonné à certaines conditions. Le chiton long est d'abord le vêtement des hommes d'âge et de condition élevée, catégorie à laquelle appartiennent aussi Zeus, Poséidon et Hadès par l'âge et le rang qu'ils occupent parmi les dieux[78]. C'est un fait qui concorde avec les données de Thucydide, lequel dit que ce vêtement était celui des πρεσβύτεροι τών εύδαιμόνων. L'étude des monuments nous montre, en outre, que le chiton long était porté indistinctement par les hommes jeunes ou vieux dans les fêtes et les cérémonies : tel est le cas du vase corinthien où les héros assistant aux jeux funéraires de Pélias sont tous vêtus de longs habits ; tel aussi et à un degré plus caractéristique encore celui du vase François, où tous les dieux, y compris Arès, Héphaïstos et Hermès[79] sont vêtus de longs chitons, bien que les deux premiers de ces dieux et même Hermès, sauf de rares exceptions[80], portent généralement le chiton court. Si donc ce chiton était un vêtement de fête, il semble tout naturel que les Ioniens et les Athéniens se soient fait représenter avec ce costume ; les premiers quand ils offraient leur portrait à l'Apollon didyméen, les autres quand ils l'offraient à la déesse de l'Acropole ; il est donc tout naturel que ce vêtement ait été adopté par tous ceux qui de près ou de loin touchaient au culte, tels que prêtres[81], citharèdes, joueurs de flûte, conducteurs de chars, et cela aussi bien avant la période classique que plus tard. Enfin il est logique que le chiton long soit resté le vêtement caractéristique de la tragédie pour une série de rôles[82].

Sauf les cas spéciaux que nous venons de mentionner, l'art archaïque emploie partout le chiton court. Ce fut le costume de tous les jours des jeunes gens et des hommes mûrs, quand ils avaient besoin de se mouvoir librement, soit au combat, soit à la chasse, soit à la gymnastique ou à l'atelier[83]. Les très rares indications qu'on trouve clans l'Épopée sur le chiton permettent d'en tirer la même conclusion. Les guerriers et, en temps de paix, le jeune Télémaque, sont court vêtus. Par contre, les poètes semblent s'être figuré Zeus, comme le plus important des dieux, avec un chiton descendant jusqu'à la cheville, tel que le portaient les anciens Ioniens de distinction. Si le poète appelle Ίάονες έλκεχίτωνες les Athéniens combattant contre Hector, ce n'est pas qu'il ait traduit ce qu'il avait constamment sous les yeux, les soldats de son pays et le costume national ordinaire : il songeait tout simplement au costume des Ioniens de distinction ou à une solennité ionienne. Il est probable que, dans son imagination, il croyait voir le tableau que signale le poète de l'hymne à Apollon, mentionnant l'assemblée solennelle de Délos[84], ou Asios[85] décrivant la fête d'Héra où les Samiens couvraient au loin le sol avec leurs chitons blancs comme neige.

Dans deux endroits de l'Iliade, le vêtement sous la cuirasse est appelé στρεπτός χιτών[86]. Cette épithète semble indiquer que les fils étaient fortement tordus, ce qui donnait à l'étoffe une apparence de frisure qu'on remarque souvent dans les chitons ioniens de lin sur les monuments. On peut donc la traduire, avec Studniczka[87], par bien fourni de fil. D'aucuns ont voulu voir dans le στρεπτός χιτών une cuirasse chaînée ; nous réfuterons cette opinion dans le chapitre XXI.

Dans un passage de l'Odyssée[88] le chiton court des guerriers est désigné par le mot ζώμα : cette désignation a déjà été reconnue par un ancien commentateur[89] et, parmi les modernes, par Studniczka[90]. Ulysse métamorphosé en mendiant raconte à Eumaios qu'il était un jour couché devant Troie, en embuscade, avec Ulysse et Ménélas ; pendant la nuit, il commença à geler ; ses camarades, vêtus d'un chiton et d'une chlaïna, dormirent tranquillement ; quant à lui, il avait eu l'imprudence de laisser sa chlaïna au camp, car il ne s'attendait pas au froid et était partis σάκος οΐον έχων καί ζώμα φαεινόν. Comme le froid augmente d'intensité vers le matin, il dit à Ulysse qu'il a peur de geler, car il n'a point de chlaïna, mais seulement un chiton ; il ajoute qu'à la fin il s'appropria la chlaïna de Thoas. La conclusion logique de ce récit c'est que ζώμα est ici synonyme de χιτών. Il se peut que le mot ζώμα ait été employé d'abord pour désigner la cotte que les Grecs portaient sous la chlaïna avant d'avoir adopté le chiton. Il est permis de supposer qu'on s'est servi du même mot pour désigner à l'occasion le chiton serré par une ceinture qui, avec le temps, remplaça cette cotte, désignation très plausible quand il s'agissait d'une cotte d'armes très courte.

Ce que nous venons de dire du ζώμα peut sans doute aussi s'appliquer à la ζώστρα, mentionnée dans un passage de l'Odyssée[91]. Athèna ordonne à Nausicaa de demander à Alcinoüs une voiture pour envoyer les vêtements au blanchissage[92].

Nous voyons mentionnés dans ces vers les principaux vêtements de femmes[93]. D'autre part, dans les vers qui précèdent, Athèna pense aux habits dont le futur époux de Nausicaa pourrait avoir besoin. Nausicaa, de son côté, aussitôt qu'elle a transmis à Alcinoüs la demande d'Athèna, rappelle qu'il faudrait pour elle-même et pour ses cinq sœurs, à elle, un grand choix de vêtements bien blanchis[94] ; plus tard, elle prend parmi les vêtements qu'elle a apportés sur le rivage un chiton et un manteau qu'elle donne à Ulysse[95]. Il y avait dans cette garde-robe des vêtements d'homme, et le mot ζώστρα est le seul qui, suivant le scholiaste, puisse se rapporter aux chitons.

Les Grecs ayant, comme nous l'avons vu plus haut, emprunté le chiton à l'Orient, une question importante pour l'histoire du style, se pose, à savoir : ont-ils en même temps que ce vêtement adopté les procédés d'apprêtage qui étaient usités chez les Orientaux ?

L'art de tuyauter la toile, de la plisser au moyen de l'empesage ou du repassage remonte en Orient à la plus haute antiquité. Il était connu des Égyptiens dès l'an 4000 avant J.-C. : car le schenti de lin de Snefrou, premier roi de la quatrième dynastie, sur le bas-relief de Maghara, dans la presqu'île de Sinaï[96], semble artificiellement plissé. Il en est de même du long vêtement de lin (peut-être la kalasiris d'Hérodote)[97], que les Pharaons et leurs grands dignitaires avaient l'habitude de porter dans les circonstances solennelles dès la 18e dynastie, c'est-à-dire dès le dix-septième siècle avant J.-C.[98]. Les très anciens monuments chaldéens, plusieurs cylindres[99], un portrait d'homme[100], et deux figures de femmes assises trouvées à Tello[101] prouvent que cette manière d'apprêter la toile fut de très bonne heure familière à la population de la Mésopotamie. Nous trouvons sur des monuments phéniciens des vêtements de lin artificiellement drapés[102]. Telle est aussi la draperie du schenti d'une figure d'homme du bas-relief en basalte trouvé près d'Ascalon et qui représente probablement un roi moabite[103]. Dans les sculptures grecques, on ne rencontre les draperies conventionnelles qu'à une époque relativement tardive. Parmi les plus anciennes que nous connaissions à ce jour et où elles sont faciles à reconnaître, il faut citer deux statues assises de Milet : celle de Charès[104], dont l'exécution, nous l'avons dit, date à peu près de l'année 546 avant J.-C., et un portrait qui s'en rapproche beaucoup par le style[105]. Les longs chitons, de lin probablement, dont les deux figures sont vêtues montrent sur la face antérieure une bande formée de petits plis verticaux, bande qui descend de l'ouverture du cou jusqu'au bas du vêtement. Sur deux autres sculptures également fort anciennes, une statue d'Héra trouvée à Samos[106] et une figure de femme assise découverte en Attique[107], le chiton offre partout des plis verticaux ; cette disposition revient très fréquemment sur les statues et les bas-reliefs du style archaïque avancé. Dans les peintures de vases, nous voyons les premiers essais plus ou moins heureux de vêtements de ce genre sur les vases les plus récents à figures noires : quant à ceux à figures rouges, les artistes y sont en possession de tous les moyens d'expression, et les chitons artificiellement plissés y paraissent presque exclusivement pendant la période archaïque. Mais si la plissure artificielle ne parait point dans la sculpture grecque avant le sixième siècle, il ne s'en suit pas que les Grecs ne connaissaient point ce procédé dès la plus haute antiquité. Le caractère individuel ne commence à se développer dans la plastique grecque qu'avec le sixième siècle ; il a fallu certainement une longue période d'observation et d'exercices préparatoires avant que les sculpteurs se soient hasardés à traduire ces motifs en marbre. Quant aux peintres céramistes, ils étaient, jusqu'à la période des vases à figures noires, très sobres dans la reproduction des détails ; ils ne se souciaient pas de les reproduire, car étant donnée la petitesse des figures à peindre, ils se seraient heurtés à de grandes difficultés. Mais dès que les peintres et les sculpteurs surent tenir compte des détails, ils ne tardèrent pas à mettre cette aptitude à profit et à représenter des vêtements artificiellement drapés. Il n'est pas téméraire d'avancer que ce procédé était connu des Grecs bien avant que leurs artistes aient pu le traduire ; ils ont dû le connaître en même temps que le chiton de lin oriental. Si tout ce que nous venons de dire est exact, le chiton homérique ressemblait à ces vêtements à plis artificiels, que l'on voit dans les anciennes sculptures orientales et dans les sculptures grecques archaïques.

Les Grecs des temps homériques ne portaient le chiton seul qu'à la maison. Quand ils allaient sortir, ils mettaient, par-dessus, un manteau qui s'appelle généralement chlaïna, quelquefois pharos. L'expression έπί στιβαροΐς βάλετ' ώμοις[108], il le (le manteau) jeta sur ses fortes épaules vise le port du manteau dit symétrique qui consistait en ce que les deux bouts de la pièce d'étoffe oblongue, jetée sur les épaules, retombaient en longueur égale sur le devant du corps ; cette disposition, sans être la seule, est une des plus usitées dans les monuments archaïques de l'art grec[109]. Cette disposition explique l'épithète έκταδίη[110] appliquée une fois à la chlaïna de Nestor. Elle signifie que l'étoffe souple et bien tendue enveloppe les épaules du héros. Extensible est, à notre avis, le mot qui traduirait le mieux cet adjectif[111].

Le substantif χλαΐνα semble dérivé du radical χλι qui signifie réchauffer[112] et par conséquent fait partie du verbe χλιαίνω[113]. Cette dérivation concorde bien avec le but auquel la chlaïna semblait destinée dans le costume grec ainsi qu'avec les qualificatifs άνεμοσκεπής[114], άλεξάνεμος[115] et autres qui sont appliqués à ce vêtement dans l'Épopée[116]. La χλαΐνα était un vêtement chaud fait de laine de brebis ; en parlant de celle de Nestor, le poète dit qu'elle était couverte de touffes de laine crépue[117] ; l'adjectif οΰλη, crépue, est d'ailleurs souvent employé pour la chlaïna. Les manteaux de cette sorte étaient couverts non seulement de divers motifs d'ornements, mais aussi de dessins de figures. C'est un point sur lequel nous reviendrons plus tard ; pour le moment, il suffit de dire que cette décoration, possible sur la laine, était incompatible avec les procédés de fabrication de la toile.

Il y avait deux sortes de χλαΐναι : les simples et les doubles, comme on voit sur les monuments des manteaux grands et petits[118]. Les premières s'appellent άπλοΐδες χλαΐναι[119] ; la seconde sorte[120] est désignée par le terme χλαΐνα διπλή ou par le multiplicatif[121] δίπλαξ[122]. Les deux dernières dénominations s'expliquent moins par les dimensions doubles du vêtement que par la manière dont on le portait et sur laquelle nous sommes renseignés par un passage de l'Odyssée[123]. Le jeune berger sous les traits duquel Athèna apparaît à Ulysse porte sur les épaules une λώπη à doubles plis et bien ouvragée. Évidemment ici λώπη, comme plus tard λώπος, est une expression générale que le poète a employée pour désigner le manteau habituellement appelé χλαΐνα[124]. Comme l'indique l'adjectif δίπτυχος, l'étoffe était pliée en deux sur les épaules. Ainsi donc la χλαΐνα διπλή ou la δίπλαξ était un vaste manteau qui, suivant les besoins, pouvait être porté dans toute son étendue ou réduit aux dimensions d'une chlaïna simple[125]. Cette dernière disposition était usitée notamment lorsqu'on avait besoin de se mouvoir librement. Elle est facile à reconnaître sur plusieurs sculptures archaïques[126] et, entre autres, sur l'Oinomaos du fronton Est d'Olympie[127], statue qui mérite ici une attention toute particulière, car le manteau y est posé symétriquement, selon le mode indiqué dans l'Épopée.

La chlaïna était attachée au moyen d'une agrafe[128]. Mais on ne saurait affirmer qu'on la portait toujours agrafée, car on trouve, sur les monuments archaïques, des manteaux tour à tour agrafés ou simplement jetés sur les épaules. En tout cas la chlaïna, devait être forcément attachée quand on voulait avoir l'usage libre de ses bras. Ce n'est donc pas par hasard que l'Épopée mentionne, dans deux endroits[129], une χλαΐνα διπλή fixée par une agrafe, c'est-à-dire un manteau qui, recouvrant deux fois les épaules, laissait toute la liberté des mouvements.

Dans plusieurs passages de l'Épopée où les agrafes ne sont point mentionnées, l'ensemble du récit en fait supposer l'existence. Lorsqu'Eumaios se dispose à faire la garde la nuit, il s'habille d'une chlaïna et met une peau de chèvre par-dessus[130]. Ulysse déguisé en mendiant est vêtu d'un chiton, d'un manteau en guenilles et d'une peau de cerf[131]. Dans les deux cas, le manteau était forcément agrafé, sans quoi il se serait dérangé sous la fourrure au moindre mouvement. Il en est de même du manteau que portait Ulysse lorsque, congédié par Calypso, il chercha à gagner sa patrie sur un radeau[132]. Les vêtements parfumés dont Calypso revêt le héros avant son départ et qui l'empêchent de nager[133], lorsque le radeau se disjoint, sont naturellement un chiton et un manteau. Un manteau simplement jeté sur les épaules aurait nécessairement glissé pendant les mouvements que faisait Ulysse pour s'occuper des voiles et du gouvernail. Le manteau était donc agrafé comme plus tard le palliolum des bateliers[134]. La place de l'agrafe dépendait, bien entendu, de la manière dont on mettait le manteau. Étant donnée la disposition symétrique du vêtement telle qu'elle est indiquée dans l'Épopée, l'agrafe devait se trouver au milieu du bord supérieur, sur la poitrine.

Les couleurs mentionnées de la chicana sont le rouge[135] et le pourpre[136]. Cette dernière couleur qui est celle du manteau d'homme nommé φάρος[137], des couvertures[138], des draps[139] et du ballot de Nausicaa[140], rappelle l'influence orientale, car on sait que les Grecs connurent la pourpre par l'intermédiaire des Phéniciens[141]. Mais les contemporains des poètes épiques ne furent pas les seuls à aimer la pourpre ; cette couleur est un de ces éléments orientaux que les Grecs de l'époque classique surent s'assimiler et conserver.

La grande diplax était souvent ornée de dessins. Andromaque a parsemé un vêtement semblable à fond de pourpre d'ornements que le poète appelle θρόνα ποικίλα[142]. Le mot θρόνα semble avoir signifié primitivement herbe, plante ou tige de blé[143] ; les poètes ultérieurs s'en servent pour désigner des plantes salutaires ou vénéneuses[144] ; enfin Hesychios et les scholiastes traduisent ce substantif par άνθη, fleurs[145]. On pourrait donc croire que cette diplax était couverte d'ornements semblables à ceux qu'on rencontre sur les vases qui proviennent des tombes en puits de Mycènes et d'autres localités analogues[146]. Mais l'objection qui se présente ici, c'est qu'on ne trouve nulle part, sur les vêtements, d'ornements de ce genre. On serait peut-être mieux fondé à supposer que c'étaient des ornements en forme de rosettes, comme on en voit sur un chiton de la cuirasse trouvée dans l'Alphée et qui a déjà été maintes fois mentionnée. Mais les costumes figurés dans les monuments de l'art grec archaïque n'offrent généralement qu'une ornementation géométrique et rarement végétale[147]. Cette dernière correspondait d'ailleurs beaucoup moins que la première aux conditions de la fabrication primitive. En outre, on a fait remarquer bien souvent que l'expression άνθινά ίμάτια et autres semblables que l'on rencontre dans la langue ultérieure ne s'appliquent pas nécessairement à des motifs exclusivement végétaux[148]. Nous conseillerions donc de prendre le mot homérique θρόνα dans une acception plus vaste et de l'interpréter comme signifiant aussi motifs géométriques.

Hélène orna une diplax à laquelle elle travaillait, de figures représentant les combats entre Troyens et Achéens[149], travail dont nous avons apprécié, dans le chapitre V, toute l'importance au point de vue de l'histoire de l'art. L'usage de couvrir les manteaux d'ornements figurés étonne moins quand on réfléchit que ces vêtements étaient alors portés droits ; l'étoffe retombant dans le dos sur un plan bien vertical, on voyait distinctement toute la décoration dont elle était rehaussée.

Et maintenant en quoi la chlaïna diffère-t-elle du pharos ? L'Épopée établit une double différence. La chlaïna est portée non seulement par des personnages de distinction, mais aussi par des gens de basse condition, tels que porchers[150] et leurs compagnons[151] et par les domestiques des prétendants[152] ; le pharos, au contraire, est le vêtement des rois. De plus, il devait être beaucoup plus vaste que la chicana, car il est souvent accompagné de l'épithète μέγα grand[153] qu'on ne trouve jamais appliqué à la chlaïna. Il est une troisième différence probable, signalée par Studniczka[154]. La chlaïna semble avoir été faite de laine de mouton, le pharos en toile. Les poètes emploient le mot φάρος non seulement pour le manteau d'homme qui nous. occupe actuellement, mais aussi pour des vêtements de femme[155] et pour différentes pièces de tissus, telles que langes[156], linceuls[157] et voiles de navires[158]. Par conséquent, ce terme désignait primitivement des morceaux d'une certaine étoffe et fut appliqué plus tard aux vêtements et aux pièces qui en étaient faits. Cette étoffe ne peut avoir été que la toile ; la toile seule, en effet, se prêtait à la confection des voiles marines. Il est évident, d'autre part, que des langes lisses de toile étaient mieux appropriés que la laine rugueuse pour emmailloter les nouveau-nés. Nous avons déjà dit, dans le chap. XI, ce qu'il fallait penser des linceuls en général et en particulier de celui que Pénélope a tissé pour Laërte ; nous avons aussi expliqué le sens des épithètes άργύφεος, λεπτός et νηγάτεος. Il faut y ajouter l'épithète έΰπλυνής, bien lavé qui accompagne quatre fois le pharos d'Ulysse[159]. Or, le blanchissage ne confère, à part la propreté, aucun charme particulier à la laine ; cette épithète ne serait donc pas juste si on l'employait pour un manteau de laine. Elle est, au contraire, toute naturelle pour la toile qui devient, par le blanchissage, lisse et brillante. Parfois le »haros des hommes est qualifié de pourpre[160] ; mais cette qualification ne saurait empêcher que ce soit là un vêtement de lin. Simonide de Keos[161] mentionne, en effet, une voile rouge, et l'on sait que les marins albanais se servent encore aujourd'hui de voiles de cette couleur. De tout ce qui précède, il résulte que le pharos était un vaste manteau de lin, un vêtement de luxe que seuls les gens riches pouvaient se procurer ; étant donnée l'étoffe dont il était fait, il ne remplissait guère les conditions habituelles d'un vêtement de dessus qui est destiné à protéger le corps contre le froid.

Il nous reste à déterminer l'origine du mot pipe. Pendant que χλαΐνα semble être de formation purement grecque, il n'y a point d'étymologie satisfaisante pour le φάρος dans le trésor des langues indo-européennes. Les linguistes le font dériver de φέρειν[162], dérivation assez logique en apparence. Mais ce mot n'était pas exclusivement employé pour les vêtements ; il désignait aussi à l'origine, nous venons de le voir, des morceaux d'une certaine étoffe. D'autre part, il n'est guère probable que, pour des vêtements de luxe, comme les φάρεα, on ait formé un substantif avec le verbe φάρειν qui avait un sens tout-à-fait général et s'employait pour tous les vêtements, quels qu'ils fussent. Studniczka[163], à qui cette difficulté n'a point échappé, suppose donc que φάρος vient d'une langue étrangère. Il lui compare le vieux mot égyptien p(h)aar ou p(h)äär qui lui a été signalé par l'égyptologue Krall et qui signifiait le morceau d'étoffe dont on enveloppait les cadavres. Cette étoffe était de la toile, le rite funéraire qui était en usage dans la vallée du Nil ne laisse aucun doute à cet égard. Studniczka suppose que le mot grec est formé du mot égyptien et que l'île de Pharos, située près du delta du Nil, avait reçu ce nom parce qu'elle était connue des Grecs comme marché d'exportation des étoffes de ce nom. Les Grecs ont-ils emprunté les étoffes égyptiennes et le mot qui les désignait directement aux Égyptiens ou par l'intermédiaire des Sémites ? C'est à quoi Studniczka n'ose répondre catégoriquement. Il est cependant disposé à admettre la première hypothèse, car le nom de cette île n'était familier qu'aux Grecs, lesquels par suite ont dû l'inventer. Cette hypothèse cependant semble quelque peu hasardée, puisqu'on ne connaît guère d'exemple d'une contrée qui tiendrait son nom d'une marchandise d'exportation. De toute façon, l'analogie d'un ancien substantif égyptien, qui signifie un morceau de toile, avec le φάρος grec est digne d'attention. D'autres explications assez plausibles ont encore été données sur l'étymologie de ce mot. M. Siegmund Fraenkel en propose une sémitique. Voici ce qu'il nous écrit à ce sujet : En hébreu et en arabe il existe un radical áfar (àfar) qui signifie couvrir ; de là vient en hébreu afèr (I Rois, 20, 38), bandeau de tête (LXX τελαμών). Dans la langue araméenne sont formés du même radical : ùfrà (Bible. syr. Jud. 8, 27), traduction de l'hébreu éfôd, vêtement ; âfôra qui équivaut à κωνοπεΐον ; mà ferà, couvre-chef (d'où μαφύριον. Comparez Sachs, Beiträge zur Sprach-und Alterthumsforschung s. v.). Il faudrait supposer une racine fondamentale araméenne, comme é fâr(â), dont l'équivalent en arabe est gifâra, couverture (employé dans différents sens). L'objection qu'en araméen le mot a dû commencer par un g (Gajin) est réfutée par ce fait qu'en hébreu il commence par le son aspiré le plus faible (Alef). Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce son (à peine vocalisé) ait été abandonné en grec. C'est, bien entendu, aux philologues qu'il faut laisser le soin d'apprécier la valeur des étymologies proposées par Studniczka et par Fraenkel. Quoi qu'il en soit, nous sommes maintenant en droit de dire que φάρος est un mot dérivé et que les étoffes ou les vêtements qu'il désignait étaient importés de l'étranger en Grèce. Tout cela concorde parfaitement avec ce que nous avons dit plus haut, à savoir que le φάρος était un vêtement de luxe.

Une peau de bête remplaçait au besoin le manteau. Nous en avons surtout de nombreux témoignages dans la Doloneia, où Agamemnon et Diomède mettent une peau de lion, Ménélas une peau de panthère et Dolon une peau de loup[164]. Pâris va au combat armé d'un arc, d'une épée et de deux flèches avec une peau de panthère sur les épaules[165]. Si l'on peut tirer une conclusion d'une description épique, ces peaux étaient portées droit et symétriquement, comme les manteaux[166]. Il est probable que ces peaux ne tombaient pas librement dans le dos, mais étaient adhérentes au corps : telle est la peau du lion dont est recouvert Héraklès et les autres vêtements analogues d'autres figures sur les sculptures archaïques. Parmi les monuments grecs qui représentent ce costume, le plus ancien à notre connaissance est un vase peint à décorations géométriques, dont on a trouvé des fragments à Tirynthe[167]. Entre autres exemples, citons une figure d'Hermès du vase François, où la fourrure est maintenue près de la taille par deux broches en forme de palmettes[168] et un guerrier sur une coupe de Rhodes[169].

Les personnes de condition inférieure se contentaient de fourrures moins rares. Nous avons déjà mentionné plus haut la peau de chèvre d'Eumaios, pendant la garde de nuit[170] et la peau de cerf que portait Ulysse déguisé en mendiant, sur son manteau[171]. Hésiode conseille de porter des peaux cousues de chevreaux nouveau-nés pour se garantir l'hiver contre le froid[172]. D'après l'un des Hymnes[173], Pan, en sa qualité de dieu des champs, est vêtu de la peau d'un lynx.

 

 

 



[1] Les idées émises dans le présent chapitre s'appuient en partie sur les résultats auxquels est arrivé Studniczka, dans ses Beiträge zur Geschichte der altgriechischen Tracht, chap. IV, p. 55 et suiv.

[2] Iliade, II, 43, VIII, 221. Odyssée, III, 467, VI, 214, VII, 234, VIII, 84, 88, 392, 425, 441, XIII, 67, XVI, 173, XXIII, 155, XXIV, 277. Hymne VII, 5.

[3] Aristoph., av. 493 et 498 emploie indistinctement χλαΐνα et ίμάτιον comme synonymes. Voyez Becker, Charikles, III3, p. 184.

[4] Iliade, XVIII, 416, XXIII, 739. Odyssée, XV, 60. Iliade, V, 736, VIII, 387. Iliade, II, 42, X, 21. L'action d'ôter le chiton est exprimée par περιδύω ou έκδύνω. Iliade, XI, 100. Odyssée, I, 437.

[5] Comparez le chap. XIX.

[6] Semper, Der Stil, I, p. 129.

[7] Iliade, XIV, 181. Odyssée, V, 231, X, 544, XI,245 ; Hymne IV (in Vener.), 164, 255, 282. Comparez le chap. suivant.

[8] Odyssée, XIV, 72.

[9] Voir la figure de Pélée reproduite d'après une peinture sur vase publiée par Heydemann (Griechische Vasenbilder, Pl. 6, 4). Elle est empruntée aux Beiträge de Studniczka, p. 66, n° 14. Comparez aussi Böhlau, Quæstiones de re vestiaria Græcorum, p. 33, fig. 10.

[10] Iliade, XXIII, 685, 710. Odyssée, XVIII, 30, 67, 76, XXIV, 89.

[11] IV, 141.

[12] Comparez notamment Iliade, XV, 113-120, XVI, 130, XIX, 364, XXIII, 813.

[13] Odyssée, VIII, 134.

[14] Odyssée, I, 437.

[15] Von Wilamowitz-Mœllendorff, Homerische Untersuchungen, p. 228. D'après Kirchhoff et Wilamowitz, p. 8, c'est le vers 42 du IIe chant de l'Iliade qui aurait servi de modèle pour ce vers.

[16] Odyssée, XIX, 450, 467-468.

[17] Odyssée, XXI, 221.

[18] Odyssée, XVIII, 74.

[19] Odyssée, XIII, 434.

[20] Bull. de corresp. hellén., VII, 1883, pl. I. III, p. 1-5.

[21] Odyssée, XIX, 241.

[22] Voyez son édition de l'Odyssée, XIX, 242 et la Zeitschr. de Kuhn, XII, p. 17, note*.

[23] Loc. cit., p. 58.59.

[24] Rhomaïdes-Cavvadias, Die Museen Athens, pl. II, IV. Bull. de corresp. hellénique, III, 1879, pl. 17. Arch. Zeit., XXXVIII, 1880, pl. 6, Ann. dell' Inst., 1847. Tav. d'Agg. F, 1867, D, 1869, IK. Cette bordure ne se retrouve pas à l'époque classique, mais elle reparait de nouveau dans la sculpture de Pergame et dans la sculpture archaïstique. Comparez Brunn, Jahrbuch der kgl. preuss. Kunstsammlungen, V, 1884, p. 238-239.

[25] XIII, 685.

[26] Wilamowitz-Mœllendorff (p. 249, note 14) prétend que Ménestheus n'était pas localisé à Athènes ; mais son opinion se trouve réfutée par un vase attique à figures noires de style sévère appartenant au sixième siècle. Le peintre patriote y a inscrit à côté de la figure de Ménestheus les mots όδί Μενεσθεύς (Voyez Furtwængler, Beschreib. der Berliner Wasensamml., n° 1737).

[27] Hymne, I, 146.

[28] Beiträge, p. 59-61. Comparez Zeitschr. für die œsterr. Gymn., 1886, p. 199.

[29] Iliade, V, 734. VIII, 385.

[30] On ne tonnait jusqu'à présent qu'une seule Pallas vêtue d'un chiton court de guerrier : elle est figurée sur un vase qui rappelle ceux de la Chalcidique. Voyez Heydemann, Die Vasensamml. des Museo nazionale zu Neapel, p. 661, n° 120. Comparez Studniczka dans la Zeitschr für œsterr. Gymnasien, 1886, p. 199, note 2.

[31] Furtwængler, Beschreibung der Berliner Vasensamml., p. 9, n° 56.

[32] Conze, Melische Thengefässe, pl. 2-4.

[33] Salzmann, Nécropole de Camiros, pl. 53. Verhandlungen der 23 Philologenversammlung, in Hannover, pl. I.

[34] Conze, loc. cit., pl. 4.

[35] Newton, Hist. of discoveries at Halicarnassus, Cnidus and Branchidae, pl. 74, 75, Vol. II, 2, p. 548-553, 77'7. — Rayet et Thomas, Milet, pl. 25-26. — Overbeck, Geschichte der griech. Plastik, I3, p. 93-96. — Furtwængler, Mittheil. des arch. Inst. in Athen., VI, 1881, p. 180.

[36] Newton, pl. 74 à gauche. — Rayet et Thomas, pl. 25.

[37] Kirchhoff, Studien zur Geschichte des griechischen Alphabets, 3e édit., p. 17-19.

Les raisons que donne Kirchhoff (Gr. Alph., 3e éd. p. 17-19, 4e éd., p. 20) à l'appui de cette opinion que la statue de Charès a dû être exécutée après l'année 546 avant J.-C., ne nous paraissent pas, après un examen plus approfondi de la question, très concluantes. Le substantif άρχός ne vise pas nécessairement un tyran ; il peut tout aussi bien se rapporter à un fonctionnaire supérieur de la cité ou à un aesymnète. Mais lors même qu'il désignerait un tyran, rien ne nous oblige à supposer que de petits despotes n'aient fait leur apparition qu'au début de la domination persane (546). Thrasybule était déjà vers 600 tyran de Milet (Plass, Die Tyrannis hei den alten Griechen, p. 226-228). Polycrate semble avoir imposé sa tyrannie à Samos dans les soixante premières années du 6e siècle (Plass, ibid., p. 235-236). Ces faits ont bien pu avoir quelque influence sur la vie politique des petites villes. Par conséquent si nous écartons l'année 546 comme limite extrême, l'état actuel de l'histoire de l'art nous autorise à admettre que la statue de Charès appartient non à la seconde mais à la première moitié du 6° siècle. D'ailleurs, au point de vue épigraphique, il n'y a aucune objection à faire contre cette hypothèse. Comp. G. Hirschfeld, dans le Rhein. Mus., N. F., XLII, p. 216 et suiv.

[38] Newton, pl. 74 à droite.

[39] Newton, pl. 75, 2 et 4 à gauche.

[40] Newton, pl. 75, n° 3 à gauche. — Rayet et Thomas, pl. 26.

[41] Monum. dell' Inst., X, pl. 8. — Heidelberger Festschrift zur 21 Philologenversammlung, p. 118, 119. Comparez ibid. von Duhn, p. 109-124.

[42] Kirchhoff, Studien zur Geschichte des griech. Alphabets, 3e éd., p. 110-113. — Klein, Euphronios, p. 31-34, 2e éd., p. 64-72. — Annal. dell' Inst., 1879, p. 145, 146. — Arch. Zeit., 1881, p. 36 note 33. — Jahrbuch des Arch. hist., 1886, I, p. 89-94.

[43] Mon. dell' Inst., VI, pl. 15.

[44] Gerhard, Auserlesene Vasenb., III, pl. 190, 191.

[45] Gerhard, III, pl. 237.

[46] Ann. dell' Inst., 1839, Tav. d'agg. P. — Overbeck, Gal., pl. 3, n° 4. — Arch. Zeit., 1866, pl. 206.

[47] Mon. dell' Inst., IV, pl. 54, 55. — Arch. Zeit., 1850, pl. 23-24. — Overbeck, Gal., pl. 9, n° 1, pl. 15, n° 1. — Ann. dell' Inst., 1869, Tav. d'agg. D.

[48] Ann. dell' Inst., 1869, Tav. d'agg. D.

[49] Mon. dell' Inst., III, pl. 44. VI, pl. 56, n° 2, 3. IX, pl. 55 (Comparez Arch. Zeit., 1876, p. 108 et suiv.). Arch. Zeit., 1858, pl. 114, n° 2, p. 166-168. — Panofka, Musée Blacas, p1.19. — Heydemann, Griech. Vasenb., pl. I, n° 4.

[50] Mon. dell' Inst., III, pl. 45, VI, pl. 56, n° 2, IX, pl. 55 (dans la 2e figure à droite de Zeus, Heydemann croit reconnaître Hadès ; Rhein. Mus., n. F. XXXV, p. 465, 466). — Panofka, Musée Blacas, pl. 19.

[51] Mon. dell' Inst., VI, pl. 56, n° 2-3, IX, pl. 35. Panofka, Musée Blacas, pl. 19.

[52] Mon. dell' Inst., IV, pl. 44 et IX, pl. 55. — Arch. Zeitg., 1858, pl. 114, n° 2, p. 166-168.

[53] Œneus dans le combat entre Héraclès et Nessos : Mon. dell' Inst., VI, pl. 56, n° 4. — Bull. dell' Inst., 1881, p. 165. Deux vieillards présents au départ de Kallias : Monum., III, pl. 44. Deux autres vieillards qui assistent à la lutte pour un cadavre : Bull., 1881, p. 164.

[54] Arch. Zeit., 1881, pl. 3, II et VI. Si le joueur de flûte qui, sur ce vase, accompagne le Kouros est nu, c'est parce que le Kouros ne fait point partie d'un cortège solennel de fête.

[55] Tel le conducteur de Kallias sur le vase reproduit dans les Monum. Inst., III, pl. 44, ainsi que celui d'un bas-relief archaïque bien connu (Schöll, Mittheil. aus Griechenland, pl. 2, n° 4). — Comparez Conze dans les Memor. dell' Inst., II, p. 419.

[56] Arch. Zeit., 1881, pl. 3, n° V. — Bullet. dell' Inst., 1881, p. 164.

[57] Mon. dell' Inst., IV, pl. 59. — Gerhard, Auserl. Vasenb., III, pl. 235-236.

[58] Mon. dell' Inst., VIII, p1. 55.

[59] Arch. Zeit., 1858, pl. 114, n° 2, p. 166-168.

[60] Overbeck, Gal., pl. 15, n° 2.

[61] American Journ. of Archeol., 1886, p. 63. Nous en avons sous les yeux une esquisse de Studniczka.

[62] Mittheil. des Arch. Inst. in Athen, II, 1877, pl. 20, 22-24, p. 443-474. VII, 1882, pl. 7, p. 160-173.

[63] Zeitschr. für œsterr. Gymn., 1886, p. 199, note 3 (par la comparaison de Pausanias, III, 19, 2 avec Gardner, Types of greek coins, pl. XV, 28).

[64] Furtwængler, Berliner Vasensamml., n° 347-462, 474-537, 563 (?), 787, 789, 796.

[65] Priam dans la sortie des Troyens : Mon. Ann. Bull. dell' Inst., 1855, pl. 20. Priam et un Troyen âgé : Arch. Zeit., 1863, pl. 175, p. 58-66. Œneus dans le combat d'Hercule et de Nessos : Mus. greg., II, pl. 28, n° 2a. — Un vieillard présent au départ d'Amphiaraos : Micali, Storia, pl. 95. Inghirami, Vasi fittili, IV, pl. 305. — Monum. dell' Inst., X, pl. 4-5. Ici la figure à laquelle est ajouté le nom de Halimedes n'est pas, comme pourrait le faire croire la reproduction, un jeune homme, mais un vieillard. Voyez Furtwængler, Berliner Vasensamml., n° 1655, p. 207. — Deux vieillards près de deux combattants : Mus. gregor., II, pl. 28, n° Ia.

[66] Raoul Rochette, Choix de peintures, p. 73.

[67] Tels les héros luttant dans la course aux jeux funèbres de Pelias : Monum. dell' Inst., X, pl. 4, 5. — Inghirami, Vasi fittili, IV, pl. 307. — Le conducteur du char d'Amphiaraos : Mon. dell' Inst., X, pl. 4, 5. — Inghirami, IV, pl. 305. Celui d'Héraklès : Mon. dell' Inst., III, pl. 46, n° 2. — Welcker, Alte Denkm., III, pl. 6. — D'autres conducteurs de chars dans Heydemann, Vasensarml. zu Neapel, n° 685.

[68] Raoul Rochette, Choix de peintures, p. 73.

[69] Monum., X, pl. 4, 5. — Inghirami, Vasi fittili, IV, pl. 307.

[70] Arch. Zeitg, 1859, pl. 125, n° 3, p. 34-37. Les doutes au sujet de l'authenticité de ce vase sont maintenant dissipés (Bull. dell' Inst., 1875, p. 116). Comparez Furtwængler, Die Bronzefunde aus Olympia, p. 100, note 3.

[71] Denkmäler der alt. Kunst, I, pl. 3, n° 18.

[72] Lœschcke, De basi quadam prope Spartam reperta, p. 12 et suiv. — Klein, Euphronios, p. 36, 2e éd., p. 75-77. — Arch. Zeit., 1880, p. 185-186, 1881, p. 215-250. — Milchhœfer, Die Anfänge der Kunst in Griechenland, p. 171-183. — Mitth. des Arch. Inst., Athenische Abtheil., XI, 1886, p. 90-92. — Έφημ. άρχ., IV, 1886, p. 127.

[73] Welcker, Alte Denkm., III, pl. 34. — Arch. Zeit., 1881, p. 217, n° 1.

[74] Arch. Zeit., 1881, pl. 12, n° 3, p. 218, n° 11. Comparez Mitth. des Arch. Inst. Athen., Abth., XI, 1886, p. 90.

[75] Arch. Zeit., 1881, p. 217, n° 9.

[76] Nous renonçons à passer en revue les figures d'hommes vêtues du chiton long, que l'on rencontre sur les monuments plus récents, voisins du cinquième siècle déjà ; cela nous entrainerait trop loin de l'objet de notre étude, et ne ferait qu'ajouter quelques spécimens aux catégories que nous venons de voir, sans nous révéler aucune catégorie nouvelle.

[77] I, 6, 2.

[78] Cette remarque s'applique aussi à Dionysos. Mais comme ce dieu, en sa qualité d'échanson, joue un rôle important dans toute fête, son chiton long peut être considéré comme un vêtement de cérémonie.

[79] Il est à remarquer que, dans le même vase, Hermès, échappé au joyeux cortège et assistant à la poursuite de Troïlos, porte son costume court ordinaire.

[80] Le costume de cérémonie s'explique dans ce cas par la qualité de θεών κήρυξ appliquée à Hermès (Hésiode, Théog., 939, op. 80. — Eschyle, Agam., 515. Chœph., 125). Si les jeunes gens de l'Attique qui, sur la coupe d'Archiklès et de Glaukytès, assistent à la lutte de Thésée contre le Minotaure portent le chiton long, c'est peut être pour indiquer le caractère sacré de la jeunesse destinée au sacrifice. Il est possible du reste que le peintre ait songé au fameux chœur de danse, que mène Thésée après sa victoire et que, par une prolepsis, assez fréquente dans l'art antique, il ait employé le vêtement de cérémonie dans la scène immédiatement précédente.

[81] Voyez Michaëlis, Der Parthenon, pl. 14, V, n° 34. — Miltheil. des deutsch. arch. Instituts in Athen, IV, 1879, pl. 1, p. 41.

[82] Comparez notamment Strabon, XI, c. 530, 12 et les passages reproduits dans Bernhardy, Griech. Litt., II2, 2, p. 30 et 31. Sur les monuments, les acteurs tragiques représentant des personnages de distinction non combattants sont toujours vêtus du chiton long. Wieseler, Theatergeb., pl. 4, n° 12. pl. 7-9, n° 1, pl. 13, n° 2, A 24. — Monum. dell' Inst., XI, pl. 13. — Mittheil. des arch. Instituts in Athen, VII, 1882, pl. 14.

[83] L'art archaïque revêt parfois du chiton court les dieux qui ont l'habitude de porter le chiton long, et cela lorsqu'ils prennent part à des actes qui exigent une certaine violence de mouvements. C'est ainsi que, sur les vases à ligures noires et sur ceux de style sévère à figures rouges, Zeus et Poséidon, contrairement à l'usage, sont vêtus de court presque toujours. (Overbeck, Kunstmythologie, Atlas, pl. 4, n° 3, 9, 12, pl. 5, n° Ib Ic. — Poséidon combattant vêtu d'un chiton long fait exception à la règle : ibid. pl. 5, n° Ia).

[84] Hymne I (à Apollon Délien), 145 et suiv.

[85] Athénée, XII, 525 F.

[86] V, 113, XXI, 30. L'adjectif est formé de στρέφειν, tourner. Comparez Odyssée, II, 426 ; XV 291. Iliade, XV, 463. Odyssée, IX, 427 ; X, 167 ; XIV, 346 ; XXI, 408. Iliade, XIII, 599, 716.

[87] Beiträge, p. 63-64.

[88] Odyssée, XIV, 482.

[89] Schol. sur l'Odyssée, XIV, 482.

[90] Beiträge, p. 70.

[91] VI, 38.

[92] Odyssée, VI, 60-65.

[93] Comparez le chap. XIII.

[94] Odyssée, VI, 60-65.

[95] Odyssée, VI, 141 ; VII, 234.

[96] Lepsius, Denkmäler aus Ægypten., Abth. II, Bl. 2a. Voyez un instrument de bois à tuyauter dans Witkinson-Birch, The manners and customs of the ancient Egyptians, I, p. 185, n° 15.

[97] II, 81.

[98] Par ex. Lepsius, Abth. III, Bl. 109, 115, 118.

[99] Perrot et Chipiez, Histoire de l'art, II, p. 86, n° 17, p. 97, n° 20, p. 647, n° 314, p. 678, n° 353.

[100] De Longpérier, Musée Napoléon III, pl. 10. — Perrot et Chipiez, II, p. 606, n° 296.

[101] Perrot et Chipiez, II, p. 599, n° 289, p. 600 n° 290. Comparez l'ancienne divinité chaldéenne du soleil Samas sur le bas-relief de Sippara, p. 211, n° 71, ainsi que le bas-relief p. 554, n° 257.

[102] Les plis du vêtement de la très ancienne figure de bronze de Latakieh paraissent être artificiels ; ils le sont sûrement dans le torse de Sarepta (De Longpérier, Musée Napoléon III, pl. XVIII, 1. — Perrot et Chipiez, III, p. 428, n° 302), ainsi que dans le vêtement du tueur de lion sur la stèle d'Amrit (Perrot, III, p. 413, n° 283). Enfin, il faut citer les plis artificiels dans les chitons des ivoires phéniciens, dans ceux des statues chypriotes (Perrot, II, p. 222, n° 80, p. 533, n° 247, et III, p. 538, 547, n° 364 et 372), ainsi que ceux qu'on remarque sur les vases d'argent souvent mentionnés.

[103] De Longpérier, Musée Napoléon III, pl. 28. — Perrot et Chipiez, III, p. 443, n° 316.

[104] Newton, Hist. of discov. at Halicarnassus, pl. 74 à gauche. — Rayet et Thomas, Milet, pl. 25.

[105] Newton, loc. cit., pl. 74 à droite.

[106] Bull. de corresp. hellén., IV, 1880, pl. 13, 14.

[107] Le Bas, Voyage archéologique, pl. 3, 1. — Von Sybel, Katalog der Skulpturen zu Athen, n° 5001.

[108] Odyssée, XV, 61. Comparez Odyssée, XIII, 224. Hymne, VII, 5.

[109] Sur les anciennes stèles funéraires de Sparte (Mittheil. des arch. Inst. in Athen, II, 1877, pl. XX et suiv.), sur la cuirasse trouvée dans l'Alphée et sur d'autres monuments archaïques que Bœhlau a recueillis (Quæstiones de re vestiaria Græcorum, p. 33 et suiv.), le manteau d'homme n'est jeté que sur une seule épaule.

[110] Iliade, X, 133.

[111] Telle est aussi à peu près la traduction de Studniczka (Beiträge, p. 75). Mais ce savant suppose que cette épithète signifie que la chlaïna pouvait être portée non seulement double, mais encore dans toute son étendue et que parfois elle servait de couverture. Il était inutile de mentionner cette particularité d'ailleurs toute naturelle et qui ajouterait une nuance discordante à la caractéristique du héros, tel que le poète l'a représenté.

[112] Fick, Vergleichendes Wörterbuch der indo-germanischen Sprachen, II3, p. 84.

[113] Studniczka, Beiträge, p. 73. La même racine se trouve dans le synonyme χλαν-ί-ς et dans la forme thessalo-éolienne Curtius, Grundzüge, 4e éd., p. 536. — G. Meyer, Griechische Gramm., § 256, p. 227. — Studniczka, p. 73.

[114] Iliade, XVI, 224.

[115] Odyssée, XIV, 529.

[116] Odyssée, XIV, 520 (Comparez Hésiode, Op., 537).

[117] Iliade, X, 134.

[118] Parmi les vases peints de Corinthe, le manteau court d'Hippotion sur le vase d'Amphiaraos de Cæré (Mon. dell' Inst., X, pl. IV, V), semble correspondre à la chlaïna simple et à la chlaïna double le vaste manteau de Priam dans une peinture représentant la sortie d'Hector (Monum. Annal. Bull., 1855, pl. XX). Les peintres céramistes de Chalcis ont habillé du premier de ces vêtements : Persée (Gerhard, Auserles. Vasenb., IV, pl. CCCXXIII), et trois hommes armés de lances qui assistent à la lutte entre Pélée et Atalante (Gerhard, III, pl. CCXXXVII). Ils ont donné le grand manteau à deux vieillards vêtus du long chiton qui assistent au même combat (Gerhard, ibid.), ainsi qu'à Adraste, Polynice et Tydée sur le vase d'Adraste. Sur le vase François ce manteau court, correspondant à la chlaïna simple, se voit sur les épaules des jeunes gens de l'Attique qui assistent au chœur de danseurs dirigé par Thésée ainsi que sur celles d'Apollon dans la scène de Troïlos ; les grands manteaux du fiancé Pélée et des divinités venant assister à la noce peuvent être comparés à la double chlaïna. Comparez Bœhlau, Quæstiones de re vestiaria Grœcorum, p. 33.

[119] Iliade, XXIV, 229. Comparez Odyssée, XXIV, 276, où les deux derniers vers de ce passage sont répétés.

[120] Iliade, X, 134. Odyssée, XIX, 225.

[121] J. Schmidt, dans la Zeitschrift de Kuhn, XVI, p. 430, n'admet pas, sans doute avec raison, que ce mot soit dérivé de πλέκειν et prétend que, par l'adjonction du suffixe ακ, est devenu διπλός δίπλαξ et que ce mot est à διπλοΰς ce que έριβώλαξ est à έρίβωλος.

[122] Iliade, III, 126. XXII, 440. Odyssée, XIX, 241.

[123] XIII, 224.

[124] Studniczka (Beiträge, p. 74), signale, à juste titre, les Fragm. d'Hipponax, 3 (Bergk) et le mot λωποδύτης appartenant à l'ancienne langue juridique de l'Attique.

[125] Aristarque, Schol. Iliade III, 126 dit : δίπλαξ χλαΐνα,ήν έστι άμφιέσασθαι. Cette explication serait donc exacte. Comparez Lehrs, De Aristarchi stud. hom., 2e éd. p. 193.

[126] Studniczka, Beiträge, p. 78 et suiv.

[127] Ausgrabungen zu Olympia, I, 1875-76, pl. XVI. M. Studniczka nous a dit de vive voix que l'éphèbe, portant un veau, qui a été trouvé dans l'Acropole d'Athènes, n'appartient pas à cette catégorie (Arch. Zeitg., 1868, pl. 187. — Overbeck, Gesch. der Griech. Plastik, I3, p. 146, fig. 25), car le motif signalé dans ses Beiträge (p. 78) comme un manteau plié en deux, n'apparait dans l'original que comme une bordure représentée plastiquement.

[128] Comparez notre chap. XIX.

[129] Iliade, X, 133. Odyssée, XIX, 226.

[130] Odyssée, XIV, 529.

[131] Odyssée, XIII, 434.

[132] Odyssée, V, 321 et suiv.

[133] Odyssée, V, 321, 343, 372.

[134] Plaute, Miles glor., 4, 4. 43. Comparez Studniczka, Beiträge, p. 75.

[135] Iliade, X, 133. Odyssée, XIV, 500. XXI, 118.

[136] Odyssée, IV, 115 154, XIX, 225. Iliade, III, 126. XXII, 441. Odyssée, XIX, 241.

[137] Iliade, VIII, 221. Odyssée, VIII, 84. Hymne VII, 5, 6. Comparez Odyssée, XIII, 108.

[138] Iliade, IX, 200. Odyssée, XX, 151. Iliade, XXIV, 645. Odyssée, IV, 298 ; VII, 337 ; X, 353.

[139] Iliade, XXIV, 796.

[140] Odyssée, VIII, 373.

[141] Comparez Büchsenschütz, Die Hauptstäten des Gewerbefleisses, p. 83 et suiv.

[142] Iliade, XXII, 440. Comparez Rhein. Mus., XXIII, 1868, p. 238.

[143] Curtius (Grundzüge der griech. Etymologie, 4e éd., p. 492) compare ce mot au sanscrit trna-s (herbe, plante, tige), en gothique thaurnu-s, trŭnă (épine) en celte.

[144] Théocrite, id., II, 59. Nicandros, Theriac., 493 (comp. le scholiaste), 936 ; Alexipharm., 155. Lycophron, Alexandra, 674, 1138, 1313.

[145] Hesychius, s. v. θρόνα. Schol. sur l'Iliade, XXII, 440 et Théocrite, id., II, 59. Sur la dérivation des aspirées voyez Curtius. Grundzüge der griech. Etymologie, 4e éd., p. 492.

[146] Studniczka, Beiträge, p. 55, note 60.

[147] Les exemples les plus anciens se trouvent sur le vase François où le vêtement de la Parque du milieu, celui de Thésée et celui de l'Artémis dite persique (représentée sur une anse) est orné de palmettes. De même, on remarque des palmettes et des feuilles de lotus dans la décoration polychrome des vêtements des sculptures archaïques trouvées sur l'Acropole d'Athènes. Tel est le vêtement du xoanon (Έφημερίς άρχαιολογική, 1886, p. 132) ; il a été décrit en détail dans l'American Journal of archaeology, 1886, p. 63, n° 10. Cet ornement est encore visible sur le cou et sur les épaules d'une figure de femme (Έφημ. άρχ., 1883, pl. 8 ; communication de Studniczka), ainsi que sur des bandeaux de tête (Ibid., 1883, pl. 5 et 6, p. 41, n° 10). Il convient encore de citer ici deux fragments des Άθηνάς γοναί, comédie d'Hermippos, de l'époque de Périclès (Fragm. comic. græcor., éd. Meincke, II, 1, p. 380 et suiv.).

Il semble résulter de ces vers qu'Athéna se soit occupée de faire des peploï ornés de fleurs aussitôt après sa naissance. Comparez H. Schneider, Die Geburt der Athene (Abh. des arch. epigr. Seminars der Univ. Wien) p. 7. Les vêtements à ornements végétaux ne deviennent plus fréquents que sur les vases peints des quatrième et troisième siècles (Voyez Stephani, C. r., 1878 et 1879, p. 98 et suiv.).

[148] Marquardt, Das Privatleben der Römer, II2, 2, p. 533.

[149] Iliade, III, 123.

[150] Odyssée, XIV, 529.

[151] Odyssée, XIV, 514.

[152] Odyssée, XV, 331.

[153] Iliade, II, 43 ; VIII, 221. Odyssée, VIII, 84 ; XV, 61.

[154] Beiträge, p. 87 et suiv.

[155] Odyssée, V, 230 ; X, 543. Comparez le chap. suivant.

[156] Hymne I (à Apollon Dél.) 121.

[157] Odyssée, II, 93-99 ; XIX, 138-145 ; XXIV, 129-138, 147-148.

[158] Odyssée, V, 258.

[159] Odyssée, VIII, 392, 425 ; XIII, 67 ; XVI, 173.

[160] Iliade, VIII, 221. Odyssée, VIII, 84. Hymne VII, 5, 6. Odyssée, XIII, 108.

[161] Fragm. 54 Bergk.

[162] Curtius, Grundzüge, 4e éd., p. 107 et 301. Il y compare φάρος au mot allemand Tracht dérivé de tragen. — Vanicek, Etymolog. Wörterbuch., p. 596. — Fick, Vergleichendes Wörterb., II3, p. 165 et dans les Beitr. zur Kunde der indogerm. Sprachen de Bezzenberger, I, p. 244.

[163] Beiträge, p. 88-90. Selon ce savant, la même racine se retrouve en latin dans supparus (sub comme dans subsericus, en demi-soie).

[164] Iliade, X, 23, 29, 177, 234.

[165] Iliade, III, 17.

[166] Cela résulte du pluriel ώμοισιν employé dans l'Iliade, III, 17 et X, 177.

[167] Schliemann, Tiryns, pl. XIV, p. 116.

[168] Studniczka, Beiträge, p. 72, fig. 19.

[169] Journal of hell. studies, 1884, pl. XLIII. Studniczka, p. 72, fig. 18.

[170] Odyssée, XIV, 530.

[171] Odyssée, XIII, 436.

[172] Odyssée, 543-545.

[173] XIX, 23.