De l'Espagne, depuis la fin du onzième siècle jusqu'à la réunion de l'Aragon et de la Castille. — Guerres entre les Espagnols chrétiens et musulmans. Agrandissement des royaumes de Castille et d'Aragon. — Fondation du royaume de Portugal. VERS le milieu du onzième siècle l'Espagne était partagée en quatre royaumes chrétiens et dix Etats musulmans. La lutte politique et religieuse entre les deux nations avait pris un plus grand caractère, et la division récente du khalifat de Cordoue donnait déjà l'avantage aux princes chrétiens. Ces derniers, limitrophes de la France, recevaient le secours de ses guerriers avant même que les croisades eussent tourné contre les Infidèles le courage de la chevalerie européenne. Les Musulmans, voisins de l'Afrique, avaient sous leur main des auxiliaires formidables par leur nombre et leur fanatisme, mais, plus dangereux pour eux-mêmes que pour les Chrétiens. Parmi les- États démembrés du khalifat, les uns seront absorbés par la conquête et réunis à l' Aragon, à la Castille ou au Portugal ; les autres subiront la loi de deux nouvelles nations africaines, les Almoravides et les Almohades, dont l'invasion en Espagne doit compromettre l'existence des royaumes chrétiens, et prolonger, dans un coin de la Péninsule, la durée de la domination musulmane. Dans l'Espagne chrétienne, les trois branches de la maison de Bigorre se présentent d'abord avec leurs trois couronnes de Navarre, d'Aragon et de Castille, qui sont un moment réunies par le mariage d'Alphonse 1er le Batailleur avec l'héritière d'Alphonse VI (1109). Toutes les trois doivent tomber en quenouille, et faire passer par les femmes la Castille à la maison de Bourgogne, l'Aragon à celle de Barcelone, la Navarre aux comtes de Champagne et 'aux rois de France. Une quatrième princesse de la race d'Aznar va porter à un prince français des droits qui donneront naissance au royaume de Portugal. A l'exception de cette nouvelle monarchie, tous les autres royaumes espagnols sortiront de la sphère étroite où les renfermaient la mer et les Pyrénées, et se mêleront à la politique de l'Europe méridionale, la Navarre et la Castille par leurs alliances avec la maison de France, l'Aragon par sa domination en Provence, et surtout par sa puissance navale, qui lui livrera les îles Baléares, la Sicile, et plus tard la Sardaigne. Dans une si grande complication d'États, d'alliances, de guerres et de conquêtes, nous allons nous attacher à faire ressortir les principaux traits historiques de chaque royaume en particulier. § I. — Navarre. Ce royaume ne doit pas s'agrandir, comme la Castille et l'Aragon, aux dépens des Musulmans, qui ne se trouvent pas en contact avec son territoire. Resserré du côté de la France par les Pyrénées, et hors d'état de balancer en-deçà des monts la puissance des ducs d'Aquitaine et des comtes de Toulouse, il est condamné à se tenir renfermé dans ses premières limites, qui ne doivent changer que pour se rétrécir encore. C'est ainsi qu'après avoir été réuni pendant cinquante-huit ans à la couronne d'Aragon, il perd, en 1200, ses provinces de Biscaye, d'Alava et de Guipuzcoa, qui conservent, sous l'autorité des rois, de Castille, les antiques libertés dont, elles sont encore aujourd'hui si jalouses. Ce démembrement partiel s'opère pendant le règne de Sanche VII, dernier roi de la race d'Aznar, mort en 1234. Dès ce moment la couronne de Navarre n'est plus destinée qu'à des étrangers. D'abord c'est le comte de Champagne Thibaut IV qui en hérite du chef de Blanche, sa mère. Ce prince commence une dynastie qui, par le mariage de sa petite-fille Jeanne avec Philippe le. Bel, doit se perdre dans la maison royale de France (1284), et revivre ensuite sans gloire dans celle d'Évreux par le mariage d'une autre Jeanne avec un petit-fils de Philippe le Hardi (1328-1425). § II. — Aragon. Ce pays sembla de bonne heure destine à donner des rois à toute l'Espagne chrétienne. Sanche Ier ayant joint la Navarre à ses États en 1076, Alphonse 1er y réunit, en 1109, les royaumes de Castille et de Léon par son mariage avec Urraque, et devint aussi suzerain du comté de Portugal. Mais ce prince, plus guerrier que politique, ne sut pas conserver les avantages de cette alliance, et, s'il remporta de brillantes victoires sur les Maures de l'Èbre et sur les Almoravides, sa défaite à Fraga, suivie de sa mort, fit perdre un moment à l'Aragon toute son importance, et la Navarre recouvra ses rois (1134). Un frère d'Alphonse Ier, Ramire le Moine, ne fut tiré du cloître que pour marquer par son abdication la fin de la dynastie aragonaise d'Aznar (1137). MAISON DE BARCELONE, 1137-1410. — Au moment où le royaume d'Aragon semble toucher a sa ruine, une nouvelle famille de rois vient en relever la gloire. Pétronille, fille du Prêtre-Roi, porte ses droits à Raymond-Bérenger, comte de Barcelone, et, par la réunion de l'industrieuse Catalogne, l'Aragon commence à balancer la puissance de la Castille, et devient redoutable aux Musulmans. Il étend son influence hors de la Péninsule par l'acquisition de la Provence et du Roussillon, tandis que la possession de Marseille et de Barcelone lui assure l'empire dans la Méditerranée occidentale. Redoutables aux Musulmans sur terre et sur mer, les successeurs de Raymond Bérenger profitent mieux que leurs voisins de la ruine des Almohades, dont la grande défaite à Tolosa, en 1212, prépare la grandeur de Jayme Ier le Conquérant (1213-1276). Ce grand monarque, contemporain de Ferdinand III de Castille, s'agrandit comme lui de la dépouille des Maures. Il enlève l'île de Majorque aux princes Zéirides de Tunis (1229), et, par la conquête du royaume de Valence, en 1238, acquiert sur le continent une importance égale à sa puissance navale. Trente-trois batailles livrées, deux royaumes conquis, le comté de Barcelone affranchi de la suzeraineté du roi de France, sont les principaux titres de gloire de Jayme Ier. Son fils, Pèdre III, surnommé le Grand, ajouta la Sicile aux domaines de sa maison (1282) (voyez chap. IV), et la guerre où cette conquête l'engagea avec deux puissants royaumes n'empêcha pas son successeur, Alphonse III, de se rendre maître de Minorque sur les Musulmans. Les Vêpres siciliennes avaient livré la Sicile aux Aragonais, le massacre des Pisans les rendit maîtres de la Sardaigne (1325), dont la possession, subordonnée à la suzeraineté du saint Siège, fut une source de guerres avec les Génois maîtres de la Corse. Pèdre IV sut la défendre contre le prince-juge d'Arborée, avec le secours des Vénitiens, et surtout en s'attachant ses nouveaux sujets par de libérales institutions (1355), vers le même temps où il enlevait les îles Baléares à une branche cadette de sa maison (1349). Soixante ans après, Martin eut à réduire les Sardes armes pour leur indépendance. Ce prince, ayant hérité du royaume de Sicile par l'extinction d'une autre branche aragonaise, descendit dans la tombe chargé de quatre couronnes, et la race illustre de Barcelone périt avec lui au moment de sa plus grande puissance (1410). MAISON DE CASTILLE, 1412. — La descendance mâle de Raymond-Bérenger étant venue à manquer, une commission électorale de neuf membres défère la couronne au régent de Castille, Ferdinand le Juste, petit-fils de Pèdre IV par sa mère Eléonore. Ce nouveau roi fut le père, 1° d'Alphonse V le Magnanime, dont les victoires acquirent le royaume de Naples à la maison d'Aragon ; 2° de Jean II, qui annexa un moment le royaume de Navarre à celui d'Aragon ; il fut l'aïeul de Ferdinand le Catholique, qui, par son mariage avec Isabelle, prépara la réunion définitive des couronnes d'Aragon et de Castille (1474). § III. — Castille et Léon. Les royaumes de Léon et de Castille, réunis par Ferdinand Ier en 1037 et divisés après sa mort, se trouvèrent réunis de nouveau sous le sceptre d'Alphonse VI (1073). Ce grand monarque, marchant sur les traces de son père, et secondé par la valeur du Cid, plaça la Castille au premier rang des Etats chrétiens d'Espagne, tant par l'étendue de ses domaines héréditaires que par ses conquêtes sur les Maures. Sa plus importante acquisition fut sans contredit celle de Tolède, qu'il enleva aux Infidèles, avec le secours de Mohammed II Ben-Abad, roi musulman de Séville, de Cordoue et de Malaga (1085). Cette riche cité devint alors la capitale de la Castille, et le siège d'une cour brillante. Invasion des Almoravides, 1086. — La division s'étant mise entre Alphonse VI et Ben-Abad, celui-ci appelle à son secours les Almoravides d'Afrique, sectaires fanatiques et guerriers qui reconnaissaient pour' khalife Yousef-ben-Taschfyn, fondateur de la ville et de l'empire de Maroc (1069). Dans le même temps, les ulémas et les imans de Cordoue proclament la Gacie ou guerre sainte contre les Chrétiens. Le roi de Castille, de son côté, fait un appel à tous les guerriers espagnols et aux seigneurs français. Alphonse perd une grande bataille à Zélaka ; mais la retraite inopinée de Yousef sauve l'Espagne chrétienne. 1090-1108. — Les Almoravides reparaissent en Espagne, et, n'ayant pu s'emparer de Tolède, ils tournent leurs armes contre les Musulmans. Yousef détrône Ben-Abad, vainement soutenu par son gendre Alphonse VI, et met fin au puissant royaume de Séville (1091). Les États indépendants d'Almérie, de Cordoue, de Grenade, de Murcie et de Valence, tombent en son pouvoir, pendant que son général Schyr-ben-Abou-Bekre lui soumet Lisbonne et la plus grande partie de la Lusitanie. Deux héros soutiennent l'honneur des armes castillanes : Henri de Bourgogne enlève aux Musulmans le comté de Portugal, et le Cid se console par la prise de Valence, d'une disgrâce non méritée (1094). Cette dernière conquête, moins heureuse que celle de Porto, retombe bientôt au pouvoir des Almoravides, et les îles Baléares subissent le même sort. Alphonse lève, une nombreuse armée contre les Africains ; mais un grand revers doit terminer son glorieux règne. Les Chrétiens sont battus en 1108, à Uclès, où périssent le fils d'Alphonse VI et son gendre Raymond de Bourgogne. Les Almoravides restent maîtres de toute l'Espagne musulmane. MAISON DE BOURGOGNE, 1126-1504. — Avant que d'épouser Alphonse Ier d'Aragon, l'infante Urraque avait eu de Raymond un fils qui commence une dynastie nouvelle sous le nom d'Alphonse VIII. Sous le règne de ce prince, les Musulmans de l'Algarve et de l'Andalousie se révoltent contre la domination oppressive des Almoravides, pendant que de nouveaux sectaires la détruisaient en Afrique (1145). Invasion des Almohades, 1146, etc. — Les Almohades ou Unitaires reconnaissaient pour fondateur de leur secte Mohammed-al-Mahadi. Leur second khalife, Abd-el-Moumen, s'empare de Maroc en 1147, et élève une nouvelle puissance sur les ruines des Almoravides. Comme les autres dominateurs de l'Afrique mauritanienne, il exige l'obéissance des Maures d'Espagne et envoie ses généraux pour les soumettre. Les derniers Almoravides, assaillis par les Maures èspagnols et par les Almohades, abandonnent la Péninsule, et leurs débris sont recueillis dans les îles Baléares par le wali de Cordoue, Ben-Ghariia. Abd-el-Moumen reste maître d'une grande partie de l'Espagne musulmane, et fait bâtir la ville de Gibraltar pour s'assurer le libre passage du détroit. Les rois chrétiens, voulant opposer au fanatisme des Almohades l'exaltation chevaleresque des guerriers chrétiens, instituent les ordres religieux et militaires d'Alcantara, de Calatrava, de Saint-Jacques et d'Avis y qui devaient rendre des services signalés à la cause commune. 1170-1198. — La division des royaumes de Castille et de Léon à la mort d'Alphonse VIII (1157), et les querelles des puissantes maisons de Lara et de Castro, ayant affaibli les Chrétiens, les Almohades passent dé nouveau la mer sous les ordres de leur miramolin Yousef, et font la conquête de l'Espagne orientale (1172). Dans une seconde expédition, Yousef dirige toutes ses forces contre le Portugal, et périt à la sanglante bataille de Santarem, qui est également funeste aux deux partis (1184). Son fils Yacoub venge sa mort par la victoire d'Alarcos (1195), à la suite de laquelle il va assiéger Tolède, et s'avance jusque dans les montagnes des Asturies. Bataille de Tolosa, 1212. — Sous le règne d'Alphonse IX, l'invasion plus formidable encore de Mohammed-el-Naser jette l'alarme dans la chrétienté. Innocent III publie une croisade contre les Infidèles, et les troubadours appellent les chevaliers chrétiens sous la bannière sainte. L'armée du miramolin est taillée en pièces dans une grande bataille livrée près des Navas de Tolosa, où combattent avec une même bravoure les rois de Castille, d'Aragon et de Navarre. Les Chrétiens s'emparent de quelques villes pour tout fruit d'une victoire qui venait de frapper de mort la puissance des Almohades. Mais les Maures vont bientôt s'insurger de toutes parts contre les walis du roi de Maroc. Règne de saint Ferdinand, 1217-1252. — Héritier des couronnes de Léon et de Castille, ce grand monarque les réunit, en 1230, pour n'être plus séparées. Son règne, mémorable par cet événement, l'est surtout par le souvenir de ses vertus et par ses utiles conquêtes sur les Musulmans divisés. Chute des Almohades, 1238-1269. —Deux insurrections éclatent presque en même temps contre les Africains, l'une dans les Alpujarras, l'autre à Valence. Les rois d'Aragon et de Castille profitent des discordes de leurs ennemis, et se déclarent contre le brave Ben-Houd, qui avait entrepris de relever l'islamisme en Espagne sous l'autorité des khalifes de Bagdad. Jayme Ier se fait céder, par Abou-Saïd détrôné, ses droits sur Valence ; Ferdinand III stipule avec le roi de Maroc, son allié, la liberté de culte pour les Chrétiens d'Afrique, et la cession des places à sa convenance. Il s'empare ensuite de Cordoue (1286) ; et pendant que le roi d'Aragon se rend maître de Valence et de Dénia, Ferdinand réunit à ses États le royaume de Murcie et la ville de Jean (1245). La mort récente de Ben-Houd avait dissipé les espérances des Musulmans indigènes ; il ne leur restait plus qu'un chef indépendant, Mohammed-ben-Ahmar, chef de la dynastie des Nasérides, qui venait de fonder le florissant royaume de Grenade, ce dernier asile de l'islamisme en Espagne (1238). Mohammed, forcé de se joindre aux Castillans pour combattre les Almohades, aide Ferdinand III à se rendre maître de Séville et de Cadix (1248) ; et, après la mort de ce monarque, il seconde son fils Alphonse X dans la conquête de l'Algarve. Alphonse X, 1352-1284. — Ce prince, surnommé le Sage ou plutôt le Savant, commence avec éclat un règne d'ailleurs rempli de troubles et de factions aristocratiques. La prise de Xérès, et surtout celle de Niebla en t257, entraînent la soumission de l'Algarve, et, la même année, Alphonse ajoute à ses titres, sinon à sa puissance, la dignité impériale que lui conteste Richard d'Angleterre. La conquête de l'Algarve anéantit en Espagne la domination almohade, qui allait faire place, en Afrique, à la dynastie des Mérinides déjà maîtres de la plus grande partie du Maghreb, et bientôt après de la ville de Maroc (1269). Invasion des Mérinides, 1267-1344. — Les Musulmans de Murcie et de quelques autres provinces s'étant révoltés sous la protection du roi de Grenade et des Mérinides d'Afrique, les Castillans sont chassés, et ensuite rétablis. L'invasion du roi de Fez, Abou-Jousouf-Yacoub, en 1275, semblait annoncer à l'Espagne de nouveaux dominateurs ; mais le courage de l'infant Sanche le Brave la sauva du danger. 1276. — Sauveur de sa patrie, Sanche aspire à la succession royale que le droit de représentation réservait aux enfants de son frère aîné, Ferdinand de Lacerda, et les cortès de Ségovie se prononcent en sa faveur. La protection due aux jeunes infants par leur oncle maternel Philippe le Hardi fait naître, entre les couronnes de France et de Castille, des démêlés qui restèrent sans résultat. L'ambition impatiente de Sanche remplit de chagrins la vieillesse d'Alfonse, prince plus habile à rédiger des lois qu'à les faire respecter. 1284-1344. — Depuis la mort d'Alfonse X jusqu'à la prise d'Algésiras en 1344, il s'écoula soixante ans qui furent la dernière période de guerre entre les Chrétiens d'Europe et les Musulmans d'Afrique. Sanche IV enleva Tarifa au miramolin Yousouf, et par cette importante conquête il détourna pour longtemps les Mérinides de toute tentative d'invasion. Mais les factions des Lacerda, des Haro, des Lara, qui troublèrent les minorités de ses deux fils, Ferdinand IV et Alfonse XI, ayant affaibli la monarchie castillane, les Maures de Grenade s'allièrent aux Mérinides de Maroc dans l'espoir de rétablir dans la Péninsule la prépondérance des Musulmans. Le miramolin Aboul-Haçan et le roi de Grenade Aboul-Hedjadj vinrent mettre le siège devant Tarifa, qui résista à leur artillerie et donna le temps aux rois de Castille et de Portugal d arriver au secours de la place. La victoire des Chrétiens sur les bords du Salade, en 1340, fut suivie, quatre ans après, de la prise d'Algésiras, et dès ce moment l'Afrique ne se trouva plus en guerre avec la Péninsule que pour sa propre défense. L'Espagne cesse d'inspirer de l'intérêt dès qu'elle n'est plus menacée par les Infidèles ; avec ses dangers finit sa gloire, et le peuple perd ses libertés à mesure que s'affermit l indépendance nationale. Toute l'énergie espagnole s épuise dans des divisions intestines de royaume à royaume et de famille à famille. C'est en vain qu'Alfonse XI détruit une cause de dissensions en cédant aux Lacerda les Canaries, récemment découvertes. Les violences de Pierre le Cruel soulevèrent de nouvelles haines dans la maison royale, et Henri de Transtamarre, avec le secours des Français et du connétable Du Guesclin, venge, par la mort de ce tyran, la mort de dix victimes royales. BRANCHE BÂTARDE, 1368. — Henri II de Transtamarre s'étant emparé du trône d'où l'excluait la tache de sa naissance, toutes les maisons royales d'Espagne réclament pour elles-mêmes la légitimité delà succession de Castille. Ces prétentions diverses, soutenues parles armes, compliquent encore l'état anarchique du royaume. Viennent ensuite les longues minorités, la tyrannie du connétable Alvarez de Luna sous Jean II, et les factions provoquées par la faiblesse de Henri IV, jusqu'à ce qu'enfin une femme rende la paix à la nation, et que, par le mariage d'Isabelle de Castille avec Ferdinand d'Aragon (1469), une ère nouvelle commence pour l'Espagne. § IV. — Portugal. L'établissement du royaume de Portugal fut un résultat immédiat de la guerre contre les Maures. Comme tant d'autres États, il naquit de la conquête, mais d'une conquête dont la force ne faisait pas l'unique droit. Pendant que les chevaliers normands fondaient un royaume en Italie aux dépens des Sarrasins, un prince français combattait les Musulmans d'Espagne et se créait un apanage avec son épée. Comté de Portugal, 1094-1139. — Henri de Bourgogne, arrière-petit-fils du roi Robert de France, était accouru, avec d'autres chevaliers, sous les drapeaux d'Alfonse VI de Castille. Son courage, déjà éprouvé à la prise de Tolède, se signala par de nouveaux exploits contre les Maures du Duero, dans cette partie de la Galice qui portait dès longtemps le nom de Portugal, dérivé de Porto-Calé. Le roi de Castille donna à l'illustre étranger ta main de Dona Thérèse, sa fille naturelle, et lui abandonna les terres qu'il pourrait conquérir. Dix-sept batailles livrées aux Sarrasins rendirent Henri maître des pays situés entre le Duero et le Minho. Après sa mort, Dona Thérèse affermit et agrandit l'héritage de son fils Alfonse, et ce prince acheva ce que son père avait commencé. Royaume de Portugal, 1139. — Alfonse Henriquez, surnommé el Conquistador, s'étant fait proclamer roi avant la bataille d'Ourique, remporte une victoire complète sur cinq princes maures. Les cortès de Portugal, assemblées à Lamégo en 1143, sanctionnent l'élection militaire d'Alfonse, et décrètent la loi fondamentale du nouveau royaume, laquelle n'avait pour objet que de régler le mode de la succession royale et de retenir la couronne dans une famille nationale. La soumission du Beira et de l'Estramadure avait été la suite de la bataille d'Ourique. Lisbonne succomba, quelques années plus tard, après l'arrivée d'une flotte anglaise, qui apportait au Conquistador le secours d'une armée de croisés (1147). Alfonse choisit cette ville pour capitale du royaume. Ce grand prince touchait au terme de sa longue vie, lorsque l'invasion du miramolin Yousef, en 1184, menaça l'existence du Portugal. Mais la victoire de Santarem affermit l'ouvrage de la journée d'Ourique. Dans le siècle suivant, Sanche Ier ajouta la province d'Alentéjo aux conquêtes de son père (1203), et sous les règnes de Sanche II et d'Alfonse III, la soumission des Algarves donna au Portugal les limites qu'il conserve encore. Ces limites étaient le royaume de Castille et l'Océan. Aussi, depuis qu'il les eut atteintes, le Portugal cessa-t-il de s'agrandir. Dans ses relations hostiles avec les Castillans, tout ce que la nation portugaise pouvait espérer, c'était le maintien de son indépendance et de ses frontières : elle y réussit par la victoire d'Aljubarotta, qui plaça sur le trône la branche bâtarde d'Avis, dans la personne de Jean le Grand (1385). Si le voisinage d'un État plus puissant arrêta le Portugal dans ses étroites bornes, la mer ouvrit un vaste champ à l'audace de ses navigateurs et aux entreprises de ses guerriers. Jean Ier et ses successeurs, poursuivant les Musulmans jusque sur leurs propres rivages, firent trembler plus d'une fois les souverains de Maroc, et, par la conquête de plusieurs ports importants sur la côte d'Afrique, donnèrent un plus libre essor à ces découvertes maritimes qui préparaient la grandeur de la monarchie portugaise. |