DE LA FRANCE ET DE L'ANGLETERRE. Rivalité des deux couronnes sous les trois premiers Valois. — Première période de la guerre de cent ans, 1328-1380. LE ressentiment mutuel des haines récentes, des intérêts toujours opposés, et surtout les prétentions d'un prince anglais à la couronne de France, vont soulever entre les deux nations une guerre plus que séculaire. Les maux de cette rivalité sanglante doivent encore être aggravés par les divisions civiles qui remplissent, dans les deux pays, les intermittences de la guerre. En France, la première maison de Valois, comme celle qui la suivra, semble dévouée au malheur. Deux fois la succession royale est sur le point d'être interrompue par l'ambition des princes du sang ; deux fois la dynastie d'Hugues-Capet est ébranlée par les victoires de l'Angleterre, et toujours, par des retours glorieux et inespérés, nos rois affermissent leur trône, et la nation échappe à l'ignominie d'une domination étrangère. § I. — Guerre de Crécy, 1327-1348. Préliminaires, 1327-1336. — A un an d'intervalle, EDOUARD III commença son glorieux règne en Angleterre, et PHILIPPE VI de Valois, chef de la maison de ce nom, monta sur le trône de France, à l'exclusion de Jeanne de France, comtesse d'Evreux et reine de Navarre, déjà écartée une fois par décision des États-Généraux. L'exclusion de cette fille de Louis le Hutin faisait tomber les prétentions d'Isabelle de France, reine d'Angleterre. Cependant son fils Edouard III invoqua en sa faveur le droit de proximité ; mais, condamné par le conseil des barons, il parut se désister de son injuste réclamation, et consentit à faire hommage de la Guienne à Philippe, dans la cour plénière d'Amiens (1329). 1331-1342. — Edouard avait à cœur de soumettre l'Ecosse à sa couronne ; et, sans égard pour le traité naguère signé par son ministre Mortimer, il déclare la guerre à David Bruce, et reconnaît pour roi d'Écosse son compétiteur Édouard Baillol (1331). David est chassé du royaume, et la victoire de Hallidon-Hill livre un moment l'Ecosse à Baillol, qui se fait couronner sur la pierre de Scone. Cependant la guerre continue entre les régents et le nouveau roi, que trois expéditions de son protecteur ne peuvent maintenir sur le trône. 1328. — Le roi de France avait eu de son côté à réprimer la mutinerie des Flamands, qui venaient encore de se révolter contre leur comte Louis de Nevers., Philippe remporta sur les rebelles la victoire de Cassel, et rétablit son vassal dans ses droits. Rupture ouverte, 1337. — Les cruautés du comte de Flandre ayant de nouveau mécontenté ses sujets, une sédition éclate à Gand et gagne bientôt toute la contrée. Le brasseur Jacques Artevelle se met à la tête de la révolte, et proposé a Édouard III de prendre les armoiries de France, afin que les Flamands puissent se soumettre à lui sans manquer aux devoirs de la vassalisé. Déjà Robert d'Artois, exilé du royaume par suite d'une condamnation capitale, avait décidé ce prince à usurper le titre de roi de France. Dès-lors la guerre fut déclarée entre les deux couronnes, Dans une cour plénière où parut le traître Robert, les Anglais jurent par le héron de ravager et de massacrer sans pitié, de n'épargner ni moûtier ni autel, ni femme grosse ni enfant, ni parent ni ami. La reine d'Angleterre Philippine de Hainaut fait serment de ne pas mettre au jour l'enfant qui remue dans ses entrailles avant qu'elle n'ait passé la mer, dut-elle se plonger un couteau dans le sein et perdre ainsi son âme et son fruit. C'est sous de pareils auspices que va commencer une guerre où doivent se jouer tout ensemble la couronne de France et la nationalité française. 1340. — La flotte française est battue près de L'Ecluse, et la Flandre ouvre ses ports aux vainqueurs. Edouard, s'étant concerté avec les rebelles, va assiéger Tournay resté fidèle à son comte et à son roi. Cette place résiste à tous ses efforts, et dans le même temps le duc de Bourgogne bat, près de Saint-Omer, les troupes anglaises commandées par Robert d'Artois. Les hostilités sont suspendues par une trêve d'un an, nécessaire à Edouard III pour aller combattre les Écossais, qui venaient de chasser Baillol, et qui étaient à la veille de rétablir David Bruce. Affaire de Bretagne, 1341, etc. — A la fin de la trêve, les hostilités curent d'abord la Bretagne pour théâtre. Le duc Jean III venait de mourir, et sa succession était en litige entre sa nièce Jeanne de Penthièvre et Jean de Montfort, son frère puîné. Les pairs de France l'adjugent à Jeanne, et par elle, à son mari, Charles de Blois. Philippe envoie une armée contre Montfort, qui est fait prisonnier à Nantes par le prince royal Jean, duc de Normandie. Robert d'Artois, arrivé trop tard pour le défendre, trouve la mort dans Vannes, et le roi d'Angleterre fait de vains efforts pour reprendre cette place. La trêve de 1343 laisse Jeanne de Montfort abandonnée à ses propres ressources ; mais son courage et son activité prolongent la guerre de Bretagne. 1345. — A l'expiration de la trêve, le parti de Montfort, renforcé par un corps d'Anglais, fait prisonnier Charles de Blois à La Roche-Derrien. Alors tous les soins comme tout l'honneur de la guerre retombent sur les deux Jeanne, héroïques épouses des deux prétendants prisonniers. Cette lutte, où brilla d'un si grand éclat la chevalerie bretonne, devait se prolonger jusqu'en 1365, où le traité de Guérande donna gain de cause à la maison de Montfort. Bataille de Crécy, 1346. — Le supplice d'Olivier de Clisson et de plusieurs autres seigneurs bretons dévoués à l'Angleterre, avait donné lieu à la rupture de la trêve. La guerre se rallume à la fois en Guienne, en Bretagne et en Normandie. Edouard est invité par le traître Geoffroy d'Harcourt à descendre en Normandie. L'armée anglaise s'avance sur Paris et se replie ensuite vers la Flandre ; mais, atteinte par les Français sur les bords de la Somme, elle est contrainte d'accepter une bataille qui devait être un des plus beaux exploits de l'Angleterre. La France, vaincue à Crécy, y perd les plus illustres de ses princes et la fleur de ses chevaliers. 1347. — Edouard va mettre le siège devant Calais, qui est sauvé de la destruction par l'héroïque dévouement d'Eustache de Saint-Pierre. Cependant la rigueur politique du vainqueur en exile toute la population française, et s'en assure la possession en y transportant une colonie d'Anglais. Pendant qu'Edouard triomphait à Crécy, sa femme, Philippine de Hainaut, gagnait sur les Ecossais la bataille moins brillante mais plus décisive de Nevil's-Cross, où le roi David Bruce fut fait prisonnier. Trêve, 1348-1355.— Le pape Clément VI, prenant en pitié la misère des peuples désolés par la guerre, par la peste et par la famine, interpose sa médiation entre les rois de France et d'Angleterre, et leur fait accepter une trêve d'un an, qui se prolongea en réalité jusqu'à l'année 1355. Pendant cette trêve, Philippe VI ajoute aux domaines de sa maison le comté de Montpellier, par achat de Jayme d'Aragon, roi de Majorque (1349), et Dauphiné de Viennois, par la donation de Humbert II de La Tour-du-Pin (1349). Le Viennois devint l'apanage du fils aîné de France. C'était peu d'acquérir, il fallait surtout conserver ; et Philippe déclara le domaine royal inaliénable. En Angleterre, Édouard III établit, en 1349, l'ordre de la Jarretière, que le roi Jean imita deux ans après par l'institution des chevaliers de l'Etoile. § II. — Guerre de Poitiers, séditions populaires, paix de Brétigny, etc., 1350-1364. JEAN le Bon, roi de France, 1350-1364. —La suspension des hostilités avait rétabli les relations ordinaires entre les seigneurs français des deux partis, et le roi d'Angleterre en profitait pour entretenir des intelligences avec les vassaux et les officiers du roi de France. Le connétable d'Eu, soupçonné de s'être vendu à l'étranger, est mis à mort sans jugement (1351), et sa charge est donnée à Ferdinand de Lacerda, qui venait d'obtenir aussi le comté d'Angoulême, hypothéqué au roi de Navarre, Charles le Mauvais, gendre du Roi. Le Navarrais fait assassiner le prince castillan (1354), et prélude, par ce meurtre, aux méfaits de sa coupable vie. Le faible roi ferme d'abord les yeux sur ce crime ; mais, ayant reconnu plus tard que son gendre conspirait contre sa personne, il donna l'ordre de l'arrêter, et fit décapiter sous ses yeux les autres chefs du complot (1356). Rupture avec l'Angleterre, 1355. — Bien que la trêve eût cessé depuis quatre ans, la guerre n'avait éclaté que par quelques hostilités partielles ; mais, en 1355, elle prend un caractère sérieux. Le prince de Galles descend à Bordeaux, et parcourt en vainqueur l'Aquitaine ; le roi d'Angleterre débarque à Calais et ravage la Picardie. En Bretagne, les Anglais s'emparent de Nantes, mais ne soutiennent pas leurs premiers succès. L'épuisement des ressources publiques énerve la résistance, et le roi se voit forcé de faire un appel à la nation. États-généraux, 1355. — Les députés de la langue d'Oïl se réunissent à Paris, et les trois Ordres votent la levée de trente mille hommes d'armes — cent cinquante mille combattants, sans y comprendre les milices communales. Deux impôts, la gabelle et les droits de vente, payés sans distinction par tous les sujets du roi, devaient pourvoir à l'entretien de cette armée. En dédommagement des sacrifices faits à la couronne, le tiers-état demanda la réforme de tous les abus, l'abolition de la Pourvoirie, la fixation du service militaire, et la délimitation des diverses juridictions. Bataille de Poitiers, 1356. — Le roi reprend l'offensive et obtient des succès en Normandie ; mais les progrès du prince Édouard l'appellent au midi de la Loire. La rencontre des deux armées a lieu près de Poitiers, où les Anglais remportent une victoire plus désastreuse encore pour la France que la journée de Crécy. Le roi tombe au pouvoir de l'ennemi, et va partager à la Tour de Londres la captivité du roi d'Ecosse. 1357. — La France, privée de son souverain, tombe dans une anarchie qui la livre au fer de l'ennemi et à la fureur des partis. La trêve de Bordeaux arrête les dévastations de l'étranger ; mais les députés de la nation excitent la révolte au lieu de la réprimer. Etats-généraux et séditions, 1357-1360. — Le dauphin Charles, ayant pris les rênes de l'État en qualité de lieutenant-général, convoque à Paris les députés du pays de langue française. Cette assemblée accorde les mêmes subsides que les Etats de 1355 ; mais elle exige le renvoi des ministres qui n'avaient tenu aucun compte des doléances du peuple et des promesses de la couronne ; elle demande la formation d'un conseil de régence choisi en nombre égal dans les trois Ordres ; et, usurpant sur la prérogative royale, elle s'arroge la nomination des préposés du fisc, etc. Les députés du royaume, en opposant ainsi à l'action du pouvoir une résistance intempestive, étaient peut-être, sans le savoir, l'instrument de quelques ambitieux. Charles le Mauvais, se fondant sur sa qualité de petit-fils du roi Louis le Hutin, aspirait ouvertement à la couronne, et il était secondé par Robert le Coq, évêque de Laon, et Étienne Marcel, prévôt des marchands, qui excitaient et dirigeaient les factions. Une première sédition remplit Paris d'épouvante ; l'exécution d'un bourgeois cher au peuple en fit éclater une seconde qui coûta la vie aux maréchaux de Champagne et de Normandie, et mit en péril celle du dauphin. Ce prince s'enfuit de Paris. 1358. — Les États de la langue d'Oïl sont convoqués à Compiègne, et ceux de la langue d'Oc à Toulouse. Ces derniers accordent quelques subsides. L'assemblée de Compiègne reconnaît le dauphin en qualité de régent du royaume. A Paris, les factieux ne dissimulent plus l'intention de donner la couronne à Charles le Mauvais, et Marcel allait ouvrir les portes de la ville aux Navarrais et aux Anglais, lorsqu'il est massacré avec ses complices par Jean Maillard et Pépin des Essarts. Alors le régent, cédant aux prières des Parisiens, rentre dans la capitale et publie une amnistie générale. Pendant que Paris était chaque jour agité par des émeutes populaires, les Jacques brûlaient les châteaux de la Picardie, et les Routiers ou Malandrins répandaient l'effroi dans toutes les provinces. Le retour du roi pouvait seul rendre le repos à la France ; mais les conditions de sa délivrance, trop humiliantes pour la nation, furent d'abord rejetées par les États-généraux, et les trois Ordres mirent entre les mains du régent les dernières ressources du royaume. La guerre recommença, et les Anglais reparurent bientôt devant Paris ; mais ils ne purent s'en emparer, et Édouard III consentit à reprendre les négociations. Paix de Brétigny, 1360. — Le traité de paix fut signé à Brétigny, traité humiliant et désastreux qui livrait aux Anglais le port de Calais, le Ponthieu et toutes les provinces de l'ancien duché d'Aquitaine en pleine souveraineté. Une rançon de trois millions d'écus devait payer la liberté du roi prisonnier. Les États se résignèrent à tant de sacrifices ; mais plusieurs villes cédées à l'ennemi refusèrent d'abord de recevoir leurs nouveaux maîtres. Cependant la scrupuleuse loyauté du roi Jean leur fit un devoir de la soumission. Pour réparer en quelque manière les pertes que la France venait de faire, un édit du roi réunit à la couronne la Normandie, qui avait été donnée à Jean en apanage ; le duché de Bourgogne, qui, par la mort de Philippe de Rouvres, en 1361, revenait au roi comme plus proche héritier ; le comté de Champagne, que réclamait encore le roi de Navarre ; et enfin, le comté de Toulouse, dès long-temps annexé au domaine royal. La Bourgogne fut de nouveau aliénée, deux ans après sa réunion, en faveur de Philippe le Hardi, quatrième fils de Jean et chef de cette puissante et ambitieuse maison de Bourgogne qui faillit perdre la monarchie. Le retour de Jean n'avait pas rendu le repos à la France. Elle fut dévastée plus que jamais par les Routiers, qui reçurent dans leurs rangs une foule de soldats licenciés, que la paix laissait sans ressource et sans asile. Le duc Jacques de Bourbon périt à Brignais en combattant ces brigands (1361). Peu de temps après, une partie des Grandes Compagnies passa au service du marquis de Montferrat ; et, sous le règne suivant, Duguesclin en conduisit les restes en Espagne. § III. — Triomphe de la France sous Charles V ; fin du règne d'Edouard III, 1364-1380. CHARLES V succéda au roi Jean son père, qui mourut à Londres, où il était allé prendre la place du duc d'Anjou, otage fugitif de la paix de Brétigny. Les malheurs de sa régence avaient donné au nouveau roi une expérience prématurée, et la prudence ne manqua jamais à ses conseils. Elle éclata dans la pacification des provinces, dans la guerre qui rendit à la couronne son patrimoine et sa dignité, enfin dans l'administration intérieure du royaume. La paix avec l'Angleterre n'avait pas mis fin à la guerre de la succession de Bretagne, et Charles le Mauvais ne s'était pas désisté de ses folles prétentions. Le roi de Navarre était plus puissant en Normandie que dans son royaume ; il y possédait Evreux et plusieurs places fortes que Duguesclin fut chargé de lui enlever. Ce chevalier breton, nouvellement passé au service du roi, s'illustra par la victoire de Cocherel, qui ruina le parti du roi de Navarre ; il y fit prisonnier le fameux captal de Buch, Jean de Grailly, général de l'armée navarraise, et ennemi déclaré des Français. Quelques mois après, Duguesclin, s'étant dévoué à la cause des Penthièvres, tombe entre les mains des Anglais à la bataille d'Auray, où périt le prétendant Charles de Blois, dont la défaite et la mort assurent le triomphe de la maison de Montfort. Dans la même année, le traita de Guérande pacifie la Bretagne, et celui de Pampelune met un terme aux coupables entreprises de Charles le Mauvais (1365). 1366. — Duguesclin ayant recouvré la liberté, se met à la tête des Grandes Compagnies, et marche au secours d'Henri de Transtamare, qu'il aide à détrôner son frère Pierre le Cruel. L alliance de ce nouveau roi de Castille ne doit pas être stérile pour la France dans la guerre qui va se rallumer. Rupture avec l'Angleterre, 1368. — Le prince de Galles, investi par son père du duché d'Aquitaine à titre souverain, s était aliéné le cœur de ses vassaux par ses exactions. Charles V reçut les plaintes des seigneurs de Gascogne, et, sans avoir égard aux clauses du traité de Brétigny, cita le fils du roi d'Angleterre devant la cour des pairs de France. Édouard refusa fièrement de comparaître, et sa condamnation fut le signal de la guerre. Charles V convoqua à cette occasion les États-généraux de la langue d'Oïl, pour les consulter sur ce qu'il avait fait et sur ce qu'il aurait à faire. 1369. — Les hostilités commencent en même temps sur trois points. Saint-Pol et Chatillon s'emparent du Ponthieu ; le duc d 'Anjou, frère du roi, fait des progrès en Guienne, et le duc de Bourgogne tient en échec le roi d'Angleterre en Picardie. 1370. — Duguesclin reçoit avec l'épée de connétable le commandement général des armées, en même temps qu'une langueur incurable force le prince de Galles à la retraite. Le héros breton attire sous les drapeaux français toute la noblesse de Bretagne, qu'il détache de la cause de Montfort. Il marche contre Robert Knolles, qui venait de débarquer à Calais, le bat dans l'Anjou et le poursuit de province en province. 1371-1373. — Pendant que le connétable, profitant de sa victoire, pénètre dans le Poitou et dans la Saintonge, la marine française se signale sous les ordres d'Yvain de Galles. Cet amiral va chercher la flotte que Henri de Transtamare armait pour la France, et, renforcé par les Castillans, bat le comte de Pembroke devant le port de La Rochelle. Peu de temps après, il fait prisonnier le captai de Buch. Duguesclin entre en Bretagne, et reçoit la soumission volontaire des seigneurs et des villes qui venaient de chasser les Anglais. Montfort, privé de l'appui de ses alliés et poursuivi par ses propres vassaux, s'enfuit à Londres d'où il ne revint dans son duché qu'après la mort de Charles V. 1373. — Le roi d'Angleterre, faisant un dernier effort, envoie contre la France une armée formidable sous les ordres des ducs de Lancastre et de Bretagne. Les Anglais traversent la France depuis Calais jusqu'il Bordeaux, où ils arrivent réduits à un très-petit nombre parles attaques continuelles qui les avaient assaillis en chemin. Ils ne peuvent empêcher le duc d'Anjou d'achever la conquête de la Guienne. Trêve, et mort des deux Edouard, 1375-1377. — Le pape Grégoire XI intercédait depuis long-temps pour la paix. A la faveur d'une trêve qui fut conclue à Bruges, le prince de Galles et le roi d'Angleterre descendirent en paix, mais non sans douleur, dans la tombe. Les revers des armes d'Édouard III, la misère de son royaume, les faiblesses honteuses de sa vieillesse, tout contribuait à lui rendre amer le souvenir de ses prospérités passées. Il avait vu l'Ecosse, malgré ses défaites, rétablie avec gloire dans son indépendance y sous les auspices de la maison de Stuart (1371), les fruits des journées de Crécy et de Poitiers perdus sans espoir de retour, et la plupart des possessions continentales de ses ancêtres passées sous les lois de la France. Enfin, il rendait le dernier soupir au moment où allaient recommencer, sous un roi mineur, des hostilités dont l'Angleterre ne pouvait attendre que de nouveaux malheurs. Dernières hostilités, 1377-1380. — Cinq armées françaises se mettent en campagne. L'amiral Jean de Vienne fait une descente dans le comté de Kent ; le duc de Bourgogne entre en Picardie pour observer Calais ; Olivier de Clisson prend possession de la Bretagne, qu'un arrêt prématuré de confiscation fait bientôt perdre à la couronne, et la Guienne est de nouveau envahie parle duc d'Anjou et le connétable, qui s'emparent de cent trente-quatre villes ou châteaux fortifiés. Duguesclin se porte ensuite en Normandie, et enlève à Charles le Mauvais les places qu'il possédait encore dans cette province. Il allait achever la conquête de la Guienne et de la Gascogne sur les Anglais, lorsque la mort vint terminer, devant le château de Randan, le cours de sa vie et de ses exploits. Grâce à son épée, les Anglais ne possédaient plus en France que quelques villes maritimes, Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Brest et Calais. On pouvait espérer que Charles V achèverait bientôt son ouvrage par la conquête de ces places importantes ; mais une mort prématurée lui déroba cette gloire (1380). § IV. — Gouvernement de Charles V et d'Edouard III. Nous allons rapprocher dans un tableau synoptique les traits principaux de l'administration intérieure de ces deux grands princes, afin qu'on puisse plus facilement en comparer les rapports et les différences.
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