ESSAI SUR LE RÈGNE DE L’EMPEREUR DOMITIEN

 

CHAPITRE PREMIER. — DOMITIEN AVANT SON RÈGNE.

 

 

Domitien (Titus Flavius Domitianus)[1] naquit le 24 octobre 51[2], dans un lieu de la sixième région de Rome appelé Malum Punicum, où il fit élever plus tard un temple de la famille flavienne[3]. Vespasien, son père, était alors consul désigné[4]. Domitien fut assez abandonné dans son enfance. Sa mère Domitilla mourut, semble-t-il, quand il était encore très jeune[5] : quant à Vespasien, des affaires d’état et des disgrâces l’éloignèrent de Rome à plusieurs reprises depuis l’année 51[6]. Titus, frère de Domitien, âgé de dix ans de plus que lui[7], quitta tôt la maison paternelle, pour vivre à la cour d’abord, puis dans les camps[8].

L’éducation de Domitien fut négligée. Il fut laissé dans la gêne. par Vespasien, alors assez pauvre[9] : on raconta même que dans sa jeunesse il s’était vendu plusieurs fois[10]. Nous ne savons rien de plus sur ses premières années.

Son père avait été en 67 chargé de réprimer la révolte des Juifs. Après la mort de Néron, il avait successivement reconnu Galba, Othon, Vitellius. Mais craignant d’être sacrifiées aux troupes de Germanie qui soutenaient Vitellius, les légions d’Égypte, de Judée et de Syrie conférèrent l’empire à Vespasien (juillet 69), et celles des pays du Danube (Mésie, Pannonie, Dalmatie) suivirent leur exemple.

Le nouveau prince se rendit en Égypte : il voulait vaincre par la famine Rome qui tirait de cette contrée la plus grande partie de ses approvisionnements de blés ; il désirait aussi ne pas compromettre sa réputation dans une guerre civile. Le gouverneur de Syrie, Mucien, qui avait décidé Vespasien à accepter le pouvoir suprême, fut chargé de conduire une armée en Italie par l’Asie Mineure, la Thrace, l’Illyrie. Mais les légions danubiennes, sous la conduite d’Antonius Primus, le devancèrent. Victorieuses à Crémone, elles se dirigèrent vers Rome, passèrent les Apennins et arrivèrent à Ocriculum (au sud de Narni), où elles attendirent Mucien.

Pendant ces événements, Domitien se trouvait à Rome. Vitellius, pensant que le fils de son rival pourrait lui servir d’otage, le fit garder. Il n’avait d’ailleurs formé aucun mauvais projet contre lui, espérant par cette conduits modérée sauver la vie des siens en cas de défaite. Des envoyés d’Antonius Primus parvinrent à pénétrer, dit-on, jusqu’à Domitien, et lui indiquèrent un lieu où il trouverait asile et protection. Le jeune homme eût bien voulu se réfugier auprès des troupes flaviennes, qui avaient déjà traversé les Apennins, mais il n’osa pas se fier à ses gardiens, quoiqu’ils lui eussent promis de l’accompagner dans sa fuite[11].

Le 18 décembre 69, Vitellius, qui avait appris les trahisons et les défaites des siens sans rien faire pour les empêcher, se dérida à abdiquer. Flavius Sabines, frère de Vespasien, et alors préfet de la ville, lui promit la vie sauve. Mais le peuple et les soldats de l’armée de Germanie qui se trouvaient encore à Rome le forcèrent à garder le pouvoir impérial, et Sabinus, menacé par eux, dut se retirer avec les cohortes urbaines et quelques sénateurs et chevaliers sur le, Capitole, où il se fortifia. Il y fit venir de nuit ses fils et Domitien, croyant ainsi les mettre en lieu sûr[12]. — Mais le lendemain (19 décembre), la colline sacrée fut prise d’assaut par les Vitelliens, le temple de Jupiter brillé, Sabinus fait prisonnier, puis égorgé. La plupart de ses compagnons périrent. — Retiré dès la première attaque chez le gardien du temple, Domitien y passa la nuit. Le lendemain matin il se revêtit d’une tunique de lin, comme un prêtre d’Isis, et se joignant à quelques serviteurs de cette déesse, il descendit du Capitole sans être reconnu : puis il alla se cacher près du Vélabre chez Cornelius Primus, client de son père[13].

Le 20 décembre[14], Antonius Primus, accouru en toute hâte sur l’avis de Sabinus, entra dans Rome, se rendit maître de la ville et Vitellius fut massacré. Le jour étant sur son déclin, et la peur ayant dispersé les sénateurs et les magistrats, dont les uns étaient sortis de Rome, les autres cachés chez leurs clients, le Sénat ne put être convoqué. Domitien, ne voyant plus d’ennemi à redouter, se rendit auprès des chefs victorieux et fut salué du nom de César ; puis les soldats, toujours en armes, le conduisirent à la maison de son père[15], qu’il quitta du reste bientôt pour aller habiter sur le Palatin, dans la demeure impériale[16].

Le lendemain[17] (21 décembre), le Sénat reconnut Vespasien comme empereur. Vespasien et Titus furent élus consuls pour 70 ; Domitien reçut la préture avec l’imperium consulaire[18]. Peu de temps après[19], Mucien entra dans Rome : il conduisit le prince au milieu des troupes et lui fit adresser une harangue aux soldats[20]. Domitien se présenta aussi au peuple, devant lequel Mucien déclara que le fils de Vespasien gouvernerait jusqu’à l’arrivée de son père[21]. — Le premier janvier 70, Julius Frontinus, préteur urbain, entra en charge, mais bientôt il se retira et Domitien put prendre possession de la préture[22]. Il exerça les droits que lui donnait l’imperium consulaire d’autant plus librement que les deux consuls du premier nundinum de 70 furent Vespasien et Titus, absents de Rome, et que Petillius Cerialis, un des consuls du second nundinum, quitta probablement la ville avant d’entrer en charge[23]. — Le nom de Domitien figura en tête des lettres officielles et des édits[24].

Inconnu six mois auparavant, Domitien devint alors le personnage le plus en vue de Rome. Par suite de l’éloignement de son père et de son frère et du meurtre de Sabinus, il y représentait seul la famille impériale[25]. Tandis que Vespasien et Titus, restés en Orient, avaient laissé les événements suivre leur cours, il s’était vu exposé à de graves dangers qui attiraient sur lui la sympathie. — Des idées ambitieuses s’éveillèrent dans l’esprit de ce jeune homme de dix-huit ans, qui jusque-là avait vécu isolé et pauvre, et n’avait jamais pris aucune part aux affaires publiques. Infatué de sa fortune subite, mal conseillé[26], il se mit en tête de diriger l’État[27], négligeant comme trop mesquins les devoirs que lui imposait sa charge de préteur[28].

Mais les circonstances étaient trop graves pour que le gouvernement pût lui être abandonné. A Rome, le Sénat manifestait des volontés d’indépendance ; les troupes vitelliennes devaient être licenciées ou écartées de l’Italie ; les Flaviens voulaient être récompensés de leur victoire, et après leur entrée dans Rome, ils s’étaient montrés fort disposés à pilier la ville ; une grande révolte venait d’éclater sur le Rhin et menaçait de se répandre dans toute la Gaule ; on savait que l’Afrique n’était pas favorable à Vespasien et on disait même qu’elle s’était soulevée.

D’ailleurs ni Mucien, ni Vespasien n’auraient souffert que Domitien prit en main la direction de l’État. Mucien se vantait publiquement d’avoir disposé du pouvoir suprême au profit de Vespasien. Pendant l’absence de celui-ci, il voulut être empereur de fait, et Vespasien le lui permit, car il avait toute confiance en son habileté. Il l’autorisa à rendre des décrets, sous la seule réserve qu’il mettrait en tête le nom de l’empereur et lui envoya même son anneau pour en marquer les décisions qu’il publierait[29]. En un mot, l’ancien légat de Syrie sembla pendant plusieurs mois un homme associé à l’empire, plutôt que le ministre de l’empereur[30]. Domitien dut agir sur ses avis et avec son concours[31]. — D’ailleurs Mucien, pour ménager sa vanité, eut la prudence de lui laisser en apparence une certaine initiative.

Le jour où Domitien, devenu préteur, lit son entrée au Sénat, il y fut bien accueilli. Il dit sur l’absence de son père et de son frère et sur sa propre jeunesse quelques mots pleins de convenance que la grâce de son maintien faisait valoir : on prit pour de la modestie la rougeur qui couvrait à chaque instant son visage. Il demanda que la mémoire de Galba fût réhabilitée. Mais il refusa de communiquer au Sénat les registres du palais qui auraient fait connaître les délateurs du règne précédent, et déclara que sur une telle affaire, il allait consulter l’empereur[32]. A la séance suivante, il recommanda l’oubli des injures et des haines ; il allégua les nécessités des temps malheureux qui avaient précédé. Mucien soutint le même avis, mais en des termes plus discrets encore[33]. Peu après, une loi présentée par Domitien aux comices révoqua les consulats que Vitellius avait conférés[34]. Dans ces différentes circonstances, le fils de Vespasien, tout en condamnant les actes d’Othon et de Vitellius, chercha à empêcher des représailles qui eussent déshonoré le nouveau règne.

D’accord avec Mucien, Domitien s’efforça de régler l’état de la garde prétorienne. Les soldats de ce corps, que Vitellius avait licenciés, demandaient à y reprendre leur place ; les légionnaires, auxquels on avait promis de les admettre dans la garde, voulaient qu’on leur tint parole ; enfin il semblait difficile de renvoyer les prétoriens de Vitellius, sans provoquer des désordres sanglants. Pour se débarrasser de ces derniers, Domitien vint au camp leur offrir des terres. Ils les refusèrent et demandèrent de continuer à servir et à recevoir la paye : c’étaient des prières, mais des prières qui ne souffraient pas de contradiction. On leur laissa donc leur rang de prétoriens, et on ne les congédia ensuite que les uns après les autres, la plupart avec honneur[35].

Il fallait aussi que le gouvernement nouveau fût sûr de la fidélité de ceux qui exerçaient des fonctions publiques. En un seul jour, Mucien et Domitien distribuèrent plus de vingt emplois importants à Rome et dans les provinces ; ce qui fit dire à Vespasien qu’il s’étonnait que son fils ne lui envoyât pas aussi un successeur[36].

Du reste, Domitien fit preuve de quelques qualités. On n’eut, pendant que son père fut absent, aucun reproche de cupidité ou de cruauté à lui faire ; il montra, au contraire, une sensibilité entrée et même ridicule. Suétone prétend que s’étant souvenu de ce vers de Virgile :

Impia quam cassis gens est epulata juvencis.

il songea à faire un édit pour défendre qu’on immolât des bœufs[37].

Mais, malgré les apparences, Domitien comprenait qu’il jouait nu rôle subalterne, et son orgueil en était blessé. Il protesta par de brusques coups d’autorité contre une situation qu’il regardait comme indigne de lui[38]. Il exerça, dit Suétone (Domitien, 1), le pouvoir du manière si arbitraire que, dès lors, il montra ce qu’il devait être plus tard. Il témoigna une grande malveillance à Mucien et devint l’ami de deux de ses adversaires politiques, Antonius Primus et Arrius Varus[39]. C’était Antonius qui avait vaincu les Vitelliens ; cependant Mucien, malgré de flatteuses promesses, ne lui avait pas permis de prendre une part active au gouvernement[40]. Quant à Varus, il occupait alors la fonction de préfet du prétoire[41] ; compagnon d’armes d’Antonius pendant la guerre civile, dans laquelle il s’était fort distingué, il était, comme son ancien chef, suspect au tout-puissant ami de Vespasien[42]. Mucien lui retira son commandement, mais il ne voulut pas faire un affront trop sensible au fils de l’empereur. Varus reçut la préfecture de l’annone, et son successeur fut un homme très aimé de Domitien, et qui tenait par alliance à la famille impériale, M. Arrecinus Clemens[43].

Ce fut surtout à l’occasion des guerres qui se firent alors sur le Rhin que Domitien manifesta ses desseins ambitieux et qu’il eut à subir de pénibles humiliations. — Les Bataves, les Cannénéfates, les Frisons s’étaient révoltés sous la conduite de Civilis, et les peuples de la Germanie occidentale, désireux de pilier le territoire romain, s’étaient joints à eux. Les Trévires et les Lingons, commandés par Classicus, Julius Tutor et Julius Sabinus, avaient proclamé l’empire indépendant des Gaules, que reconnurent bientôt les Vangions, les Triboques, les Caracates, les Ubiens, les Tongres. Les légions des deux armées de Germanie avaient été massacrées ou avaient juré fidélité à cet empire gaulois.

Au printemps de l’année 70, Petillius Cerialis, parent de l’empereur, fut envoyé en Germanie et chargé de diriger la guerre contre les rebelles[44]. Mais le danger semblait si grand qu’il fut décidé que Mucien et Domitien se rendraient sur les bords du Rhin où des légions furent appelées de Bretagne, d’Espagne et d’Italie[45]. Le prince désirait vivement faire cette expédition. Impétueux d’espérance et de jeunesse, comme dit Tacite, il se promettait des succès militaires qui lui assureraient une renommée aussi grande que celle de Bon frère Titus, chargé à cette époque de terminer la guerre de Judée[46]. Quant à Mucien, il aurait préféré rester à Rome qu’il redoutait de laisser sans maître ; mais il craignait que Cerialis ne fût pas capable d’étouffer la révolte, et il voulait accompagner Domitien, dont l’esprit aventureux lui inspirait des inquiétudes[47]. Jaloux d’exercer sur l’armée une autorité incontestée, il ne permit pas au jeune César d’emmener avec lui Antonius Primus, son rival[48]. Des nouvelles heureuses le rassurèrent bientôt et durent augmenter son désir de ne pas s’éloigner de Rome : la défaite des Lingons par les Séquanes restés fidèles ; le refus que les députés des peuples de la Gaule, réunis à Reims, tirent de reconnaître l’empire proclamé par les rebelles ; la soumission des Triboques, des Vangions, des Caracates ; la délivrance de deux légions cantonnées à Trèves et contraintes de jurer fidélité à l’empire gaulois[49]. Il opposa donc à l’impatience du jeune César délais sur délais[50], et lui fit donner par des amis de Vespasien le conseil de ne pas entreprendre cette expédition[51].

Cependant Mucien et Domitien se mirent enfin en marche[52] et ils arrivèrent au pied des Alpes. Là, ils apprirent que Petillius Cerialis était entré dans Trèves après une grande victoire. Les Lingons et les Trévires avaient fait leur soumission ; l’empire des Gaules n’existait plus. Il fallait encore vaincre sur le Rhin inférieur les Bataves de Civilis, les Germains, ses alliés, et les révoltés gaulois qui s’étaient réfugiés auprès de lui. Cette guerre pouvait être longue et difficile, mais Rome n’avait pas à en craindre l’issue. — Alors Mucien exprima une idée qu’il cachait depuis longtemps, mais qu’il feignit de concevoir tout à coup. Il déclara que, puisque la faveur des dieux avait brisé les forces des ennemis, il siérait peu à Domitien d’aller, quand la guerre était presque achevée, prendre sa part de la gloire d’un autre ; si la stabilité de l’empire et le salut des Gaules étaient menacés, la place d’un César serait sur les champs de bataille, mais il fallait laisser à des chefs moins importants les Cannénéfates et les Bataves. Il devait rester à Lyon, d’où il montrerait de près la force et la fortune du principat, sans se commettre dans de vulgaires dangers, et prêt cependant pour de plus grandes occasions[53]. — Domitien comprit cette ruse, mais les égards qu’il devait à Mucien lui commandaient la dissimulation. On alla donc à Lyon. Tacite dit, sans l’affirmer cependant, que de ce lieu il envoya, en secret, des courriers à Cerialis : il voulait savoir si ce général lui remettrait, en cas qu’il partit, l’almée et le commandement. Cette demande, ajoute l’historien, cachait-elle un projet de guerre contre son père, ou cherchait-il à s’assurer contre son frère des ressources et des forces ? La chose resta incertaine. Il n’est guère probable que Domitien ait eu la folle pensée de renverser Vespasien, mais peut-être prétendait-il, à cette époque, partager le pouvoir impérial avec Titus[54], après la mort de son père qui avait déjà soixante et un ans. — Cerialis, tout en lui répondant en des termes très mesurés, éluda sa demande comme le caprice d’un enfant, et il ne resta plus à Domitien qu’à retourner en Italie[55].

Son séjour à Lyon contribua peut-être à hâter la soumission des rebelles : Josèphe le dit en termes emphatiques dans son Histoire de la guerre de Judée. Voici comment il raconte la campagne du jeune César[56] : A la nouvelle de la révolte, Domitien n’hésita pas, malgré sa jeunesse, à supporter le poids de cette grande guerre : il tenait de son père l’intrépidité, et il avait une expérience supérieure à son âge. Il entreprit donc aussitôt une expédition contre les Barbares. Ceux-ci, informés de son approche, eurent pour et se soumirent ; ils s’estimèrent heureux de reprendre leur ancien joug, sans recevoir de châtiment. Après avoir tout fait rentrer dans l’ordre en Gaule, de manière que de nouveaux troubles y fussent désormais à peu près impossibles, Domitien retourna glorieusement à Rome, ayant accompli des actions qui, par leur éclat, dépassait son âge et étaient dignes de son père[57].

En réalité, cette expédition que le prince avait rêvée si éclatante s’était terminée d’une manière fort mesquine. Loin d’acquérir une renommée militaire, il avait été joué par Mucien, peut-être aussi par Cerialis.

En même temps, Domitien s’était fait une fort mauvaise réputation par ses débauches. Pendant l’absence de son père, il séduisit un grand nombre de femmes mariées, entre autres Domitia, la fille de l’illustre Corbulon, vainqueur des Parthes. Quoiqu’elle fût déjà mariée à L. Ælius Lamia Plautius Ælianus, il l’épousa[58].

Vespasien, qui était resté en Égypte, fut informé de la conduite de son second fils : l’ambition déplacée de Domitien, ses différends avec Mucien, ses désordres lui déplurent fort[59]. — Tacite prétend même[60] qu’il se montra si mécontent que Titus, au moment où il quitta l’empereur pour aller achever la guerre juive, crut devoir intercéder en faveur de son frère. Il supplia Vespasien de ne pas s’irriter sur la foi de vagués accusations et de montrer envers son fils un esprit libre et indulgent. Ni légions, ni flottes, disait-il, ne sont d’aussi formes soutiens du pouvoir suprême que le nombre des enfants... Le sang forme des liens indissolubles, surtout entre les princes : si d’autres peuvent jouir de leur prospérité, c’est leur famille qui ressent leurs disgrâces. La concorde ne pourra durer entre les frères, si un père n’en donne l’exemple. L’empereur moins adouci en faveur de Domitien que charmé de l’affection fraternelle de Titus, lui dit de se rassurer et d’illustrer l’État par les armes ; que lui-même s’occuperait des soins de la paix et de sa propre maison. — L’entretien dont parle Tacite ayant été secret, son récit mérite évidemment fort peu de confiance. Il a voulu mettre en opposition, comme il le fit probablement dans le reste de ses Histoires[61], et comme le firent aussi Suétone et Dion Cassius, la générosité de Titus et la perversité de Domitien.

Quoi qu’il en soit, Domitien savait si bien que son père était irrité contre lui, que, prévoyant le retour prochain de l’empereur, il agit avec plus de prudence après son expédition des Gaules. Autant par blessure d’amour-propre que par crainte d’une disgrâce complète, il renonça tout à fait aux occupations du gouvernement[62]. Il se donna les apparences de la simplicité et de la modestie et affecta le goût des lettres[63]. — Quand Vespasien revint en Italie, au mois d’octobre[64], il mit peu d’empressement à se présenter devant lui, craignant des reproches trop mérités. Mucien et d’autres personnages importants allèrent à sa rencontre jusqu’au port de Brindes ; Domitien ne dépassa pas Bénévent[65].

L’empereur, rentré à Rome, dirigea dès lors les affaires publiques. Il ne put ni ne voulut donner à ses deux fils le même rang dans l’État. Titus, né en 40 ou 41, était un homme fait. Doué d’une intelligence remarquable, d’une mémoire extraordinaire, il avait reçu dans sa jeunesse une éducation soignée. Il avait rendu et continuait à rendre d’importants services à son père. C’était par affection pour lui que Mucien s’était déclaré en faveur de Vespasien ; chargé de diriger la guerre de Judée, il illustra le nouveau règne et l’affermit par la prisé de Jérusalem, au mois de septembre 70. Ses dehors brillants, sa gloire militaire, des prophéties connues de tous, lui donnaient un grand prestige aux yeux du peuple et des soldats. Ambitieux d’ailleurs, il aurait peut-être enlevé le pouvoir à son père, si celui-ci ne s’était décidé à le partager avec lui. Par reconnaissance et par intérêt, Vespasien devait associer son fils aîné à l’empire. Titus reçut la puissance tribunitienne, qu’il exerça à partir du 1er juillet 71, l’imperium proconsulaire, le droit de s’attribuer les salutations impériales, il prit le nom d’imperator. Il exerça le consulat en même temps que Vespasien depuis l’année 72 ; en 73-74, il fut censeur avec lui. Il participa non seulement aux honneurs suprêmes, mais aussi au gouvernement de l’État, eut le commandement de la garde prétorienne, présenta des propositions législatives au Sénat, dicta des lettres officielles, rédigea des édits au nom de son père. Il fut, dit Suétone (Titus, 6), l’associé, plus encore, le tuteur de l’empire. — Domitien, au contraire, n’avait pas encore vingt ans quand Vespasien revint en Italie. Depuis la mort de Vitellius, il s’était signalé surtout par son orgueil, son humeur brouillonne et ses vices. Les soldats le connaissaient seulement par son expédition manquée de Gaule : il n’avait jamais paru sur un champ de bataille. Vespasien ne pouvait donc songer à faire de lui l’égal de Titus, qui, du reste, ne l’aurait probablement pas souffert. Il faut ajouter que la constitution impériale ne permettait pas au prince d’avoir plus d’un associé dans l’exercice de la puissance tribunitienne[66].

Il ne lui accorda aucun des titres qui indiquaient l’association à l’empire. Comme il se défiait de lui et voulait en l’humiliant le punir de sa conduite passée[67], il ne lui permit pas de prendre une part active aux affaires publiques. De 70 à 79, Domitien n’exerça aucun commandement militaire, malgré son vif désir de se montrer aux légions ; à Rome même, il fut écarté de toute fonction administrative : l’empereur le chargea seulement quelquefois de porter au Sénat ses messages[68]. D’ordinaire il dut habiter avec son père qui désirait le surveiller de près[69].

Mais, d’un autre côté, Vespasien se préoccupa toujours d’assurer l’empire à sa famille. Suétone dit que, malgré de nombreuses conspirations dirigées contre lui, il osa déclarer au Sénat qu’il aurait pour successeurs ses fils ou personne[70]. Titus n’ayant pas d’enfant mâle, c’était Domitien qui, dans sa pensée, devait succéder à son fils aîné. Il voulut, en lui accordant des honneurs extraordinaires, faire de lui le troisième personnage de l’État, le placer au-dessus de tous les particuliers, et accoutumer les Romains à le considérer comme leur futur maître.

Domitien eut le titre de prince de la jeunesse[71]. Comme Titus, il fut de tous les grands collèges religieux[72]. De même que lui, il reçut, en 72, le droit de faire frapper par le Sénat des monnaies de bronze à son effigie[73], et en 74 celui de battre monnaie en or et en argent[74]. Il put porter la couronne de laurier[75]. Sur les monuments publics son nom fut gravé à côté do ceux de Vespasien et de Titus[76]. Six fois, pendant le règne de son père, il devint consul[77].

Son premier consulat[78] ne fut pas un consulat ordinaire. Le 1er janvier 71, Vespasien et M. Cocceius Nerva entrèrent en charge[79]. Ce fut le 1er mars[80] que Domitien devint consul, d’abord avec Cn. Pedius Cascus[81], puis avec C. Calpetanus Rantius Quirinalis Valerius Festus[82]. Il sortit de charge le 30 juin[83].

Dès l’année 71, il apparaît sur des monnaies comme désigné à un deuxième consulat[84] qui devait être suffect, car avant le 5 avril de cette même année, Vespasien et Titus avaient été désignés pour les deux consulats ordinaires de 72[85]. — Comme il eût été irrégulier de conférer dès 71 un consulat pour 73, il est assez probable que Domitien devait entrer en charge on 72, soit dans le premier nundinum comme suppléant d’un consul ordinaire qui se serait retiré avant le terme légal de sa charge, soit dans un des nundina suivants.

Il ne fut cependant consul pour la seconde fois que le 1er janvier 73[86]. Suétone nous en donne la raison : Des six consulats qu’il reçut du vivant de son père, il n’en exerça qu’un ordinaire, parce que Titus lui céda la place et demanda pour lui cet honneur[87]. Vespasien attachait une grande importance au consulat, sans doute à cause de l’éponymie[88] ; pendant son règne, il exerça tous les ans cette magistrature, sauf quand des circonstances particulières l’en empêchèrent[89]. D’autre part, Titus, associé à l’empire en 71, géra dès lors le consulat en même temps que son père[90]. En vertu de ces principes, Vespasien et son fils aîné devaient être consuls le fer janvier 73, et comme à cette époque les élections aux consulats ordinaires se faisaient vers le début de l’année précédente (avant le 5 avril en 71), ils devaient être désignés au commencement de 72. Ce fut aux comices qui eurent lieu à cette époque que Titus dut faire abandon de son droit en faveur de son frère, qui fut désigné par le Sénat comme consul ordinaire pour 73. La renonciation de Titus entraîna celle de Vespasien[91] et Catullus Messalinus fut élu comme collègue du second fils de l’empereur. — Quand les comices furent tenus, Domitien n’était pas encore entré en charge[92], et une fois élu pour 73, il renonça à prendre les faisceaux en 72, parce qu’il ne pouvait être en même temps désigné à deux consulats, et que le consulat ordinaire qu’on lui cédait était beaucoup plus estimé qu’un consulat suffect : en outre Titus ne voulait peut-être pas voir son frère cadet compter autant de consulats que lui. — Ainsi Domitien resta consul designatus II pendant une partie de 71 et pendant toute l’année 72[93], d’abord comme suffect pour 72, puis comme ordinaire pour 73.

Domitien ne fut pas consul en 74, probablement aussi pour ne pas atteindre le chiffre des consulats de Titus. Son troisième consulat se place en 75[94] et son quatrième en 76[95]. En 77, il fut consul pour la cinquième fois[96] : le 1er janvier, Vespasien et Titus entrèrent en charge[97] ; quelque temps après, peut-être aux ides du même mois, Titus se retira pour laisser la place è son frère qui devint ainsi collègue de l’empereur pendant le premier nundinum[98].

Domitien ne fut point consul en 78 ; Vespasien et Titus renoncèrent aussi aux faisceaux cette année-là[99], pour des raisons que nous ne connaissons pas. — En 79, il le fut pour la sixième fois[100]. Pour 80, il fut probablement désigné comme suffect avant la mort de son père, survenue le 23 juin 79[101].

En résumé, Domitien fut six fois consul sous Vespasien. II le fut dès que son âge le lui permit, en 71. Sous la dynastie julioclaudienne, les jeunes gens auxquels les empereurs destinaient leur succession ne reçurent pas le consulat avant l’Aga de vingt ans ; les autres membres de la famille impériale, lorsqu’ils avaient atteint cet fige, ne pouvaient pas obtenir une charge supérieure à la questure[102]. Domitien fut donc traité à cet égard, non comme un simple prince du sang, mais comme un véritable héritier de l’empire. En 73, par une faveur spéciale, il exerça le consulat dès le premier janvier. A partir de 75, il reçut chaque année les faisceaux, sauf en 78 ; mais comme Vespasien et Titus devaient être tous les ans consuls ordinaires, ainsi que nous l’avons vu plus haut, il ne resta pour Domitien que des consulats suffects. Cependant, pour atténuer cette déchéance inévitable, l’empereur décida, semble-t-il, que son second fils serait suffect, non pas dans le second ou le troisième nundinum, mais dans le premier, ce qui était plus honorable[103]. En 75 et dans les années suivantes, un des deux consuls ordinaires, soit Vespasien, soit Titus, parait s’être retiré avant le terme légal de sa magistrature pour faire place à Domitien[104]. — L’histoire des six premiers consulats de ce prince prouve donc que son père voulut lui donner un rang exceptionnel dans l’État, immédiatement au-dessous de lui-même et de Titus,

Malgré tous ces honneurs, Domitien considérait la conduite de l’empereur envers lui comme injuste. Dans son orgueil, il était blessé d’être l’inférieur de son frère, d’autant plus que cette infériorité éclatait aux yeux de tous. Au triomphe juif, auquel Titus

par vanité donna une magnificence inouïe, Vespasien et Titus s’avançaient sur deux chars ; Domitien, alors consul, les suivait à cheval[105]. Quand l’empereur et ses fils se montraient au peuple, Vespasien et Titus étaient portés sur un siège ; Domitien venait derrière eux en litière[106]. Dans les voeux publics, son nom n’était pas prononcé en même temps que ceux de son père et de son frère[107]. Sur les monuments, Titus pouvait se qualifier : Imperator Titus Caesar Vespasianus, Augusti filius, imperator n, pontifex, tribunicia potestate n, consul n ; tandis que Domitien était appelé seulement : Caesar, Augusti ftlius, Domitianus consul n, pontifex ou princeps juventutis[108].

D’un esprit actif, turbulent même, il était condamné à l’oisiveté. Il voulut plusieurs fois s’y soustraire. Vologèse, roi des Parthes, avait prié Vespasien de lui envoyer, pour le soutenir contre les Alains, une armée commandée par un de ses fils[109]. Domitien fit tout ce qu’il put pour être chargé de cette expédition, mais l’empereur repoussa la demande de Vologèse. Le jeune César voulut alors par des dons et des promesses décider les autres rois de l’Orient à adresser la même prière à Vespasien, mais ses intrigues restèrent sans succès[110].

A s’ennuyait fort et cherchait de bizarres distractions ; ce fut alors qu’il prit l’habitude, mentionnée par plusieurs auteurs, de passer de longues heures à percer des mouches avec un poinçon[111] : je donne ici cette anecdote pour ce qu’elle vaut. — Son caractère s’aigrit. N’osant témoigner son humeur à Vespasien lui-même ou à Titus, il se vengea sur Caenis, la maîtresse de l’empereur, qui la traitait presque comme une femme légitime[112]. Un jour, Caenis retournant de voyage vint à Domitien pour l’embrasser : il se recula et lui offrit la main[113].

Cependant il comprit bien qu’il ne pourrait rien contre son père et son frère, et qu’il serait au contraire très facile à Vespasien, prévenu contre lui, de le traiter avec plus de rigueur. Aussi feignit-il la soumission[114]. — Dans la retraite, il compléta son instruction négligée jusque-là[115]. Quoiqu’il n’eût aucun goût pour la poésie, il composa des vers[116], dont Quintilien fit, plus tard, un éloge ridiculement exagéré : Je n’ai nommé, dit-il dans son Institution oratoire[117], tous ces écrivains (les poètes épiques les plus illustres de la Grèce et de Rome) que parce que le gouvernement de l’univers a détourné Auguste le Germanique de ses études, et parce que les dieux ont jugé que c’était trop peu pour lui d’être le plus grand des poètes. Et pourtant quoi de plus sublime, de plus docte, de plus harmonieusement beau que les poésies faites dans la retraite où il s’est confiné dans sa jeunesse après avoir fait don de l’empire ? et qui pourrait mieux chanter la guerre que celui qui la fait si glorieusement ? à qui se montreraient plus propices les divinités qui président aux études ? Les siècles futurs le diront mieux que moi ; maintenant sa gloire poétique est éclipsée par l’éclat de ses autres talents. — Domitien semble avoir écrit alors un poème sur le combat du Capitole[118] ; il entreprit même peut-être une épopée sur la prise de Jérusalem[119], pour qu’on ne l’accusât pas d’envier son frère. Il lut ses œuvres en public[120].

Quand Vespasien mourut, le 23 juin 79, Titus lui succéda : son père, en l’associant à l’empire, l’avait désigné aux suffrages du Sénat. Jusqu’alors, les rapports entre les deux frères avaient été bons, en apparence du moins. Domitien avait eu la prudence de cacher ses sentiments de jalousie à l’égard de son allié, et Titus s’était montré, semble-t-il, bienveillant pour lui[121]. Il n’en fut plus de même après la mort de Vespasien.

La situation politique de Domitien ne changea pas, il est vrai. Il conserva ses titres, ses honneurs, continua à battre monnaie[122] ; il fut consul pour la septième fois en 80[123], et ce fut un consulat ordinaire : il remplaça tout naturellement Vespasien dont il était le suppléant désigné. Son nom fut désormais prononcé dans les vœux publics[124].

Mais Titus ne lui laissa prendre aucune part aux affaires de l’État. Il ne lui fit conférer ni l’imperium proconsulaire, ni la puissance tribunitienne ; il ne lui permit pas de porter le nom d’Imperator[125]. — En agissant ainsi, il ne se conforma probable-ment pas aux desseins de son père. Vespasien avait voulu que Domitien succédât à son frère aîné : dans cette pensée, il l’avait élevé au-dessus de tous les particuliers. Il ne put lui accorder les titres qui, en fait, équivalaient presque à une désignation au pou-voir suprême ; mais il espérait sans doute que quand Titus serait empereur à son tour, Domitien les recevrait. Celui-ci n’eut peut-être pas tort do dire que son père l’avait désigné comme associé au pouvoir impérial, mais qu’on avait falsifié le testament[126].

Il ne semble pas cependant que Titus ait songé à écarter Domitien de l’empire. Dès le premier jour de son règne, il le déclara son associé et son successeur, et il maintint cette déclaration, malgré l’attitude hostile de Domitien[127]. Il lui proposa même d’épouser sa fille unique Julie[128]. Mais, jaloux de son autorité et inquiet de l’ambition impatiente de son frère, il ne voulut pas lui donner dans l’État un rang trop rapproché du sien. On peut observer aussi[129] que Titus se montra très soucieux pendant son règne de ne pas porter atteinte aux prérogatives du Sénat. Or, en s’associant Domitien, il aurait semblé vouloir limiter par avance, du moins en fait, le droit qui appartenait au Sénat de choisir librement son successeur après sa mort.

Domitien fut fort irrité de la conduite de Titus à son égard, et il manifesta son mécontentement avec beaucoup moins de réserve que sous son père. Une vive discorde éclata entre l’empereur et lui. Sachant que Titus à son avènement était impopulaire, il aurait songé à offrir aux soldats, après la mort de Vespasien, un donativum double de celui que leur donna son frère aîné, afin qu’ils le proclamassent[130]. A plusieurs reprises, il fut mêlé à des intrigues et à des conspirations ; il chercha presque ouvertement à soulever les armées et à s’enfuir de Rome[131]. Ne voulant pas se séparer de Domitia, fille de Corbulon, il refusa d’épouser Julie, et après que cette princesse se fut mariée à T. Flavius Sabinus, fils du frère de Vespasien[132], il en fit sa maîtresse du vivant même de Titus[133].

De son côté, Titus frappa de disgrâce les amis de Domitien[134]. Il donna en 80 le consulat à L. Aelius Lamia Plautius Aelianus[135] : c’était en quelque sorte une réparation de l’outrage fait à ce personnage par Domitien, qui lui avait jadis pris sa femme[136]. T. Flavius Sabinus, cousin et gendre de l’empereur[137], fut désigné consul pour l’année 82[138]. Peut-être Titus traita-t-il Sabinus avec une considération toute particulière. Il est peu probable cependant qu’il lui ait destiné sa succession ; mais il désirait sans doute inspirer cette crainte à Domitien, espérant ainsi le rendre plus soumis. Domitien, nous le savons par Suétone, se montra fort jaloux de Sabinus. Indigné de voir que le gendre de l’empereur eut des serviteurs habillés de blanc (c’était la livrée impériale)[139], il s’écria un jour, en citant Hombre : Le gouvernement de plusieurs chefs n’est pas bon[140].

Mais, dit Suétone (Titus, 9), Titus ne put se résoudre ni à mettre à mort son frère, ni à l’écarter de lui, ni même à le traiter avec moins de considération qu’auparavant. Quelquefois même, il le prenait en particulier et le suppliait en pleurant de consentir enfin à payer son affection de retour. Selon Dion Cassius (LXVI, 26), citant quelques auteurs dont il partage l’avis, il se serait repenti de cette indulgence au moment d’expirer. La faute mystérieuse qu’il se reprocha alors aurait été sa condescendance pour Domitien qu’il laissait maître de l’empire romain, tandis qu’il aurait dû le faire périr. Il faut d’ailleurs se méfier de ce que Dion Cassius et même Suétone, auteurs extrêmement favorables à Titus, nous disent au sujet des relations des deux frères : ils ne rapportent que des faits d’un caractère fort intime sur lesquels la vérité était difficile à savoir.

Cependant leur désaccord était connu de tout le monde : aussi prétendit-on, après la mort de Titus, que son frère l’avait empoisonné[141]. C’était une calomnie : l’empereur mourut de la fièvre[142] et du mauvais régime qu’il suivait[143] ; mais la conduite que Domitien tint alors contribua à répandre des bruits fâcheux pour sa réputation.

Titus était encore en vie, lorsque Domitien qui se trouvait auprès de lui à Cutilies, non loin de Réate, en Sabine, partit pour Rome à cheval. Il se rendit au camp des prétoriens et se fit saluer empereur par les soldats auxquels il distribua une somme égale à celle qu’ils avaient reçue de Titus après la mort de Vespasien (13 septembre 81)[144]. Le lendemain[145], les sénateurs, sans même avoir été convoqués, coururent à la curie et conférèrent à Domitien le titre d’Auguste, l’imperium, la puissance tribunitienne[146]. Seize jours après, le 30 septembre, eurent lieu les comices dans lesquels la puissance tribunicienne du nouvel empereur fut proclamée devant le peuple[147]. — Domitien fut désigné consul pour le huitième fois[148] : il semble avoir pris la place d’un personnage désigné dès le commencement de l’année et dont le nom est inconnu[149]. Il reçut ensuite le grand pontificat[150]. Le Sénat lui décerna aussi le titre de père de la patrie[151].

 

 

 



[1] Nulle part on ne trouve le nom complet de Domitien. C’est par une conjecture probablement inexacte, car elle est contraire à l’usage, que Franz a restitué dans une inscription grecque (C. I. G., n° 5043) : [Τ. Φλα. Δ]ομιτιανοϋ. Mais ceux qui, sous les trois empereurs flaviens, reçurent la droit de cité par bienfait du prince s’appelèrent tous T. Flavius (voir en particulier Kaibel, Inscriptiones graecae Sicilias et Italiae, n° 746 ; cf. Friœdlander, Sittengeschichte Roms, II, 61 édit., p. 634), ce qui prouve que Domitien avait pour prénom Titus, comme son père et son frère.

[2] Suétone, Domitien, 1: Natus est IX kal. novemb. Cf. C. I. L., X, 444. Dion Cassius (LXVII, 18) dit que Domitien vécut quarante-quatre ans, dix mois, vingt-six jours. Or il mourut le 18 septembre 96 (Suétone, Domitien, 17).

[3] Suétone, Domitien, 1. Martial, IX, 20. Voir chapitre IV.

[4] Suétone, loc. cit. — Il fut consul du 1er novembre au 31 décembre (Suétone, Vespasien, 4).

[5] Elle mourut en tout cas avant 69 (Suétone, Vespasien, 3).

[6] Suétone, Vespasien, 4.

[7] Titus naquit le 30 décembre 40 ou 41 (voir Philologischer Anzeiger, XVI, 1886, p. 552).

[8] Suétone, Titus, 2 et 4. Tacite, Histoires, II, 77.

[9] Vespasien se trouva dans de grands embarras pécuniaires après son proconsulat d’Afrique (Suétone, Vespasien, 4. Tacite, Hist., III, 65).

[10] Suétone, Domitien, 1 : Pubertatis ac primae adulescentiae tempus tanta inopia tantaque infamia gessisse fortur, ut nullum argenteum uas in usu haberet; satisque constat Clodium Pollionem praetorium virum... chirographum eius conseruasse et nonnumquam protulisse noctem sibi pollicentis; nec defuerunt qui affirmarent, corruptum Domitianum et a Nerua successore mox suo. (Il passa, dit-on, son enfance et sa première jeunesse dans un tel état d’indigence et d’opprobre qu’il ne possédait pas même un vase d’argent. On sait que Clodius Pollion, l’ancien préteur... avait conservé et montrait quelquefois un billet de Domitien qui lui promettait une nuit. Quelques personnes prétendent qu’il eut le même commerce avec Nerva son successeur.) — Il faut remarquer que Suétone est fort peu affirmatif : Fortur, satin constat, nec defuerunt qui affirmarent (dit-on, on sait que, quelques personnes prétendent). — Voir encore Juvénal, Satires, IV, 105, et le scoliaste (édition Jahn-Bücheler).

[11] Tacite, Hist., III, 59.

[12] Tacite, Hist., III, 69. Suétone, Domitien, 1. Dion Cassius, LXV, 17. Josèphe, Guerre de Judée, IV, II, 4.

[13] Tacite, Hist., III, 74. Suétone, Domitien, 1. Les deux récits diffèrent un peu. Selon Suétone, Domitien se serait réfugié au delà du Tibre, chez la mère d’un de ses condisciples. Voir encore Dion Cassius, LXV, 17. — Plus tard, les flatteurs de Domitien rappelèrent fréquemment cet épisode. Stace, Thébaïde, I, 21 :

Defensa prius vix pubescontibus annis

bella Jovis.

Silves, 1, 1, 79 :

Tu bella Jovis, tu practia Rheni...

longo marte domas.

Silius Italicus, Punica, III, 609 [Prophétie de Jupiter] :

Nec te terruerini Tarpeil oulminis ignes

sacrilogas inter flammas servabere terris.

Martial, IX, 101, 13 :

Adseruit possessa malla Palatin regnis

prima suo gessit pro Jove balla puer.

Pour Josèphe (Guerre de Judée, IV, 11, 4), le salut de Domitien fut l’effet d’un miracle : δαιμονιώτερον διασώζεται — Domitien lui-même fit un poème sur la guerre du Capitole (voir plus loin), et témoigna sa reconnaissance à Jupiter Costes en lui élevant, à la place où était auparavant le logement du gardien, une chapelle, puis un temple (voir chapitre IV).

[14] Il faut observer pourtant que la chronologie de ces événements n’est pas connue d’une manière certaine. Vitellius fut peut-être tué le 23 décembre. Voir Lenain de Tillemont, Histoire des Empereurs, I, p. 622.

[15] Tacite, Hist., III, 86. Suétone, Domitien, 1. Il est probable que les légions d’Orient, quand elles proclamèrent Vespasien empereur, au mois de juillet 69, reconnurent en même temps ses deux fils comme Césars. Aussi trouve-t-on des monnaies de Vespasien, antérieures, semble-t-il, au 21 décembre 69, qui portent au revers : Titus et Domitian(us) Caesares, prin(cipes) juven(tutis). Voir Eckhel, Doctrina numorum veterum, VI, p. 320 et 367. Cohen, Description des monnaies frappées sous l’empire romain, I, 2e édit., Vespasien, n° 542 ; cf. 52, 539-541, 545.

[16] Tacite, Hist., IV, 2.

[17] Il est fort vraisemblable, en effet, que, dès le lendemain de la mort de Vitellius, le Sénat fut convoqué pour reconnaître Vespasien.

[18] Tacite, Hist., IV, 3, Suétone, Domitien, 1. Dion Cassius, LXVI, 1. Voir Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 650.

[19] Josèphe (IV, 11, 4) dit que Mucien entra dans Rome dès le lendemain du jour où fut tué Vitellius ; mais c’est peu vraisemblable. Voir la suite des événements au début du livre IV des Histoires.

[20] Dion Cassius, LXV, 22.

[21] Josèphe, IV, 11, 4.

[22] Tacite, Hist., IV, 39. — On a des monnaies de 70, sur lesquelles Domitien est qualifié de praetor. Voir Cohon, Vespasien, Titus et Domitien, t. I, p. 424, n° 6 : imp(erator) Caesar Vespasianus Aug(ustus) tr(ibunicia) p(otestate). ® Caesar Aug(usit) j(ilius) co(n)s(ul), Caesar Aug(usti) f(ilius) pr(aetor). Cf. n° 3 (avec la correction de Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIV, 1886, p. 363), 4, 5, 12, 14.

[23] Josèphe, VII, 4, 2, où il faut lire : είς Γερμανίαν άπιέναι. Mucien et Domitien avaient quitté Rome avant le 21 juin 70, et l’on sait que le départ de Cerialis eut lieu avant le leur (Tacite, Hist., IV, 68, 71, 85). — Cerialis dut être désigné consul pour le second nundinum de 70, du 1er mai au 31 août (voir Asbach, Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreunden im Rheinlande, LXXIX, 1885, p. 129-130).

[24] Tacite, Hist., IV, 39.

[25] Sabinus, frère de Vespasien, laissait, il est vrai, deux fils. T. Flavius Sabinus et T. Flavius Clemens ; mais ils étaient, semble-t-il, en bas âge. Petillius Cerialis était proche parent de l’empereur, mais par alliance (Tacite, Hist., III, 59. Dion Cassius, LXIV, 18).

[26] Tacite, Hist., IV, 39 ; IV, 68 : pravis impulsoribus.

[27] Tacite, Hist., IV, 39. Dion Cassius, LXVI, 3 : ούδέν γάρ μιxρόν έπενόει.

[28] Suétone, Domitien, 1 : Honorem praeturae urbanae consulari potestate suscepit titulo tenus : nam juris dictionem ad collegam proximum transtulit (Créé préteur de Rome avec la puissance consulaire, il n'en garda que le titre et laissa les fonctions à son collègue).

[29] Tacite, Hist., IV, 4 ; IV, 11. Dion Cassius, LXVI, 2.

[30] Tacite, Hist., II, 83 ; cf. IV, 39.

[31] Tacite, Agricola, 7 : Initia principatus ac statum urbis Mucianus regebat, juvene admodum Domitiano (Dans un premier temps, le pouvoir impérial était exercé à Rome par Mucien, qui avait en main la situation de la ville. Domitien, encore assez jeune...).

[32] Tacite, Hist., IV, 40.

[33] Tacite, Hist., IV, 44.

[34] Tacite, Hist., IV, 47. Cf. Mommsen, Staatsrecht, I, 3e édit., p. 630, n. 4 ; II, p. 930, n. 4 ; III, p. 346, n. 4. — Vitellius avait fait désigner les consuls pour dix années (Suétone, Vitellius, II ; Tacite, Hist., III, 55).

[35] Tacite, Hist., IV, 46.

[36] Zonaras, XI, 17, p. 492-493 (édition Pinder). Dion Cassius, LXVI, 2. Suétone, Domitien, 1.

[37] Suétone, Domitien, 9.

[38] Suétone, Domitien, 12 : Ab juventa minime ciuilis animi, confidens etiam, et cum uerbis tum rebus immodicum (Domitien, dès sa jeunesse, se montra dur, présomptueux, sans mesure ni dans ses discours ni dans sa conduite). Tacite, Hist., IV, 39 : Vis penes Mucianum erat, nisi quod pleraque Domitianus instigantibus amicis aut propria libidine audebat (Domitien prit possession de la préture ; son nom figurait à la tête des lettres et des édits : le pouvoir était aux mains de Mucien). Cf. Agricola, 7.

[39] Tacite, Hist., IV, 68 ; IV. 80.

[40] Tacite, Hist., IV, 11 ; IV, 39.

[41] Tacite, Hist., IV, 2.

[42] Tacite, Hist., IV, 39 ; IV, 68.

[43] Tacite, Hist., IV, 68. Arrecinus Clemens était frère de la première femme de Titus, Arrecina Tertulla (Suétone, Titus, 4. Tacite, loc. cit.).

[44] Tacite, Hist., IV, 68. Josèphe, VII, 4, 2 (sur ce passage, voir Urlichs, De vita Agricolae, p. 19).

[45] Tacite, Hist., IV, 68 ; cf. Mommsen, Hermès, XIX, 1884, p. 440, n. 1.

[46] Suétone, Domitien, 2.

[47] Tacite, loc. cit.

[48] Tacite, Hist., IV, 80.

[49] Tacite, Hist., IV, 67 et suiv.

[50] Tacite, Hist., IV, 68.

[51] Suétone, Domitien, 2 : [Domitianus] expoditionom in Galliam Germaniasque... dissuadontibus paternis amicis inchoavit ([Domitien] entreprit une expédition dans les Gaules et en Germanie... malgré les conseils des amis de son père).

[52] Mucien et Domitien n’étaient plus à Rome le 21 juin 70. Ce jour-là fut purifié l’emplacement sur lequel devait s’élever le nouveau temple de Jupiter Capitolin. Or ni Mucien, alors consul, ni Domitien ne sont indiqués par Tacite (Hist., IV, 53) comme ayant pris part à cette importante cérémonie.

[53] Tacite, Hist., IV, 85.

[54] Voir Suétone, Domitien, 2.

[55] Tacite, Hist., IV, 86.

[56] VII, 4, 2. On lit, dans le quatrième livre des Stratagèmes (qui n’est pas de Frontin, mais peut-être d’un de ses contemporains ; voir Schanx, Philologus, XLVIII, 1889, p. 674 et suiv.), que la cité des Lingons, en apprenant l’approche de l’armée de Domitien, craignit d’être dévastée et fit sa soumission (IV, 3, 14).

[57] Silius Italicus (Punica, III, 607) se contente de dire :

At sic transcendes, Germanico, facta tuorum,

jam puer auricomo praeformidate Batavo.

Voir encore Martial, II, 2, 4, et VII, 7, 3.

[58] Suétone, Domitien, 1. Dion Cassius, LXVI, 3. Tacite, Hist., IV, 2.

[59] Tacite, Hist., IV, 51. Suétone, Domitien, 2.

[60] Tacite, Hist., IV, 52.

[61] Voir, par exemple, Hist., IV, 86.

[62] Tacite, Hist., IV, 86. Cf. Dion Cassius, LXVI, 3.

[63] Tacite, loc. cit.

[64] Titus apprit à Béryte, peu après le 17 novembre 70 (Josèphe, Guerre de Judée, VII, 3, 1 ; cf. Suétone, Vespasien, 2), l’arrivée de son père à Rome (Josèphe, VII, 4, 1). Or une nouvelle mettait un mois environ pour parvenir de Rome à Béryte. Voir Chambalu, Philologus, XLV, 1885, p. 502 et suiv. M. Pick pense à tort, selon nous, que le retour de Vespasien à Rome eut lieu vers la fin du mois d’août (Zeitschrift für Numismatik, XIII, 1885, p. 378, n. 2).

[65] Dion Cassius, LXVI, 9.

[66] Voir Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 1160.

[67] Suétone, Domitien, 2. Dion Cassius, LXVI, 10.

[68] Dion Cassius, LXVI, 10.

[69] Suétone, Domitien, 2. Cependant Domitien séjournait fréquemment à Albano (Dion Cassius, LXVI, 9 ; cf. LXVI, 3).

[70] Suétone, Vespasien, 25.

[71] Cohen, Domitien, 52 ; 374, etc. C. I. L., VI, 932.

[72] C. I. L., IX, 4955 : Domitiano co(n)s(uli)..., sacerdoti [c]onlegiorum omniu[m, pr]incipi juventuti[s]. — C. I. L., VIII, 10116 :... Domitian[o c]o(n)[s(uli)] IIII, pontifi(ici). — Cohen, Domitien, 38, 336 : Domitianus Caesar, aug(ur). — Actes des Arvales, C.I. L., VI, 2054, 2057 : Domitien est indiqué comme présent à des réunions de la confrérie.

[73] Domitien reçut ce droit avant 73, car sur plusieurs de sas monnaies autonomes en bronze, il est indiqué comme co(n)s(ul) des(ignatus) II (Cohen, Domitien, 404, 476, 533, 616, 635, 636 ; il fut consul II à partir du 1er janvier 73). D’autre part, il le reçut après 71, car il ne put l’obtenir avant Titus, dont les premières monnaies autonomes sont datées de 72 (Cohen, Titus, 6, 7, 77, etc.). Titus reçut probablement le droit dont il s’agit vers le commencement de l’année 72 : après l’année 71, on ne le voit plus représenté sur les revers des monnaies de bronze de son père. — Il ne serait pas impossible que le droit de monnayage en bronze eût été accordé plus tard à Domitien qu’à lui. En effet, si après 71 Domitien n’apparaît pas plus que Titus sur les monnaies de l’empereur, frappées en bronze (Cohen, Vespasien, 537, est de 71 ; voir Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIV, 1886, p. 360), il est encore représenté sur trois bronzes autonomes de Titus (Cohen, Titus, 27-29 ; il faut sans doute y joindre le n° 26 : voir Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIII, 1885, p. 373), dont deux sont postérieurs au 1er juillet 72. — Domitien out le droit de faire battre de la monnaie de bronze à Antioche (Cohen, Domitien, 747, 748, 749. Pick, Z. F. N., XIV, 1886, p. 313, 346 et suiv.). Voir aussi des monnaies autonomes en bronze de Domitien César, portant les noms des proconsuls de Bithynie (Monnet, Description générale des monnaies, II, p. 409, n° 3 ; Supplément, V, p. 2, nos 3 et 5). Par contre, Domitien n’eut pas, avant d’être empereur, le droit de monnayage à Alexandrie (voir Pick, Z. F. N., XIV, p. 327-328).

[74] Il ne put recevoir ce droit avant Titus. Or celui-ci ne l’avait pas en 72 (voir : α) Catalogo del musse di Napoli, monete romane, p. 108, n° 6227, et Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIV, 1886, p. 362 = Cohen, Vespasien et Titus, 3 [corrigé] ; β) Catalogo, p. 108, n° 6226, et Pick, loc. cit., p. 364, n° 8 = Cohen, Vespasien, Titus et Domitien, 8 [corrigé] ; γ) δ) ε) Cohen, Vespasien et Titus, 1 [= Pick, p. 362], 4 et 5) ; — ni probablement en 73 (voir Cohen, Vespasien, Titus et Domitien, 7, corrigé par Pick, p. 363 [quoique la lecture de cette monnaie ne soit pas certaine]). On doit remarquer qu’il n’existe aucune monnaie de Titus en or et en argent marquée du titre de co(n)s(ul) II, qu’il garda du 1er janvier 72 au 31 décembre 73. Mais Titus avait certainement ce droit en 74 (Cohen, Titus, 21, 123, 159, 160, 161).

Domitien l’obtint sans doute aussi en 74. Plusieurs de ses monnaies autonomes en métal précieux portent le titre : co(n)s(ul) II (Cohen, Domitien, 614, 663, 664, 665), qu’il garda du 1er janvier 73 jusqu’au commencement de 75 (probablement jusqu’au 13 janvier ; voir plus loin). — Outre ses monnaies autonomes d’or et d’argent avec exergue en latin, il faut citer des monnaies grecques de l’île de Chypre, en argent : Δομιτιανός Καϊσαρ ® Ένους νεου ίέροΰ θ (neuvième année du règne de Vespasien). Voir Pick, loc. cit., p. 334. On lit sur des monnaies d’argent de Césarée, en Cappadoce (Mionnet, Description des monnaies, IV, p. 411, n. 25 et 26 ; supplément, VII, p. 663, n. 24. Pick, loc. cit., p. 350) : Αύτοxρά(τωρ) Καϊσαρ Ούεσπασιανός Σεβαστός ® Δομιτανός Καϊσαρ Σεβ(αστοΰ) ύιό(ς). Έτ(ους) θ. Titus, non plus, ne fit pas frapper de monnaies autonomes à Césarée pendant le règne de son père : il figure, lui aussi, sur le revers d’une monnaie de Vespasien, de la même année (Pick, loc. cit.).

[75] Voir Eckhel, VI, p. 369 ; VIII, 361. Mommsen, Staatsrecht, II, p. 822, 1150.

[76] C. I. L., II, 2477 ; VIII, 10116, 10119 ; III, 6993. Orelli, I, 2008. Archéologisch-eptgraphische Mittheilungen aus Oesterreich, V, 1881, p. 209. Journal asiatique, série VI, tome XIII, 1869, p. 96. Perrot, Exploration archéologique de la Galatie, p. 209. Le Bas et Waddington, Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure, III, 1225. — Voir aussi C. I. L., VI, 932 (mais c’est un monument privé).

[77] Suétone, Domitien, 2. — Sur les consulats de Domitien sous le règne de son père, voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 10 et suiv. ; Chambalu, Philologus, XLIV, 1885, p. 106 et suiv. ; Asbach, Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreunden im Rheinlande, LXXIX, 1885, p. 110 et suiv., 131 et suiv. ; Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIII, 1885, p. 356 et suiv.

[78] Nous ne savons pas quand il y fut désigné : peut-être en même temps que son père. Voir Cohen, Vespasien, Titis et Domitien, 13, corrigé par Pick, Z. F. N., XIV, p. 364 : Imp(erator) Caes(ar) Vespasian(us) Aug(ustus), p(ontifex) m(aximus), tr(ibunicia) p(otestate), p(ater) p(atriae), co(n)s(ul) II, d(esignatus) III. ® : Imp(erator) T(itus) Ves(pasianus) co(n)s(ul) design(atus)... ; D(omitianus) Caesar, Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ul) design(atus). Mais la lecture n’est pas certaine. — Les comices dans lesquels Vespasien fut élu consul pour la troisième fois suivirent de peu son retour (octobre 70) : sur les monnaies de cet empereur représentant la Fortuna redux, sept portent co(n)s(ul) iter(um) ou II, une co(n)s(ul) II, des(ignatus) III (Cohen, Vespasien, 81, 85, 171, 185, 186).

[79] C. I. L., VI, 1984. Ephemeris epigraphica, I, p. 161, n° 177, etc. Voir Klein, Fasti consulares, p. 43.

[80] Vespasien et Nerva étaient certainement en charge le 1er février. Voir une tessère gladiatoriale citée par Pick, Z. F. N., XIII, p. 382, n. 1. — Ils durent rester consuls jusqu’à la fin du premier nundinum, c’est-à-dire jusqu’au 28 février, et non jusqu’au 31 mars, car au premier siècle de l’empire, on ne connaît aucun nundinum de trois mois. Voir Henzen, Ephemeris epigraphica, I, p. 199.

[81] Le 5 avril, Domitien et Cascus étaient consuls (C. I. L., III, p. 850. Ephemeris epigraphica, II, p. 458). Ils l’étaient encore après le 14 avril et avant le 1er mai (C. I. L., III, p. 851).

[82] Domitien et Festus étaient consuls ensemble au mois de mai et le 25 juin (Kaibel, Inscriptions graecae Siciliae et Italiae, n° 750. C. I. L., Vl, 2016). — L’inscription C. I. L., IV, 2555 : Vespasiano III et filio c(on)s(ulibus), et un passage de Pline l’Ancien (Hist. naturelle, II, 57) : Imparatoribus Vespasianis patre III, filio iterum consulibus sont fautifs et ne peuvent nous induire à croire que Domitien fut, en 71, consul en même temps que son père. Dans l’inscription, il faut probablement corriger III en II et entendre par filio Titus (année 79) ; dans Pline, il faut lire IIII au lieu de III, le mot filio y désigne aussi Titus (année 72). Voir à ce sujet Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIII, p. 381.

[83] Le 20 juillet, les deux consuls étaient L. Flavius Fimbria et C. Attilius Barbarus (C. I. L., I, p. 200, n° 773. Kaibel, loc. cit.).

[84] Cohen, Vespasien, 536 [= Pick, Z. F. N., XIII, p. 219, n. 2]. Imp(erator) Caes(ar) Vespasianus Aug(ustus), p(ontifex) m(aximus), tr(ibunicia) p(otestate) p(ater) p(atriae), co(n)s(ul) III. ® T(itus) imp(erator) Caesar, co(n)-s(ul) des(ignatus) II, Caesar Domit(ianus), co(n)sul des(ignatus) II, s(enatus)c(onsulto). Cf. Cohen, Vespasien, 537 et 204, corrigés par Pick, Z. F. N., XIII, p. 229, n. 2 ; XIV, p. 357 et 360. — Cohen, Vespasien, 46-51 : imp. Caes. Vespasien. Aug., p. m., tr. p., p. p., cos. III. ® : Caes. Aug. f. des. imp. Aug. f. cos. des. iter. Comment faut-il lire le revers de ces monnaies ? Pick lit (Z. F. N., XIII, p. 191 et suiv. ; XIV, p. 355) : Imp(erator), Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ul) des(ignatus) iter(um) ; Caes(ar), Aug(usti) f(itius), des(ignatus). Par conséquent, ces monnaies auraient été frappées après les premiers comices de 71, dans lesquels Titus attrait été désigné consul II, et avant le 1er mars 71, date de l’entrée en charge de Domitien. Mais cette explication semble inadmissible. A la vue des monnaies, elle ne viendrait à la pensée de personne (voir la reproduction de l’une d’elles dans Cohen, I, p. 371), et tout le monde lirait la légende des revers en commençant par le mot Caes. et non par le mot imp. De plus, l’omission du mot cos. avant le second des(gnatur) serait très irrégulière. — Mommsen (Z. F. N., XIV, p. 31), lit : Caes(ares), Aug(usti) f(ilius), des(ignatus) imp(erator) ; Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ul) des(ignatus) iter(um). Ces monnaies auraient été frappées après les premiers comices de 71, dans lesquels Domitien aurait été désigné pour un second consulat (par conséquent après le 1er mars 71, car Domitien ne pouvait être désigné en même temps à deux consulats), et avant le 1er juillet, date à partir de laquelle Titus exerça la puissance tribunitienne et fut, par conséquent, associé officiellement à l’empire. — Schiller (Bursian’s Jahresbericht, LII, 1887, p. 17), lit : Caes(ares), Aug(usti) f(ilius), des(ignatur) imp(erator) ; Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ules) des(ignati) iter(um). La légende serait bien embrouillée : la date de ces monnaies serait, du reste, la même.

[85] Pour Vespasien cela est certain (C. I. L., III, p. 850 ; Ephemeris epigraphica, II, p. 458 : diplômes du 6 avril). Quant à Titus, qui fut consul le 1er janvier 72, il est fort probable qu’il fut désigné en même temps que l’autre consul ordinaire de 72, Vespasien. Si on lit les monnaies de Vespasien (Cohen, nos 46-51), comme le propose Schiller, il est certain que Titus fut élu aux premiers comices de 71, avec son père. — Si l’on adopte la lecture de Mommsen ou celle de Schiller, il faut en conclure que Domitien fut aussi désigné aux premiers comices (comme il le fut en 79, voir plus loin).

[86] C. I. L., X, 5405 ; V, 7239. Annali dell’ Instituto, LXII, 1870, p. 173, n° 3. — Le chronographe de 354, les fastes connus sous le nom d’Idace et la chronique pascale indiquent ce consulat. Prosper l’indique aussi, mais à une mauvaise place, comme le premier des consulats que Domitien géra étant empereur.

[87] Suétone, Domitien, 2. C’est sans raison plausible que Chambalu (Philologus, XLIV, 1885, p. 106 et suiv.) conteste l’exactitude de ce texte.

[88] Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 1097. Herzog, Geschichte und System der rümischen Staatsverfassung, II, p. 288.

[89] Il fut consul en 70, 71, 72, 74, 75, 76, 77, 79 : quand il mourut, il était désigné pour 80.

[90] Un associé à l’Empire ne pouvait gérer que des consulats ordinaires : voir Mommsen, Staatsrechf, II, p. 1166.

[91] Il n’y a aucune raison d’admettre que ce fut Vespasien qui fit abandon de son droit en faveur de Domitien (comme le prétendent Hoffmann, Quomodo, quando Titus imperator factus sit, p. 46, et Asbacd, Jahrb. des Vereins, LXXIX, 1885, p. 131). Vespasien renonça au consulat par suite de la renonciation de Titus, non pour laisser la place à son second fils.

[92] Soit qu’il fût désigné pour le second nundinum qui, cette année-là, commença le 1er mai (voir Klein, Fasti consulares, p. 44) ; soit qu’il fût désigné pour le premier comme suppléant d’un des deux consuls ordinaires, et que par suite de la promesse faite par Titus avant les comices de renoncer en faveur de Domitien au consulat ordinaire pour 73, le consul ordinaire de 72 qui devait être suppléé par Domitien ne se soit pas désisté pour lui faire place, le 13 janvier (c’était en effet ce jour-là, qu’à l’époque flavienne, le consul ordinaire qui ne remplissait pas tout le temps de sa charge avait coutume de se retirer : voir Suétone, Domitien, 13 ; Klein, Fastes de 74 et de 92 ; cf. Fastes de 86 et de 87).

[93] Cohen, Domitien, 404, 476. 533, 616, 635, 636 ; Titus, 27, 28, 29. C. I. L., VI, 932 (inscription de la seconde moitié de 72).

[94] Après le 1er juillet de l’année 75, Domitien est indiqué comme consul III (Journal asiatique, série VI, tome XIII, 1869, p. 96) : ϋπατος τό [γ’] (la restitution est certaine, puisqu’on lit ensuite : άποδεδειγμένος τό δ’). Il put l’être en 74 ou 75. Mais 74 doit être écarté. En effet, Domitien ne fut pas cette année-là consul dans le premier nundinum ; le suppléant de Vespasien nous est connu ; ce fut T. Plautius Silvanus Aelianus, qui devint ainsi collègue de Titus, resté en charge (voir Klein, Fasti consulares, p. 44). On ne peut pas non plus placer Domitien dans la second ou le troisième nundinum, car les consuls au mois de mai furent Petillius Cerialis et Eprius Marcellus, et ils auront pour successeurs (le 1er juillet ou le 1er septembre ? on ne saurait le dire) un personnage dont le nom n’est plus représenté que par les lettres ...ON... dans l’inscription C. I. L., VI, 2016, et un autre qui n’y est plus indiqué que par deux jambages à peine distincts ...II... Ce n’est certainement pas Domitien qui n’aurait pas été relégué au troisième nundinum après avoir été consul ordinaire. — D’autre part, sur trente-deux espèces de monnaies qui nous restent, Domitien est qualifié co(n)s(ul) II, sur douze seulement co(n)s(ul) III. On peut en conclure qu’il garda deux ans (73 et 74) le titre de co(n)s(ul) II, un seul (75), celui de co(n)s(ul) III (voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 11).

[95] Dans l’inscription grecque de 75, citée note précédente, Domitien est indiqué comme désigné à un quatrième consulat, qu’il géra, par conséquent, en 76. Sur une inscription de la première moitié de l’année 76, il est qualifié de co(n)s(ul) IIII (C. I. L., VIII, 10116 ; cf. 10119, qui est de la même année).

[96] Annali dell’ Instituto, XLII, 1870, p. 181, w 153 et suiv. (inscriptions gravées sur quatre blocs de marbre) : Imp(eratore) Vesp(asiano) Caes(are) Aug(usto) VIII, Domit(iano) Caes(are) V co(n)s(ulibus). Chronographe de 354 : Vespasiano VIII et Domitiano V. Cf. Fastes connus sous le nom d’Idace et Fastes de la Chronique pascale. — On ne peut citer à ce sujet la monnaie Cohen, I, p. 425, Vespasien et Domitien, I, car elle est certainement hybride ; voir Pick, Z. F. N., XIII, p. 369.

[97] C. I. L., X, 8067, 3 (sur une balance) : Imp(eratore) Vesp(asiano) Aug(usto) IIX, T(ito) imp(eratore), Aug(usti) f(ilio), VI co(n)s(ulibus). Sur ces sortes d’objets, on ne marquait que les consulats ordinaires. Actes des Arvales au 3 janvier (fragment très mutilé, il est vrai). C. I. L., VI, 2055 : [T(iti) Caesaris, Aug(usti) f(ili), Vespas]iani, co(n)s(ulis) VI. Prosper d’Aquitaine : Vespasiano VII (chiffre inexact) et Tito VI. — Nous avons déjà fait remarquer que Titus, associé à l’empire, ne pouvait être que consul ordinaire. Une inscription de Séleucie du Calycadnos pourrait faire croire que Titus ne fut pas consul ordinaire en 77 (Μουσεϊον xαί Βιβλιοθήxη τής εύαγγελιxής σχολής, Smyrne, 1875, p. 100, w 101 ; cf. Chambalu, Philologus, XLIV, 1885, page 113) : Αύτοxράτωρ Καϊσαρ Ούεσπασιανός Σεβαστός πατήρ πατρίδος, όπατος τό η’˙ Αύτοxράτωρ Τίτος Καϊσαρ Σεβαστοϋ νίός, ϋπατος τό ε’. Il résulterait de cette inscription qu’en 77 Vespasien aurait été pendant un certain temps consul VIII, tandis que Titus aurait été seulement consul V — Titus ne serait donc pas entré en charge le 1er janvier comme son père. Mais il faut probablement lire : Τίτος, etc., ϋπατος το ς’ (consul VI), en corrigeant Ε en Σ. Voir Pick, Z. F. N., XIV, p. 370. — Vespasien était régulièrement désigné dès les premiers comices de 76 (C. I. L., X, 1629). Il dut en dire de même pour Titus.

[98] Domitien fut suffect en 77 ; Suétone dit, en effet, qu’il n’exerça qu’un seul consulat ordinaire (celui de 73) pendant le règne de son père. Mais il flet cette année-là consul en même temps que son père (voir à la note 95). Il faut donc en conclure que Titus lui céda la place, sans doute le 13 janvier (voir n. 92), tandis que Vespasien resta en charge pendant tout le premier nundinum de l’année. — Cependant plusieurs autres textes pourraient faire croire que Domitien fut, en 77, consul ordinaire : a) Les inscriptions gravées sur les blocs de marbre indiquent presque toujours les consulats ordinaires (voir Annali dell’ Instituto, XLII. 1870, p. 172 et suiv.) ; b) sur la liste du chronographe de 354, on lit à l’année 77 : Vespasiano VIII, Domitiano V ; cf. Catalogue libérien, édition Duchesne, Liber pontificales, p. 2 ; c) les Fastes connus sous le nom d’Idace, qui n’indiquent que les consuls ordinaires, donnent comme consuls pour cette année : Vespasiano VIII et Domitiano III (III, parce qu’on a copié une liste n’indiquant que les consuls ordinaires et sur laquelle, par conséquent, on a lu en 73 : Domitiano II et Messalino, tandis qu’on n’y a trouvé aucune mention des consulats suffects gérés par Domitien en 75 et 76) ; d) Dans la Chronique pascale (I, p. 465, édit. Dindorf), Titus et Domitien sont indiqués comme consuls ordinaires : Τίτου τό ς’ xαί Δομετιανου τό β’ (β’, parce que c’est le deuxième consulat de Domitien que mentionne la Chronique. — Mais il est possible d’expliquer ou de corriger ces textes sans rejeter le témoignage formel de Suétone. En effet, les blocs de marbre indiquent quelquefois les consulats suffects (voir Ephemeris epigraphica, V, n° 1378). Or, en 77, on avait des raisons particulières pour graver sur ces blocs le nom du fils de l’empereur, Domitien, qui fut cette année-là en charge avec Vespasien et dut rester consul beaucoup plus longtemps que Titus. Quant aux erreurs qu’on constate dans les fastes manuscrits, elles ont peut-être pour cause la disposition des consulats ordinaires et suffects dans l’original : le nom de Domitien, suppléant de Titus et collègue de Vespasien, était indiqué probablement à côté de celui de son frère et de son père, mais il ne devait pas être marqué de la mime manière que les années précédentes et suivantes, où Domitien fut, autant qu’il semble, suppléant de Vespasien et collègue de Titus. Voir, à ce sujet, Pick, Z. F. N., XIII, p. 372, qui réfute avec raison les hypothèses de Chambalu, Philologus, XLIV, p. 109 et suiv.

[99] Voir Klein, Fasti consulares, p. 45.

[100] C. I. L., III, 6993 : Imp(erator) Caesar Vespasianus Aug(ustus), pontif(ex) max(imus), trib(unicia) pot(estate) VIIII, imp(erator) XIIX, p(ater) p(atriae), co(n)s(ul) IIX, desig(natus) VIIII ; Imp(erator) T(itus) Caesar, Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ul) VI, desig(natus) V[II] ; Domitianus Caesar, Aug(usti) f(ilius), co(n)s(ul) V, desig(natus) VI, etc. Cette inscription est de la première moitié de 78, non de la seconde moitié de 77 [dans laquelle la titulature de Vespasien fut déjà co(n)s(ul) VIII, tr(ibunicia) pot(estate) IX, imp(erator) XVIII] ; car en 77 l’empereur et Titus n’auraient pas été déjà désignés à un consulat qu’ils n’exercèrent qu’en 79. Ce sixième consulat. Domitien ne l’exerça pas en 78, mais en 79. En effet, sur cinq variétés de monnaie, il est qualifié de Consul IV, titre qu’il ne porta qu’un an (76) ; tandis que vingt espèces indiquent son cinquième consulat : on peut en conclure que ces vingt espèces doivent se répartir sur les deux années 77 et 78 (Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 12). D’ailleurs, il est invraisemblable que Domitien ait été suffect en 78, année dans laquelle deux particuliers furent consuls ordinaires. — Une inscription de Galatie, qui mentionne Domitien, date de l’année 79 : Vespasien y est qualifié de [ύπάτου]τέ ένατον, άποδε[δειγμένου τό δέxατον] ; Titus de [ύπάτου τό έβδομον, άποδε]δειγμένον τό δγδο[ον] ; Domitien est indiqué comme ύπάτου τό... τόν. Faut-il compléter, comme le fait M. Perret (Exploration archéologique de la Galatie, p. 209) : θπάτον τό [πέμπτον, άποδεδειγμένου τό ξx]τον ? La conclusion serait que lorsque cette inscription fut gravée, à une époque postérieure aux premiers comices de l’année 79, Domitien n’était pas encore entré en charge, et que, dans ces comices, Domitien ne fut pas désigné au septième consulat qu’il exerça l’année suivante. Mais on ne s’expliquerait pas pourquoi ce prince qui, à partir de 75, fut toujours consul dans les mêmes années que Vespasien et Titus, et probablement désigné en même temps qu’eux (cela est certain pour 78 [voir C. I. L., III. 6993, cité plus haut] et très probable pour 75 [voir les observations de Chambalu, Philologus, XLVII, 1888, p. 766, sur l’inscription du Journal asiatique]), n’aurait pas été élu pour 80 avec son père et son frère dans les premiers comices de 79. De plus, en 79, Domitien dut être comme il le fut certainement en 77 et très probablement en 76 (voir n. 104), suppléant d’un des consuls du premier nundinum, sans doute à partir du 13 janvier. Son sixième consulat était donc déjà commencé quand ces comices furent tenus vers le mois de mars : c’était la date des premiers comices de l’année sous Claude et Néron (voir Mommsen, Staatsrecht, I, p. 588-589), et nous avons vu que le 5 avril 71 Vespasien était déjà désigné pour l’année suivante. Pour ces raisons, on doit supposer, soit que l’indication de l’inscription est fausse, soit qu’au lieu d’un T il y a le dernier jambage d’une M, et il faut lire : ύπάτου τό [έxτον, άποδεδειγμένου τό έβδομ]ον. Voir, à ce sujet, Pick, Zeitschrift für Numismatik, XIII, p. 365, n. 4.

[101] Voir note précédente. On ne peut s’appuyer sur une monnaie de Titus (Cohen, Titus, 26), pour soutenir qu’avant la mort de son père, Domitien fut désigné à un consulat ordinaire pour 80. Cette monnaie date probablement de l’année 72.

[102] Mommsen, Staatsrecht, I, 3e édit., p. 576.

[103] Le consulat suffect de cette catégorie était accordé à de hauts personnages : par exemple, en 74, à T. Plautius Silvanus Aelianus, déjà consul une fois, décoré des ornements triomphaux et alors préfet de la ville (C. I. L., XIV, 3608). Voir Pick, Z. F. N., XIII, p. 365.

[104] En 76, Domitien fut certainement consul avant le 1er juillet, comme l’indique l’inscription C. I. L., VIII, 10116, qui est en tout cas antérieure au 1er juillet (cf. C. I. L., VIII, 10119, qui est antérieure au n° 10116, car Titus y est qualifié d’imperator X, tandis que sur le n° 10116 il est imperator XI). — En 78, et sans doute aussi en 79, il fut désigné consul aux mêmes comices que son père et son frère, ce qui paraît indiquer qu’il exerça en 79 et qu’il devait exercer, en 80, le consulat dans le même nundinum qu’eux.

[105] Suétone, Domitien, 2. Zonaras, XI, 17, p. 494. Josèphe, Guerre de Judée, VII, 5, 5.

[106] Suétone, ibid. Cf. Mommsen, Staatsrecht, I, p. 396-397.

[107] C. I. L., VI, 2054, 2055, 2056.

[108] C. I. L., VIII, 10116 ; VI, 932 et sur les monnaies : voir Chambalu, Philologus, XLV, 1886, p. 130.

[109] Suétone, Domitien, 2. Cf. Dion Cassius, LXVI, 15.

[110] Suétone, ibid.

[111] Dion Cassius, LXVI, 9. Il aurait conservé cette habitude après son avènement à l’empire (Suétone, Domitien, 3).

[112] Suétone, Vespasien, 3. Cf. Dion Cassius, LXVI, 14.

[113] Suétone, Domitien, 12. Cf. Pline le Jeune, Panég., 24 [à Trajan] : Non tu civium amplexus ad pedes tuos deprimis, nec osculum manu reddis (On ne vous voit pas renvoyer à vos pieds les embrassements du citoyen humilié, ni présenter à sa bouche une main superbe).

[114] Suétone, Domitien, 2. Dion Cassius (LXVI, 9) dit même, avec exagération sans doute, que Domitien simulait parfois la folie, pour ne pas éveiller les défiances de son père.

[115] Ses citations montrent qu’il connaissait bien Homère et Virgile : Suétone, Domitien, 9, 12, 18.

[116] Suétone, Domitien, 2. Martial, VIII, 82, 6 :

Nos [les poètes] tua cura prior, deliciaeque sumus.

Silius Italicus, Punica, III, 618 :

Quin et Romuleos suporabit voce nepotes

quis orit aloquio partum decus : huic sua Musse

sacra ferent ; meliorque lyra, cui subetitit Hebrus

et venit Rhedope, Phaebo miranda loquetur.

Pline l’Ancien, Hist. Nat., praefatio, 5. Stace, Achilléide, I, 15.

[117] X, 1, 91 et 92.

[118] Martial, V, 5. 7 : Capitolini caelestia carmina belli.

[119] Valerius Flaccus, Argonautiques, I, 12 [à Vespasien] :

...... versam proles tua pandit Idumen,

namque potest, Solymo nigrantem pulvere fratrem

spargentemque faces et in omni turre furentem.

De vos fils, l'un redira, car il le peut, l'Idumée vaincue ; il redira son frère, noirci d'une noble poussière, et qui va semant la ruine et l'incendie dans les remparts de Solyme.

[120] Suétone, Domitien, 2. Quintilien vante son éloquence (Inst. Orat., IV, proœmium, 3) : Principem ut in omnibus, ita in eloquentia quoque eminentissimum. Cf. Silius Italicus, loc. cit. — Cependant, plus tard, il sa faisait faire ses lettres, ses propositions au Sénat et ses édits (Suétone, Domitien, 20).

[121] Aux faits indiqués plus haut, il faut ajouter les jeux brillants donnée par Titus en Judée, à l’occasion de l’anniversaire de Domitien, le 24 octobre 70 (Josèphe, Guerre de Judée, VII, 3, 1). — Voir encore Pline l’Ancien, Histoire naturelle, praefatio, 5.

[122] En plus grande quantité que sous Vespasien. Voir le catalogue de Chambalu, Philologus, XLV, 1886, p. 131. Cependant, quand Titus devint empereur, Domitien semble avoir perdu le droit de battre monnaie à Antioche : voir Pick, Z. F. N., XIV, p. 347.

[123] C. I. L., II, 4803. C. I. G.. 3173 A. Annali dell’ Instituto, XLII, p. 182, n° 157 (au n° 158, il faut corriger VI en VII). Fastes manuscrits.

[124] Actes des Arvales : C. I. L., VI. 2059.

[125] Les inscriptions le prouvent. C. I. L., III, 318 : Domitien y est qualifié seulement de Caes(ar), Divi f(ilius), Domitianus, co(n)s(ul) VII, [p]rinc(eps) juventutis. Cf. C. I. L., II, 4803 ; VI, 2059.

[126] Suétone, Domitien, 2 : Patre defuncto, ...... numquam iactare dubitauit relictum se participem imperii, sed fraudem testamento adhibitam (Après la mort de son père, ...... il osa publier qu'il était institué cohéritier de l'empire, mais que le testament avait été falsifié). Dans son testament, Vespasien ne pouvait, en réalité, pas plus désigner un associé à l’Empire que son propre successeur. Ce double droit appartenait au Sénat. Mais il pouvait recommander Domitien au Sénat, qui conférait les titres constituant le pouvoir impérial secondaire, et au futur prince, sur la proposition duquel ces titres étaient conférés. — C’est peu probable que Vespasien ait laissé à Domitien par son testament une partie des biens qu’il possédait personnellement, mais dont un empereur seul pouvait hériter. Vespasien, nous l’avons dit, ne voulait pas que Domitien fut empereur après lui avec Titus ; il désirait seulement que son second fils fut particeps imperii, associé à l’empire sous le règne de son fils aîné.

[127] Suétone, Titus, 9 : A primo imperii die, consorte successoremque testari perseveravit (Il continua, comme dès le premier jour, à le proclamer son collègue et son successeur à l'empire). Cf. Aurelius Victor, Épitomé, 10, qui, au lieu de consore, dit particeps potestatis. On a vu plus haut, qu’on réalité, Domitien ne fut pas associé à l’Empire.

[128] Suétone, Domitien, 22.

[129] Herzog, Geschichte und System der römischen Staatsvertvallung, II, 1ère partie, p. 299.

[130] Suétone, Domitien, 2.

[131] Suétone, Titus, 9 ; Domitien, 2. Dion Cassius, LXVI, 26.

[132] Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, VII. 7, édition Westermann.

[133] Suétone, Domitien, 22.

[134] Pline le Jeune dit de Julius Bassus (Lettres, IV, 9, 2) : Titum timuit ut Domitiani amicus (Il craignit Titus, à titre d'ami de Domitien).

[135] Klein, Fasti consulares, p. 46.

[136] Peut-être même Titus offensa-t-il bien plus gravement son frère en séduisant Domitia. Au moment d’expirer, il dit qu’il n’avait commis qu’une seule faute. Quelques-uns crurent que c’était une allusion à des rapports intimes avec Domitia (Suétone, Titus, 10 ; Dion Cassius, LXVI, 26). Suétone ne le pense pas : il ajoute que Domitia jura plus tard solennellement qu’elle n’avait jamais été la maîtresse de Titus, elle qui, loin de nier ces relations si elles eussent été réelles, s’en serait même vantée, comme elle s’empressait de le faire pour toutes ses hontes.

[137] Il était fils de T. Flavius Sabinus, frère de Vespasien : Dion Cassius, LXV, 17 ; Suétone, Domitien, 10 ; cf. Philostrate, Vie d’Apolionius, VII, 7. — Il ne faut pas le confondre avec un autre T. Flavius Sabinus qui fut consul en 69, et consul pour la seconde fois en 72 (Klein, Fasti consulares, p. 42 et p. 44), et qui ne paraît pas avoir été parent des Flaviens.

[138] Le 1er janvier 82, Sabinus entra en charge (Klein, loc. cit., p. 41). Il dut être désigné aux premiers comices de l’année précédente, comme l’étaient les consuls ordinaires à l’époque flavienne.

[139] Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 805, n. 2.

[140] Suétone, Domitien, 12.

[141] Dion Cassius, LXVI, 26. Philostrate, Apollonius, VI, 32. Hérodien, IV, 5, 6. Aurelius Victor, De Caesaribus, 10 et 11. Evagre d’Epiphanie, Histoire ecclésiastique, III, 41. IV Ezras, II, 35 ; 12, 28 (édition Hilgenfeld, Messias Judaeorum, p. 249, 253). Peut-être aussi Chants sibyllins, XII, v. 121 et suiv. Georges le Syncelle, p. 648, édit. G. Dindorf (cf. Suidas, sub verbe Δομετιανός). — Les récits de Dion et de Philostrate sont absurdes. Les légendes les plus ridicules coururent au sujet de la mort de Titus (voir Gratz, Geschichte der Iuden, IV, 2e édit., p. 118.

[142] Suétone (Titus, 10), le dit formellement. Cf. Suétone, Domitien, 2 et Eusèbe, Chronologie, année 2096, p. 158-159 (édit. Schöne).

[143] Plutarque (De sanitinis praecepta, 3) dit que Titus mourut de l’abus des bains, comme l’affirment ses médecins ώς φασιν οί νοσηεόσανιες.

[144] Dion Cassius, LXVI, 26. Cf. Suétone, Domitien, 2. Pour la date, Suétone, Titus, 11.

[145] Dion Cassius, LXVII, 18, dit que Domitien régna quinze ans et 5 jours. Or il mourut le 18 septembre 96 (Suétone, Domitien, 17). Du 14 septembre 81 au 18 septembre 96, Il y a l’intervalle indiqué par Dion si l’on compte la date initiale et la date finale. — Ce que Suétone dit de la séance tenue par le sénat (Titus, 11 ; cf. Chambalu, De magisiratibus Flaviorum, p. 10) prouve que Domitien ne fut pas reconnu empereur un jour de dies legitimus, comme l’étaient les ides de septembre (le 13). — Ce fut le 14 septembre au plus tôt que les frères Arvales célébrèrent un sacrifice ob imperium Domitiani (C. I. L., VI, 2060) : XV [... k(alendas) octobr(es)]. En suivant les indications de Dion, on doit restituer XV [III] = 14 septembre, comme l’a fait Herzen, Acta fratrum Arvalium, p. 64.

[146] Pour l’imperium et le titre d’Auguste, voir les Actes des Arvales, C. I. L., VI, 2060. — Domitien fit dater ses puissances tribuniciennes du 13 ou du 14 septembre et non du 30 : sur un monument du 20 septembre 82 (Ephemeris epigraphica, IV, p. 496), on lit : tribunic(ia) potestat(e) II.

[147] Actes des Arvales (C. I. L., VI, 2080), au 30 septembre : indication d’un sacrifice célébré au Capitole : [ob co]mitia tribunicia Caesaris, Divi f(ili), Dom[itia]ni Aug(usti). — Le lendemain (1er octobre), les Arvales se réunirent encore au Capitole pour sacrifier votorum [co]mmendandorum causa pro salute et incolumitate Caesaris, Divi f(ili), Domitian(i) Aug(usti).

[148] Sur trois monnaies de 81, où Domitien est indiqué comme empereur, on lit seulement co(n)s(ul) VII (Cohen, Domitien, 33, 172, 344) ; sur les autres, co(n)s(ul) VII, des(ignatus) VIII. Mais il faut observer que les monnaies 33 et 344 portent le titre de p(ontifex) m(aximus) et sont, par conséquent, postérieures à la désignation de Domitien à un huitième consulat.

[149] C’est probablement à Domitien que Pline le Jeune (Panégyrique, 57) fait allusion par ces mots : consulatum recusasti : quem novi imperatores destinatum aliis, in se transferebant (Vous arriviez à peine au rang suprême, et, comme si la mesure de vos honneurs était comblée, et que vous eussiez déjà un motif d'excuse, vous refusez une dignité que de nouveaux empereurs enlevaient à des consuls désignés). — Si Titus avait été désigné au début de l’année 81 pour un neuvième consulat, Domitien n’aurait eu qu’à prendre la place laissée vide par la mort de son frère. Mais, malgré le témoignage d’une inscription (Bulletin de correspondance hellénique, III, 1879, p. 171 ; C. I. L., III, 6732), il est très douteux que Titus ait été désigné à ce neuvième consulat : les monnaies n’en font aucune mention (voir Chambalu, Philologus, XLVII, 1888, p. 766-768).

[150] Sur les monnaies de 81, où Domitien est indiqué comme empereur, on lit tantôt pont(ifex), tantôt pont(ifex) max(imus) ; voir Chambalu, De magistratibus Flaviorum, p. 21, n. 1 et 2. Ce fut après avoir été désigné à un huitième consulat qu’il reçut le grand pontificat ; voir Cohen, Domitien, 5659 ; 370-372, où Domitien est indiqué comme pont(ifex) et co(n)s(ul) VII, des(ignatus) VIII.

[151] Domitien reçut ce titre avant que le Sénat lui conférât le grand pontificat (voir Cohen, 57-59 ; 370-372). Peut-être fut-il surnommé pater patriae le jour même de sa proclamation à l’empire : nomen illud, dit Pline le Jeune, quod alii primo statim principatus die, ut Imperatoris et Caesaris, receperunt (Ce nom, que d'autres ont reçu le jour même de leur avènement avec ceux d'empereur et de César) (Panégyrique, 21). — Il était cependant d’usage que ce titre ne fût décerné que quelque temps après l’avènement et même que les empereurs le refusassent la première fois qu’on le leur offrait (voir Mommsen, Staatsrecht, II, 3e édit., p. 779).