Dans l’histoire de Byzance, le VIIe siècle est une des
périodes les plus sombres. C’est une époque de crise grave, un moment décisif
où il semble que l’existence même de l’empire soit en jeu. Au dehors, des
périls redoutables, celui des Perses d’abord, et bientôt celui plus terrible
des .Arabes, s’abattent sur la monarchie épuisée. Au dedans, une
transformation profonde s’accomplit, qui donne à l’État et au monde byzantins
une face nouvelle. Jusqu’alors la monarchie était malgré tout demeurée un
empire romain de caractère universel ; le latin y restait la langue
officielle, la tradition romaine y conservait les titres et les cadres que
Rome avait fixés. Au commencement du VIIIe siècle, au contraire, un empire proprement byzantin
s’est constitué, dont toutes les forces se concentrent autour de
Constantinople et dont le caractère est de plus en plus oriental.
I — LA RECONSTITUTION
DE L’EMPIRE PAR HÉRACLIUS.
Au moment où Héraclius (610-641) montait sur le trône, la
situation de la monarchie pouvait sembler presque désespérée. Chaque année,
les Perses faisaient des progrès nouveaux : en 612, ils prenaient Antioche,
Apamée, Césarée ; en 614, Damas ; en 615, ils occupaient Jérusalem, d’où ils
emportaient à Ctésiphon la
Sainte Croix et les reliques les plus fameuses du
christianisme ; en 617, ils occupaient l’Égypte, ils parvenaient en Asie
jusqu’à Chalcédoine. Pendant ce temps, les Avars apparaissaient devant
Constantinople (619)
; les Lombards gagnaient du terrain en Italie et l’empire achevait de perdre
ses possessions d’Espagne. Abattu par tant de désastres, Héraclius songea un
moment à quitter Constantinople et à transporter en Afrique le siège du
pouvoir. Un homme le remonta par son énergie indomptable, le patriarche
Sergius, dont l’influence fut puissante sur toute la politique du règne.
Impressionnable et nerveux, capable de grands enthousiasmes comme de brusques
dépressions, plein d’une foi religieuse ardente, et brillant de venger le
christianisme des injures des Perses, soldat courageux enfin, bon
administrateur et grand général, Héraclius se ressaisit. Le patriarche mit à
sa disposition les trésors de l’Église ; lui-même, avec une application
inlassable, reconstitua l’armée. En 622, il était prêt pour la lutte. Pendant
six années, sans se laisser détourner par rien, pas même par la formidable
attaque que Perses et Avars coalisés tentèrent contre Constantinople (626), il combattit
les armées du Grand Roi, reportant la guerre sur le territoire ennemi, dans
l’Azerbaïdjan (623)
et dans l’Arménie perse (625),
victorieux à Ninive (627),
victorieux aux portes de Ctésiphon (628) et entrant dans la légende comme le premier des croisés.
La mort de Chosroês II
(628) et la
révolution qui suivit achevèrent d’imposer aux Perses une paix humiliante,
par laquelle ils restituaient toutes leurs conquêtes et surtout la Sainte Croix,
qu’Héraclius rapporta triomphalement à Jérusalem (629).
Après ces grands succès militaires Héraclius s’efforça,
par sa politique religieuse, de rendre l’unité morale à l’empire et, pour
regagner les monophysites de Syrie et d’Égypte, il se préoccupa de trouver,
d’accord avec le patriarche Sergius et Cyrus d’Alexandrie, une formule de
conciliation qui ramenât à l’orthodoxie les dissidents. De là naquit la
doctrine monothélite, que l’empereur définit dans l’exposition de foi connue
sous le nom d’Ecthesis (638) et qu’il
s’appliqua à faire accepter aussi bien des monophysites que de l’Église
romaine.
L’empire, grâce à ces efforts, semblait reconstitué : son
prestige en Orient était rétabli ; son influence, par la conversion des
Croates et des Serbes, s’étendait à nouveau sur le nord-ouest de la péninsule
balkanique. Mais ces apparences brillantes cachaient mal l’épuisement réel.
L’état des finances était lamentable ; les tendances séparatistes, qui
avaient tant aidé au succès des Perses, n’étaient point conjurées. En
quelques années, l’invasion arabe allait anéantir tous les résultats des
victoires d’Héraclius, en même temps que sa politique religieuse préparait le
germe de longues dissensions et de graves conflits.
II — LE PÉRIL ARABE.
Le commencement du VIIe siècle avait été marqué par un grand
événement, la naissance de l’Islam. En vingt ans, par une prodigieuse
expansion, la nouvelle religion allait conquérir la plus grande partie du
monde oriental et s’étendre, aux dépens de la Perse et de Byzance, des
bords de l’Oxus aux rivages de la grande Syrie.
En 634, les armées du khalife Omar attaquaient la Syrie. Les troupes
byzantines étaient battues à Agnadaïn (634) ; Damas tombait aux mains des
Musulmans (635)
; le désastre de l’Yarmouk (636) déterminait Héraclius à dire à la Syrie un éternel adieu.
Aussi bien les populations, hostiles aux Grecs, s’empressaient à passer au
vainqueur. Jérusalem capitulait en 637 ; Antioche succombait en 638. Puis ce
fut le tour de la
Mésopotamie (639), de l’Égypte, qu’Amr conquit en deux ans (640-642) sans
rencontrer grande résistance ; et Héraclius, vieilli, malade, mourut
désespéré. Sous son successeur Constant II (642-668),- les Arabes continuèrent leurs progrès. La Cyrénaïque, la Tripolitaine
tombèrent entre leurs mains (642-643) ; en 647, une première fois, ils envahissaient
l’Afrique du Nord. Ils ravageaient l’Asie Mineure (651), soumettaient l’Arménie (653). Par la
création d’une flotte enfin, ils menaçaient la prépondérance que Byzance
avait eue jusque-là dans les mers orientales. Ils conquéraient Chypre (649), pillaient
Rhodes (654)
et infligeaient aux escadres grecques, que commandait l’empereur en personne,
une défaite mémorable sur les côtes de Lycie (655). Constantinople même était en péril,
et Constant II,
jugeant l’Orient perdu, allait passer en Occident les dernières années de sa
vie (663-668).
C’était faciliter les entreprises des khalifes Ommiades
qui, depuis 660, régnaient à Damas. Désormais, chaque année, une invasion
arabe, désola l’Asie Mineure ; en 668, les Musulmans pénétraient jusqu’à
Chalcédoine. Ils reprenaient en même temps l’offensive en Occident,
s’établissaient dans l’Afrique du Nord, où ils fondaient Kairouan (669), menaçaient la Sicile. Enfin, en
673, ils tentaient l’effort suprême : ils attaquaient Constantinople. Mais le
nouvel empereur, Constantin IV (668-685),
était un prince énergique. Vainement, pendant cinq années entières (673-678), les
Arabes, par terre et par mer, assaillirent la capitale byzantine ; ils ne
parvinrent pas à l’emporter. La flotte grecque, à la quelle la découverte
récente du feu grégeois assurait une incontestable supériorité, obligea ; les
escadres musulmanes à la retraite, et leur infligea dans les eaux de Syllaeum
une terrible défaite. Sur terre, les armées du khalife étaient battues en
Asie. Moaviah dut se résoudre à signer la paix (678). C’était le premier arrêt de l’islam.
Constantin IV pouvait être fier de son œuvre. Le prestige de l’empire était à
ce point restauré, que tous les adversaires de la monarchie s’inclinaient
devant elle : et une grande tranquillité,
dit le chroniqueur Théophane, régnait en Orient,
et en Occident.
III — LA
POLITIQUE RELIGIEUSE ET L’OCCIDENT.
L’empereur rétablissait en même temps la paix dans
l’Église.
La politique religieuse d’Héraclius avait eu de graves
conséquences. Le monothélisme avait, en Afrique et en Italie, causé un vif
mécontentement, qui s’était traduit par les soulèvements des exarques de
Carthage (646)
et de Ravenne (650)
contre l’autorité impériale, par la désaffection croissante des populations
italiennes, par l’opposition ardente des pontifes romains. Vainement, pour
pacifier les esprits, Constant II avait promulgué l’édit appelé le Type (648) ; vainement,
il avait fait arrêter et condamner le pape Martin Ier (653) ; vainement, il s’était en personne
transporté en Occident. Rome avait dit fléchir ; mais, à la faveur de ces
circonstances, les Lombards avaient fait de nouvelles conquêtes. Constantin IV comprit qu’une
autre politique s’imposait. La perte de l’Égypte et de la Syrie rendait inutile
désormais la recherche d’un accord avec les monophysites ; en rétablissant
par l’entente avec Rome la tranquillité religieuse, le prince espérait
rattacher à la fois plus fortement à l’empire ce qui restait de l’Italie, et
trouver le loisir de se consacrer tout entier aux affaires politiques et militaires
de la monarchie. Le concile œcuménique de Constantinople (680-681) eut pour
tâche, en conséquence, de restaurer l’unité religieuse, et, en plein accord
avec la papauté, il condamna l’hérésie monothélite et rétablit l’orthodoxie.
C’étaient de grands résultats. Quand, en 685, Constantin IV mourut, l’empire
semblait sorti de la crise où il avait failli sombrer. Sans doute, il en
sortait terriblement diminué ; sans doute, sa prospérité économique était
sérieusement atteinte par la perte de l’Égypte, dont les blés étaient une des
ressources de l’empire, de la
Syrie, dont les florissantes industries étaient une de ses
richesses, et de ces ports, Alexandrie, Gaza, Béryte, Antioche, centres d’une
activité commerciale merveilleuse. Sans doute un autre point noir montait à
l’horizon depuis 679, les Bulgares, franchissant le Danube, s’étaient
installés entre le fleuve et les Balkans. Mais au total, la monarchie avait
résisté aux furieux assauts de l’Islam ; la défense du territoire avait été
assurée par une grande réforme administrative ; et l’empire, plus ramassé,
plus homogène, débarrassé du danger des séparatismes orientaux et du poids
mort de l’Occident (il
allait en 698 perdre l’Afrique, comme il avait perdu l’Espagne et la moitié
de l’Italie), semblait un organisme solide et capable de vivre, sous
la forme nouvelle et tout orientale qu’il avait revêtue au cours du VIIe siècle.
IV — LA
TRANSFORMATION DE L’EMPIRE AU VIIe SIÈCLE.
Une transformation profonde s’y était en effet accomplie.
Transformation ethnographique tout d’abord. Dans la
péninsule balkanique, dévastée et dépeuplée, des peuples nouveaux s’étaient
peu à peu installés. Dans le nord-ouest, Héraclius avait dû tolérer
l’établissement des Croates et des Serbes, sous la condition qu’ils se
convertiraient au christianisme et deviendraient les vassaux de l’empire.
Dans d’autres régions encore, les Slaves avaient pénétré. Il y avait des
cantonnements slaves, des sclavinies,
en Mésie et en Macédoine, et jusqu’aux portes de Thessalonique, qu’à
plusieurs reprises les barbares avaient attaqué et failli emporter. Il y
avait des Slaves en Thessalie, dans la Grèce centrale, jusque dans le Péloponnèse et
dans les îles de l’Archipel ; et s’il est exagéré de croire, comme l’a
soutenu Fallmerayer, à une complète slavisation de ces régions, il n’en de
meure pas moins que des éléments étrangers nombreux étaient venus se mêler
aux populations helléniques et que ces envahisseurs donnaient fort à faire
aux empereurs du vue siècle, qui ne parvinrent point sans peine à les soumettre
et à les assimiler. Dans le nord-est de la péninsule, les Bulgares s’étaient
ensuite établis en masse, et, au contact des populations slaves installées
dans le pays, progressivement ils s’étaient slavisés et avaient fondé un État
solide. De tout cela résultaient assurément pour l’empire de sérieux périls ;
mais à ce mélange de races, il trouvait aussi un avantage ; par l’infusion de
ce sang nouveau, il se rajeunissait.
Une transformation administrative d’importance capitale
s’était vers le même temps accomplie.
Dès le règne de Justinien, dans certaines provinces, le
système de gouvernement institué par Rome avait été modifié par la réunion
entre les mêmes mains des pouvoirs civils et militaires. Après lui, pour
mieux assurer la défense des frontières, cette pratique se généralisa. C’est
dans ce but qu’à la fin du VIe siècle Maurice créa, contre les Berbères l’exarchat
d’Afrique, contre les Lombards l’exarchat de Ravenne. Au VIIe siècle enfin,
contre le péril arabe et le péril bulgare, de semblables mesures furent
prises en Orient. Les successeurs d’Héraclius instituèrent les gouvernements
que l’on appela les thèmes, ainsi nommés d’un mot qui primitivement
signifiait le corps d’armée et qui s’appliqua bientôt au territoire occupé
par ce corps d’armée ; dans ces circonscriptions, l’autorité fut confiée à un
chef militaire, le stratège, sous lequel l’administration civile
subsista, mais à un rang subordonné. Ainsi naquirent, en Asie, les thèmes
des Arméniaques, des Anatoliques et de l’Opsikion, en Europe celui de Thrace.
Les régions maritimes et les îles furent organisées de même ; elles formèrent
le thème des marins. A la fin du VIIe siècle, au lieu d’être, comme à
l’époque romaine, partagé en éparchies, l’empire comprenait sept ou huit
thèmes, d’étendue considérable. Complété, généralisé par les empereurs du
vine siècle, le régime des thèmes devait durer aussi longtemps que la
monarchie, et il marque cette évolution dans le sens militaire, qui est le
trait caractéristique de tous les États du moyen-âge.
Mais surtout, au VIIe siècle, l’empire s’hellénisait.
C’est au temps d’Héraclius, en 627, qu’apparaît pour la première fois, dans
le protocole impérial, à la place de l’ancienne titulature romaine,
l’appellation grecque de basileus fidèle en
Dieu (πιστός έν
Θεώ Βασιλεύς),
qui désignera désormais tous les empereurs de Byzance. Le grec, en même
temps, devenait la langue officielle. Justinien déjà, tout en considérant le
latin comme la langue nationale
de l’empire, avait, pour les rendre plus intelligibles, condescendu à
promulguer la plupart de ses novelles dans la langue
commune, qui est le grec. Au VIIe siècle, toutes les ordonnances
impériales sont rédigées en grec, et, pareillement, tous les actes du
gouvernement. Dans l’administration, les anciens titres latins disparaissent
ou s’hellénisent, et des appellations nouvelles prennent leur place, logothètes,
éparques, stratèges, drongaires. Dans l’armée, où
prédominent les éléments asiatiques et arméniens, la grec devient la langue
du commandement. Et quoique, jusqu’à son dernier jour, l’empire byzantin ait
continué à s’appeler l’empire des Romains,
on n’y comprenait plus guère le latin, et le mot ΄Ρωμαϊοι
signifiait les Grecs. Enfin, au lieu de la langue élégante, un peu
artificielle aussi, dont se servaient les écrivains du Ve et du VIe siècle, et où
ils continuaient la tradition de la littérature classique, le grée vulgaire
apparaît et devient la langue parlée de la plupart des populations de la
monarchie.
En même temps que l’empire s’hellénisait, l’empreinte
religieuse, dont il avait toujours été marqué, devenait plus profonde, par la
place croissante que prenait l’Église dans la vie publique et dans la
société. Dans l’État, les questions religieuses tiennent une place
essentielle ; les guerres d’Héraclius sont autant de croisades, et les
problèmes théologiques passionnent l’esprit des empereurs. L’orthodoxie, dès
ce moment, se confond à Byzance avec la nationalité. Par ailleurs, le
patriarche de Constantinople, devenu, depuis que les Arabes avaient conquis
les patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem, le chef unique de
l’Église byzantine, apparaît comme un très grand personnage, dont l’influence
dans le gouvernement est souvent toute puissante. Le développement du
monachisme, le grand nombre et la richesse des couvents, l’influence
qu’exercent les moines sur la direction des consciences, la vénération qui
s’attache à leur personne et aux images saintes que possèdent leurs
monastères, ne sont pas des faits moins significatifs. Depuis la fin du VIe siècle enfin, le
paganisme a disparu, et avec lui l’esprit antique ; à partir du commencement
du VIIe
siècle, la littérature byzantine prend une forme presque uniquement
religieuse et populaire ; intellectuellement, artistiquement, cette période
est une des plus pauvres que Byzance ait connues. Mais, par tout cela, le
grec, qui fut toujours en Orient la langue de l’Église, achevait de conquérir
l’empire ; et les ambitions des patriarches de Constantinople froissant les
susceptibilités romaines, la politique religieuse des empereurs combattant et
brutalisant les papes, la mésintelligence et l’hostilité croissantes entre
l’Orient et l’Occident, préparaient. la rupture entre les deux mondes et
contribuaient à rejeter vers l’Orient l’empire byzantin. Dès ce moment, la
monarchie avait trouvé les deux puissants supports qui assureront son
existence et lui donneront durant des siècles son caractère propre :
l’hellénisme et l’orthodoxie.
V — LA FIN DE
LA DYNASTIE D’HÉRACLIUS
ET LA DÉCADENCE DE
L’EMPIRE (685-717).
Il eût suffi d’une main vigoureuse pour rendre prospère
l’empire ainsi transformé. Malheureusement les imprudences et les folies de
Justinien II (685-695)
compromirent tous les résultats obtenus par son père. La guerre recommença
avec les Bulgares (689)
et les Slaves ; elle recommença avec les Arabes, et elle fut désastreuse (692) ; la politique
religieuse amena d’autre part la rupture avec Rome et souleva des
insurrections en Italie. En 695, une révolution renversait la dynastie
d’Héraclius, et ouvrait une période de vingt ans d’anarchie (695-717). Six
empereurs, à la suite d’autant de coups d’État militaires, se succédèrent sur
le trône ; et, à la faveur de ces troublés, l’Afrique byzantine tombait
définitivement aux mains des musulmans (693-698). En Orient, malgré les efforts et
les succès passagers de Tibère III (698-705),
les Arabes ravageaient l’Asie Mineure, envahissaient l’Arménie révoltée
contre Byzance (703),
la Cilicie (711), enlevaient
Amasia (712)
et Antioche de Pisidie (713),
dévastaient la Galatie
(714),
assiégeaient Amorion (716)
et prenaient Pergame. Pendant ce temps, en Europe, les Bulgares, dont le khan
Terbel avait, en 705, rétabli Justinien II sur le trône, envahissaient l’empire (708) et
paraissaient jusque devant Constantinople (712). La monarchie était aux abois.
La situation intérieure n’était guère meilleure. On
constate dans la société de ce temps un affaissement intellectuel et moral
redoutable. Au cours des luttes civiles, un souffle de sauvagerie, de
cruauté, de trahison, a pénétré partout ; les révoltes incessantes, le
déchaînement des ambitions, les insurrections éclatant partout, en Italie
comme à Cherson, attestent un manque croissant de fidélité et de loyauté. La
superstition fait des progrès formidables : la dévotion aux reliques, la
croyance aux vertus miraculeuses des images saintes, la foi au merveilleux et
au surnaturel, — que l’on songe au rôle attribué à la Vierge dans le siège de
Constantinople en 626, à l’intervention attribuée à saint Démétrius dans la
défense de Thessalonique, — la tendance au fatalisme dominent en maîtresses
les âmes de ce temps : et ce qu’on sait des mœurs, des ecclésiastiques aussi
bien que des laïques, atteste une singulière démoralisation. L’influence
qu’exerçaient les moines, l’agitation qu’ils entretenaient, étaient une autre
cause de trouble. Et de tout cela, beaucoup de gens étaient ; à juste titre,
profondément inquiets et scandalisés.
L’empire attendait, réclamait un sauveur et un chef. Ce
fut Léon l’Isaurien. Quand, en 717, le stratège des Anatoliques, d’accord
avec celui des Arméniaques, se souleva contre l’empereur qu’avaient proclamé
les troupes de l’Opsikion, et marcha sur Constantinople, tout le monde, le
Sénat et le peuple, le patriarche et les soldats, se prononça en sa faveur.
La dynastie isaurienne, qui avec lui montait sur le trône, allait rétablir
dans l’empire l’ordre et la sécurité et le réorganiser glorieusement.
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