Etablissement de la monarchie capétienne, sous les règnes de Hugues, Robert, Henri Ier et Philippe Ier.HUGUES CAPET, 987. — Une heureuse usurpation devait réparer en France les suites funestes de toutes les autres ; elle avait enlevé le trône à une dynastie dégradée, pour l'asseoir sur une base nouvelle et impérissable. Dans cette mémorable révolution, tout se réduisit à deux événements, dit Montesquieu : la famille régnante changea, et la couronne fut unie à un grand fief. Mais cette union, en rompant l'équilibre féodal et en mettant hors de tutelle la royauté désormais héréditaire, prépara un nouvel ordre de choses. Hugues Capet avait commencé à reconstituer la monarchie ; il laissa à ses descendants le soin d'achever ce grand ouvrage, en livrant à la féodalité un long combat suivi de la victoire, et en recomposant la classe des hommes libres, qui avait été engloutie dans le naufrage de la royauté : par là le gouvernement politique fut peu à peu substitué au gouvernement féodal. 988. — Hugues Capet, voulant assurer la couronne à son fils Robert, se hâta de le faire sacrer à Orléans, et donna ainsi un exemple de prévoyance que ses premiers successeurs devaient imiter. Le clergé se prêtait aux intérêts d'un prince dont le premier acte connu fut une charte qui assurait ou rendait aux églises et aux monastères leurs biens et leurs immunités. 988-991. — Après un an d'hésitation, Charles de Lorraine entreprit de faire valoir les droits que lui donnait sa naissance, et que sa qualité de vassal de l'Empire n'avait pu lui faire perdre. Il mit dans ses intérêts son beau-père Herbert, comte de Troyes, Arnoul, comte de Flandre, Eudes, comte de Blois, et Guillaume Fier-à-Bras, duc d'Aquitaine. Un prêtre, nommé Arnoul, fils naturel du roi Lothaire, lui livra la ville de Laon, devenue importante par la résidence des derniers Carlovingiens. Ce même Arnoul, promu, en 989, à l'archevêché de Reims, par la protection de Hugues Capet, trahit son bienfaiteur, et ouvrit à son oncle les portes de cette ville. Là se bornèrent les succès du prétendant ? ' Ce que la trahison lui avait donné, la trahison le lui fit perdre. Les troupes de Hugues, introduites dans Laon par l'évêque Ascelin Adalbéron, s'emparèrent de la personne de Charles, pendant que Reims rentrait sous la puissance du roi, que la Flandre était envahie, et le duc d'Aquitaine tenu en échec au-delà de la Loire. Charles fut enfermé au château d'Orléans, où il mourut, laissant trois fils qui n'eurent pas de postérité mâle. Ceux des grands vassaux qui s'étaient déclarés pour le prétendant firent hommage au nouveau roi, que plusieurs seigneurs d'outre Loire s'obstinèrent toutefois à ne point reconnaître. 996. — Hugues mourut à Paris, qui depuis ce temps a toujours été la capitale du royaume. Le règne de ce prince n'avait offert de remarquable que le fait même de son usurpation. Il ne faut pas chercher plus d'intérêt dans les actes de ses deux premiers successeurs. Comme l exercice de la royauté était concentré dans les limites du duché de France, son histoire ressemble à celle de toutes les provinces. ROBERT, 996. — Robert succéda à son père sans opposition. Sa vie ne fut troublée que dans ses affections domestiques. Il avait épousé, contre les canons de l'Église, Berthe de Bourgogne, veuve du comte de Blois. Le pape Grégoire V l'obligea à répudier cette princesse, sous peine d'excommunication. Robert obéit à regret ; mais il ne tarda pas à demander la main de Constance de Toulouse, princesse frivole et méchante qui corrompit la cour, domina son faible époux, et fit allumer les premiers bûchers contre les hérétiques. 1002-1015. — Henri de France, frère de Hugues Capet, ayant succédé à son second frère Othon dans le duché de Bourgogne, avait réuni à ce fief le comté de Bourgogne, par son mariage avec Gerberge. Ce grand feudataire étant mort sans enfants, le droit de proximité et la loi féodale attribuaient son héritage au roi Robert, son neveu et son suzerain. Toutefois Otto-Guillaume, fils de Gerberge, éleva des prétentions sur le duché -, mais Robert en resta maître après six ans d'hostilités, et il le donna, en 1015, à son fils Henri, qui devait y renoncer après son avènement à la couronne. 1020. — Les querelles des vassaux pouvaient encore alors compromettre la monarchie. Dans une guerre qui éclata entre Eudes, comte de Blois, et Richard II, duc de Normandie, ce dernier, pressé par ses ennemis, appela à son secours les Northmans de la Scandinavie 5 mais la médiation de Robert rétablit la paix, et les étrangers se retirèrent. HENRI Ier, 1031. — Henri 1er, à peine sur le trône, trouva un concurrent dans son frère Robert, que leur mère Constance poussait à la révolte ; mais la victoire de Villeneuve-Saint-Georges rétablit Henri dans ses droits, et Robert obtint le duché de Bourgogne, que ses descendants possédèrent jusqu'en 1361. Un second frère du roi, Eudes, ayant imité l'exemple de Robert, fut vaincu, malgré ses puissants appuis, et renfermé dans la tour d'Orléans, en 1041. 1047-1054. — Le roi de France, reconnaissant des secours que lui avait donnés Robert le Diable, duc de Normandie, aida Guillaume, son fils naturel, à se mettre en possession du duché. Les vassaux qui refusaient de reconnaître le Bâtard furent réduits par le courage et l'énergie du jeune prince. La guerre s'étant rallumée, Henri épousa la cause des rebelles et se fit battre à Mortemer. Henri Ier avait épousé, en 1051, Anne de Russie, fille du grand-duc Iaroslaf ; alliance étrange, qui n'avait été précédée d'aucune relation avec celte cour lointaine, et qui établit une amitié passagère entre deux nations destinées à s'oublier encore pendant six siècles. De ce mariage naquirent deux fils, Philippe, qui succéda à son père, et Hugues, qui fut comte de Vermandois. PHILIPPE Ier, 1060-1108. — Dans le long règne de Philippe Ier il faut bien distinguer les actions personnelles du roi, qui furent presque toutes honteuses ou criminelles, et les entreprises de la chevalerie française, qui rendirent à la nation le lustre de gloire qu'elle avait perdu. Philippe resta étranger et même indifférent à tous les grands événements de son règne : à la conquête de l'Angleterre, que sa jeunesse ne lui permit ni d'empêcher ni de rendre profitable à sa puissance 5 à la conquête de l'Italie méridionale, qui fut l'ouvrage de quelques aventuriers normands ; à l'établissement du royaume de Portugal, qu'un prince de son sang fondait à son insu ; enfin à la Croisade qui mit toute l'Europe en mouvement, et fit éclater tant de beaux faits d'armes. Dans l'intérieur du royaume, Philippe prit part à quelques guerres sans utilité comme sans gloire. Dans sa vie privée, il se laissa entraîner à deux passions honteuses, l'incontinence et la cupidité, qui appelèrent sur lui les anathèmes de l'Église et le mépris de ses sujets. Guerre de Flandre, 1071. — Philippe avait eu pour tuteur, et le royaume pour régent, Baudouin V, comte de Flandre, qui trahit ses devoirs envers son pupille, en favorisant l'entreprise de Guillaume le Conquérant, son gendre, sur la couronne d'Angleterre. Après la mort de Baudouin V et de son fils aîné Baudouin VI, son second fils, Robert le Frison, dépouilla le jeune Arnoul III du comté, secondé par les Flamands, que révoltaient les tyrannies de la régente Richilde. Le roi de France crut devoir son appui à son vassal dépossédé, et alla combattre l'usurpateur. Une grande bataille s'engagea près de Cassel (1071). Le comte Arnoul y périt ; Philippe regagna ses États ; et Robert, vainqueur de Richilde dans une seconde bataille, resta maître delà Flandre. L'année suivante, le roi reçut l'hommage du vassal qui l'avait battu, et épousa Berthe de Hollande, belle-fille du Frison, née du premier mariage de sa femme Gertrude avec Florent Ier, comte de Hollande. Affaires de Normandie, 1075-1087. —Avant d'entreprendre la conquête de l'Angleterre, Guillaume le Bâtard, voulant se rendre la cour de France favorable, s'était engagé à céder la Normandie à son fils Robert. Mais celte promesse n'ayant pas eu son effet, Philippe Ier en conçut de justes inquiétudes, et sa politique fut dès, lors de susciter des ennemis à Guillaume. En 1075, il marcha au secours du duc de Bretagne Hoël V, dont le roi d'Angleterre menaçait les États, et il força les Normands à lever le siège de Dol. Dans les différentes tentatives que fit le jeune Robert pour se mettre en possession de la Normandie, Philippe se déclara, suivant les circonstances, pour le père ou pour le fils. Guillaume, irrité contre le roi de France, réclama le Vexin français, promis, disait-il, a son père, et se mit en devoir de s'en emparer. Mais la mort de ce redoutable ennemi arrêta la guerre à sa naissance (1087). Démêlés avec le saint Siège, 1074-1105. — Deux raisons des plus graves brouillèrent Philippe 1er avec l'Église, sa simonie et son divorce. Prodigue et débauché comme l'empereur Henri IV, son contemporain Philippe faisait trafic des choses saintes, vendant au plus offrant les évêchés et les bénéfices. Grégoire VII lui en fit, en 1074, de sévères réprimandes, et menaça de jeter l'interdit sur la France ; mais la querelle de ce pontife avec l'empereur détourna sa sévérité vers l'Allemagne. Sous le pontificat d'Urbain II, Philippe appela sur lui les anathèmes de l'Église par la répudiation de la reine Berthe et le rapt de Bertrade de Montfort, comtesse d'Anjou, qu'un mariage adultère plaça sur le trône de France. Le pape excommunia le roi aux conciles d'Autun et de Clermont. Le successeur d'Urbain, Paschal II, renouvela cet anathème. Mais après la mort de Berthe, il se montra plus indulgent, et Philippe Ier fut rétabli dans la communion de l'Église, d'abord par une décision conditionnelle du pape, et enfin par un concile tenu à Paris en 1105. 1099-1108. — Les dernières années de ce règne furent rempli es de désordres intérieurs. Plusieurs vassaux de la couronne, que la Croisade n'avait pas entraînés dans ses glorieuses aventures, ne cessèrent de troubler l'Ile-de-France. Mais le prince Louis que son père venait d'associer à la royauté, triompha de là turbulence des seigneurs rebelles et des intrigues de sa marâtre. |