I. — Les Juifs à Rome.Au commencement de notre ère, Rome comptait une population juive très nombreuse. Les rapports entre les Juifs et les Romains avaient commencé vers l’an 162 avant Jésus-Christ ; plusieurs traités d’alliance unirent les intérêts politiques des deux peuples au temps des Macchabées[1]. En 138, il y avait déjà beaucoup de Juifs à Rome ; leur prosélytisme y parut si ardent que le gouvernement de la république, peu favorable alors aux religions étrangères ; finit par les expulser[2]. Cette mesure ne fut sans doute que provisoire, car les relations des deux peuples ne semblent pas en avoir souffert : dans cette même année 138, puis dix ans après, en 128, de nouveaux traités furent conclus entre Rome et Jérusalem. On peut croire que la juiverie romaine se reforma promptement. La prise de Jérusalem par Pompée, en 62, amena dans Rome de nombreux captifs qui figurèrent dans le triomphe du grand capitaine ; ils ne furent pas vendus, mais on les renvoya dans leur pays, nous apprend Appien[3] : probablement plus d’un refusa de faire ce voyage, et s’établit à Rome, où il trouvait déjà des compatriotes. En 58, la colonie était si nombreuse et si turbulente, que Cicéron, plaidant pour Flaccus, un de leurs ennemis, baissait de temps en temps la voix pour n’être pas entendu des Juifs qui remplissaient le forum : Vous savez, disait-il aux juges, quelle est leur multitude, quelle est leur union, quelle est leur influence et leur ardeur dans les assemblées, et combien il est périlleux de les braver (Pro Flacco, 28). Trente mille Juifs faits prisonniers et mis en vente, en 51, par un lieutenant de Crassus, viennent sans doute augmenter, au moins en partie, la redoutable population israélite de Rome[4]. César s’appuie sur les Juifs pendant les guerres civiles et les comble de faveurs[5]. Aussi deviennent-ils les ardents soutiens de sa cause et voit-on, après le meurtre du dictateur, des hommes libres et des esclaves de leur nation parcourir les rues de la ville avec des cris de colère[6] : pendant plusieurs nuits de suite ils veillèrent en se lamentant autour du bûcher funèbre[7]. Auguste continua, à leur égard, la politique de son oncle. Il recommanda, raconte Philon, de ne les pas oublier dans les largesses faites en son nom au peuple ; il voulut même que, si la distribution devait avoir lieu un jour de sabbat, elle fût retardée pour ne pas blesser leur conscience[8]. Les Juifs de la dispersion recouvrèrent le droit de recueillir des sommes d’argent pour les envoyer à Jérusalem[9]. Josèphe raconte qu’Agrippa, le gendre de l’empereur et son plus intime confident, lors d’un voyage à la cour d’Hérode, fit offrir dans le temple un sacrifice de cent bœufs[10] ; et Philon rapporte qu’Auguste lui-même y fonda à perpétuité un sacrifice journalier d’un taureau et de deux agneaux (Leg. ad Caïum). Julie, fille d’Auguste, donna au temple des vases précieux, des coupes d’or, et beaucoup d’autres objets (Ibid.). L’empereur, au dire de Suétone, loua son petit-fils Caïus de ce qu’en passant près de Jérusalem il ne s’était pas détourné pour offrir un sacrifice au Dieu des Juifs[11]. Sans doute il redoutait pour l’âme impressionnable d’un jeune homme les avances du prosélytisme israélite, et craignait que, insuffisamment armé par son âge, Caïus ne transformât en un acte sincère de religion les témoignages de respect que la politique d’Auguste dictait à son entourage ; mais les craintes mêmes de l’empereur montrent combien était puissante à cette époque l’influence de la religion et de la société juives sur le plus grand monde de Rome. Aux yeux des Romains, peu familiers avec les délicatesses ou les ardeurs communicatives du sentiment religieux, cantonnés dans les étroites limites d’un culte purement civil et laïque, le prosélytisme des Juifs était une chose étrange. Il s’exerçait dans tous les rangs de la société, mais de préférence dans ses rangs élevés, là où il rencontrait plus d’âmes ayant découvert le vide des formules officielles sous lesquelles s’enveloppait le paganisme romain, et surtout parmi les femmes, oisives, curieuses, attirées par l’inconnu. Cette religion juive si exclusive et si fermée en apparence, et qui, au temps qui nous occupe, accablait ses sectateurs sous le poids d’observances souvent insupportables, était très large et très hospitalière pour les adhérents du dehors. il y avait deux classes de prosélytes. Les uns, appelés prosélytes ale justice, embrassaient le judaïsme tout entier. Ils devenaient de vrais Juifs, abandonnaient patrie, parents, enfants et frères[12], abjuraient la loi romaine pour ne plus connaître que le droit hébraïque[13]. Mais à côté d’eux existait une sorte de tiers ordre, les prosélytes de la porte ou craignant Dieu, qui renonçaient seulement à l’idolâtrie, aux graves infractions à la loi naturelle, et s’abstenaient de manger du sang et des viandes suffoquées[14]. Le recrutement de cette catégorie de prosélytes était facile : les âmes fatiguées des puérilités du paganisme, ou dégoûtées de ses mœurs, ou seulement avides de nouveautés religieuses, s’y portaient d’elles-mêmes. Il n’y avait pas besoin, pour être admis, d’abandonner la nationalité romaine, de s’isoler de la société polie ou des fonctions publiques, ni même de s’imposer une trop sévère contrainte. Le centurion de Capharnaüm, dont Jésus guérit le fils, aimait la nation juive et avait même construit une synagogue[15] ; il appartenait certainement à ces Israélites du dehors. Le centurion Corneille était aussi un craignant Dieu, sans cesser de remplir dans sa garnison de Césarée ses devoirs de soldat romain[16] ; et ceci ne devait pas être rare dans l’armée, car un des hommes de la cohorte italique était comme lui[17]. Sénèque, étudiant la philosophie à Alexandrie, où les Juifs étaient si nombreux et si puissants, semble avoir été sur le point de s’enrôler parmi les prosélytes de la porte[18]. L’impératrice Poppée, femme craignant Dieu[19], dit Josèphe, en était certainement[20]. Fuscus Aristius, l’ami d’Horace, paraît avoir fait partie de ces prosélytes, avec beaucoup d’autres, unus multorum[21]. Les inscriptions funéraires des cimetières juifs ont gardé le souvenir des deux classes de prosélytes. C’étaient sans doute des prosélytes de justice, cette Veturia Paula, qui, convertie à soixante-dix ans, avait changé son nom romain en celui de Sara, et obtenu le titre de mère des synagogues du Champ de Mars et de Volumnus[22] ; cette Rufina de Syracuse, que la communauté juive de cette ville décora du titre d’archisynagogue[23]. Au contraire, une inscription de Pola, en Istrie, fait mention d’une Aurea ou Aurelia Soteria, qui appartenait à la classe plus large des craignant Dieu[24]. Telle fut probablement aussi la situation de la phocéenne Tation, fille de Straton, qui, ayant construit à ses frais la salle du temple et le péribole de l’hypèthre, et en ayant fait don aux Juifs, fut honorée d’une couronne d’or et du privilège de proédrie[25]. Ces convertis du paganisme formaient l’aristocratie de la communauté juive, aristocratie un peu flottante. Dans certaines familles, qui avaient embrassé l’étroite observance, le judaïsme se transmettait de père en fils[26]. Mais beaucoup de Romains et de Romaines, entrés par désœuvrement, par curiosité, pour obéir à un attrait vague ou contenter un goût superficiel, dans les rangs mobiles des prosélytes de la porte, ne faisaient qu’y passer. Ceux-ci ne contraignaient pas leurs enfants à les imiter dans ce qui n’était bien souvent que la satisfaction d’une fantaisie individuelle. Cependant, si éphémères que fussent certaines conversions, la contagion des mœurs juives s’était peu à peu répandue dans Rome, au point de donner parfois à la ville un aspect particulier. Chaque sabbat, le travail semblait s’arrêter en certains quartiers : Fuscus Aristius, rencontrant Horace, refusait de causer d’affaires avec lui[27]. Aux jours des grandes solennités juives, bien des maisons s’illuminaient : sur les fenêtres ruisselantes d’huile, des rangées de lampes exhalaient au milieu des violettes leur vapeur fumeuse, tandis qu’à l’intérieur les cuisiniers dressaient dans des plats énormes la queue de thons gigantesques[28], et qu’on emplissait de vin les flacons[29]. L’influence juive se faisait ainsi sentir dans Rome entière : il n’est pas un poète du siècle d’Auguste qui ne parle du sabbat comme d’une institution connue, pratiquée, presque comme d’une observance à la mode[30]. Cependant les Juifs de race, tout en propageant avec une activité infatigable, une ardeur souvent indiscrète[31], leurs croyances et leurs usages, vivaient le plus possible loin du monde profane, dans un isolement volontaire[32]. Ils pénétraient partout, s’imposaient partout, mais habitaient ensemble, campés autour de la ville comme des étrangers. Pendant tout l’Empire romain, bien des siècles après la chute de l’Empire romain, de nos jours encore dans certaines villes germaniques et dans les pays slaves, le Juif, privé de patrie, essaie de se faire ; là où il s’établit, une petite patrie. Il lui faut son quartier à part, son Ghetto. Seules quelques grandes familles ; qui n’ont plus de juif que le nom, comme les Hérode, Tibère Agrippa, au commencement de notre ère, se mêlent à la vie mondaine, en prennent les habitudes, les raffinements ; le reste se tient à l’écart. Le Juif, à l’étranger, est petit peuple. Riche, il cache sa richesse ; pauvre, il étale sa misère. Il se garderait bien d’habiter l’enceinte aristocratique de Servius Tullius ; il est l’hôte des faubourgs. Sa demeure est au delà du Tibre, dans la partie de Rome la plus pauvre et la plus sale, mais aussi la plus commerçante ; au bord de la voie de Porto, en face de l’emporium et du Grand Cirque[33] ; an Champ de Mars[34] ; dans la populeuse Suburre[35] ; en dehors de la porte Capène, le long du ruisseau d’Égérie, sous les ombrages du bois sacré encore hanté par les souvenirs de Numa et de la nymphe[36]. Les Juifs du Transtevère sont en général des affranchis industrieux, rompus au négoce, aux petits métiers, marchands d’allumettes, de morceaux de verre, chiffonniers ou brocanteurs[37]. Ceux de la porte Capène paraissent plus misérables, mendiants et diseurs de bonne aventure, habitant les grottes de la vallée d’Égérie ou les ruines du temple désert, couchant sur la paille et enferment dans des corbeilles leur chétif mobilier[38]. Mais tout ce monde cri haillons est animé d’une vie intense. Il travaille, et cela déjà est une originalité au milieu de la plèbe oisive de Rome, une originalité, dont il est fier et dont il se vante à bon droit sur ses tombes[39]. Il propage sa religion par tous les moyens : ses mendiantes et ses sorcières ne négligent pas l’occasion de dire un mot de leur loi à l’oreille de la matrone dont elles sollicitent l’aumône[40]. Il prie et il étudie ses livres saints, dans Rome qui n’a pas de théologie et qui ne prie pas. Ses synagogues et ses écoles, protégées par les lois, placées sous le patronage de l’empereur ou de quelque personnage puissant[41], défendues avec énergie contre les intrusions[42], sont des centres d’agglomération, des points de ralliement pour la population israélite de chaque quartier[43]. Ses cimetières, situés près des lieux où il habite, dans le Transtevère, le long de la voie Appienne et de la voie Labicane[44], offrent des souterrains misérables, mais remplis d’inscriptions touchantes ; partout s’y reconnaissent les sentiments d’union, de fraternité, de miséricorde d’une communauté de petites gens, où l’on gagne son pain à la sueur de son front, où l’on secourt ses pauvres, où l’on vit entre soi, loin du monde, d’une même pensée religieuse[45]. Telle est cette étrange population juive, attachante et répugnante, intrigante et pieuse, riche en haillons et puissante dans sa misère. Elle possède une force morale inconnue de l’antiquité ; elle a de plus la force du nombre. Dans Rome où le célibat est devenu une plaie sociale, où la population diminue, où la stérilité règne au foyer domestique, où l’avortement, l’infanticide, sont fréquents et à peine réprimés, les Juifs seuls ont beaucoup d’enfants. Tacite a défini d’un mot ce trait de leur race : generandi amor, dit-il[46] en énumérant les principaux caractères du peuple juif. Tous les témoignages anciens parlent de leur grand nombre. L’augmenter était une de leurs préoccupations : augendæ mullitudini consulitur, dit encore Tacite[47]. On a vu ce que pensait Cicéron de la redoutable puissance qu’ils en retiraient. L’an 4 avant notre ère, quand un imposteur qui se prétendait Alexandre, fils d’Hérode, vint à Rome, tous les Juifs, dit Josèphe, sortirent de la ville pour le recevoir ; une innombrable multitude[48] remplissait les rues par où il devait passer. La même année, huit mille Juifs de Rome (parmi eux ne figurent évidemment ni femmes ni enfants) appuyèrent près d’Auguste la requête venue de Palestine pour réclamer contre le testament d’Hérode[49]. Quand sous Tibère, vers l’an 19, à la suite de la conversion d’une dame romaine, dont les auteurs étaient des escrocs, le sénat chassa de Rome la population juive, il se trouva quatre mille hommes, affranchis ou fils d’affranchis (libertini generis), en âge de porter les armes, qui consentirent à prêter le serment militaire ; les autres reçurent l’ordre de sortir de la ville[50] ; le nombre de ceux-ci devait être plus considérable, car beaucoup de Juifs de Rome étaient sans doute de naissance libre, et la plupart durent, par scrupule religieux, préférer l’exil au service sous les aigles romaines. Que l’on joigne aux hommes en état de porter les armes la foule des vieillards, des femmes, des enfants si nombreux dans les familles juives, on atteindra un chiffre très élevé. L’exil des Juifs dura peu : dès la chute de Séjan, vers 31 ou 32, ils furent autorisés à rentrer à Rome. Leur colonie s’y reforma vite, car ils étaient, au rapport de Dion, devenus assez nombreux pour inquiéter le pouvoir civil, quand, vers 49[51], Claude les chassa de nouveau[52]. Cette mesure de rigueur, dont nous aurons l’occasion de parler avec plus de détails, fut presque aussitôt rétractée que prise. Dix ans plus tard, la population juive de Rome était plus puissante que jamais : on est loin d’avoir exagéré en l’évaluant, sous le règne de Néron, à vingt ou trente mille âmes[53]. II. — Le christianisme à Rome.Dans ce milieu si vivant était tombée, quelques années
avant les derniers événements auxquels nous venons de faire allusion, la
semence évangélique. La bonne nouvelle
y fut probablement apportée pour la première fois par les Romains, Juifs ou prosélytes, qui étaient
venus de Rome à Jérusalem l’année de la mort du Sauveur, et rentrèrent dans
leurs foyers après avoir été témoins du miracle de Comment saint Pierre plaça-t-il le siège de son premier ministère romain si loin des quartiers juifs, où devaient l’appeler ses relations et ses sympathies ? Il est difficile de le dire, si l’on ne veut point sortir du domaine des traditions sûres pour entrer dans celui des hypothèses. Peut-être des rapports amicaux avec quelque famille païenne convertie par lui l’amenèrent-ils à se fixer dans cette partie de Rome ou de sa banlieue. Peut-être — et cela me semble plus probable — fut-il conduit par la turbulence de ses compatriotes à s’éloigner des faubourgs où ils demeuraient. La parole de Dieu, apportée dans le milieu juif par des pèlerins de Jérusalem, des soldats de Césarée, ou quelques-uns de ces commerçants, de ces colporteurs, qui allaient sans cesse de Rome en Syrie, de Syrie à Rome, n’avait pas dépassé probablement le cercle de la propagande individuelle : quelques âmes avaient été gagnées, sans que la population juive eût été remuée dans ses profondeurs. La prédication de Pierre fut le levain qui fit fermenter cette masse. La présence d’un apôtre, d’un ami et confident de Jésus, du chef de son Église et du continuateur de son oeuvre, de l’inconnu de la veille, aujourd’hui célèbre, à la voix duquel des milliers de personnes venaient de se convertir en Judée, souleva toutes les passions. Bientôt les quartiers juifs, c’est-à-dire une grande partie des faubourgs de Rome, furent pleins de trouble et de tumulte. Si l’on en croit saint Justin, de Jérusalem étaient partis, quelque temps après la mort du Christ ; des envoyés chargés d’ameuter tous les Juifs contre les sectateurs de la nouvelle doctrine[65] : on peut admettre que le voyage de Pierre n’était point demeuré inaperçu, et que des messagers avaient suivi ses pas pour prémunir les Israélites romains contre sa présence. Aussi l’apôtre, s’il avait songé d’abord à s’établir au delà du Tibre ou, comme le porte une tradition plus ou moins fondée, sur l’Aventin[66], dut-il promptement chercher un asile dans une partie de Rome où les Juifs pénétraient peu. Il profita sans doute avec joie de quelque occasion de se fixer aux environs de la voie Nomentane, dans une région très éloignée des juiveries du Transtevère et de la porte Capène. La tranquillité publique y était garantie par le camp récemment construit[67] des prétoriens, et quelques chrétiens habitaient déjà ce quartier, puisqu’ils y possédaient un lieu de sépulture. Là, il prêcha l’Évangile pendant plusieurs années, baptisant dans l’eau de la fontaine de saint Pierre, car les siècles suivants donnèrent également ce nom au nymphée voisin[68]. Cependant l’agitation causée dans les quartiers juifs par les premiers succès de la parole apostolique ne s’était pas calmée. Quelque incident dut l’exaspérer, et lui donner les proportions d’une sorte d’émeute. C’était chose terrible qu’une émeute chez ces turbulentes populations des faubourgs, ennemies traditionnelles de la civilisation romaine, et qui soulevaient en un instant, comme des vagues grossissantes, leurs bataillons innombrables de. rôdeurs, de chiffonniers et de mendiants. La police romaine, harassée d’une surveillance incessante et toujours en défaut, ne prit sans doute pas la peine de faire cette fois une minutieuse enquête. Elle vit que les Juifs mettaient en péril l’ordre public, que la cause de l’agitation était le Christ dont le nom, prononcé par les uns avec l’accent de l’adoration, par les autres avec celui de la menace et de la haine, formait un signe de contradiction entre les membres de la colonie hébraïque. Elle ne s’informa peut-être même pas si Christus ou Chrestus était ou non une personne actuellement vivante. Habituée à l’action rapide, brutale, envers les petits, envers les races nées pour la servitude, comme Cicéron appelait les Juifs et les Syriens[69], l’autorité ordonna l’ex-pulsion de tous les Israélites de Rome[70]. Telle est du moins l’assertion de Suétone ; Dion, plus éloigné des événements, dit seulement que Claude, effrayé du nombre croissant des Juifs, et de leur turbulence qui troublait sans cesse la paix de la ville, ne les chassa point, mais interdit leurs réunions (LX, 6). L’expulsion fut sans doute de courte durée, mais eut lieu certainement ; le livre contemporain des Actes des apôtres affirme que Claude ordonna à tous les Juifs de s’éloigner de Rome, et qu’à cause de cela un Juif originaire du Pont, nommé Aquila, et sa femme Priscille, s’établirent à Corinthe (XVIII, 2). Ce n’était pas la première fois que la juiverie de Rome
était ainsi dispersée : déjà sous Comme toujours, l’exil des Juifs fut de courte durée. Le tumulte apaisé, on les laissa rentrer peu à peu. En quelques années, peut-être en quelques mois, la juiverie de Rome était reconstituée. Les petites gens revinrent sans doute les premiers ; les Juifs aisés, comme Aquila et Priscille, attendirent avant de suivre le mouvement de retour que la paix fût consolidée. Ceux-ci étaient encore à Corinthe quand saint Paul y vint, divisant selon sa coutume le temps entre le travail et la prédication, et faisant de ses journées deux parts, l’une qu’il passait dans l’atelier des deux époux, avec lesquels il s’était associé pour la fabrication des tentes, l’autre qu’il passait à la synagogue ou, quand il en eut été chassé, dans une maison voisine transformée en école et en église[74]. Aquila et Priscille demeurèrent à Corinthe tout le temps qu’y fut saint Paul ; ils le suivirent ensuite à Éphèse[75]. Ils y étaient encore quand il écrivit de cette ville une lettre à l’Église de Corinthe[76]. Mais ils ne tardèrent pas à rentrer à Rome, et leur foyer hospitalier y devint, au commencement du règne de Néron, ce qu’il avait été à Éphèse, un des centres de la propagande et de la vie chrétiennes. Saluez de ma part, écrivait saint Paul aux fidèles de Rome en 58, saluez Aquila et Priscille, mes coopérateurs dans le Christ Jésus ; saluez aussi l’église établie dans leur maison[77]. D’autres salutations terminent la lettre de Paul aux Romains : le nom de saint Pierre ne s’y rencontre pas. Le chef des apôtres ne se trouvait pas, en 58, dans la ville éternelle, où probablement il n’était pas encore revenu depuis l’expulsion. Mais la semence jetée par lui avait fructifié en son absence ; on le devine au grand nombre de fidèles de Rome dont les noms étaient connus de saint Paul et sont cités à la fin de sa lettre ; des femmes : Marie, Junie, Tryphène, Tryphosa, Perside, Julie, Olympiade ; des hommes : Épænète, Andronie, Urbain, Stachys, Apelle, Hérodion, Rufus, Asyncritos, Phlégon, Hermas, Patrobe, Hermès, Philologus, Nérée, Ampliatus ; des groupes anonymes : ceux de la maison d’Aristobule, ceux de la maison de Narcisse, d’autres encore, que l’apôtre désigne sans les nommer[78]. Cette nomenclature permet de reconnaître l’humble condition de ces premiers sectateurs du christianisme à Rome. Beaucoup portent des cognomina serviles[79]. Ceux de la maison d’Aristobule et ceux de la maison de Narcisse sont vraisemblablement des esclaves ou des affranchis de quelque puissante famille : le maître ou patron des premiers, Aristobule, peut avoir été un riche Juif familier de la cour des empereurs, rallié au gouvernement et aux mœurs de Rome, peut-être ce descendant d’Hérode que Néron fit roi de la Petite Arménie[80] ; les autres ont pu appartenir à la maison de Narcisse, affranchi de Néron que Galba fit tuer[81]. Un des chrétiens nommés par saint Paul, Ampliatus, doit, selon toute apparence, être identifié avec l’esclave dont le tombeau magnifique a été découvert dans une des plus anciennes catacombes[82]. On se tromperait, cependant, en croyant que l’Évangile n’avait point pénétré dès cette époque dans les couches supérieures de la société romaine. Un célèbre récit de Tacite, sur lequel de récentes découvertes ont jeté une lumière inattendue, fait connaître le drame intime qui se joua, en cette même année 58, au sein d’une des plus grandes familles de Rome, à la suite d’une conversion au christianisme. Un des premiers personnages de l’Empire, à cette époque, était
Aulus Plautius. Son illustration datait de loin. En 29, il fut consul subrogé
; de 43 à 47, il commença et acheva presque la conquête de La chrétienté de Rome, au commencement du règne de Néron, était donc composée d’éléments bien divers. Il s’y trouvait des riches et des pauvres, des esclaves et des nobles, des fidèles d’origine, d’esprit et de mœurs hébraïques, des fidèles d’origine et d’éducation grecque et romaine. L’épître de saint Paul aux Romains semble viser à la fois l’élément juif et l’élément hellénique qui coexistaient inévitablement au sein d’une Église comme celle de Rome, semblables à ces courants parallèles qui suivent le lit d’un même fleuve sans se contrarier réciproquement, mais sans mêler intimement leurs eaux. Bien que saint Paul s’adresse souvent aux fidèles de la gentilité (έθνη), et que le premier chapitre de sa lettre, où il décrit avec une énergie extraordinaire l’horreur des mœurs païennes, leur paraisse surtout destiné, cependant le long exposé doctrinal qui suit a principalement pour but de faire entrer les fidèles d’origine juive dans la grande liberté chrétienne, montrant à ceux-ci le joug de la loi brisé par la rédemption de Jésus, les observances légales désormais superflues, les chrétiens tous égaux dans le Christ, qu’ils viennent de la circoncision ou de la gentilité. Plusieurs des conseils pratiques des derniers chapitres semblent aussi donnés particulièrement aux judéo-chrétiens. L’apôtre n’aurait pas besoin d’inculquer à des païens convertis la fidélité à l’Empire, la soumission aux puissances établies, le devoir de payer l’impôt. Aux Juifs, chez lesquels le sentiment de l’indépendance nationale est toujours frémissant, et qui, seuls entre tous les peuples, refusent de se fondre dans l’unité romaine, il doit au contraire rappeler ces vérités d’ordre public. Le Juif qui abandonnait la loi pour l’Évangile changeait vraiment de nationalité en même temps que de religion. Il abjurait dès lors toute arrière-pensée de révolte, tout sentiment de patriotisme particulier. Il devenait fidèle sujet de l’Empire. Telle était la théorie ; mais en fait une telle transformation était difficile. Pour la faire accepter au Juif converti, le rendre à la fois romain et chrétien, il fallait lui montrer des motifs si hauts, si désintéressés, que ses dernières résistances fussent contraintes de céder devant la beauté d’un idéal supérieur. C’est ce que tente saint Paul : Que toute âme, dit-il[91], soit soumise aux puissances ; car il n’est pas de puissance qui ne vienne de Dieu : par lui sont ordonnées toutes les puissances existantes. C’est pourquoi celui qui résiste au pouvoir résiste à l’ordre de Dieu et encourt la condamnation. Les princes ne sont point la terreur des bonnes actions, mais des mauvaises. Voulez-vous n’avoir rien à redouter du pouvoir ? faites le bien, et il vous louera, car il est le ministre de Dieu pour le bien. Mais si vous faites le mal, tremblez : ce n’est pas en vain qu’il porte le glaive. Il est le ministre de Dieu, vengeur des mauvaises actions. Il faut donc lui être soumis, non seulement par crainte des châtiments, mais par devoir de conscience. C’est pour cela que vous payez tribut aux puissances, qui sont les serviteurs de Dieu. Rendez donc à chacun ce qui lui est dû, le tribut à l’un, l’impôt à l’autre, à celui-ci la crainte, à celui-là l’honneur. Quelle noble définition du pouvoir : ministre de Dieu pour le bien ! Sans doute, alors comme aujourd’hui, comme dans tous les temps, la réalité donnait à l’idéal d’ironiques ou cruels démentis. Claude était mort depuis quatre ans seulement, et déjà le palais avait revu de sanglantes tragédies ; déjà le fils d’Agrippine, échappant à ses précepteurs, avait rempli les rues de Rome du bruit de ses folies nocturnes. Cependant Sénèque et Burrhus régnaient encore sous le nom de Néron, et le inonde trompé pouvait espérer un bon empereur. Quels que fussent d’ailleurs les faits, l’idéal était sublime, et l’apôtre montrait une habileté supérieure, un tact exquis, en plaçant sous la protection d’une grande idée les conseils pratiques que l’état des esprits auxquels il s’adressait rendait nécessaires. Il ennoblissait ainsi l’obéissance, la justifiant d’avance de tout soupçon de crainte ou de servilité. C’est seulement après avoir montré toute puissance ordonnée de Dieu et son ministre pour le bien, que saint Paul passe en revue les obligations des sujets : l’impôt, l’obéissance, l’honneur, c’est-à-dire ce qui peut mettre le pouvoir en état de remplir la fin pour laquelle Dieu l’a institué. Remarquez la précision avec laquelle l’apôtre insiste sur l’obligation de payer l’impôt, énumérant les deux espèces de redevances auxquelles étaient soumis les sujets de Rome, l’impôt direct, φόρος[92], l’impôt indirect, péages, droits de douane, τέλος. En s’exprimant ainsi, saint Paul montrait non seulement une véritable loyauté politique, mais encore un sens exact des nécessités sociales, dans un moment oit, frappés de vertige, peuple et souverain semblaient les méconnaître. En 58, date de la lettre aux Romains, une assez grande agitation, provoquée par les exactions des compagnies adjudicataires des impôts indirects, et surtout par la rapacité et la dureté de leurs agents subalternes, se faisait sentir dans la plupart des provinces[93]. Nul doute que les Juifs, ou même les chrétiens de race hébraïque, ne s’y soient associés : on sait combien, en Judée, étaient impopulaires les publicains, agents supérieurs du fisc ou simples douaniers, considérés, s’ils étaient Romains, comme des agents de l’étranger, Juifs, comme des traîtres à leur patrie[94]. Les plaintes qui s’élevaient de toutes parts arrivèrent jusqu’à Néron : soit sensibilité maladive, soit puéril désir de popularité, il eut un instant la pensée de supprimer tous les impôts indirects. Quel beau présent je ferais au genre humain ! s’écria-t-il. Le radicalisme du souverain émut les politiques sensés. Le sénat avait encore le droit de faire entendre des conseils : il en usa. Après avoir loué la grandeur d’âme de Néron, les sénateurs lui firent respectueusement observer que la suppression projetée serait simplement la ruine de l’Empire, dissolutionem imperii. Si l’on supprime les péages, dirent-ils, on sera conduit, en bonne logique, à supprimer l’impôt personnel et l’impôt foncier : il ne restera plus rien. Néron, chez qui les accès de générosité étaient aussi courts que vifs, et qui avait encore quelque bon sens, se rendit facilement à ces observations ; il promulgua même un édit excellent, ordonnant que toutes les lois d’impôt, tous les droits de douane, seraient portés à la connaissance du public, que les dettes envers le fisc se prescriraient par une année, que les procès intentés aux publicains seraient jugés avant tous les autres, et abolissant l’impôt du quarantième sur la valeur des biens litigieux inventé par Caligula[95]. Au milieu de l’agitation des esprits, qui aboutit à cette solution raisonnable, on remarque le sang-froid conservé par l’apôtre. S’élevant au-dessus des discussions du moment, mais peut-être amené par elles à parler de ce sujet, il affirme la légitimité des deux grandes formes d’impôt sur lesquelles reposait la stabilité de l’Empire romain : il rappelle aux fidèles de Rome les principes économiques qu’en ce moment même le sénat t’appelait à Néron ; mais, ce que n’eût pas su faire le sénat, il les rattache à un principe supérieur, la nécessité de fournir au pouvoir les moyens d’accomplir sa mission de serviteur de Dieu, de ministre de Dieu pour le bien. III. — L’incendie de Rome et les martyrs d’août 64.Quatre ans après cette lettre, Paul était à Rome. Traduit par les Juifs à Césarée devant le tribunal du procurateur Porcius Festus, l’apôtre, qui déjà, à Jérusalem, avait devant le tribun Claudius revendiqué ses droits de citoyen romain, n’hésita pas cette fois à prononcer la formule solennelle de l’appel à César[96]. On l’envoya à Rome. Là, il dut attendre pendant près de deux ans sa comparution devant Néron : ces deux années furent douces pour son cœur et précieuses pour son ministère. II vécut à Rome dans la demi-liberté de la custodia militaris[97] : il habitait, sous la garde d’un frumentaire, un logement particulier, loué par lui, et situé dans l’enceinte ou le voisinage du camp prétorien. Tout le monde le pouvait visiter librement[98]. Ce quartier de Rome n’entendait pas pour la première fois la parole apostolique[99] : tout près était le cimetière chrétien où avait baptisé et siégé saint Pierre. Les conversions furent nombreuses, même, semble-t-il, parmi les soldats : saint Paul écrit aux Philippiens que ses chaînes sont devenues une prédication du Christ dans tout le prétoire, c’est-à-dire dans tout le camp prétorien[100]. Peut-être faut-il compter parmi ces convertis militaires Nérée et Achillée, certainement contemporains des apôtres, qu’une inscription nous montre abandonnant les camps impies pour servir le Christ, et qui semblent avoir été des soldats prétoriens[101]. Des Actes de basse époque attribuent, il est vrai, à saint Pierre la conversion de Nérée et Achillée[102] ; mais cet apôtre, précisément, revint à Rome peu après l’arrivée de Paul, et il est possible que, reprenant son ancien domicile de la sixième région, Pierre ait travaillé de concert avec l’apôtre des gentils dans les environs du camp prétorien et de la voie Nomentane. Après deux années d’incessante activité, pendant lesquelles il entretint avec ses chères Églises d’Orient une correspondance admirable, tout en faisant pénétrer à Rome le christianisme jusque dans le palais des Césars[103], saint Paul comparut devant l’empereur, ou du moins devant le conseil auquel ressortissait son appel[104]. Il semble résulter de deux passages des Actes des Apôtres que Néron était présent[105], bien que l’empereur jugeât rarement en personne les appels portés devant lui. L’apôtre fut acquitté, et, selon son expression, sortit délivré de la gueule du lion[106]. On a pensé que l’influence de Sénèque, qui connaissait saint Paul par le témoignage qu’avait pu lui en rendre son frère Gallion, proconsul d’Achaïe, juge bienveillant de l’apôtre dans une circonstance antérieure[107], ou en avait entendu parler par Burrhus, préfet du prétoire au moment où l’on amena saint Paul à Rome[108], fut pour quelque chose dans cet acquittement. Cela est possible ; cependant, même en admettant l’hypothèse de rapports entre le philosophe et l’apôtre[109], rien ne prouve que Sénèque ait été a cette époque membre du conseil impérial : il avait quitté les affaires avant 63. L’acquittement eut plus probablement pour cause la vieille indifférence de l’autorité romaine pour les querelles purement religieuses, surtout pour les querelles entre Juifs, dès qu’elles ne troublaient pas l’ordre public : indifférence qui, par exception, se changea l’année suivante, à l’égard des chrétiens, en une hostilité déclarée, mais durait encore en 63, alors que l’opinion publique persistait à les confondre avec les Juifs[110]. Probablement après cette délivrance Paul entreprit de nouveaux voyages apostoliques, dont il nourrissait depuis longtemps la pensée[111], et sur lesquels il ne reste point de documents précis. Plus tard seulement, peut-être après quelques années, il revint à Rome rejoindre Pierre, qui parait n’avoir pas été inquiété : les deux apôtres survécurent, selon toute apparence, à l’épouvantable crise que traversa l’Église de Rome pendant le dernier semestre de 64. Le Pour nourrir ces pauvres gens, on amena des vivres d’Ostie et des municipes voisins. Le pain. fut donné presque pour rien. Mais ces mesures d’humanité n’apaisèrent pas le peuple aigri par la souffrance, qui se voyait avec désespoir chassé de ses demeures et réduit au plus complet dénuement. Malgré tant de crimes, Néron ne s’était pas encore attiré la haine populaire : on lui avait tout passé, à cause de son luxe, de son extravagance, d’une sorte de bonne humeur et de raffinement artistique qui faisait illusion à la foule. Ceux qu’il avait frappés jusqu’à ce jour étaient des princes, des impératrices, des nobles, des stoïciens : les petits n’avaient pas senti les coups. L’incendie de Rome réveilla soudain la conscience des masses. Aux yeux du peuple, aucun fléau n’a pour cause le hasard : il faut un auteur responsable. L’auteur était tout trouvé Néron. Les malheureux entassés dans les baraquements du Champ de Mars n’osaient encore joindre à son nom l’épithète d’incendiaire ; mais des bruits odieux circulaient dans la foule : on disait que Néron, épris du pittoresque, enivré d’une poésie malsaine, s’était fait de l’incendie de Rome un spectacle : les uns affirmaient que, en habit d’acteur, une lyre à la main, il l’avait contemplé du haut d’une tour, en chantant la ruine de Troie ; les autres, plus modérés, racontaient qu’il avait seulement chanté l’élégie troyenne sur son théâtre domestique. Peu à peu la légende grossit, ou des faits étranges se découvrirent : on dit que des esclaves de Néron avaient été surpris activant les flammes qui dévoraient son palais. Les rumeurs les plus malveillantes semblèrent bientôt recevoir des événements une terrible confirmation. Au moment où tous croyaient le fléau conjuré, le feu s’alluma sur la colline du Pincio, dans les jardins du plus intime familier de Néron, Tigellin. Néron, s’écria-t-on de toutes parts, a envoyé des ordres : il veut détruire Rome pour la rebâtir plus belle et lui donner son nom. Pendant trois jours l’incendie ravagea des quartiers jusqu’alors épargnés, le Viminal, le Quirinal, et cette vaste plaine du Champ de Mars, ouverte de toutes parts, et cependant encombrée de temples, de portiques, d’où le peuple dut encore une fois s’enfuir. On vit la multitude, affolée, chercher un asile aux portes de Rome, le long des grandes voies, dans les bâtiments accessoires, salles à manger, loges de gardiens, qui accompagnaient les tombeaux. L’incendie avait duré neuf jours[114] : des quatorze régions de Rome, trois étaient entièrement consumées, sept ne renfermaient plus que des murs branlants, des toits à demi brûlés, des maisons désormais inhabitables, quatre seulement n’avaient pas été touchées par le feu[115]. Cependant Néron, pour la première fois, se trouvait en face de l’indignation populaire. Ce peuple qui, cinq ans auparavant, rangé en solennelles processions, l’avait reçu à son retour de Campanie couvert du sang d’Agrippine’ et avait accompagné de ses acclamations le parricide montant au Capitole pour rendre grâces aux dieux du meurtre de sa mère, ce même peuple grondait et maudissait maintenant. A la lueur de l’incendie de Rome, le vrai Néron lui était enfin apparu. L’empereur trembla ; puis, avec une habileté infernale, il essaya de détourner les soupçons. La foule voulait un coupable : il lui en donnerait des milliers. Elle aspirait à se venger sur quelqu’un de ses souffrances : il lui jetterait en pâture d’innombrables victimes. Les circonstances se prêtaient admirablement à ce plan scélérat. Le feu avait pris dans les boutiques du Grand Cirque, occupées par des marchands orientaux, parmi lesquels étaient beaucoup de Juifs ; mais il n’avait point touché la région de la porte Capène, où les Juifs habitaient ; le Transtevère, dont ils formaient presque exclusivement la population, était intact ; de tous les quartiers fréquentés par eux le Champ de Mars, où ils avaient une synagogue, avait seul été atteint, mais ils y étaient beaucoup moins nombreux et surtout beaucoup moins puissants qu’à la porte Capène et au Transtevère, dont ils avaient fait de vrais faubourgs orientaux. Le feu a été mis par les Juifs ! ils sont les vrais, les seuls auteurs de l’incendie de Rome ! ces ennemis de la, civilisation et des dieux ont voulu détruire la capitale du monde et le panthéon de toutes les religions ! De telles paroles durent être prononcées par des émissaires de Néron : le peuple, naïf dans ses. emportements, et toujours prêt à s’égarer sur une fausse piste, changea probablement l’objet de son indignation : le péril des Juifs devint extrême. Mais ils possédaient à la cour des protecteurs puissants, et surent parer à temps le coup qui allait les frapper[116]. Poppée, je l’ai dit, était à demi juive. Il y avait des esclaves juifs, des acteurs et des mimes juifs autour de Néron[117]. L’empereur ne commandait aucune exécution politique, aucune cruauté, sans avoir consulté non seulement Tigellin, mais Poppée[118]. Serait-ce trop s’avancer que de dire que celle-ci intercéda pour ses coreligionnaires, et que soit elle, soit quelqu’un des serviteurs de race hébraïque pullulant au palais, dirigea les regards de Néron sur les chrétiens[119], par le vulgaire encore confondus avec les Juifs, mais depuis longtemps poursuivis par ceux-ci d’une haine atroce, d’une irréconciliable jalousie ? Saint Clément attribue à la jalousie (διά ζήλον) la persécution de Néron[120] : jalousie intéressée, qui détourna sur les chrétiens, dont beaucoup, d’origine juive, habitaient les quartiers. épargnés, l’hypocrite colère de l’empereur. Tacite ne fait point connaître les délibérations secrètes
qui, dans notre hypothèse, amenèrent la substitution des chrétiens aux Juifs
comme objet des vengeances impériales. L’historien dit seulement qu’après
l’incendie de juillet 64 les soupçons du peuple se portèrent sur Néron ; il
était capable de ce forfait, on l’en accusa. Vainement prodigua-t-il les
secours, les encouragements, les expiations : la note d’infamie que lui avait
infligée la rumeur populaire ne s’effaçait point[121]. Pour faire taire cette rumeur, continue Tacite,
Néron produisit des accusés, et soumit aux
supplices les plus raffinés les hommes odieux à cause de leurs crimes que le
vulgaire appelait chrétiens. Celui dont ils tiraient ce nom, Christ, avait
été sous le règne de Tibère supplicié par le procurateur Ponce Pilate.
L’exécrable superstition, réprimée d’abord, faisait irruption de nouveau, non
seulement dans Ce curieux et pathétique récit nous fait comprendre la place que les disciples de l’Évangile occupaient, en 64, au milieu de la population romaine. Tacite nous apprend qu’ils formaient une grande multitude. Sept ans auparavant, saint Paul disait déjà que leur foi était célèbre dans tout l’univers[124]. On trouvait des chrétiens dans toutes les couches et, pour ainsi dire, à tous les étages de là société : dans le monde infime des esclaves, dans la petite bourgeoisie des affranchis, parmi les commerçants de race juive, dans la maison des grands, de César lui-même, jusqu’au sein des familles patriciennes. La haine populaire, irritée par le spectacle de vertus qui semblaient la condamnation muette des vices de Rome païenne, s’attachait déjà à eux, les chargeait dès lors de tous les forfaits[125]. Le groupe chrétien de Rome, comptant déjà trente ans d’existence, devait posséder une importance extrême, puisqu’il avait attiré sur lui une aussi formidable impopularité[126]. Néron pouvait donc y chercher des victimes expiatoires, sûr qu’elles seraient acceptées du peuple, et ne paraîtraient pas indignes de la grande tragédie qui attendait un dénouement[127]. Jusque-là les chrétiens, aux yeux du vulgaire et même des pouvoirs publics, avaient pu passer pour une secte juive, et jouir, à l’abri d’une équivoque inévitable, de la liberté assurée par les lois à tous les adhérents de la religion hébraïque ; mais ce voile protecteur était enfin déchiré, et la méchanceté intéressée des Juifs, se faisant complice des calculs de Néron, les livrait désormais sans défense aux entreprises de leurs ennemis. On arrêta d’abord, soit les chrétiens les plus en vue, soit plutôt ceux que le hasard offrit les premiers à la police impériale : il est probable que ces arrestations atteignirent surtout les fidèles des quartiers juifs épargnés par le feu. Leurs aveux, c’est-à-dire la confession de leur foi, divers indices que procurèrent les perquisitions faites dans leurs demeures, mirent sur la trace des autres. C’est sans doute là ce que veut dire Tacite, car il n’est pas admissible que de vrais chrétiens aient dénoncé leurs frères ; mais on put saisir des papiers ; quelques néophytes à peine initiés purent céder à la torture[128]. Bientôt les prisons de Rome regorgèrent de fidèles. Ils n’y restèrent pas longtemps. Néron avait résolu de reconquérir
la faveur du peuple par des jeux extraordinaires, où paraîtraient comme
acteurs les auteurs présumés de l’incendie. On sait quelle était la passion
du peuple romain pour les spectacles du cirque et de l’amphithéâtre. Il est
probable que, dans le deuil et le trouble causés par l’incendie allumé le 19
juillet, éteint seulement neuf jours après, le peuple avait été privé des
jeux en l’honneur de Vénus qui, d’après le calendrier romain, se célébraient
du 20 au 30 juillet, et comprenaient quatre journées consacrées aux courses
de chars. Néron voulut remplacer ces plaisirs par une fête sans précédent. Le
mois d’août, à peu près privé de spectacles publics[129], lui rendait
facile le choix du jour. Celui du lieu était imposé par les circonstances :
l’incendie avait presque détruit le Grand Cirque, long de La fête dura-t-elle un ou plusieurs jours ? Tacite ne le dit pas clairement. Son. récit, trop bref pour être complet, permet cependant de reconstituer le spectacle offert par l’empereur à la curiosité féroce de la multitude. Il y eut au moins une fête de jour et une fête de nuit. Les jeux durent commencer par une de ces longues et navrantes processions où le cortège des condamnés défilait devant les regards des spectateurs, entre deux haies de valets, d’amphithéâtre armés de fouets[132]. Puis eut lieu la venatio[133]. C’était ordinairement le début de ces sanglantes journées[134]. Une partie des prisonniers chrétiens furent exposés aux bêtes. On usa à leur égard de raffinements atroces. Les uns furent revêtus de peaux d’animaux, et, dans cet état, présentés à des chiens, qui leur firent une horrible chasse[135]. Des chiens, souvent de race britannique ou écossaise, d’une férocité extrême, étaient dressés spécialement pour les combats de l’amphithéâtre[136] : ici, au lieu de rencontrer des adversaires redoutables, ils furent lancés sur des êtres sans défense, et leurs crocs s’enfoncèrent dans des chairs humaines. Quand le peuple romain eut rassasié ses yeux de cet affreux spectacle, on introduisit d’autres chrétiens. Des croix avaient été préparées en divers endroits du cirque : on les y attacha[137]. Il est probable que des bêtes féroces furent alors lâchées : faire dévorer des condamnés liés à des poteaux était un des jeux en usage dans les amphithéâtres romains[138] ; nous verrons plus tard la célèbre martyre de l’an 177, Blandine, ainsi exposée aux bêtes, sur une sorte de croix, dans celui de Lyon[139]. Tacite ne dit pas si, dans le cirque du Vatican, il y eut des femmes immolées de cette manière. Peut-être les matrones et les vierges chrétiennes furent-elles réservées pour une autre partie du spectacle, et contraintes à paraître dans quelqu’une de ces représentations, moitié drame et moitié ballet, pyrricha, où l’on donnait quelquefois aux condamnés un rôle tragique, qu’ils étaient obligés de jouer au naturel[140]. Tel était l’horrible réalisme des mœurs romaines, telles étaient les exigences brutales de spectateurs chez qui l’excès des spectacles voluptueux ou sanglants avait émoussé le sens de l’art, ne leur laissant de goût que pour des tableaux plastiques ou de réelles tortures. Pour leur plaire, il fallait qu’Ixion fût véritablement roué[141], qu’Icare se brisât en tombant du ciel[142], qu’Hercule périt dans les flammes[143], qu’un brasier consumât la main de Mucius Scævola[144], que Pasiphaé subît l’étreinte du taureau[145], qu’Orphée[146] ou Dédale[147] fût vraiment mis en pièces, Attis vraiment mutilé[148], Lauréolus, au dernier acte d’un drame, vraiment tué sur la croix[149]. Il est possible que, le jour de la fête de Néron, après la matinée consacrée aux venationes, l’après-midi ait été donné à des spectacles de cette nature. Dans sa lettre aux Corinthiens, écrite trente ans après
les faits que nous racontons, saint Clément de Rome fait allusion aux martyrs
de la persécution de Néron : parmi la multitude
d’élus qui ont enduré beaucoup d’affronts et de tourments, laissant aux
chrétiens un illustre exemple, il cite des
femmes, les Danaïdes et les Dircés[150], qui, ayant souffert de terribles et monstrueuses
indignités[151], ont atteint leur but dans la course sacrée de la foi, et
ont reçu la noble récompense, toutes faibles de corps qu’elles étaient[152]. II semble bien
qu’il s’agisse là de quelque drame mythologique, plein d’outrages et de
douleurs pour les condamnées que l’on forçait à y paraître, et terminé par
des supplices. Probablement cinquante chrétiennes vinrent dans le cirque ou
sur la scène avec le costume des filles de Danaüs, elles y subirent peut-être
d’odieux outrages de la part de mimes figurant les fils d’Egyptus, et furent
égorgées, à la fin du drame, par l’acteur chargé du rôle de Lyncée[153]. Quant aux
Dircés, le groupe d’Apollonius et Tauriscus, récemment apporté à Rome et
faisant partie de la collection rassemblée, sous le règne d’Auguste, par
Asinius Pollion[154], offrit
vraisemblablement au metteur en scène de Néron le modèle qu’il cherchait[155]. D’après la
fable racontée par Hygin, Dircé célébrant les bacchanales avait voulu tuer
Antiope : les fils de celle-ci Le jour baissait : les drames étaient finis. La fête de nuit préparée dans les jardins de Néron attendait le peuple romain. Celui-ci aimait passionnément les illuminations[157], et Néron, en instituant l’an 60 les jeux quinquennaux, avait décidé qu’ils dureraient le jour et la nuit[158]. Aussi la solennité du Vatican n’avait-elle rien d’insolite. Une seule chose y fut extraordinaire, le mode choisi pour l’illumination. Dès le matin les immenses jardins de Néron avaient été jalonnés de croix, de pieux, sur lesquels on avait attaché ou peut-être empalé[159] des chrétiens, revêtus de la tunica molesta, tissu imbibé de poix, de résine et autres matières inflammables[160], dont on affublait les incendiaires[161]. Le soir venu, on y mit le feu. Entre ces avenues formées de flambeaux vivants couraient des quadriges, se disputant le prix : tantôt Néron prenait part à la course, tantôt, sans quitter son habit de cocher, il descendait de char et se mêlait à la foule[162]. Mais, au milieu des flatteries et des acclamations du peuple, l’impérial promeneur dut surprendre plus d’une voix dissidente : sa cruauté avait dépassé le but, les Romains avaient pitié de ces hommes qui brûlaient lentement, la gorge percée, et, l’un après l’autre, s’éteignaient, laissant sur le sable de longues traînées de cendres[163]. Il semble que Sénèque, retiré du monde, expiant dans la somptueuse solitude de ses belles villas les faiblesses de sa vie, ait, en deux de ses lettres à Lucilius, fait allusion au terrible spectacle donné par Néron au peuple romain. Une fois, il met sous les yeux de son correspondant l’appareil des supplices les plus raffinés, le fer, et les flammes, et les chaînes, et la multitude des bêtes féroces se repaissant d’entrailles humaines, la prison, les croix, les chevalets, le croc, le pal enfoncé dans le tronc de la victime et sortant par la tête, les membres écartelés, la tunique enduite et tissée de matières inflammables[164]. Ne sont-ce pas là les supplices endurés par les chrétiens ? Mais voici, peut-être, les chrétiens eux-mêmes donnant, au milieu de tortures indicibles, l’exemple d’une patience sereine, que le philosophe stoïcien ne peut s’empêcher d’admirer. Sénèque exhorte Lucilius à supporter courageusement la maladie : Qu’est-ce que cela, dit-il, auprès de la flamme, et du chevalet, et des lames ardentes, et des fers appliqués aux blessures à peine cicatrisées pour les renouveler et les creuser plus avant ? Parmi ces douleurs, quelqu’un n’a pas gémi ; c’est peu, il n’a pas supplié ; c’est peu, il n’a pas répondu ; c’est peu, il a souri, et souri de bon cœur (Ep. 78). Le sourire ineffable de l’humble chrétien expirant pour son Dieu dans les jardins du Vatican poursuit, comme une vision à la fois douce et poignante, l’imagination émue de l’ancien précepteur de Néron. Comme tous les Romains de ce temps, Sénèque a bien des fois vu mourir ; il n’avait jamais vu mourir comme cela[165]. Combien de martyrs furent immolés dans les chasses du matin, dans les sanglantes orgies de la journée, dans l’horrible solennité nocturne ? Il est impossible d’indiquer un chiffre, même approximatif. Tout porte à croire qu’il fut très élevé. Saint Clément, comme Tacite, parle de grande multitude[166]. Doit-on entendre ce mot du massacre de plusieurs centaines, peut-être d’un millier d’innocents[167] ? C’est beaucoup pour une seule fête, probablement pour un seul jour. Cependant il se peut que ce ne soit pas assez. Aux yeux du peuple de Rome, une fête où eussent péri cinq cents, mille victimes, n’eût point été un événement extraordinaire. Ne verra-t-on pas, un siècle et demi plus tard, un simple particulier lui offrir, une fois chaque mois, un combat de gladiateurs où succombaient souvent jusqu’à cinq cents couples[168] ? Rappelons-nous la sanglante naumachie où, sur le lac Fucin, Claude fit combattre en 52 dix-neuf mille condamnés[169]. On se demande combien de victimes étaient nécessaires pour expier au gré de Néron l’incendie de Rome et arracher un cri de pitié au peuple romain[170]. Quand Néron cessa enfin de sévir, ce ne fut point, selon toute apparence, un sentiment semblable qui le désarma. Dans les reproches plus ou moins voilés que lui adressait la foule, un mot avait frappé son esprit. Tant d’hommes, disait-on, immolés non à l’utilité publique, mais à la cruauté d’un seul[171] ! L’état de Rome, dont les ruines fumantes n’étaient pas encore relevées, et où des milliers de malheureux erraient sans abri au milieu des décombres, demandait en effet que l’on se montrât plus soucieux de l’utilité publique, plus ménager de la vie humaine. C’était le moment de substituer à la peine de mort celle des travaux forcés, et d’employer à reconstruire des maisons les condamnés qu’aurait sans profit consumés la flamme ou dévoré la dent des bêtes. Néron entra d’autant plus facilement dans le sentiment du peuple, que son imagination, toujours éprise de l’impossible et de l’incroyable, avait rêvé de rebâtir la ville de Rome sur un plan magnifique, et d’élever au milieu d’elle sa Maison d’Or comme une autre ville uniquement consacrée à la majesté et aux délices impériales, couvrant trois des sept collines de ses palais, de ses portiques, de ses thermes, de ses lacs, de ses forêts, de ses jardins, obstruant la voie Appienne, fermant la voie Sacrée, bloquant tout un côté de Rome, selon le mot de Pline[172]. Pour rebâtir ce qu’il laissait au peuple des quartiers incendiés, et se loger lui-même comme un homme, selon sa dédaigneuse parole, il fallait des milliers de bras : Néron ouvrit donc les prisons, et ordonna même d’envoyer des provinces en Italie les condamnés, afin de fournir les ouvriers qui manquaient[173]. Pendant quelque temps les bêtes de l’amphithéâtre jeûnèrent de chair humaine, mais atome se releva de ses ruines, et le palais insensé de Néron put s’étendre sur le Palatin, l’Esquilin et le Célius nivelés ou expropriés par le feu. Beaucoup de chrétiens de Rome, et même des provinces, durent sans doute à ces grands travaux une commutation de peine[174]. IV. — La persécution de Néron.Je viens de raconter les premières souffrances infligées aux chrétiens par le pouvoir impérial. Le glaive une fois tiré ne rentra pas de lui-même et tout de suite dans le fourreau. La persécution continua pendant plusieurs années, jusqu’à la fin du règne de Néron. Mais de locale elle devint générale, et, sortant des murs de Rome, elle s’étendit au reste de l’Empire[175]. L’accusation portée contre les fidèles arrêtés sur le soupçon d’incendie avait promptement dévié. Au cours de leur procès, une autre imputation s’était substituée à celle-ci. On avait vu en eux une espèce d’hommes à part, chargée de la haine du genre humain. Il résulte des paroles de Tacite que l’impopularité de leur religion, les calomnies déjà répandues contre elle dans le peuple, ont été la vraie cause de la condamnation qui les frappa, et qu’ils furent déclarés coupables du crime d’incendie, non en vertu d’une preuve directe, mais parce qu’on supposait les chrétiens capables de tous les crimes. C’est donc bien comme chrétiens qu’ils furent condamnés. Mais leur procès, une fois ouvert, ne pouvait plus être aisément fermé. Pour la première fois les vagues rumeurs propagées contre la religion nouvelle avaient pris corps : ses adhérents avaient été dénoncés par l’empereur lui-même comme des ennemis publics. La nécessité d’achever son œuvre s’imposait au cruel souverain. Cela devint l’affaire principale, dont l’incident de 64. n’avait été que le préliminaire. Des supplices, dit Suétone (Néron, 16), furent infligés par Néron aux chrétiens, race d’hommes d’une superstition nouvelle et malfaisante. Suétone écrit cette phrase au paragraphe 16 de sa biographie de Néron, et ce n’est qu’au paragraphe 38 qu’il raconte l’incendie de Rome. Dans sa pensée, il n’existe pas un lien bien rigoureux entre ces deux événements : ce n’est pas comme incendiaires, ou uniquement en cette qualité, c’est aussi, c’est surtout à cause de leur superstition nouvelle et malfaisante que les chrétiens sont punis. La condamnation pour incendie fut le prétexte et donna le signal : la persécution religieuse suivit, menaçant les fidèles répandus sur toute la surface du monde romain. Rien de plus naturel, de plus conforme à la logique des passions humaines. Si les chrétiens de Rome ont pu être accusés, non individuellement, mais en bloc, d’avoir allumé le feu du mois de juillet 64, si l’on a pu voir en eux une association d’incendiaires, une sorte de secte anarchiste ou nihiliste, il n’est pas étonnant qu’on ait cherché à en atteindre dans les provinces les ramifications. Hors de Rome, le peuple des villes, subissant le contrecoup des douleurs de la foule romaine et des calomnies de l’empereur, encore grossies par l’éloignement, dut se lever en masse contre les chrétiens, et forcer à sévir contre eux les magistrats qui hésitaient encore. L’horrible comédie juridique des jardins de Néron fut peut-être imitée dans les colonies ou les municipes, si avides de sanglants spectacles. Il eût été surprenant que l’incendie de fanatisme et de haine allumé par Néron ne se fût pas propagé de Rome sur d’autres points de l’Empire, et se fût éteint de lui-même dans une atmosphère toute saturée de passions inflammables. Mais ni le peuple ni les magistrats ne paraissent avoir été laissés à leurs seuls instincts, sans direction officielle. Des témoignages considérables font connaître, soit explicitement, soit implicitement, non seulement le caractère général de la persécution de Néron, mais encore l’existence d’un édit, donnant à cette persécution sa forme légale. On en chercherait vainement la trace dans les historiens païens, qui dédaignaient de consacrer beaucoup de paroles aux affaires de l’Église. Mais les écrivains chrétiens le mentionnent, en s’appuyant sur une tradition constante, et depuis longtemps formée. Néron, écrit l’Espagnol Orose (Adv. pag. hist., VII, 5), fit souffrir aux chrétiens les supplices et la mort, et ordonna de les persécuter dans toutes les provinces. Après avoir raconté les cruautés exercées par Néron sous prétexte de punir les auteurs de l’incendie de Rome, Sulpice Sévère ajoute : Tel fut le commencement des persécutions contre les chrétiens ; ensuite la religion fut interdite parles lois, et, en vertu d’édits officiellement rendus, il ne fut plus permis d’être chrétien[176]. On remarquera la précision de ce langage, qui distingue deux phases successives de la persécution, et y signale deux actes découlant logiquement l’un de l’autre[177]. Néron, dit à son tour Lactance (De mort. pers., 1), voyant que non seulement à Rome, mais partout, une grande multitude abandonnait chaque jour le culte des idoles et embrassait la religion nouvelle, s’élança pour détruire le céleste temple et abolir la justice. L’assertion de l’apologiste du quatrième siècle sur la multitude qui renonçait au culte des idoles dès le règne de Néron pourrait sembler exagérée : cependant on se rappellera que le même mot avait été employé par des contemporains, comme Tacite et Clément Romain : et, moins de cinquante ans après Néron, l’on verra Pline le Jeune écrire que, dans une province, les temples sont presque délaissés, les sacrifices solennels depuis longtemps interrompus (Diu intermissa), et le commerce des victimes à peu près abandonné[178]. On peut donc admettre ce que dit Lactance, et reconnaître dans le nombre croissant des fidèles, à peine diminué par le massacre de 64, le motif qui poussa Néron à lancer le premier édit de persécution générale. Les historiens du quatrième siècle ne sont pas seuls à faire peser sur Néron la responsabilité de cette mesure : avant eux, des écrivains moins éloignés des faits, et plus à portée des sources, avaient dit la même chose. Dans une Apologie composée vers 172, Méliton de Sardes déclare que seuls entre tous les empereurs Néron et Domitien ont mis en accusation la foi chrétienne[179]. Trente ans plus tard, Tertullien écrit de même que Néron, le premier ; tira contre la religion chrétienne, qui alors commençait à faire des progrès dans Rome, le glaive des Césars, et que Domitien l’imita : par Néron, dit-il, commença notre condamnation et ces deux méchants empereurs sont les seuls que nous ayons eus pour ennemis[180]. Ces deux passages montrent bien qu’il s’agit, même pour Néron, d’une persécution religieuse, et non d’une cruauté passagère, d’une violence accidentelle ayant une cause étrangère à la religion : ils renferment de plus une inexactitude très significative. Entre la fin du premier siècle et l’époque de Méliton ou de Tertullien, il y eut bien des martyrs : les règnes de la dynastie Antonine en virent d’incontestables : c’est même l’un des empereurs de cette dynastie qui, dans un célèbre rescrit adressé à Pline, fixera la jurisprudence au sujet des chrétiens. Comment donc les deux apologistes, écrivant à trente ans de distance l’un de l’autre, s’accordent-ils à ne nommer d’autres persécuteurs que Néron et Domitien ? Probablement parce que, de tous les empereurs antérieurs au troisième siècle, ces deux tyrans sont les seuls qui aient porté des édits spéciaux contre les chrétiens : le rescrit à Pline, en effet, n’est autre chose qu’une réponse à une consultation, fixant un point de droit, mais ne le créant pas, et supposant une législation antérieure[181]. Tertullien dénonce clairement le premier auteur de cette législation, quand il donne aux lois qui proscrivaient les chrétiens le nom d’institution néronienne, institutum neronianum[182]. Je ne m’arrêterai point à réfuter une objection qui me paraît absolument sans valeur. Néron, a-t-on dit, n’a pu inaugurer la persécution religieuse : il était trop peu religieux pour cela[183]. Suétone, en effet, l’accuse d’un égal mépris de toutes les religions, excepté celle de la déesse syrienne, qu’il abandonna bientôt pour une autre encore plus dégradante[184]. Je suis peu touché de cet argument. Néron, s’il n’était pas religieux, était au moins d’une superstition extrême[185] ; d’ailleurs les sceptiques les plus avérés ont été quelquefois les plus féroces persécuteurs. Comme l’a très bien dit Tertullien, tout ce qui était grand et bon avait Néron pour ennemi naturel[186]. Néron, malgré les leçons de Sénèque (ou peut-être à cause d’elles), était sceptique en philosophie ; il persécuta cependant les philosophes Cornutus, Apollonius, Musonius Rufus qu’un Père de l’Église a compté parmi les hommes que Satan tourmenta, quoique païens, à cause de leurs vertus[187], Sénèque lui-même, l’illustre stoïcien Thraséas. Il a pu persécuter les chrétiens, dont la vertu plus austère et plus pure encore était une plus éclatante condamnation de ses vices. Un document contemporain, d’une incontestable
authenticité, envoyé de Rome aux chrétiens d’Asie, nous montre la persécution
menaçant ou même atteignant déjà les Églises répandues dans cette partie du
monde romain. Je veux parler de la première épître de saint Pierre[188]. Il n’est pas
douteux qu’elle ait été écrite à Roule : l’opinion qui prenait à la lettre le
mot Babylone de l’avant-dernier verset est aujourd’hui écartée par tous les
critiques[189].
Babylone, dans le style secret des Juifs et des chrétiens de ce temps,
désigne toujours Rome[190] : l’histoire
n’a jamais rien su d’une Église de L’apôtre leur adresse des conseils. D’abord il rappelle, d’une manière générale, leurs devoirs envers l’autorité romaine, comme, à une époque plus paisible, saint Paul l’a fait dans sa belle lettre aux Romains : Soyez soumis aux institutions établies, à cause de Dieu, soit au roi, parce qu’il est le premier, soit aux magistrats, parce qu’ils ont été commis par lui à la. punition des méchants et à la louange des bons. Dieu veut que par vos bonnes œuvres vous fassiez taire les faux jugements des hommes ignorants. Vous êtes libres, mais de la liberté qui convient aux enfants de Dieu, non de celle qui sert de voile à la malice. Honorez donc tous les hommes ; chérissez la fraternité ; craignez Dieu ; respectez le roi[199]. Puis, passant de ces enseignements généraux aux recommandations dictées par les circonstances particulières où l’on se trouve, il ajoute : Très chers, ne vous troublez pas dans la calamité[200] qui fond sur vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire. Mais, vous unissant aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin de vous réjouir et de tressaillir un jour dans la révélation de sa gloire. Si vous êtes insultés au nom
du Christ, vous serez heureux... Qu’aucun de vous ne soit châtié comme homicide, ou voleur, ou malfaisant[201], ou comme avide du bien d’autrui. Mais si l’un de vous est châtié comme chrétien, qu’il ne rougisse pas ; qu’il glorifie Dieu en cette qualité. Car le temps vient où le jugement commence par la maison de Dieu[202]. Il est difficile de méconnaître dans ces paroles une exhortation de l’apôtre à ses frères d’Asie déjà touchés par la persécution. Avec quel soin il leur recommande de ne point donner de prétexte aux calomnies dont on les accable, de ne point mériter d’être punis comme homicides, voleurs, malfaisants, mais de se présenter purs au supplice, afin de souffrir seulement comme chrétiens ! Tout est remarquable ici, jusqu’à l’expression si caractéristique employée par l’apôtre pour désigner la calamité qui atteint les chrétiens d’Orient, πυρώσις, fervor ; on sent une imagination encore émue des terribles spectacles du Vatican, de ces multitudes de chrétiens qui ont péri dans les flammes au lendemain de l’incendie de Rome, et ne trouvant point d’autre mot que le mot incendie pour désigner la persécution qui va s’allumer sur tous les points du monde romain. Les torches vivantes des jardins de Néron jettent leur reflet sur le style de l’apôtre. Il serait intéressant d’apprendre en quelles provinces la
persécution de Néron sévit avec le plus d’intensité. Nous venons de voir
qu’en Galatie, en Cappadoce, en Bithynie, dans le Pont, dans la province
d’Asie, les fidèles furent exposés aux calomnies et aux supplices. Le Dans la petite ville campanienne, les Juifs étaient nombreux. Comme Jérusalem[208], elle avait une synagogue des Libertini ; on a retrouvé l’inscription d’uns prince de cette synagogue. Les Juifs paraissent s’être mêlés facilement à la vie municipale, si active à Pompéi l’inscription qui nous fait connaître l’existence de la synagogue est une affiche électorale, dans laquelle le princeps invite ses coreligionnaires et tous les habitants à favoriser la candidature de Cuspius Pansa à l’édilité[209]. Non seulement la religion juive était florissante à Pompéi[210], mais encore ses livres saints paraissent y avoir été bien connus : une caricature représentant le Jugement de Salomon a été découverte sur une muraille d’une maison que d’autres fresques font présumer avoir appartenu à un commerçant originaire d’Alexandrie[211]. Il serait surprenant qu’une ville campanienne, où le judaïsme était si bien établi, n’eût pas compté parmi ses habitants quelques chrétiens. Quand saint Paul, après en avoir appelé à César, fut conduit à Rome, il débarqua à Pouzzoles, et trouva là une chrétienté constituée, dans laquelle il séjourna pendant sept jours[212]. La semence évangélique n’était sans doute pas tombée dans la seule ville de Pouzzoles ; elle avait dû se répandre autour de Naples, sur toute la cite campanienne que le commerce mettait sans cesse en rapports avec l’Orient, qui était l’étape naturelle des missionnaires se rendant à Rome[213] et où (tout ce que nous connaissons de Pompéi le prouve) les esprits étaient fort ouverts aux idées nouvelles, fort enclins aux cultes étrangers. Le long de ces rivages consacrés aux affaires et aux plaisirs, de ces ravissantes eaux bleues bordées de somptueuses villas et de volcans redoutables, pleines d’attraits et de menaces, s’étaient sans doute formées de petites oasis chrétiennes, d’humbles communautés vouées à la prière, à la pénitence, à la charité[214]. L’une d’elles se tenait peut-être à Pompéi dans la vaste salle d’une maison voisine des thermes de Stabies, peu éloignée du temple d’Isis, des théâtres et de la caserne des gladiateurs. Pourquoi ce quartier si profane avait-il été choisi par les adorateurs du Christ ? Il est impossible de le dire ; mais quelques phrases tracées à la pointe sur les murs de la salle peuvent avoir été écrites par un païen, après que les chrétiens en eurent été chassés par la persécution. Celle où leur nom se rencontre a maintenant disparu ; mais des fac-similés en ont été conservés[215]. Ces mots y étaient très lisibles, au-dessous et à la suite d’autres mots indéchiffrables : AVDI CHRISTIANOS ; sous eux se voyaient des lettres difficiles à reconnaître, dans lesquelles M. de Rossi croit pouvoir lire SIIVOS O ORIIS (sævos o(l)ores) : Écoutez les chrétiens, cygnes cruels. Il peut y avoir là une allusion bien éloquente aux novissima verba de quelques martyrs chrétiens dont un habitant de Pompéi aurait entendu le chant du cygne, rempli de prophétiques menaces. D’autres phrases malveillantes ou ironiques se lisent encore sur les murs : MVLVS[216] HIC MVSCELLAS[217] DOCVIT (ici un mulet endoctrina des mouches), MENDAX VERACI SALVTEM (le menteur au véridique, salut). Il semble qu’on ait voulu railler les enseignements qui se donnaient dans ce lieu, les paroles de vérité qui s’y prononçaient[218]. Sur le mur extérieur, le long de la rue, est écrite une autre phrase : OTIOSIS HIC LOCVS NON EST, DISCEDE MORATOR (ce n’est pas ici la place des oisifs, va-t’en, flâneur[219]), dans laquelle on peut encore voir une raillerie païenne à l’adresse de ceux qui s’assemblaient dans là maison. Ce sont là, nous en convenons, des hypothèses qui aux uns sembleront de purs rêves, aux autres de très grandes probabilités : mais, mettant de côté les conjectures, le point principal parait démontré, à savoir qu’à Pompéi a été trouvée une claire mention des chrétiens, le plus antique des témoignages païens relatifs à la prédication primitive et à la propagation de l’Évangile[220]. Ajoutons que s’il y eut des chrétiens à Pompéi pendant le règne de Néron, la persécution dut y faire des victimes : la haine des Juifs, qui possédaient dans cette ville une synagogue, désigna probablement les fidèles à la colère des païens. Combien de temps dura la persécution de Néron ? Elle persista, vraisemblablement, au moins jusqu’à l’an 68, où mourut le misérable empereur. Aussi n’y a-t-il aucune difficulté à placer, avec la tradition la plus répandue, vers 66 ou 67[221] le martyre de saint Pierre et de saint Paul à Rome : saint Pierre survécut au grand massacre de 64, car sa première épître, encourageant les fidèles d’Orient persécutés, est évidemment postérieure à cette date. Nous ne chercherons pas à combiner les récits légendaires de la mort des apôtres[222], et à en extraire ce qui peut paraître vraisemblable. Nous indiquerons seulement deux faits certains : le mode de leur martyre et l’emplacement de leurs tombeaux. Quand tu seras vieux, avait dit Jésus à Pierre, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas. Il dit cela — ajoute en manière de commentaire l’évangéliste saint Jean, — pour indiquer par quel genre de mort Pierre devait glorifier Dieu[223]. L’évangile de saint Jean est postérieur à la mort de saint Pierre, et l’auteur non seulement savait comment saint Pierre était mort, mais en parlait comme d’un événement connu de tout le monde. Ce genre de mort, les mains étendues, est évidemment le supplice de la croix : brachia patibulo explicuerunt, dit Sénèque parlant de crucifiés[224]. L’antiquité chrétienne l’a ainsi compris. Au premier et au second siècle, Clément Romain[225] et Denys de Corinthe[226] parlent du martyre de l’apôtre à Rome sans en indiquer le mode ; mais, au siècle suivant, Origène dit clairement que Pierre fut crucifié. Le savant Alexandrin ajoute qu’il fut crucifié la tête en bas[227]. Ce fait, si étrange qu’il paraisse, n’est pas sans exemple au siècle de Néron. Je vois, écrit Sénèque quelques années avant le règne de ce prince, je vois des croix de divers genres quelques-uns y sont suspendus la tête en bas[228]... Origène attribue à cet effroyable raffinement de torture une autre cause encore que la cruauté des bourreaux : Pierre, dit-il, demanda à être ainsi placé sur la croix[229]. Tertullien ne parle pas de ce grand acte d’humilité ; mais il dit que saint Pierre souffrit une passion semblable à celle du Sauveur[230] et fut crucifié[231]. Le supplice de Paul fut différent : on le décapita[232]. C’était la peine réservée aux citoyens romains, dont il avait si énergiquement revendiqué les droits : honestiores capite puniuntur[233]. Tel fut le martyre des deux apôtres[234]. Après ce double meurtre, — arrivé soit le même jour, selon la tradition la plus répandue, soit à, un an de distance, selon une autre opinion[235], — les restes de saint Pierre furent déposés au pied de la colline Vaticane, ceux de saint Paul sur la voie d’Ostie, et, en vertu de la liberté accordée par la loi romaine pour la sépulture même des suppliciés[236], des monuments extérieurs furent élevés sur leur tombeau. Je puis, écrivait au commencement du troisième siècle le prêtre romain Caïus, je puis montrer les trophées des apôtres : si vous voulez aller soit au Vatican, soit sur la voie d’Ostie, vous apercevrez les trophées de ceux qui ont fondé l’Église de Rome[237]. Les splendides basiliques bâties par Constantin remplacèrent plus tard ces monuments des premiers siècles. Ce que l’on sait encore de celle du Vatican et dé sa relation avec le tombeau de saint Pierre montre que son emplacement fut imposé par ce grand souvenir, et que l’on sacrifia même quelque chose de la régularité architecturale au devoir de laisser à sa place primitive, sans y rien changer, le sépulcre apostolique[238]. Néron n’était pas à Rome quand fut versé le sang des apôtres. Il était parti, dès la fin de 66, pour faire en Grèce moins un voyage impérial qu’une tournée de comédien, chanter dans tous les théâtres, courir dans tous les stades, lutter dans toutes les arènes, et remporter toutes les couronnes. Mais il laissait à Rome d’autres lui-même, le préfet du prétoire Tigellin, et un affranchi de Claude, aussi intelligent que cruel, Hélius, à qui il avait donné plein pouvoir sur toute sorte de personnes, jusqu’à faire mourir des sénateurs avant même de lui en écrire. La sentence des apôtres put être prononcée par ce personnage, présidant comme représentant du prince le conseil impérial ; où par le sénat, si les faits dont ils étaient accusés rentraient dans les causes réservées à la compétence sénatoriale[239] ; ou simplement par les tribunaux criminels (quæstiones perpetuæ), si le prétexte pour lequel on les poursuivit était emprunté au droit commun. En l’absence de l’empereur, il ne manquait pas de juges pour condamner les chrétiens, ou de bourreaux pour les exécuter. Mais Néron devait peu survivre à ses deus plus nobles victimes. Rappelé en toute hâte par Hélius, qui voyait l’orage se former, et courut en Grèce le chercher, il rentra en Italie vers la fin de 67, apprenant sur sa route le soulèvement des Gaules, la proclamation de Galba en Espagne. Il ne se considérait pas moins comme un triomphateur, voyageait à petites journées, entrait solennellement à Naples, à Antium, à Albano, à Rome, étalait sous les yeux du sénat, des chevaliers et du peuple, dix-huit cents couronnes rapportées de Grèce, et paradait sur le char d’Auguste, l’olivier olympique sur la tète et le laurier pythien à la main. Mais l’orgie allait finir. Quelques jours plus tard, le sénat, qui venait d’applaudir son ridicule triomphe, le déclare ennemi public, et le misérable, abandonné de tous, réfugié dans la maison d’un affranchi, voisine de la voie Nomentane, se tue dans une cave, — non loin du cimetière où Pierre avait baptisé, et du camp prétorien, où Paul avait fait entendre la parole de Dieu. Si les chrétiens avaient eu le droit de se réjouir de la
mort d’un persécuteur, ils eussent été au premier rang de la foule qui, le 11
juin 68, parcourait bruyamment les rues de Rome, le bonnet de la liberté sur
la tête[240].
Néron mort, l’Église, pour la première fois depuis quatre ans, put goûter
quelque repos. Tertullien semble dire que, tous les actes de Néron ayant été
annulés, seules les mesures prises par lui contre les chrétiens furent
maintenues[241].
Je crois volontiers qu’on n’en fit point l’objet d’une abrogation formelle,
et que le glaive des Césars ne rentra
qu’à demi dans le fourreau ; mais, d’ici à longtemps, on ne l’en tirera plus.
L’autorité romaine s’aperçut qu’elle avait des ennemis plus redoutables que
les chrétiens ; ces ennemis étaient ceux-là mêmes qui avaient le plus insisté
auprès d’elle pour leur extermination. Depuis 66, |
[1] 1 Macchabées, VIII, 11, 17-32 ; XI, 34 ; XII, 1-3 ; XIV, 16-19, 24 ; Josèphe, Ant. Jud., XII, 10 ; XII, 5, 7, 9.
[2] Mai, Script. vet., t. III, 3e partie, p. 7 et 98.
[3] Appien, De Bello Mithr., 117.
[4] Josèphe, Ant. Jud., XIV, 12.
[5] Ibid., 10, et Contre Apion, II, 4.
[6] Cicéron, Philippiques, I, 2, 12, 42.
[7] Une foule d'étrangers prirent part à ce grand deuil public, manifestèrent à qui mieux mieux leur douleur, chacun à la manière de son pays. On remarqua surtout les Juifs, lesquels veillèrent même, plusieurs nuits de suite, auprès de son tombeau. Suétone, César, 84.
[8] Philon, Legat. ad Caïum.
[9] Ibid.
[10] Josèphe, Ant. Jud., XIV, 26.
[11] Suétone, Auguste, 93.
[12] Tacite, Histoires, V, 5.
[13] Juvénal, XIV, 96-98.
[14] Voir Buxtorf, Lexic. Talmud., p. 497 ; Lightfoot, Horæ Hebraieæ ad Matth. XXIII, 15.
[15] Saint Luc, VII, 5.
[16] Actes des Apôtres, X, 1, 2.
[17] Ibid., 7.
[18] Sénèque, Ép. 103.
[19] Josèphe, Ant. Jud., XX, 8.
[20] Tacite rapporte que son corps ne fut pas brûlé, mais enveloppé dans des aromates et déposé entier dans la tombe. Annales, XVI, 6. Cf. Histoires, V, 5, parlant des coutumes juives : Ils tiennent des Égyptiens l'usage d'enterrer les corps au lieu de les brûler.
[21] Horace, I Sat., IX, 71.
[22] Orelli, Inscriptionum
selectarum ampl. coll., 2522. Cette Veturia a été identifiée avec
[23] Bulletin de correspondance hellénique, avril 1886.
[24] Orelli, 2523.
[25] Bulletin de correspondance hellénique, avril 1886.
[26] Mais quelqu'un est coupable, c'est le père, qui a réservé chaque septième jour pour l'inaction, hors de toute vie commune. Juvénal, Sat. XIV, 105, 106.
[27] Horace, I Sat., IX, 69.
[28] Perse, V, 182, 183. Le thon, que l’on mangeait à Rome aux fêtes juives, était un des poissons les plus estimés des Romains : la queue surtout passait pour un mets délicat : Pline, Naturalis historia, IX. 48 ; Xénocrate, De alim. ex squat. (dans Fabricius, Bibl. græc., IX, p. 472) ; Oribase (éd. Daremberg, t. I, p. 126, 157) ; Archestrate, dans Athénée, Deipnosoph., VII ; cf. Marquardt, Das Privatleben der Römer, p. 419, 420.
[29] Perse, V, 179-184 ; cf. Sénèque, Ép. 65.
[30] Tibulle, I, 3 ; Ovide, Ars amat., I, 67, 415 ; Remed. Amor., 219.
[31] Horace, I Sat., IV, 142.
[32] Ne communiquant avec les autres ni à table, ni au lit. Tacite, Histoires, V, 5.
[33] Philon, Legat. ad Caïum, 9.
[34] Orelli, 2522 ; Corp. inscr. græc., 9905, 9906.
[35] Corp. inscr. græc., 6417.
[36] Juvénal, III, 10-20.
[37] Stace, I Silves,
v. 72-74 ; Martial, I, XLII, 3-4 ; XII, LVII, 13. — Après tant de siècles, les Juifs
de Rome ont peu changé. A la suite de l’émeute qui eut lieu dans cette ville,
le
[38] Juvénal, III, 10-20.
[39] Carrucci, Diss. archeol., II, p. 160-161.
[40] Juvénal, VI, 543-548.
[41] Deux des synagogues de Rome portaient les noms d’Auguste et d’Agrippa. On connaît sous Tibère neuf synagogues.
[42] Philosophumena, IX, 11.
[43] A Rome, les Juifs semblent avoir formé plusieurs communautés ; à Alexandrie, au contraire, ils constituaient un seul corps de bourgeoisie.
[44] Le cimetière de la
voie Labicane a été découvert par M. Marucchi. Académie des inscriptions,
lettre de M. Edmond Le Blant, séance du
[45] Inscriptions des catacombes juives : φιλόλαος, φιλοπένης, contaboronius, concresconius. Garrucci, Diss. arch., il, p. 160, 161, 185. Cf. misericordia in prompta ; Tacite, Histoires, V, 5.
[46] Tacite, Histoires, V, 5.
[47] Ibid. — On
peut rapprocher de ces témoignages antiques ce qui se passe dans les temps
modernes. Voir dans le Journal de
[48] Πλήθος άπειρον. Josèphe, De Bello Judaïco, II, 7 ; cf. Ant. Jud., XVII, 11.
[49] Ant. Jud., XVIII, 12.
[50] Tacite, Annales, II, 85 ; Josèphe, Ant. Jud., XVIII, 4, 5.
[51] Sur la date de l’expulsion des Juifs par Claude, voir Tillemont, Histoire des empereurs, t. I, p. 550, et Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. I, note XXII sur saint Pierre.
[52] Suétone, Claudius, 25 ; Dion Cassius, Hist. Rom., LX, 6.
[53] Renan, l’Antéchrist, p. 7, note 2.
[54] Actes des Apôtres, II, 10.
[55] Coh. I Italica romanorum voluntariorum. Orelli-Henzen, 6709 ; Wilmanns, Exempta inscr. lat., 1749. — Sur ces cohortes de volontaires italiens, voir Corp. inscr. lat., t. VI, 3528 ; Borghesi, Œuvres, t. V, p. 197 ; Marquardt, Römisches Staatsverwallung, t. II, p. 452 ; Mommsen, Hermès, t. XVI, p. 462 ; en comparant avec Camille Jullian, les Transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, 1884, p. 56, texte et note 1.
[56] Actes des Apôtres, II, 1, 2, 7.
[57] Mais Corneille ne
les accompagna pas, car aucun souvenir, même légendaire, ne le rattache à Rome
: il mourut et fut enterré en Troade, où se lit encore l’inscription métrique
de l’église qui lui était dédiée à Assos ; Corp. inscr. græc., 8804 ; Le
Bas et Waddington, Inscriptions d’Asie Mineure, 1730 ; Lequien, Oriens
christianus, t. I, p. 784. — Sur la fausseté de l’hypothèse qui relierait
le centurion Corneille à la gens Cornelia, voir De Rossi, Roma sotterranea,
t. I, p. 394 ; Bull. di arch. crist., 1880, p. 537 ;
[58] Actes des Apôtres, XII, 17.
[59] On le retrouve sur vingt sarcophages du musée de Latran. Voir le tableau statistique des sujets sculptés sur les sarcophages, dans Rome souterraine, 2e éd., p. 450, note.
[60] Eusèbe, Chron., ad ann. Caii Caligulæ 3 ; Hist. Ecclés., II, 14.
[61] Saint Jérôme, Chron., ad ann. Chr. 42 ; De viris illustr., 1.
[62] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 190.
[63] Sedes ubi prius sedit ses. Petrus... Oleo de sede ubi prius sedit ses. Petrus. Pittacia et index des fioles de Monza ; ibid., p. 176.
[64] M. de Rossi place sur la voie Nomentane, là où il a cru reconnaître le cimetière Ostrien, le lieu où d’abord siégea et baptisa saint Pierre. Voir Bullettino di archeologia cristiana, 1867, p. 39 ; et le mémoire intitulé Del luogo appellato ad Capream presso la via Nomentana dell’ eta arcaica ai primi secoli cristiani (extrait du Bullettino della commissione archeologica comunale di Roma, fasc. IV, année 1883). M. Marucchi pense que le souvenir de saint Pierre doit être reporté un peu plus loin, sur la voie Salaria, dans le cimetière de Priscille. Voir Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1901, p. 71-111 et 277-290.
[65] S. Justin, Dial. cum Tryph., II.
[66] Bullettino di
archeologia cristiana, 1867, p. 43-46, 48, 85, 88 ;
[67] Suétone, Tibère, 37.
[68] Cœmeterium fontis S. Petri. Roma sotterranea, t. I, p. 179, 190.
[69] De prov. cons., 5.
[70] Il chassa de la ville les Juifs qui se soulevaient sans cesse à l'instigation d'un certain Chrestus. Suétone, Claude, 25. — M. Duruy, Hist. des Romains, t. IV, p. 406, note 6, pense qu’il peut être simplement question ici d’un Grec converti au judaïsme et portant le nom assez commun dans les inscriptions de Χρηστός. Ce système, soutenu par Usher, Dalé, Hilscher, est aujourd’hui abandonné. Les Romains disaient, souvent Chrestus pour Christus, Chrestiani pour Christiani, selon Tertullien, Apologétique, 3, et Lactance, Div. Inst., IV, 17. Cette orthographe, vicieuse se retrouve jusque sur des marbres des catacombes : Bullet. di archeol. crist., 1873, p. 21. Saint Justin, dans sa première Apologie, dit que le nom de chrétien n’implique que des idées honnêtes ; il semble, par une sorte d’iotacisme, assimiler les mots χριοτός et χρηστός. Comparez la vieille orthographe française, chrestien.
[71] Voir Bullettino
di arch. crist.,
[72] Bullettino di
archeologia cristiana, 1867, p. 41, 45 ;
[73] Actes des Apôtres, XV, 28.
[74] Actes des Apôtres, XVIII, 1-11.
[75] Ibid., 18, 19.
[76] I Corinthiens, XV, 19.
[77] Romains,
XVI, 3-5. — La date de 58 pour l’épître aux Romains est proposée par M. Renan, Saint
Paul, p. 461 ; par Mgr. Duchesne, Les origines chrétiennes, p.
[78] Romains, XVI, 5-15.
[79] Cf. Wilmanns, Exempta inscriptionum latinarum, t. II, Indices, § 2, Cognomina virorum et mulierum, passim.
[80] Josèphe, Ant. Jud., XX, 5.
[81] Dion, LXIV.
[82] Bullettino di archeologia cristiana, 1881, p. 57-74 et pl. III-IV.
[83] Cicéron, De Legibus, II, 8 ; Dion, LII, 36.
[84] Denys d’Halicarnasse, Arch., 11, 25 ; Pline, Nat. hist., XIV, 14 ; Suétone, Tibère, 35.
[85] Nous ne sommes
guère renseignés sur la procédure devant ce tribunal, ni sur le degré de
parenté auquel s’étendait le droit d’en faire partie. Il connaissait, dit Tacite
(Ann., XIII, 32), de capite famaque.
Ses membres étaient οί
συγγενεϊς (Denys, II,
25), cognati (Plaute, Amphit.,
847-853), propinqui (Tacite, Ann.,
11, 50), désignations vagues. Cf. Fresquet, du Tribunal de famille chez les
Romains, dans
[86] Tacite, Annales, XIII, 32.
[87] Cf. Boissier,
[88] Cf. Baronius, Ann., ad ann. 3 Neronis ; De Sanctis, Del sepolcro dei Plausi, Ravenne, 1784, p. 6 ; Noël des Vergers, Essai sur Marc-Aurèle, d’après les monuments épigraphiques, 1860, p. 106 ; Friedlander, Sittengesch. Röm., t. III, p. 534 ; Renan, l’Antéchrist, p.4 ; Wandinger, Pomponia Græcina, 1873 ; Hasenclever, Christliche Proselyten der höheren Stünde in ersien Johrhundert, dans Jahrb. f. protest. Theol., t. VIII, p. 41 et suiv. ; Lightfoot, Philipp., p. 21 ; S. Clement of Rome, t. I, p. 30-32 ; Neumann, Der römische Staat und die altgemeine Kirche bis auf Diocletian, t. I, 1890, p. 4.
[89] ΠΟΜΠΩΝΙΟC
ΓΡΗΚΕΙΝΟC ; au cimetière de
Calliste. De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 363. Ce cognomen (Græcinus) fut très rare après le premier siècle de l’Empire, époque où il fut
illustré par les Pomponii Græcini, frères et parents de
[90] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 306-315 ; t. 11, p. 282, 360 et suiv. Cf. Rome souterraine, p. 181-186.
[91] Romains, XIII, 1-7.
[92] Cf. S. Luc, XX, 21.
[93] Tacite, Annales, XIII, 50.
[94] S. Matthieu,
IX, 11 ; XVIII, 17 ; XXI, 31 ; Josèphe, Ant. Jud., XVIII, 2. Cf. Fouard,
[95] Tacite, Annales, XIII, 50, 51. Cf. Suétone, Néron, 10.
[96] Actes des Apôtres, XXV, 10, 11, 12.
[97] Actes des Apôtres, XXVIII, 16. Cf. Ulpien, Callistrate, Herennius Modestinus, au Digeste, XLVIII, VIII, 1, 12,14 ; Josèphe, Ant. Jud., XVIII, 6 ; Sénèque, Ep. 5 ; De tranquillilate animi, 10. Ces textes, ainsi que ceux de S. Paul, Philippiens, I, 7, 13, 14, 17, 30 ; Colossiens, IV, 3, 4,18 ; Éphésiens, III, 1 ; VI, 19-20 ; Actes des Apôtres, XXVIII, 20, supposent que le prisonnier et son gardien étaient liés ensemble par une chaîne ; mais cela n’avait lieu, évidemment, que lorsqu’ils sortaient.
[98] Voir Fouard, Saint
Paul, ses dernières années, p. 5. Cette opinion est la plus vraisemblable,
si l’on compare Actes des Apôtres, XXVIII, 16, avec Philippiens,
I, 13. Cependant Wieseler, Chronologie des apostolischen Zeitalters, p.
1103, note 3, suppose que l’apôtre se logea dans le voisinage du palais
impérial. Mommsen et Harnack, Comptes rendus de l’Académie de Berlin,
[99] Actes des Apôtres, XXVIII, 30, 31.
[100] Épître aux Philippiens, I, 13.
[101] De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1874, p. 20, 26.
[102] Passio S. Flaviæ Domitillæ virginis et SS. Nerei et Achillei, dans les Acta SS., mai, t. III, p. 7.
[103] Philippiens, IV, 22. — Cf. les traditions recueillies par saint Jean Chrysostome, saint Asterius, Théophylacte, Glycas.
[104] Cf. Mommsen, Römisches Staatsrecht, t. II, p. 948 ; Willems, le Droit public romain, p. 475.
[105] Actes des Apôtres, XXIII, 12 ; XXIV, 27.
[106] IIe épître à Timothée, IV, 17.
[107] Actes des Apôtres, XVIII, 12-17.
[108] Ibid., XXVIII, 16.
[109] Cf. De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1867, p. 6-8.
[110] Tertullien, Ad Nat., I, 11 ; Apologétique, 21
[111] Saint Paul, Épître aux Romains, XV, 24, 28.
[112] On peut se rendre
compte de cet entassement des édifices de l’ancienne Rome, en regardant la
curieuse fresque de la maison dite de Livie sur le Palatin, représentant une
rue de la ville aperçue par une fenêtre ouverte. Voir la copie exposée au
rez-de-chaussée de la bibliothèque de l’école des Beaux-Arts ; cf. la
reproduction en lithographie dans
[113] Cf. Cicéron, De lege agraria, II, 35, 96 ; Tacite, Annales, XV, 38.
[114] Orelli, 736 ; Corpus inscriptionum latinarum, t. VI, 826. L’inscription citée est celle d’un autel élevé par vœu après l’incendie, ex voto suscepto... incendiorum arceadorum causa, quando urbs per novent dies arsit neronianis temporibus. Cet autel a été récemment retrouvé sur le Quirinal ; Bull. della. comm. arch. com. di Roma, 1889, p. 331-339, 379-391 et pl. X.
[115] Tacite, Annales, XV, 38-44, 52 ; Suétone, Néron, 31, 38, 39 ; Dion, LXII, 16-18 ; Pline, Nat. Hist., XVII, 1 ; Sulpice Sévère, II, 29 ; Orose, VII, 7. — Voir dans Jordan, Topographie des Stadt Bonn in Alterthum, Berlin, 1871, t. I, p. 487-491, l’étude critique du récit de Tacite.
[116] Cf. Hausrath, Die Neutestamentliches Zeitgeschichte, 2e éd., t. III, p. 409.
[117] Mommsen, Inscr. regni Neap., 6467 ; Josèphe, De vita sua, 31.
[118] Tacite, Annales, XV, 61.
[119] M. Coen (
[120] Saint Clément, Ad Cor., 5.
[121] Elle ne disparut jamais complètement. Subrius Flavius, comparaissant l’année suivante devant Néron comme complice de la conjuration de Pison, lui dit : J’ai commencé à te haïr quand tu es devenu parricide, meurtrier de ton épouse, cocher, histrion et incendiaire. Tacite, Annales, XV, 67. Ce qui est plus grave que ce propos d’un ennemi, c’est le jugement d’un homme aussi impartial que le premier Pline, qui avait quarante ans lors de l’incendie. Parlant de la longévité de certains arbres : Ils durèrent, dit-il, cent quatre-vingts ans, jusqu’à l’incendie par lequel l’empereur Néron brûla Rome, ad Neronis principis incendia, quibus cremavit Urbem. Pline, Nat. Hist., XVII, 1.
[122] Dans plusieurs manuscrits, au lieu de convicti sunt on lit conjuncti sunt. Si l’on admet cette variante, le sens général ne sera guère changé, et il faudra traduire ainsi : On saisit d’abord ceux qui avouaient, puis, sur leurs indications, une grande multitude leur fut jointe, moins pour crime d’incendie que pour haine du genre humain.
[123] Tacite, Annales,
XV, 44. — La véracité et l’authenticité de ce chapitre des Annales ont
été contestées. Schiller (Ein Problem der Taciluserklarung, dans les Commentationes
philologicæ in honorm T. Mommsenii, Berlin, 1877, p. 41-47), a prétendu que
Tacite, en supposant que les chrétiens avaient pu être distingués par
l’autorité romaine en 64, avait commis un anachronisme, et parlé en
contemporain de Trajan et de Pline le Jeune plutôt qu’en historien du règne de
Néron. Tacite, cependant, qui avait dix ans en
[124] Romains, I, 8.
[125] Per flagitia invisos. Tacite, Annales, XV, 44.
[126] La fameuse phrase
: Haud perinde in crimine incendii quam odio
generis humani convicti sunt a été traduite par d’excellents
interprètes : Ils furent moins convaincus d’avoir
brûlé Rome que d’être haïs de tout le genre humain. La latinité même vient à l’appui, dit M. Littré, et odium hejus hominis veut bien plutôt dire la haine
ressentie par cet homme que la haine dont il est l’objet ; cette dernière
signification s’exprime d’ordinaire par odium adverses hunc hominem.
Voir Duruy, Histoire des Romains, t. IV, p. 504 ; Littré, Études sur
les Barbares et le moyen âge, 1867, p. 23 ; C. de
[127] Milman, The history of christianity, from the birth of Christ to the abolition of paganism in the romana empire, t. I, p. 260.
[128] Renan, l’Antéchrist, p. 162. Voir dans le même sens Holtzmann, Nisse, Hist. Zeitschrift, t. XXXV, p. 1 et suiv., 340 et suiv., et Weiszücker, Jahrb. für deutsche Theologie, 1876, p. 269.
[129] Voir Friedlander, Mœurs romaines du règne d’Auguste à la fin des Antonins, trad. Vogel, t. II, p. 25 ; P. Lenormant, art. Calendarium, dans Daremberg, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. I, p. 847 ; Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. III, p. 556 ; Mommsen, dans le Corpus inscript. lat., t. I, p. 397.
[130] Denys d’Halicarnasse, III, 68.
[131] Tacite, Annales, XIV, 14.
[132] Cf. Eusèbe, Hist. Ecclés., V, 1, 38.
[133] Avant la construction de l’amphithéâtre Flavien, les venationes ou combats de bêtes, ainsi que les combats de gladiateurs, se donnaient dans les cirques. Marquardt, Röm. Staatsverwaltunq, t. III, p. 507 ; Bussemaker et Saglio, art. Circus dans le Dict. des Ant., p. 1200.
[134] Suétone, Claude, 31 ; Lucien, Toxaris, 58.
[135] Et pereuntibus addita ludibria, ut ferarum tergis contexti laniatu canum interirent (les uns, couverts de peaux de bêtes, périssaient dévorés par des chiens...). Tacite, Annales, XV, 44.
[136] Strabon, Géographie, IV, 5. Cf. Symmaque, Ep., II, 77.
[137] Aut crucibus affixi (d'autres mouraient sur des croix). Tacite, loc. cit.
[138] Voir Friedlander,
loc. cit., p. 159 ; le Bullettino di archeologia cristiana, 1879,
p. 21, 22, et pl. III ; ma note sur les procès des martyrs, dans le Polyeucte
de Mame, 1889, p. 159-162 ; Lafaye, Criminels livrés aux bêtes, dans Mémoires
de
[139] Eusèbe, Hist. Ecclés., V, 1, 41.
[140] Cf. Ulpien, au Digeste, XLVIII, XIX, 3, § 11 ; Plutarque, De sera Numinis vindicta, 9.
[141] Tertullien, De pudicitia, 22.
[142] Suétone, Néron, 12.
[143] Tertullien, Apologétique, 15.
[144] Martial, Épigramme VIII, 30.
[145] Suétone, Néron, 12 ; Martial, De spectaculis, V.
[146] Martial, ibid., 21.
[147] Martial, ibid., 8.
[148] Tertullien, Apologétique, 15.
[149] Martial, De spectaculis, VII.
[150] Saint Clément, Ad Corinthios, 6 : Γυναϊxες Δαναιδες xαί Δίρxαι. Il est impossible de voir avec Ruinart des noms propres dans ces désignations évidemment mythologiques, et il n’y a pas de raison de croire avec Cotelier que ces mots aient été écrits primitivement au singulier. Il me paraît plus difficile encore d’admettre (bien qu’elle soit approuvée par Bunsen, Lipsius, Donaldson) la conjecture de Wordsworth et de Lightfoot, qui proposent de lire : γυναϊxες, νέανιδεςn παιδίσxαι (voir Lightfoot, Saint Clement of Rome, t. II, p. 31-34, note 5). Tischendorf qualifie avec raison celte hypothèse de liberrima conjectura.
[151] Αίxίσματα δεινά xαί άxόσια παθουσαι.
[152] Έπι τόν τής πίστεως Βέβαιον δρόμον xατήντησν xαί έλαβον γέρας γενναιον. Cette métaphore, imitée de saint Paul (I Corinthiens, IX, 24 ; II Timothée) et empruntée aux jeux du cirque, est bien à sa place dans une allusion à un martyre souffert au cirque de Néron.
[153] Scoliaste d’Euripide, sur Hécube, vers 886.
[154] Pline, Nat. Hist., XXXVI, 4. — Ce groupe, découvert sous Paul III dans les thermes de Caracalla, fut réparé par le sculpteur milanais Jean-Baptiste Blanco, et transporté au palais Farnèse : il est aujourd’hui au musée de Naples.
[155] Cf. Renan, l’Antéchrist, p. 170.
[156] Arnold (Neronische Christenverfolgung, 1888, p. 38) suppose nue la fable de Dircé put être modifiée de manière à l’approprier aux sanglantes exhibitions de l’amphithéâtre.
[157] Friedlander, Mœurs romaines, t. II, p. 29-31.
[158] Tacite, Annales, XIV, 20, 21 ; XVI, 5.
[159] Cf. Juvénal, I, 155-157 ; Sénèque, De ira, III, 3 : lire circumdati defixis (et non defossis) corporibus ignes.
[160] Juvénal, VIII, 233 ; Martial, X, XXV, 5 ; cf. IV, LXXXVII, 7.
[161] Juvénal, ibid., 231-233.
[162] ... Flammandi, atque ubi defecisset dies, in usum nocturni luminis urerentur. Hortos suos ei spectaculo Nero obtulerat, et circense ludicrum edebat habilu aurigæ permixtus plebi vel curriculo insistens (ils étaient enduits de matières inflammables, et, quand le jour cessait de luire, on les brûlait en place de flambeaux. Néron prêtait ses jardins pour ce spectacle, et donnait en même temps des jeux au Cirque, où tantôt il se mêlait au peuple en habit de cocher, et tantôt conduisait un char). Tacite, Annales, XV, 44.
[163] Juvénal, I, 155-157.
Tœda...
Qua
stantes ardent, qui fixo gutture fumant ;
Et
latum media sulcum diducit arena.
[164] Sénèque, Ep. 14.
[165] Il est impossible d’entendre ces paroles de Sénèque de condamnés vulgaires, qui certes ne donnaient pas de tels exemples de douceur envers la mort. On ne saurait davantage les entendre du noble trépas d’illustres stoïciens comme Thraséas, qui mouraient courageusement, mais sans cet épouvantable accompagnement de tortures. Aux chrétiens seuls elles semblent pouvoir s’appliquer.
[166] Πολύ πλήθος έxλεxτών. Saint Clément, Corinthiens, 16.
[167] Aubé, Histoire des persécutions de l’Église jusqu’à la fin des Antonins, p. 99.
[168] Terbellius Pollion, Gallien, 8.
[169] Tacite, Annales, XII, 56 ; Dion, LX, 33.
[170] Aux martyrs d’août 64 s’applique peut-être cette mention du Martyrologe hiéronymien (ms. d’Epternach), qui, au 29 juin, après avoir marqué l’anniversaire de saint Pierre et de saint Paul, III K. jul. Rome nat. apostolor. Petri et Pauli ajoute et aliorum DCCCC LXXVIII martyrum. Le texte du ms. de Berne est plus brouillé, mais il rattache le souvenir des 977 ou 998 martyrs à la via Aurelia, qui précisément partait du Vatican. Martyrologium hieronymianum, éd. De Rossi-Duchesne, p. 84.
[171] Tacite, Annales, XV, 44.
[172] Tacite, Annales, XV, 42 ; Suétone, Néron, 31, 39 ; Pline, Nat. Hist., XXX, 3.
[173] Quorum operum perriciendorum gratia, quod ubique esset custodiæ, in Italiam deportari, etiam scelere convictos nonnisi ad opus damnari, præceperat (Pour achever de pareils ouvrages, il fit transporter en Italie tous les détenus, et ordonna que les criminels ne fussent condamnés qu'aux travaux). Suétone, Néron, 31.
[174] Le grand succès
du roman Quo vadis ? a de nouveau attiré l’attention des historiens sur
l’incendie de Rome au temps de Néron : une vive polémique s’est élevée en
Italie à ce sujet. Sous ce titre : l’Incendio di Roma e i primi cristiani
(Milan, 1900 ; 2e éd., Turin, 1901), M. Pascal a publié un mémoire
concluant à la vérité de l’accusation portée par Néron contre les chrétiens, et
désignant ceux-ci, ou au moins quelques-uns d’entre eux, comme les vrais
coupables de l’incendie. Approuvée par M. Borsari (Giorno, 2 septembre 1900),
cette thèse a été réfutée par MM. Marucchi (Popolo romano, 5 septembre
1900), Benigni (I cristiani e l’incendio di Roma, Rome, 1900), De
Crescenzo (Un difensore di Nerone, Naples, 1900 ; Nerone incendiario
e i priori cristiani, Naples, 1901), F. S. (Voce della Verita, 28
septembre 1900), Coen (
[175] Pour l’universalité de la persécution, Le Nourry, Dissert. I, p. 94 de son édition du De mort. pers, de Lactance ; Ruinart, Acta martyrum, p. XXVIII-XXIX ; Tillemont, Mémoires, t. II, art. et note II sur la persécution de Néron ; De Rossi, Bull. di arch. crist., 1865, p. 93 ; Milman, History of christianity, t. I, p. 263, note 2 ; Aubé, Histoire des persécutions, p. 99-100 ; Renan, l’Antéchrist, p. 39, 45, 183. — Contre, Dodwell, Diss. Cypr. XIII ; Basnage, Gibbon, Merivale, Overbeck, cités par F. Görres, Christenverfolgungen, dans Kraus, Real-Encyckl. der christ. Alterthümer, t. I, p. 221 ; F. Görres, ibid. ; Keim, Rom und das Christenthum, p. 193-196 ; Duruy, Histoire des Romains, t. IV, p. 508 ; Renan, les Apôtres, p. 349 ; l’Antéchrist, p. 555 ; Blackburn Daniell, Nero, dans Dict. of christ. biography, t. IV, p. 26-27 ; Schiller, dans Comm. in hon. Momms., p. 47.
[176] Sulpice Sévère, Chron., II, 41. Overbeck a prétendu que post etiam datis legibus indique des temps postérieurs à Néron et fait allusion à l’époque de Trajan et au rescrit de cet empereur ; supposition inadmissible, fait observer F. Görres (Christenverfolgungen, dans Kraus, Real-Encyckl. der christl. Alterth., t. I, p. 223), car après cette phrase Sulpice Sévère raconte le martyre de saint Pierre et de saint Paul : Tum Paulus et Petrus capite damnati, etc.
[177] Cf. De. Rossi, Bull. di arch. crist., 1865, p. 93 ; Lightfoot, S. Ignatius and S. Polycarp., 1889, t. I, p. 10-11.
[178] Pline, Lettres, X, 97.
[179] Méliton, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 26, 6.
[180] Tertullien, Apologétique, 5.
[181] Cf. Tillemont, Mémoires, t. II, note II sur la persécution de Néron.
[182] Apologétique, 5. Cf. Wieseler, Die Christenverfolgungen der Cæsaren, note 18, p. 25. En sens contraire, Semeria, Il primo sangue cristiano, p. 58-63.
[183] Görres, dans Kraus, loc. cit.
[184] Religionum usquequaque contemptor, prœter unius deæ Syriæ. Hanc mox ita sprevit ut urina contaminaret (Il affichait partout le mépris de la religion, à l'exception du culte de la déesse Syria. Mais dans la suite, il en fit si peu de cas, qu'il la souilla de son urine) etc. Suétone, Néron, 56.
[185] Voir Suétone, ibid.
[186] Tertullien, Apologétique, 5.
[187] Saint Justin, II Apologie, 8.
[188] L’opinion de Holtzman (Shenkel, Bibel-Lexicon, t. IV, p. 280), plaçant la première épître de Pierre au temps de Trajan ou d’Hadrien, a été très bien réfutée par Ramsay, The Church and the roman Empire, 1894, p. 288-290 ; mais l’opinion de Ramsay, qui met l’épître sous les Flaviens, vers 80, reculant en proportion le martyre de l’apôtre, ne me paraît pas établie. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Literatur bis Eusebius, t. I (Leipzig, 1897), place entre 83 et 93 l’épître (qu’il croit avoir été écrite par un disciple de saint Paul) ; mais il accorde qu’elle peut aussi avoir été écrite dix ou même vingt ans avant cette date, ce qui ramène aux environs de l’an 64.
[189] On s’étonne de la voir reproduite par M. de Pressensé, le Siècle apostolique, 1888, p. 376. Cette assertion se rattache à l’ancienne thèse protestante, qui niait la venue et le martyre de saint Pierre à Rome. Cette thèse est considérée aujourd’hui par les protestants savants comme erronée : That this was an error, is now as clear as daylight to every student of history who does not blindfold himself. » Harnack, Thoughts on the present position of Protestantism, cité par Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1899, p. 114.
[190] Oracle Sibyllin, V, 158.
[191] Pline, Nat.
Hist., VI,
[192] Strabon, Géographie, XVII.
[193] Voir le P. de
Smedt, Diss. selectæ in prim. æt. hist. eccles., p. 9, et appendice, p.
2 ; les articles de M. l’abbé P. Martin dans
[194] Tillemont, Mémoires, t. I, art. XXXI sur saint Pierre.
[195] De nombreux passages font croire, au contraire, que saint Pierre, en écrivant, avait sous les yeux l’épître de saint Paul aux Romains, qui est de 58, et celle du même apôtre aux Éphésiens, qui ne peut être antérieure à 63. Lightfoot, ouvrage cité, p. 498.
[196] Ibid., p. 498.
[197] Ibid., et Mochler, Histoire de l’Église, trad. Gams, t. I. p. 132.
[198] Ière Épître de Pierre, I, 1.
[199] Ière Épître de Pierre, II, 13-17.
[200] Littéralement dans l’incendie, πυρώσει.
[201] Καxοποίος (rapprochez maleficæ superstitionis, de Suétone).
[202] Ière Épître de Pierre, IV, 12-16. Cf. 18, 19, et V, 7, 8, 9, 10.
[203] Cf. Renan, l’Antéchrist, p. 108 ; Lightfoot, Galatians, p. 31 ; S. Clement of Rome, t. II, p. 30.
[204] Saint Clément, Corinthiens, 5. Expressions analogues désignant l’extrémité occidentale de l’Espagne, les colonnes d’Hercule, dans Strabon, Géographie, II, 1 ; Velleius Paterculus, I, 2. L’expression employée par saint Clément, susceptible d’une interprétation moins stricte si elle se rencontrait dans un livre écrit en Orient, ne peut guère signifier ici que la véritable extrémité de l’Occident, l’Espagne. Duchesne, Leçons autographiées sur les Origines chrétiennes (1878-1881), p. 438.
[205] Profectionem Pauli ab Urbe ad Spaniam proficiscentis. Canon de Muratori.
[206] Il n’y a point à prendre en considération l’inscription publiée par Gruter, 289, 9, et comme spuria par Orelli, 730 : la fausseté en est manifeste. Cf. Corp. inscr. lat., t. II, 25.
[207] Voir Tillemont, Mémoires, t. II, art. et notes sur la persécution de Néron, art. et notes sur S. Gervais et S. Protais, S. Nazaire et S. Celse.
[208] Actes des Apôtres, VI, 9.
[209] CVSPIVM PANSAM AED. FABIVS. EVPOR. PRINCEPS LIBERTINORVM.
[210] Fiorelli, Pomp. ant, hist., t. I, p. 160 ; cité par De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1864, p. 70 ; cf. p. 92, 93.
[211] Lettre de M. de Rossi dans le Bulletin critique, 1er décembre 1882, p. 272. La caricature est reproduite en tête du livre d’Edmond Le Blant, les Persécutions et les martyrs, 1893.
[212] Actes des Apôtres, XXVIII, 14.
[213] Suétone, Auguste, 98 ; Néron, 31 ; Tacite, Annales, XV, 42, 43, 46 ; Dion Cassius, XLVIII, 49 ; LXVII, 14 ; Sénèque, Ep. 77 ; Stace, Sylves, IV, III, 26-27 ; Pline, Nat. Hist., XIV, 8.
[214] Tertullien dit, il est vrai, qu’il n’y avait pas de chrétiens en Campanie avant l’éruption volcanique de 79 : Nec... Campania de christiania conquerebatur, cum... Pompeios de suo monte perfudit ignis. Apologétique, 40. Mais il est évidemment mal renseigné, puisque saint Paul débarquant à Pouzzoles, ville campanienne, y trouva des chrétiens.
[215] Le fac-similé pris en 1862 par Minervini a été reproduit dans le Bullettino di archeologia cristiana, 1864, p. 69, et dans le Corp. inscr. lat., t. IV, pl. XVI, n° 3. Le n° 2 de cette planche reproduit le fac-similé dessiné vers la même époque par Kiessling, est peu différent.
[216] Le souvenir des calomnies qui représentaient les chrétiens et les juifs comme, adorant une tête d’âne. Cf. Tacite, Histoires, V. 4 ; Josèphe, Contra Apion, II, 7 ; Tertullien, Apologétique, 16 ; et le crucifix blasphématoire du Palatin, Rome souterraine, fig. 37, p. 334.
[217] Pour musculas, diminutif de muscas.
[218] Ces trois graffiti sont donnés en fac-similé dans le Bullettino di archeologia cristiana, 1864, p. 71.
[219] Corpus inscr. lat., t. IV, 813. On a voulu voir dans cette maison une taverne ; mais, comme le remarque très bien Dyer (Pompei, p. 467), cette inscription s’accorde mal avec une telle hypothèse.
[220] De Rossi, Bulletlino di archeologia cristiana, 1864, p. 69-72.
[221] C’est la date donnée par Eusèbe, provenant d’un calcul opéré d’après la donnée traditionnelle qui rapporte à l’an 42, douze ans après la mort du Sauveur, la séparation des apôtres, combinée avec la tradition des vingt-cinq ans d’épiscopat romain de saint Pierre. En l’adoptant comme la plus vraisemblable, parce qu’elle est celle qui se concilie le mieux avec le texte de Denys de Corinthe (Eusèbe, Hist. ecclés., II, 28) qui fait mourir en même temps Pierre et Paul, avec le fait du voyage de Paul de Rome en Espagne, et avec la probabilité que la première épître de Pierre est postérieure au massacre d’août 64, je ne conteste pas que des arguments dignes d’attention aient été proposés pour placer au moment de ce massacre le martyre des deux apôtres : on les trouvera très bien résumés dans Dufourq, Étude sur les Gesta martyrum romains, 1900, p. 103-110.
[222] Voir Bullettino
di archeologia cristiana, 1867, p. 70, 71 ; 1869, p. 80. Cependant de ces
documents légendaires quelques détails sont à retenir.
[223] Saint Jean, XXI, 18, 19.
[224] Sénèque, Consolatio ad Marciam, 20.
[225] Saint Clément, Corinthiens, 5, 6.
[226] Dans Eusèbe, Hist. Ecclés., II, 25, 8.
[227] Ibid., III, 1.
[228] Sénèque, Consolatio ad Marciam, 20.
[229] Eusèbe, Hist. Ecclés., III, 1, 2.
[230] Tertullien, De præscr., 36.
[231] Scorpiac., 15.
[232] Tertullien, De præscr., 36 ; Scorpiac., 15 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., II, 25 ; Lactance, De mort. pers., 2 ; Orose, VII, 7.
[233] Paul, Sent., V, XXIX, 1. — Sur la distinction entre le civis proprement dit et le plebeius, entre l’honestior et l’humilior, voir le mémoire de Duruy, inséré à la fin du tome VI de l’Histoire des Romains.
[234] M. Renan (l’Antéchrist, p. 556) et M. Sabatier (Encyclopédie des sciences religieuses, t. X, p. 617) reconnaissent une allusion précise au martyre de saint Pierre et de saint Paul dans le passage de l’Apocalypse (XVIII, 20), où le voyant, prédisant la chute de Rome, s’écrie : Réjouissez-vous, ciel, et vous, saints apôtres et prophètes, car Dieu a vengé votre cause. Mais peut-être l’expression apôtres et prophètes a-t-elle ici un sens plus général, comme au chapitre 11 de la Διδαχή τών άποστόλων. Un autre document très ancien semble faire allusion au martyre de saint Pierre à Rome. En 1896, Clemen a publié sous ce titre : Die Himmelfahrt des Isaias, ein ältestes Zeuguiss für das römische Martyrium des Petrus (Zeitschrift für wissenchaftliche Theologie, t. XXXIV, fascicule 3) une étude sur l’apocryphe connu sous le nom d’Ascensio Isaiæ, et dont on possédait seulement alors la version éthiopienne éditée par Dillmann. Dans cet écrit, qui, selon Clemen, serait du premier siècle, parlant de l’Antéchrist et de la persécution de Néron, l’auteur (dans la traduction du texte éthiopien) dit ... e XII in manum ejus (Neronis) tradetur. Clemen, suppléant unus, vit dans unus e XII une allusion au martyre de saint Pierre à Rome sous Néron. Harnack (Geschichte der altchr. Literatur, t. II, p. 714) contesta cette interprétation. Récemment Greffell a retrouvé et publié (The Ascensio Isaiah, Londres, 1900) le texte grec de l’apocryphe ; le passage en question y est traduit de telle sorte que le verbe au singulier exige le supplément εϊς. Il dit : Καί (τ)ών δώδεxα (εϊς) ταϊς χερσίν αυτοΰ π(αραδ)οθήσεται, en latin et e duodecim unus in manibus ejus tradetur, ce qui revient exactement au texte proposé par Clemen. Harnack (Sitzungsberichte der Berliner Akademie der Wissenschaften, 1900, p. 984) a rétracté ses critiques et reconnu le bien fondé de la conjecture. Voir Marucchi, Un’ antichissima testimonianza del martirio di S. Pietro in Roma, dans Nuovo Bull. di arch. crist., 1901, p. 224.
[235] Voir les autorités citées par Arevalo, dans sa note sur Prudence, Peri Stephanôn, XII, 5, et Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 119, note 12.
[236] Digeste, XLVIII, XXIV, 1, 2, 3.
[237] Caïus, cité par Eusèbe, Hist. Ecclés., II, 25, 7. Le sens du mot τρόπαια dans ce texte pour désigner les tombeaux des deux apôtres a été contesté par Erbes (Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. VII, p. 11) et par Lipsius (Die apokryphen Apostelgeschichten in Apostellegenden, 2e éd., p. 391). Il a été mis hors de doute par Lightfoot (Saint Clement of Rome, t. I, p. 381) et Duchesne (le Liber Pontificalis, t. I, p. 120). Voir la liste des auteurs qui ont traduit τρόπαια par tombeaux dans Stimmen aus Maria Laach, 1888, t. XXXV, p. 113-114.
[238] Voir De Rossi, Inscript,
christ. urbis Romae, t. II, p. 231, 2 ; 236. Sur le tombeau de saint
Pierre, ibid., p. 199-200 ; 235-237 ; Duchesne, le Liber pontificalis,
t. I, p. CXLV, 119, 194-195, et
[239] Cf. Willems, le Droit public romain, p. 472, 473.
[240] Suétone, Néron, 57.
[241] ... Et tamen permansit, erasis omnibus, hoc solum institutum Neronianum. Ad Nat., I, 7.
[242] Saint Matthieu, XXIV, 16 ; saint Marc, XIII, 14 ; saint Luc, XXI, 21.
[243] Eusèbe, Hist. Ecclés., II, 23. — Le martyre de saint Jacques arriva en 62 ; voir Tillemont, Mémoires, t. I, art. VII sur saint Jacques le Mineur.
[244] Eusèbe, Hist. Ecclés., III, 5.
[245] De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1865, p. 95.