Suite de l'invasion des Barbares. — Établissement des Francs dans la Gaule. — Règne de Clovis et de ses successeurs jusqu'à la mort de Clotaire II.§ I. — Des Francs avant Clovis. ON a torturé l'histoire et dénaturé ses témoignages pour reculer dans l'obscurité des siècles l'illustration des Français, et retrouver les titres de famille de cette grande nation. L'origine troyenne qu'on a voulu leur donner est trop ridicule, pour être combattue ; leur identité avec les Gaulois, soutenue par quelques auteurs, est dénuée de preuves et même de vraisemblance. L'opinion la plus commune fait descendre les conquérants des Gaules de divers peuples germains établis sur les bords du Weser, et qui, sous le nom de Francs, se liguèrent contre les Romains dans le troisième siècle, vers le même temps où les Allemanni, formés aussi de plusieurs tribus teutoniques, se réunissaient en confédération entre le Rhin, le Mein et le lac de Constance. Depuis le règne de l'empereur Gallien, les Francs firent de fréquentes incursions dans la Gaule belgique. Probus, Constance Chlore et Constantin remportèrent sur eux de sanglantes victoires, et Julien leur permit, en 358, de se fixer dans la Toxandrie, où ils devinrent les gardiens du Rhin et les défenseurs suspects de la Gaule. Premiers rois, 419-481. — Pharamond, fils de Marcomir, prince inconnu et peut-être fabuleux, ne doit pas être regardé comme le fondateur de la monarchie française. Cet honneur appartiendrait plutôt à Clodion, qui passa le Rhin et fit des incursions jusque sur les bords de la Somme, où il fut battu par Aétius. Après lui, un prince de sa famille, nommé Mérovée, fut élevé sur le bouclier par les Francs saliens, en 448, et donna son nom à la première race de nos rois. Son fils Childeric, d'abord chassé pour ses débauches, fut ensuite rappelé par les guerriers de sa tribu, qui, pendant son exil, avaient reconnu l'autorité du comte Egidiu<s, gouverneur romain de la Gaule celtique. Il fit la guerre aux Visigoths sur les rives de la Loire, pendant que les Francs ripuaires s'établissaient à Cologne, et il alla mourir à Tournai. De son mariage adultère avec Basine, femme du roi des Thuringiens, était né Hludowigch ou Clovis, le véritable conquérant de la Gaule. § II. — Règne de Clovis, 481-511. État de la Gaule. — Lorsque Clovis, à la tête d'une peuplade peu nombreuse, entreprit la conquête des Gaules, celte contrée était partagée en quatre dominations : 1° les Romains conservaient quelques provinces entre la Somme et la Loire ; 2° les Armoricains ou Gaulois maritimes s'étaient rendus indépendants sur la côte occidentale, et disputaient la troisième Lyonnaise aux Bretons fugitifs ; 3° les Bourguignons s'étaient étendus depuis le haut Rhin jusqu'à la Méditerranée, et depuis la haute Loire jusqu'aux Alpes ; 4° enfin les Visigoths dominaient dans la première Narbonnaise, les trois Aquitaines et la plus grande partie de l'Espagne. C'est de ces divers éléments réunis par les Francs victorieux que s'est formée la nation française. Bataille de Soissons, 486. — Clovis traversa la forêt des Ardennes à la tête de cinq mille guerriers. Il défit le patrice Syagrius devant Soissons, et s'empara de cette ville, où il établit sa résidence. Le général romain, réfugié à la cour de Toulouse, fut livré par Alaric II à la vengeance du roi des Francs. La Gaule romaine fit sa soumission au vainqueur. Quelques années après, le mariage de Clovis avec une princesse catholique lui concilia l'affection des vaincus (493). Cette épouse était Clotilde, nièce de Gondebaud, roi des Bourguignons. Bataille de Tolbiac, 496. — Les Allemans ou Souabes ayant envahi le royaume des Francs ripuaires, Clovis marcha au secours de leur roi Sigebert, et tailla en pièces les ennemis près de Tolbiac. Les vaincus repassèrent le Rhin : une partie se mit sous la protection de Théodoric, roi d'Italie, les autres se reconnurent pour tributaires des Francs, 497. Clovis avait promis, pendant la bataille, d'embrasser la religion de Clotilde, si le Dieu des chrétiens lui donnait la victoire. Il tint parole, et reçut le baptême avec le plus grand nombre de ses guerriers. Celte conversion eut pour Clovis les plus heureux résultats ; elle détermina les cités libres de l'Armorique à reconnaître ses lois. Plus tard, les Bretons furent soumis au tribut, et leur comte, Budic, déposa le titre de roi qu'il s'était arrogé. Guerre contre les Bourguignons, 500. — Le roi Gondebaud avait dépouillé et mis à mort son frère Chilpéric, père de Clotilde. Clovis lui déclara la guerre, après avoir conclu une secrète alliance avec Godegisèle, autre frère de Gondebaud. La défection de ce prince assura aux Francs, une victoire aisée. Les Bourguignons, vaincus près de Dijon, furent poursuivis et assiégés dans Avignon. Un traité mit fin à cette première guerre ; mais Gondebaud s'étant vengé sur Godegisèle, les hostilités recommencèrent. Clovis, soutenu par Théodoric le Grand, s'empara une seconde fois du royaume de Bourgogne, et n'accorda la paix à son ennemi qu'à la condition d'embrasser le catholicisme. Le roi des Ostrogoths se fit céder la province de Marseille. Guerre contre les Visigoths, 507. — Sous prétexte de délivrer la Gaule méridionale de l'oppression des hérétiques, assuré du concours du clergé qui conspirait en sa faveur, Clovis déclara la guerre aux Visigoths. Leur roi, Alaric II, fut vaincu et tué à la bataille de Vouillé. Le vainqueur marcha sur Bordeaux, et s'en empara, ainsi que de Toulouse, capitale des Visigoths, pendant que Thierri, fils aîné du roi des Francs, soumettait l'Auvergne et faisait sa jonction avec les Bourguignons. Mais les deux armées combinées furent battues près d'Arles par les troupes que Théodoric envoyait trop tard au secours d'Alaric II, son gendre. Toutefois les Ostrogoths reprirent la Septimanie, qui resta longtemps attachée aux destinées de l'Espagne ; les Francs gardèrent les trois Aquitaines, et les Bourguignons rentrèrent dans leurs limites. 508. — Clovis victorieux reçut de l'empereur Anastase les insignes du consulat et fixa sa résidence à Paris. Rien ne manquait à sa gloire, mais sa puissance lui paraissait encore trop bornée. Pour l'agrandir, il fit mourir quatre princes de sa famille, qui régnaient sur des tribus franques cantonnées à Cologne, à Térouanne, à Cambrai et au Mans. Toute la nation des Francs se trouva ainsi réunie sous un même sceptre ; mais la mort prématurée de Clovis, arrivée en 5i i, devait la diviser encore. § III. — Des Francs sous les fils de Clovis, 511-561. Les quatre fils de Clovis se partagèrent le royaume par égales portions, suivant les dispositions du droit civil qui régissait la Gaule. Thierri, né d'un premier mariage, alla régner à Metz sur les Francs orientaux ou Ostrasiens ; Clodomir, fils aîné de Clotilde, fut roi d'Orléans ; Childebert Ier, de Paris, et Clotaire Ier, de Soissons. Le partage des provinces se fit d'une manière irrégulière, afin d'intéresser les quatre héritiers à la défense de tout l'héritage. Conquête de la Thuringe, 530. —Thierri déclara la guerre au roi des Thuringiens Hermanfrid, qu'il avait aidé à dépouiller ses deux frères, et dont il n avait pas reçu la récompense promise. Secondé par Clotaire, il envahit les États de ce prince, et le fit ensuite mourir dans une entrevue. La Thuringe fut réunie à l'Ostrasie. Conquête de la Bourgogne, 573-534. — Les trois fils de Clotilde se liguèrent contre les fils de Gondebaud. Dans une première guerre, le roi Sigismond fut lait prisonnier à Saint-Maurice, et mis à mort par Clodomir, près d'Orléans. Mais ce prince cruel péril bientôt après en combattant les Bourguignons à Véséronce, et ses fils furent égorgés par leurs oncles, qui se partagèrent le royaume d'Orléans. — La guerre, un moment ralentie, recommença en 533, et l'année suivante, Gondomar, qui avait succédé à son frère Sigismond, tomba au pouvoir des rois francs, qui restèrent maîtres de son royaume. Cependant les vaincus conservèrent leurs lois, leurs patrices, leur forme de gouvernement, en un mot leur nationalité. Guerre contre les Visigoths, 531-542. — Childebert envahit la Septimanie, et passa les Pyrénées pour soustraire sa sœur Clotilde aux mauvais traitements de son époux Amalaric. Les Goths massacrèrent leur roi à Barcelone, sans pouvoir empêcher les Francs de s'avancer jusqu'à Tolède, et rendirent la fille de Clovis. La guerre fut reprise en 534 par le roi d'Ostrasie, qui envoya une armée en Septimanie, sous le commandement de son fils Théodebert. Ce jeune prince s'empara de l'Albigeois et du Rouergue, mais la mort de Thierri le rappela sur les bords du Rhin, où les Leudes Ostrasiens entreprenaient sur son héritage. Childebert et Clotaire firent ensuite la guerre à Theudis, successeur d'Amalaric, et allèrent assiéger Saragosse. Forcés de lever le siège, ils repassèrent les Pyrénées, emportant avec eux les reliques de saint Vincent, 542. Guerre contre les Ostrogoths, 539-554. — Le roi d'Ostrasie, Théodebert, avait promis des secours à Vitigès, roi d'Italie, et à l'empereur Justinien, qui lui avaient cédé, chacun de son côté, leurs droits sur la Provence. Il passa en effet les Alpes, non pour secourir, mais pour combattre les Ostrogoths et les Grecs qu'il avait trompés par des alliances contradictoires. Ses armées furent détruites par la faim et par les maladies. Sous le règne de son fils Théodebald, les ducs Leutharis et Bucclin conduisirent en Italie un corps de 75.000 Allemans, qui furent taillés en pièces à Casilin par le patrice Narsès, en 554, ou périrent de la peste dans la vallée de l'Adige. (Voyez le chap. suivant.) Clotaire Ier seul roi, 558-561. — Les fils de Clodomir avaient été égorgés ; Théodebald n'avait pas eu de postérité ; Childebert ne laissait que des filles. Ainsi Clotaire hérita de toute sa famille, et réunit sous ses lois les états de Clovis agrandis de la Bourgogne et de quelques autres provinces. La soumission des Saxons méridionaux, qui s'étaient joints aux Thuringiens insurgés, avait encore ajouté à la prédominance de la nation. Mais la mort de ce prince devait diviser de nouveau l'empire des Francs. § IV. — Depuis la mort de Clotaire Ier jusqu'à celle de Clotaire II, 561-628. CLOTAIRE Ier laissait quatre fils. Sigebert Ier fut roi d'Ostrasie ; Chilpéric Ier, de Soissons ; Caribert, de Paris ; Gontran, d'Orléans et de Bourgogne. Comme après la mort de Clovis, le partage se fit d'une manière irrégulière, à tel point que plusieurs villes furent divisées ; ce qui devait être une source de querelles. Ces éléments de discorde s'accrurent encore par la mort de Caribert, dont les états furent démembrés par ses trois frères. 564-567. — Pendant que Sigebert défendait l'Ostrasie contre une invasion des Avares, Chilpéric lui enleva quelques villes contestées. De là naquit une première guerre civile de peu d'importance. La réconciliation des deux princes fut suivie d'une double alliance qui semblait devoir resserrer leurs liens domestiques. Sigebert et Chilpéric épousèrent deux sœurs, Brunehaut et Galswinthe, filles d'Athanagilde, roi des Visigoths. Mais le roi de Soissons ayant fait périr sa femme pour épouser la sanguinaire Frédégonde, Brunehaut jura de venger sa sœur et de punir l'usurpatrice. Guerre civile, 567-575. — L'inimitié de Brunehaut et de Frédégonde alluma une guerre intestine qui devait 'déchirer la France pendant un demi-siècle, et remplir la maison royale de haines et de crimes. Les Ostrasiens battirent les Neustriens sur tous les points, et Chilpéric fut assiégé dans Tournai. Mais un émissaire de Frédégonde assassina Sigebert au moment où il était proclamé roi par les Neustriens. Chilpéric recouvra son royaume. Brunehaut fut retenue captive, et son jeune fils Childedert, soustrait à la vengeance de Frédégonde, fut ramené en Ostrasie, où les Leudes s'emparèrent du gouvernement. Incursions des Lombards, 572-576. — Ces barbares, récemment arrivés en Italie sous la conduite d'Alboin, passèrent plusieurs fois les Alpes, et s'avancèrent jusqu'au Rhône par les vallées de l'Isère et de la Durance. Amatus, patrice de la Bourgogne, mourut en les combattant. Son successeur, Mummol, les battit près d'Estoublons, et les força a repasser en Italie, 576. — Quelques années après, Childebert II, allié de l'empereur Maurice, alla exercer de justes représailles sur les terres des Lombards, qui furent soumis au tribut jusqu'en 617. Suite de la guerre civile, 576, etc. — Gontran, voulant arrêter les empiétements de Chilpéric, adopta Childebert II, qui méconnut ses bienfaits, et fit alliance avec le roi de Soissons. Cependant la paix fut conclue. Mais Frédégonde, pour régner sans partage, fit assassiner son mari en 584, et gouverna sous le nom de son fils Clotaire II, à peine âgé de trois ans. Les désordres recommencèrent, et la guerre fut rallumée dans le midi par l'usurpation éphémère de Gundovald, et par une entreprise des Francs sur la Septimanie, qui resta au pouvoir des Visigoths. Traité d'Andelot, 587. — Pour satisfaire les intérêts divers et prévenir de nouveaux troubles, Gontran, Childebert et Brunehaut conclurent, de concert avec les seigneurs, le célèbre traité d'Andelot, qui assurait au roi d'Ostrasie la succession du roi de Bourgogne, et qui laissa aux Leudes la possession héréditaire de leurs bénéfices. Childebert ne jouit pas longtemps de l'héritage de son oncle ; et ses deux fils, Théodebert II et Thierri II, divisèrent de nouveau la Bourgogne et l'Ostrasie un moment réunies. 602. — Après avoir dépouillé Clotaire II d'une partie de ses états, les deux fils de Childebert II marchèrent contre les Basques ou Gascons, qui avaient quitté les montagnes de la Cantabrie pour envahir la Novempopulanie. Cette peuplade belliqueuse se soumit à la souveraineté des rois mérovingiens, et reçut pour duc Genialis. Fin de la guerre civile, 605-613. — La guerre éclata entre Thierri II et Théodebert II, à l'occasion de l'Alsace, dont ils se disputaient la possession. Théodebert, vaincu à Tolbiac en 612, fut décapité par ordre de son frère, qui mourut lui-même l'année suivante. Brunehaut, secondée par le patrice Protadius, essaya en vain d'assurer la couronne à un fils de Thierri ; Clotaire II reprit le dessus, et attira à lui les Leudes ostrasiens, dont Brunehaut avait réprimé les prétentions par les mesures les plus violentes. Cette vieille reine, livrée au fils de Frédégonde, fut condamnée à un cruel supplice. 613-628. — Clotaire II réunit toute la monarchie, et par un sage édit rendu à Paris dans une assemblée nationale, il réforma le royaume, et assura la paix publique, qui ne fut plus troublée de son vivant. |