Démembrement de l'empire carlovingien en états indépendants. — Origine des royaumes de France, d'Allemagne et d'Italie, de Lorraine, de Bourgogne, de Navarre, d'Aragon et de Castille.§ I. — Depuis l'avènement de Louis le Débonnaire jusqu'à la paix de Verdun, 814-843. DES symptômes de faiblesse et de division s'étaient manifestés dans l'Empire carlovingien du vivant même de son fondateur. Les éléments contraires qui avaient formé ce grand corps tendaient à se séparer, la force seule pouvait maintenir leur union. Mais cette force doit manquer, et des causes extérieures contribueront à développer le principe de dissolution qui, après avoir divisé les grandes masses, s'exercera en détail sur chacune des parties détachées de l'ensemble. Louis Ier, le Débonnaire, 814-840. — Ce prince entreprend de réformer à la fois la cour, l'administration, l'Église et les ordres monastiques. Mais trop faible pour soutenir ses bonnes intentions, il ne réussit qu'à exciter des haines dont il doit être victime. 817. Louis tient une diète à Aix-la-Chapelle, où il associe ses trois fils à l'administration de l'Empire. Il donne à Lothaire le titre d'empereur et l'expectative de l'Italie ; Pépin obtient l'Aquitaine, et Louis la Bavière. Les dispositions de cet acte présagent la guerre civile. Lésé dans ses droits ou dans ses prétentions, Bernard, roi d'Italie, prend les armes contre son oncle ; tuais la détection de son armée le livre à Louis, qui, commuant en vain la sentence capitale portée contre lui par l'assemblée nationale, le condamne à perdre la vue et l'abandonne à des bourreaux qui l'égorgent (818). Cet acte de cruauté ayant donné des remords à ce prince, il en fit une pénitence publique à Attigny. Révoltes des fils de Louis, 829-835. — L'empereur excite le mécontentement des fils qu'il avait eus d'Hermengarde, en donnant, à la diète de Worms, le royaume d'Alemannie au jeune Charles, né de sa seconde femme. Dans cette même assemblée, il indispose les grands en confiant la première dignité du palais au duc de Septimanie, Bernard, que la reine Judith honorait d'une faveur trop bienveillante. Une ligue formidable dirigée par un petit-fils de Charles-Martel, Wala, abbé de Corbie, et dont quatre conciles ne peuvent déjouer les desseins, entraîne dans la révolte les trois princes du premier lit. L'empereur, abandonné de l'armée, est détrône à Verberie, puis rétabli a Nimègue par l'adresse du moine Gondebaud et la fidélité des vassaux germaniques (830) ; mais la clémence de Louis ne désarme pas ses ennemis. Une seconde révolte éclate l'année suivante, et l'archevêque Agobard prend le soin de la justifier par -un insolent manifeste. Le pape Grégoire IV prête aux rebellés l'autorité de son nom et de sa présence. Louis marche contre ses fils réunis près de Colmar ; mais l'armée l'abandonne encore une fois au Champ-du-Mensonge. Le monarque prisonnier subit une solennelle dégradation a Saint-Médard de Soissons, après s'être confessé Coupable de crimes imaginaires et avoir supplié les évêques de le soumettre à une pénitence publique (833). Tant d'iniquités commises au nom du bien public tirent enfin le peuple de son indifférence. Louis et Pépin, jaloux de la supériorité qu'affectait Lothaire, profitent de cette disposition des esprits pour faire réhabiliter leur père, et une diète générale, tenue en 835, décrète une nouvelle division de l'Empire entre les fils de l'empereur, à l'exclusion de Lothaire. 838-840. La mort de Pépin fait naître de nouvelles combinaisons et de nouveaux troubles. Louis assigne l'Aquitaine à son fils bien-aimé au détriment de Pépin II, son petit-fils ; Lothaire rentre en grâce, et Louis le Germanique encourt la colère de son père. Le capitulaire de Worms donne tout l'Empire à ses deux frères, et ne lui laisse que la Bavière (839). Pendant que l'empereur réduit les Aquitains soulevés, le Germanique proteste, les armes à la main, contre le partage de Worms, et Louis le Débonnaire termine son triste règne entre deux révoltes. La discorde qui avait troublé sa vie lui survit, et devient sanglante après avoir été criminelle. Lothaire, empereur, 840. — L'empire se trouve en proie à la guerre civile des princes, aux révoltes des Saxons, des Bretons, des Gascons, des Aquitains, des Provençaux, des Bénéventins, et aux ravages des Northmans, des Sarrasins et des Slaves (voyez le chapitre suivant). 841. Louis le Germanique et Charles le Chauve ligués contre Lothaire, qui affectait la suzeraineté sur les couronnes royales, lui livrent la sanglante bataille de Fontenay, qui déconcerte ses projets de monarchie universelle, et qui, avec l'alliance de Strasbourg, amène bientôt après le célèbre traité de Verdun (843). L'Empire est divisé en trois grands royaumes, d'Italie, de France et de Germanie. Au premier se trouvent annexés l'ancien royaume de Bourgogne et l'Ostrasie Cisrhénane. § II. — Depuis la paix de Verdun jusqu'à la déposition de Charles le Gros, 843-888. Les trois princes, mal réconciliés, font une guerre défensive contre les Barbares et contre leurs propres sujets. Louis, fils de Lothaire, et son lieutenant en Italie, maintient les Romains dans l'obéissance, fait respecter aux ducs de Bénévent la suprématie de l'empereur, et chasse les Sarrasins de la Pouille ; Louis le Germanique et ses fils combattent les Slaves sur l'Elbe et sur le Danube ; Charles, les Northmans et les Bretons sur la Seine et la Loire. Les Aquitains s'arment successivement en faveur de Pépin II et de Louis de Germanie pour former un royaume indépendant ; ils finissent par être incorporés à la France neustrienne, qui ne conservera bientôt sur eux qu'une vaine suprématie. Lothaire, avant de mourir, partage ses états entre ses trois fils. Louis est empereur et roi d'Italie ; Charles, roi de Bourgogne et de Provence ; Lothaire le Jeune, roi de Lorraine. Louis II, empereur, 855. — Les trois fils de l'empereur Lothaire étant morts successivement sans enfants mâles légitimes, leurs successions doivent être de nouvelles causes de division entre leurs oncles et leurs neveux. Après la mort de Charles, en 863, ses deux frères héritent de ses états. La succession de Lothaire II, dévolue à Louis II en 869, est usurpée par le roi de France et le roi de Germanie, qui se la partagent par le traité de Mersen in procapide. Mais Charles le Chauve usurpe bientôt la part du roi de Germanie, ainsi que le royaume de Provence, qui appartenait alors à l'empereur. Enfin, la mort 'de Louis II laisse le trône impérial vacant en 875 ; et l'Italie, restée sans maître entre deux prétendants, tombe un moment au pouvoir du plus prompt. Charles le Chauve, empereur, 875. — Le roi de France va se faire couronner empereur à Rome par le pape Jean VIII, et reçoit à son retour la couronne de Lombardie, à Milan. Il force à la retraite deux fils de Louis le Germanique, et laisse la régence -du royaume d Italie à son beau-frère Boson, duc de Pavie, qui ne sut ni le défendre contre les Allemands ni le protéger contre les Sarrasins. 876-877. Louis le Germanique meurt et laisse ses États à ses trois fils, Louis de Saxe, Carloman de Bavière et Charles de Souabe. Le roi de Saxe réclame une partie de la Lorraine et bat son oncle Charles le Chauve près d'Andernach, sur le Rhin, pendant que Carloman envahit l'Italie. L'empereur règle les affaires de France à l'assemblée de Kiersy-sur-Oise, et repasse en Italie, où l'appelait de nouveau le pape Jean VIII. Mais il n'ose attendre l'armée bavaroise, et meurt au pied du mont Cenis. Vacance de l'Empire, 877-881. — Pendant ce temps, le trône de France est occupé deux ans par Louis le Bègue, qui, par ses prodigalités, achève de dissiper les ressources de la couronne. Ses deux fils, Louis III et Carloman, lui succèdent en 879, et abandonnent au roi de Saxe la Lorraine française, dans le même temps que Boson détache de la France les provinces bourguignonnes. Par le traité d'Amiens, conclu en 880, les deux frères se partagent les États de leur père. Louis est déclaré roi de Neustrie, Carloman obtient l'Aquitaine et les droits sur la Bourgogne. La même année, les deux princes français se réunissent en congrès à Gondreville avec les deux rois de Germanie, Louis le Saxon et Charles de Souabe, intéressés comme eux à défendre la patrie commune contre les Northmans, et la légitimité carlovingienne contre une aristocratie usurpatrice. Mais cette ligue de rois ne devait pas avoir plus de succès que toutes celles qui l'avaient précédée. L'épouse de Boson se défendit dans Vienne contre les efforts réunis de trois rois, et si sa résistance céda plus tard au courage fidèle d'un lieutenant de Carloman, la couronne de Provence n'en resta pas moins acquise à l'usurpateur. Une brillante victoire remportée sur les Northmans à Saucourt en Vimeu, couvrit le roi de Neustrie d'une gloire qui fut célébrée dans des chants populaires. Mais Louis III ne vécut pas assez longtemps pour réaliser les espérances que la nation mettait en lui. Sa mort, arrivée en 882, réunit les deux couronnes de France sur la tête de Carloman qui descendit au tombeau en 884. Ce prince laissait pour héritier un frère posthume, nommé Charles, que sa jeunesse fit exclure de la royauté. Les Français se donnèrent pour roi l'empereur Charles le Gros. Charles III, dit le Gros, empereur, 881. — Charles de Souabe, ayant hérité de l'Italie par la mort de son frère Carloman, en 880, va se faire couronner empereur à Rome. L'année suivante, Louis le Saxon lui transmet ses États, et, en 884, il est appelé au trône de France. Cinq couronnes ajoutées à la sienne lui forment un Empire presque aussi vaste que celui de Charlemagne. Mais sa faiblesse sera impuissante à porter un si pesant fardeau, et l'esprit national, qui s'était développé dans chacune des grandes parties de l'Empire, va profiter de ses fautes pour rompre à jamais le lien qui les unissait. Sa déposition, 887. — Sous prétexte que Charles le Gros n'était pas capable de défendre l'Empire contre les Northmans, les vassaux de Germanie, assemblés en diète a Tribur sur le Rhin, le dépouillent de la dignité suprême et se donnent un nouveau roi $ les Français et les Italiens suivent cet exemple en mettant a leur tête des souverains nationaux. La dépouille d'un empereur suffit à l'ambition de huit rois. Ainsi fut consommée cette grande dissolution politique proclamée par la paix de Verdun, mais dont l'infécondité de Huit reines et la mort prématurée de six rois avaient empêché l'accomplissement en ramenant sous un même sceptre les diverses nations émancipées parce traité. Ainsi s'opéra sans retour le démembrement de l'empire carlovingien et la séparation des Francs tudesques et des Francs latins, des Allemands et des Français. § III. — Tableau des différents États formés des débris de l'Empire. ROYAUMES PRINCIPAUX.
ROYAUMES DU SECOND ORDRE.
DÉMEMBREMENT DE LA NAVARRE.
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