LORSQUE des invasions continuelles forçaient les Bretons à vivre, en quelque sorte, sur les champs de bataille, il eût été difficile que ce peuple songeât à établir un ordre civil régulier. La grande affaire du temps, c’était la guerre. Au milieu des bouleversements de la conquête, des divisions intestines d’une foule de petits princes qui se disputaient la royauté suprême, aucun changement ne fut donc apporté aux anciennes coutumes nationales. Pendant plusieurs siècles, dit un historien des Gallois, les Cambriens n’eurent, à proprement parler, aucun gouvernement régulier, et les choses demeurèrent en cet état jusqu’au règne de Roderic-Le-Grand, qui, en 543, réunit sous son sceptre toutes les petites principautés de la Cambrie[1]. Ce Roderic, au mépris de la loi thanistry, partagea, en mourant, ses états entre ses trois fils ; mais Hoël Cadell, qui survécut à ses frères, reconstitua l’unité du pouvoir. L’un de ses premiers actes, en montant sur le trône, fut de convoquer une assemblée générale à Ty-gwin[2], pour réviser les anciennes coutumes du pays. C’est là que, de l’avis des seigneurs et des évêques rassemblés, fut rédigé, dans la langue même des Bretons, le code qui porte encore le nom d’Hoël-Le-Bon[3] (940). Les savants ont beaucoup disserté sur cette législation. Les uns, y retrouvant de frappantes analogies avec les institutions des Anglo-Saxons, en ont conclu que ce peuple avait emprunté ses lois aux Bretons. D’autres, ne tenant aucun compte de la séparation qu’une implacable inimitié avait établie entre les Bretons et leurs vainqueurs[4], ont soutenu, au contraire, que les premiers avaient tout reçu des seconds. Il était réservé au grand jurisconsulte allemand Philipps de faire justice de ces systèmes exclusifs. Il a démontré, dans sa savante histoire des Institutions judiciaires des Anglo-Saxons, qu’il n’y avait pas plus de raison de soutenir que les Bretons eussent emprunté leurs lois aux Saxons, que de faire naître les institutions saxonnes en Bretagne. Et, en effet, ainsi que le fait observer fort judicieusement le même jurisconsulte, ces institutions sont trop fondamentales chez les deux peuples, pour qu’il soit permis de les supposer de pure adoption. Il est donc croire que leur origine remonte à une époque primordiale où les peuples de race bretonne étaient voisins dès nations germaniques, au sein de ces contrées que la science n’a pu déterminer encore d’une manière certaine. Quant à fournir la preuve que les coutumes bretonnes ne dérivent pas de celles de leurs conquérants, rien de plus facile pour nous. L’on a vu, dans l’un des chapitres qui précèdent, que les insulaires s’étaient fractionnés au Ve et au VIe siècles, à l’époque des invasions saxonnes, et que les uns s’étaient réfugiés dans la Cambrie, les autres dans là péninsule armoricaine. Or, comme nous pourrons ailleurs démontrer que, depuis cette séparation jusqu’aux derniers temps du moyen-âge, ces deux fractions d’un même peuple ont fait usage, dans l’île et sur le continent, d’institutions à peu près identiques, il restera invinciblement établi que ces institutions étaient antérieures à la conquête saxonne : point fondamental pour ce travail. Préalablement, nous allons analyser, non pas l’ensemble du code d’Hoël-Le-Bon (travail qui exigerait plusieurs volumes), mais celles d’entre les institutions cambriennes qu’il nous importe de bien connaître, nous voulons dire les coutumes par lesquelles se réglaient, chez les anciens Bretons, la famille, la propriété et l’état. Mais, d’abord, puisque nous avons avancé ailleurs que les mœurs des Gaulois et des Bretons, à une certaine époque de leur histoire, différaient peu de celles des nations germaniques[5], qu’il nous soit permis de placer sous les yeux des lecteurs, les détails que nous ont laissés des usages domestiques des Germains les deux plus grands historiens de l’antiquité romaine. César, dans le quatrième livre de la guerre des Gaules, s’exprime ainsi au sujet des Suèves : Nul d’entre eux ne possède de terre séparément et en propre, et ne doit demeurer ni s’établir plus d’un an dans le même lieu. Ils consomment peu de blé, vivent en grande partie de laitage et de la chair de leurs troupeaux, et font de la chasse leur occupation principale[6]. Plusieurs traits de ces mœurs à demi-errantes des nations germaniques ne rappellent-elles pas le tableau que César et les historiens postérieurs nous ont tracé des usages de certaines peuplades de la Bretagne ? Là, comme dans la Germanie, chaque famille traînant après soi de nombreux troupeaux, ne pouvaient séjourner dans le même canton, que pendant un laps de temps limité. Jusqu’ici, rien que de fort simple. Mais voici un autre passage des Commentaires et un texte de Tacite qui ont ouvert un vaste champ aux théories des jurisconsultes : Les propriétés fixes et limitées sont inconnues des Germains ; ce sont les magistrats et les princes du peuple qui, chaque année, assignent aux tribus et aux familles, lesquelles vivent en commun, des terres en tel lieu et en telle quantité qu’ils jugent à propos[7]. Laissons maintenant parler Tacite : Les terres (chez les Germains) sont occupées par toutes les tribus successivement et proportionnellement au nombre des cultivateurs, et ensuite partagées selon le rang de chacun. La vaste étendue de leur territoire facilite ces partages. Ils changent chaque année de champs, et le sol reste à un autre. Aussi, ne les voit-on pas s’efforcer d’obtenir de riches produits de la fécondité de leurs terres, soit en y plantant des vergers, soit en y entretenant, par des irrigations, des prairies et des jardins. Ils ne demandent au sol qu’une seule moisson[8]. Ainsi donc, lorsque Tacite décrivait les mœurs des Germains, et même bien antérieurement à cette époque, quand César passe le Rhin, les tribus de la Germanie demandaient à la terre une partie de leur nourriture. Toutefois, la propriété territoriale n’était alors qu’un usufruit qui finissait à chaque moisson ; bien plus, cet usufruit était concédé, non pas à un seul cultivateur, mais à une association de familles, de telle sorte que chaque membre de la communauté était copropriétaire de cette propriété indivise. Tel était encore, au temps de Tacite, l’état de chose en vigueur chez une grande partie des nations germaines. Mais lorsque leurs tribus envahirent l’empire d’occident, le principe d’indivisibilité territoriale et de rotation annuelle dont nous venons de parler, n’existait plus depuis longtemps. La terre était devenue une possession individuelle et permanente. Toutefois, comme le remarque judicieusement M. Le Huërou, cet usage antique de la communauté de la terre avait laissé des traces nombreuses qu’on retrouve dans les coutumes qui, avant la révolution de 1789, régissaient la propriété en France. Cette assertion, en effet, s’appuie sur fine foule de documents irréfragables. Il est très vrai aussi que toute notre ancienne législation sur les terres vaines et vagues, sur les communs, n’est, en quelque sorte, qu’un débris du régime antique de la communauté de la terre. Mais notre savant compatriote tomberait dans une grave erreur, s’il supposait que ces usages dérivent exclusivement des vieilles coutumes germaniques. Nous devoirs le répéter ici, les Gaulois et les Bretons, à une époque reculée de leurs annales, étaient régis par des mœurs presque identiques à celles des Germains[9]. Dans la Gaule et dans la Bretagne, comme dans les contrées, d’outre-Rhin, régnait ce système d’associations par gentes et par cognationes, dont César et Tacite nous ont conservé le souvenir. Le travail qui va suivre, sur l’organisation de la famille et de la propriété chez les anciens Bretons, prouvera, jusqu’à la dernière évidence, la vérité de cette assertion. § I. — Anciennes divisions territoriales de la Bretagne. Avant de commencer l’analyse des lois domestiques (leges patriæ) qui, jadis, gouvernaient la Bretagne insulaire, il est indispensable que nous fassions connaître les divisions territoriales établies dans cette contrée après l’arrivée des Saxons. A cette époque, dit Humphry Lwydd (le digne émule du savant Camden), le territoire resté en la possession des Bretons se divisait en six principautés : Guineth (Vénédotie), Powys, Deheubarth, Reynnuc, Esylluc, et Morgania[10]. Il est à croire que, suivant un antique usage propre à tous les peuples de race gauloise, chacune de ces principautés était subdivisée en quatre cantons[11], et que chaque canton renfermait cent trèves. Cette dernière hypothèse nous paraît d’autant plus fondée, que les Commentaires de César nous apprennent que la cité des Helvètes, qui était divisée en quatre pagi, renfermaient quatre cents bourgs[12]. Quoi qu’il en soit, un fait n’est pas douteux, c’est que la division par cantref[13], ou cent villages, existait chez les Bretons insulaires. Chaque cantref était composé de deux cymmwd[14]. On appelait ainsi la réunion de cinquante trèves, lesquelles étaient réparties entre douze maenor ou oppida. De ces douze maenor, il y en avait quatre pour les meibion-eilion[15] chargés de nourrir les chiens et les chevaux du Brenin. Les huit autres étaient des manoirs libres. Chaque maenor renfermait quatre trèves ; chaque trève, quatre gasael ; chaque gasael, quatre rhandir ; chaque rhandir, quatre tydwin[16] ; chaque tydwin, quatre arpents. Telles étaient les divisions territoriales de la Bretagne au temps d’Hoël ; et nous lisons dans l’un des chapitres des Leges Wallicœ, que ce prince n’avait rien voulu changer aux anciennes divisions du pays[17]. Le cartulaire de Redon atteste en effet, l’antiquité de ces divisions[18]. § II. — Du chef de famille ou pencenedl. On connaît les formes diverses de la famille dans l’antiquité. Là, l’état absorbant dans son unité toutes les sociétés particulières, le chef de famille est dépouillé de toute valeur politique ; sa puissance s’arrête aux limites de la vie privée. Ailleurs, règnent des institutions à forme démocratique ; il est d’autres pays enfin où l’état, longtemps même après la naissance des sociétés, n’est qu’une fédération de petites tribus groupées autour d’un chef. Tels furent les gentiles des Romains ; tels les clans de la Gaule et de l’île de Bretagne. Un examen plus approfondi des lois, d’Hoël, consultées cette fois, dans l’ouvrage original, tandis que nous ne les avions étudiées, jusqu’ici qu’à l’aide d’une traduction fort inexacte[19], va, peut-être, nous permettre de jeter quelque lumière sur ce point si curieux, et, en même temps, si obscur, de l’histoire des anciens peuples européens. Et, tout d’abord, recherchons ce que la législation galloise renferme touchant le chef de famille. Le titre de chef de famille (pencenedl) n’est transmis ni par le père ni par la mère, car ce n’est point une prérogative héréditaire. Le pencenedl doit aide et assistance à tous ceux de sa gens (ou cenedl) qui réclament son intervention, soit en justice, soit en toute autre matière. Chaque année, il doit payer au seigneur (arglwydd)[20] un impôt d’une livre pour lui et pour tous les siens. En retour, il reçoit la somme de vingt-quatre deniers de tout membre de la communauté qui épouse une fille de la famille, et autant de tout fils qui vient l’augmenter. Tous les bénéfices (officium terræ annexum) qui sont réservés à chaque cenedl ou gens, appartiennent au pencenedl. S’il concède à son fils ou à tout autre membre de sa race l’un de ces offices, le bénéficiaire devra payer à son seigneur la livre d’impôt. Quant à ceux que le pencenedl décharge de toute redevance ; le seigneur ne doit exiger d’eux que deux cent vingt deniers[21]. Ainsi, le pencenedl était le chef élu, le patron, le défenseur de tous ses gentiles. N’est-il pas permis de croire que c’est à un usage à peu près semblable que César faisait allusion dans un passage déjà cité des Commentaires ? Que l’on veuille bien, en effet, peser ces quelques lignes : Dans la Gaule, ce n’est pas seulement dans chaque cité[22], dans chaque canton, dans chaque petite localité qu’il existe des factions[23], mais même dans presque chaque famille. Ces factions ont pour chefs les hommes réputés les plus puissants, au jugement de ceux-là même qui sont appelés à discuter les grands intérêts de l’état. Cette institution parait avoir été établie, pour assurer aux faibles un appui contre le pouvoir des grands, car personne ne souffre que l’on opprime ses clients[24]. Assurément, il y a proche parenté entre les deux institutions. Maintenant, un point important nous reste à éclaircir au sujet du pencenedl gallois est-ce, d’un chef de famille, dans le sens vulgaire de ce mot, ou d’un chef de clan, de race, de gens, qu’il s’agit dans le chapitre des lois bretonnes que nous analysons en ce moment ? Il nous avait paru, il y a quelques années, que cette seconde hypothèse était la seule probable[25]. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que le pencenedl ne doit pas être confondu avec le paterfamilias. En effet, outre que le mot pencenedl désigne, chez les Gallois, un chef de race[26], nous voyons, dans les lois cambriennes, que l’æstimatio capitis, lorsqu’il s’agissait d’un chef de famille, se montait à cinq cent soixante-sept vaches[27], tandis qu’elle ne s’élevait qu’à quatre-vingt-quatre vaches, lorsqu’il était question d’un père de famille proprement dit[28]. C’était aux pencenedl qu’appartenait le gouvernement des maenor. Les lois d’Hoël ne le disent pas formellement ; mais, comme nous y lisons que chaque maenor libre payait au Brenin la somme d’une livre d’impôt, de même que tout chef de famille (pencenedl), nous en concluons que ce dernier n’était autre que le seigneur du domaine héréditaire qui appartenait à la race[29]. § III. — Du mariage, de la séparation, du régime des biens. Les femmes, chez les Gallois, recevaient, en mariage, une dote en bétail, qui était plus ou moins considérable, selon le rang de leur famille et selon qu’elles s’étaient mariées avec ou sans le consentement de leurs parents[30]. C’était un usage général parmi les Bretons, comme chez les Germains[31], que le mari fît à sa femme un présent, le lendemain du mariage, avant de quitter la couche nuptiale. Ce présent s’appelait cowyll chez les Gallois[32], et l’usage voulait que la femme, avant de quitter le lit, le lendemain de ses noces, déclarât à son mari, l’emploi qu’elle entendait faire de ce qu’elle avait reçu de lui. Faute de remplir cette formalité, le cowyll devenait à jamais bien de communauté[33]. Que si le mari, avant sept années de cohabitation, se séparait de sa femme, elle ne pouvait emporter que sa dot (egweddi)[34]. Mais lorsque trois nuits seulement étaient nécessaires pour compléter ce terme de sept années, la femme qui se séparait de son conjoint avait droit à la moitié des biens de la communauté[35]. Et la raison en était toute simple : c’est que, après sept années de mariage, il n’existait plus de dot pour la femme, et que tout devenait commun entre elle et son mari[36]. Lorsque les deux époux se séparaient, de leur plein gré, avant la septième année de mariage, la femme avait le droit d’emporter sa dot (egweddi), ce qu’elle avait pu recevoir de sa famille en dehors de sa dot (argyffreu), et le présent du matin (cowyll) que lui avait fait son mari. Lorsque c’était la femme qui abandonnait son conjoint avant les sept années écoulées, elle perdait tous les avantages que nous venons d’énumérer, à l’exception de son présent de noce (cowyll)[37]. La femme ne pouvait ni servir de caution ni rendre témoignage contre son mari[38] ; et il lui était interdit de vendre ou d’acheter quoi que ce soit sans l’autorisation de son conjoint[39]. En cas de séparation entre les époux, les deux tiers des enfants restaient à la charge du père et l’autre tiers à celle de la mère[40]. La femme convaincue d’infidélité perdait tous ses apports. La fille dont le mari reconnaissait l’impureté, la première nuit de ses noces, perdait également sa dot. Elle pouvait cependant se purger, en faisant témoigner de sa virginité par sept de ses plus proches parents, faute de quoi, sa chemise devait être déchirée jusqu’aux aines[41]. Enfin, (l’on nous permettra de ne faire usage ici que du texte latin), si femina sola ambulaverit et vir illam assecutus fuerit et vi compresserit, et factum negaverit, juramento quatuor virorum se ipsum purgabit, quorum tres voto erunt obstricti abstinere a mulieribus, ab esu carnium et ab equitatione. Sin denegare recusaverit, solvet mulieri dotem, eique satisfactionem plenam dabit, et multam pro stupro, virga argentea regi data, modo debito reddet. Sed si solvendo non fuerit, castrabitur[42]. § IV. — Du fils de famille. La loi bretonne environnait de la protection la plus bienveillante toute femme qui allait devenir mère. De fortes amendes étaient prononcées contre ceux qui l’auraient fait avorter. Aussitôt sa délivrance, l’épouse conduisait à l’église le nouveau-né, et là, sur les reliques des Saints, elle jurait que nul autre que son mari n’avait engendré cet enfant dans son sein (eum in utero suo genuerat). Que si le mari voulait dénier la légitimité de l’enfant qui lui était présenté, il devait jurer, à son tour, sur le corps des Saints et sur la tête de son père, qu’il n’y avait, dans les urines de cet enfant, aucune goutte de son sang, si ce n’est de celui que tous les hommes ont reçu d’Adam (nisi quæ communiter ab Adamo provenerit). Quant à l’enfant lui-même, voici ce que la loi avait statué à son égard : Le père répondait civilement de son fils jusqu’à l’âge de sept ans ; mais, plus tard, l’enfant était lui-même responsable, sauf ses dettes que le père acquittait. Jusqu’à l’âge de quatorze ans, le fils de famille restait sous la puissance de son père qui, seul, avait droit de lui infliger des punitions. Mais, passé ce temps, l’enfant devait être conduit à la cour de son seigneur (arglwydd) auquel il faisait hommage[43]. Il jouissait alors de l’usage de tous ses biens ; et, dans toutes circonstances où il pouvait se trouver en cause, il était son propre répondant. Dès que l’enfant était entré sous le patronage de l’arglwydd, il devenait comme un étranger pour son père, à ce point que ce dernier ne pouvait punir son fils, sans s’exposer à encourir une amende[44]. Tel était même la force du lien d’inféodation qui unissait le jeune client, à son patron, que, quand le premier mourait sans laisser de frères, l’arglwydd auquel il s’était dévoué héritait de tous ses biens[45]. Dès qu’il avait atteint l’âge de quatorze ans, le fils de famille entrait en jouissance de tous les droits affectés à la condition de Breton libre[46]. Mais ces privilèges, qui dérivaient de sa naissance, étaient les seuls que le jeune bonheddig-canhwynawl possédât. Ce n’était qu’après la mort de sou père qu’il lui était donné de s’élever à un rang supérieur. Avant de parvenir à cette dernière condition, nul ne pouvait, en effet, être admis dans l’ordre des equites (marchawg)[47]. § V. — De la propriété, chez les Gallois, dans ses rapports avec la famille. Vous partagerez cette terre par le sort. A ceux qui sont en plus grand nombre, vous donnerez plus ; à ceux qui sont en plus petit nombre, vous donnerez moins. L’héritage sera donné selon le sort ; la terre sera divisée selon les tribus et les familles[48]. C’est ainsi que s’exprime Moïse dans son trente-troisième chapitre des Nombres, au paragraphe cinquante-quatre. L’on a pu se convaincre précédemment que cette division de la terre, selon les tribus et les familles, existait aussi chez les Germains du temps de César, et que, longtemps après, à l’époque où vivait Tacite, rien n’avait été changé à cet état de choses dans la Germanie. Là, la propriété territoriale n’était encore qu’un usufruit qui finissait à chaque moisson ; et cet usufruit appartenait non à l’individu, mais à la famille (cognationibus hominum)[49]. La législation d’Hoël-dda a conservé des traces évidentes de cette antique indivisibilité de la terre dans chaque tribu. L’on a vu, dans le paragraphe qui traite des droits du pencenedl, que ce chef de race était le seigneur de toutes les terres de sa parenté. C’était lui qui, comme les principes dont parle César, assignait une certaine étendue de terrain à chaque père de famille. Il y avait chez les Gallois deux espèces de terres : 1° celle qui était considérée comme une propriété libre, et qui se partageait entre les frères, les cousins et les enfants de ces derniers (tir gwelyawg)[50] ; 2° celle qu’on appelait tir cyfrif[51] (terra numerata), ou tir cyllydus (manerium servile), laquelle était divisée entre les colons répartis dans chaque cwmmwd[52]. La terre gwelyawg se partageait de telle sorte qu’il restât à chaque frère un petit domaine, ou tyddyn, de quatre arpents[53]. Cette petite portion de terrain n’était pas suffisante pour la nourriture d’un homme : mais il ne faut pas oublier que la majeure partie du domaine de chaque cenedl était sous bois ou sous pâtures, et que c’étaient là des biens communs à tous. Lorsqu’il n’y avait point de maison à partager, le plus jeune des fières faisait les lots, et c’était l’aîné qui choisissait, puis venaient tous les autres, successivement et par rang d’âge, jusqu’au plus jeune. S’il y avait des maisons, c’était l’avant-dernier des fils qui faisaient les lots, et les choix avaient lieu de la même manière. Le plus jeune des fils héritait, dans ce cas, du domicile principal, avec huit arpents de terre, du mobilier et de toutes les maisons du père, de la chaudière, de la hache à bois, et du couteau, toutes choses dont le père ne pouvait disposer en aucune façon[54]. Ces divers partages s’exécutaient durant la vie des, fières qui avaient ainsi hérité des biens de leur père. Mais, après leur mort, leurs enfants avaient le droit de recommencer les partages. Enfin, les petits-enfants de l’auteur commun pouvaient, de leur côté, user de cette même faculté que la loi interdisait ensuite[55]. Tel était l’ordre de la coutume dans la division des terres libres. Quant à la terre cyllydus, elle ne passait pas par héritage aux enfants du colon, car elle était commune entre tous[56]. A la mort de chaque chef de famille, la terre qu’il laissait vacante était partagée entre tous les habitants du village. Toutefois, dans ces sortes de tenures, le plus jeune des enfants héritait du domicile paternel. On le voit donc, encore bien que, depuis une époque assez reculée[57], les tribus bretonnes se fussent approprié, d’une manière stable, certaines parties du territoire qu’elles cultivaient, les coutumes qui les régissaient, au dixième siècle encore, avaient conservé des traces profondes d’un ordre de chose antérieur. Parmi les hommes libres eux-mêmes, il n’existât point de biens personnels ; à proprement parler, mais des, biens de famille. Tous les membres de la cenedl étaient copropriétaires à des degrés différents, quoique en vertu du même droit. C’est pour cela que, chez les Bretons (les lois d’Hoël et le cartulaire de Redon en font foi), nulle terre ne pouvait être vendue ni échangée sans le consentement des parents les plus proches, et que le père n’avait point le droit de déshériter son fils[58]. C’est pour cela que chaque parent d’un homicide était légalement tenu de lui fournir pour sa compensation, ce que l’on appelait, chez les Gallois, le denier de la lance[59]. Sous un tel régime, tous les membres de la famille étaient solidaires les uns des autres dans la plupart des actes de la vie civile. Il nous reste maintenant à ajouter quelques détails, recueillis çà et là dans les lois cambriennes, sur la manière dont se transmettait la propriété. Le droit d’aînesse était inconnu chez les Bretons[60]. Les terres, comme on l’a vu, se partageaient en portions égales, selon l’usement de gavel-kind[61], à la réserve seulement du préciput accordé au dernier des fils. Les femmes n’étaient point admises au partage de la propriété territoriale. Dans la succession mobilière, elles n’avaient même droit qu’à la moitié de ce qui était accordé à leurs frères[62]. Dans le pays de Gueneth (Vénédotie), la femme n’héritait pas de son père, par la raison qu’elle était l’héritière de son mari[63]. § VI. — État des personnes. — Les hommes libres, les nobles. Nous avons établi ailleurs que la classe des hommes libres était la base de l’organisation sociale chez les nations gauloises, comme chez les Romains et chez les peuples de la Germanie[64]. Il en était de même parmi les anciens Bretons. Bonbeddig canhwynawl, ou cynhwynol[65], est le nom sous lequel les lois cambriennes désignent le simple homme libre. Leur condition peut être complètement assimilée à celle des Arimans germains. Il est remarquable que le mot bonus homo qui, suivant M. de Savigny[66], était particulier aux Francs, se retrouve chez les Bretons insulaires voisins des Saxons. Voici un autre rapprochement curieux : les gwrda (boni homines)[67], lorsqu’on les appelait à prononcer dans les causes prédiales, étaient désignés sous le titre de henurjeid gwlad, seniores regionis[68]. On donnait aussi à l’homme libre la qualification de Breiniol. Ce mot, dit le savant Davies[69], signifiait immunis, liber, municeps, civitate donatus : tel est, en effet, le sens dans lequel l’emploient les lois d’Hoël. Il y avait chez les Gallois, pour nous servir des ternies employés dans leurs lois, trois prérogatives : 1° La race (rhyw) ; 2° la dignité, le braint[70] ; 3° le droit héréditaire (etifeddjaeth). La dignité, l’état (braint) déterminait le droit héréditaire ; la race déterminait l’état ; enfin, la différence établie entre les hommes par la loi, comme, par exemple, entre le brenin et le noble (uchelwr), entre la femme et le mari, entre l’aîné et dernier des enfants, entre le seigneur et le serf ; cette différence, disons-nous, déterminait la race. Ainsi donc, c’était la naissance qui faisait la condition de l’homme chez les Bretons. Né d’un père et d’une mère libres, l’on était bonheddig canhwynol, c’est-à-dire, qu’on pouvait exercer tous les droits de la cité, et qu’on avait la pleine propriété de ses terres[71]. Lorsqu’on avait hérité d’un père uchelwr, on jouissait des privilèges d’une dignité supérieure. Les enfants de ces nobles s’appelaient mabuchelwr (filii principum). Ils ne pouvaient être admis au rang des chevaliers, on l’a dit déjà, qu’après avoir hérité de tous les droits paternels. Voici quelle était la composition fixée par la législation galloise pour le meurtre des hommes libres des différentes classes : Pour le meurtre du pencenedl, DLXVII[72] vaches ; Pour le meurtre de chacun de ses proches (aelod), CLXXXIX vaches (alias, CXXVI[73]) ; Pour le meurtre d’un mabuchelwr, et de tout homme exerçant une fonction publique sous un arghwydd, CXXVI vaches[74] ; Pour le meurtre d’un homme libre (bonheddig cynhwynol), LXIII vaches[75] ; Pour le meurtre de l’hôte du brenin (alltudd), LXIII vaches ; Pour le meurtre de l’hôte d’un uchelwr, moitié du taux précédent[76]. Il y avait donc, parmi ces diverses classes d’hommes libres, hiérarchie de rangs comme chez les Germains[77]. Mais ce n’est pas ici le lieu de traiter ce sujet. Examinons d’abord quelle était, chez les Gallois, la condition des vassaux non libres. § VII. — Des colons. Au premier rang des colons, nous devons placer les aldudd (advenæ) dont la condition répondait à celle des hospites du moyen-âge. Ces altudd étaient placés sous là domination du brenin ou des nobles de la contrée dans laquelle ils venaient chercher un asile[78]. Leurs héritiers, à la quatrième génération[79], devenaient propriétaires. Toutefois, alors même ils restaient soumis à la suzeraineté de leur ancien patron[80]. Leur petit domaine (tyddyn) leur était assuré au même titre qu’à tout homme libre. Quant aux autres champs ; ils les cultivaient en commun, selon l’usage[81]. L’altudd ne pouvait être en même temps propriétaire dans sa nouvelle, et dans son ancienne patrie[82]. Que si le mabuchelwr expulsait ces étrangers de ses domaines avant le temps que la loi fixait pour qu’on pût devenir propriétaire, le seigneur ne devait rien prélever sur leur avoir[83]. Si, au contraire, c’étaient les altudd qui abandonnaient leur seigneur, avant l’époque dont il a été parlé ci-dessus, ils étaient tenus de lui laisser la moitié de leurs biens[84] ; de plus, s’ils étaient nés dans les contrées d’Outre-mer, ils devaient s’embarquer au premier souffle de vent favorable, sans quoi ils retombaient sous la dépendance de leur ancien maître[85]. L’altudd qui s’enfuyait de chez son seigneur était vendu[86]. Les colons proprement dits, c’est-à-dire, les Gallois qui cultivaient la terre cyfrif, portaient le nom de meibion eilion, mot que Wotton, par une distraction inconcevable[87], a rendu par celui d’advena, mais qui signifie réellement fils de self ; de mab, enfant (pluriel, meibion), et de ailt, serf (pluriel, eilion)[88]. On les nommait aussi taeawgeu[89] et bilain. Nous avons dit qu’il y avait, dams chaque cymmwd, quatre manoirs serviles, et queles colons qui y. étaient attachés ne transmettaient pas à leurs enfants la portion de terrain qu’on leur assignait.., Ces colons étaient soumis à diverses redevances dont les principales consistaient à nourrir, neuf fois par an, les chevaux et les chiens du Seigneur, et à donner l’hospitalité à ses altudd, lorsqu’ils se dirigeaient vers leur pays[90]. Pour cette raison, dit, la, coutume, ils étaient exemptés du paiement, de la livre d’impôt et du droit d’hospitalité que le brenin recevait des huit autres manoirs[91]. Tous les colons, hormis ceux du roi, étaient obligés de travailler aux fortifications des châteaux du prince, chaque fois qu’ils en étaient requis[92]. Les meibion eilion du brenin étaient chargés de la construction des neuf édifices qui formaient les principales dépendances de la demeure royale, savoir le palais, la chambre, la cuisine, la chapelle, le grenier, le four, l’étable, le chenil et l’atelier[93]. Quand le roi partait pour la guerre, ses colons lui fournissaient des chevaux et des transports pour ses bagages[94]. Dans ces circonstances, toute trève servile devait envoyer dans le camp royal un homme armé de sa hache, pour aider à la construction de la tente du prince[95]. Les colons ne pouvaient labourer la terre, avant qu’on eût assigné à chacun d’entre eux les jugera qu’ils devaient cultiver[96]. Il était défendu au fils du colon (taeawg) d’étudier les arts libéraux, sans la permission de son seigneur, à moins qu’il ne fût dans les ordres sacrés, et, en outre, d’exercer la profession de forgeron ou celle de barde[97]. Les esclaves proprement dits étaient en petit nombre dans l’île de Bretagne[98]. La loi d’Hoël les désigne sous le nom de caeth, mot que Davies traduit par ceux de captivus, mancipium, servus, et qui, dans les dialectes armoricains, s’emploie dans le sens de misérable[99]. Il y avait, toutefois, deux classes de caeth. 1° Le caeth dofaeth ou gweiniddjaw[100], esclaves employés par les mabuchelwr à tous les travaux de la maison et des champs, mais qui, néanmoins, n’étaient pas astreints à la charge pénible de moudre le grain ou de briser les mottes de terre avec le hoyau[101]. 2° Le caeth absolute dictus, ou esclave acheté, qui était condamné aux travaux’ les plus vils. La valeur du caeth dofaeth était deux fois celle du caeth acheté[102]. Lorsque le premier se présentait dans la demeure d’un mabuchelwr, et en recevait une portion de terre à cultiver sous la condition de payer le twnge (canon liberorum tenetium) et le gwesdta[103] dus au seigneur (arglwydd), sa valeur était estimée la moitié de la valeur de l’altudd du brenin, et il était placé, dès lors, au rang de altudds du mabuchelwr, qui avaient leur personnalité propre[104]. La compensation pour le meurtre du caerh était d’une livre, s’il était né dans l’île, et d’une livre et demie, s’il venait d’au-delà des mers[105]. Une autre version (Cott. 6) porte ce qui suit : La compensation pour le meurtre d’un caeth bien constitué (caeth telediw) est d’une livre et demie. S’il est manchot, ou trop vieux, ou trop jeune sa compensation sera d’une livre, supposé qu’il vienne de l’autre côté des mers. Quant au caeth né dans l’île, sa compensation ne sera aussi que d’une livre, attendu que c’est lui-même qui, de sa propre volonté, a porté atteinte à sa liberté, en se louant comme un mercenaire[106]. Il y avait, chez les Gallois, deux sortes de personnes pour le meurtre desquelles le brenin ne devait exiger aucune compensation, encore bien qu’elles eussent été tuées sur son territoire. C’était l’homme surpris de nuit dans la chambre du brenin, et le caeth appartenant à un autre maître. En effet le pouvoir du maître sur un caeth, suivant la loi d’Hoël, était le même que celui qu’il avait sur son bétail[107]. Tout fils de colon (taeawg) devait, dès qu’il avait atteint sa quatorzième année, être conduit à son seigneur auquel il faisait hommage (gwrhau), et qui, dès lors, était tenu de nourrir son vassal[108]. Dans un autre livre du même code, nous lisons ce qui suit : Que si le seigneur demande quels sont ces hommes[109], qu’il lui soit répondu que ce sont des tenanciers auxquels, en vertu d’un pacte légitime, appartiennent tous les droits de leur race, de telle sorte que leurs gentiles peuvent réclamer des amendes pour toute injure à eux faite, et une compensation pour le meurtre de ceux d’entre eux qui seraient tués injustement. Et, en effet, ceux-là doivent être, sans exception, considérés comme des caeth et comme des altudd, qui n’ont pas été élevés, par la condition de leur terre, à la dignité d’homme libre ; et leur seigneur a le droit de les vendre ou de les donner ; et, s’ils sont mis à mort injustement, il n’y a point de compensation pour leur meurtre, puisqu’ils n’ont point de gentiles qui puissent la réclamer[110]. Nous avons traité successivement des colons, des caeth-dofaeth et des caeth proprement dits. Il nous reste, avant de terminer ce chapitre, à faire mention d’une autre classe de cultivateurs que le code d’Hoël-dda désigne sous le nom de carllawedrawg. Ces carllawedrawg étaient des hommes libres possesseurs de terres (bonheddig trestadawg), mais qui, s’étant obérés, entraient au service de quelque noble, leur créancier, et restaient attachés à sa domesticité jusqu’à l’entier acquittement de leurs dettes. Alors, il leur était permis de rentrer dans leur condition première[111]. § VIII. — Institutions politiques. Nous nous sommes efforcé, dans les chapitres Ve et XIe de ce livre, de tracer un tableau fidèle des institutions politiques des Gaulois et des anciens Bretons. De cette étude ressort, nous le croyons, la preuve de l’assertion que nous avions émise dans un autre ouvrage, savoir, que l’ordre de chose qu’on a appelé féodalité au XIe siècle, n’était que le développement naturel des coutumes qui régissaient non pas seulement les tribus germaniques établies l’autre côté du Rhin, mais la plupart des petites nations belliqueuses éparpillées sur le continent européen, et chez lesquelles n’existait pas un système de centralisation fortement organisé. Toutefois, notre tâche serait incomplète si, avant d’aborder l’histoire du gouvernement féodal dans l’Armorique au VIIe siècle et au VIIIe[112], nous ne faisions pas connaître ici, bien que d’une manière sommaire, le régime politique qui gouvernait les Bretons insulaires avant la période qu’on est convenu d’appeler féodale. L’île de Bretagne, depuis la conquête saxonne jusqu’à l’an 940, où furent rédigées les antiques coutumes de cette contrée, nous offre une organisation politique qui présente, sur plusieurs points, une frappante analogie avec le gouvernement en vigueur dans les Gaules à l’époque où César en fit la conquête, et laisse voir dans son ensemble, une identité presque complète avec les institutions des Bretons du continent. Il y avait dans la partie de l’île restée bretonne plusieurs petites nations ayant chacune leurs mœurs, leurs usages, et reconnaissant, à des degrés différents, un chef commun. Il y avait un wortighen ou si l’on veut un chef des chefs ; mais, point de roi, point de souverain dans le sens où les légistes des deux derniers siècles entendaient ce mot[113] ; une confédération de cenedl ; mais point d’état ; des officiers ayant, comme chez les Francs, un commandement sur les hommes des cantons, mais nullement sur les terres de ces derniers, lesquels étaient souverains dans leurs domaines, comme le brenin dans le sien[114]. Primitivement, le brenin était, selon toute apparence, élu comme les anciens chefs gaulois dont parle Strabon[115]. Le brenin n’était, à cette époque, qu’un de ces principes dont il est fait mention dans Tacite et qui, dit-il, jura per pagos vicosque reddant[116]. Et, en effet, n’avons-nous pas vu, précédemment, que chaque canton du Cantium avait un petit roi du temps de César ? De ces reguli, les uns se firent plus tard indépendants ; les autres reconnurent la suzeraineté d’un brenin supérieur. Ces derniers devaient payer au prince dont ils se reconnaissaient les machtyerns, c’est-à-dire, les vice-rois[117], un tribu que les Gallois appelaient machteyrnged. Un précieux passage recueilli par le traducteur des lois d’Hoël, dans l’un des manuscrits qu’il avait compulsés, va jeter une vive lumière sur la question que nous traitons : Si un étranger se rend coupable d’une injure envers le roi d’Aberfraw, qu’il soit condamné à lui donner soixante-trois livres, et cela parce que telle est le machteyrnged[118], que le roi d’Aberfraw doit payer au roi de Londres[119], après en avoir reçu sa terre. De leur côté, les brenins de Galles doivent recevoir leur terre du roi d’Aberfraw et lui payer le machteyrnged et l’ebediw[120] ; et la parole de ce brenin a autorité sur tous les brenins de Galles, tandis que nul autre brenin n’a puissance sur celui d’Aberfraw[121]. Le système féodal n’apparaît-il pas tout entier dans ce passage qui, nous le répétons, se réfère à une époque antérieure à la prise de Londres par les Saxons ? La souveraineté, chez les Gallois, consistait dans les prérogatives suivantes : 1° Au brenin appartenait le commandement des armées. Toutefois, il ne pouvait, qu’une fois par an, faire franchir la frontière à ses troupes, et encore la durée de cette campagne ne devait-elle pas dépasser six semaines. Dans ses états, le prince pouvait faire la guerre chaque fois que l’intérêt de sa couronne l’exigeait. 2° Le roi avait seul le droit de faire des lois pour régler les affaires publiques[122]. Mais ces lois, et toutes les mesures générales proposées par le souverain, devaient être acceptées par l’assemblée du pays[123]. 3° Le droit de battre monnaie[124] était aussi une prérogative exclusive du brenin. 4° Nul autre que le prince n’exerçait de patronage sur les monastères et sur les voies publiques. 5° Lui seul, en outre, devait juger les causes principales qui concernaient son royaume ; sa personne ou celle des membres de sa famille (aelod) : Le roi était réputé seigneur de tout son royaume[125], et, pour cette raison, tous les seigneurs du pays étaient censés égaux entre eux[126]. La cour du prince se composait de vingt-quatre officiers dont les fonctions, comme Houard le fait judicieusement observer, offre une grande similitude avec les offices royaux qui existaient chez les francs. Dans le pays de Galles, comme en France, il y avait, en effet, deux ordres d’officiers : les ministri et les ministeriales. Au nombre des premiers, dit le savant auteur du Traité des coutumes anglo-normandes, Hincmar place le chapelain, le garde du palais, etc.[127] Dans les seconds, il range le sacristain, le dépensier, etc. Outre ces offices, Hincmar en indique beaucoup d’autres sans spécifier ces fonctions : tels sont ceux qu’il dit être dépendants de la reine. Quoiqu’il diffère un peu des Gallois dans le rang qu’il assigne aux officiers dont il parle, cependant il attribue à leurs fonctions des droits tout à fait semblables à ceux dont ils jouissaient chez les souverains de cette nation ; par exemple, il observe, comme Hoël-dda, que le comte du palais employait souvent ses bons offices auprès du roi pour le calmer lorsqu’il était irrité, ou pour obtenir la grâce des coupables[128] ; que les ecclésiastiques de la chapelle du roi étaient, soumis au chapelain, de même que tous les juges et autres officiers l’étaient au chancelier[129]. Ce c’est pas tout : Grégoire de Tours dit aussi, comme Hoël, que le camérier avait la garde du trésor[130]. Enfin, dans le capitulaire de villis, les colons et leurs chefs paient et reçoivent des droits, et remplissent des obligations qui ne sont que la répétition de ceux que l’on voit attachés aux mêmes emplois dans les lois de Galles ; et ce qui achève de démontrer que les lois galloises, anglo-saxonnes et franques ont une origine commune, c’est qu’on les retrouve dans les traités les plus anciens sur les coutumes de l’Angleterre[131]. Encore bien que les Bretons de Galles fussent aussi pauvres que leurs frères de l’Armorique, leurs princes enrichis par les redevances de tous genres qui leur étaient payées et parles manoirs libres et par les terres serviles, purent toujours déployer cette hospitalité sans borne que célèbrent à l’envi les vieux poèmes et les légendes de l’une et de l’autre Bretagne[132]. Le prince désigné pour héritier du trôna, recevait à la cour les plus grands honneurs, après le brenin et sa femme. Cet héritier, choisi tantôt parmi les fils, tantôt parmi les frères ou les neveux du roi[133], marchait au premier rang des antres membres de la famille royale (aelodeu), et un grand nombre de jeunes seigneurs, faisaient partie de sa suite[134]. La compensation exigée pour son meurtre était évaluée le tiers de l’amende due pour le meurtre du brenin. La provende qu’on devait fournir au prince pour ses chevaux n’était jamais mesurée ; et ses chiens étaient prisés aussi haut que ceux du brenin[135]. Toutefois, l’héritier désigné ne jouissait plus des privilèges énumérés ci-dessus, dès que le roi lui avait fait concession de propriétés territoriales. Alors son rang (braint) devait se régler sur le braint de la terre dont il avait été gratifié[136]. Les lois cambriennes ne, nous donnent que fort peu de renseignements sur l’organisation judiciaire des Bretons. Nous y voyons seulement qu’il y avait, chez ces peuples, trois espèces de cours, celle du roi, celle des évêques et celle des Abbés. De cette cour royale (curia principalis), où les juges siégeaient comme substituts du roi, ressortissaient des tribunaux inférieurs, dont le siége était placé dans la cwmmwd et dans le cantref. Une cour extraordinaire était convoquée par le roi chaque fois qu’il s’agissait de redresser les abus qui pouvaient s’être glissés dans les lois[137]. Il est à croire que, dans chaque manoir, le Pencenedl exerçait, la justice sur les membres du clan, comme le faisait le Chancelier, dans les domaines du Brenin. Nous voici arrivé au terme de notre carrière. Et maintenant, si nous avons su tirer parti des riches matériaux que nous ont fourni les historiens de l’antiquité et les vieilles coutumes des deux Bretagnes ; voici les conclusions qui doivent ressortir de l’ensemble de toutes nos recherches. Le régime féodal, que les jurisconsultes de l’école de Chantereau-Lefèvre et un grand nombre d’historiens modernes, font naître après la dissolution de l’empire carolingien, remonte à des siècles bien antérieurs. Lorsque César fit-la conquête des Gaules, cette contrée renfermait trois classes d’hommes, les Druides, les nobles et des vassaux de différents degrés, dont les uns peuvent être assimilés aux comites des Germains, les autres aux serfs du moyen-âge. Dévouement de l’homme à l’homme ; organisation militaire dont on ne saurait nier la similitude avec celle des chevaliers du moyen-âge ; morcellement du territoire en une foule de petites sociétés gouvernées par des chefs puissants (et cela par une coutume établie très anciennement) ; hiérarchie fortement organisée, chez les Gaulois d’Asie comme parmi ceux qui habitaient l’Europe ; obligations imposées aux anciens clients romains et aux ambacti gaulois, rappelant d’une manière frappante les chargés auxquelles étaient soumis certains vassaux du moyen-âge, tel est le spectacle que présente la Gaule indépendante. La conquête romaine apporta sans doute de profondes modifications dans les institutions qui régissaient ces peuples. Mais leur organisation domestique, mais les anciens usages nationaux, restèrent debout. Si, dans l’enceinte des villes, et spécialement dans les contrées méridionales ; les populations se façonnèrent rapidement aux mœurs et aux habitudes des conquérants, la majeure partie de la Gaule demeura étrangère à ces transformations. Dès le règne de Gallien, elle échappe, pour ainsi dire, à la domination romaine ; La plupart des tyrans qui usurpent la pourpre, pendant les deux derniers siècles de l’empire, appartiennent à la Gaule et à la Bretagne. La révolte qui, en 409, éclate en même temps dans l’une et dans l’autre de ces contrées, est le signal d’un retour complet, aux anciennes coutumes nationales. Les cités armoricaines défendent leur indépendance et contre les Romains et contre les Barbares. Tout le territoire compris entre la Seine et la Loire était encore, presque complètement gaulois, lorsque Clovis converti à la foi catholique fit alliance avec les nations armoricaines. Ces contrées, toujours en révolte, avaient ainsi échappé aux effroyables ravages du fisc impérial. Là, point d’esclaves, mais des colons, cultivateurs pene servi dont César nous a parlé. Là, régnaient plus développées que partout ailleurs ; ces mœurs féodales que Montesquieu et la plupart des jurisconsultes modernes font exclusivement dériver des anciens usages de la Germanie. Dans la Bretagne insulaire peuplée, en grande partie, par des émigrés sortis de la Gaule armoricaine, nous retrouvons la même langue, les mêmes mœurs, les mêmes coutumes. Ces coutumes, comme celles des anciens Gaulois, ont d’incontestables analogies avec les lois des tribus germaines. Dans l’un et dans l’autre pays, la famille est gouvernée par des institutions qui indiquent une antique communauté d’origine ; seulement, une hiérarchie plus puissante, plus féodale, se fait remarquer dans la législation des Bretons insulaires. L’influence du sacerdoce druidique est restée empreinte dans toutes les lois de ce peuple. En examinant, dans un autre ouvrage, la part qu’ont eue, dans la formation des coutumes de France, les législations des divers peuples qui s’établirent dans les Gaules en conquérants, nous aurons occasion d’apporter de nouvelles preuves à l’appui de celles que nous avons déjà accumulées dans ce volume ; et il sera invinciblement démontré alors, nous l’espérons, que, sur plusieurs points, la France a reçu beaucoup plus de la Gaule que de la Germanie. FIN DE L’OUVRAGE. |
[1] V. Powel, Not. in hist. principum Wallensium, p. 20, et Llwyd, fragm. brit., p. 42 A.
[2] Maison blanche.
[3] Cyfreithjeu Hywel-dda, leges Hoëli-Boni.
[4] Le clergé lui-même était resté sous l’empire de ces haines nationales. — Epist. Aedhelm. Ad Geron. regem. — Math. Westm., ad annum 586.
Quippe cum osque hodie moris Britonum fidem, religionemque Anglorum pro nihilo habere, neque in aliquo eis magis communicare quum paginis. (Bède, Hist. ecclés., L. II, c. 20.) — Britanni linguam suant (et ses coutumes apparemment) una cum religione, invitis victoribus omnibus invitis paganis, inconcusse retinuerunt. (Girald., Itin. Camb.)
[5] V. chapitre V.
[6] Cæsar, de Bell. Gall., IV, 1.
[7] Ibid., VI, 22.
[8] Tacite, Germanie, XXVI.
[9] Interiores plerique frumenta non serunt, sed lacte et carne vivunt... (Cæsar, sup. cit.)
[10] Fragm. Brit., f. 51. B.
[11] Nous avons fait observer que la cité des Helvètes et celles des Galates asiatiques étaient divisées en quatre pagi. — César rapporte aussi que le Cantium était gouverné par quatre petits rois. (V, 22.)
[12] Cæsar, de Bell. Gall., I, 5.
[13] Cantref, de cant, cent, et de tref, trève, grand village. On verra plus loin que chacun de ces villages renfermait un territoire considérable.
[14] Ce mot, dit Davies, signifie réunion d’habitations, de cyd, ou con, avec ; bod, habitation.
[15] Ce mot signifie filii, servorum, de mab, puer, aitt, verna ; — pluriel, meibion eilion.
[16] V. Leg. Wall., Lib. II, c. 19, § 6 et suiv., p. 156.
[17] De mensuris autem agrorum... nihit immutavit (Hoël), sed eas, ut invenerat, reliquit. (Leg. Wall., L. II, c. 19, § 1, p. 155.)
[18] Nous citerons, dans notre prochain ouvrage, de longs fragments de ce manuscrit.
[19] Nous avons donné, dans l’Essai sur l’histoire, la langue et les institutions de la Bretagne armoricaine, un résumé de la législation des Bretons insulaires ; mais ce premier travail a d’autant moins de valeur que les questions fondamentales de d’organisation de la famille et de la propriété n’y sont qu’effleurées. Depuis, nous avons étudié, sur le texte original, les questions qui doivent trouver place et dans cet ouvrage, et dans celui qui lui succédera prochainement. Toutefois, nous nous bornerons à citer en note la traduction latine que Wottona faite des lois d’Hoël, en ayant soin seulement de mettre entre parenthèses les termes bretons avec leur véritable signification, chaque fois que cela nous paraîtra nécessaire pour l’intelligence du texte. — Quant aux passages gallois dont nous avons fait usage et que les jurisconsultes anglo-bretons, ou les savants allemands et français, pourraient vouloir consulter, on les trouvera à la fin de ce volume, à l’appendice.
[20] Le mot arglwydd (dominus) dériverait, suivant M. le comte de Blois, des deux mots, ar, sur, et lwydd, armée. L’arglwydd serait donc l’eques des Gaulois. Nous dirons notre sentiment sur cette étymologie un peu plus loin.
[21] § 1. Principatus familiæ (pencenhedlaeth) materno jure non obtinctur.
2. patri immediate filius non succedit in principatu familiæ, hoc officium nempe non seguetur heredem.
3. Princeps familiæ XXIV denarios habebit a quolibet viro qui feminam ex gente ejus duxerit : ipsa antem, maritagium suum solvere tenetur.
4. Et item XXIV denarios ab omni filio quem in gentem suam receperit.
5. Ipse autem a partibus cujuslibet hominis a gente sua stare tenetur, quocumque in discrimine homo iste versatus fuerit...
8. Munera omnia (id est swydd, officia terræ annexa), quæ genti cuique dehentur, ad principem familiæ pertinent : et si munus tradiderit filio suo, vel cuilibet alteri a gente sua, libram ille reddit domino. Et si quem illorum liberum (rhydd, immunem) fecerit nec tamen illi, munus traderit, CXX denarios liber ille domino reddet.
(Leg. Wall., L. II, c. 22, p. 164.)
[22] Nous avons traduit plus haut le mot civitus par celui de ville : il importe de relever cette distraction.
[23] La plupart des historiens modernes ont pris le mot factions dans le sens que nous y attachons aujourd’hui ; mais c’est là une erreur évidente, puisque César dit formellement que ces divisions étaient le résultat d’une institution antique. (Voyez plus bas).
[24] In Gallia non solum in omnibus civitatibus atque in omnibus pagis partibusque, sed pæne etiam in singulis domibus factiones sunt, earumque factionum principes sunt qui summam auctoritatem eorum judicio habere existimantur, quorum ad arbitrium judiciumque summa omnium rerum consiliorumque redeat (*). Itaque ejus rei causa antiquitus institutum videtur, ne quis ex plebe contra potentio rem auxili egeret. (Cæsar, de Bell. Gall., VI, 11.)
(*) Nous croyons avoir donné, au chapitre VI, la véritable traduction de ce passage. Ainsi, suivant nous, les chefs des factiones de la Gaule étaient élus par les anciens de chaque famille, c’est-à-dire, par ceux qui, dans les Gaules, faisaient partie de l’assemblée des cités.
[25] Essai sur l’histoire, la langue et les institutions de la Bretagne armoricaine, p. 199, Paris, 1840.
[26] Pen, tête, chef ; cenedl, genus. (V. le Dict. britann.-latinum de Davies, Londres, 1632.)
[27] Compensatio pro cæde principis familiæ (pencenedl) DLXVII vaccis æstimatur cum tribus elevationibus. (Leg. Wall., L. III, c. 2, § 22, p. 502.) — Nous avons écrit dans l’Essai sur l’histoire de la Bretagne armoricaine (p. 474), que le meurtre du chef de famille (pencenedl) était puni d’une amende de quatre-vingt-neuf vaches ; et, en effet, on lit à la page 200 des lois d’Hoël, § 5 : Compensatio pro carde dispensatoris, principis familiæ et cancellarii CLXXXIX vaccis æstimatur cum elevationibus suis.
Mais il y a ici erreur, évidente, puisque, un peu plus loin, la compensation pour le meurtre du pencenedl est fixée à cinq cent soixante-sept vaches, et le meurtre de chacun des membres de sa famille (aelod), à cent quatre-vingt-neuf vaches. Voici l’explication de cette difficulté. L’une des versions des lois bretonnes recueillies par Wotton, à la bibliothèque cottonienne, renferme, en effet, ce passage : Compensatio pro cæde dispensatoris, et principis familiæ (pencenedl) et cancellarii, LXXIX vaccæ, mais, dans une autre version qui se trouve placée à la suite de la première, dans les lois d’Hoël (p. 201, § 19), je lis : Compensatio pro cæde dispensatoris, et cancellarii, et præfecti venatoribus (phencynydd) CLXXXIX vaccæ cum augmento simplici. D’après cela, il est évident que le copiste de la première version aura lu pencenedl (princeps familiæ), au lieu de phencynydd (præfectus venatoribus), et que la compensation du pencenedl est bien véritablement de cinq cent soixante-sept vaches, comme il est porté à la page 202, § 28, des Leges Wallicœ. (V. supra.)
[28] Sed et si paterfamilias sit (Wallus), multa pro cæde ejus estimatur LXXXIV vaccis. (Leg. Wall., L. II, c. 30, § 11, p. 180.)
Paterfamilias se dit en gallois, gwz ar deulu, vir familiæ ; de gwr, vir ; et teulu, familia. (V. Davies, à ces deux mots.)
[29] Princeps familiæ (pencenedl) libram domino (arglwydd) quotannis reddet. (Leg. Wall., Hoëli boni., L. II, c. 22, § 6.) — Ex hisce octo maneriis (liberis) vectigal brenin (wesdfa, hospitium) quotannis solvetur, libra scilicet pro singulis. (Ibid., L. II, c. 20.) La livre payée au brenin s’appelait, en breton, puntdwng, de punt, libra, et twng, pars segetis quæ domino agni ex conventione debetur, dit Davies dans son Dictionnaire britannico-latinum. Twng signifie aussi juramentum.
[30] V. Leges Wall., L. II, c. 1, § 17 et sq.
[31] Lex Alam., T. 52, 2. — De civitatibus verd, hoc est Burdegala, Lemovica, Cadurco, Benarno et Bigorra quas Galesuindam germanam dominæ Benechildis, tam in dote quam in morgamgeba, hoc est maintinali dono, in Franciam venientem certum est acquisisse... (Grégoire de Tours, L. IX, c. 20.)
[32] Cowyll (le traducteur rend ce mot par antipherna) sunt bona quæ sponsus sponsæ dederit mane priusquam, a lecto surrexit (Leg. Wall., L. II, c. 1, § 37, p. 80.) — Ce don du matin existait aussi chez les Bretons armoricains sous le nom d’Enep-Gwerth (gwerth, prix, eneff, enep, âme et aussi virginité). Je lis dans le cartulaire de Landevenec, manuscrit du XIe siècle : ... Dedit Alarun unam villam sancto Wingaloeo pro anima sua in decumbitione atque in hereditate perpetue, id est, caer witcan quæ accepit in dotatione, id est, enep gwerth.
[33] Si sponsa quid de antiphernis faciendum velit non declaraverit proximo urane antequam de lecto a viro decesserit, communia inter utrosque erunt in posterum (Ibid., L. II, c. 1, § 75, p. 83.)
[34] Leg. Wall., L. II, c. 1, § 3, p. 73. Il faut noter qu’ici c’est le mari qui veut se séparer.
[35] La communauté de biens entre mari et femme existait chez les Gaulois :
Viri quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex suis bonis, æstimatione facta, cum dotibus communicant. Hujus omnis pecuniæ conjunctim ratio habetur, fructusque servantur. (Cæsar, de Bell. Gall., VI, 19.)
[36] Femina vel nuptum a gentilibus data, vel clandestino ducta, legibus dotalibus non tenebitur ultra septennium ; et cum dotem post septennium amiserit, post illud tempus bona omnia inter utrumque bifarium dividentur. (Leg. Wall., L. II, c. 1, § 49, p. 83.)
[37] Quod si separati fuerint ante annum septimum, dos (egweddi) cum paraphernalibus (argyffreu) et antiphernis (cowyll) feminx tradetur ; ... Sin ipsa maritum suum, anno septimo nondum completo, deseruerit, ista omnia amittet, præter antipherna (cowyll). — Une autre version porte : omnia amittet, præter antipherna (cowyll), paraphernalia (argyffreu) et mullam pro pudore violata (gofin). (Leg. Wall., L. II, c. 1, § 11, p. 76)
[38] Feminam non expedit fidejubere nec lestimonium dare contra virum. (Leg. Wall. L. II, c. 1, § 69, p. 87.)
[39] Feminæ non erit fas emere nec vendere nisi sui juris fuerit. Si autem sui juris fuerit emere et vendere jure potest. (Ibid., L. II, c. 1, § 73, p. 88.)
[40] Leg. Wall., L. II, c. 1. § 5. p. 74.
[41] Ibid., L. II, c. 1, § 42, p. 81.
[42] Ibid., L. II, c. 1, § 84, p. 90.
[43] César rapporte que c’était aussi à l’âge de quatorze ans que les jeunes gaulois étaient admis à paraître en public et à faire partie de l’armée : In reliquis vitæ institutis, hoc fere ab reliquis differunt, quod suos liberos, nisi cum adoleverint, ut munus militiæ sustinere possint, palam ad se adire non paliantur. (De Bell. Gall., L. VI, c. 18. Vid. infra.)
[44] Pater filium post decimum quartum annum completum adducit ad dominum (arglwydd), illique eum tradet. Hominium (Gwrhau) tunc filius præstabit domino, ejusque familiam sequetur, et deinde ipse pro se respondebit in omnibus causis in quibus lis ei instituta fuerit, et facultatum suarum dominium habebit. Patri autem illum castigare ex illo tempore non magis licebit quam cuilibet extraneo ; et si ilium castigaverit, et filius litem illi ob id intenderit, multæ obnoxius erit, et filio ob injuriam ei illatam compensationem faciet. (Hoëli boni Leges Wall., L. II, c. 30, § 8, p.179.)
[45] Voir chapitre V, ce que nous avons dit des ambactes, des clients et des soldures gaulois. — L’on sait que, chez les Romains, les liens qui unissaient le patron et le client étaient si étroits, que Aulu-Gelle va jusqu’à dire que les devoirs du premier envers le second étaient plus sacrés que ceux d’un père envers ses propres enfants. Rien d’étonnant, d’après cela, que chez les Bretons où régnait des institutions analogues, le seigneur héritât de son jeune vassal à l’exclusion du père de ce dernier. D’ailleurs, l’arglwydd (le patron) ne partageait-il pas aussi tout ce qu’il possédait avec ses clients ? Quorum (devotorum) hoc est conditio, ut omnibus in vita commodis tua cum his fruantur, quorum se amicitiæ dederint (Cæsar, de Bell. Gall., III, 22.)
[46] Bonheddig vient de boned, origo, nohilitas, ortus. — Canhwynawl, ou, selon Davies, canhwynol, signifie, ingenuus, nativus, genuinus. (V. Dictionnarium britannico-latinum, Davies.)
Ce bonheddig-canhwynawl des Bretons était donc le citoyen revêtu de la dignité commune à tous les hommes libres.
[47] Si filius post decimum quartum annum completum mortuus fuerit, bona ejus omnia ad dominum (arglwydd) lege redibunt, qui illi loco filii erit, et domus ejus escaeta domini erit. Ex illo auteur tempore, Britanni ingenui (bonheddig-canhwynawl) privilegiis fruetur, nulla enim adhuc habet privilegia quam quæ ex natalibus oriuntur ; in paterna vero privilegia, vivo patre, non ascendet, nec quisquam eques (marchawg) (*) fiet, antequam ascenderit. (Leg. Wall., L. II, c. 30, § 9, p. 180.)
(*) Marchawg, marchog, eques, miles (Davies). Ce mot a la même signification dans les dialectes du continent.
[48] Quam (terram) dividetis vobis sorte. Pluribus dabitis latiorem, et paucis angustiorem. Singulis ut sors ceciderit, ita tribuetur hereditas. Per tribus et familias possessio dividetur. (Nombres, XXXIII, 54.)
[49] Terra... non vendetur in perpetuum, et vos advenæ et coloni mei estis. (Lévitique, XXV, 23.)
[50] Gwelywad, de gwely, lectus, familia. — (V. Davies.)
[51] Cyfrif, de cyf, avec, et rhyf, nombre, ou nombrer. — Terra numerata.
[52] L’on a vu plus haut que le tiers de chaque cwmmwd consistait en tenures serviles.
[53] Fratres agros inter se ila dividebant, ut quatuor jugera prædiis singulis assignarentur. (Leg. Wall., L. II, c. 12, § 2, p. 139.).
[54] Ubi non sunt domicilia, frater natu minimus eliget, et ita procedetur a seniore ad proximum seniorem, dum ad minimum ventum sit... Cum fratres hereditatem paternam inter se diviserint, frater natu minimus habebit domicilium principale, cum octo jugeris, et instrumente rustico, et omnibus ædificiis paternis, et lebete, et securi ad dissecanda ligna, et cultro ; hæc enim tria pater nec donare, nec testamento legare potest ulli, nisi filio natu minimo ; et licet oppignerentur, nunquam decident. (Leg. Wall., L. II, c. 12, § 4, p. 139-140.)
[55] Fratribus defunctis, nepotes divisionem iterum instituent, si voluerint, et hoc modo procedent. Heres fratris natu minimi partietur, et ita procedetur a majori ad majorem, donec ventum fuerit ad minimum ; et hæc partitio valebit quandiu isti vixerint. (Ibid., L. II, c. 12, § 5, p. 140)
Si autem abnepotes portioni facta ; inter patres suos non steterint, illi quoque partitionem instituent, ut nepotes antea fecerunt ; et post hanc partitionem factam, nec partitio ulla permittetur. De fundis liberis (tir gwelyawg) procedetur modo quem descripsimus.
[56] Villanorum filii in fundos paternos non succedent, communes enim erunt cum cæteris villanis. (Leg. Wall., L. II, c. 12, § 11.)
Il en était de même pour les mainmortables dans plusieurs coutumes.
Terra cyllydus (*) inter fratres non dividetur, sed præpositus et cancellarius illam partientur, et omnibus villam incolentibus equaliter distribuent. Quam ob causam, vocatur terra numerata. De bac autem terra nulla pars regi decidet, sed quæ nullius occupantes est (Tir ddiffodedig), æqualiter a præposito et cancellario dividetur inter eos. Et nemo prædium sibi legitime assignatum reliaquet, si aliud ejusdem valoris pro eo commutandum habuerit. (Leg. Wall., L. II, c. 12, § 7.)
Nulla pars terræ ddiffoddedig (id est, nullius occupantes) regi decidet. Nec ulli villani licebit alterius partem emere ; singulorum enim partes æquales erunt, nec regi ulla pars decidet eo quod æqualiter inter omnes villanos dividenda (**).
(*) Cyllydus ou cyllid, signifie, en gallois, reditus, census, proventus (Vid. Davies.)
(**) Ici le traducteur, et cela lui arrive fort souvent, n’a pas rendu exactement le sens du gallois.
[57] Voyez plus haut, ch. X.
[58] Pater filium hereditate sibi jure debita exuere non potest, nisi durante vita sua, ut neque filius patrem patrimonio suo, quandiu vixerit, spoliabit ; et si pater filium terra spoliaverit, filius quod suum est recuperabit, nisi pater et fratres, et consobrini et consobrinorum filii, et dominus (arglwydd) consenserint prædium aliquod dare pro pretio sanguinis ; et in eo casu filius illud recuperare non potest, cum filio æque ac patri hoc pretio pax redempta fuerit. Et isti sont homines quorum consensus necessario requiritur ad terrain alienandam. (Leg. Wall., L. II, c. 17, § 1, p. 149.)
Vid. cart. sti. Salv. Redon. in App. ad calc.
[59] Si homicida solvendo non fuerit, æquum est ut denarium hastæ in subsidium habeat, qui denarius a propinquis suis (hisce septem exceptis) illi solvetur : septem gradus excepti hi sunt ; fratres, consobrini, consobrinorum filii, consobrinorum nepotes, consobrinorum pronepotes, consobrinorum abnepotes et abnepotum istorum filii. Et cum cognationis gradus ulterius numerari nequeant, qui extra hos gradus positi fuerint, denarium hastæ solvent. Methodus autem qua utetur homicida in exigendo hoc denario hastæ ab hominibus extra gradus hosce cognationis, positis hæc erit : relliquias probatas secum feret, et quandocumque alicui horum occurrerit, illum quod eadem stirpe oriundi non fuerint jurare coget ; vel solvere denarium hastæ, quem si non solverit, ministri domini qui cum homicida fuerint, pignus e manu illius accipient. (Leg. Wall., L. III, c. 1, § 21, p. 193.)
[60] Lex ecclesiastica statuit neminem patri succedere debere præter filium natu maximum de uxore sua legitima procreatum. Per leges autem Hoëli filio natu minimo pariter ac maximo hereditas adjudicatur, et per easdem decernitur quod nec peccatum nec crimen patris nocebit liberis quominus ad patris hereditatem admittantur. (Leg. Wall., L. II, c. 17, § 3, p. 149.)
[61] Plusieurs jurisconsultes ont soutenu que l’usement de gavel-kind était d’origine saxonne. Blackstone lui-même avait d’abord incliné vers cette opinion (L. II, c. 6) ; mais il n’a pas hésité, plus tard (L. IV, c. 33), à reconnaître son erreur.
[62] Filia de bonis paternis dimidium tantum habebit quantum frater ejus. (Lég. Wall., L. II, c. 1, § 76, p. 88.)
[63] Apud Venedotos conjux non succedet in hereditatem paternam, cum duo status (duo diversa jura quibus hereditatem vindicari posset), non debent finesse in eadem persona, hereditas nempe viri et sua. (Ibid., c. 16, p. 147.)
[64] Qu’on veuille bien relire ce que nous avons écrit plus haut, chapitre V.
[65] Bonhed (V. Davies) signifie ortus, origo. — Cynhwynol, ingenuus, genuinus.
Le traducteur des lois d’Hoël, ne s’apercevant pas que, si tous les nobles étaient bonheddig cynhwynol, ces derniers néanmoins ne devaient pas être assimilés aux uchelwr (nobiles), a souvent rendu le mot bonheddig cynhwynol, par celui de nobilis. Cette erreur en a entraîné une foule d’autres.
[66] Savigny, Hist. du droit romain au moyen-âge, T. I, c. 4, § 63 in fine.
[67] Gwrda, de gwr, homo ; da, bonus.
[68] Henwr, vir senex ; de hen, vieux ; wr, homme (V. Davies).
[69] Breiniol se dit de l’homme et de la terre ; tir breiniol : terra liberorum tenentium.
[70] Braint, ce mot signifie privilegium, immunitas, prærogativa, jus civitatis, libertas, dignitas. (V. Davies, à ce mot.) Les lois d’Hoël l’emploient le plus ordinairement dans le sens de condition. Ainsi par exemple, une séparation a-t-elle lieu entre mari et femme, les partages doivent se faire selon que le braint de l’un des deux époux est inférieur ou supérieur au braint de son conjoint.
[71] L’on a vu plus haut que les tenanciers de la terre cyfrif ne transmettaient pas leur héritage à leurs enfants.
[72] Compensatio pro cæde principis familiæ DLXVII vaccis æstimatur. (loc. cit.)
[73] Compensatio pro cæde unius cognati principis familiæ æstimatur CLXXXIX (alias CXXVI). (Leg. Wall., p. 202.)
[74] Compensatio pro cæde filii nobilis (mabuchelwr), et cujuslibet viri munus publicain sub domino suo exercentis, CXXVI vaccis æstimatur. (Leg. Wall., p. 200, § 6.)
[75] Compensatio pro cæde walli ingenui (bonheddig cynhwynol) LXIII vaccis æstimatur. (Leg. Wall., p. 202, § 31.) Je lis au § 32 des lois d’Hoël, page 203 : Compensationis pro cæde Walli ingenui (bonheddig cynhwynol) qui filii nobilis (mabuchelwr) homo (gwr) fuerit, bescognatis suis pendetur, et triens residuus dividetur inter dominum (arghvydd) et filium nobilis (mabuchelwr) cujus homo fuerit. Ici la hiérarchie est bien dessinée : l’homme libre est le vassal du mabuchelwr, et celui-ci galloise la suzeraineté de l’arglwydd (dominus) dont il ne peut devenir l’égal qu’après la mort de son père. (Voir plus haut.)
[76] Compensatio pro cæde walli ingenui et cujuslibet alldud (advenæ) regis LXIII vaccis æstimatur. (Leg. Wall., p. 200-202.)
[77] Tacite, Germanie, XII.
[78] Lege cautum est quod filii nobilium (mahuchelwr) dominium exercebunt super advenas suos eodem modo quo rex dominium exercet super advenas suos. (Leg. Wall., L. II, c. 18, § 1, p. 153.)
[79] L’on a vu précédemment que la propriété n’était stable chez les Gallois qu’après la troisième génération.
[80] Hi postea ab illis generosis, quibus antea parebant, se non subducent, proprietarii enim sunt qui in illorum clientelam sese dederunt (Ibid., § 2.) — Telle est la traduction de Wotton. Comme elle manque de précision, voici le texte original, avec traduction littérale et interlinéaire :
Ac-o-hynny-eillanni-ddylyant-fyned-wrth-y-meibjon
uchelwyr,-
Et-ex — hoc — ire-non —
debent-extra, — ab-(les)-filiis — nobilium,-canys-priodorjon-ynt-adanaddunt.
quia-proprietarii-sunt — sub illis.
[81] Cum autem proprietarii evaserint, unusquisque prædium sibi debitum possidebit ; cæteri agri conjunctim ab illis colentur (*). (Ibid., § 3)
(*) Ce passage confirme tout ce que nous avons dit plus haut de la communauté de la terre.
[82] .... Nec tamen illis licebit duplicem obtinere proprietatem, unam scilicet in regione ex qua sunt oriundi, et in nostra alteram. (Ibid., § 2.)
[83] Quod si dominus illos invitos expellat, et nondum proprietarios, nihil es eorum bonis ad illum pertinebit. (Ibid., § 7.)
[84] Si advenæ a dominis suis (arglwyddi) discesserint, antequam proprietarii evaserint, dimidium bonorum suorum post se relinquent. (Leg. Wall., L. II, c. 18, § 4, p. 154.)
[85] Sin ortu transmarini fuerint, diutius hac (in Wallia) non manebunt, quam ad primum ventum quo patriam suam repetere possint ; et si morati fuerint, ad pristinos dominos et priorem servitutem (caethiwed) revertentur. (Ibid., §§ 5, 6.)
[86] Si advenæ... inter aufugiendum deprehendebantur, venditione damnabuntur. (Leg. Wall., L. II, c. 3, § 79, p. 222.)
[87] V. p. 582, du glossaire d’Hoël, au mot tacawg. Eilijon, dit-il, est pluriel, ab, all, alius.
[88] V. Davies, Dict. britannico-latinum, au mot ailt.
[89] Taeog, villanus, rusticus. (Davies, ibid.)
[90] De duodecim maneriis quæ debent esse in qualibet commota, (cymmwd) quatuor assignabuntur filiis coloni (meilion eilion), ad pascendos canes et equos, ad canonem (cylch) et ad hospitium (dofreth). (Leg. Wall., L. II, c. 19, § 12, p. 158.)
[91] V. Leg. Wall., L. II, c. 20, p. 158, et ibid., c. 23, p. 164.
[92] Ad Castella regia instruenda omnes cogantur a rege, quandocumque illi libuerit, præter colonos dominici regii. (Leg. Wall., L. II, c. 24, § 2.)
[93] Novem ædificia villani pro rege extruent, aulam et cubiculum, culinam et capellam, horreum et fornacem, officinam et stabulum pro equis, et stabulum pro canibus. (Leg. Wall., L. II, c. 25, § 8, p. 166-167.)
[94] Equos ad gestanda impedimenta regia in exercitibus suis ipsi suppeditabunt. (Ibid., § 3.)
[95] Villa quælibet servilis colonum unum cum securi præbere tenetur, ad tabernacula conficienda in castris regiis. (Ibid., § 9.)
[96] Villanus nemo arare debet, antequani singulis villa incolis jugera sua assignata fuerint. (Leg. Wall., III, § 5, p. 280.)
[97] Tres artes sunt quas villani filius profiteri non debet absque licentia domini ; et si profiteatur, dominus ista iterum dejiciat, professione artium liberalium tantum excepta, si modo ordinibus sacris initiatus fuerit ; artes autem istæ hæ sunt : 1° artium liberalium professio, 2° ars fabrilis, 3° ars bardi (poetæ). — Vid. Leg. Wall., p. 30, Triad. 31).
[98] Il en était de même chez les Gaulois.
[99] Voyez dans Le Pelletier (Dict. breton., c. 464), kaez, kae, dans le breton du continent, veut dire une haie, une clôture, un endroit fermé. Chez les Gallois, il était aussi employé dans ce sens ; mais il signifiait, en outre, un collier (V. le Gloss. bret. des lois d’Hoël, p. 539.) Les esclaves portaient peut-être au cou cette espèce de carcan.
[100] Gweinydd, gweinidoc, minister, famulus, armorice gonideg (Davies).
[101] Servus domesticus (caeth gweinidjw) is censetur qui in domi filii mobilis (mabuchelwr) manet ; et ne ad ligonem, nec ad molam condemnatur ; is enim vocatur caeth dofaeth. Servus dofaeth est is qui advenit cum dote, non emptus ; et cum filio nobilis (mabuchelwr) inanet (*) ; et hujus pretium est tantum quantum servi empti. (Leg. Wall., p. 453.)
(*) Les hospites du cartulaire de Saint-Père de Chartres cultivaient aussi les terres des milites. (V. Proleg. du cart. de Chartres, Guérard, p.35.)
[102] La compensation pour meurtre du colon d’un brenin était de 63 vaches, comme pour le meurtre d’un homme libre. Le meurtre d’un colon attaché aux mabuchelwr était compensé par la moitié de ce taux. (V. Leg. Wall., p. 203, § 35, 36.)
[103] Guesdfa ; hospitium.
[104] Servus domesticus (caeth weinigjawl) filii nobilis (mabuchelwr), si exeat a domo ejus et terras cum domicilio ab eo accipiat, et domino censum (tunge) et commentum (guesdfa) præstare teneatur, æstimabitur dimidio pretii advente regis, et exinde pro advena filii nobilis, statum proprium habente, repulabitur. (Leg. Wall., L. V, c. 2, § 35, p.453.)
[105] Leg. Wall., L. III, c. 11, § 41.
[106] Sin autem conterraneus fuerit, compensatio pro cæde ejus libra quoque æstimabitur, cum ipse statum suum deshonaverit, se mercede conducendum patiendo. (Leg. Wall., L. III, c. 2, § 41, p. 204.)
[107] Duo sunt homines pro quorum cæde rex compensationem exigere non debet ; licet in sua ditione interficiantur : servus alienus ; hero enim eadem est potestas in servum suum ac jumentum : et homo qui noctu deprehensus fuerit in regis cubiculo ambulans absque lucerna. (Ibid., § 50, p. 206.)
[108] Decimo quarto anno elapso, pater illum (puerum) ad dominum (arglwydd) adducere tenetur ad hominium domino præstandum, qui ilium postea sustentabit. Hæc villanorum filius spectant. (Leg. Wall., L. II, c. 1, § 55, p. 84-85. — V. plus haut le § où il est traité des droits du fils de famille.
[109] Les tenanciers des monastères.
[110] Et si ex parte domini (arglwydd) quæratur, quinam sunt hi homines, respondebitur homines sunt quibus, virtute pacti legitimi stirpis suæjura competunt, ita ut gentiles eorum multas accipiant, et pro contumelia eis illata, et compensationem pro cæde si injuste interficiantur. Hi autem et omnes, qui terrarum suaram virtute ad liberorum hominum statum non elevantur, tanquam villani et advenæ dominorum suorum censeri debent hos domini eorum vel vendere, vel donare per legem possunt, et si injuste occidantur, cædes eorum non compensabitur, cum gentiles non habuerint, qui illam exigere possent. (Leg. Wall., L. V, c. 6, § 4, p. 493.)
Ce passage est trop important pour que nous ne croyions pas en devoir donner ici la traduction littérale et interlinéaire :
Ac-or-derfydd, - gofyn - o-
blaid-yr-arglwydd-pwy-bian-y-gwyr-
Et - si - accidit -
quærere-de-parte-(le) – domini - quinam-(les)-viriliynny,-gwyr-ynt-yn sefyll -
wrth briodolder - anjanawl-ynghpfraith-
illi, - viri-sunt-in
hoestatu - ex-proprietate- naturali- in legecenedl iddunt - i - gaffel - eu –
sarhaad - a’i - galagentis ipscrum-(a)-habere-suum-injuriæ-pretium-et
suum-homicidii
nas - or-cledir - hwyint -
yn-anghyfreithwawl.
pretium-si-occiditur — illos- in- illegitimo.
Le reste du paragraphe a été traduit fidèlement par Wotton.
[111] Si vir ingenuus qui fundum possidet, se ipsum pro servo dedat filio nobilis ; et maneat cum illo ad quoddam tempus, et ex eo tempore cum fuerit servus istius filii nobilis (mabuchelwr), filio nobilis pro compensatione cædis ejus debentur tres boves ; alii libri dicunt sex boves pro eo deberi. Isti autem, abire à filio nobilis licebit, quando velit ; tantummodo solvere tenebitur filio nobilis quodeumque debitum erit illi, juxta leges Hoëli. Et hic vocatur carllawedrawg ; carllawedrawg est vir cui licet ire ubicumque velit. (Leg. Wall., L. V, c. 2, § 45, p. 456.)
Voyez, plus haut, ce qui a été dit des obærati gaulois et conférez les divers textes.
[112] Ce sera le sujet d’un second ouvrage distinct de celui-ci, mais qui s’y liera néanmoins.
[113] La vive polémique de M. Augustin Thierry a fait écrouler tout cet échafaudage de gouvernement impérial. Sous ce rapport, l’illustre écrivain a rendu un véritable service à la science.
[114] Clarke, l’éditeur des lois d’Hoël, encore bien qu’il partageât les erreurs de ses contemporains sur les prérogatives de l’ancienne royauté, fait observer cependant que, Præfecto et cancellario, apud Cambros, cum dominici regii commissa erat, extra illud vero nihil erat quod agerent. (Vid. Leg. Wall., p. 159, not. A.)
[115] Strabon, L. IV, c. 4, p. 197.
[116] Tacite, Germanie, XII.
[117] Le mot machtiern que nous retrouvons si souvent dans le cartulaire de Redon, vient de mach, fidejussor, sponsor, dit Davies (ad verb. mach) ; et de teyrn, tyern, chef, roi.
[118] Ce droit est appelé mechdeyrn ddylyed (devoir du machtyern). (Leg. Wall., L. III, c. 2, § 1.)
[119] L’on a vu plus haut que, peu de temps après la conquête, les Bretons acculés dans les contrées de l’ouest ne possédaient plus que six petites principautés. Ainsi, ce fragment se réfère à une époque antérieure à la prise de Londres par les Saxons. Nous trouvons, au livre III, c. 2. § 1, des lois d’Hoël, la confirmation des faits qui précèdent :
Si alienigena regi (brenin) injuriam intulerit, LXIII libris multabitur et hoc est tributum à rege Aberfraviæ regi londinensi solvendum, cum ab illo regnum suum acceperit ; et præter hoc, exceptis canibus, accipitribus et equis suis, nihil exigetur.
[120] Ebediw summa pecuniæ quæ ex bonis mortui vassali domino debebatur. (V. Davies.)
[121] Si quis de aliena patria fecerit regi Aberfraw injuriam, id est sarhaed, reddat ei LXXII libras, et de hac caussa quod tantam est machteyrnged quod debet rex Aberfraw reddere semel regi, Londoniæ, cum acceperit terram suam ab eo. Postea vero reges Walliæ debent terram illorum à rege Aberfraw accipere, et illi reddere mychteyrnged et ebediw post mortem, et verbum illius verbum est ad omnes reges Walliæ, et nullius regis verbum est ad ipsum. H., I, p. 6, 7. (Leg. Wall., p. 573, au mot mechdeyrn.)
[122] Quatuor sunt quæ rex sibi ipsi reservavit, cum nemine communicanda ; primum est, jus patrocinandi cænobiis ; secundum, viarum publicarum protectio. Tertium est jus leges condendi et monetam percutiendi in ditione sua. Quartum caussas regias principales ad coronam, regem, et membra regis (aelod brenin) pertinentes, dijudicandi. (Leg. Wall., L. I, c. 47, § 10, 71-72.)
[123] ... Nemo habet jus legem ferendi vel abrogandi præter regem nec rex quidem absque consensu patrice. (Leg. Wall., L. IV, Triad. LXV, 4, p. 316.)
[124] Il n’existe, dans la Bretagne continentale, aucune monnaie des plus hauts barons. — Les princes apanagés de la maison de Bretagne, réputés souverains de leur comté, avaient seuls ce privilège.
[125] Rex namque dominus est totius regni, alli auteur omnes domini inter se pares sunt. (Leg. Wall., L. IV, Triad. CXL, n. 1. p. 340-341.)
[126] Nous avons prouvé, p. 313 de l’Essai, en nous appuyant sur le témoignage, de dom Lobineau, que, jusqu’au 15e siècle, tous les barons de Bretagne se regardaient comme égaux, et que ce fut seulement en 1451, aux états de Vannes, qu’on fit mention d’un nombre fixe de hauts barons.
[127] Voici les officiels : 1° le chapelain, le garde du palais, le garde, des sceaux, le chambrier, le comte du palais, le sénéchal, l’échanson ou boutillier, le comte de l’étable, le préfet des logements, les quatre veneurs, les fauconniers. 2° ministériales : le sacristain, le dépensier, le garde du trésor, le garde-chien, le garde des habits, le piqueur, etc.
A la cour des rois bretons, il y avait vingt-quatre officiers : le préfet du palais, le prêtre ou chapelain du palais, le dispensateur ou intendant, le préfet des fauconniers, le préfet des écuries, le juge de la cour, le chambellan, le barde de la cour, le silenciaire, le préfet des chasseurs, le médecin, l’échanson, le préposé des portes, le cuisinier, le dispensateur, et sept autres officiers de la reine.
Les offices ordinaires étaient ceux de l’écuyer des mors, du porte-pied du brenin, du régisseur de ses colons (maer), de l’appariteur, du forgeron de la cour, du préposé aux bois d’approvisionnement, du boulanger, de la sentinelle de nuit et des portiers.
[128] Si alicui ex domesticis rex succenseat, illumque a se discedere jubeat, præfectus palatii illum ad mensam suam invitabit regique ilium conciliabit. (Leg. Wall., L. I, c. 12, § 13, p. 16.)
[129] Episcopus neminem ad capellas regias præsentabit, inconsulto rege : hoc enim sacerdotis regii officium. (Leg. Wall., L. I, c. 13, § 18, p. 19.)
[130] Thesaurum regium ille custodiet ; pocula nempe, et cornua, et annulos ejus, etc. (Leg. Wall., L. I, c. 18, § 10, p. 34.)
[131] Houard, Traité sur les coutumes des Anglo-Normands, T. I, p. 78. V. à suite de notre Avant-propos l’opinion de Philipps sur la communauté d’origine des institutions bretonnes et germaines.
[132] Leg. Wall., L. II, c. 29, et L. II, c. 5.
[133] § 1. Principi designato, qui debet regi succedere in regno, summus honor habetur post regem et reginam.
§ 2. Regis autem filius, vel frater, vel ex fratre nepos erit.
(Leg. Wall., L. I, c. 9, p.12.)
[134] Hospitabatur in aula ephebis nobilibus comitatus. (Ibid., § 4.)
[135] Cædes ejus æstimabitur mente cædis regiæ (§ 10, p. 13) ... Pabulum (ebran) præbebitur equis ejus sine mensura. Pretium canum ejus idem ac regiorum. (Ibid., § 12.)
[136] Princeps designatus... dignitate hac fruetur, dum terras acceperit, et postea pro statu terrarum status ejus æstimabitur, excepto quad si terra, qua donaretur, fuerit servilis, ex illo tempore erit libera. (Ibid., § 13.)
[137] Ibid., Leg. Wall., p. 71, 172, 173, 325, 340, 389.