ESSAI SUR MARC-AURÈLE D'APRÈS LES MONUMENTS ÉPIGRAPHIQUES

 

NOTE 10.

 

 

Quelques phrases éparses dans Lucien (Quo modo Hist. sit conscrib., § 19, 20, 21, 28, 29) semblent indiquer que la conquête de la Mésopotamie n'eut pas lieu sans de grands efforts de la part des Romains. Il y aurait eu plusieurs batailles livrées, l'une près d'Europos, sur les bords de l'Euphrate, une autre près de Surs, à trois journées de marche au-dessous d'Europos. Cassius, poursuivant ses avantages, aurait forcé l'ennemi à fuir devant lui, et se serait emparé d'Édesse, la capitale de l'Osrhoène. Plusieurs monnaies, appartenant à quelques petits princes de ces contrées, y auront été probablement frappées à la suite de la conquête. Elles portent d'un côté la tête de Marc-Aurèle, de Verus, de Faustine ou de Lucite ; de l'autre, différents types avec l'exergue ΑΒΓΑΡΟ ΒΑCΙΛΕΥC, ou ΒΑCΙΛΕΥC ΜΑΝΟC ΦΙΛΟΡΩΜΑΙΟC (Voyez Eckhel, D. N. V.,  t. III, p. 512- 513). Un général des Parthes aurait été repoussé jusqu'au Tigre, qu'il se serait vu forcé de traverser à la nage. Arrivé devant Séleucie, qui avait ouvert ses portes sans résistance, Cassius, dit-on, viola ses engagements et traita en rebelle une ville où ses soldats avaient été reçus comme amis. Toutefois Quadratus, cité par Capitolin comme ayant écrit une histoire de la guerre des Parthes, justifie le général de cette imputation et accuse les habitants d'avoir manqué les premiers à la foi jurée (J. Capit., L. Verus, c. 8). La première légion, surnommée Minervia, et commandée par son légat M. Claudius Fronton — voyez l'inscription où Fronton est nommé LEG. AVGG. LEGIONIS. PRIMÆ MINERVIÆ IN EXPEDITIONEM PARTHICAM DEDVCENDÆ, Henzen, 3 vol. d'Orel., n° 5478 — ; la IIe légion, Gallica ; la IIIe légion, Cyrenaica (voyez Bœck, Corp. Inscr. Græc., n° 4554, 4651 ; Bollet. dell' Inst. di cor. arch., 1837, p. 170) ; la IVe légion, Scythica (voyez Corp. Inscr. Græc., deux inscriptions d'Ancyre, n° 4033, 4034, et cf. avec l'assertion de Dion, l. LV, 23) ; la VIe légion, Ferrata, qui avait déjà pris part à la guerre parthique sous Trajan, ainsi que le prouve l'inscription de T. Pontius Sabinus : TRIB. MIL. LEG. VI FERRAT. DONIS DONATVS EXPEDITIONE PARTHICA A DIVO TRAIANO (Bull. Inst. Arch., 1851, p. 135 sqq.), et dont nous retrouvons des traces en Afrique, dans les premières années du règne d'Antonin (voyez M. Rénier, Inscr. de l'Algérie, n° 4360), mais qui n'y fit probablement qu'un court séjour et retourna en Orient ; la Xe légion, Fretensis ; la XVe, Apollinaris ; la XVIe, Flavia Firma, qui avait suivi Trajan à la guerre des Parthes (Kellerm., Vig., n° 34) et qui se trouvait encore en Syrie au temps de L. Verus, ainsi que le démontre une dédicace faite à Marc-Aurèle et à Verus par un tribun de cette légion (Orelli, 4998, cf. Borghesi, Burbuleio, p. 39) ; des détachements de différents corps envoyés pour renforcer l'armée d'Orient, comme nous l'apprend l'inscription de MARCIANVS LEGATVS AVGG SVPER VEXILLATIONES IN CAPPADOCIA (voyez M. Léon Rénier, Mélanges d'épigraphie, p. 114 et suiv.), des troupes auxiliaires, cohortes ou escadrons de cavalerie (alæ) : tel était l'ensemble des forces romaines qui prirent part à la guerre parthique de L. Verus, ou plutôt de ses généraux Avidius Cassius, Statius Priscus, Martius Verus, qui conduisaient toutes les opérations, tandis que le jeune prince, se faisant couper la barbe pour plaire à une courtisane, devenait la risée des Syriens et restait à Antioche plongé dans la débauche.