LA DAME DE BEAUTÉ : AGNÈS SOREL

 

III. — LA DAME DE BEAUTÉ.

 

 

Madamoyselle de Beaulté, comme on appelait officiellement Agnès Sorel du nom de la première seigneurerie qu'elle obtint du roi, Beauté-sur-Marne, était aussi la beauté elle-même, suivant le jeu de mots que l'on fit à son sujet ; mais Agnès est très mal connue[1].

Un jeune écuyer bourguignon, Olivier de la Marche, qui vint en France au temps de son élévation, après l'avoir vue, a écrit : Certes c'estoit une des plus belles femmes que je veiz oncques[2]. Tel est le sentiment du chroniqueur qui a recueilli les souvenirs d'Antoine de Chabannes, très en faveur auprès du dauphin, et qui était lui aussi à la cour : La plus belle femme jeune qui feust en icelluy temps possible de veoir[3]. Quant au pudique, et trop complaisant chroniqueur de Saint-Denis, confident peut-être du roi Charles VII, qui fera l'apologie de la favorite après sa mort, il a écrit : Entre les belles, c'estoit la plus jeune, et la plus belle du monde[4]. Le nom de Beauté n'est donc pas qu'un jeu de mots, dont le continuateur de Monstrelet rend parfaitement compte : Et comme entre les belles estoit tenue pour la plus belle du monde, fut appelée damoyselle de Beauté, tant pour ceste cause que pour ce que le roy luy avait donné à sa vie la maison de Beaulté lez Paris[5].

C'était bien le château le plus bel et jolis et le mieulx assis qui fust en toute l'Isle de France, au témoignage du Journal d'un bourgeois de Paris[6].

Beauté-sur-Marne était ce petit parc, entouré de murailles, s'étendant de la porte du bois de Vincennes vers Saint-Maur, dont Eustache Deschamps a célébré le charme[7] :

Sur tous les lieux plaisants et agreables

Que l'en pourroit en ce monde trouver,

Edifiez de manoirs convenables,

Gais et jolis, pour vivre et demourer

Joieusement, puis devant tous prouver

Que c'est a la fin du bois

De Vincennes, que fist faire li roys

Charles — que Dieux doint paix, joie et santé ! —

Son filz ainsné, daulphin de Viennois,

Donna le nom a ce lieu de Beauté.

Et c'est bien drois, car moult est delectables ;

L'en y oit bien le rossignol chanter ;

Marne l'ensaint, les haulz bois profitables

Du noble parc puet l'en veoir branler,

Courre les dains, et les connins aler

En pasture mainte fois,

Des oiselez oïr les douces voix,

En la saison et ou printemps d'esté,

Ou gentil may, qui est si noble mois :

Donna le nom a ce lieu de Beauté.

Les prez sont pres, les jardins deduisables,

Les beaus preaulx, fontenis bel et clere,

Vignes aussi et les terres arables,

Moulins tournans, beaus plains a regarder,

Et beaus sauvoirs pour les poissons garder ;

Galatas grans et adrois,

Et belle tour qui garde les destrois,

Ou l'en se puet retraire a sauveté ;

Pour tous ces poins, li doulz princes courtois

Donna le nom a ce lieu de Beauté.

Il est difficile de juger aujourd'hui de l'agrément de ce petit manoir, édifié à flanc de coteau, dominant la boucle de la Marne, à l'orée de la forêt de Vincennes[8]. Le roi Charles V l'avait fait édifier pour fuir la résidence solennelle de Vincennes, la grande maison royale et cité fortifiée. Le château de Beauté se composait d'un petit logis et surtout d'une tour carrée[9] à trois étages, avec des chambres plaisantes où le sage roi Charles V eut ses livres. Souvent il était venu s'y reposer ; là, il s'était endormi saintement dans la contemplation du mystère de la couronne du sacre et du devoir accompli envers Dieu et envers les hommes. Un moulin sur la Marne y était attenant[10] ; il mettait une note gaie et vivante dans cette agréable solitude. Mais nous ne savons guère ce qu'en pensait la dame de Beauté, quand elle y résida, et même si elle y prit un autre plaisir qu'à l'équivoque du nom qui lui allait, paraît-il, si bien, et dont tant de flatteurs, de son vivant et après sa mort, abusèrent. Comme de telle autre châtellenie, elle en touchait du moins les revenus. Le vulgaire l'appelait la belle Agnès, même ceux qui la méprisèrent, comme l'évêque Thomas Basin, qui ce jour-là était d'accord avec le dauphin Louis : une assez jolie garce que le vulgaire nommait la belle Agnès[11].

Une quittance du 12 février 1449, conservant la trace des nombreuses faveurs de damoiselle Agnès Sorelle, dame de Beauté[12], lui attribue également la seigneurie de La Roquecezière[13], en Rouergue, qui représentait une rente de 226 livres 13 sous, mais appartenait encore à Monseigneur de Vendôme[14] : Nous, Agnès Sorelle, dame de Beaulté et de Roquecesière, tels sont les titres qu'elle a pris dans une autre quittance donnée en 1448, et qu'elle a signée d'une écriture vraiment déliée et jolie[15]. Et nous savons que Mademoiselle de Beauté reçut encore la châtellenie d'Issoudun en Berry. Plus tard Agnès touchera les revenus des seigneuries de Vernon et d'Anneville, outre sa pension de 300 livres[16].

Telles sont les marques tangibles d'une faveur dont on n'aurait pu citer jusque là aucun autre exemple concernant une fille d'honneur.

Il faut le reconnaître, suivant la forte expression de Chastellain, chroniqueur bourguignon qui n'était pas un ennemi de la maison de France, le roi Charles était durement assotté par cette femme[17]. Les marques de la faveur royale, le changement reconnu dans les allures du roi le montrent assez, en dépit des précautions prises pour sauver les apparences. Pendant cinq ans, Agnès devait rester dans la maison de la reine, qui la toléra, nous apprend encore Chastellain[18], qui l'a vue et connue, pour paix avoir et obtenir son estat. Le scandale évident, c'est que Mademoiselle de Beauté tenait dans sa suite le rang d'une princesse, qu'on la parera plus tard du titre de duchesse, et qu'elle eut, dans la maison même de la souveraine, une suite plus brillante et plus nombreuse que la sienne.

Quelle était cette femme qui transforma en apparence le roi, et dont il avait un tel besoin que, suivant les mots d'Æneas Sylvius à table, au lit, au conseil, elle est toujours auprès de lui ?

Autant que nous pouvons le savoir, Agnès Sorel n'était pas originaire du centre de la France, comme la tradition l'affirme, du Berry à la Touraine[19]. Elle serait descendue de l'Oise, de la Picardie, au témoignage de Jacques du Clercq, habitant d'Arras, et fort bien renseigné sur ce qui concerne cette région : Il (Charles VII) s'accointa d'une josne femme venue de petit lieu d'envers Trort, nommée Agnès, laquelle depuis fust appellée la Belle Agnès[20]. Trort doit être identifié avec Thorote[21], près de Coudun, dans la région de Compiègne. Son père était en effet Jean Sorel, seigneur de Coudun[22], serviteur du comte de Clermont. Sa mère Catherine était une Maignelay[23], nom porté par une famille de cette région qui donna de bons défenseurs au roi, originaire d'un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Compiègne. Les Sorel d'Ugny, qui n'ont jamais quitté le comté de Clermont, conservaient au XVIe siècle la tradition d'une parenté avec la famille d'Agnès Sorel[24]. Froitmantel, dont Agnès Sorel était peut-être originaire, est un lieu dit, près du bois de Méréaucourt, commune de Feuillères, canton de Péronne[25]. Un oncle d'Agnès Sorel, religieux, résidait dans la région de Soissons[26]. Il y a là un ensemble de notions cohérentes contredisant cette tradition de folklore qui place tour à tour en Berry et dans la Brenne le berceau d'Agnès. La terre de Fromenteau[27] n'a été acquise que plus tard par les chanoines de la Collégiale de Notre-Dame de Loches avec l'argent provenant de la succession d'Agnès ; le fait même de cette acquisition démontre qu'Agnès n'a jamais été dame de Fromenteau, comme les historiens Berrichons le répètent à la suite de Gaspard Thomas de la Thau-massière[28]. Le nom de Froidmantel aida seulement à la confusion. Agnès Sorel n'est pas la fille de la Brenne : sur les tristes étangs solitaires flotte seulement le brouillard d'une légende ; et elle n'a pas vu le jour dans la riante et douce Touraine. Elle est la fille d'une terre plus forte, plus âpre et réaliste. Il y a lieu seulement de croire que ses parents vinrent dans le centre de la France vivre près de la cour, après l'élévation de la favorite.

Presque dans le même temps qu'Agnès nous verrons en effet les siens[29] prendre rang dans la maison du roi. Charles et Jean, frères d'Agnès, étaient en 1446 attachés à l'hôtel ; deux autres frères de la demoiselle de Beauté, André et Louis, furent simplement hommes d'armes de la garde. L'illustration de la famille demeurait évidemment Geoffroy Soreau, oncle d'Agnès, resté au pays, qui devint en 1447 administrateur de l'abbaye de Saint-Crépin de Soissons, puis évêque de Nîmes en 1450[30].

Mais Agnès n'était pas que jeune et belle. Celle qui sut changer les habitudes du roi se montra intelligente. La seule signature que nous possédions d'elle indique une personne cultivée. Et nous savons que sur son livre de prières elle avait écrit de sa main les vers célèbres de saint Bernard sur la mort[31]. Le fait n'est pas tellement commun, surtout chez les femmes de ce temps, qu'il ne doive être signalé.

Pieuse, douce, jamais on n'avait observé dans sa bouche ni dans un de ses gestes rien de répréhensible. En somme dans la maison familiale de la reine, Agnès sut tenir sa place. Si Marie d'Anjou souffrit dans son cœur[32], jamais elle n'eut sans doute sujet de la reprendre. Les convenances furent respectées. Le roi voyait Agnès dans la maison de la reine, au milieu des dames et des filles d'honneur, ou bien, il affectait de la recevoir en présence de témoins[33]. C'était là une simple convention d'ailleurs. De leurs sentiments, de son péché, de leur péché, lui et elle eurent conscience, comme le montrent l'offrande de la Madeleine à la Collégiale de Notre-Dame de Loches, les œuvres pies d'Agnès, ses fondations, et, comme on le verra, la fin du roi. Mais Agnès l'aimait ; elle l'avait transformé. L'homme de quarante ans, plein de timidité, de religion, de scrupules, était devenu près de la belle et vivante Agnès un autre Charles, mondain, hardi et galant.

Ce qui distinguait Agnès Sorel entre toutes les femmes de la cour et de la maison de Marie d'Anjou, était un train vraiment royal. Elle avait, nous dit Chastellain[34], tous estats et services royaux. Mais Agnès ne se contentait pas des services. Il lui fallait le beau, l'exquis. C'est pourquoi elle se montrait généreuse envers ses fournisseurs, comme elle était libérale envers les religieux et les pauvres. Cela devait paraître bien surprenant dans la maison conventuelle, dans la pouponnière qu'était la maison de Marie d'Anjou. Chastellain, qui l'a bien observée, nous dit d'Agnès : elle avait plus beaux paremens de lit, meilleure tapisserie, meilleur linge et couvertures, meilleure vaisselle, meilleures bagues et joyaux, meilleure cuisine, et meilleur tout. Nous savons par ailleurs qu'Agnès Sorel savait administrer, qu'un même règlement avait été donné par elle à ses nombreuses châtellenies[35].

Agnès est la première manifestation du luxe dans la maison de famille du roi de France, le premier sourire jeune et hardi dans la fête rustique qui si longtemps suffit à la cour. Elle eut des bijoux, et nombreux, que Charles VII racheta à sa mort pour la somme de vingt mille six cents écus[36]. La première, elle posséda des diamants taillés[37]. Plus encore que la jeune dauphine qui venait de disparaître, Agnès eut le goût des grands et excessifs atours. Elle porta des robes faites de riches étoffes et garnies de fourrure de martres. Elle fut la meilleure des clientes de Jacques Cœur[38], le tentateur, qui possédait dans sa maison de Bourges une collection de soies d'Orient de toutes les couleurs, des fourrures rares, des draps d'or surprenants, importés de ses comptoirs d'Egypte. Jean Chartier, le chroniqueur de Saint-Denis, parle de la tenue jolie des robes, fourrures, colliers d'or et de pierreries d'Agnès[39]. Chastellain précise que son état était non seulement celui des grandes princesses, mais que, dans toute la chrétienté, il n'y avait pas de femme si hautement parée, et qui pût se vanter d'un tel luxe[40]. Agnès portait entre autres des traînes, que l'on nommait des queues, plus longues que celles d'aucune grande dame du royaume. Ses atours étaient plus brillants, ses robes plus coûteuses. Mais surtout Agnès commença à découvrir ses épaules et sa gorge, qu'elle avait belles, d'une façon qui parut des plus inconvenantes.

Je crois bien que le fait de se décolleter et de montrer sa poitrine causa plus de tort à Agnès que le mauvais exemple d'une vie privée qui était généralement assez cachée. La gorge, cela se vit, surprit, et déchaîna contre elle la censure des moralistes. Chastellain parle des cent mille murmures qui s'élevaient contre elle, et non moins contre le roi, quand on voyait les parures et l'état princier d'Agnès. Elle a découvert ses seins et ses épaules de la façon la plus libre. Et le chroniqueur bourguignon de conclure durement : De tout ce qui à ribaudise et dissolution pouvoit traire en fait d'habillement, de cela fut elle produiseresse et inventeresse. Agnès a donné par là cours au dévergondage le plus éhonté parmi les hommes comme parmi les femmes. Le chroniqueur dénonce l'entraînement dangereux pour autrui : N'estudioit qu'en vanité jour et nuit, pour desvoyer gens et pour faire et donner exemple aux preudes femmes de perdition d'honneur, de vergogne et de bonnes mœurs. Chastellain affirme que nulle ne s'y entendait mieux qu'Agnès. Tout le souverain sexe en ressentit la corruption. Admirable conclusion de Georges Chastellain, écuyer, héraldiste, chroniqueur, si indulgent, émerveillé et grandiloquent, quand il nous décrit les fastes des chevaliers dans leurs tournois et leurs banquets. Mais Agnès en découvrant sa gorge et ses épaules a perdu l'humanité !

Il faut le dire, Chastellain traduisait le sentiment général des Français en un temps où la parure de la femme demeurait sa modestie.

Quand nous lisons le livre que le chevalier de la Tour Landry dicta à la fin du XIVe siècle pour l'éducation de ses filles, on voit combien les nouveautés vestimentaires et les recherches de beauté d'Agnès Sorel durent paraître choquantes. C'est lui qui nous a fait le conte de la femme du chevalier[41] dont un démon dans l'enfer perçait les yeux et le crâne parce qu'elle avait épilé ses sourcils et les cheveux de son front pour qu'il parût plus grand (ainsi nous voyons Agnès sur ses portraits). Et le chevalier de la Tour Landry a cité l'exemple de la dame qui avait eu une trop nombreuse garde-robe : au jour du Jugement, l'archange Michel posa dans la balance ses robes dont le poids la voua à la damnation éternelle. Car une honnête femme doit avoir une robe longue, deux courtes et deux cottes. Quel scandale de posséder tant de robes, alors que les pauvres gens n'en ont qu'une pendant leur vie, et qu'ils lèguent dans leur testament ! Je ne parle pas des fards, des peintures sur le visage, qui semblaient au chevalier de la Tour Landry quelque chose de si monstrueux, de bestial, éloignant le visage humain de son divin modèle. La femme doit être soumission, résignation, effacement. Le baiser lui-même semblait un péché défendu.

Ces reproches, nous les retrouverons dans le discours que l'évêque Jean Jouvenel des Ursins composa plus tard sur la charge de chancelier[42] : Que le roy, en son hostel mesmes, il mist remesde tant en ouvertures de par devant, par lesquelles on voit les tetins, tettes et seing des femmes, et les grans queues fourrées, chesnes et aultres choses. Car elles sont trop desplaisans à Dieu et au monde. Et que en son hostel et celluy de la royne et de ses enffans ne souffrist hommes ou femmes diffamez de puterye et ribaudie et de tous aultres peschez. Car par les souffrir on a veu trop de inconveniens advenir et de punicions divines. J'ay veu des robes de l'ayeule du roy qui ne traynoient point derrière ung piet. On voit que les robes longues ont paru en un temps fort scandaleuses, ou du moins d'un luxe bien inutile et offensant.

Un autre passage de l'Epitre sur la Réformation du royaume de Jouvenel des Ursins est plus significatif encore[43]. Le prélat osera le dire au roi. Se montrer libéral, donner, certes cela est bien. Mais appliquer à autre chose l'impôt destiné à la guerre n'est ni consciencieux, ni honorable. Et Jouvenel reprochait précisément à son roi les dépenses faites après les trêves, les joutes qui furent de nul profit (Charles cependant y manifesta la confiance retrouvée en lui-même), les états des dames et des demoiselles, les robes, les joyaux, toutes les dépenses qu'il a fallu faire, et qui n'étaient pas d'utilité publique. Elles n'ont profité qu'aux marchands qui vendent six écus ce qui leur coûte un écu ou deux, tant en draps de soie, qu'en martres et fourrures : Quelles pompes y a il en queues et cornes, en chesnes d'or, pierres et aultres habillemens, qui sont desplaisans à Dieu et au monde ! Et ne cesse point, mais croit de jour en jour. Et ne scay que vous, qui avés sens et entendement, ne doubtez que Dieu se courrouce à vous de souffrir telles superfluitez et tellement que il n'y a damoiselle ou bourgoise qui ne se mes-congnoisse, et qui ne veuille avoir grans estas : et par ce moyen se wide une grant partie de l'or et argent de ce royaume. Car tous les habillemens, exceptez draps de leine, viennent hors du royaume. Revoyez les ordonnances anciennes : ces pompes se font aux dépens du pauvre peuple. Et doubte que ce ne soit de l'argent des aides, qui seroit grant peschié et mal fait. Car l'impôt exceptionnel des aides devait être employé exclusivement pour les besoins de la guerre et de l'armée. Le censeur ajoutait : si les gens de cour n'avaient pas ces états, ils vivraient sur leurs domaines, en les faisant valoir, comme font les pauvres gentilshommes, gens d'Eglise et laboureurs. Dames et demoiselles, ce n'est qu'Oisiveté, mère de tous les vices, qui les pousse à de telles vanités ! Et les autres, qui ne reçoivent pas d'états (celles qui ne sont pas pensionnées) voudront en faire autant ! Pour les entretenir, il leur faudra vendre héritage et rentes. Puisque les prières du peuple avaient été jusqu'à présent inutiles, Jean Jouvenel devenait menaçant : Vous vous attirerez la haine, disait-il au roi, si vous ne mettez pas un terme aux états (pensions). Une femme est d'autant plus belle qu'elle est plus simple. Celles-là qui portent de pesants hennins et des traînes, ce sont de vieilles mules que l'on pare pour la vente ! Elles montrent le tétin pour exciter les compagnons, pour mieux se vendre. Alors Jouvenel disait au roi que Dieu le punirait de cela, lui et son peuple.

On voit que la question posée par le luxe d'Agnès Sorel n'est pas sans gravité. La demoiselle de Beauté avait cru par ses aumônes, par ses générosités envers les pauvres et les églises, se concilier le clergé[44]. Le moraliste Jouvenel se retournait contre cette reine des nouveautés, des marchands, du luxe. Et Chastellain[45] n'a pas craint d'écrire que Charles VII fut perdu par elle, alors que nous pensons qu'elle lui a donné confiance et vigueur.

 

 

 



[1] Voir la notice IV : Agnès Sorel devant l'histoire.

[2] Olivier de la Marche, II, p. 55.

[3] Chronique Martiniane, éd. Pierre Champion, p. 97.

[4] II, p. 183 : une damoiselle nommée la belle Agnès (Ibid., II, p. 181).

[5] Ed. de 1586, t. III, fol. 25.

[6] Journal d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p. 388.

[7] Œuvres complètes d'Eustache Deschamps, éd. Queux de Saint-Hilaire, I, p. 155-156.

[8] Le plan de 1731 indique la clôture du parc de Beauté et la place des fondations du manoir (Arch. Nat., NI Seine, 59).

[9] Edifiée en 1373, nous ne possédons plus qu'une vue de la ruine par Chastillon du début du XVIIe siècle. La tour était entièrement ruinée au XVIIIe siècle et l'abbé Lebœuf, en 1750, n'a vu que les souterrains marquant son emplacement.

[10] Il est déjà question du moulin de Beauté en 1206.

[11] Voir pièces justificatives.

[12] Delort, Charles VII et Agnès Sorel, p. 173. Pièces justificatives.

[13] Aveyron, Commune Laval-Roquecezière.

[14] Bibl. Nat. P. orig., 2716, Sorel. Pièces justificatives.

[15] Bibl. Nat., N. acq. fr. 717. Voir le fac-similé.

[16] Voir les documents réunis par Vallet de Viriville dans la Bibl. de l'Ecole des Chartes, t. XI, p. 314-315.

[17] IV, p. 365.

[18] Georges Chastellain arriva en France au mois d'octobre 1446, chargé d'une mission pour le duc de Bourgogne (G. Du Fresne de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. IV, p. 200).

[19] Voir les notices I et IV.

[20] Jacques du Clercq, éd. de Reiffenberg, t. III, p. 141.

[21] L. Graves, Précis statistique sur le canton de Ribécourt, arr. de Compiègne, Oise. L'ancien château de Thourotte était sur une motte et les seigneurs commandaient le pont sur l'Oise.

[22] L. Graves, Précis statistique sur le canton de Ressons-sur-Matz.

[23] L. Graves, Précis statistique sur le canton de Maignelay, arrondissement de Clermont, Oise.

[24] Emile Roy, La vie et les œuvres de Charles Sorel, sieur de Souvigny, (1602-1674). Paris, 1891, p. 424.

[25] Peigné-Delacourt, Agnès Sorel était-elle Tourangelle ou Picarde ? Noyon, 1861.

[26] Sur Geoffroy Soreau, voir les observations de Vallet de Viriville, Bibl. de l'Ecole des Chartes, t. XI, p. 298-300.

[27] Fromenteau est une commune dépendant de Villiers-en-Brenne (Indre), ancien -fief qui relevait de Chatillon-sur-Indre. En 1408, cette terre appartenait à Geoffroy de la Celle; en 1452, à Hector de la Jaille qui la vendit à l'église collégiale de Loches (Gaignières, 678; Arch. d'Indre-et-Loire, C. 603). Cf. Carré de Busserolles.

[28] Histoire du Berry, p. 91. L'auteur était né à Sancerre eh 1621 et mourut à Bourges en 1702. Elle s'appelloit Aghès Seurelle ou Sorelle, prit naissance au village de Fromenteau en Touraine, et non en celuy des Ygonières, paroisse d'Orcay près Vierzon, comme le veut la tradition du païs. La Thaumassière parle du don d'un appartement que Charles VII lui aurait fait au château de Loches et dans son palais à Bourges où il la voyait en secret, en la tour qui est encore appelée la Tour de la belle Agnès. Pour les tours d'Agnès, on voit que le choix est abondant.

[29] La généalogie des Sorel donnée par le père Anselme, t. VIII, p. 701, paraît assez suspecte.

[30] Anselme, t. VIII, p. 701 ; Gallia Christiana, t. IX, p. 402.

[31] Jean Chartier, t. II, p. 184-185.

[32] Voir cependant la scène rapportée par Æneas Sylvius. Pièces justificatives.

[33] Jean Chartier, II, p. 182.

[34] IV, p. 365.

[35] Inscriptions funéraires du tombeau de Loches.

[36] Vallet de Viriville, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XI, p. 307.

[37] Du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. IV, p. 174.

[38] Sur les fourrures d'Agnès, dont plusieurs furent engagées à Londres par Guillaume de Varye, alors facteur de Jacques Cœur, voir Bibl. de l'Ecole des Chartes, t. XI, p. 309-311.

[39] Jean Chartier, II, p. 181.

[40] IV, 365.

[41] Le Livre du chevalier de la Tour Landry pour l'enseignement de ses filles, éd. A. de Montaiglon. Paris, 1854, p. 109.

[42] Bibl. Nat., ms. fr. 2701, fol. 55 V.,

[43] Bibl. Nat., ms. fr. 2701, fol. 98 v°, 99.

[44] Sur les fondations d'Agnès, Bibl. de l'Ecole des Chartes, t. XI, p. 325 et Pièces justificatives.

[45] IV, 367.