De l'Empire d'Allemagne depuis l'élection de Rodolphe de Habsbourg jusqu'au couronnement de Frédéric III, à Rome, 1273-1452. § Ier. — Rodolphe de Habsbourg, Adolphe de Nassau et Albert Ier. L'ANCIENNE maison impériale d'Autriche dont Rodolphe de Habsbourg fut lé chef, et la famille de Lorraine qui l'a remplacée, se sont donné pour ancêtres les anciens princes des Allemands, et on cite Étichon, duc d'Alsace à la fin du VIIe siècle, comme étant la souche commune de ces deux maisons souveraines aujourd'hui confondues. Un descendant d'Étichon, Gontran le Riche, comte bénéficiaire du Sundgau jusqu'en 951, et possesseur de nombreux domaines allodiaux dans le Brisgau et l'Argovie, fonda la grandeur de sa race en lui amassant des trésors. Son petit-fils Werner, mort en 1096, prit le titre de comte de Habsbourg, qui passa à son fils Othon, premier comte héréditaire de la Haute-Alsace, dont le petit-fils, Albert le Riche, fut premier landgrave en 1180. Rodolphe l'Ancien, fils aîné d'Albert, ajouta aux titres de sa famille celui d'Avoué des cantons libres d'Uri, Schwitz et Underwalden, et la rendit puissante dans l'Helvétie[1]. Il était réservé à un autre landgrave du même nom de la placer au premier rang des maisons princières de l'Empire. 1240-1273. — Rodolphe IV de Habsbourg n'hérita d'abord que d'une partie des domaines de sa maison ; mais des circonstances heureuses, qu'il seconda de sa valeur et de son adresse, amenèrent sous ses lois des fiels collatéraux et plusieurs villes impériales. Au retour d'une expédition où il s'était signalé contre les Prussiens -idolâtres, sous les ordres de Premislas Ottocar, roi de Bohême, il se fit reconnaître pour patron des villes de Strasbourg, Lauffenbourg et Zurich, ainsi que des Cantons helvétiques. Il venait d'hériter des nombreuses seigneuries de la maison de Kibourg et d'enlever Baie à son évêque, lorsqu'on vint lui annoncer une plus brillante fortune. RODOLPHE Ier, empereur, 1273. — Il fallait à l'empire d'Allemagne un chef d'un caractère ferme, pour le tirer de l'anarchie où l'interrègne l'avait plongé, d'une puissance médiocre, pour ne pas alarmer la défiance des électeurs. Le comte de Habsbourg réunissait ces deux conditions. Deux amis dévoués, Werner, archevêque de Mayence, et Frédéric de Hohenzollern[2], surent les faire valoir dans la diète de Francfort, où le comte palatin Louis de Bavière proclama Rodolphe empereur en vertu du pouvoir arbitral qui lui avait été délégué par le collège électoral. Celte élection déconcerta l'impuissante opposition d'Alfonse X de Castille, et les prétentions plus redoutables du roi de Bohême. 1275. — Ottocar protesta contre l'élection de Rodolphe, et lui refusa l'hommage féodal. La diète d'Augsbourg mit cet électeur au ban de l'Empire, et le somma de restituer les provinces autrichiennes qu'il avait injustement acquises après l'extinction de la maison de Bamberg. Rodolphe, se disposant à exécuter la sentence de la diète, s'allie avec Ladislas, roi de Hongrie, et fait entrer le pape Grégoire X dans ses intérêts, par de trompeuses concessions, mais surtout par la promesse de se mettre à la tête de la croisade récemment publiée au concile de Lyon. Le roi de Bohême, maître de tout le pays limitrophe de l'Empire depuis la Baltique jusqu'au golfe de Venise, brave l'orage qui le menace, empêche dans son royaume la prédication de la guerre sainte, et se ligue avec les princes dont les états avoisinaient les domaines héréditaires de Rodolphe. Première guerre, 1275-1277. — La défaite de Henri de Bavière et des autres alliés d'Ottocar ouvre à l'empereur l entrée de l'Autriche et amène la prompte soumission de cette province. Le roi de Bohême demande la paix, qui est suivie d'un double mariage entre les enfants des deux monarques. Seconde guerre, 1277-1278. — Ottocar rompt la paix, à l'instigation de sa femme, et se flatte de reconquérir l'Autriche avec le secours des rois de Pologne et de Bulgarie. Mais il périt à la bataille de Markfeld, en 1278, et la Régence du royaume se hâte de déposer les armes. Par le traité d'Iglau, Wenceslas IV renonce aux prétentions de son père sur l'Autriche, la Styrie et la Carniole ; et, dix ans après, ce jeune roi épousa une fille de Rodolphe, qui fut alors le beau-père dès quatre électeurs séculiers. Les fiefs autrichiens étant ainsi devenus vacants, l'empereur les demande à la diète d'Augsbourg pour ses fils Albert et Rodolphe, qui vont en prendre possession. Il réservait à un troisième fils ses domaines de l'Helvétie, de la Souabe et de l'Alsace, qui, réunis à quelques débris du royaume d'Arles, devaient composer pour ce jeune prince un riche patrimoine. Mais la mort de ce fils, et des résistances qu'il n'avait point prévues, détournèrent Rodolphe de ce dessein, et il n'exerça jamais sur les fiefs de l'ancienne Bourgogne qu'une souveraineté honoraire. L'ambition de Rodolphe commençait à éveiller la défiance des grands feudataires. Aussi, lorsqu'en 1290 il voulut assurer à son fils aîné la couronne impériale, il ne trouva plus dans les électeurs leur complaisance accoutumée 5 et la diète fit cet affront à sa vieillesse, de refuser au duc Albert la dignité de roi des Romains. 1291. —Peu de mois après ce refus, Rodolphe descendit au tombeau, frustré de sa plus douce espérance. Un étranger allait profiter de sa peine et de sa gloire, et l'Empire, pacifié par ses soins, réhabilité par ses exploits, pouvait devenir l'héritage d'une autre famille. Cependant l'œuvre de sa politique ne devait point être perdue pour sa postérité 5 et la nouvelle maison d'Autriche, assise par lui sur une base inébranlable, était destinée à recueillir, après de longues traverses, le fruit des travaux de son fondateur. Adolphe de Nassau, 1291. — Au fils du grand Rodolphe, le collège des électeurs préféra le comte de Nassau, qui n'avait pour lui que son obscurité et son Impuissance. Adolphe reçut les subsides de l'Angleterre pour attaquer la France, mais il aima mieux s'en servir pour agrandir ses états héréditaires. Il fit déshériter à ce prix les enfants d'Albert le Dénaturé, landgrave de Thuringe', et se mit en devoir de conquérir cette province dont les États venaient d'annuler un traité contraire au droit naturel et aux lois de l'Empire. Pendant qu'il soutenait par les armes ses iniques prétentions, ses ennemis concertaient une ligue pour le détruire ; et, dans une diète tenue à Mayence, en 1298, Albert d'Autriche se fit élire par quatre électeurs. La guerre civile allait embraser toute l'Allemagne 5 mais à la première bataille qui fut livrée à Gœlheim, près de Worms, Adolphe périt de la main de son rival. ALBERT Ier, 1298-1308. — Ce prince, ayant fait renouveler son élection irrégulière, reçut la couronne à Aix-la-Chapelle, malgré la vive opposition du pape Boniface VIII, que sa querelle avec le roi de France réconcilia ensuite avec ce roi des Romains. Affaires de Bohême, 1300-1307. — Le roi Wenceslas IV, élu roi de Pologne en 1300, après la déposition de Wladislas Loketek, venait d'être appelé au trône de Hongrie que laissait vacant l'extinction de la-race d'Arpad dans la personne d'André le Vénitien (1302). Le roi de Bohême fait couronner par les Hongrois son fils Wenceslas V ; mais il le rappelle bientôt, et soustrait ainsi sa jeunesse aux dangers d'une royauté disputée par Othon de Bavière, et par Charobert de Naples, qui prévalut en 1310. Wenceslas V, qui semblait destiné à trois couronnes, ne porte qu'un an celle de ses aïeux, et la race slave des rois de Bohême s'éteint avec lui (1306). L'empereur, avec l'agrément de la diète germanique, dispose successivement du trône vacant en faveur de deux de ses fils, Rodolphe et Frédéric. Mais les États de Bohême avaient déféré la royauté à Henri de Carinthie, beau-frère du dernier Wenceslas. Albert fait de vains efforts pour soutenir les droits de sa famille, et tourne ensuite son impuissante colère contre les Suisses insurgés. § II. — Formation de la ligue helvétique, 1308, etc. L'Helvétie relevait depuis long-temps de la couronne de Germanie, soit comme partie intégrante de l'Empire, soit comme démembrement du royaume d'Arles. Elle se trouvait alors morcelée en deux cents fiefs immédiats attitrés de comté ou de baronnie, quatre villes impériales, et les trois waldstettes d'Uri, Schwitz et Unterwalden, qui ne reconnaissaient d'autre autorité que celle de l'empereur. La famille de Habsbourg entreprit à son détriment de convertir en souveraineté le droit de patronage qu'elle exerçait sur ces trois cantons. Albert d'Autriche n'ayant pu les amener à reconnaître sa seigneurie, les opprima comme empereur. Mais l'insultante tyrannie de son landvogt ou bailli Gesler donna lieu à cette célébré conspiration du Grütli, dans laquelle le nom de Guillaume Tell figure entouré de gloire et d'obscurité. Les trois auteurs de la révolution qui affranchit les Cantons suisses de la domination autrichienne, furent Stauffacher, d'Uri ; Walter Furst, de Schwitz, et Melchtal, d'Unterwalden (1308). Ils conclurent pour dix ans une alliance défensive que les événements devaient changer en fédération républicaille, et qui, suivant le vœu de ces trois grands citoyens, était destinée à faire revivre dans les vallées helvétiennes les anciens temps et la vieille Suisse (Schiller). 1308-1315. — L'empereur Albert, ayant appris l'insurrection des Suisses, marcha contre eux pour les réduire. Mais il fut assassiné au passage de la Reuss par son neveu Jean de Souabe, qu'il avait frustré de ses domaines patrimoniaux. Ses fils et sa veuve vengèrent sa mort par d'atroces exécutions. Mais tous les efforts de leur maison échouèrent contre les pasteurs intrépides des waldstettes. L'armée de Léopold fut taillée en pièces dans les défilés de Morgarten, en 1315, et les vainqueurs signèrent à Brunnen une ligue perpétuelle qui fut approuvée par l'empereur Louis de Bavière. L'indépendance des anciens Cantons fut affermie et fortifiée par l'accession successive de Lucerne (1332), de Zurich et de Glaris (1351), de Zug, et surtout de Berne (1352), et plus tard encore par l'association d'autres provinces helvétiques (St. Gall, 1405 ; Fribourg, 1478 ; Bâle, Schaffhouse et Appenzel, 1501). Cependant la maison d'Autriche n'avait pas renoncé à ses ressenti-mens ni à ses projets de conquête. Mais la mémorable victoire de Sempach remportée, en 1386, sur un autre Léopold, par le dévouement héroïque d'Arnold de Winkelried, mit la liberté helvétique hors de toute atteinte étrangère. La longue trêve de Zurich conclue, en 1389, avec le duc d'Autriche Albert III, garantit les droits respectifs de la Confédération et de la maison de Habsbourg. L'exemple des Suisses gagna leurs voisins, et, en 1424, les Grisons, assemblés dans le village de Truns, se formèrent en fédération indépendante sous le nom de Ligue grise, sans secouer toutefois la suzeraineté des ducs d'Autriche. § III. — Maisons impériales de Luxembourg et de Bavière. HENRI VII de Luxembourg, 1308-1313. — Albert semblait avoir réfléchi sur sa famille le mépris qu'il s'était attiré, et son fils Frédéric le Bel brigua sans succès l'Empire, qui fut donné à Henri de Luxembourg. Cette maison, naguère obscure, acquit dès lors une importance qu'elle dut peut-être moins à la dignité impériale qu'a la couronne de Bohême. Jean, fils de l'empereur, ayant épousé une sœur de Wenceslas V, fut élu roi par les États du royaume, et commença une dynastie à laquelle la Bohême fut redevable tout à la fois de sa civilisation, dont l'université de Prague fut le berceau, et de son importance politique, qu'il faut attribuer à la conquête de Glogau, et à la soumission volontaire des ducs silésiens de Sagan, Oppeln, Œls, Brieg, Steinau, Liegnitz et Ratibor, en 1327 et 1335. Expédition d'Italie, 1311-1313. — Les derniers empereurs avaient négligé l'Italie, par prudence ou par Impuissance ; Henri voulut faire revivre les anciens droits de l'Empire sur cette contrée. Il fut invité à passer les monts par le parti gibelin, et les légats du pape le couronnèrent au Capitole, pendant que le roi dé Naples, Robert d'Anjou, occupait la cité Léonine avec les Guelfes. L'empereur irrité alla tenir à Pise une diète où Robert fut mis au ban de l'Empire ; mais Clément V intercéda pour le roi de Naples, et finit par fulminer, de sa résidence d'Avignon, l'excommunication d'Henri VII. Ce prince ne devait plus revoir l'Allemagne, et sa mort inopinée fut imputée à un empoisonnement sacrilège. LOUIS V de Bavière, 1314-1347. — Après un an d'interrègne, l'Empire reçut deux empereurs, Louis de Bavière et Frédéric d'Autriche, qui avaient partagé les suffrages du collège électoral. Une guerre civile éclata entre les deux concurrents, et se termina, en 1392, par la victoire du Bavarois, à Muhldorff. Le duc d'Autriche, fait prisonnier, recouvra la liberté trois ans après, par le traité d'Ulm, qui laissa la royauté indivise entre les deux princes rivaux. Mais Frédéric ne jouit pas longtemps de son vain titre. Après lui, sa famille semble rentrer dans l'obscurité, jusqu'à l'élection de l'empereur Albert II, en 1437. Louis V avait consenti à partager l'Empire avec son prisonnier, dans l'espoir de désarmer le pape Jean XXII, qui voulait lui opposer un nouveau compétiteur dans la personne du roi de France Charles le Bel. Mais il fut trompé dans son attente, et toute la vie de cet empereur fut troublée par les anathèmes du saint Siège. Expédition d'Italie, 1328. — Louis se flattait de rendre le pontife plus traitable s'il parvenait à relever le parti gibelin en Italie. Mais son couronnement à Rome, par les mains du préfet Sciarra Colonne, parut à ses ennemis une nouveauté impie, et le pape excommunia l'empereur, qui à son tour fit prononcer la déposition du pape. 1333-1347. — Fatigué de tant de persécutions, Louis V offrit de résigner sa couronne ; mais la diète germanique s'opposa à cet acte de faiblesse, et répondit aux anathèmes de Benoît XII par la Pragmatique-Sanction de Francfort (1338). Cet acte de fermeté ne fit qu'Irriter la cour d'Avignon, et Clément VI persuada aux électeurs ecclésiastiques et au duc de Saxe d'élire un nouvel empereur. Charles de Luxembourg, fils du roi Jean l'Aveugle, reçut la couronne, par les suffrages de cette majorité dissidente, un mois avant son avènement au trône de Bohême, et Louis V, mis aux prises avec ce second compétiteur, finit son règne comme il l'avait commencé. CHARLES IV de Luxembourg, 1347-1378 —Après, avoir fait confirmer sa première élection, et prodigué, pour affermir son autorité, l'or et les dignités de l'Empire, il alla vendre au-delà des monts quelques débris de la couronne de Fer. Expédition d'Italie, 1354. — Les vains honneurs d'un double couronnement coûtèrent à l Empire les derniers droits qui lui restaient en Italie. Charles renonça à la suzeraineté des terres pontificales, céda Padoue et Vérone aux Vénitiens, et nomma Galéas Visconti Vicaire perpétuel de l'Empire en Lombardie. Dans un second voyage entrepris en j368, il vendit en détail ce qu'il n'avait pas eu encore le temps d'aliéner. Bulle d'Or, 1356. — Au retour de sa première expédition en Italie, Charles IV tint à Nuremberg une diète où fut décrétée la fameuse Bulle d'Or. C'est une " des principales lois constitutives de l'Empire, qui détermine le lieu et le mode d'élection de l'empereur, les droits et privilèges des sept électeurs, leur ordre de succession primogéniale et indivisible, l'attribution des deux vicariats au duc de Saxe et au comte palatin du Rhin, etc. Dans cette même diète, la Silésie, la Lusace et la Moravie furent incorporées au royaume de Bohême. 1365-1378. — Charles IV, voulant tirer quelque fruit de ses droits sur le royaume d'Arles, va s'y faire couronner par le pape Urbain V. Il confirme la vente d'Avignon faite à Clément VI par Jeanne de Naples, ainsi que la cession du Viennois au roi de France par Humbert II, et il constate sa prise de possession par quelques autres actes de souveraineté (1365). Cet empereur se prêtait à toutes les aliénations du domaine et des fiefs de l'Empire : aussi lui a-t-on reproché avec justice d'avoir laissé en mourant la dignité impériale ruinée et avilie. Il montra plus de sagesse dans le gouvernement de ses États héréditaires, et la Bohême lui dut de bonnes lois, et surtout l'institution de l'université de Prague (1366), modelée sur celle de Paris, où ce prince avait fait ses études. WENCESLAS de Luxembourg, 1378-1400. — Le fils aîné de Charles IV ayant succédé au trône héréditaire et à la couronne élective de son père, ne suivit que trop fidèlement les exemples domestiques ; aussi des symptômes d'anarchie ne tardèrent pas à se manifester dans l'Empire, et le besoin de protéger la paix publique donna naissance à de nouvelles ligues. Les villes de la Souabe et de la Franconie formèrent des associations pour se défendre contre les confréries nobles du Lion-d'Or, de Saint-Georges et autres. Une guerre ouverte éclata entre les deux partis, et les communes furent battues par les princes aux combats de Weil et de Worms (1388). Wenceslas paya cher l'impuissant et secret appui qu'il avait prêté aux villes libres. Pour le perdre, on divulgua ses vices trop réels, et on les grossit au-delà de toute vraisemblance. Enfin, il fut emprisonné par ses sujets de Bohême en, et déposé par ses vassaux d'Allemagne en 1400. Toutefois, sa royauté survécut dix-huit ans à son empire. ROBERT de Bavière, 1400-1410. — L'expédition d'Italie était de nouveau tombée en désuétude sous Wenceslas. L'Électeur Palatin, qui lui succéda, essaya de s'ouvrir le chemin de Rome par l'abaissement des Visconti, maîtres absolus du Milanais, mais sa défaite sur le lac de Garda l'avertit que l'Italie était perdue à jamais pour les empereurs. A la mort de Robert, la désunion se mit de nouveau dans la diète électorale, et un triple schisme divisa en même temps l'Empire et l'Église. Les électeurs se partagèrent entre l'empereur déchu, son frère, Sigismond, et Josse de Moravie, son cousin ; mais la mort de ce dernier ramena tous les suffrages à Sigismond, roi de Hongrie et électeur de Brandebourg. SIGISMOND de Luxembourg, — Sous un prince qui apportait sur le trône la dignité électorale, la couronne de Hongrie et l'expectative de celle de Bohême, le pouvoir impérial semblait destiné à reprendre sa première force ; mais les attaques victorieuses des Ottomans, lé besoin de rétablir l'ordre et l'unité dans l'Église, et surtout une guerre religieuse en Bohême, empêchèrent Sigismond de rendre son ancien éclat à la couronne impériale. 1414. —Le concile de Constance, qui devait opérer une réconciliation universelle dans l'Eglise et dans la chrétienté, n'atteignit que bien imparfaitement ce noble but, et il fut, pour l'Empire en particulier, une occasion nouvelle de discorde et de malheur. Guerre des Hussites, 1419-1434. — Le concile de Constance venait de condamner au feu Jean Huss et Jérôme de Prague, qui avaient propagé dans la Bohême les erreurs de l'hérésiarque anglais Wiclef. La nouvelle de cette exécution inspire une fureur fanatique à leurs nombreux sectateurs. Ils prennent les armes sous la conduite de Jean Ziska, et, massacrent le sénat de Prague. Le roi Wenceslas meurt d'épouvante, et Sigismond, qui lui succède, ne peut empêcher les États-Généraux du royaume de se réunir aux rebelles. Réduit à combattre ses sujets, il n'éprouve d'abord que des revers, et ne peut même protéger l'Empire contre les incursions des Taborites. Cependant les concessions faites à ces sectaires par le concile de Baie ayant déterminé la soumission des Etats, leur chef Procope ne peut prolonger long-temps la guerre civile, et sa défaite à Böhmischbroda amène, en 1434, la pacification d'Iglau. 1437. — Sigismond meurt après avoir rendu la paix à ses états, mais en laissant l'Eglise divisée par un nouveau schisme. Avec lui s'éteignit la maison royale de Luxembourg. MAISON D'AUTTRICHE, 1438. — ALBERT d'Autriche, gendre de Sigismond, succéda à ses trois couronnes, qu'il ne porta que deux ans. Après lui, la Hongrie et la Bohême, acquises à titre héréditaire, sortirent de sa famille, pour y revenir un jour, tandis que la dignité impériale, élective de sa nature, devait rester dans la maison de Habsbourg jusqu'à l'extinction de cette illustre dynastie en 1740. FRÉDÉRIC III, qui succéda, en 1440, à son parent Albert II, prêta son appui au Saint-Siège, pour ramener les évêques dissidents de Bâle ; et lorsque la fin du schisme, en 1449, eut rétabli la tranquillité dans l'Église, il alla recevoir des mains de Nicolas V la couronne impériale (1452). Ce fut la dernière fois que Rome vit consacrer dans ses murs le successeur d'Othon le Grand. § IV. — Changements politiques dans l'Empire, durant cette période. L'Empire achève de perdre en Italie et dans le royaume d'Arles des droits usés par le cours du temps ou aliénés par l'avarice des empereurs. Circonscrit dans ses propres limites, il reçoit une constitution plus régulière et plus complète par les lois de Rodolphe, la Bulle d'Or de Charles IV, et le premier établissement des Cercles, sous Wenceslas et Sigismond. Mais ces institutions mêmes servent à reconnaître et à légitimer tous les empiétements des princes, ainsi que la dilapidation du domaine impérial et des droits du trône. La dignité suprême devient onéreuse à ceux qui en sont investis, et les États atteignent, comme corps fédératif et comme pouvoirs individuels, au plus haut degré de souveraineté. Les électeurs se séparent des autres vassaux immédiats, et forment un collège particulier, qui reste en possession du droit exclusif d'élire l'empereur et de participer à la collation des grands fiefs. Après ce premier Collège vient celui des princes, augmenté et décrédité par la création des nouveaux ducs. Enfin, un troisième Collège, celui des villes impériales, prend séance dans la diète, et concourt aux délibérations, à partir de l'année 1293. Le démembrement de la Souabe et de la Franconie avait donné naissance à une noblesse immédiate d'un ordre particulier. Cette noblesse, en quelque sorte allodiale, se met hors de la dépendance des princes et de l'empereur, elle ne prend aucune part au gouvernement et reste exempte des charges publiques autres que le service militaire. Dans ces mêmes provinces, on comptait un assez grand nombre de cantons rustiques libres, qui, comme les Waldstettes de l'Helvétie, ne relevaient que de l'empereur et étaient gouvernés par ses scultettes ou baillis. Des changements plus faciles à saisir surviennent dans la succession des grands fiefs, qui tous entrent on restent dans les familles qui les possèdent encore. Toutes les maisons électorales sont renouvelées, à l'exception des deux principales branches de Bavière ; mais au-dessus de ces dynasties provinciales se place la maison parvenue de Habsbourg-Autriche, qui, sans arriver à la dignité électorale, obtient en 1453 un titre qui distingue ses chefs des autres ducs et les assimile aux têtes couronnées. Elle ne vote pas l'Empire, mais elle en fait son patrimoine. Bohême. — L'avènement de la maison de Luxembourg, en 1310, avait donné une nouvelle importance à ce royaume. Jean l'Aveugle y réunit la Silésie, par la soumission volontaire des ducs de Sagan, Oppeln, Brieg, Liegnitz, Ratibor, etc., mécontents de la suzeraineté des rois de Pologne (1327). A ces acquisitions Charles IV ajouta la Lusace, et ce même empereur fit assigner au roi de Bohême le premier rang parmi les électeurs. Tous ces avantages devaient concourir à l'élévation de la maison d'Autriche, qui hérita de ce royaume en 1438, et se l'assura par un mariage en 1526. Bavière et Palatinat. — En vertu d'un traité de famille, signé à Pavie en 1329, le vote électoral devait alterner dans les branches palatine et ducale de la maison de Wittelsbach ; mais la Bulle d'Or le fixa dans la branche aînée ou palatine (1356). Brandebourg. — La branche d'Ascanie-Anhalt s'étant éteinte en 1322, par la mort du margrave Jean IV, cet électoral fut possédé successivement par trois fils de l'empereur Louis de Bavière. Sigismond de Luxembourg en fut ensuite investi par son père, mais après son avènement à l'Empire, il le vendit, en 1417, au burgrave de Nuremberg, Frédéric de Hohenzollern, tige de la maison royale de Prusse aujourd'hui régnante. Saxe. — Cent ans après l'extinction de la branche brandebourgeoise d'Anhalt, la maison d'Ascanie finit en Saxe, dans la personne d'Albert III (1422). L'empereur Sigismond fit alors transférer ce duché à Frédéric le Belliqueux, margrave de Misnie (1423). En 1486, la maison saxonne de Misnie se divisa en deux grands rameaux : 1° La branche aînée ou Ernestine, électorale jusqu'en 1548 ; 2° La branche cadette ou Albertine, électorale en 1548, et royale en 1806. |