PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU MOYEN ÂGE

SECONDE PARTIE. — DEPUIS LA PREMIÈRE CROISADE JUSQU'À LA PRISE DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURCS OTTOMANS, 1095-1453

 

CHAPITRE SIXIÈME.

 

 

De la France et de l'Angleterre, depuis la mort de saint Louis et de Henri III jusqu'à l'avènement des Valois. — Seconde période de rivalité.

 

§ I. — Agrandissement des deux États avant leur rupture, 1270-1293.

 

PHILIPPE LE HARDI et ÉDOUARD Ier, montés presque en même temps sur les trônes de France et d'Angleterre (1270 et 1272), devaient observer la paix que saint Louis avait rétablie entre les deux pays. Au lieu de se disputer des provinces contestées, ils s'appliquèrent à étendre leurs domaines sans attenter à leurs droits respectifs ; Édouard 1er y réussit par les armes ; Philippe III et son fils Philippe IV y parvinrent plus sûrement par des héritages et des traités.

 

France. — La mortalité de la dernière croisade venait d'ouvrir au profit de la couronne de riches et nombreuses successions. Jean Tristan lui avait laissé le Valois et les Terres d'Auvergne ; le comté de Poitiers lui était dévolu par la mort d'Alphonse, et Jeanne de Toulouse, sa veuve d'un jour, n'ayant pas eu de postérité, le comté des Raymond revenait au domaine royal par la teneur du traité de Meaux. Le Comtat Venaissin, qui faisait partie de cet héritage, en fut encore une fois distrait en faveur du Saint-Siège. Enfin la contagion qui termina les jours de Thibaut II, au retour de l'expédition de Tunis, fit naître des circonstances dont la suite fut la réunion à la couronne de la Champagne et de la Navarre. Par l'acquisition de ce royaume et du comté de Toulouse, nos rois se trouvèrent tout à coup puissants au midi de la France, et leurs nouvelles possessions les mirent en contact avec la Castille, et surtout avec l'Aragon et la Provence, dont les souverains devaient bientôt s'engager dans une lutte compliquée à laquelle participèrent la plupart des puissances méridionales de l'Europe. Aussi toute la politique extérieure du règne de Philippe le Hardi et des premières années de Philippe le Bel se compose de guerres, d'alliances et de négociations relatives aux trois royaumes chrétiens d'Espagne.

Affaires de Navarre, 1274-1284. — Henri le Gras, fils de Thibaut II (V), n'ayant laissé qu'une fille âgée de trois ans, Philippe prend cette princesse sous sa protection, et fait occuper la Navarre par ses troupes sous le commandement de Robert d'Artois (1276). Les partis qui voulaient marier la jeune reine à un prince castillan ou aragonais, sont réduits à l'impuissance, et le roi de France destine la main de Jeanne à son fils Philippe-le Bel. Cette union s'accomplit en 1284, et, par l'avènement de Philippe au trône l'année suivante, le royaume de Navarre se trouva annexé à la couronne de France aussi bien que le comté de Champagne, qui ne devait plus en être détaché.

Affaires de Castille, 1276-1288. — Pendant que Robert d'Artois prenait possession de la Navarre, Philippe le Hardi réclamait auprès du roi de Castille Alphonse X, en faveur des infants de Lacerda, que les cortès de Ségovie venaient d'exclure de la couronne au mépris du droit de représentation. La guerre éclate entre l'oncle maternel de ces jeunes princes et leur aïeul paternel. Mais l'armée française arrête sa marche à Salvatierra, et Robert d'Artois signe une trève avec le roi de Castille. Les Lacerda sont soustraits par leur mère Blanche de France à la surveillance de leur oncle Sanche, et trouvent un asile en Aragon. La cour de France ne cessa de réclamer pour eux ; mais l'éloignement des lieux et des intérêts plus pressants laissèrent languir cette intervention. Philippe le Bel abandonna la cause de ses cousins lorsque, en 1288, il s'allia avec Sanche IV contre le roi d'Aragon.

Affaires d'Aragon, 1282-1295. — Les Vêpres Siciliennes avaient troublé la paix de l'Italie, de l'Espagne et de la France. Une querelle qui semblait devoir se vider dans un coin de l'Europe devint une guerre générale dans le Midi. Philippe crut qu'il était de son honneur d'accorder son appui à la branche capétienne qui régnait à Naples, et le pape l'intéressa de plus près à la cause de la maison d'Anjou en offrant la couronne d'Aragon à Charles de Valois, son second fils (1283). Jayme d'Aragon, roi dé Majorque, se joignit aux ennemis de sa famille, et reçut les troupes de Philippe dans son comté de Roussillon. Mais tous lès succès des armes françaises se bornèrent à la prise de Gironne, et Roger de Loria battit trois fois les flottés combinées de Naples et de France sur la côte de Catalogne. Les hostilités furent suspendues en 12 S5, par la mort du pape et des quatre rois de France, de Naples, de Castille et d'Aragon.

1285. — PHILIPPE LE BEL, ayant succédé à son père, se trouva intéressé malgré lui da11s une guerre qu'il ne poursuivit jamais avec vigueur, et dont il laissa tous les risques au roi de Majorque. Cependant les provocations de la flotte aragonaise le décidèrent à faire des levées en Navarre et en Languedoc, et à signer un traité d'alliance offensive avec le roi de Castille (1288). Mais la médiation d'Edouard 1er ayant fait fendre la liberté au nouveau roi de Naples, Charles II, il s'ensuivit bientôt deux traités (1291 et 1295) par lesquels Alphonse III, et ensuite Jayme Ier d'Aragon, renoncèrent à la Sicile, Charles de Valois à l'Aragon, et Charles II de Naples au duché d'Anjou, qui fut donné au comte de Valois.

 

Angleterre. — ÉDOUARD Ier avait rapporté de la croisade des idées de conquête qu'il se hâta de tourner vers des entreprises plus utiles à son royaume que la délivrance de Jérusalem. Les Gallois et les Écossais avaient su défendre leur indépendance contre les Saxons et les Normands -, Édouard résolut de les soumettre.

Réunion du pays de Galles, 1283. —Les Anglais envahissent les terres des Gallois et forcent leur prince Léolyn à se reconnaître vassal du roi d'Angleterre (1277). Mais cette soumission est bientôt rétractée. Édouard reprend les armes et bat les montagnards de la Cambrie à la bataille de Snowdon, où périt le malheureux Léolyn dont la tête fut promenée en triomphe dans Londres (1282). Son frère David essaie de défendre la liberté galloise, mais il tombe au pouvoir du roi d'Angleterre, qui le condamne à un horrible supplice (1283). Edouard, pour assurer sa conquête, fait massacrer les bardes dont les chants patriotiques entretenaient dans les cœurs l'amour de l'indépendance. Alors, comme le disait un de ces poètes guerriers, les Gallois eurent tout perdue excepté leur nom, leur langage et leur Dieu.

Affaires d'Ecosse, 1286-1292. — La mort du roi Alexandre III, en 1286, et celle de sa petite-fille Marguerite, la Vierge de Norvège, en 1291, offrent à Edouard une occasion favorable de s'ingérer dans les affaires de ce royaume. La couronne y était briguée par douze prétendants, entre autres par Jean Baillol et Robert Bruce, qui descendaient du roi David Ier par les femmes. Le roi d'Angleterre, pris pour arbitre, se fait d'abord reconnaître, au parlement de Norham, pour seigneur suzerain dé l'Ecosse, et prononce ensuite en faveur de Baillol, qui lui rend hommage de sa couronne (1292). Mais l'ambitieux Edouard ayant voulu soumettre son vassal à une obéissance servile, Baillol en appela au courage de la nation, et une guerre sanglante éclata entre les deux royaumes.

 

§ II. — Guerre entre la France. et l'Angleterre. Affaires d'Écosse et de Flandre, 1293-1307.

 

La paix que saint Louis avait rétablie entre les deux couronnes par son désintéressement fut entretenue avec soin par Édouard Ier. Elle durait depuis trente-cinq ans, lorsqu'une circonstance imprévue amena une rupture que Philippe le Bel désirait et provoquait depuis longtemps, dans l'espoir d'y gagner le duché de Guienne.

1292. — Une rixe de deux matelots, l'un anglais, l'autre normand, donne lieu à des hostilités privées entre les navires des deux nations. Les pertes éprouvées par les Normands et le pillage de La Rochelle irritent le roi de France, qui fait deux fois citer Édouard devant la cour des pairs (1293). Sur son refus de comparaître en personne, la cour prononce la confiscation de la Guienne, et le connétable de Nesle reçoit l'ordre de se saisir des places fortes de ce duché. Le roi d'Angleterre déclare la guerre à la France, et s'allie contre elle avec l'empereur Adolphe de Nassau, qui réclamait le royaume d'Arles, et plus tard avec le comte de Flandre, Gui de Dampierre, dont Philippe retenait la fille en otage (1297). Le duc de Brabant et le comte de Savoie entrent dans cette ligue. Le roi de France, de son côté, se donne pour auxiliaire le roi d'Écosse (1295).

1294-1296. — Avant que le comte Gui eût abjuré la suzeraineté de la France, les hostilités avaient eu la Guienne pour théâtre. Le comte de Richemont ne put longtemps tenir la campagne contre Charles de Valois et Robert d'Artois. La levée de boucliers du comte de Flandre obligea Philippe de tourner ses principales forces contre ce vassal, et le comte d'Artois battit les Flamands à Furnes (1297). Cette victoire fut suivie d'une suspension d'armes de deux ans entre les parties belligérantes.

Bataille de Falkirk, 1298. — Edouard profita de la trêve pour aller combattre les Ecossais, déjà vaincus à la bataille de Dumbar, où le roi Baillol avait été fait prisonnier (1297). Une insurrection générale venait d'éclater dans le High-Land, et Wallace, proclamé régent, avait, chassé les Anglais du royaume. Édouard remporta sur les Écossais la victoire de Falkirk (1298). Maître de l'Ecosse pour la seconde fois, il y exerça une domination tyrannique souvent inquiétée par les incursions des montagnards sous les ordres de Wallace.

Pendant ce temps, Charles de Valois reconquérait la Flandre, et le comte Gui, captif au Louvre, partageait, le destin du roi Baillol. Une même oppression accablait les Flamands et les Écossais ; et les deux rois, ennemis ou alliés des vaincus, jouaient tout à la fois les rôles de tyrans et de libérateurs. Dans les deux pays l'abus de la force fit éclater une révolte formidable en 1302.

Bataille de Courtray, 1302. — Les corporations des métiers, humiliées et rançonnées par Jacques de Châtillon, gouverneur de la Flandre, se révoltent sous Pierre Kœnig, consul des tisserands, et massacrent les Français à Bruges. Les fils de Gui se mettent à la tête de l'insurrection, et remportent sur Robert d'Artois la victoire de Courtray, si désastreuse pour la France.

Paix entre la France et l'Angleterre, 1303. — Ce grand revers décide le roi de France à faire la paix avec le roi d'Angleterre, qui, de son côté, venait de perdre trois armées en Écosse. En vertu du traité signé à Paris, la Guienne est restituée aux Anglais, et Isabelle, fille de Philippe, épouse l'héritier de la couronne d'Angleterre. Les deux rois, par cette paix honteuse, se livrent réciproquement leurs alliés.

Bataille de Mons-en-Puelle, 1304. — Philippe le Bel, après une première campagne sans résultat, bat les Flamands, commandés par trois fils du comte Gui, pendant que les Génois, au service dé France, détruisent une flotte ennemie à Zerikzée. Mais ces victoires ne sont suivies d'aucun avantage, et, quelques jours après, soixante mille Flamands viennent demander au roi la bataille ou une paix honorable.

Paix avec les Flamands, 1305. — Philippe consent à déposer les armes, et reconnaît l'indépendance du comté de Flandre, qui est donné à Robert de Béthune, fils aîné de Gui de Dampierre. Les communes flamandes promettent de payer au roi une contribution de guerre, et donnent en gage la Flandre française.

Délivrance de l'Écosse, 1302-1307. — Deux expéditions, dirigées par Édouard en personne, n'avaient pu réduire les Écossais, lorsque la trahison lui livre le brave Wallace, qui va subir à Londres le sort du dernier prince de Galles (1305). Cette horrible exécution ne fait qu'exaspérer les Écossais. Les chefs de clan décernent la couronne à Robert Bruce, fils du prétendant de ce nom (1306), et le nouveau roi justifie la confiance de la nation, en l'affranchissant du joug étranger. Édouard furieux se préparait à de cruelles vengeances, lorsque la mort vint le surprendre à Carlisle, sur la frontière d'Écosse (1307).

Résultats de ces guerres. — Quatorze ans d'hostilités presque continues dans trois contrées différentes ne changèrent rien à l'ordre politique de l'Europe occidentale. L'Ecosse ne cessa pas d'être un royaume indépendant ; le roi d'Angleterre conserva la Guienne ; les Flamands restèrent libres, industrieux et opulents. Il ne résulta de cette guerre que des amitiés politiques ou des haines nationales entre les peuples qui y prirent une part nécessaire. L'Ecosse se dévoua à la France, dont les Flamands redoutaient la protection, et l'Angleterre acquit des alliés fidèles qui devaient un jour seconder ses entreprises sur ce dernier royaume.

Philippe et Édouard épuisèrent dans les frais de la guerre toutes leurs ressources légitimes, et furent forces de recourir à des expédients oppressifs ou même criminels. Édouard dépouilla les marchands anglais ; Philippe ruina les Juifs et les Lombards, altéra les monnaies par des fraudes scandaleuses, et ne respecta pas les immunités du clergé. Les mêmes besoins menant au même résultat, les deux rois s'adressèrent directement au peuple pour en obtenir des Secours. Edouard admit les représentais des communes au parlement, en 1295 ; Philippe appela les députés du tiers-état à l'assemblée des barons, en 1302.

 

§ III. — Différend de Philippe le Bel avec Boniface VIII. Translation du Saint-Siège à Avignon. Abolition des Templiers, 1295-1314.

 

Des offenses réciproques et des intérêts contraires firent naître- de vives altercations entre le souverain pontife et le roi de France. Boniface VIII, aussi jaloux des privilèges de la tiare que Grégoire VII et Innocent III, avait institué un siège épiscopal à Pamiers saris la participation du roi (1295). Philippe avait levé des décimes sur le clergé sans la permission du pape, et il se déclara le protecteur des Colonnes, que le pontife venait d'excommunier et de bannir de Rome. Boniface publia la bulle Clericis laicos pour défendre aux clercs de payer aucune aide aux princes séculiers (1298) ; et Philippe défendit l'exportation du numéraire, afin de frustrer la cour de Rome des revenus qu'elle tirait du royaume. Enfin certains droits féodaux disputés par la couronne aux églises de Narbonne et de Maguelone furent une autre source de querelles entre le roi et le souverain pontife.

1301-1303. — Le nouvel évêque de Pamiers, Bernard Saisset, est envoyé à Paris en qualité de légat, pour terminer ces diverses contestations. La présence du prélat intrus ayant irrité Philippe, ce prince le fait arrêter, après sa mission, sous divers prétextes, et refuse de le relâcher. C'est alors que Boniface VIII fulmine la bulle Ausculta, Fili, que le roi de France fait brûler publiquement, et qui donne lieu à la première réunion des trois États du royaume (1305). Cette assemblée proteste vivement contre la supériorité que le saint Siège semblait affecter dans cet acte sur la couronne de France. Dans une autre réunion de barons et d'évêques, Philippe appelle au futur concile de l'anathème lancé contre lui, et son procureur, Guillaume de Nogaret, accusant le pape d'hérésie et de simonie, conclut à son, emprisonnement. Ce magistrat se met en devoir d'exécuter la sentence qu'il venait de dicter, et, secondé par Sciarra Colonna, il va arrêter Boniface VIII dans la ville d'Anagni. Le pontife est délivré par le peuple des mains des Français, et se réfugie à Rome, où il meurt bientôt prisonnier d'une faction (1303). Son successeur Benoît XI ne règne pas assez longtemps pour achever, entre le siège pontifical et la couronne de France, une parfaite réconciliation.

1305. — Le conclave de Pérouse, longtemps divisé pour le choix d'un nouveau pape, élut enfin l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Goth (Clément V), par l'influence du parti français. Mais Philippe le Bel avait eu soin de s'assurer d'avance des dispositions de ce prélat, à l'entrevue de Saint-Jean-d'Angély, et d'en obtenir d'importantes promesses, entre autres sa résidence à Avignon, la condamnation de la mémoire de Boniface et l'abolition des Templiers.

Saint-Siège à Avignon, 1309. — Clément V se décida sans peine à fixer en-deçà des monts le siège de la puissance pontificale. Sans quitter sa patrie, il restait dans ses états du Rhône, et ne s'exposait pas aux affronts ou même aux dangers que Rome républicaine prodiguait depuis longtemps à ses pontifes. Six papes, tous français, imitèrent l'exemple de Clément V, et leur autorité spirituelle ne reçut aucune atteinte de leur absence de Rome. Mais cette captivité de Babylone, comme l'ont appelée les Italiens, préparait cependant un schisme dans l'église. Il éclata après la mort de Grégoire XI, qui, en 1377, rendit à Rome son ancienne et légitime suprématie.

Concile de Vienne, 1312. — Suivant le vœu de la cour de France, Clément V avait assemblé à Vienne en Dauphiné un concile œcuménique. Il y releva Philippe des censures qu'il avait pu encourir ; Boniface VIII fut absous d'hérésie, et, sans prendre l'avis de l'assemblée, le pape prononça la suppression de l'ordre du Temple, dont les biens immenses furent adjugés aux Hospitaliers.

Abolition des Templiers, 1307-1314. — Déjà Philippe avait fait arrêter le grand-maître Jacques de Molay et les autres Templiers français, dont les richesses tentaient son avidité. Des accusateurs subornés imputèrent à l'Ordre des vices et des impiétés dont quelques membres avaient pu se rendre coupables, et la torture arracha des aveux dont abusèrent des juges serviles. Plusieurs chevaliers furent brûlés à Paris en 1310, et lorsque le pape eut déclaré l'Ordre aboli, le grand-maître et les principaux dignitaires subirent à leur tour le supplice du feu (1314). Philippe, déjà couvert du sang des hérétiques, remplit par des exécutions les derniers moments de son odieuse tyrannie.

 

§ IV. — Règne d'Edouard II et des fils de Philippe le Bel, 1314-1328.

 

EDOUARD II, 1307-1327. — Ce prince, incapable de gouverner l'État et de se conduire lui-même, s'abandonne aux complices de ses honteuses débauches ; Gaveston et le jeune Spencer le dominent et le rendent odieux à ses sujets. La noblesse anglaise, irritée du crédit de Gaveston, oblige le roi à l'éloigner et à livrer toute l'administration du royaume à une commission du parlement (1310). Le rappel du favori occasionne, en 1312, une seconde révolte, qui se termine par son supplice.

Guerre d'Ecosse. — Edouard, réconcilié avec ses barons, reprend les desseins de son père contre ce pays ; mais la défaite des Anglais à Bannock-Burn assure l'indépendance à la nation écossaise et le trône à Robert Bruce (1314). Quelque temps après, la bataille de Blackmor, que le roi d'Angleterre perdit en personne, amena une trève signée en 1323. Les années suivantes réservaient à Édouard plus de honte et plus de malheurs.

France, 1314-1328. — Louis X, le Hutin, réunit à la couronne de France celle de Navarre, qui appartenait à sa mère, et que doivent porter ses deux successeurs. Le même esprit d'opposition qui animait la noblesse anglaise se manifeste parmi les barons français, qui réclament leurs anciens privilèges. Pour satisfaire à toutes les plaintes, Louis rend les droits régaliens et autres aux seigneurs de la Langue d'Oïl, et accroît les libertés générales dans les provinces de la Langue d'Oc. D'autres concessions, telles que l'affranchissement de tous les serfs 'de la couronne, sont nécessitées par l'épuisement des finances. Louis y ajoute le rappel des Juifs exilés, la spoliation des marchands lombards et le supplice du surintendant Marigny. Les ressources que ces mesures lui procurent vont se perdre dans une expédition en Flandre, d'où il revient sans avoir combattu.

PHILIPPE V, dit le Long, 1316-1322. — Louis X laissait une fille, nommée Jeanne, et sa veuve enceinte. Philippe, son frère, prend d'abord le titre de gouverneur du royaume. Aussitôt après la mort du roi nouveau-né, il se fait couronner à huis clos, et convoque les trois États, qui, par une interprétation forcée de la loi salique, déclarent les femmes exclues de la couronne de France. Eudes IV, duc de Bourgogne, réclame d'abord en faveur de sa nièce Jeanne ; mais la main de la fille du roi avec la Franche-Comté pour dot le décide à renoncer aux droits héréditaires de la fille de Louis Une autre fille de Philippe V épouse, en 1320, l'héritier du comté de Flandre, Louis de Rethel, et la paix est rétablie entre le roi de France et les marchands de Bruges.

Philippe le Bel avait mis les supplices à la mode ; ses fils imitèrent cet exemple. Philippe le Long sévit avec une barbare et absurde rigueur contre les hérétiques, les sorciers, les Juifs et les lépreux. Ce même prince publia des ordonnances remarquables par leur sagesse. Elles contenaient des règlements de justice, d'administration et de finances. La plus importante fut celle qui déclarait inaliénable le domaine de la couronne.

CHARLES IV, le Bel, 1322-1328. — La loi que Philippe V avait invoquée contre sa nièce est appliquée à ses filles, et son frère Charles IV prend la couronne sans opposition. A peine sur le trône, il se porte pour médiateur entre les Flamands et leur comte prisonnier à Bruges. Louis de Rethel recouvre la liberté en jurant de respecter les franchises des villes et des corporations.

Guerre avec l'Angleterre, 1324-1327. — Le roi, à l'instigation de la reine d'Angleterre, sa sœur, envoie une armée en Guienne sous les ordres de Charles de Valois, qui, pour dernier exploit d'une vie ambitieuse et aventurière, se rend maître de l'Agenois. Isabelle vient en France sous prétexte de négocier un accommodement, et, en réalité, pour faire des préparatifs de guerre contre Édouard, qui l'avait délaissée. Cette princesse descend en Angleterre et soulève la nation contre son mari, qu'elle fait déposer par un arrêt du parlement. Les deux Spencer sont condamnés au supplice, et Édouard lui-même périt d'une mort horrible (1327). Son fils et successeur Édouard III signe la paix avec Charles le Bel, qui meurt l'année suivante.

La mort de Charles le Bel mettait fin à la première branche des Capétiens. Elle transmettait à la branche des Valois un magnifique héritage acquis par les armes ou par la politique des successeurs directs de Hugues Capet. Celte succession comprenait le duché de France augmenté du Vexin, du Berry, du Vermandois, de la Normandie, de la Touraine, du comté de Blois, du Maçonnais, du Poitou, du Languedoc, du Lyonnais, de la Champagne, et de plusieurs autres fiefs enclavés dans les Etats des grands vassaux. Toutes ces réunions furent mises sous la sauvegarde d'une loi rendue sous Philippe VI, qui rendait le domaine royal inaliénable.