La période de terreur, qui dura trois années, depuis 93 jusqu’à la mort de Domitien, commença par la persécution des philosophes. L’empereur avait des motifs pour se méfier d’eux. Prédicateurs de morale, plutôt que faiseurs de systèmes, ils se piquaient de poursuivre les vices partout où ils les rencontraient[1] ; souvent même ils n’épargnaient pas la personne du prince. Or ils trouvaient de nombreux sujets de blâme dans la vie privée de Domitien. Ils étaient surtout hostiles au gouvernement. Enclins à la critique par profession comme par orgueil, ils dénigraient tous les actes du pouvoir, ils s’en prenaient aux conseillers, aux auxiliaires du prince, quand ils ne l’attaquaient pas lui-même. S’érigeant en juges de mœurs, ils empiétaient, pour ainsi dire, sur les attributions de Domitien, censeur. Ils n’aimaient pas la dynastie Flavienne, dont le chef, Vespasien, les avait persécutés[2] à cause de leur opposition au régime impérial[3]. Ces hommes, qui faisaient la leçon à tous, ne voulaient accepter un seul maître qu’à la condition de le diriger ; ils se souvenaient que parmi les victimes des Césars avaient figuré depuis un siècle les plus illustres représentants du stoïcisme, doctrine dominante à cette époque. On n’avait donc pas toujours tort de les considérer comme des factieux[4]. Leurs attaques semblaient d’autant plus blessantes que maintes fois elles étaient faites avec une franchise brutale. Sous Vespasien, Helvidius Priscus, Hostilius, Demetrius avaient grossièrement insulté le prince[5] ; sous Domitien, Dion Chrysostome ne fut pas plus réservé : du moins il s’en vanta plus tard[6]. Le pouvoir impérial pouvait difficilement contraindre au silence ces importuns ; contre eux, les mesures les plus sévères paraissaient sans effet. Ne craignant pas la mort, avides de réputation[7], ils ambitionnaient le martyre[8]. — Tous, il est vrai, ne se montraient pas aussi téméraires. Martial écrivait à son ami Decianus, philosophe stoïcien (I, 8) : Tu suis les dogmes du grand Thraséas et de Caton, ce sage parfait, de manière pourtant à prouver que tu ne fais pas fi de la vie et que tu ne veux point aller la poitrine découverte te précipiter au devant d’un glaive sorti du fourreau. Je t’approuve, Decianus : j’estime peu celui qui achète la renommée au prix d’un sang prodigue ; j’estime l’homme qui peut se rendre digne de louanges sans s’attirer la mort. Beaucoup devaient suivre cette conduite prudente[9], mais ceux qui attaquaient le prince se faisaient plus facilement connaître et semblaient plus dignes du nom de philosophes. Par eux-mêmes, les philosophes ne semblaient pas fort redoutables : ils parlaient plus qu’ils n’agissaient, et d’ordinaire ils s’abstenaient de prendre part aux affaires publiques : ils prétendaient consacrer tout leur temps à l’étude de la science suprême du bien, et ne pas se rendre complices d’actions peu honorables, conduite qui leur attirait le blâme de beaucoup de Romains, habitués à placer les devoirs civiques au-dessus de tous les autres[10]. — Ce qui les rendait dangereux, c’était l’influence que leur donnaient leurs talents et leurs vertus, souvent très dignes d’admiration. Les critiques qu’ils adressaient au prince et à son gouvernement, les théories politiques qu’ils exposaient pouvaient inspirer à leurs disciples la haine du régime présent. Ils aiguisaient les poignards dont d’autres se servaient[11]. Cette influence, ils ne l’exerçaient guère sur le peuple. Ils avaient, il est vrai, cessé de penser, comme Cicéron[12], que la philosophie doit éviter la multitude. Des esclaves même étaient admis aux leçons du stoïcien Musonius Rufus[13] ; Helvidius Priscus recherchait la popularité[14] ; les cyniques se donnaient pour mission d’enseigner la vertu aux petites gens[15]. Mais le peuple, en général, estimait pou les philosophes. Il les regardait comme des pédagogues insupportables et vaniteux, se moquait de leur costume et de leurs allures bizarres, raillait leurs rivalités si fréquentes, voyait en eux des oisifs passant leur vie à discourir, et même des hypocrites : car les cyniques, qu’il connaissait plus que les stoïciens, n’avaient pas tous des mœurs fort recommandables[16]. C’était surtout dans l’aristocratie que les philosophes trouvaient des disciples. Comme, par leur éducation, les nobles étaient presque aussi Grecs que Romains, ils devaient s’intéresser à la philosophie, création de l’esprit hellénique. Ne pouvant prendre qu’une part fort restreinte aux affaires de l’État, ils trouvaient dans cette étude une sérieuse occupation ; menacés des plus dures éprouves sous Domitien, ils aimaient à se persuader que les disgrâces, la pauvreté, l’exil, la mort ne sont pas des maux. Fidèles en général aux pratiques religieuses de leurs ancêtres, ils pensaient que la philosophie en était le complément nécessaire : les dieux sanctionnaient la loi morale, les philosophes l’enseignaient. Enfin la mode, dans la haute société, était à la philosophie : le rhéteur Quintilien s’en alarmait fort et revendiquait, pour les professeurs d’éloquence, le droit d’enseigner la vertu[17]. Les jeunes gens de l’aristocratie suivaient les leçons des maîtres les plus renommés ; dans chaque grande maison, vivait un sage qui était le conseiller de ses hôtes et le précepteur des enfants de la famille. Les philosophes ne se bornaient pas, d’ailleurs, à donner des règles de conduite : on prenait leur avis pour chaque affaire importante ; ils étaient sans cesse mêlés à la vie intime des nobles[18]. Des hommes d’un rang élevé se faisaient philosophes de profession et se montraient plus fiers de ce titre que des hautes charges qu’ils avaient exercées. Sur un buste de Junius Rusticus, qui fut préteur et probablement aussi consul, on lit ces simples mots : L. Junii Rustici, philosophi stoïci[19]. Ils donnaient des leçons publiques, comme le fit, au temps de Néron et de Vespasien, C. Musonius Rufus, ancien consul[20]. Ce personnage se montra dédaigneux des préjugés romains et aristocratiques au point de marier sa fille à un philosophe grec Artémidore[21]. Ainsi les philosophes, qui attaquaient la personne comme la politique de l’empereur, exerçaient une grande autorité morale sur la noblesse qui faisait une opposition fort vive au gouvernement. On pouvait en conclure qu’ils étaient non seulement les complices, mais aussi les instigateurs de cette opposition. Ce rut la cause des mesures que Domitien prit contre eux. Il ne semble pas cependant qu’avant l’année 93 ils aient été poursuivis d’une manière systématique. Quelques-uns d’entre eux purent être frappés[22], mais la persécution générale n’eut lieu qu’à la suite du procès de Bæbius Massa[23]. Nous avons vu qu’il fut accusé d’avoir commis des malversations pendant son proconsulat de Bétique. Le Sénat désigna comme avocats aux Espagnols Herennius Senecio et Pline le Jeune[24]. Sénateur et philosophe stoïcien, Senecio était fort hostile à l’empereur. Après sa questure, il n’avait voulu gérer aucune autre charge[25] ; lors de l’affaire de la grande vestale Cornelia, que Domitien fit périr, il avait accepté d’être l’avocat de Valerius Licinianus, accusé de complicité avec cette prêtresse[26] ; il médisait des délateurs les plus puissants. Il fut donc heureux de saisir cette occasion d’attaquer le prince dans la personne d’un de ses favoris et il s’acharna contre Massa. Après avoir obtenu, avec l’appui de Pline, que le Sénat instruisît le procès, puis qu’il déclarât Massa coupable et ordonnât la mise de ses biens sous séquestre, en vue des dommages intérêts à payer aux victimes, il ne se tint pas pour satisfait, a Ayant appris, écrit Pline à Tacite[27], que les consuls devaient statuer sur les requêtes qui leur étaient présentées, Senecio vint me trouver : Nous nous sommes fort bien entendus, dit-il, pour soutenir ensemble l’accusation dont nous a étions chargés ; montrons maintenant le même accord, allons nous présenter aux consuls et demandons que ceux à qui l’on a confié la garde des biens ne permettent pas qu’on les dissipe. — Nous avons été désignés comme avocats par le Sénat, lui répondis-je ; maintenant que le jugement est rendu, ne pensez-vous pas que notre mission soit terminée ? — Vous pouvez, dit alors Senecio, donner à votre tâche le terme qu’il vous plaira, vous qui n’avez aucune autre liaison avec cette province que le service que vous venez de lui rendre. Mais moi j’y suis né, j’y ai été questeur. — Si telle est votre ferme résolution, répliquai-je, je vous suivrai, pour que les conséquences, s’il y en a de fâcheuses, ne pèsent pas sur vous seul. Nous allons trouver les consuls. Senecio dit ce qui convient à la circonstance et j’ajoute quelques mots. A peine avons-nous cessé de parler, Massa se plaint que Senecio se conduise à son égard, non comme l’avocat d’une partie adverse, mais comme un véritable ennemi, et il demande qu’on reçoive contre lui une accusation d’impiété [c’est-à-dire de lèse-majesté]. Pline, qui, dans ce récit, veut surtout faire admirer sots propre courage, ajoute qu’il dit alors : Je crains, illustres consuls, que Massa, en me passant sous silence dans sa demande d’accusation, ne me rende suspect de prévarication. — Par égard pour les provinciaux, Domitien avait laissé condamner son favori : c’était de sa part une importante concession. Les gens sensés en jugeaient ainsi, et Pline, s’il n’avait pas été entraîné par la crainte de paraître lâche, aurait toujours été de cet avis. Mais Senecio fut enhardi par la sentence du Sénat. Il voulut faire le plus de bruit possible autour d’une affaire désagréable au prince et de nature à jeter du discrédit sur son gouvernement ; il se piqua de défendre les intérêts des provinciaux mieux que Domitien, qui, pourtant, recherchait leur appui ; dans son orgueil, il fut bien aise de faire montre de courage, à une époque où tous se taisaient par prudence. Vers le même temps sans doute, Senecio écrivit la biographie d’Helvidius Priscus, mis à mort par Vespasien[28] ; ce dut être un pamphlet contre les Flaviens, bien plus qu’une histoire impartiale. Ces attaques irritèrent et alarmèrent l’empereur, qui décida la mort de Senecio. Vers la fin de 93[29], il fut accusé devant le Sénat, par Mettius Carus[30], d’avoir écrit le livre dont nous parlons et d’avoir dédaigné les honneurs[31]. Déclaré coupable, il fut mis à mort[32] ; la biographie d’Helvidius fut brillée de la main des triumvirs capitaux sur le comitium et le Forum[33] ; le lâche Regulus lut en public et répandit un libelle dans lequel il insultait à la mémoire du mort[34]. En même temps que Senecio[35], furent frappés plusieurs personnages illustres qui étaient ses amis et partageaient ses idées. Fannia[36], veuve d’Helvidius Priscus et fille du grand Thraséas, femme admirable par sa vertu, son courage et aussi par sa grâce et son affabilité, avait jadis accompagné deux fois son mari exilé. Au cours de son procès, Senecio déclara, pour se justifier, qu’il avait écrit le livre qu’on lui reprochait sur la prière de Fannia. Mettius Carus demanda d’un air menaçant à Fannia, si elle l’en avait véritablement prié. — Oui, répondit-elle. — Si elle lui avait donné des mémoires ? — Oui. — Si sa mère le savait ? — Non. Elle ne laissa échapper aucune parole qui prit paraître inspirée par des sentiments de crainte. Le Sénat la condamna à la relégation et ses biens furent confisqués. Quoique l’ouvrage de Senecio eût été supprimé, elle en conserva un exemplaire et l’emporta dans le lieu où elle fut exilée[37]. — Sa mère, la mère d’une telle femme, c’est tout dire[38], était Cæcinia Arria[39], fille de la première Arria et de Pætus[40], célèbres par leur fin héroïque. Lorsque Thraséas avait été contraint de se tuer, elle avait voulu partager le sort de son mari ; mais celui-ci l’avait conjurée de vivre et de ne pas enlever à leur fille son seul soutien[41]. En 93, elle fut, comme Fannia, condamnée à la relégation[42]. Helvidius Priscus était fils du sénateur qui périt sous Vespasien, et beau-fils de cette Fannia[43]. Plus prudent d’abord que son père, il avait pu parvenir au consulat[44]. Il évitait d’ailleurs de faire trop parler de lui, cachant dans la retraite, dit Pline, un grand nom et de grandes vertus. Cependant il haïssait l’empereur et ne lui épargnait pas les sarcasmes. On lui reprocha de s’être moqué du divorce bruyant de Domitien dans un mime dont le sujet était mythologique en apparence ; il dut être aussi accusé de complicité avec Senecio, l’apologiste de son père. Traduit devant le Sénat, il fut condamné à mort[45]. Au moment où on l’entraînait en prison, l’ancien préteur Publicius Certus osa porter la main sur lui, dans la curie même[46]. L. Junius Arulenus Rusticus[47] avait exercé le tribunat en 66[48], la préture en 69[49] et probablement le consulat sous les Flaviens. On le tenait en haute estime ; Pline et Tacite font l’éloge de son talent et de ses vertus[50] ; peut-être même Domitien l’admit-il parmi ses conseillers[51]. Philosophe stoïcien[52], il avait été l’ami de Thraséas[53] ; il était, semble-t-il, allié des Helvidii[54] ; il protégeait Dion Chrysostome[55] et Plutarque[56]. Dès le règne de Néron, son courage téméraire faillit le perdre : tribun lors du procès de Thraséas, il lui avait offert d’opposer son intercession au sénatus-consulte qui le devait condamner. Thraséas retint son élan généreux, et le détourna d’une entreprise qui, sans utilité pour l’accusé, serait fatale au défenseur[57]. Sous Domitien, il publia une biographie de son illustre ami, biographie dans laquelle il l’appelait le plus saint des hommes[58]. Ce livre, qui devait contenir des attaques plus ou moins déguisées contre le pouvoir, le fil accuser de lèse-majesté devant le Sénat[59]. La peine de mort fut prononcée contre lui, et son écrit brûlé avec celui de Senecio[60]. Regulus saisit cette occasion de faire sa cour à l’empereur. Il avait contribué à la condamnation de Rusticus ; il se montra si joyeux de son supplice, que dans le libelle où il attaquait Senecio, il le traita de singe des stoïciens et d’homme marqué des stigmates de Vitellius[61]. Le Sénat condamna à la relégation Junius Mauricus[62], frère de Rusticus[63]. C’était un honnête homme fort respecté[64], que plus tard Nerva et Trajan traitèrent avec beaucoup d’égards[65] ; mais on craignait sa franchise[66]. Les délateurs se souvenaient peut-être de sa conduite au début du règne de Vespasien ; il avait alors demandé à Domitien de communiquer au Sénat les registres du palais, afin qu’on sût quelles accusations chacun avait sollicitées[67]. — Gratilla, qui était peut-être la femme de Rusticus[68], fut aussi condamnée à la relégation. Même dans le malheur, elle inspira de grands dévouements. Une femme qui lui envoyait des vivres par mer fut avertie que César s’en emparerait : N’importe, répondit-elle, j’aime mieux voir Domitien les prendre, que de négliger de les envoyer[69]. Peut-être fût-ce lors de ces procès que le prince, redoutant quelque résistance, fit entourer la curie de soldats[70]. Les sénateurs pouvaient craindre d’être massacrés, s’ils refusaient de se montrer dociles. De plus, Domitien, présent aux séances, surveillait les juges[71]. C’était pour avoir fait l’apologie de deux stoïciens célèbres que Rusticus et Senecio avaient péri ; eux-mêmes, ainsi que les autres condamnés, suivaient la doctrine du Portique ; ils protégeaient des philosophes, dont quelques-uns ne durent pas cacher leurs sympathies à l’égard des accusés. Ce fut pour Domitien une occasion de frapper des hommes depuis longtemps suspects au pouvoir. Plusieurs d’entre eux furent mis à mort[72] ; quant aux autres, un sénatus-consulte, rendu à la fin de l’année 93[73], leur ordonna de quitter Rome[74]. On chassa alors, dit Tacite (Agricola, 2), les maîtres de la sagesse ; on envoya en exil tous les nobles talents, pour n’avoir plus rien d’honnête sous les yeux. Le gendre de Musonius Rufus, Artémidore, dont Pline vante les vertus, se retira dans une maison qu’il avait aux portes de la ville. Pline, alors préteur, eut le courage d’aller le voir et de lui donner une somme d’argent dont il avait besoin pour payer une dette[75]. C. Luccius Telesinus, consul en 66[76], sortit de Rome pour se conformer au décret du Sénat, aimant mieux se retirer comme philosophe que de rester comme consulaire[77]. Le cynique Demetrius était connu par sa hardiesse[78] : sous Vespasien déjà, il avait été condamné à la relégation à cause de ses attaques injurieuses contre l’empereur, mais celui-ci n’avait pas voulu le faire périr : Tu fais tout pour m’obliger à te mettre à mort, mais je ne tue pas un chien qui aboie[79]. Revenu plus tard à Rome, il alla, après le décret d’expulsion, vivre à Pouzzoles et on le considéra comme fort audacieux de s’établir si près de la ville dont on le chassait[80]. Quelque temps après, il fut peut-être interdit aux
philosophes de séjourner même en Italie[81]. Epictète se
retira à Nicopolis, en Épire[82]. L’effroi, dit
Philostrate (Apollonius,
VII, 4), se répandit parmi les philosophes au point que tous
quittèrent leurs manteaux et que les uns s’enfuirent vers l’Occident, chez
les Celtes, ou dans les déserts de Il faut ajouter que d’antres philosophes ne montrèrent pas ce courage : choisissant un métier plus lucratif et moins dangereux, ils se firent délateurs[84]. A la même époque, Domitien chassa de Rome les astrologues[85]. L’astrologie était alors la forme aristocratique de la divination : ces charlatans vivaient auprès des nobles qui souvent leur témoignaient un grand respect[86] ; on les mettait dans la confidence des entreprises dirigées contre le prince pour savoir si elles réussiraient ; ils encourageaient les complots en promettant l’empire à des citoyens illustres et en faisant courir des prédictions sinistres sur Domitien, qui lui-même s’en effrayait fort. |
[1] Dion Chrysostome, Discours LXXII, t. II, p. 248, édition Dindorf : Le philosophe doit avertir les hommes, ne flatter ni n’épargner personne. Il les reprend le plus qu’il peut et leur montre ce qu’ils sont.
[2] Dion Cassius, LXVI, 12 ; 13 ; 15. Suétone, Vespasien, 15. Épictète, Dissertations, I, 2, 19.
[3] Sous ce prince, Hostilius déclamait contre la monarchie (Dion Cassius, LXVI, 13). Helvidius Priscus vantait le gouvernement républicain (Dion Cassius, LXVI, 12) et ne voulait pas donner à Vespasien le titre d’empereur (et Suétone, loc. cit.).
[4] Voir Friedlænder, Sittengeschichte, III, 6e édit., p. 671 et suiv. Boissier, Opposition sous les Césars, p. 103.
[5] Dion Cassius, LXVII, 12 et 13. Suétone, Vespasien, 13 et 15.
[6] Dion Chrysostome, Discours, III, t. I, p. 41 ; XLV, t. II, p. 118. Voir encore le langage que Philostrate (Apollonius, VII, 5 et suiv. ; VII, 32) fait tenir à son héros légendaire.
[7] Leur orgueil leur était souvent reproché : Tacite, Hist., IV, 6 ; Dion Cassius, t. IX, p. 304, édition Gros-Boissée (discours de Mucien à Vespasien) ; Dion Chrysostome, XIII, p. 243 ; etc.
[8] Philostrate, Apollonius, VII, 16. Dion Cassius, LXVI, 15.
[9] Nous connaissons un philosophe qui sut s’attirer les bonnes grâces de Domitien : le Bithynien Flavius Archippus, qui reçut de l’empereur une terre aux environs de Pruse, sa patrie (Correspondance de Pline et de Trajan, 58 ; cf. 60).
[10] Voir Friedlænder, Sittengeschichte, III, p. 669-670.
[11] Philostrate, Apollonius, VII, 4. Cf. Dion Cassius, LXVI, 12 et 13.
[12] Tusculanes, II, 1, 4.
[13] Épictète fut son élève (Entretiens, I, 7, 32).
[14] Dion Cassius, LXVI, 12.
[15] Voir Friedlænder, Sittengeschichte, III, p. 722.
[16] Voir Friedlænder, III, p. 677 et suiv.
[17] Inst. or., I, proœm., 10 et suiv. ; cf. XI, 1, 35 ; XII, 1, 6 et suiv.
[18] Voir, à ce sujet, Friedlænder, Sittengeschichte, III, p. 706 et suiv.
[19] Visconti, Iconographie romaine, I, p. 204, pl. XIV, n° 5 ; Orelli, Inscr. coll., n° 1190. Ce n’est pas le buste de Junius Rusticus, consul pour la seconde fois en 162 (Klein, Fasti consulares, p. 75) et philosophe stoïcien lui aussi (voir Lacour-Gayet, Antonin le Pieux et son temps, p. 338) : ce personnage s’appelait Quintus, non Lucius (C. I. L., XIV, 58). On peut donc attribuer (comme le fait Mommsen, Index de Pline) le buste en question au Rusticus qui vécut sous Domitien et dont le prénom n’est du reste indiqué nulle part ailleurs. Le personnage représenté porte la barbe : c’était l’usage des philosophes qui ne s’était pas encore répandu dans la haute société à l’époque Flavienne. — Ce buste et l’inscription qui l’accompagnent ne sont cependant pas à l’abri de tout soupçon de non-authenticité voir Bernoulli, Römische Monographie, I, p. 284.
[20] Tacite, Annales, XV, 71 ; Hist., III, 81.
[21] Pline, Lettres, III, 11, 7.
[22] Eusèbe (Chronologie,
p. 160, 161, éd. Schöne) indique en 2105 (1er octobre 88 -
[23] Ce procès fut jugé vers le milieu de 93.
[24] Pline, Lettres, VII, 33, 4 et 5.
[25] Dion Cassius, LXVII, 13.
[26] Pline, IV, 11, 12.
[27] Pline, VII, 33.
[28] Dion Cassius, LXVII, 13. Tacite, Agricola, 2. Pline, VII, 19, 5.
[29] Le récit de Pline
montre que Senecio fut accusé de majesté immédiatement après le procès de
Massa. Tacite (Agricola, 45) dit qu’il fut condamné peu après la mort
d’Agricola (
[30] Pline, VII, 19, 5 et I, 5. 3.
[31] Dion Cassius, loc. cit. — Cf. Tacite, Histoires, I, 2 : omissi gestique honores pro crimine (honneurs refusés ou reçus, comptés pour autant de crimes).
[32] Dion Cassius, loc. cit. Pline, I, 5, 3 ; III, 11, 3. Tacite, Agricola, 45 : cf. Agricola, 2.
[33] Tacite, Agricola, 2. Cf. Pline, VII, 19, 6.
[34] Pline, I, 5, 3.
[35] Tacite, Agricola, 45 : Eadem strage tot consularium cædes, tot nobilissimarum feminarum exsilia et fugas...... Mox nostræ duxere Helvidium in carcerem manus, nos Maurici Rusticique visus, nos innocenti sanguine Senecio perfudit (Au cours de ce même carnage, tant de consulaires massacrés, tant de femmes du plus haut rang en fuite vers l'exil ... Ensuite, ce sont nos propres mains qui ont conduit Helvidius en prison. C'est nous qui avons arraché l'un à l'autre Mauricius et Rusticus. C'est nous que Senecio a baignés de son sang innocent). D’autres textes indiquent que Senecio, Helvidius Priscus le Jeune, Rusticus, Mauricus, Arria, Fannia, Gratilla furent jugés en même temps. Voir Pline, VII. 19, 5 ; III, 11, 3. I, 5, 2 et 3 ; Tacite, Agricola, 2 ; Dion Cassius, LXVII, 13.
[36] Sur elle et les personnages dont nous parlons plus loin, voir Mommsen, Index de Pline le Jeune, éd. Keil.
[37] Pline, VII, 19. Cf. III, 11, 3 ; IX, 13, 5.
[38] Pline, VII, 19, 9.
[39] Pline, IX, 13, 3.
[40] Pline, III, 16, 10. Tacite, Annales, XVI, 34.
[41] Tacite, loc. cit.
[42] Pline, III, 11, 3 ; VII, 19, 10 ; IX, 13, 5.
[43] Pline, IX, 13, 3.
[44] Pline, IX, 13, 2.
[45] Pline, III, 11, 3. Suétone, Domitien, 10.
[46] Pline, IX, 13, 2. Tacite fait allusion à cet acte de violence, quand il dit (Agricola, 45) : Mox nostræ duxere Helvidium in carcerem manus (ce sont nos propres mains qui ont conduit Helvidius en prison).
[47] Sur son nom, voir Mommsen, Index de Pline.
[48] Tacite, Annales, XVI, 26.
[49] Tacite, Hist., III, 80.
[50] Pline le qualifie de grand homme (I, 14, 1 ; cf. II, 18, 4). Tacite, Hist., loc. cit. : dignatio viri. Cf. Plutarque, De curiositate, 15.
[51] Plutarque (loc. cit.) raconte que pendant une de ses leçons, à laquelle assistait Rusticus, on apporta à celui-ci une lettre de l’empereur.
[52] Dion Cassius, LXVII, 13. Pline, I, 5, 2.
[53] Tacite, Annales, XVI, 26.
[54] Fannia était parent d’une Junia, vestale (Pline, VII, 19, 1).
[55] Selon Mommsen (Étude sur Pline, traduction Morel, p. 59, n. 2), Dion fait allusion (Discours XIII, t. I, p. 240, édition Dindorf). Cependant Dion dit qu’il erra pendant de longues années (Discours XL, t. II, p. 88) ; et nous savons qu’il parcourut beaucoup de pays pendant son exil volontaire (voir plus loin). Or, si ce fut le procès de Rusticus qui causa sa fuite, il n’erra que trois ans. Il est vrai que Dion a pu exagérer la durée de ses souffrances.
[56] Plutarque, loc. cit.
[57] Tacite, loc. cit.
[58] Suétone, Domitien, 10 : [Domitianus interemit] Junium Rusticum quod Pæti Thraseæ et Helvidii Prisci laudes edidisset, appellassetque eos sanctissimos viros ([Domitien fit exécuter] Junius Rusticus, pour avoir publié l'éloge de Pætus Thraséas et d'Helvidius Priscus, et les avoir appelés les hommes les plus vertueux). Il y a une erreur dans ce passage, ou bien le texte original est altéré. Ce fut, nous le savons, Senecio qui écrivit la biographie d’Helvidius Priscus. Dion Cassius (LXVII, 13) dit de Senecio qu’il composa une vie de Priscus, de Rusticus Arulenus qu’il appela Thraséas un saint. Tacite écrit (Agricola, 2) : Legimus, cum Aruleno Rustico Pætus Thrasea, Horennio Senecioni Priscus Helvidius laudati essent, capitale fuisse (Arulenus Rusticus avait rédigé le panégyrique de Pætus Thraséas, Herennius Senecio celui de Priscus Helvidius : ils furent condamnés à mort).
[59] Agricola, 45.
[60] Agricola, 2. Suétone, Domitien, 10. Dion Cassius, LXVII, 13. Pline, I, 5, 2 ; III, 11, 3. Plutarque, loc. cit.
[61] Pline, I, 5, 2. En 69, au moment où les troupes Flaviennes approchaient de la ville, Rusticus avait été envoyé comme député aux généraux de Vespasien ; fort mal accueilli, il avait même reçu une blessure (Tacite, Hist., III, 80).
[62] Pline, III, 11, 3 ; I, 5, 10. Cf. Tacite, Agricola, 45.
[63] Pline, I, 14 ; II, 18.
[64] Pline, I, 5, 16 ; II, 18, 4. Plutarque, Galba, 8. Martial, V, 28, 5.
[65] Pline, IV, 22.
[66] Pline, loc. cit. Plutarque, loc. cit.
[67] Tacite, Hist., IV, 40.
[68] Lenain de Tillemont, II, p. 106. — Pline (V, 1, 8) dit qu’on pouvait reprocher à certaines gens l’amitié de Rusticus et de Gratilla. Elle fut con-damnée en même temps que Rusticus (III, 11, 3). Mommsen (Index de Pline, p. 432) pense que Tacite la mentionne (Hist., III, 69) sous le nom de Verulana Gratilla.
[69] Épictète, Entretiens, II, 7, 8.
[70] Tacite, Agricola, 45 (chapitre où l’historien parle de ces procès) : Non vidit Agricola obsessam curiam et clausum armis senatum (Ce qu'Agricola n'a pas vu, c'est le siège de la curie, les sénateurs tenus en respect sous la menace des armes).
[71] Tacite, loc. cit.
[72] Dion Cassius, LXVII, 13.
[73] Ces expulsions
eurent lieu immédiatement après les procès de Senecio, de Rusticus, etc. Voir
Suétone, Domitien, 10 : (Domitien fit périr
Austicus, etc.) cujus criminis occasion philosophes omnes urbe Italiaque
summovit. (Cf. Dion Cassius. LXVII, 13 : Tacite, Agricola, 2
; Pline, III, 11, 3 et suiv.) Eusèbe (version arménienne, p. 160, édit. Schöne)
place l’expulsion des philosophes et des astrologues en 2109 (1er
octobre 92 -
[74] Textes cités note
ci-dessus. Aulu-Gelle, XV, 11. 4. Suidas, s.
v. Δομετιανός.
Pline, Panég., 47. Saint Jérôme
(traduction de
[75] Pline, Lettres, III, 11.
[76] Klein, Fasti consulares, p. 40.
[77] Philostrate, Apollonius, VII, 11.
[78] Épictète, Entretiens, I, 25. 22. Sur ce personnage, voir Friedlænder, Sittengeschichte, III, p. 724 et suiv.
[79] Dion Cassius, LXVI, 13. Cf. Suétone, Vespasien, 13.
[80] Philostrate, Apollonius, VII, 10.
[81] Parmi les auteurs qui parlent de l’expulsion des philosophes, Dion Cassius, Pline, Eusèbe, Suidas disent qu’ils furent chassés de Rome ; Suétone et Aulu-Gelle, de Rome et de l’Italie. Il faut peut-être distinguer deux mesures prises successivement contre les philosophes par le pouvoir impérial.
[82] Aulu-Gelle, XV, 11, 5. Cf. Épictète, Entretiens, I, 25, 19.
[83] Dion Chrysostome, Discours I, tome I, p. 2 et 11, édit. Dindorf ; Disc. XII, p. 218 ; XIII, p. 240 et suiv. ; XIX, p. 286 ; XXXVI, tome II, p. 48 ; XL, p. 88 ; XLIV, p. 115 ; XLV, p. 118 ; Philostrate, Vie des sophistes, I, 7.
[84] Philostrate, Apollonius, VII, 4. Palfurius Sura et
Seras, qui furent délateurs, se disaient philosophes (Scolies de Juvénal, IV,
53 ; Dion Cassius, LXVIII, 1). Philostrate (Apollonius,
VII, 9) fait du philosophe Euphrate, ennemi d’Apollonius, un délateur. Mais si
cela était exact, Pline le Jeune n’aurait pas loué cet Euphrate d’une manière
fort pompeuse (Lettres, I, 10) — On a
attribué à la poétesse Sulpicia des vers médiocres sur l’expulsion des
philosophes au temps de Domitien ; mais ils ont été composés à une basse
époque, peut-être à
[85] Eusèbe mentionne deux expulsions des astrologues, en 88-89 et en 93. Vespasien les avait aussi chassés (Dion Cassius, LXVI, 9).
[86] Voir Friedlænder, Sittengeschichte, 6e édit., I, p. 132 et suiv., 362 et suiv., 508.