ESSAI SUR LE RÈGNE DE TRAJAN

 

CHAPITRE III. — GUERRES DACIQUES.

 

 

§ 1. — Origine des Daces[1].

 

Ptolémée[2] nomme Dacie le pays compris entre le Temes ou la Theiss[3], les Carpathes, le Pruth[4] et le Danube. Ces limites sont celles de la contrée occupée au premier siècle par le peuple Dace. Nous verrons plus loin que la province conquise et organisée par Trajan fut beaucoup moins étendue.

L'ethnologie offre peu de problèmes aussi difficiles que les questions relatives à l'origine des Daces, et à la place qui doit leur être assignée dans les races connues. Que les Daces et les Gètes fussent le même peuple, on n'en peut douter devant l'accord des auteurs anciens à cet égard[5]. Mais qu'étaient les Gètes ? L'opinion de Grimm, qui en faisait des Germains, est abandonnée aujourd'hui[6]. Les auteurs qui voulaient rattacher les Gètes au rameau celtique ont été également réfutés[7]. Müllenhof, essayant par la philologie de démontrer leur origine slave[8], s'est peut-être moins écarté de la vraisemblance[9], mais ce n'est encore qu'une conjecture, à cause du petit nombre de mots dont on dispose pour classer l'idiome gétique.

Ce n'est pas que nous ne connaissions une partie assez considérable de son vocabulaire : malheureusement, les mots qui nous en ont été conservés ne peuvent guère être utilisés. Ils sont au nombre de 144, et se décomposent ainsi : 24 noms patronymiques, 15 noms de peuples, 48 noms de villes — dont 21 terminés en dava —, 12 noms de fleuves, 3 noms de montagnes. Puis, d'autre part, 32 noms de plantes recueillis par Dioscoride et 17 par le faux Apulée. Sept noms sont communs aux deux listes, ce qui réduit à 42 le nombre des mots connus de ce côté. Or aucun de ces 144 noms ne jette de jour sur le caractère générique de la langue[10].

Il faut donc nous borner ici à ce que nous ont appris les anciens, à savoir que les Gètes étaient un peuple thrace[11], parlant la même langue que les autres nations de ce groupe[12].

D'ailleurs, la religion des Gètes ou Daces nous ramène, par une autre voie, aux Thraces. Les Thraces, dit Hérodote, n'adorent qu'Artémis, Arès et Dionysos[13]. L'Artémis thrace, Cotys ou Cotyto, se retrouve dans le nom propre Cotys. — La forme dacique est Cotiso. — Arès était vénéré chez les Gètes[14]. Enfin le culte de Zamolxis[15] nous reporte au Dionysos thraco-phrygien Sabazius. Les sacrifices humains périodiquement offerts à la divinité gétique[16] rappellent en effet les cruelles immolations accomplies en l'honneur de Dionysos Omestès[17], lesquelles se perpétuèrent sous le nom d'omophagies[18]. La retraite temporaire de Zamolxis dans une caverne fait pendant à la descente de Dionysos aux enfers. Le banquet sans fin des bienheureux, promis à la convoitise des Gètes, est l'équivalent des joies qu'espéraient après la mort les initiés aux mystères dionysiaques, et qui sont décrites dans des inscriptions funéraires trouvées dans la Thrace même[19].

Les anciens avaient confusément senti ces rapports. Pour les expliquer, ils admettaient que Zamolxis, esclave de Pythagore, avait reçu communication de la doctrine de celui-ci, et qu'il était allé chercher en Égypte un complément d'instruction[20]. Car il ne faut pas oublier l'identité, signalée par Hérodote[21], des doctrines pythagoriciennes, égyptiennes, orphiques et dionysiaques. Les affinités lointaines de la religion des Gètes et de l'orphisme avaient fait attribuer au même peuple une pureté de mœurs toute particulière[22] contraire aux faits comme l'a remarqué Strabon[23].

Ce qui est vrai c'est que la religion de Zamolxis est au fond celle de Dionysos[24] non pas épurée, mais gardant au contraire la grossièreté et la férocité primitives. Seulement, comme les Gètes l'avaient ardemment embrassée, elle pénétra dans la vie quotidienne et l'organisation sociale de la nation beaucoup plus profondément que chez les autres Thraces. La croyance à l'immortalité y fut si générale et si vive, qu'elle caractérisa les Gètes aux yeux des anciens[25] ; il est même bien remarquable que dans le sacrifice quinquennal à Zamolxis, ceux qui ne pouvaient mourir fussent regardés comme des criminels[26] : les Dieux, en refusant de les accueillir, paraissaient les frapper de réprobation. Stimulés par une telle idée, les Gètes, dans les batailles, devaient non-seulement braver la mort, mais s'en éprendre, et la rechercher avec cette passion furieuse que l'on a signalée chez les combattants gaulois et scandinaves, animés d'une foi semblable[27]. Aussi Hérodote les nomme-t-il les plus braves des Thraces[28] et Trajan, dans les Césars de Julien[29], cite la religion de Zamolxis comme un des plus grands obstacles qu'il ait rencontrés dans ses campagnes, en raison de l'intrépidité qu'y puisaient les Daces.

Chez ce peuple éminemment religieux, le sacerdoce se constitua fortement et prit dans l'État une place considérable, plus grande peut-être que chez les nations civilisées contemporaines. Ainsi à dater de la réforme de Zamolxis[30], c'est-à-dire dès une époque extrêmement ancienne, le roi ou chef temporel fut toujours assisté d'un grand prêtre qui recevait presque autant d'honneurs que le Dieu dont il interprétait les volontés[31]. Ce trait remarquable de l'état social des Gètes a été relevé par les anciens et transmis par eux d'une façon irrécusable. Malheureusement, si l'on y joint quelques faits rapportés par Hérodote sur la religion de Zamolxis, et la mention de la polygamie des Gètes dans Strabon, on aura groupé tous les renseignements positifs que l'on possède sur ce peuple célèbre[32].

Au cinquième siècle avant notre ère, les Gètes occupaient encore la rive droite du Danube, près de son embouchure. On ignore à quel moment ils remontèrent le fleuve et le franchirent. A l'époque d'Alexandre, ils occupaient déjà le pays dont Trajan fit la conquête, car c'est après avoir vaincu les Triballes au bord de l'Isker, entre la Serbie et la Bulgarie, que le roi de Macédoine les attaqua[33].

 

§ 2. — Rapports entre les Romains et les Daces jusqu'à Trajan.

 

C'est en 76 av. J.-C. que les légions romaines se heurtèrent pour la première fois contre ce peuple. Le consul C. Scribonius Curio vainquit les Dardaniens et pénétra jusqu'aux frontières de la Dacie, mais il recula devant la profondeur des forêts qui défendaient le pays[34].

Les Daces formaient un grand nombre de tribus toujours en guerre les unes contre les autres. Pendant la dictature de Jules César, Bœrebistas, chef de l'une d'elles, les rassembla toutes en un seul corps de peuple. Il trouva dans la religion un puissant auxiliaire et un moyen de concentration incomparable. Le prêtre de Zamolxis placé à cette époque à la tête du sacerdoce, Decænus, consentit à servir les desseins de Bœrebistas, et celui-ci parvint à imposer à ses sujets la sobriété et la discipline[35]. Les vignes furent arrachées : les Daces apprirent à se passer de vin, et l'ivresse, plus fatale à ces peuples que les armes romaines, disparut de leurs mœurs. On vit alors combien était fondée l'opinion déjà répandue au temps d'Hérodote que les Thraces, s'ils étaient unis, seraient invincibles, tant se montra redoutable la puissance des Daces dès qu'ils firent trêve à leurs dissensions. Par la consécration religieuse de son autorité temporelle, par ses relations habituelles avec le ministre du Dieu suprême de la nation, Bœrebistas obtint de celle-ci une confiance aveugle et sans limites, le plus puissant élément du succès militaire. Il commença par exterminer les peuplades gauloises qui occupaient encore plusieurs points dans le bassin du Danube ; puis, poussant à l'Est, il soumit les côtes de la mer Noire jusqu'à Apollonie et saccagea les villes grecques de cette région[36]. Au sud, enfin, traversant le Danube à la tête de deux cent mille soldats, il fit trembler les Romains dans la Thrace, la Macédoine et l'Illyrie. Ces vastes et rapides conquêtes, dont un enthousiasme à la fois militaire et religieux avait suscité et soutenait l'essor, ont été assez justement comparées aux débuts de l'Islam[37] : mais cette ébauche de khalifat n'eut qu'une durée éphémère : les Daces, dont Bœrebistas réprimait les penchants invétérés, se lassèrent vite de sacrifices faits à la gloire, ou en vue de réformes dont ils ne comprenaient ni le dessein ni la portée. Bœrebistas périt dans une sédition, au moment même où César était frappé au milieu des préparatifs d'une expédition contre le redoutable chef des Daces[38]. Ceux-ci se désunirent bien vite quand ils ne sentirent plus la main puissante qui les avait entraînés dans une action commune : à la faveur de cette désunion, les Iazyges, peuple sarmate, s'emparèrent des plaines fertiles que possédaient les Daces et confinèrent alors ces derniers dans les montagnes de la Transylvanie[39].

Leur puissance militaire, tout amoindrie qu'elle était, demeurait redoutable pour Rome, à cause de l'éventualité toujours menaçante d'une alliance entre les Daces et les Germains. Octave, ne perdant pas de vue le dessein de Jules César, voulut conquérir en Pannonie un poste qui lui servît de base d'opérations dans les campagnes qu'il projetait contre les Daces ; il s'empara de Ségeste, sur la Save, et y laissa une garnison de vingt-cinq cohortes[40].

Dans la guerre civile, les Daces prirent parti pour Antoine[41], et bien qu'ils ne lui eussent fourni qu'un petit nombre d'auxiliaires[42], ils inspirèrent à Rome une frayeur dont l'écho est resté dans les vers de Virgile et d'Horace[43]. Sous le quatrième consulat d'Auguste (724 R = 30 av. J.-C.), Marcus Crassus, le fils du triumvir, remporta quelques succès sur les Daces et les Bastarnes[44], mais il ne fit aucune conquête au-delà du fleuve. Vingt ans après, il fallut songer à la sécurité des frontières, sérieusement compromise. Les barbares, sous la conduite du roi Cotiso, avaient franchi le Danube sur la glace et pillé les provinces ; Lentulus les défit[45] et l'empereur éleva sur la rive romaine quelques ouvrages militaires[46] ; mais le péril et la fréquence des invasions ne diminuèrent pas. Jusque vers la fin du premier siècle, les expéditions romaines contre les Daces furent habituellement heureuses, sans procurer à l'empire autre chose qu'une tranquillité passagère. A plusieurs reprises, on transporta en masse, sur la rive droite, la partie la plus remuante de la population barbare[47], et malgré ces mesures, on eut à craindre, au milieu de la guerre civile qui précéda l'avènement de Vespasien, qu'une nouvelle invasion ne s'ajoutât aux malheurs qui désolaient l'univers civilisé[48].

Comme l'a remarqué Tacite, les divisions des barbares étaient un bienfait pour l'empire ; dès qu'un Mat puissant se formait aux frontières, la fortune de Rome était en péril. Les Daces devinrent sous Domitien plus redoutables que jamais. Duras[49], leur roi, reconnut les qualités éminentes de Décébale[50] et lui céda généreusement la souveraineté. Le nouveau chef barbare était, de l'aveu des Romains eux-mêmes, un génie militaire de premier ordre. Il comprenait, dit Dion[51], la science de la guerre et il en possédait la pratique. Il savait attaquer et se retirer à propos, dresser des embuscades et combattre à force ouverte, profiter de la victoire aussi bien que réparer une défaite. Aux vertus guerrières de son peuple, il résolut de joindre la science romaine. Il attira les transfuges, apprit à élever des retranchements, à construire des machines de guerre. Quand il se vit à la tête d'une armée bien disciplinée et bien instruite, il se jeta sur la Mésie. Le gouverneur Oppius Sabinus fut tué[52], les forteresses tombèrent au pouvoir des Daces et le pays fut mis au pillage.

Domitien fit rassembler en toute hâte les légions de Pannonie, et chargea de la conduite de la guerre son préfet du prétoire, Cornelius Fuscus. Les Marcomans promirent de seconder les armes romaines, Fuscus franchit le Danube sur un pont de bateaux et pénétra courageusement chez les Daces ; mais les Marcomans violèrent leurs promesses et n'envoyèrent aucun secours. Engagé avec des forces insuffisantes dans un pays inconnu, le général romain livra une bataille funeste dans laquelle il périt : les légions laissèrent aux mains de l'ennemi un grand nombre de prisonniers, leurs bagages, leurs machines de guerre et une aigle, que Trajan retrouva plus tard et rapporta à Rome[53].

Satisfait d'un succès aussi brillant et du butin considérable qu'il avait recueilli, Décébale fit des propositions pour la paix. Domitien les repoussa et voulut continuer immédiatement la guerre. On ne peut blâmer cette résolution énergique, inspirée par l'honneur du nom romain ; mais il fallait porter sur la Dacie toutes les forces dont on disposait et l'empereur les divisa de la façon la plus maladroite en organisant deux expéditions simultanées, l'une contre les Daces, l'autre contre les Marcomans dont il voulait punir la perfidie. Il aurait fallu aussi que Domitien prit part à la guerre et aux dangers qu'affrontaient des soldats effrayés par de terribles revers ; il quitta Rome, en effet, et partit comme pour se mettre à la tête des troupes, mais arrivé en Mésie, il se cacha et laissa agir ses généraux[54].

Calpurnius Julianus, gouverneur de la Mésie, commanda l'expédition, attaqua courageusement les barbares[55], et remporta à Tabæ[56] une brillante victoire. Le carnage des Daces fut très-grand : Vézinas, le premier après Décébale, dut se cacher parmi les morts et ne se sauva qu'à la nuit. Julianus marcha rapidement sur Sarmizegethusa, dont il faillit s'emparer. D'après une anecdote peu croyable, mais qui montre quel esprit de stratagèmes et d'adresse les Romains attribuaient à Décébale, celui-ci aurait sauvé sa capitale en faisant abattre à l'entour un très-grand nombre d'arbres, et en ordonnant d'attacher des armes aux troncs coupés à hauteur d'homme, de sorte que Julianus, croyant se heurter contre une armée nombreuse, n'alla pas plus loin[57].

Quel que soit le motif qui l'arrêta, les fruits de sa victoire furent perdus. L'armée de Pannonie avait été battue par les Marcomans ; il fallait traiter avec eux au plus vite, et forcément avec Décébale, leur allié. Le roi dace envoya vers Domitien son frère Mégis, qui rendit à l'empereur quelques prisonniers et des armes, et demanda pour Décébale l'investiture du pouvoir royal. Le barbare, avec un grand sens, faisait bon marché des apparences du pouvoir, sachant bien que les Romains n'étaient pas de force à lui en arracher la réalité. Domitien saisit avec empressement cet appât offert à sa vanité et voulut faire passer la vaine cérémonie de l'investiture pour une marque de victoire. Peut-être prit-il lui-même le change, mais les Romains ne s'y trompèrent pas. Décébale avait rendu quelques prisonniers sans importance, et gardé des ingénieurs, des constructeurs de tout genre et d'habiles officiers. Il remit des épées et des flèches, mais il conserva les machines de guerre et Domitien dut s'engager à lui en fournir d'autres. Enfin les Romains furent contraints de payer un tribut aux barbares[58]. Pour avoir obtenu des conditions si honorables, Domitien prit le titre de Dacicus, et rentra dans Rome en triomphateur. Suivant une forte expression de Paul Orose, empruntée sans doute à Tacite[59], ce ne fut pas des ennemis vaincus, mais de ses propres légions détruites, qu'il triompha. Les poètes adressèrent à l'envi des félicitations au prince, mais le peuple appelait la cérémonie les obsèques des morts de Dacie[60]. Par un jeu du sort, Trajan était consul l'année où Domitien célébra ce honteux et mensonger triomphe, et dans le panégyrique qu'il eut à prononcer, en prenant possession de sa charge, il lui fallut décerner des éloges à la bravoure et à l'habileté de l'empereur.

Pendant dix ans, Rome fut, vis-à-vis des Daces, réduite à cette position subordonnée. Mais Trajan s'était promis de venger la défaite et l'humiliation de ses compagnons d'armes. Lorsqu'il prononçait un serment ou exprimait un vœu, il terminait toujours en s'écriant : Quand donc réduirai-je la Dacie en province ![61]

 

§ 3. — Première guerre.

 

Nous n'avons plus aucun des ouvrages écrits dans l'antiquité sur les guerres daciques de Trajan. Le plus important de tous, les commentaires écrits en latin par l'empereur lui-même, sont perdus, sauf un très-court fragment dont nous tirerons parti plus loin. Nous ne possédons ni le 23e livre des Histoires d'Appien, consacré à ce sujet[62], ni le poème grec composé ou projeté par Caninius Rufus à l'instigation de Pline[63] ; des Γετικά du médecin Criton, il ne reste que quelques lignes[64]. La colonne Trajane est un monument inappréciable par le grand nombre de renseignements qu'elle fournit à l'archéologie proprement dite, mais elle ne peut faire connaître ni le lieu ni la date des batailles et des campements dont elle offre tant de vives et curieuses images. D'ailleurs[65] il est difficile de distinguer sur les bas-reliefs le commencement et la fin de chaque scène ; tandis que des actions simultanées sont nécessairement représentées comme se suivant, d'autres, séparées par un intervalle de temps que nous ne pouvons apprécier, se touchent sur la spirale non interrompue qu'elles décorent. Rien, non plus, ne fait apprécier au spectateur l'inégalité de leur importance relative. En outre M. Dierauer a remarqué avec autant de raison que de finesse[66], que les sculpteurs dont guère retracé que des épisodes où Trajan intervenait personnellement. De là des représentations assez peu intéressantes et fréquemment répétées, telles que des célébrations de sacrifices et autres cérémonies officielles ; de là aussi l'omission de faits de guerre importants, tels que la capture, par Laberius Maximus, de la sœur de Décébale, le dévouement de Longin, l'invasion de Susagus en Mésie. II est donc nécessaire de compléter les informations insuffisantes que fournit ce monument célèbre par la géographie, par les inscriptions, par les médailles, qui font connaître la chronologie de la guerre, et aident à replacer dans leur disposition primitive les faits racontés avec beaucoup de brièveté et quelque désordre dans l'abrégé de Xiphilin.

La première guerre des Daces ne commença qu'en 854 R = 101 après J.-C. En effet le panégyrique fut prononcé par Pline au mois de septembre de l'année précédente en présence de l'empereur, et il n'y est fait aucune allusion à la guerre. L'inscription latine[67] gravée à Athènes en l'honneur d'Hadrien dit qu'il fut quæstor Imp. Traiani et comes expeditionis dacicæ. En épigraphie, la conjonction et indique des charges remplies simultanément[68]. Or Spartien nous apprend qu'Hadrien fut questeur sous le consulat de Trajan et d'Articuleius, c'est-à-dire précisément en 101[69].

Un fragment, récemment retrouvé, des actes des frères arvales, indique des sacrifices offerts le 25 mars de cette année pour l'heureux voyage de l'empereur. Ce jour est très-vraisemblablement celui même de son départ[70]. Avant de pénétrer en Dacie, il fallait rendre possibles et aisés les transports de troupes et de vivres à la limite même du pays ennemi. Dans cette vue, Trajan fit continuer une route commencée jadis par Tibère, le long du fleuve ; les difficultés du terrain, qui avaient longtemps retardé l'achèvement de ce travail, furent surmontées, comme nous l'apprend l'inscription commémorative encore en place à Tactalia en Serbie[71].

Malgré le silence des historiens, il n'est pas impossible de rétablir, avec quelque vraisemblance, la marche des armées romaines au-delà du fleuve. En effet, Mannert a démontré que la carte dite de Peutinger représente le monde romain à l'époque d'Alexandre Sévère. Si cette attribution paraît trop ancienne, on ne peut du moins faire descendre au-dessus du règne d'Aurélien l'âge de ce document, puisqu'il nous fait connaître les rivières, villes et routes de la Dacie transdanubienne, qui cessa, en 274, de faire partie de l'empire. Nous savons d'autre part que Trajan établit dans la province nouvellement conquise un grand nombre de colons, qu'il y régla l'organisation municipale, qu'il y fit construire des routes. Il est donc probable que les voies tracées sur la carte de Peutinger remontent jusqu'à Trajan : leur direction fut nécessairement commandée par celles qui existaient au moment de la conquête.

Les routes qui reliaient la Dacie à la Mésie coupaient le Danube sur trois points, à Lederata[72] (Uj-Palanka), à Taliatis[73] (Alt-Porecs) et à Aegeta[74] (Fetislan). Nous verrons plus loin que le célèbre pont de pierre, construit au début de la deuxième guerre et pour les opérations de cette guerre, était situé à Aegeta. C'est donc sur l'un des deux autres points que l'armée romaine franchit le fleuve dans la guerre de 101.

La première route passait par les localités nommées : Lederata, Aponte, Arcidava, Centum Putei, Bersovia, Ahihis, Caput Bubali, Tibiscum (auj. Cavaran, au confluent de la Temes et de la Bistre).

La deuxième traversait Dierna, ad Mediam, Prætorium, ad Pannonios, Gagana, Maseliana et rejoignait la première à Tibiacum. Une voie unique conduisait de ce dernier point à Sarmizegethusa (Varhély).

Or le seul fragment des Daciques de Trajan, heureusement conservé par Priscien[75], dit : De là nous gagnâmes Berzobim, puis Aixim. Malgré les différences d'orthographe, il est impossible de méconnaître les villes appelées Bersovia et Ahihis sur la carte de Peutinger. C'est donc à Lederata que Trajan franchit le Danube, choisissant la route la plus occidentale et la plus voisine de la Pannonie, où ses troupes se seraient repliées en cas d'échec.

Cherchons enfin à nous rendre compte des troupes que l'empereur avait à sa disposition pendant la guerre.

Manius Laberius, qui commandait un corps d'armée, et qui fit prisonnière la sœur de Décébale[76], était gouverneur d'une des Mésies[77], probablement la Mésie supérieure. Q. Glitius Agricola, qui reçut de Trajan des récompenses pour ses exploits dans la guerre dacique, était légat de Pannonie comme nous l'apprend l'inscription d'un monument élevé en son honneur, à Turin, à l'occasion de son deuxième consulat. Nous savons d'ailleurs que ce consulat est de l'an 103[78]. Ainsi l'armée qui opérait en Dacie était composée de troupes tirées de la Pannonie et de la Mésie.

On connaît d'une manière assez satisfaisante les légions qui étaient alors cantonnées dans ces provinces[79], mais il est clair que Trajan ne prit pas avec lui toutes les troupes qui défendaient la région danubienne, dégarnissant ainsi les rives du fleuve tant de fois traversé par les barbares, et exposant les frontières à une invasion pendant qu'il serait lui-même engagé dans un pays inconnu. Il fit nécessairement un choix parmi ces légions, et les seules dont nous puissions affirmer la participation aux guerres daciques sont celles dont les officiers ou les soldats ont obtenu de l'empereur des récompenses mentionnées dans les inscriptions funéraires de ces militaires. Cet examen nous donne les légions : Ia AdjutrixIa ItalicaIa MinerviaVa MacedonicaVIIa ClaudiaXIIIa Gemina.

L'épitaphe de T. Claudius Vitalis prouve que la légion Ia Italica prit part à la première guerre, la légion Ia Minervia à la deuxième.

La Va Macedonica ne fit vraisemblablement que la deuxième guerre[80], car pendant la première, la Mésie, déjà affaiblie par le départ de la Ia Italica, eût été complètement dégarnie de troupes.

L'épitaphe de L. Aemilius Paternus qui servit comme centurion clans les légions VIIa GeminaIa MinerviaVIIa ClaudiaXIIIa Gemina et reçut deux fois, en Dacie, des récompenses décernées par Trajan, montre que la VIIa Claudia fut engagée dans la première guerre, et la XIIIa Gemina dans la deuxième. Mais celle-ci était une légion de Pannonie, tandis que la Ia Italica, et la VIIa Claudia venaient de Mésie. Quel est donc le corps pannonien qui, dans la première guerre, combattit sous les ordres de Q. Glitius Agricola ? C'est probablement la légion Ia Adjutrix, naguère en Germanie[81], qui vint alors sur les bords du Danube et y resta jusqu'à la fin de l'empire.

Nous pouvons donc fixer comme il suit l'effectif de l'armée romaine pour chacune des guerres daciques :

1re guerre. Légions : Ia AdjutrixIa ItalicaVIIa Claudia.

2e guerre. Légions : Ia MinerviaVa MacedoniaXIIIa Gemina.

Soit, pour chaque guerre, 18.000 hommes. En y joignant divers corps auxiliaires[82], les cavaliers maures amenés par Lusius Quietus[83], et enfin les prétoriens qui accompagnaient l'empereur[84] on arrive au chiffre de 25.000 hommes environ.

Trajan commandait en chef. A la tête de son état-major il plaça Licinius Sura, son plus intime ami, qui écrivait ses ordres et était chargé de toutes les missions délicates ou périlleuses[85]. Hadrien était l'un des aides de camp (comites) de Trajan[86], C. Manlius Felix, chef des ouvriers militaires.

Maintenant nous pouvons, en nous appuyant sur les résultats qui viennent d'être acquis, en nous aidant des bas-reliefs de la colonne Trajane[87] et de l'abrégé de Xiphilin, composer un récit succinct, mais exact dans son ensemble, de la première guerre dacique.

Campagne de l'an 101. — L'armée, partie de Viminacium (Kastolatz), quartier de la légion Vila Claudia, suivit la rive droite du Danube jusqu'à Lederata où elle franchit le fleuve sur un pont de bateaux[88]. Trajan, après avoir reçu les avis de ses éclaireurs et discuté en conseil de guerre le plan de campagne[89], fit avant de commencer les opérations un sacrifice solennel[90], puis les troupes se mirent en marche sur Tubiscum par Barzobis et Aixis. A ce moment, l'empereur reçut un message des Bures, peuplade germaine, fixée près des bords de la Vistule, et alliée fidèle de Rome[91]. Ils conseillaient à Trajan une paix et une retraite immédiates, tant était grande la frayeur qu'inspirait Décébale, et tant était puissant son renom parmi tous ces barbares. Mais Trajan ne pouvait ni ne voulait abandonner un projet conçu et préparé depuis longtemps. II fit au courage de ses soldats un nouvel appel[92], et l'expédition continua. Les Daces ne vinrent pas d'abord à Li rencontre de l'armée, soit par frayeur, soit que Décébale voulût laisser les Romains s'engager plus avant dans le pays. L'empereur, pour maintenir ses communications avec la Mésie, et voulant d'ailleurs passer l'hiver en Dacie, fit construire plusieurs camps fortifiés.

Cependant on surprit deux espions daces qui furent amenés devant Trajan et interrogés par lui[93], et peu de temps après cet incident fut livrée la première bataille[94], aux environs d'un village que les Romains saccagèrent après leur victoire. Ce succès, qui leur livrait le passage d'une rivière, avait été chèrement disputé. L'infanterie, presqu'uniquement, avait été engagée de chaque côté, et la lutte se prolongeait, lorsqu'un orage effrayant les barbares décida enfin leur défaite. Cette circonstance est indiquée sur la colonne Trajane par une figure de Jupiter lançant la foudre[95]. Trajan récompensa la bravoure de ses troupes par un donativum et elles le proclamèrent Imperator[96].

Quelle localité de la Dacie fut le théâtre de cette première bataille ? Nous l'ignorons complètement. On ne peut la chercher entre Bersobis et Aixis : la brève indication de Trajan ne laisse supposer aucune interruption dans la marche de l'armée entre ces deux points. On ne doit pas non plus, ce me semble, songer à un point situé entre Aixis et Tibiscum, car il fallut, ainsi que nous le verrons, livrer l'année suivante un combat devant cette dernière ville. C'est donc entre Lederata et Bersobis qu'aurait eu lieu l'action. Le succès des fouilles qui ont fait retrouver tant de champs de bataille de César sur le sol gaulois, permet de croire que de semblables recherches, opérées en Transylvanie, amèneraient pour l'histoire de Trajan des résultats aussi heureux et aussi positifs.

Cette bataille seule eut quelque importance dans les opérations militaires de l'an 101, car Trajan ne reçut dans le cours de cette année qu'une seule salutation impériale. Sur des inscriptions datées de sa VIe puissance tribunitienne, il n'est encore que IMP. II.

Décébale comprit vite à quel adversaire il avait à faire, et il ouvrit des négociations. Mais Trajan n'était guère disposé à traiter au lendemain d'un succès qui lui permettait de concevoir les plus grandes espérances : d'ailleurs le roi dace agit avec maladresse. Au lieu d'envoyer près de Trajan les personnages les plus considérables de la nation, ceux que l'on appelait πιλοφόρους à cause de la tiare qu'ils portaient[97], il crut suffisant de confier son message à des hommes de la classe moyenne[98]. Trajan vit une insulte dans le choix de ces négociateurs d'un rang peu élevé, et refusa de les entendre : la guerre ne fut suspendue que par la mauvaise saison.

A la fin de la campagne, l'empereur quitta l'armée.

Campagne de l'an 102. — Les bas-reliefs de la colonne Trajane nous montrent l'empereur s'embarquant pour venir au secours de ses troupes assiégées dans leur camp par les Daces. Ceux-ci furent repoussés après une bataille sanglante, dans laquelle une nombreuse cavalerie fut engagée de part et d'autre[99]. Les Daces avaient reçu un secours important de leurs alliés les Sarmates, qu'on reconnaît facilement à leur armure décrite par Tacite[100], et surtout à l'absence de bouclier parmi leurs armes défensives, particularité que cet auteur a signalée[101].

Cette nouvelle victoire coûta cher aux Romains : sur la colonne est figurée une ambulance où sont amenés beaucoup de soldats blessée. Dion rapporte qu'à une bataille livrée près de Tabæ ou Tapæ, là même où, sous Domitien, Calpurnius Julianus avait défait les Daces, les bandages vinrent à manquer pour le pansement des blessés, et que Trajan déchira ses vêtements et les abandonna pour cet usage[102]. Bien que les sculptures ne nous offrent pas cette scène, je suis porté à voir ici la bataille de Tabæ, d'abord à cause du grand nombre de blessés, figuré intentionnellement sur la colonne, puis, parce que l'entrée des Romains à Tibiscum et le passage de la Porte de Fer suivent cette bataille, et semblent les fruits de la victoire. Or, Tabæ, nous l'avons dit, commandait l'une des entrées de la Dacie[103].

Immédiatement après la bataille, nous voyons les Romains travailler à la construction d'un camp[104]. C'est aussi près d'un camp que le combat de l'année précédente avait été livré. Les Daces, ne faisant qu'une guerre défensive, attendaient les Romains dans des positions naturellement fortes, et une fois maîtres de celles-ci, le premier soin du vainqueur devait être de les fortifier encore pour assurer sa retraite ou conserver ses conquêtes. De là, les mesures que prend Trajan pour rendre ces points tout à fait inexpugnables : aussi pourra-t-il, dans la seconde guerre, porter plus loin ses armes sans craindre un retour offensif des Daces dans la partie du territoire dont ses campagnes précédentes l'avaient mis en possession. Mais, en revanche, la guerre se fait avec une extrême lenteur, et au bout de dix-huit mois on est encore au pied des montagnes qui servent aux Daces de forteresses et d'asiles.

Après la bataille de Tabæ, les Romains s'avancèrent sur Tibiscum, non sans être inquiétés dans leur marche[105], et entrèrent dans cette ville, heureusement située au confluent de deux rivières, et entourée de solides fortifications. Il y eut là une nouvelle distribution de récompenses aux troupes victorieuses, et Trajan fut de nouveau proclamé imperator[106] ; puis sans perdre un seul instant, l'armée se dirigea sur la capitale Sarmizegethusa, à travers le défilé des Portes de Fer[107]. En se prolongeant, la lutte prenait un caractère toujours plus terrible de férocité et d'énergie ; les femmes surtout faisaient subir aux prisonniers d'horribles supplices[108]. Cependant, à mesure qu'on s'avançait dans ce pays accidenté et sauvage, Trajan ralentissait la marche des légions, redoublait ses précautions, multipliait les sacrifices et les cérémonies qui, aux yeux de ses soldats, devaient lui assurer le secours des Dieux[109]. Un deuxième ambassadeur, un pilophore cette fois, revint apporter des propositions de Décébale. Trajan envoya Sure et Claudius Livianus au roi dace, qui recula au moment de traiter[110] ; pendant ce semblant de négociation, Lusius Quietus, avec sa cavalerie maure, poussait des reconnaissances fréquentes dans les forêts voisines de Sarmizegethusa[111] et battait même plusieurs détachements ennemis surpris par la rapidité et l'audace de ses mouvements[112]. Enfin le siège de Sarmizegethusa commença[113], la ville tomba au pouvoir des Romains, et Décébale se vit contraint de subir les conditions imposées par le vainqueur. Il renonça au tribut que lui payaient les Romains, leur rendit leurs machines de guerre, ainsi que les ouvriers et les transfuges qu'il avait attirés dans son pays, et abandonna la partie de la Dacie que Trajan venait de conquérir[114]. Il fut déclaré allié du peuple Romain, c'est-à-dire qu'il ne pouvait plus faire aucune guerre sans la permission du Sénat. Ces conditions, dictées par Trajan, furent ratifiées par le Sénat qui reçut, à Rome, les envoyés de Décébale, et ce fut seulement après cette ratification que la paix fut considérée comme définitive[115].

La soumission de Décébale est le sujet d'un des plus beaux bas-reliefs de la colonne Trajane[116].

A la suite de cette dernière et définitive victoire, Trajan avait encore été proclamé imperator par ses soldats[117]. C'était la troisième fois depuis le commencement de la guerre, et dès lors il pouvait prendre sur les monuments le titre de IMP. IIII. Les plus anciens monuments où figure ce titre sont des monnaies de grand bronze frappées en 102[118], et par conséquent la guerre fut terminée en cette année.

En ne consultant que les médailles et les inscriptions, on apprendrait que dans le cours de la première guerre dacique, Trajan avait été salué trois fois imperator, et qu'il avait dû remporter trois grandes victoires. Mais, d'autre part, la colonne offre trois fois la scène où il est acclamé par les soldats. Cette concordance de résultats obtenus par des voies tout à fait indépendantes l'une de l'autre donne une certaine valeur historique aux bas-reliefs de la colonne Trajane, car elle prouve que l'artiste a conservé l'ordre des faits et qu'il n'a représenté que des scènes réelles, sans sacrifier l'exactitude à l'intérêt pittoresque[119]. De retour à Rome, Trajan reçut du Sénat le surnom, très-mérité cette fois, de Dacicus et le consulat pour l'an 856 = 103[120]. Le butin fait dans cette guerre heureuse permit de distribuer au peuple un congiarium.

 

§ 4. — Deuxième guerre.

 

Décébale ne considérait la paix qu'il avait jurée que comme une trêve ; il avait voulu, comme le dit Dion, respirer un moment[121]. Au bout de deux ans, il recommença à faire des provisions d'armes, à élever des forteresses, à accueillir des transfuges, à nouer des relations offensives avec les peuples voisins. Pour la deuxième fois, le Sénat le déclara ennemi du peuple Romain, et Trajan se remit à la tête de ses troupes, bien décidé cette fois à en finir avec le rusé barbare.

La déclaration du Sénat eut lieu probablement dans l'année 104[122], mais il ne semble pas que les opérations actives aient commenté avant l'année 105. En effet Hadrien, qui prit part à la guerre comme légat de la légion Ia Minervia, fut tribun du peuple sous le consulat de Ti. Julius Candidus et de C. Antius Quadratus[123], c'est-à-dire en 105. Il passa donc cette année, ou la plus grande partie de cette année, à Rome.

L'intervalle qui sépare la déclaration de guerre de l'entrée en campagne fut consacré à l'établissement du célèbre pont de pierre de Trajan, sur le Danube. L'empereur avait résolu l'extermination complète des Daces et l'incorporation de leur pays à l'empire. Ce pont devait mettre la nouvelle province en communication permanente et facile avec le reste du monde romain. Apollodore de Damas[124], le plus célèbre architecte de l'époque, fut chargé de ce grand ouvrage.

Les savants n'ont pas toujours été d'accord sur le point où était situé le pont de Trajan, mais des recherches récentes, consignées et discutées dans un mémoire de M. Aschbach, doivent lever tous les doutes[125].

Marsigli[126], d'Anville[127], Mannert[128], Engel[129], plaçaient le pont de pierre à Turnu-Severinului.

Schwarz[130], Schulzer[131], Francke[132] supposent qu'il était beaucoup plus à l'Est, à Giéli, près l'embouchure du fleuve Aluta.

La première guerre avait eu lieu dans le Banat, la seconde se fit dans la Valachie ; l'armée traversa donc le Danube à l'Est des premiers passages. Mais faut-il, à cause de cela, reculer jusqu'à Giéli la situation du pont de pierre ? Les seules raisons qu'aient apportées Francke et les autres auteurs à l'appui de leur opinion sont :

1° L'existence d'une voie romaine traversant la petite Valachie du nord au sud, aboutissant à Giéli, encore appelés dans le pays la route de Trajan (Kalea Trajanului). On suppose que le pont devait se trouver à l'extrémité de cette route.

2° Des débris d'anciennes constructions que l'on distingue, à Giéli, sous les eaux du fleuve, et qui semblent les restes des piles de pierre.

Mais en admettant que la Kalea Trajanului ait été effectivement construite par les ordres de Trajan, rien ne prouve qu'il y eût, à l'extrémité de cette voie, un pont faisant communiquer la Mésie avec cette partie extrême et peu peuplée de la Dacie. Ce pont, d'une extrême importance, devrait être marqué sur la carte de Peutinger, qui ne présente en face d'Œscus aucune indication de ce genre.

Quant aux constructions dont les débris sont baignés par le Danube à Giéli, et que Schulzer et Francke ont pris pour les restes du pont de Trajan, Mannert s'était efforcé, d'établir que c'étaient les ruines d'un pont construit par Constantin. Mais M. Aschbach a démontré, dans le travail précité, que Constantin répara le pont de Trajan, mais n'en fit pas élever un nouveau ; et d'ailleurs un examen attentif du Danube à Giéli a prouvé qu'il n'y eut jamais là aucune construction romaine. Les sondages faits dans le courant du fleuve par ordre de la Compagnie de navigation du Danube n'ont révélé aucune trace de piles de pierres. Les blocs de maçonnerie visibles près des bords ne sont pas non plus des débris de culées, mais bien des restes de forteresses construites au moyen âge sur les rives du fleuve, et aujourd'hui entourées par lui, grâce aux changements incessants de son lit[133].

Au contraire Drobetæ, auj. Turnu Severinului[134], où d'ailleurs une route indiquée sur la carte de Peutinger traversait le fleuve, remplit parfaitement les conditions auxquelles l'emplacement cherché doit satisfaire. Suivant Dion[135] confirmé par Tzetzès[136] le pont se composait de 20 piles distantes de 170 pieds d'axe en axe. La largeur du fleuve était donc de 170 * 21 = 3570 pieds[137]. Il s'agit ici de pieds grecs, Dion ayant emprunté ses chiffres au livre dans lequel Apollodore lui-même avait consigné l'histoire de ce grand ouvrage, construit sur ses plans et sous sa direction. Le pied grec valant 0m,309, la largeur du fleuve, au pont de pierre, était de 1.103m,130.

A Giéli, le Danube est incomparablement plus large. A Turnu Severinului, au contraire, la distance des bords a été mesurée en 1858 par les ingénieurs autrichiens, et trouvée égale à 3.576 pieds viennois[138]. Le pied viennois étant égal à 0m,316, la largeur du Danube à Turnu est donc de 1.127m,016.

La concordance presqu'absolue des deux chiffres ne permet aucun doute.

D'ailleurs, ce qui tranche la question, en 1858, un extraordinaire abaissement du fleuve permit de distinguer l'île artificielle dont parlent Procope et Tzetzès[139], et qui fut le résultat des travaux nécessités par l'établissement du pont. On aperçut aussi les restes de 16 piles. A la base de l'une d'elles, on trouva des tuiles portant les inscriptions : COHIIHISP, ..HICRE, c'est-à-dire, cohors IIa Hispanorum, [co]hors la Civium Romamorum equitata[140] ; ces corps auxiliaires étant en Pannonie à l'avènement de Trajan ; les inscriptions qui nous livrent leurs noms indiquent à la fois, et la part qu'ils prirent à la construction du pont, et l'emplacement de celui-ci.

Revenons aux faits de la guerre. Comme nous l'avons établi ci-dessus, les légions qui y prirent part sont au nombre de trois (Ia Minervia, Va Macedonica, XIIIa Gemina). L'armée était donc composée comme dans la première expédition. L. Licinius Sura fut encore le commandant général de l'état-major[141], C. Manlius Felix celui des ouvriers militaires.

Nous sommes complètement dépourvus de renseignements géographiques sur la deuxième guerre, sauf une inscription qui nous apprend que la légion Ia Minervia opéra dans le bassin de l'Aluta.

Décébale commença par inquiéter les Jazyges qui s'étaient montrés des alliés fidèles de Rome, et il réussit à les déposséder d'une partie de leur territoire[142]. Jusqu'ici nous l'avons toujours vu, digne adversaire de Domitien et de Trajan, les combattre avec autant de loyauté que de bravoure. Mais les désastres qu'il avait éprouvés dans la guerre précédente ne lui laissant plus l'espoir de vaincre à force ouverte le capitaine éminent qui l'attaquait pour la deuxième fois, le chef barbare, démentant le noble caractère qu'il avait manifesté, eut recours à la trahison et à l'assassinat. Deux transfuges romains promirent de le débarrasser de Trajan, alors en Mésie. Ils comptaient aborder facilement l'empereur qui accueillait avec une bonté bien connue et une absence complète de cérémonial et de précautions ceux qui voulaient lui parler ; mais le projet manqua : un des traîtres, soupçonné, fut mis à la torture et dénonça son complice[143].

Grâce à une autre perfidie, Décébale s'empara de la personne de Cassius Longinus, préfet du camp. Ni les caresses ni les menaces ne réussirent à faire parler Cassius, et à lui faire livrer le plan de campagne que Trajan avait discuté en conseil de guerre. Alors, par un raffinement de cruauté et de politique, le roi barbare fit savoir à l'empereur qu'il était maître de Cassies et disposé à le faire périr, ou à le rendre à ses compatriotes en échange d'une paix avantageuse. Trajan hésitait entre la poursuite de la guerre et la mort assurée d'un de ses meilleurs officiers, quand il apprit que Cassius avait mis fin à ses jours pour dégager l'empereur de la responsabilité qui pesait sur lui[144]. Un trait si héroïque enflamma les soldats, déjà irrités des menées perfides de Décébale. Mais Trajan, toujours maître de lui-même, conduisit la guerre avec une prudente lenteur[145]. Il délivra les légionnaires postés dans les camps construits pendant la première guerre, et investis par une armée dace[146], puis il marcha sur la nouvelle capitale que Décébale avait choisie[147], et il livra sous les murs de la ville une bataille acharnée qui lui donna encore une fois la victoire[148]. Décébale fit mettre le feu à cette ville plutôt que de la livrer aux Romains, et il convoqua les principaux chefs daces à un conseil où les résolutions à prendre furent discutées. La plupart des assistants crurent impossible de prolonger la résistance ; mais personne ne voulant tomber vivant aux mains du vainqueur, les chefs se réunirent dans un dernier banquet et se passèrent, à la ronde, une coupe remplie d'un breuvage empoisonné[149]. Le peuple ne voulait plus de la guerre, et beaucoup vinrent se soumettre à Trajan[150]. Décébale était résolu à combattre encore : suivi de quelques braves, il s'enfonça dans les aides les plus reculées du pays. Les Romains s'attachèrent à pas : il les provoqua, et vaincu comme il s'y attendait, il se perça de son épée[151]. Sa tête, coupée par un soldat, fut apportée à Trajan[152] et envoyée à Rome[153]. Sa mort ne mit pas fin à la résistance désespérée de ses compagnons, qui luttèrent encore contre leurs vainqueurs[154], et ceux-ci n'en vinrent à bout qu'en mettant le feu au village où cette poignée d'hommes héroïques s'était réfugiée[155].

Après la grande bataille dont nous avons parlé, Trajan avait été proclamé imperator par ses soldats[156]. Dans un diplôme militaire daté du 13 mai 105, il ne porte encore que la quatrième salutation. La dernière victoire remportée sur les Daces est donc postérieure à cette date. Mais on n'en peut fixer l'époque avec certitude, non plus que celle où la guerre fut complètement terminée. Par une fâcheuse et singulière coïncidence, un passage de Spartien, qui pourrait nous éclairer à ce sujet, est entaché d'erreur[157], et une inscription où Trajan est dit imp. V présente une faute dans le chiffre de la puissance tribunitienne[158]. On admet généralement aujourd'hui que Trajan prit la cinquième salutation impériale pour la guerre heureuse de Cornelius Palma en Arabie, et la sixième pour le succès de la deuxième guerre dacique, et que celle-ci fut terminée dans le courant de l'année 106[159]. Espérons que des monuments nouveaux nous permettront bientôt d'être plus précis.

Trajan, rentré à Rome, célébra ses victoires par des fêtes splendides, distribua au peuple le congiarium, et recula le pomœrium, comme il en avait le droit puisqu'il avait augmenté le territoire de l'empire[160].

Nous n'avons pu raconter qu'à grands traits ces guerres daciques, dont l'histoire complète méritait d'être conservée. Telle qu'on l'entrevoit à travers les lacunes et les obscurités du texte de Xiphilin[161], elle nous apparaît avec un caractère marqué d'intérêt et de grandeur. Du côté des Daces, un désespoir héroïque qui multiplie les obstacles devant l'ennemi, et défend pied à pied chaque bourgade, chaque fleuve, chaque forêt. II ne faut pas moins pour le vaincre qu'un art militaire porté par huit siècles de méditations et d'exercice à la perfection. Par l'activité qu'il déploie, la variété des ressources qu'il met en œuvre, l'opiniâtre résistance qu'il oppose, l'effroi qu'il inspire, Décébale se place à côté des grands ennemis de Rome, des Mithridate, des Hannibal. Du côté des Romains, nous trouvons un courage plus patient et plus calme, commun au chef et aux derniers soldats. Après des combats meurtriers livrés au milieu d'une saison rigoureuse[162], l'infatigable activité du légionnaire jette des ponts sur les fleuves, ouvre d'épaisses forêts, bâtit des camps et des villes. On admire chez les officiers l'intelligence vive et hardie de Lusius Quietus, le dévouement simple et sublime de Cassius Longinus. Enfin Trajan, constamment à la tête des troupes, veille à leurs moindres besoins, les encourage, prend sa part du péril, et par sa vigilance, sa prudence, sa bravoure, se montre digne de commander cette vaillante armée.

 

§ 5. — Organisation de la province de Dacie.

 

Voyons maintenant comment Trajan affermit sa conquête et introduisit la civilisation romaine dans ces régions encore barbares.

Il incorporait à l'empire une province dont Eutrope[163] évalue le circuit à un million de pas romains (1.481 kilomètres). Ce chiffre a été contesté par les géographes[164] ; et, en effet, il est visiblement inférieur à la réalité si l'on veut comprendre dans la Dacie romaine tout le pays situé entre la Theiss, les Carpathes, le Pruth et le Danube[165] : le cours seul de la Theiss a plus de 1.400 kilomètres de longueur. Mais c'est, selon moi, interpréter inexactement le texte de Ptolémée. Cet auteur ne veut pas indiquer les limites de la province romaine, mais celles du pays Habité par les Daces, ce qui est bien différent. Quand il décrit la Bretagne ou la Germanie, il donne également leurs frontières géographiques, et non les limites de la domination romaine dans ces parties de l'Europe. On ne peut donc invoquer le témoignage de Ptolémée contre celui d'Eutrope, et j'ai peine, je l'avoue, à rejeter le chiffre que cet abréviateur emprunta assurément à une source officielle[166], qui se retrouve dans tous les manuscrits, et qui est confirmé par Sextus Rufus[167].

Maintenant je remarque que les villes de la province marquées sur la carte de Peutinger sont toutes comprises dans le Banat[168], la Transylvanie et la Petite Valachie (à l'ouest de l'Aluta). Les mutes tracées sur la carte ne franchissent pas ces limites[169], en dehors desquelles on ne trouve non plus ni monuments romains, ni inscriptions[170]. N'est-il pas permis d'en conclure que les seules provinces de Transylvanie et de Petite Valachie, avec une moitié environ du Banat (entre la Temes et le Danube) constituent le pays colonisé par Trajan et soumis à l'administration romaine ?

Vers l'époque d'Antonin le Pieux[171], la province fut partagée en trois districts : Dacia Apulensis, Dacia Malvensis, Dacia Porolissensis[172]. Ces adjectifs sont formés des noms daciques de trois villes, latinisés quant à la désinence. On ignore où se trouvait Malva, mais de nombreuses inscriptions ont prouvé qu'Apulum répond à Karlsburg en Transylvanie, et Porolissum, dernière station de la voie romaine qui traverse tout le pays, se trouvait dans les environs de Dees[173]. La Transylvanie formait donc à elle seule deux districts de la province. Et l'on voudrait que Malva, située sans doute à l'est des Carpathes, fût la capitale d'un district égal à toute la Roumanie actuelle, et hors de toute proportion avec les deux autres ! N'est-il pas plus naturel d'admettre que la Dacia Malvensis ne répond qu'à la Petite Valachie, et que Trajan n'avait nullement songé à prendre possession des plaines immenses, et si difficiles à défendre contre une invasion venant du nord-est, que les Roumains occupent aujourd'hui ?

Si nous adoptons cette manière de voir, le chiffre donné par Eutrope n'a plus rien d'extraordinaire, et se vérifie même presque exactement.

Milles romains.

De Viminacium à Œscus, vis-à-vis l'embouchure de l'Aluta, on compte le long du Danube[174].

243

Le cours de l'Aluta est de 38 milles géogr. allemands[175], soit

190

De la source de l'Aluta à Dees (Porolissum) on compte, en ligne droite, 24 milles géographiques[176] ou

120

De Porolissum à Viminacium on comptait[177]

285

Nous trouvons ainsi, pour le contour de notre quadrilatère

838

Il est évident que le périmètre réel de la frontière, enveloppant ce contour tant à l'ouest que le long des Carpathes au nord, était un peu plus grand et que nous pouvons sans invraisemblance lui assigner le chiffre 1.000 milles, donné par les anciens textes.

La superficie de la province ainsi délimitée était de 106.077 kilomètres carrés, soit un cinquième de la surface de la France.

La Transylvanie est un des pays les plus favorisés de l'Europe pour la variété et l'abondance de ses richesses naturelles le climat est froid mais sain, le sol fertile et bien arrosé. L'Aluta, le Maros, le Szamos, naissant presqu'au même point des Carpathes, se séparent aussitôt en ouvrant au sud, à l'ouest et au nord de spacieuses vallées. La Petite Valachie n'offre pas à la culture des conditions moins favorables, mais au moment de la conquête, ces vastes régions étaient sans doute couvertes de bois et pendant longtemps la tâche du colon, semblable à celle des pionniers américains, dut consister à ouvrir les masses compactes des forêts, à approprier le sol tant à la culture qu'à l'élève des bestiaux. Il est à regretter que les anciens ne nous aient laissé aucun tableau de l'aspect physique de cette contrée, dont ils ne parlent qu'avec une sorte d'horreur[178]. Les inscriptions et les monuments nous donnent au moins une idée de ce qu'était la vie des colons.

Le pays avait été presque complètement dépeuplé par la guerre, et ce qui restait de la population Dace dut s'expatrier. Un bas-relief de la colonne Trajane représente cette émigration[179]. Les bannis s'établirent à l'est de la province, qu'ils inquiétèrent plus d'une fois[180], et ils furent sans doute d'utiles auxiliaires pour les Goths quand ces derniers enlevèrent la Dacie à Aurélien. Quelques-uns consentirent à prendre du service dans les armées romaines, et Trajan en forma des corps auxiliaires d'infanterie et de cavalerie ; mais ces corps furent toujours cantonnés loin du Danube[181].

Dion[182] et Aurelius Victor[183] disent simplement que Trajan colonisa la Dacie devenue déserte. Eutrope nous apprend de plus que les colons avaient été appelés de tous les points de l'empire[184] ; et les monuments de la Transylvanie confirment d'une manière remarquable cette assertion d'Eutrope[185]. Ainsi, dans les inscriptions votives, on ne trouve le nom d'aucune divinité dacique[186], ce qui prouve que la population indigène avait disparu. Mais on y lit les noms d'Isis[187], de Bonus Puer Phosphorus (l'Horus enfant égyptien[188]), de la Nehalennia gauloise[189], de la Dea Cælestis de Carthage[190], de Cautes[191], du dieu Azizus de Phrygie[192], de Jupiter Dolichenus[193], du même Dieu enfin avec les ethniques Tavianus, Heliopolitanus, Prusenus, Commagenorum[194]. Ces personnalités mythologiques nous reportent à l'Orient, d'où le plus grand nombre des colons paraît avoir été tiré[195]. L'idiome, si directement formé du latin, que parlent aujourd'hui les Roumains a plusieurs fois suggéré la pensée que l'Italie avait fourni à la nouvelle province ses premiers habitants. Les inscriptions nous conduisent, comme on le voit, à écarter cette opinion, qui est d'ailleurs en opposition directe avec ce que nous connaissons dés vues de Trajan sur l'Italie[196].

Le plus ancien monument que l'on possède de la Dacie Trajane est un diplôme militaire de l'an 110[197], où est nommé le légat propréteur, de la province D. Terentius Scaurianus. On a trouvé à Sarmizegethusa une inscription relative à ce personnage ; il y est dit fondateur de la colonie romaine établie dans la résidence des anciens rois daces. Cette ville fut appelée la métropole de la province[198], mais en réalité le centre politique de celle-ci fut déplacé et porté à Apulum (Karlsbourg) bien plus heureusement situé. Là fut la résidence du légat, le quartier général de la légion XIIIa Gemina : c'est le point qui fournit les inscriptions les plus intéressantes et les plus nombreuses.

Une médaille frappée après l'an 112, puisque Trajan y porte le titre de COS-VI, et avant la fin de l'an 113, puisqu'il n'y porte pas le surnom d'Optimus[199], offre au revers la légende DACIA AVGVST(i) PROVINCIA et représente la Dacie assise sur un rocher, et tenant une enseigne militaire. Devant elle sont deux enfants portant l'un des épis, l'autre une grappe de raisin[200]. Elle fut sans doute frappée lorsque l'organisation du territoire conquis complètement terminée et ce travail, comme on le voit, exigea plusieurs années.

L'histoire dg celte province n'a pas encore été faite avec le soin désirable et le développement que comportent les éléments dont on peut déjà disposer. Les limites de notre sujet nous obligent à ne donner ici que des indications très-générales. En ce qui concerne les mesures militaires prises pour la défense du pays, la légion XIIIa Gemina, qui est citée à des époques plus récentes[201] comme cantonnée en Dacie, parait y avoir été installée dès le moment de la conquête. Avec elle dix cohortes auxiliaires d'infanterie et deux ailes de cavalerie formaient, dès l'an 110[202], la garnison de la province. Mais avec le temps, et à mesure que la frontière du Danube sembla plus menacée, ces forces furent augmentées[203]. On a reconnu en Dacie un grand nombre de camps romains échelonnés le long de la frontière. Ackner en a compté jusqu'à 23[204]. Tous rie sont pas la création de Trajan ; mais on ne peut douter qu'ils n'aient été établis d'après les plans et les vues des ingénieurs qui avaient, par son ordre, pris part aux expéditions qu'il dirigea.

Pour connaître l'organisation civile de la Dacie romaine, il faut recourir, presque exclusivement, aux inscriptions dont le sol de cette contrée a fourni une si riche moisson[205]. En outre, un texte précieux du Digeste[206] nous apprend qu'en vue d'attirer les colons et d'encourager leurs premiers efforts, Trajan accorda aux villes principales Dierna, Sarmizegethusa, Napoca, Apulum[207] et aux territoires qui en dépendaient, le jus italicum, c'est-à-dire l'exemption pour les habitants de toute taxe personnelle et pour les propriétés de toute imposition foncière.

Allégée de ces charges, ailleurs si lourdes, l'agriculture prit nécessairement une heureuse extension. L'industrie se développa aussi, dans une certaine mesure, car les Romains avaient regonfle et surent exploiter les ressources métallurgiques qui constituent l'une des principales richesses de la Transylvanie. Les monuments épigraphiques ont conservé le souvenir d'un collegium aurariorum à Zalathna[208], d'un collegium salariorum à Thorda[209].

Les salines de cette ville et celles de Maros Ujvar[210], les gîtes aurifères de Verestapak[211] ont gardé les traces de leurs galeries et de leurs établissements. Les ouvriers en bois avaient également formé des associations dans les principales villes[212]. Enfin les rivières qui sillonnent la Transylvanie offraient d'excellentes voies de transport pour les marchandises encombrantes, telles que bois et métaux, que ce pays fournissait au reste de l'empire ; et des compagnies de bateliers et de flotteurs s'étaient formées pour ce service[213].

Apulum était le centre du réseau de routes tracées sur le sol de la Dacie. Trois voies principales rayonnaient de ce point sur Porolissum, sur Tibiscum (par Sarmizegethusa), et sur Aegeta[214]. De Tibiscum deux voies gagnaient le Danube et, par des ponts de bateaux établis à leurs issues, reliaient la Dacie à la Mésie. La route d'Apulum à Aegeta traversait les Carpathes au passage de la Tour Rouge, puis par la vallée de l'Aluta venait aboutir au pont de pierre[215]. Par ces artères habilement distribuées, la vie et la richesse circulaient dans toutes les parties de la-Dacie. Aussi jouit-elle, pendant la courte durée de sa vie romaine, d'une prospérité remarquable dont les traces matérielles sont partout écrites sur son sol. Peu de pays ont livré aux investigateurs autant de débris antiques, et ce qui les caractérise c'est moins la grandeur des édifices publics que le .luxe des habitations particulières. Des sculptures, des mosaïques, des bijoux qui, il est vrai, ne portent généralement pas l'empreinte d'un art très-puissant ni très-délicat, témoignent pourtant d'une aisance partout répandue et d'un bien-être commun à toutes les classes de la population.

 

§ 6. — Les Romains sur le Danube.

 

J'ai essayé de montrer les résultats immédiats de cette guerre heureuse. Si on la considère d'un point de vue plus élevé, elle apparaîtra comme l'exécution partielle d'un vaste plan conçu par Trajan et embrassant tous les établissements romano du Danube, et elle nous aidera à mesurer la portée de ce plan, dont on possède des vestiges suffisamment significatifs. La fondation ou l'agrandissement, par Trajan, de villes importantes telles que Pœtovione (Pettau) en Pannonie[216], Ratiaria[217], Serdica[218], Œscus[219], Nicopolis ad Istrum[220], Marcianopolis[221] en Mésie, Pautalia[222], Anchiale[223], Nicopolis ad Mestum[224], Berœ[225] en Thrace, se raient étroitement à la conquête du pays de Décébale. Avec ces mesures coïncide une organisation plus forte des provinces orientales de l'Europe ; la Pannonie, sous le règne de Trajan, fut en effet divisée en deux provinces dont chacune eut son légat propréteur[226] ; la Thrace, jusqu'alors province procuratorienne et dépendante de la Mésie, reçut dans le même temps une existence propre et un gouverneur particulier[227]. Les principales routes de la région de l'Hæmus furent construites ou réparées à cette époque, et rattachées aux voies déjà existantes dans les provinces plus centrales[228]. On ne peut se méprendre sur le caractère de ces efforts dirigés dans un même sens : ils nous révèlent la pensée qui inspirait Trajan quand il lit franchir le Danube à ses soldats. Il ne songeait pas seulement à venger les défaites de Domitien, à protéger la Pannonie et la Mésie en contenant les barbares par la terreur et en leur faisant sentir quels coups inopinés et terribles Rome pouvait leur porter encore sous un prince courageux et résolu. Il méditait de plus grands desseins, il était décidé à reculer les limites du monde romain en Europe. Il rejetait donc le conseil laissé par Auguste de ne rien changer aux frontières de l'empire[229], et par là faisait preuve d'une appréciation beaucoup plus exacte des besoins de cette époque et des circonstances au milieu desquelles Rome était placée. En effet il ne s'agissait pas d'un fastueux accroissement de territoire, mais de l'existence même de la civilisation ancienne. Devant les forces toujours menaçantes de la barbarie, cette civilisation ne pouvait échapper à une imminente dissolution qu'en incorporant de nouveaux peuples à ceux qu'elle avait marqués de son empreinte et dont elle avait changé l'état social et les mœurs. Elle datait de six siècles, mais sa perpétuité dans cet intervalle était due aux accroissements matériels de son domaine successivement opérés par Cimon, Alexandre, Scipion, César : à peine le rayon du cercle qu'elle couvrait se réduisit-il qu'elle périt, cernée par les barbares. Et la civilisation chrétienne qui lui a succédé n'a été hors de péril que quand elle a eu étendu son empire, d'abord jusqu'à l'ancienne limite du monde romain, puis, par les victoires de Charlemagne, sur la Germanie tout entière. Alors seulement tout danger disparut parce que l'introduction de la Germanie dans la société chrétienne, sans changer notablement les proportions géographiques entre le monde policé et le monde barbare, avait renversé les proportions de leurs forces[230]. La civilisation à ses débuts, et pendant la première phase de son développement, ne peut en effet se passer de la guerre ni de la conquête, moyens violents qu'elle répudie justement plus tard, mais qui seuls peuvent alors procurer les ressources nécessaires à la vie matérielle des individus, et surtout assurer la sécurité et le loisir indispensables à tout effort un peu prolongé de notre activité spéculative. Or qu'au deuxième siècle de notre ère la civilisation ne fût pas encore sortie de cette phase initiale, et que dès lors la tâche des empereurs fût de continuer la série des efforts accomplis depuis trois cents ans pour incorporer successivement les différents peuples européens dans l'unité romaine, et non de dénaturer, en leur donnant un caractère simplement défensif, les institutions militaires que leur avait léguées la République, c'est ce que prouva la suite des événements. Sous Marc-Aurèle, les Germains franchiront le Danube et toucheront une première fois à l'Italie : dans un siècle et demi, ils passeront le Rhin et viendront ébranler l'empire aux limites qu'il possédait à la mort d'Auguste. Ces faits montrent suffisamment l'inanité et le péril du conseil qu'avait inscrit dans son testament le fondateur du principat. Il ouvrait prématurément l'ère de la paix générale, il conviait le monde à l'exploitation pacifique d'un domaine dont la possession était précaire encore : pour avoir trop tôt cessé d'être conquérants, les Romains ont été conquis à leur tour. Trajan sentit parfaitement le danger, et ce n'est pas, ce me semble, un médiocre mérite du vainqueur de la Dacie d'avoir eu, moins de cent ans après la mort d'Auguste, une vue si nette de la situation faite à Rome, héritière et propagatrice de la civilisation ancienne, d'avoir compris, mesuré, accompli résolument le devoir qui s'imposait à ses chefs.

Hadrien, au contraire, aurait voulu abandonner la Dacie[231] : il l'isola partiellement en détruisant le pont de pierre qui la reliait aux autres provinces danubiennes[232], et conformément au plan d'Auguste, qu'il semble avoir toujours eu devant les yeux, il arrêta brusquement l'œuvre de Trajan dans ces contrées. S'il eût romanisé les autres pays situés entre le Danube, les Carpathes et la Theiss — il pouvait au moins commencer cette entreprise et en léguer l'achèvement à Antonin —, il aurait prévenu les longues guerres que Marc-Aurèle eut à diriger contre les Marcomans et les Quades, au milieu des circonstances les plus critiques, quand, la peste sévissait dans son armée et dans Rome. L'empereur philosophe reconnut trop tard la nécessité d'incorporer à l'empire toute cette région[233] et la mort l'empêcha de compléter et de réaliser ainsi le plan conçu par Trajan. La lâcheté de Commode, les guerres civiles qui suivirent le meurtre de ce tyran, puis les expéditions infructueuses et toujours renouvelées contre les Parthes, et enfin, au troisième siècle, ta nécessité chaque jour plus visible de défendre l'ancienne frontière violée sans cesse et sur tous les points par des envahisseurs de plus en plus audacieux, firent abandonner ce plan sans retour. Un arrêt de plusieurs siècles dans la marche de la civilisation fut la conséquence de cet abandon de l'ancienne politique romaine.

Ce plan était-il réalisable ? Pouvait-on, au deuxième siècle, faire entrer la Germanie dans la communauté romaine ? M. Mignet ne le pense pas. Quels points d'appui les Romains pouvaient-ils y trouver (dans l'Europe centrale) ? Où pouvaient-ils adosser leurs légions sur ce territoire mal limité et qui ne finissait nulle part ? Où devaient-ils arrêter leurs frontières ? Comment parviendraient-ils à y subjuguer des populations belliqueuses dont la plupart, encore errantes, s'enfonçaient dans les profondeurs de leurs forêts et disparaissaient dans le vaste espace ouvert devant elles, à moins qu'elles n'en sortissent pour surprendre les légions comme elles le firent en égorgeant celles de Varus ? Les Romains avaient à craindre d'y être vaincus s'ils entreprenaient des expéditions, et d'y être débordés s'ils y fondaient des établissements[234].

Ces objections, j'ose le dire, ne me paraissent point péremptoires. Charlemagne rencontra les mêmes difficultés et en triompha. Les Romains ne pouvaient-ils s'arrêter, comme lui, à la limite de l'Elbe ? D'ailleurs l'incorporation que, suivant nous, les Antonins devaient poursuivre, ne pouvait pas être, au début du moins, celle de la Germanie du Nord. Conquérir cette masse énorme par une attaque latérale comme l'essayèrent Drusus et Germanicus, était une œuvre impossible. De ce côté il fallait simplement consolider, au point de vue défensif, les premiers établissements militaires de ces hardis capitaines, et cette consolidation, nous l'avons vu, fut accomplie par Trajan. Mais du côté du Danube, Rome avait bien plus facilement prise sur les barbares. Là, il lui restait seulement à annexer la Moravie et la Hongrie, c'est-à-dire une superficie égale à celle des pays que Tibère et Trajan avaient réduits en province. Et la romanisation de profonde de la Pannonie et de la Dacie facilitait considérablement l'assujettissement des pays voisins. A la poursuite des Marcomans, les légions étaient amenées jusque dans la l3ohême tout cela ne demandait que deux ou trois guerres, moins terribles et moins longues, à coup sûr, que les deux expéditions dirigées par Trajan contre un homme de guerre aussi habile que Décébale.

Par ce fait seul de l'installation romaine dans le bassin du Danube, les populations nomades de la Germanie septentrionale auraient adopté l'existence sédentaire avant l'époque où leur propre évolution les y amena. Parmi les nombreuses peuplades qui s'y livraient des guerres incessantes, quelques-unes auraient pris le dessus, anéanti les plus faibles[235], et cet espace immense aurait été enfin habité par de vraies nations établies sur des territoires appropriés et délimités. L'élément turbulent de la société barbare, la bande aurait cherché dans les pays slaves ou dans l'extrême nord la satisfaction de ses goûts de pillage et de ses besoins d'activité désordonnée ; la tribu[236] aurait possédé et exploité tranquillement le sol. Et alors Rome pouvait faire pénétrer sa civilisation plus avancée et plus douce chez ces peuples à demi policés, ou même les conquérir en trouvant chez quelques-uns d'entre eux des auxiliaires de sa politique, en s'y créant des clients tels qu'avaient été en Gaule les Rhèmes et les Eduens au temps de Jules César, la province romaine du Danube devenant à l'égard de la Germanie ce que fut la Narbonnaise vis-à-vis de la Gaule chevelue.

Le christianisme aurait complété et cimenté, sans guerre et sans violence, l'œuvre de Rome. Quand les Huns envahirent au cinquième siècle la partie occidentale de notre continent, ils n'auraient pu, malgré leur férocité et leur nombre, désagréger ce groupe compacte de nations disciplinées à l'école de Rome, et animées de son esprit : l'effort de ces hordes se serait brisé sur l'Elbe au lieu de promener la dévastation et la mort dans toute l'Europe, et la civilisation aurait tranquillement suivi le cours marqué que troublèrent les invasions germaines et mongoles, et qu'il a fallu reprendre laborieusement, après plusieurs siècles, pour nous relier au monde ancien.

 

§ 7. — Les Roumains.

 

Avant d'abandonner les questions relatives à la Dacie, disons quelques mots du lien qui rattache les Roumains aux colons de Trajan. Les historiens latins disent formellement qu'après les guerres malheureuses de Gallien, Aurélien ne croyant plus pouvoir assurer aux Romains établis sur la rive gauche du Danube une protection suffisante, ramena les soldats et les colons sur la rive droite de Mésie où il leur procura des établissements et constitua une nouvelle province portant le même nom que celle qu'il abandonnait aux Goths[237]. Mais cette émigration totale est contestée par plusieurs historiens et surtout par les écrivains roumains[238]. D'après ceux-ci, un grand nombre des colons refusèrent d'abandonner leur patrie. Selon d'autres auteurs[239], la partie la plus brave de la population aurait cherché un asile dans les Carpathes, et, derrière ce retranchement inexpugnable, amassé lentement la force nécessaire pour déposséder ses envahisseurs, et remettre la main sur les pays que Trajan avait réunis à l'empire et que les Roumains habitent aujourd'hui. Ces derniers seraient donc les descendants directs et les héritiers des colons romains.

L'exemple célèbre de Pélage et de ses compagnons retirés dans les montagnes des Asturies, le succès des sorties faites de cette forteresse contre les Arabes, donnent quelque vraisemblance à l'opinion répandue en Roumanie. Cependant elle a été attaquée par M. Rœsler au moyen de considérations qui me paraissent difficiles à réfuter[240]. Si, pendant le moyen âge, les colons latins n'avaient point cessé d'occuper, totalement ou partiellement, la Dacie Trajane, on trouverait dans la langue roumaine (dont la grammaire est restée latine, mais dont le vocabulaire a dû accueillir un grand nombre de mots étrangers), on trouverait, dis-je, quelques traces des idiomes propres aux envahisseurs du pays, Goths, Huns, Gépides (autre branche des Goths), Avares, Bulgares, Hongrois, Petchenègues, Cumans[241]. Il n'en est rien : l'élément germanique y est insignifiant, et son introduction, toute récente, s'est faite par la Transylvanie et par l'Autriche[242]. Les mots turcs n'y sont entrés également que très-tard : ils appartiennent au dialecte osmanli, mélange de turc, de persan et d'arabe, qui ne date que des invasions du XVe siècle, et non au dialecte cumanique, plus ancien et plus pur, dont se servaient les Petchenègues, Uses et Cumans si longtemps maîtres de la Valachie[243]. Les idiomes magyars n'ont pas apporté non plus leur contingent dans le Valaque. Au contraire, la partie non latine du vocabulaire est empruntée aux langues qui, jusqu'au XIIIe siècle, ne furent parlées qu'au sud du Danube : albanaise, bulgare et grecque[244]. Ce fait, joint à la profession de la religion grecque par les Roumains et à leur dépendance de l'église de Constantinople, fait supposer à M. Rœsler que les colons de la Dacie Trajane obéirent effectivement aux ordres d'Aurélien, qu'ils vinrent en Mésie ; que mal couverts contre les invasions par le Danube seul, ils se réfugièrent, avec les colons de Mésie parlant latin, dans les Alpes Dinariques, dans le Pinde et dans les Balkans. De là, les uns passèrent en Epire, en Macédoine, en Thessalie où on les trouve encore ; les autres gagnèrent peu à peu du terrain dans la Bulgarie et franchirent le Danube vers le commencement du mie siècle. C'est alors, en effet, que l'histoire mentionne pour la première fois des Valaques au nord du fleuve[245].

Il est certain que l'on n'a trouvé sur le sol de l'ancienne Dacie aucun monument postérieur au règne d'Aurélien. Si humble qu'on suppose la vie des colons restés dans leur résidence paternelle, ils auraient eu sans aucun doute des relations commerciales avec les autres parties de l'empire, et on trouverait dans le pays des dépôts de monnaies, indices de ce commerce. On n'a pas découvert de tels dépôts[246]. On ne comprendrait pas non plus que Constantin, qui vainquit les barbares et rétablit même quelques ouvrages militaires sur la rive septentrionale du fleuve, n'eût pas fait rentrer dans la famille romaine ces membres' délaissés dans des temps malheureux, sous le poids d'une nécessité que ses victoires faisaient disparaître. On ne cite aucun effort de lui dans ce sens. L'histoire, autant qu'il me semble, concourt donc avec la philologie pour faire admettre l'opinion de M. Rœsler[247]. L'empreinte romaine n'en paraîtra que plus puissamment gravée au cœur de ce peuple qui emportait au loin, et gardait au milieu de tant de traverses sa langue et ses souvenirs, et qui patiemment, en dépit d'obstacles de tous les genres, a repris le sol qu'avaient possédé ses ancêtres, et fait siens, à l'est, des territoires où Rome n'avait jamais porté ni son idiome, ni ses armes, ni même son nom.

 

 

 



[1] Pour tout ce qui concerne les Gètes et les Daces, il faut lire les mémoires suivants de M. Rœsler publiés dans les Sitsbungsberichte de l'Académie des sciences de Vienne : Die Geten und ihre Nachbarn, 1863, Das Vorrœmische Dacien, 1864. Dacien und Romænen, 1866.

[2] III, 8.

[3] Τίβισκος. Cette rivière est sans doute le Temes, attendu que la ville de Tibiscum était située au confluent du Temes et de la Bistra (Mannert, Res Trajani, p. 28), Hérodote (IV, 49) dit que le Μάρισος se jette dans le Danube et Strabon (VII, 3, 13) le répète. Or au temps de Strabon, les Romains connaissaient assurément l'embouchure de la Theiss. Rœsler suppose qu'on appelait Μάρισος non-seulement le Maros actuel, mais encore toute la partie du cours de la Theiss située en aval de Szegedin, où cette grande rivière est grossie du Maros. C'est ainsi qu'on peut dire que ce dernier se jette dans le Danube. Or Ptolémée ne parle pas du Μάρισος. Strabon dit qu'il coule chez les Gètes. Au sixième siècle, on commence à mieux connaître la géographie de ces régions. Jornandès (Get., 34) et le géographe de Ravenne (IV, 34) nomment, comme deux rivières distinctes, la Tysia et la Tibisia. La première est la Theiss. On pense que la Tysia de Jornandès est la même que le Parthiscus d'Ammien (XVII, 3) et le Pathiscus de Pline (Hist. nat., IV, 25). V. Forbiger, Handbuch, III, p. 1103. La géographie de la Dacie ancienne occupe les pages 1101-1111 de ce troisième volume.

[4] Ίέρασος. On ne sait si l'on doit l'identifier avec le Pruth ou avec le Sereth.

[5] Strabon, VII, 3,12, Appien, Præf., Dion, 67, 6. Pline, Hist. nat., IV, 25, Justin, XXXII, 3, 16.

[6] GRIMM a voulu étayer par la philologie et par l'histoire une assertion absolument gratuite de Jornandès qui appelle Gothi le peuple auquel Domitien et Trajan firent la guerre. On trouve déjà cette confusion dans Capitolin (Carac., 10). ENGEL (p. 90) avait déjà nié la parenté des Goths et des Gètes. V. la réfutation de Grimm dans Rœsler, p. 13-21.

[7] Rœsler, p. 25. M. Alf. MAURY (Journ. des savants, 1869, p. 301, 356) rapproche les Gètes et les Gaulois sur certains points, mais sans faire des premiers un peuple celtique. Il le regarde comme thraco-scythique et admet que les Scythes, aussi bien que les Sarmates, sont indo-européens.

[8] Article Getæ dans l'Encyclopédie d'Ersch et Gruber.

[9] Rœsler, p. 29.

[10] V. la liste de ces mots dans Rœsler, p. 75-84.

[11] Hérodote, IV, 93.

[12] Strabon, VII, 3, 11.

[13] Hérodote, V, 7.

[14] Martial, VII, 2. Ovide, Tristes, V, 3, 22.

[15] Telle est l'orthographe véritable. Miller, Comptes-rendus de l'Acad. des inscript., 1866, p. 401.

[16] Hérodote, IV, 94.

[17] Plutarque, Themist., 13, Pelop., 21. Arist., 8.

[18] Fr. Lenormant, Voie Eleusienne. 410-412.

[19] Heuzey, Comptes-rendus de l'Acad. des inscr., 1865, p. 374.

[20] Strabon, VII, 3, 5.

[21] Hérodote, II, 81. Suivant Hellanicus (fr. 173, éd. Didot), Zamolxis introduisit les mystères chez les Gètes.

[22] Ainsi Josèphe (Ant. Jud., XVIII, 1, 5) les compare aux Esséniens.

[23] Strabon, VII, 3, 4.

[24] Ceci a déjà été reconnu par M. Heuzey, Comptes-rendus de l'Acad. des inscr., 1865, p. 377.

[25] Hérodote, IV, 93.

[26] Hérodote, IV, 94.

[27] Ceux qui n'avaient pas péri dans le combat se donnaient la mort. V. ci-après la guerre de Trajan.

[28] IV, 93.

[29] Cap. 22.

[30] Suivant Hérodote, IV, 96, Zamolxis serait bien antérieur à Pythagore.

[31] Il portait même le titre de θεός. Strabon, VII, 3, 5. V. d'Anville, Mémoire sur la nation des Gètes et sur le pontife adoré chez cette nation. Mémoires de l'Académie des inscr., XXV, 35-47.

[32] Compléter le tableau comme l'a fait M. Rœsler (des Vorrœmische Dacien, p. 357) en empruntant d'autres faits à Pomponius Mela (II, 12) ne me parait pas légitime, car ce géographe ne mentionne les Gates qu'à propos de leur courage à affronter la mort ; ce qu'il dit des femmes mises à mort près de leur époux, de leur liberté avant le mariage etc. est tiré d'Hérodote et s'applique à d'autres peuples thraces, comme on le voit en se reportant au texte plus détaillé de l'historien grec (V, 4, 5, 6). Suivant Horace (Carm., III, 24, 12), les Gètes n'auraient pas connu la propriété (immetala quibus jugera liberas fruges et Cererem ferunt), mais sa description est plutôt poétique et surtout satirique, qu'historique. D'après les objets que fournit dans les fouilles le sol de l'ancienne Dacie, ses habitants travaillaient assez habilement les métaux. Ils semblent avoir connu aussi une certaine architecture militaire (Bull. Inst. Arch., 1848, p. 33). Platon (Charmid., p. 156) parle de médecins thraces instruits par Zamolxis. Les anciens attribuaient aux Daces la connaissance des propriétés médicales des plantes ; autrement on ne comprendrait pas pourquoi Dioscoride et le faux Apulée ont rapporté des noms daciques de végétaux.

[33] Arrien, Anabase, I, 4, 2-7.

[34] Florus I, 38 (éd. Halm). Ces forêts faisaient suite à la forêt Hercynienne. César, Bell. Gall., VI, 25.

[35] Strabon, VII, 3, 11.

[36] Dion Chrysostome, Orat. XXXVI.

[37] Mommsen, Hist. rom., traduct., vol. VII, p. 117.

[38] Strabon, VII, 3, 11. Suétone, Cæs., 44.

[39] Pline, Hist. nat., IV, 25.

[40] Appien, Illyr., 22-24.

[41] Dion, LI, 22.

[42] Ils étaient alors en proie à la guerre civile. Dion, LI, 22.

[43] Georg., II, 497, Carm., III, 6, 13.

[44] Dion, LI, 23. Il détacha de la ligue ennemie quelques chefs, entre autres Roles, qui fut déclaré allié du peuple Romain.

[45] Dion, LIV, 36. Horace, Carm., III, 8.

[46] Florus, II, 28, éd. Halm. Sur les guerres daciques de cette époque, v. Mommsen, Res Gestæ Divi Augusti, p. 88.

[47] A la fin du règne d'Auguste, Ælius Catus transporta en Mésie cinquante mille barbares (Strabon, VII, 3, 10). Sous Néron, Ti. Plautius Ælianus en amena cent mille, avec leurs femmes et leurs enfants. Orelli, n° 750.

[48] Tacite, Hist., III, 46.

[49] Dion, LXVII, 5. Il est assez remarquable que Trajan et Décébale aient été appelés tous deux au rang suprême par le choix du prince leur prédécesseur, choix motivé par leur capacité politique et militaire.

[50] Reimar, dans ses notes sur Dion, émet la conjecture que Δεκέβαλος signifie roi des Daces ou quelque titre analogue. D'une part nous retrouvons ce nom donné à d'autres chefs barbares (Trebel. Pol., Trig. tyran., 10), et de l'autre l'adversaire de Domitien, nommé Δεκέβαλος par Dion Cassius, est appelé Diurpaneus par Orose (VII, 10. Il avait sous les yeux les derniers livres des Histoires de Tacite) et Dorphaneus par Jornandès (Get., 1, 3). V. pourtant les objections de Rœsler, Das vorrœmische Dacien, p. 353.

[51] Dion, LXVII, 6.

[52] Suétone, Domit., 6. Jornandès, Get., 13.

[53] Suétone, Jornandès, Orose aux passages cités et Dion, LXVII, 10. V. l'épitaphe métrique de Cornelius Fuscus composée par Martial, V. 3.

[54] Suétone, Domitien, 6

[55] Dion, LXVII, 10.

[56] Dion appelle cet endroit Τάπαι. On lit dans Jornandès (Get. 12) : Dacia antiqua... trans Danubium corona montium cingitur : duos tantum habens accessus, unum per Bontas, alterum per Tabas. On croit retrouver la localité dans Tapia, au voisinage de Lugos dans le Banat, sur le versant occidental du dernier contrefort des Carpathes.

[57] Dion. LXVII, 10. Criton, dans les Γετικά (Frag. hist. gr., IV, 374) rapporte une ruse semblable, mais à ce qu'il semble inventée par les Romains.

[58] Dion, LXVII, 6.

[59] Pravissima elatus jactantia, sub nomine superatorum hostium de exstinctis legionibus triumphavit, VII, 10. Orose dit au même endroit que Tacite avait écrit diligentissime l'histoire de ces guerres, mais en dissimulant le nombre des Romains tués.

[60] Martial V, 3. Stace, Silv. I, 1 et 4. III, 3. Dion LXVII, 9.

[61] Ammien, XXIV, 3.

[62] Zonaras, XI, p. 508 éd. Bonn. Cf. Fabricius, Bibl. Gr., V p. 246.

[63] Pline, Ep. VIII, 4.

[64] Fr. Hist. Gr., IV, p. 373.

[65] Heyne. Lettre à Engel, Commentatio, p. 27.

[66] P. 110.

[67] Henzen, Annal. Inst. Arch., 1862, p. 139.

[68] Henzen, l. l., p. 149.

[69] Spartien, Hadr., 3.

[70] Bull. Inst. Arch., 1869, p. 118. M. de Longpérier (Rev. num., 1865, p. 402) a émis l'opinion que les médailles impériales offrant au revers l'effigie de Mars Gradivus indiquent le départ d'une expédition militaire. L'histoire de Trajan confirme parfaitement l'exactitude de cette opinion ; on a une de ces médailles datée du quatrième consulat de l'empereur (Cohen, n° 135).

[71] Corp. Insc. lat., III, n° 1699. Voyez deux belles pages de M. Saint-Marc Girardin, Souvenirs de voyage, t. I, p. 209, sur les pensées qu'évoque la présence de ce monument au milieu d'un site silencieux et sauvage. Les vestiges de la route terminée par Trajan sont encore visibles (Paget, Hungary and Transylvania, II, 123). Une partie était taillée dans le roc ; l'autre, construite en encorbellement, était supportée par des poutres dont les creux d'encastrement sont encore visibles, v. Benndorf, Sitzungsberichte der Kais. Akademie, LXXVII, p. 417.

[72] Sur la rive gauche ou dacique. La table de Peutinger place Lederata sur la rive droite ou mésique, mais c'est une erreur comme le démontrent les textes de Procope (Æd., IV, 6, et de Justinien, Nov., 11) ... tam Viminacium quam Recidua et Lederata, quæ trans Danubium sunt.

[73] En Mésie.

[74] En Mésie.

[75] VI, p. 682 éd. Putsch : Trajanus in primo Dacicorum : Inde Berzobim, deinde Aixi|m| processimus.

[76] Dion, LXVIII, 9.

[77] Pline, ad Traj., 74.

[78] Mommsen, Etude, etc., p. 113.

[79] V. l'Appendice, III.

[80] Un certain T. Julius Brocchus, tribun dans cette légion, reçut des récompenses militaires pour une guerre dacique, mais ce fut probablement sous Domitien, le nom de l'empereur ne figurant pas dans l'inscription : on sait en effet (Borghesi, Œuvres, IV, p. 214) que la mémoire de Domitien avait été abolie.

[81] Mommsen, Arch. Anzeiger, 1885, p. 96.

[82] Germains armés de massues. Bartoli, col. Traj., tav. 27, 49. Frœhner, n° 86. Ala Dardanorum, Orelli, 3570. Ce corps avait dû être tiré de Mésie et il y retourna après la guerre, comme le prouve un diplôme militaire de l'an 105. Henzen 6857.

[83] C'était un petit prince maure qui avait déjà servi dans l'armée romaine, mais en avait été exclu pour quelque faute grave. Trajan lui rendit un commandement, et il justifia cette faveur par son habileté militaire et son courage (Dion, LXVIII, 32). Les cavaliers maures qu'il commandait sont représentés sur la colonne (Bartoli, t. XLIII. Frœhner, n° 50). M. Dierauer, p. 79 remarque qu'ils conduisent leurs chevaux comme l'indique Strabon (XVII, 3, 57). V. sur ce personnage Borghesi, Œuvres, I, p. 501.

[84] Claudius Livianus, préfet du prétoire, prit part à la guerre (Dion, LXVIII, 9). Voyez l'épitaphe d'un cavalier de la IXe cohorte prétorienne, récompensé par Trajan pour sa bravoure dans la guerre dacique.

[85] Julian., Cæs., 22.

[86] Annal. Inst. Arch., 1862, p. 139.

[87] Je citerai les planches de BARTOLI, Colonna Trajana nuovamente disegnata, etc. Roma, 1672, qui représentent ces bas-reliefs sur une échelle assez grande, et la Colonne Trajane décrite par W. FRŒHNER. Bien que plusieurs détails de ce dernier ouvrage nous aient paru contestables, à M. Dierauer (pp. 79, 83, 86, 87, 90, 99) et à moi (Revue critique, 1866, pp. 51 et suiv., 117 et suivantes), il est utile et commode à consulter.

[88] Sur la manière dont les Romains construisaient ces ponts, v. Arrien, Anabase, V, 7, 2-4.

[89] Bartoli, tavola 4a ; Frœhner, n° 4.

[90] Berton, t. 6, 7 ; Frœhner, n° 5.

[91] Aujourd'hui contre les Daces, et plus tard, sous Marc-Aurèle, contre les Quades (Dion, LXXI, 18 LXXII, 2). Tacite les mentionne (Germ., 43). Suivant Dion (LXVIII, 8) le message qu'ils envoyèrent à Trajan était écrit en caractères latins sur un champignon gigantesque. On a cru trouver la confirmation de ce fait étrange sur un bas-relief de la colonne (Bartoli, t. 8 ; Frœhner, n° 6) qui montre un homme se laissant tomber d'un mulet en présence de Trajan. L'animal porte, attaché à la selle, un objet de forme ronde, percé de trous comme un crible, que l'on a pris pour le μύκης μέγας (Fabretti, de column. Traj., p. 17). M. Dierauer (p. 84) établit d'abord que l'objet en question est plutôt un bouclier, ou un ornement de la selle particulier aux barbares. De plus il soupçonne quelque erreur de transcription dans le texte de Dion, et renvoie au Thesaurus pour les divers sens du mot μύκης. Parmi eux, se trouve celui de garde d'épée, que M. de Champagny (Antonins, I, p. 285) a indiqué avec un signe de doute. Il me semble qu'on peut être moins réservé, et affirmer que Xiphilin a mal copié et mal compris un passage où Dion racontait quelque stratagème employé par les Bures et analogue à ce que nous trouvons dans Ammien (XVIII, 6) : reversis exploratoribus nostris, in vaginæ internis notarum figuris membranam reperimus scriptam a Procopio, et dans Frontin (Stratag., III, 13, 5). Nonnulli [Campani] interiora vaginarum inscripserunt.

[92] Bartoli, tav. 8, Frœhner, n° 7.

[93] Bartoli, t. 13, Frœhner, n° 11.

[94] Bartoli, t. 17, Frœhner, n° 15.

[95] Bartoli, t. 18, Frœhner, n° 15.

[96] Bartoli, t. 20, Frœhner, n° 18.

[97] Par un privilège attaché à leur rang, les πιλοφόροι parlaient au prince la tète couverte.

[98] Dion, LXVIII, 9. Cette première ambassade est figurée sur la colonne. Bartoli, t. 20, Frœhner, n° 18.

[99] Bartoli, t. 27, 28, Frœhner, n° 27, 23.

[100] Tacite, Hist., I, 79. Ici ils n'ont pas pour armes offensives la longue lance (conius) et l'épée à deux mains, mais des flèches. Cf. Martial, VII, 2, Pausanias, l. 21, 5. Mr Frœhner prend ces Sarmates pour des Parthes, à tort (Revue critique, 1866, I, p. 54 ; Dierauer, p. 83).

[101] Bartoli, t. 28, Frœhner, n° 31.

[102] Dion, LXVIII, 8, Suidas v° Λαμπάδια.

[103] M. Frœhner croit que la bataille de Tabæ est celle de l'année précédente ; aux raisons alléguées ici joignez cette remarque de M. Dierauer que l'ambassade des Daces chevelus précéda la bataille de Tabæ (p. 88).

[104] Bartoli, t. 29, Frœhner, n° 29.

[105] Bartoli, t. 31, Frœhner, n° 33, 34.

[106] Bartoli, t. 32, Frœhner, n° 35, 36, 37.

[107] Bartoli, t. 35, Frœhner, n° 42.

[108] Bartoli, t. 33, Frœhner, n° 33.

[109] Bartoli, t. 36, 37, Frœhner, n° 43, 44.

[110] Dion, LXVIII, 9.

[111] Bartoli, t. 47, Frœhner, n° 50.

[112] Mauric., Tact., IX, 2.

[113] Bartoli, n° 50, Frœhner, n° 56.

[114] Dion, LXVIII, 9. Pierre le Patrice, frag. 5 (Fr. Hist. Gr., IV, p. 185).

[115] Dion, LXVIII, 10.

[116] Bertoli, t. 54, 55, Frœhner, n° 51.

[117] Bartoli, t. 57, Frœhner, n° 63.

[118] Cohen, n° 352, 353.

[119] J'avais émis cette opinion en 1866 (Revue critique, I, p. 53) et j'ai le plaisir de la voir approuvée par M. Dierauer, p. 92.

[120] C'était son cinquième. V. Mommsen, Étude, etc., p. 101.

[121] LXVIII, 9.

[122] Henzen, Annal. Arch., 1862, p. 139 et suivantes.

[123] Spartien, Hadr., 4. — Une monnaie d'argent, au type de Mars Gradivus et datée du cinquième consulat (Cohen, n° 22) fut frappée soit au moment où Trajan quitta Rome, soit lors de la déclaration de guerre.

[124] Procope, de Ædif., IV, 6.

[125] Ueber Trajans steinerne Donaubrücke, Wien, 1858, in-4°.

[126] Danubius pannonico-mysicus, II, p. 26.

[127] Mém. de l'Acad. des Inscript., XXVIII, p. 438.

[128] Res Trajani, etc., p. 46.

[129] Commentatio, etc., p. 205.

[130] Paneg., ed. Norimb, 1746, in-4°. Præfatio, p. LIV.

[131] Gesch. von Dacien, I, p. 256.

[132] P. 128 et d'après lui M. de Champagny, Antonins, I, pp. 288, 291.

[133] Aschbach, p. 7.

[134] Corp. Insc. Lat., III, n° 1581 et p. 1018.

[135] LXVIII, 13.

[136] Chiliad., II, 67.

[137] 3.570 pieds romains, de 0m 296, ne donneraient que 1.056m 72. Il ne peut donc être question que de pieds grecs, comme a bien voulu me l'écrire M. Aschbach, consulté par moi sur cette difficulté. N. de Champagny, Antonins, I, p. 305, dit formellement qu'il s'agit ici de pieds romains, mais alors le chiffre donné par Dion ne serait plus d'accord avec la largeur effective du Danube.

[138] Aschbach, p. 17.

[139] De Ædif., IV, 6. Chil., II, 67 et suivants.

[140] Aschbach, p. 19.

[141] Borghesi, Œuvres, V, 33.

[142] Dion, LXVIII, 10.

[143] Dion, LXVIII, 11.

[144] Dion, LXVIII, 12.

[145] Dion, LXVIII, 14.

[146] Bartoli, t. 71, 72, Frœhner, n° 78.

[147] On ignore la position de cette ville : peut-être faut-il la chercher vers Gredista, près du Vuikan Pesa, à la source du Schyul, là où se voient les débris d'une forteresse construite avec des blocs de pierre bruts, assemblés sans ciment. On y a trouvé, en grand nombre, des monnaies d'or appelées pseudo lysimaques. V. Neigebaur, Dacien, etc., p. 97, et la carte jointe à l'ouvrage, et Henzen, Bullet. de l'Inst. Arch., 1848, p. 33.

[148] Bartoli, t. 89, Frœhner, n° 94.

[149] Bartoli, t. 92, 93, Frœhner, n° 97, 98.

[150] Bartoli, t. 95, Frœhner, n° 100.

[151] Bartoli, t. 108, Frœhner, n° 116.

[152] Bartoli, t. 109, Frœhner, n° 118.

[153] Dion, LXVIII, 14. Dans ce même chapitre, l'auteur raconte que Décébale avait caché ses trésors dans le fleuve Sargetia (Schyul ?) et qu'un Dace, nommé Bicilis, révéla à Trajan le lieu où étaient enfouies ces richesses. M. Dierauer (p. 102) conteste ce récit à cause des ressemblances, dans le détail, avec ce qu'on raconte des trésors ensevelis à la mort des rois goths. Il est certain pourtant qu'une partie des richesses de Décébale tomba entre les mains de Trajan (V. plus loin guerre des Parthes, et sur la colonne Bartoli, t. 103, Frœhner, n° 112).

[154] Bartoli, t. 111, Frœhner, n° 121.

[155] Bartoli, t. 112, Frœhner, n° 123.

[156] Bartoli, t. 97, Frœhner, n° 102.

[157] Hadr., c. 3. Prætor factus est sub Surano bis Serviano iterum consulibus. Ce consulat est celui de l'an 102. Les consuls de l'an 107, que l'auteur voulait sans doute nommer ici, sont Sura III, et Senecio II. M. Henzen (Annal. Inst. Arch., 1862, p. 154) pense que la préture d'Hadrien est de l'an 106.

[158] L'inscription du pont d'Alcantara.

[159] C'est l'opinion de M. Henzen, qui suppose qu'Hadrien, préteur cette année-là, put revenir à Rome donner, à l'issue de sa charge, les jeux qu'il devait au peuple et en vue desquels Trajan lui fit un présent de deux millions de sesterces (Spart., l. l.). M. Dierauer (p. 105) admet aussi que la guerre fut terminée en 106.

[160] Vopiscus, Aurelian, 21. Dans l'intervalle des deux guerres, Décébale avait fait quelques conquêtes sur les Iazyges. Ceux-ci se recommandèrent à Trajan, mais la partie de leur pays prise par les Daces ne leur fut pas rendue.

[161] Je ne sais à quel moment des guerres daciques placer la captivité d'un personnage consulaire, à laquelle Fronton fait allusion, de bello Parthico, p. 217, éd. Naber. Niebuhr a pensé qu'il s'agit de Cassius Longinus, mais cet officier n'était que præfectus castrorum, il n'avait donc pas été consul. On ignore aussi dans quelles circonstances le chef dace Susagus pénétra en Mésie (Pline, Ep. ad Traj., 74).

[162] Plutarque, de prim frig., 12.

[163] VIII, 2. Ea provincia decies centena millia passuum in circuitu tenuit.

[164] D'Anville, Acad. des Inscrip., XXVIII, 462. Mannert, Geogr. der Gr. und Rœm., IV, p. 189. Forbiger, III, 1102.

[165] D'Anville, l. l., p. 445. On peut dire.... que ce qui est actuellement connu sous le nom de Valakie et de Moldavie était joint à la Transylvanie dans la province de Dacie. Cette opinion semble d'abord confirmée par ce fait que la langue roumaine se parle et s'entend dans le Banat, la Transylvanie, la Bukowine et les principautés. Mais cette même langue est également usitée dans la Bessarabie, en Macédoine, en Thrace et dans quelques cantons de la Thessalie, pays qui ne faisaient point partie des états de Décébale.

[166] Trajan avait emmené dans son expédition des ingénieurs et des arpenteurs (Agrimensores, éd. Lachman, I, p. 92).

[167] De Victoriis, cap. 7.

[168] Dans la partie située à l'est du Temes.

[169] D'Anville est obligé de le reconnaître, l. l., p. 458. Nous serions instruits d'un plus grand nombre de noms de lieux, et ces lieux nous conduiraient plus avant, si dans la table Théodosienne les voies militaires qui s'étendaient jusqu'aux extrémités de la Dacie romaine étaient décrites. Mais cette absence d'indications prouve justement que les extrémités de la province sont marquées par les points où les routes s'arrêtent.

[170] On s'en convainc immédiatement en jetant un coup d'œil sur la carte annexée à l'ouvrage de Neigebaur intitulé Darien aus den Ueberresten des Klassischen Alterthums. Toutes les inscriptions conservées à Bucarest, au musée public ou chez des particuliers, ont été apportées de la Petite Valachie ou de la Bulgarie. Une inscription publiée par Gruter, 259, 8, parle bien de Dacii Iasii, mais elle est fausse ou mal copiée (V. une note dans Borghesi, t. III, p. 481). A Iassy, il est vrai, on conserve un monument dédié à Trajan et trouvé, dit-on, à Gergina près de l'embouchure du Sereth ; si la provenance est exactement indiquée, ce monument viendrait à l'appui de ma thèse, car la dédicace est faite par P. Calpurnius Macer Caulius Rufus, légat de Mésie pendant que Pline administrait la Bithynie (Ad Traj., 41, 61, 77), ce qui prouverait que le Bas-Danube était, aussi bien que la ville de Tyras sur le Dniester (Henzen, n. 6429), placé dans le gouvernement de Mésie, et non dans celui de Dacie, et par conséquent que la Moldavie ne faisait pas partie de l'ancienne Dacie romaine.

[171] Borghesi, t. VIII, p. 481 et suivantes.

[172] Pour ce dernier nom, voyez dans les Œuvres de Borghesi, t. VIII, p. 482, la note 2 de M. Renier.

[173] Reichardt place Porolissum à Nagy-Banya au nord des Carpathes, mais cette attribution n'est pas compatible avec les distances marquées sur la carte de Peutinger. Ackner établit qu'il faut chercher cette localité à Vets ou à Mikhasa, près de Dees.

[174] Itinéraire d'Antonin, ed. Wessl, 218, 221.

[175] Daniel, Handbuch der Geographie, IV. Taf., p. 14.

[176] Atlas de Stieler, carte 35 b.

[177] Table de Peutinger, Segm. VI.

[178] Dans les livres aujourd'hui perdus de ses Histoires. Tacite, le plus grand peintre de l'antiquité, avait dû représenter vivement cet aspect du pays.

[179] Bartoli, tav. 113, 114, Frœhner, 124.

[180] Les Daci sont plus d'une fois mentionnés après Trajan, par exemple sous Antonin le Pieux (Jul. Capitolin, 5), sous Commode (Lampride, 13).

[181] Ala Ia Ulpia Dacorum, Henzen, 6049 ; Cohors Ia Ælia Dacorum, ibid., 5889, 6688.

[182] LXVIII, 14.

[183] Cæs., 13.

[184] Eutrope, VIII, 6. Trajanus, victa Dacia, ex toto orbe Romano infinitas copias hominum transtulerat ad agros et urbes colendas ; Dacia enim diuturno bello Decebali viris fuerat exhausta.

[185] Herzen, Bullet. Inst. Arch., 1848, pp. 156 et suivantes.

[186] Sauf peut-être Jupiter Cernenius (Ackner, Ir 623) qui représente soit la divinité locale de Dierna ou Czerna, soit le dieu slave Czernobog.

[187] Ackner, passim.

[188] Ackner, n° 376 à 382.

[189] Ackner, 770.

[190] Ackner, 409.

[191] Ackner, 442.

[192] Ackner, 637, 665.

[193] Ackner, 556, 829.

[194] Ackner, 726 à 728, 223, 224, 555.

[195] V. Ackner, 268 : Collegium Galatarum.

[196] Il ne voulait pas coloniser les provinces aux dépens de l'Italie. V. le chapitre VIII.

[197] Henzen, 5443.

[198] Henzen, 6932.

[199] Il ne reçut ce surnom qu'à la fin de l'an 113 au plus tôt, puisqu'il ne le porte point sur l'inscription de la colonne Trajane (Orelli, 29). Il l'a sur les monuments de l'an 114.

[200] Cohen, n° 332. Cette grappe fait allusion aux vins de Transylvanie. Ainsi la vigne était déjà cultivée dans ce pays au moment où Rome en fit la conquête. Du reste Strabon nous l'apprend en racontant la réforme entreprise par Bœrebistas.

[201] Dion, LV, 23.

[202] Henzen, 5443.

[203] La légion Va Macedonica fut amenée en Dacie sous Septime Sévère (Mommsen dans Borghesi, IV, p. 260).

[204] Dans la Transylvanie seulement (Jahrbuch der central Commission zur Erforschung der Baudenkmale, I, p. 65, 100).

[205] V. Neigebaur, ouvrage cité, et Ackner et Müller, Die römischen Inschriften in Dacien.

[206] L. 15 (de censibus), l. l. §§ 8 et 9. Ulpien y dit expressément que la colonie de Dierna fut fondée par Trajan.

[207] A ces villes, Septime Sévère ajouta Patavissa qui reçut le rang de colonie et le Jus italicum, l. l. § 9.

[208] Ackner et Müller, n° 545. Ces mines furent exploitées presque immédiatement après la conquête, car on connaît un affranchi de Trajan procurateur des aurariæ. Ackner et Müller, 577.

[209] Ackner et Müller, 658.

[210] De Gérando, La Transylvanie et ses habitants, I, p. 169, 178.

[211] De Gérando, La Transylvanie et ses habitants, I, p. 317. On reconnaît les exploitations établies comme les décrit Pline, Hist. Nat., XXXIII, 21.

[212] Ackner, 524, 525. Henzen, 7203.

[213] Ackner, 54, 523, 793.

[214] Table de Peutinger.

[215] Après qu'Hadrien eut fait détruire le tablier du pont de pierre (Dion, LXVIII, 13) il dut prescrire la construction d'un pont de bateaux à cet endroit, le long des piles devenues inutiles (Aschbach, p. 22). En effet on ne comprendrait pas, si tout moyen de passage était supprimé, pourquoi la carte de Peutinger indique un passage à Aegeta. — La route romaine appelée Kalea Trajanului venait aboutir sur le Danube en face d'Œscus, colonie de Trajan en Mésie. Les communications de l'une à l'autre rive devaient être fréquentes.

[216] Or. Henzen, 5280.

[217] Or. Henzen, 5280.

[218] Eckhel, Doct. Num. Vet., II, p. 46. Fabretti, Inscr. Dom., 340, 513.

[219] Or. Henzen, 5280.

[220] Nicopolis quam indicium victoriæ contra Dacos Trajanus condidit imperator. Ammien, XXXI, 5.

[221] Marcianopolls, a sorore Trajani principisita cognominata. Ammien, XXVII, 4, 12. Cf. Jornandès, Getic., 16.

[222] Eckhel, II, 38, Fabretti, 340, 513.

[223] Eckhel, II, 24, Fabretti, 340, 513.

[224] Eckhel, II, 36.

[225] Fabretti, 340, 513. On ne sait si Trajanopolis ad Hebrum fut fondée par Trajan ou par Hadrien. Eckhel, II, 47.

[226] Q. Glitius Agricola, en 103, est dit leg. pro.pr. imp. Nervæ Trajani, etc., provinciæ Pannoniæ (Henzen, 5449), et Hadrien, leg. pro.pr. imp. Nervæ Trajani, etc. ..... Pannoniæ inferioris. La Pannonie inférieure étant placée sous le gouvernement d'un ancien préteur ne devait pas renfermer alors plus d'une légion. Quelques vétérans reçurent des terres en Pannonie (Hyg., de condit agr., p. 121, ed. Lachm).

[227] Borghesi, Œuvres, III, p. 275.

[228] C'est ainsi sans doute qu'il faut comprendre les paroles d'Aurelius Victor, Cæs., 13 : iter conditum per feras gentes, quo facile ab usque Pontico mari in Galliam permeatur.

Nous devons dire quelques mots de certains ouvrages militaires attribués à tort à Trajan dans l'Europe orientale. D'abord on trouve, dans le Banat de Temesvar, des retranchements anciens qui relient le Mares au Danube. D'Anville (Mém. de l'Acad. des Inscript., XXVIII, 445) a pensé que ces retranchements avaient été élevés par Trajan pour défendre la Dacie contre les lames. Mais alors ces ouvrages, parallèles au cours de la Tholos, devraient être beaucoup plus rapprochés de cette rivière. De plus ils n'offrent pas, dans leur structure, l'aspect bien connu des fortifications romaines. C'est, dit Griselini (Histoire du Banat, I, 296) un double retranchement dirigé suivant deux lignes brisées, parallèles dans toutes leurs parties. La hauteur est de 6 à 7 pieds. Il y a un fossé entre les deux murs, un autre en avant, un troisième en arrière de l'ouvrage. Au contraire, dit Mannert (Res Trajani, p. 96), les retranchements romains qu'on voit en Allemagne sont hauts de dix-huit pieds au moins, forment une ligne continue ; les assises inférieures sont de pierre, la stabilité du mur est maintenue par de la terre en talus, le couronnement est couvert d'un gazon qui le préserve de la dégradation, enfin, de distance en distance, sont intercalées de fortes poutres. Griselini attribuait aux Avares la construction des retranchements du Banat, mais Mannert a montré qu'elle appartenait aux Thervinges, peuplade gothique qui voulut ainsi se défendre contre les Huns (Cf. Ammien Marcellin, XXXI, 3).

Sous le nom de fassis de Trajan on connait dans la Dobrutscha un triple retranchement antique qui traverse cette contrée dans sa partie la plus étroite. Il est formé par trois fossés qui se coupent près de Kustenjé pour se séparer ensuite et se diriger parallèlement vers le Danube, sans s'écarter entr'eux de plus de 10 kilomètres. Le long de ces fossés, de distance en distance, là où le terrain naturel offrait des plateaux, on trouve des camps retranchés accompagnés de petites redoutes. Ils dessinent une vaste enceinte, dont l'existence et le but paraissent d'abord difficiles à expliquer sur une ligne qui ne fut jamais la limite de l'empire. Il faut encore recourir à Ammien (XXXI, 8) qui nous apprend qu'en 376 les Wisigoths, ayant battu les Romains près de Marcianopolis, se retirèrent dans les steppes du Bas-Danube, et qu'ils y furent cernés par les lieutenants de Valens, Profuturus et le comte Trajan ; ceux-ci élevèrent des retranchements au milieu desquels ils tenaient les barbares assiégés, mais l'investissement fut interrompu par l'arrivée des Huns et des Alains, auxiliaires des Goths. C'est donc au comte Tries, comme l'a démontré M. Allard (Bulgarie Orientale, p. 98), qu'il faut rapporter les fossés, et non à l'empereur Trajan, comme l'a cru M. de Champagny, Antonins, I, p. 296.

[229] Tacite, Annal., I, 11.

[230] La démonstration de ce fait considérable est le sujet d'un des plus beaux mémoires de Mr Mignet, intitulé : Introduction de l'ancienne Germanie dans la société civilisée.

[231] Eutrope, VIII, 6.

[232] Dion, LXVIII, 13. — M. DURUY, Hist. des Romains, IV, 361, regarde ces assertions d'Eutrope et de Dion (ou de son abréviateur), comme les échos de calomnies systématiquement dirigées contre Hadrien, sans leur opposer, pourtant, de fait bien significatif.

[233] Capitolin, M. Ant. Phil., cap. 27. Triennio bellum postea cum Marcomannis, Hermunduris, Sarmatis, Quadis etiam egit et, si anno uno superfuisset, provincias ex bis fecisset.

[234] Introduction de la Germanie, etc. Bd. Charpentier, p. 8.

[235] Cf. la destruction des Bructères par d'autres peuples Germains, au commencement du deuxième siècle. Tacite, Germ., 33.

[236] Pour la différence entre la bande et la tribu, V. Guizot, Civilisation en France, tom. Ier, 8e leçon, p. 225, ed. 1846.

[237] Vopiscus, Aurelian, 39 : Quum vastatum Illyricum ac Mæsiam deperditam videret, provinciam trans Danubium Daciam, a Trajano constitutam, sublato exercitu et provincialibus reliquit, desperans eam posse retineri, abductosque ex ea populos in Mœsia collocavit, appellavitque novam Daciam, quæ nunc duas Mœsias dividit. Cf. Eutrope, IX, 15. Sext. Ruf., Breviar., 7.

[238] Mich. Kogalnitchan, Histoire de la Valachie et de la Moldavie, tom. Ier, p. 11. La plus grande partie des Romains, qui depuis près de deux cents ans habitaient la Dacie, n'ont pas quitté le pays à cette époque. Cf. Ed. Vaillant, La Roumanie, I, pp. 41, 52. Gibbon (chap. XI) avait déjà émis cette opinion.

[239] Ed. Quinet, Revue des Deux-Mondes, 1856, tom. Ier, p. 391. Il faut reconnaître que cette dernière manière de voir s'appuie sur les traditions locales (V. Nicolas Costin, analysé par Hase, Notices et extraits des manuscrits, XI, p. 305. — Neigebaur, Beschreibung der Moldau und Walachei, p. 73).

[240] Dacier und Romænen, Wien, 1866, in-8°.

[241] La moitié seulement des éléments du valaque est restée latine. Diez, Introduction à la grammaire des langues romanes, trad. par G. Paris, p. 111.

[242] Diez, p. 114.

[243] Rœsler, p. 68.

[244] Rœsler, 69.

[245] Rœsler, 64.

[246] Les beaux médaillons d'or trouvés à Szilogy-Somlyo et conservés au Musée de Vienne sont assurément le butin de quelque chef barbare (Steinbüchel, Médaillons d'or du Musée de Vienne, 1826).

[247] On se récrie sur l'impossibilité de transporter tout un grand peuple. Mais si, comme nous avons cherché à le prouver, la Dacie était limitée par l'Aluta à l'est, l'entreprise d'Aurélien n'a plus rien d'extraordinaire. — Engel (Commentatio, etc., p. 282) avait déjà nié que les Romains eussent prolongé leur séjour en Dacie après le règne d'Aurélien.