MŒURS ROMAINES

 

LIVRE VIII — LE LUXE ROMAIN.

CHAPITRE PREMIER — Généralités.

 

 

On a depuis longtemps l’habitude de taxer d’extravagant, de fabuleux et d’immoral le luxe de l’antiquité romaine, dans les derniers temps de la république et sous l’empire[1]. Il suffit dé prononcer le nom de Rome, capitale des Césars, pour réveiller le souvenir d’une foule d’histoires rebattues, comme celles des constructions établies sur le fond de la mer, des jardins couronnant les terrasses de bâtiments majestueux, de l’or et de l’argent employés à ferrer les mules, ainsi qu’à former des vases pour les usages les plus vils, de bains de lait d’ânesse ou parfumés d’essences, de boissons dans lesquelles on faisait dissoudre des perles de prix, de plats de cervelles de paon ou de langues de flamant, et tant d’autres du même genre. Mais, en y regardant de plus près, on arrive assez généralement à reconnaître que les faits sur lesquels se fondent ces histoires ont été ou mal compris, ou mal coordonnés, et qu’il y a beaucoup à rabattre des versions les plus accréditées en pareille matière. Il en serait ainsi même si les faits allégués méritaient tous la foi pleine et entière qu’exclut déjà la nature d’une partie d’entre eux.

Dans toute exploration de l’antiquité, la tradition est de nature à nous exposer au risque de tirer des conclusions fausses de certains cas fortuitement rapportés, et de prendre l’exception pour la règle. En essayant de décrire le luxe romain, on a brouillé, à l’exemple de Meursius, des rapports de toutes les époques et de tous les genres : rapports concernant les extravagances de dissipateurs fameux, le train de vie princier de grands perron= nages aux goûts fastueux, ou le raffinement déployé dans les orgies des viveurs par excellence ; et dans cette confusion on n’a, d’ordinaire, tenu compte comme il le fallait ni de la diversité des points de vue des écrivains, ni de la liaison particulière des faits relatés avec l’ensemble auquel ils se rattachent.

Disons tout d’abord que l’on n’aurait jamais dû faire entrer en considération, dans les essais dont il s’agit, ce que l’on raconte du luxe de quelques empereurs, comme l’a déjà fait observer Meierotto[2], très bon juge du livre de Meursius. Le caractère excentrique du luxe d’un Caligula et d’un Néron dérive de la manie de ces tyrans de frapper le monde de l’idée de leur omnipotence ; c’était pour eux un moyen de mettre en relief la grandeur et la puissance surhumaines du Césarisme, de marquer l’énorme distance qu’il y avait entre le maître du monde et ses sujets, de montrer enfin que ce maître pouvait tout, que sa volonté n’avait point de frein[3]. C’est pour cela que Caligula, dont le délire césarien ne paraît pas avoir été, d’ailleurs, exempt d’une forte dose de véritable folie[4], fit exécuter des travaux de construction en mer, au milieu de la tempête, et n’hésita pas à dissiper en un seul jour dix millions de sesterces, tribut de trois provinces, s’il faut en croire Sénèque[5] ; pour cela que ce prince et Néron s’appliquèrent à réaliser, dans la magnificence de leurs fêtes, de leurs navires d’apparat et de leurs palais, les rêves de l’imagination la plus déréglée[6]. Mais aussi Caligula et Néron constituent-ils, parmi les empereurs des deux premiers siècles de notre ère, deux figures à part, presque uniques dans leur genre, à côté desquelles on pourrait tout au plus encore mentionner Lucius Verus ; car, pour ce qui est du luxe de Vitellius, il avait exclusivement pour but les moyens de satisfaire une gloutonnerie, monstrueuse. D’autre part Tibère, Galba, Vespasien, Pertinax poussèrent l’économie jusqu’à la lésinerie, et des autres empereurs de l’époque pas un seul ne fut un dissipateur, dans la véritable acception du mot.

On pourrait môme mettre en question si le luxe d’un Caligula et d’un Néron fut plus extravagant et plus funeste que celui de maint petit prince d’Allemagne dû dix-septième siècle et du dix-huitième. En effet, quand Auguste le Fort, électeur de Saxe, dépensait 80.000 écus pour monter à Dresde, en 1753, l’opéra de Soliman[7], et des millions pour sa résidence de fête de Muhlberg[8] ; quand le duc Charles de Wurtemberg, le fondateur de l’académie Caroline (Karlsschule), faisait de sa cour une des plus brillantes de l’Europe ; en appelant le concours des premiers artistes pour les spectacles qu’il donnait, en faisant tirer au sort, par ses invités, les plus riches cadeaux, jaillir le vin des fontaines pour la multitude, tirer des feux d’artifice qui revenaient à une demi tonne d’or et creuser des lacs sur des montagnes ; quand, enfin, l’on voit ce prince organiser des parties de traîneaux pour lesquelles on était obligé de faire venir la neige de fort loin[9], les pays que l’on pressurait, pour suffire à ces prodigalités insensées, ne peuvent guère être mis, ne l’oublions pas, pour les ressources qu’ils offraient à l’impôt, sur la même ligne qu’aucune des provinces majeures de l’empire romain. Ainsi, la province des Gaules, la seule sur laquelle nous ayons un renseignement positif, fournit, immédiatement après la conquête, une contribution de 40 millions de sesterces (8.770.500 fr.), chiffre que l’augmentation des impôts ne manqua pas, sans doute, d’élever beaucoup ultérieurement[10]. C’était bien différent dans l’ancien duché de Wurtemberg, petit pays de 155 milles carrés de superficie avec environ 600.000 habitants, où l’on sait positivement que les revenus ordinaires, provenant des domaines et des impôts, ne couvraient pas les dépenses, sous le duc Charles[11]. Or, il importe de faire ressortir qu’il serait aussi téméraire de conclure du luxe d’empereurs comme Caligula et Néron à celui de Rome tout entière, que des déportements de telle ou telle petite cour absolutiste de l’Allemagne à l’état général des mœurs contemporaines de cette contrée.

Pour l’appréciation du luxe romain les exemples des grands personnages qui, dans les campagnes victorieuses des derniers temps de la république, pillèrent des pays riches ; en partie encore intacts, et en rapportèrent un immense butin, n’ont guère, invoqués indistinctement, plus de portée que ceux des empereurs romains cités plus haut. Les énormes prodigalités d’un Scaurus et d’un Lucullus, comme celles d’un Pompée et d’un César, furent occasionnées et déterminées par des conditions et des circonstances dont la conjoncture ne se reproduisit plus dans l’antiquité ; il est même probable que ces prodigalités ne furent jamais surpassées par aucun des empereurs. Plutarque dit[12] que les jardins de Lucullus brillaient encore de son temps à côté des plus magnifiques jardins impériaux, malgré les grands progrès que le luxe avait faits dans l’intervalle ; Pline l’Ancien[13], que les extravagantes constructions de Caligula et de Néron n’atteignirent pas à la prodigalité insensée que Scaurus, simple particulier, avait déployée dans son théâtre. Nous n’examinerons pas longuement si les trésors, en or et en joyaux, amassés depuis des siècles par les despotes de l’Orient, puis tombés au pouvoir des Romains, après les victoires qui rendirent ces derniers maîtres de l’Asie, le cédaient au butin des Conquistadores espagnols de l’Amérique, ou des conquérants anglais de l’Inde. Bornons-nous à répéter avec Grote[14] que les trésors, provenant du butin de Suse et de Persépolis, déposés par Alexandre le Grand à Ecbatane, s’élevaient à la somme de 180,000 talents, consistant surtout en lingots.          

Or, après la découverte de l’Amérique, on mentionne une somme de 23.300.998 fr., qui devait valoir alors le quadruple de ce qu’elle vaudrait aujourd’hui, comme chiffre de-la rançon payée pour l’Inca du Pérou, Atahualpa, et dans la répartition de laquelle Pizarre eut 1.402.748 fr. pour sa part[15]. Quant à l’Inde., il eût été, suivant Macaulay, facile à Clive d’amasser dans le Bengale, pendant sa seconde administration, des richesses telles qu’aucun sujet en Europe n’en possédait. Sans faire peser sur les riches habitants de la province un joug plus dur que celui auquel les avaient habitués les moins exigeants de leurs anciens dominateurs, il n’eût tenu qu’à lui de se faire donner, en présents, jusqu’à 300.000 livres sterling ou 7 millions et demi de francs par an ; car les princes du voisinage n’eussent reculé devant aucun prix, pour gagner sa faveur[16].

Les mêmes occasions s’étaient présentées aux généraux et aux fonctionnaires romains en Orient ; mais ils étaient loin d’avoir la modération de Clive et son désintéressement relatif. Quelques exemples suffiront pour faire juger des sommes énormes qui affluaient dans leurs coffres. Le prince juif Aristobule, dans son litige avec le grand prêtre Hyrcan, son frère, suborna le légat A. Gabinius, avec 300 talents (environ 1.768.000 fr.), le questeur M. Æmilius Scaurus avec 400 talents (près de 2.358.000 fr.), le grand Pompée moyennant le don d’un cep de vigne en or de la valeur de 500 talents (près de 2.846.000 fr.)[17]. Gabinius avait, comme proconsul en Syrie, réalisé plus de cent millions de deniers (87.705.000 fr.) par ses exactions dans cette province[18]. On prétend qu’il promit son appui au roi d’Égypte, Ptolémée Aulète, moyennant une somme de 10,000 talents (58.940,625 fr.)[19], après que César eut déjà, en son propre nom et en celui de Pompée, extorqué près de 6.000 talents (environ 35.364.000 fr.) à ce prince[20]. Crassus enleva 10.000 talents en or et autres objets de prix, du temple de Jérusalem[21]. Les Gaules aussi étaient, du temps de César, un pays riche en or[22]. Le trésor du temple de la ville des Tectosages (Toulouse), que ravit, vers l’an 106 avant notre ère, Q. Servilius Cépion, s’élevait, d’après Posidonius, à 15.000 talents (88.411.000 fr.)[23]. Au temps de la domination franque encore, le roi Théodebert fit battre monnaie avec de l’or provenant des mines du pays[24].

Cependant les dépenses imposées, par les nécessités de leur situation et par la notoriété de leurs crimes, à ces insignes voleurs des derniers temps de la république romaine, atteignaient dés chiffres proportionnels à l’immensité de leur butin. Les subornations qu’ils étaient eux-mêmes obligés de pratiquer sur une échelle colossale, l’entretien d’une nuée de partisans, qui les suivaient partout, et les spectacles, dont la magnificence touchait au fabuleux, dévoraient des sommes énormes. L’édilité de Scaurus épuisa sa fortune et l’obéra même[25]. Ainsi ces trésors se fondirent en grande partie, comme ils étaient venus, et en fin de compte le véritable avoir de ces nababs du temps ne se trouvait plus en rapport ni avec leurs acquisitions prodigieuses, ni avec leurs prodigalités inouïes. Crassus lui-même, dont la richesse était proverbiale et réputée sans pareille de son temps, ne fut pas aussi riche que certains affranchis de la première époque de l’empire, tels que Pallas, Calliste et Narcisse[26]. Les derniers temps de la république semblaient à Pline l’Ancien un âge de pauvreté, comparativement à celui où il vivait lui-même[27], et, selon toutes les probabilités, l’accumulation des capitaux, dans l’ère impériale, non seulement atteignit des chiffres plus élevés, mais fut aussi plus générale et plus constante que sous la république.

Cependant les fortunes les plus grandes même de l’empire romain n’approchent pas, en capital et en revenus, des chiffres auxquels on estime les fortunes prépondérantes de l’âge moderne et de nos jours. Les plus grandes fortunes de l’antiquité romaine atteignent 300 et 400 millions de sesterces (de 81 ½ à 108 ¾ millions de francs), et l’on n’y nomme que deux possesseurs de cette dernière somme, l’augure Cn. Lentulus et Narcisse, l’affranchi de Néron. Le plus gros revenu connu de l’antiquité, celui que l’on attribuait aux plus opulentes familles romaines du commencement du cinquième siècle de notre ère, présente un chiffre d’environ 4.000 livres d’or en espèces, augmenté de rentrées en nature évaluées au tiers de cette somme, le tout constituant en bloc un revenu annuel de 6.090.000 fr. en notre monnaie[28].

Or, on estimait et estime encore à des chiffres en partie beaucoup plus élevés la fortune de bon nombre de grands et de financiers de notre temps, ou appartenant aux siècles qui l’ont immédiatement précédé. Antoine Fugger d’Augsbourg laissa en mourant, indépendamment de ses bijoux et des terres ou autres immeubles qu’il possédait dans toutes les parties de l’Europe, ainsi que dans les deux Indes, 6 millions de couronnes d’or soit 56.250.000 fr. en espèces sonnantes[29]. Voltaire[30] évaluait à environ deux cents millions de francs, en monnaie du temps, la fortune de Mazarin. Le fameux Potemkine, au milieu de prodigalités colossales et d’une vie d’orgies, dont on ne trouverait le pendant que dans les Contes des Mille et une Nuits, amassa en seize ans une fortune de 90 millions de roubles, à une époque où le total des recettes annuelles de l’empire russe n’atteignait qu’environ 50 millions de roubles[31]. En Saxe, le comte de Bruhl, ministre aussi prodigue que son maître, dépensait, dit-on, chaque année, 2 millions de thalers (7 millions et demi de francs)[32]. En Angleterre, le prince Puckler-Muskau, dans ses Lettres d’un trépassé (t. III, 217), évaluait naguère à 150.000 l. st. seulement le revenu annuel de la famille de Bedford, tandis que ceux des ducs de Northumberland et de Buccleuch atteignaient chacun 200.000 l. st. ou 5 millions de francs[33], chiffre que dépassent certainement encore, de nos jours, les revenus de plus d’un lord opulent de la Grande Bretagne. En Russie, la famille immensément riche des Chérémétieff possédait ; d’après M. de Haxthausen[34], avant l’abolition du servage, 200.000 serfs mâles (d’autres disent seulement 128.000), dont plusieurs étaient eux-mêmes des millionnaires.

Les Démidoff, grands propriétaires de mines et d’autres domaines, sont aussi, dit-on, possesseurs d’une énorme roche de malachite dont chaque poud vaut 800 roubles. Un autre propriétaire de mines richissime, Astascheff, doit avoir, retiré, dans la seule année 1843, de celles qu’il exploitait en Sibérie, 111 pouds d’or brut, représentant une valeur de près de 6.400.000 fr. Ajoutons que l’on estimait, il y a une vingtaine d’années, à plus de 375 millions de francs la fortune de l’enseigne Jakuboff, qui pouvait bien passer alors pour la plus colossale du continent ; mais qu’était cette fortune à côté de celle du baron James de Rothschild à Paris, évaluée, lors de sa mort en novembre 1868, à deux milliards de francs par les journaux. Aux États-Unis, Jean-Jacques Astor passait pour avoir une fortune de 25 à 30 millions de dollars, soit en francs de 125 à 150 millions pour le moins, et même plus considérable encore, à l’époque de son décès[35] ; en 1865 enfin, un négociant de New York, Alexandre J. Stewart, l’homme le plus riche de l’Union, fit la déclaration d’un revenu annuel de 4.071.256 dollars (21.628.500 fr), sur lequel il paya 407.125 dollars 60 c. d’income taxe[36].

Tout cela ne suffit pas, il est vrai, pour trancher la question de savoir si les Crésus de l’antiquité étaient réellement plus riches que ceux des temps modernes. Pour là décider, il faudrait encore avoir une connaissance exacte de la valeur d’échange du numéraire dans les deux périodes sur lesquelles porte la comparaison. Or, l’opinion que cette valeur d’échange a été, dans l’antiquité, bien supérieure à ce qu’elle est de nos jours, se trouve confirmée par les investigations les plus récentes auxquelles a conduit l’étude de la question. Il faut bien reconnaître que cette valeur effective fléchit un peu, durant les derniers siècles de la république et certainement aussi dans les premiers temps de l’empire, jusqu’à la fin du règne de Néron, mais seulement à Rome et en Italie ; il est certain toutefois qu’à partir de cette époque, elle reprit un mouvement ascensionnel dans toute l’étendue de l’empire romain[37]. Mais il n’est guère probable que l’on parvienne à déterminer, ne fût-ce qu’approximativement, le rapport de la valeur d’échange du numéraire, dans l’antiquité, avec celle qu’il gagna dans les périodes qui suivirent la découverte de l’Amérique. Cependant, même dans le cas où la première eût été double de la seconde, on arriverait toujours à conclure que les plus grandes fortunes privées de l’antiquité étaient inférieures aux fortunes modernes de la même catégorie.

Mais ce n’est pas seulement le luxe des empereurs et des grands personnages de la dernière période de la république qui porte un caractère exceptionnel ; on peut en dire autant des autres exemples que l’on invoque pour témoigner du luxe de ces temps-là, et dont beaucoup n’ont été, évidemment, transmis à la postérité qu’au titre spécial de faits tout à fait exceptionnels. Cet Apicius qui, sous Auguste et Tibère, dissipa des sommes énormes (cent millions de sesterces, dit-on), dans les orgies les plus raffinées, et qui, trouvant sa fortune réduite à dix millions de sesterces (2.718.750 fr.), se suicida parce que, s’il faut en croire des rapports dignes de foi d’ailleurs, il craignait de ne plus pouvoir vivre,avec un aussi modique avoir, ou peut-être plutôt parce qu’il avait épuisé la coupe de toutes les jouissances jusqu’à la lie[38], ce viveur consommé passait déjà de son temps pour un prodige dans son genre. Un savant polygraphe, Apion, fit du luxe extravagant déployé par cet original le sujet d’un livre[39], qui contribua à rendre son nom proverbial. Avec cette fabuleuse auréole, Apicius resta comme le type de la sensualité la plus raffinée, si bien qu’après deux cents ans encore Héliogabale se le proposa pour modèle[40]. Des anecdotes qui coururent sur ce gourmand sans pareil, il suffit de mentionner comme échantillon la suivante, empruntée peut-être au livre d’Apion. Ainsi on raconte de lui qu’il fit un voyage de mer très pénible de Minturnes à la côte d’Afrique, rien que pour avoir entendu parler d’écrevisses d’une grosseur remarquable, particulières à cette région, mais que, la réalité n’ayant pas répondu à son attente, il remit à la voile incontinent[41]. Or, s’il est inadmissible partout que l’on se permette de conclure d’anomalies et d’exceptions particulières à la définition générale de l’ensemble des rapports véritables d’une situation donnée, il en est surtout ainsi pour Rome, métropole de l’empire, terrain sur lequel tous les genres de vices et de déportements affectaient la tendance à un développement colossal et monstrueux, dans un milieu d’influences et de conditions telles qu’on n’en revit jamais ailleurs. Il est possible ainsi qu’un Apicius et ses pareils aient réellement primé les dissipateurs les plus fameux des temps modernes, tels qu’un comte de Bruhl ou même un cardinal de Rohan, duquel on cite aussi le propos qu’il ne comprenait pas la vie avec moins d’un million et demi de livres par an[42]. Il est vrai que le cardinal, parvenu à une si triste célébrité par l’affaire du collier, avait joui dans son beau temps, si nous en croyons Carlyle, d’un revenu de plus du quadruple.

Notamment ce luxe insensé qui trouve sa satisfaction non dans le plaisir de jouir des objets de prix et de valeur, mais dans celui de les dégrader et de les détruire, ne petit, vu la force des choses, s’être produit jamais qu’isolément. Rien d’ailleurs ne tend à faire penser qu’à Rome il fût relativement plus commun qu’il ne l’est dans ces grandes métropoles du monde moderne où l’exubérance de la richesse et l’excès des jouissances ont engendré, dans tous les temps, la satiété et l’insolence, poussée jusqu’à la fanfaronnade du crime. Abstraction faite de ce que l’on rapporte des folies de quelques empereurs, la bizarre manie de manger des oiseaux chanteurs, parlants ou autrement dressés, ainsi que de siroter des perles en dissolution, fournit, parmi les aberrations du luxe à Rome, presque les seuls exemples qui doivent nous étonner réellement. D’après Valère Maxime, le fils du grand tragédien Ésope, que son art avait rendu puissamment riche, était coutumier de cette dernière singularité, et, s’il faut en croire Pline l’Ancien, il avait l’habitude d’offrir, dans ses festins, une perle en dissolution à chaque convive. Il en aurait même un jour, au dire d’Horace, lui-même absorbé une, que la belle Métella avait portée à l’oreille, et cela uniquement pour avoir la satisfaction d’avaler un million d’un seul trait[43]. La fantaisie excentrique de faire rôtir dés oiseaux chanteurs et des oiseaux parlants est aussi attribuée par Valère Maxime au fils Ésope, au père même par Pline. Cet auteur ajoute, comme renseignement, que 6.000 sesterces formaient le prix d’un oiseau et que le plat tout entier, dont on faisait tant de bruit ; revenait à 100.000 sesterces. Dans Horace enfin, les deux fils de Q. Arrius sont désignés comme ayant l’habitude de manger des rossignols, achetés à grands frais[44]. Les variantes entre torrs ces rapports montrent comment toutes ces anecdotes, et tant d’autres contes du même genre, changeaient de forme dans la bouche de chaque narrateur. Il s’ensuit que les détails méritent peu de créance dans ces histoires dont toute l’importance tient à ce qu’elles étaient généralement crues. Cependant ces solécismes de la volupté, comme disait Lucien[45], et les autres excentricités du même genre, dont parlent les auteurs du temps, étaient dès lors taxés d’extravagance, et l’on racontait même qu’Auguste avait fait clouer Éros, son procureur en Égypte, au mât d’un navire, pour avoir fait acheter et rôtir une caille, sortie victorieuse de tous les concours de l’époque[46]. Or, si de telles excentricités, quand elles ne sont pas purement et simplement le fait de dissipateurs insensés, ne sauraient tout au plus trahir que le parvenu sans éducation, comme ce Trimalcion dont les coussins sont rembourrés de laine pourpre[47], elles ne peuvent servir non plus d’éléments pour caractériser l’état général du luxe à une époque donnée.

On s’est aussi laissé induire en erreur par le défaut de critique, pour avoir fait, dans bien des cas, trop légèrement chorus avec les jugements d’écrivains romains condamnant, à parti pris, maint luxe qu’un examen impartial nous amène à considérer comme innocent et raisonnable, voire même tomate l’heureux symptôme d’un progrès de civilisation et de bien-être. L’idée du luxe est, notoirement, une idée toute relative. Chacun, qu’il s’agisse d’un individu simplement ou d’une classe entière de la société, de tout tin peuple ou de toute une génération, voit un luxe dans toute consommation dont il n’éprouve pas le besoin lui-même[48]. Or, à cet égard, les anciens étaient dans leur manière de voir, plus rigides que les modernes.

De même la manière de vivre des premiers était, comme C’est encore aujourd’hui, bien qu’à un moindre degré, le cas dans les pays du midi, beaucoup plus dépendante des influences physiques et par conséquent aussi plus conforme aux simples lois de la nature que celle des seconds. C’est pourquoi toute satisfaction artificielle de besoins, amenée par les progrès de la civilisation, devait souvent apparaître aux anciens non seulement comme une superfluité, mais comme une innovation dangereuse, en tant que contraire à ces lois[49]. Du point de vue de la haute culture des nations très avancées qui habitent les zones plus rapprochées du septentrion et se voient obligées par leur situation de suppléer artificiellement aux conditions d’amélioration du bien-être que leur a refusées la nature, toute amplification de ce développement artificiel apparaît au contraire comme une chose très innocente, souvent môme avec raison comme un progrès nécessaire. De plus, le hasard a voulu- que les écrivains auxquels nous devons la majeure partie des renseignements qui nous ont été transmis sur le luxe romain, tels que M. Varron, L. Sénèque et Pline l’Ancien, fussent précisément des hommes de mœurs très simples et très sévères, dont l’abstinence tenait à leurs principes et dont les idées personnelles allaient certainement, en rigorisme, beaucoup au-delà de la moyenne exprimant le sentiment général de leurs contemporains[50]. Cette remarque s’applique notamment à Sénèque, lequel alla même, dans sa jeunesse, jusqu’à s’abstenir, pendant une année entière, de toute nourriture animale, se refusa, d’après le conseil d’Attale, non seulement les jouissances répréhensibles, mais le moindre superflu, et continua même dans la suite à un âge plus avancé, tout en se relâchant peu à peu de l’austérité de ce genre de vie, à s’abstenir de l’usage des huîtres et des champignons, des parfums, du vin et des bains chauds, observant une frugalité voisine de la macération jusque dans les jouissances qu’il se permettait. Aussi son corps portait-il visiblement les traces de ce régime insuffisant, quand il mourut[51]. Sénèque, Pline le Naturaliste et Varron s’accordent à condamner, d’une manière plus ou moins absolue, toute commodité, tout raffinement, toute jouissance même dont l’homme peut à la rigueur se passer ; les deux premiers ne sont même pas exempts de lubies qui les portent à désirer par moments un retour aux conditions primitives de l’état de nature[52]. Pline l’Ancien, chez lequel la contemplation du fonds de richesse insondable de la création et de son développement spontané nourrissait et exaltait cette disposition, alla, pour en donner un exemple, si loin qu’il maudit l’invention du navire à voiles, comme portant une atteinte impie à l’ordre établi dans la nature[53]. Varron blâme l’importation des denrées alimentaires exotiques[54]. Pline voit dans la culture artificielle des asperges l’indice d’un monstrueux sybaritisme[55]. Cet auteur et Sénèque se récrient, dans leurs déclamations, ce dernier même à plusieurs reprises, contre la réfrigération des boissons avec de la neige, procédé dans lequel ils voient un luxe contre nature[56]. Or aujourd’hui cette pratique apparaît comme un soin indispensable au plus pauvre même, dans les pays du midi, où elle est en usage depuis des siècles. Addison[57], qui visita Naples dans les premières années du dix-huitième siècle, pensait qu’une disette de neige eût pu y faire craindre un soulèvement de la population tout autant qu’une disette de grains ailleurs. Le fait est que l’usage de la neige et de la glace convient parfaitement à la nature du climat de la basse Italie, et l’on prétend même qu’en Sicile l’état sanitaire s’est amélioré avec l’accroissement de cette consommation qui, tombée en désuétude au Moyen-Âge, ne reprit dans cette île qu’avec le milieu du seizième siècle[58]. En Espagne cependant on mangeait de la glace du temps des Maures déjà. Quant à la préparation des glaces faites avec le suc des fruits et d’autres substances non. moins agréables au goût, c’est une invention française de la fin du dix-septième siècle seulement[59]. L’essor prodigieux qu’ont pris, dans les temps les plus modernes, le commerce et la fabrication de la glace est aussi significatif pour la distance qu’il y a du luxe de nos jours au luxe des anciens, que pour l’étroite circonscription de la sphère dans laquelle était confiné ce dernier. Les scrupules de Pline contre l’amollissement du corps, par suite de l’usage des coussins de plumes, ont plus de raison que son opposition à l’emploi de la neige comme réfrigérant[60]. Il n’est guère probable toutefois que le premier de ces deux usages, commun dans les pays du nord, mais hors de saison pour les climats chauds[61], ait été jamais très répandu dans l’antiquité. Mais cela fut-il, que nous ne saurions encore y reconnaître le signe d’un luxe immodéré. Un économiste du dix-huitième siècle découvre même une preuve de condition misérable du commerce des Romains dans le fait qu’ils étaient réduits, pour remplir leurs coussins, aux plumes d’oie de la Germanie et que l’édredon des contrées polaires demeura inaccessible pour eux.. Pline nous apprend que, de son temps, le prix d’une livre romaine[62] de plumes d’oie était de 5 deniers (environ 5 fr. 80). En 1784, la livre de l’édredon le plus fin contait à Francfort sur le Mein 6 thalers, soit 22 fr. 50[63].

Il ne faut pas oublier non plus que la plupart des écrivains romains de la période qui nous occupe affectent de louer et de priser le passé aux dépens du présent. Les doléances sur la gravité des temps, qui empire, traversent comme un fil rouge toute la littérature romaine, postérieurement aux grandes guerres de la république, et, dans ce courant d’idées, les lamentations sur les progrès alarmants de l’opulence et de la luxure, quoique fondées à bien des égards, sont beaucoup trop généralisées, dans leur objet, et mêlées d’exagération. On croit reconnaître dans ces capucinades, pour nous servir du mot de Gœthe[64], une habitude contractée à l’école des rhéteurs de l’époque, où les comparaisons du présent avec le passé sembleraient avoir été des lieux communs d’usage, dont ne surent pas toujours se défendre même les personnes convaincues, comme Sénèque, que le fond des choses humaines avait été en tout temps et resterait aussi toujours essentiellement le même[65]. Pline l’Ancien notamment emprunte la mesure appliquée par lui à l’appréciation du luxe de Rome, capitale de l’empire, aux rapports du temps où les Romains se nourrissaient principalement de bouillie de farine, qu’ils mangeaient dans des pots de terre, où ils habitaient encore des maisons dont les murailles n’étaient même pas crépies et où un seul esclave suffisait aux besoins du service d’un grand ménage. Cet auteur et ses pareils parlent tout à fait comme s’il y avait possibilité d’admettre la persistance de l’antique simplicité même après que Rome fut devenue une grande métropole, vers laquelle confluaient les moyens de jouissance de toutes les zones, et après qu’une haute civilisation eut, dans son développement continu, multiplié à l’infini, raffiné au dernier point et généralisé, dans toutes les sphères, des besoins et des jouissances de tolite espèce. A ces écrivains, l’éclat et la magnificence, l’élégance et le confort, dont cette culture avait embelli la vie, ne paraissent guère moins déplorables que ses ombres les plus noires. Aussi leurs lamentations ne se trouvent-elles sou vent pas mieux justifiées que les regrets des personnes qu aujourd’hui, soupireraient après le retour des siècles dans lesquels les rues des villes n’étaient ni pavées, ni éclairées, où il n’y avait point de vitres aux fenêtres des maisons et où l’usage de la fourchette, à table, était chose inouïe[66].

Enfin, ce qui n’a pas moins contribué à rendre difficile une juste appréciation du luxe, c’est que l’on n’a pas eu soin de bien distinguer, dans les jugements dont il a été l’objet, entre ses différentes espèces, très dissemblables. Or le luxe de la table, celui de l’habillement et de la parure, du bâtiment et de l’aménagement domestique, du luxe des esclaves et celui des arts, se fondent sur des conditions en partie très diverses aussi, et demandent par conséquent à être examinés chacun à part.

La première période de l’avènement d’un luxe énorme à Rome fut le temps où ses généraux victorieux et ses proconsuls y revinrent chargés du butin de l’Asie. Lucullus, que les dépouilles de deux royaumes d’Orient mirent en état de vivre comme un Xerxès en toge, était alors et fut encore regardé plus tard comme l’archétype de cette classe de nababs, parce qu’il donna le premier à Rome l’exemple de ces prodigalités exorbitantes qui se traduisirent surtout en constructions et en festins[67]. Cependant ces prodigalités demeurèrent, sous la république, l’apanage de quelques personnes, ou ne s’y déployèrent du moins que dans un cercle restreint ; elles ne se multiplièrent qu’après l’établissement de l’empire, sous lequel elles marchèrent de front avec un grand accroissement de la richesse générale, déjà mentionné plus haut. Aussi Tacite a-t-il sans doute raison de dire que le luxe de Rome fut à son apogée dans le siècle qui s’étend dé la bataille d’Actium à l’avènement de Vespasien, empereur qui, ayant les habitudes d’un homme de la vieille roche, contribua, par son exemple, à restreindre le faste mieux que ne l’eussent fait des édits et des lois[68]. Ajoutons que la manié des grandes familles, de vouloir briller par leur faste et leur magnificence, étant précisément ce qui avait perdu beaucoup d’entre elles sous les empereurs de la maison Julienne, cette cruelle leçon servit à rendre les autres plus prudentes et plus sages. Enfin, l’aristocratie romaine avait, dans l’intervalle, reçu dans ses rangs, des municipes d’Italie et des provinces, un grand renfort d’hommes nouveaux, qui y apportèrent l’esprit d’économie de leurs pays d’origine et surent le conserver, même en s’enrichissant. Toutes ces conditions, tendant a la réduction du luxe, persistèrent pendant toute la durée dû deuxième siècle, avec le bon exemple des empereurs, parmi lesquels Lucius Verus fit seul exception, la diminution continue de l’ancienne noblesse et l’invasion constante d’une nouvelle aristocratie. On ne saurait donc même pas admettre qu’il y ait eu un changement notable à cet égard après le règne de Trajan, vers la fin duquel Tacite écrivit ce que nous venons de rapporter.

 

 

 

 



[1] Ainsi Becker, dans Gallus, et Roscher, dans ses Idées sur l’économie nationale. Gœthe aussi compare le luxe des Romains, qu’il appelle absurde et excessif, avec celui de ces parvenus, sans éducation, qui ne savent faire de leur grande fortune qu’un usage ridicule. Gibbon, au contraire (Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain), juge favorablement du luxe antérieur à Commode.

[2] Mœurs et genre de vie des Romains, 3e édition, 1814 ; préface, p. XXX, etc.

[3] Suétone, Caligula, ch. 37 : nihil tam efficere concupiscebat quam quod posse effici negaretur (Il ne souhaitait rien [dans la construction des palais et des villas] tant que d'exécuter ce qui paraissait impraticable).

[4] Du moins Niebuhr (Cours d’histoire romaine, III, p. 178, en allemand) a-t-il désigné les insomnies de Caligula comme un symptôme indubitable d’aliénation mentale.

[5] Consol. ad Helv., 10, 4.

[6] Tacite, Annales, XV, 42 : Nero tamen, ut erat incredibilium cupitor, effodere proxima Averno juga connisus est (Néron cependant voulait de l'incroyable : il essaya de percer les hauteurs voisines de l'Averne).

[7] Devrient, Histoire de l’art scénique en Allemagne, II, 306 (en allem.).

[8] Keyssler (Voyages en Allemagne, 3e édit., 1776, p. 1326, en allem.) dit cinq millions.

[9] Vehse, Histoire des cours d’Allemagne, t. XXV, p. 247-290, en allemand. — Beaucoup d’allégations de cet auteur, auquel de nombreux emprunts ont été faits dans ce livre, peuvent être plus ou moins sujettes à caution ; cependant il mérite certes autant, peut-être même plus de confiance que la plupart des écrivains de Rome dans ce qu’ils racontent du luxe de leur temps. On voit aussi, dans l’ouvrage précité de Devrient (II, 301), ce que contaient le ballet et l’opéra au duc Charles-Eugène de Wurtemberg. Il y eut même une fois sous ce prince, dans une soirée, après la représentation de Sémiramis, une distribution de cadeaux évalués à 15.000 florins.

[10] Marquardt, Manuel d’archéologie romaine, III, 2, 215.

[11] Perthes, Situation et personnages politiques de l’Allemagne à l’époque de la domination française, I, 506 (en allem.).

[12] Lucullus, 39, 2.

[13] Hist. nat., XXXVI, 116.

[14] History of Greece, XII, 245.

[15] P. Chaix, Histoire de l’Amérique méridionale au seizième siècle, II, 67, etc.

[16] On estimait, suivant Vehse (t. XIX, 220) à 1.200.000 livres sterling ou 30 millions de francs la fortune de Clive, à son retour de l’Inde en 1760. Cependant sir John Malcolm ne lui accorde qu’un revenu annuel de 40.000 livres sterling, soit d’un million de francs ; mais Macaulay croit cette évaluation trop basse.

[17] Josèphe, Ann. Jud., XIV, 3, 1, etc.

[18] Dion Cassius, XXXIX, 55.

[19] Cicéron, Pro Rabir., ch. VIII.

[20] Suétone, César, ch. 54.

[21] Josèphe, Ann. Jud., XXIV, 7, 1.

[22] Diodore, V, 27.

[23] Strabon, IV, 188.

[24] Procope, Bell. goth., III, 33. — King, Natural history of precious stones and precious metals, p. 183 à 187.

[25] Asconius, Argum. oral. pro Scauro.

[26] Pline, Hist. nat., XXXIII, 134.

[27] Ibidem, XIII, 92.

[28] Marquardt, III, 2, n. 215 ; II, 3, n. 1132. — Dans toutes les conversions, nous avons suivi, avec l’auteur, la Métrologie de Hultsch [253].

[29] Jacob, Production et consommation des métaux précieux (en anglais).

[30] Siècle de Louis XIV, ch. I.

[31] Sybel, Opuscules historiques, I, 2, 170, etc. (en allemand).

[32] Vehse, Hist. des cours d’Allemagne, XXXIII, 332.

[33] Vehse, ouvrage précité, XXI, p. 31 et 280.

[34] Études sur les rapports intérieurs de la Russie, II, 226 ; III, 76 ; ainsi que II, 72, et III, 82 (en allemand).

[35] F. Kapp, Histoire de l’immigration allemande en Amérique, p. 358.

[36] Gazette nationale allemande du 23 août 1866.

[37] Rodbertus, De la valeur effective du numéraire dans l’antiquité ; article de la Revue d’économie nationale de Hildebrand, XV (1870), p. 341, etc. ; XVI, 182, etc., 198, 232, etc. (en allemand). — Les conclusions de cette recherche ont fait revenir M. Friedlænder de l’opinion contraire qu’il avait émise antérieurement dans le même recueil.

[38] Sénèque, Ad Helv., 10, 9. — Dion Cassius, LVII, 19.

[39] Athénée, VII, 294 F.

[40] Histoire Auguste, Vie d’Élagabale, ch. XVIII.

[41] Athénée, I, 7 C. — Suidas, au mot Apicius.

[42] Vehse, XLVII, 282, et (sur le comte de Bruhl) XXXIII, 332..

[43] Pline l’Ancien raconte que Cléopâtre aussi avala, dissoute dans du vinaigre, une perle valant dix millions de sesterces. King, à la page 273 de son livre déjà mentionné plus haut, traite cette histoire de conte inadmissible, en alléguant l’impossibilité de dissoudre des perles dans du vinaigre. Mais King se trompe, et, de l’avis d’hommes compétents, du professeur C. Græbe en particulier, il suffit de vinaigre à 5, 3 ou même seulement 1 pour 100 d’acidité, pour opérer, dans plus ou moins de temps, la dissolution dont il s’agit.

[44] Valère Maxime, IX, 1, 2. — Pline, Hist.. nat., IX, 122 ; X, 141. — Horace, Satires, II, 3, 239 à 246.

[45] Nigrin., 31.

[46] Plutarque, Apophthem. Rom. — César Auguste, 4.

[47] Pétrone, Satiricon, ch. XXXI.

[48] Voir Roscher, Idées, etc., p. 408.

[49] Sénèque, Lettres, 122, 5 : Omnia vitia contra naturam pugnant ;... hoc est luxuriæ propositum gaudere perversis, nec tantum discedere a recto, sed quam longissime abire, deinde etiam e contrario stare. — Voir aussi ibidem, 90, 19, et Pline (Hist. nat., XIX, 55) qui dit : Nihil utique homini sic quomodo rerum naturæ placet.

[50] Pline le Jeune (Lettres, III, 5, 10) dit de son oncle : Cibum interdiu levem et facitem ; veterum more, sumebat (son repas, qu'il prenait dans la journée toujours léger et simple à la manière des anciens).

[51] Sénèque, Lettres, 108, 13 à 17. —Tacite, Annales, XV, 63 ; ibid., 45.

[52] Pline, Hist. nat., XXIII, 3. — Voir aussi Roscher, Idées, etc., 402.

[53] Pline, Hist. nat., XIX, 5, etc.

[54] Aulu-Gelle, VI (VII), 16

[55] Pline, Hist. nat., XIX, 54 : Heu prodigia ventris ! — Voir aussi ibid., 150.

[56] Ibidem, 55. — Sénèque, Nov. quæst., IV, 13 ; Epist., 78, 23, et ailleurs encore plus d’une fois.

[57] Remarks on several parts of Italy, 1700-1703, Londres, 5e édition (1736), p. 145.

[58] Roscher, Principes d’économie nationale, 4e édit., p. 184, § 102, 2 ; traduits en français par M. L. Wolowski. — Gallo, Annali di Messina, III, 3.

[59] Daremberg (Œuvres d’Oribase, I, 625, etc.), après avoir fait observer que l’on se servait uniquement de la neige, à l’exclusion de la glace, ajoute : L’on ne paraît pas avoir connu nos véritables glaces, qui font aujourd’hui les hélices des gourmets du monde entier. — Voir aussi Beckmann, Renseignements pour servir à l’histoire des inventions, (en allem.).

[60] Pline, Hist. nat., X, 53, etc.

[61] Hehn, Plantes cultivées et animaux domestiques, p. 268 (en allem.).

[62] D’un peu moins de 10 onces.

[63] Beckmann (Théorie de la connaissance des marchandises, 1794, I, 277, t) croit pouvoir, conjecturalement, placer vers le milieu du dix-septième siècle les commencements du commerce de l’édredon.

[64] Histoire de la théorie des couleurs, 39, 54. Ce n’est, dit Gœthe, qu’en entrant dans ces considérations (sur le luxe absurde et outré des Romains) que l’on comprend comment un homme de l’importance de Sénèque ait pu s’irriter contre les amateurs d’un bon repas et de boissons rafraîchies avec de la neige, et trouver mal que l’on tire avantage d’un vent favorable, dans une bataille navale, ou d’aubaines semblables dans d’autres circonstances.

[65] Sénèque, De beneficiis, I, 10.

[66] Ulrich de Hutten (De guajaci medicina, ch. XIX, édit. Bœcking, V, 459, etc.) jugeait du luxe de son propre temps comme Pline l’Ancien de celui de ses contemporains. Dans les villes d’Allemagne, le pavage des rues ne remonte pas au-delà du quatorzième siècle ; et on ne commença que bien plus tard à les éclairer. Voyez Klemm, Histoire générale de la civilisation, 9, 157 ; de même, sur l’introduction des fenêtrés vitrées : Wachsmuth, Histoire de la civilisation, 2, 302, 7 ; sur l’usage des fourchettes, employées en Italie depuis le quinzième siècle Beckmann, Renseignements, etc. 5, 294 ; Marquardt, V, 325, et Roscher, Idées, etc., p. 408, etc. (en allemand). Dans l’introduction à la chronique de Hollinshed, de l’année 1577, l’auteur se plaint très amèrement aussi de ce que l’on ait depuis peu élevé tant de cheminées, en Angleterre, et de ce que des vases en poterie de terre ou d’étain y aient remplacé les écuelles en bois.

[67] Voir Cicéron, De officiis, I, 39 ; Nicolas Damascène, dans Athénée, VI, 274, et,XII, 543 ; Velleius Paterculus, II, 33, et Drumann, Histoire romaine, 4, 168, etc. (en allemand).

[68] Tacite (Annales, III, 55) ne parle, il est vrai, dans ce passage, que du luxe de la table, mais il résulte des chapitres précédents qu’il a en vue le luxe en général.