HISTOIRE DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

LA PRÉSIDENCE DU MARÉCHAL

 

APPENDICE.

QUATRIÈME PARTIE

 

 

VIII

Loi d'organisation des pouvoirs publics du 25 Février 1875. Promulguée au Journal officiel du 28 Février 1875.

 

ARTICLE PREMIER. Le pouvoir législatif s'exerce par deux Assemblées la Chambre des députés et le Sénat.

La Chambre des députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale.

La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat sont réglés par une loi spéciale.

ART. 2. Le Président de la République est élu, à la majorité absolue des suffrages, par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale.

Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible.

ART. 3. Le Président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux Chambres il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux Chambres ; il en surveille et en assure l'exécution,

Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi.

Il dispose de la force armée.

Il nomme à tous les emplois civils et militaires.

Il préside aux solennités nationales les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. Chacun des actes du Président de la République doit être contresigné par un ministre.

ART. 4. Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir de la promulgation de la présente loi, le Président de la République nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'Etat en service ordinaire.

Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront être révoqués que par décision prise en Conseil des ministres.

Les conseillers d'État, nommés en vertu de la loi du 24 Mai 1872, ne pourront, jusqu'à l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée par cette loi.

Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation ne pourra être prononcée que par le Sénat.

ART. 5. Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat.

En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois.

ART. 6. Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels.

Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison.

ART. 7. En cas de vacance, par décès ou par toute autre cause, les deux Chambres réunies procèdent immédiatement à l'élection d'un nouveau Président.

Dans l'intervalle, le Conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif.

ART. 8. Les Chambres auront le droit, par délibérations séparées, prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. Après que chacune des deux Chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision.

Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale.

Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 Novembre 1873 à M. le Maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu que sur la proposition du Président de la République.

ART. 9. Le siège du pouvoir exécutif et des deux Chambres est à Versailles.

 

X

 

Loi sur le Sénat du 24 Février 1875. Promulguée au Journal officiel du 28 Février 1875.

 

ARTICLE PREMIER. Le Sénat se compose de trois cents membres deux cent vingt-cinq élus par les départements et les colonies, et soixante-quinze élus par l'Assemblée nationale.

ART. 2. Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq sénateurs.

Les départements de la Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-du-Nord, chacun quatre sénateurs.

La Loire-Inférieure, Saône-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Seine-et-Oise, Isère, Puy-de-Dôme, Somme, Bouches-du-Rhône, Aisne, Loire, Manche, Maine-et-Loire, Morbihan, Dordogne, Haute-Garonne, Charente-Inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault, Basses-Pyrénées, Gard, Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs.

Tous les autres départements chacun deux sénateurs. Le territoire de Belfort, les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes Françaises éliront chacun un sénateur.

ART. 3. Nul ne pourra étre sénateur, s'il n'est Français, âgé de quarante ans au moins, et s'il ne jouit de ses droits civils et politiques.

ART. 4. Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie et composé

1° Des députés

2° Des conseillers généraux

3° Des conseillers d'arrondissement

4° Des délégués élus, un par chaque conseil municipal parmi les électeurs de la commune.

Dans l'Inde Française, les membres du conseil colonial ou des conseils locaux sont substitués aux conseillers généraux, aux conseillers d'arrondissement et aux délégués des conseils municipaux. Ils votent au chef-lieu de chaque établissement.

ART. 5. Les sénateurs nommés par l'Assemblée sont élus au scrutin de liste et à la majorité absolue des suffrages. Art. 6. Les sénateurs des départements et des colonies sont élus pour neuf années et renouvelables par tiers, tous les trois ans.

Au début de la première session, les départements seront divisés en trois séries, contenant chacune un égal nombre de sénateurs. Il sera procédé, par la voie du tirage au sort, à la désignation des séries qui devront être renouvelées à l'expiration de la première et de la deuxième période triennales.

ART. 7. Les sénateurs élus par l'Assemblée nationale sont inamovibles. En cas de vacance par décès, démission ou autre cause, il sera, dans les deux mois, pourvu au remplacement par le Sénat lui-même.

ART. 8. Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la confection des lois. Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, présentées à la Chambre des députés et votées par elle.

ART. 9. Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger, soit le Président de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'État.

ART. 10. Il sera procédé à l'élection du Sénat un mois avant l'époque fixée par l'Assemblée nationale pour sa séparation. Le Sénat entrera en fonctions et se constituera le même jour où l'Assemblée nationale se séparera.

ART. 11. -La présente loi ne pourra être promulguée qu'après le vote définitif de la loi sur les pouvoirs publics.

 

X

Loi constitutionnelle sur les rapports des Pouvoirs publics du 16 Juillet 1875. (Promulguée au Moniteur du 18 Juillet 1875)

 

ARTICLE PREMIER. Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année, le second mardi de Janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République.

Les deux Chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre.

Le dimanche qui suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu, dans les églises et dans les temples, pour appeler son secours sur les travaux des Assemblées.

ART. 2. Le Président de la République prononce la clôture de la session. H a le droit de convoquer extraordinairement les Chambres. Il devra les convoquer si la demande en est faite, dans l'intervalle des sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque Chambre.

Le Président peut ajourner les Chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder le terme d'un mois, ni avoir lieu plus de deux fois dans la même session.

ART. 3. Un mois au moins avant le terme légal des pouvoirs du Président de la République, les Chambres devront être réunies en Assemblée nationale pour procéder à l'élection du nouveau Président.

A défaut de convocation, cette réunion aurait lieu de plein droit, le quinzième jour avant l'expiration de ces pouvoirs.

En cas de décès ou de démission du Président de la République, les deux Chambres se réunissent immédiatement et de plein droit.

Dans le cas où, par application de l'article 5 de la loi du 25 Février 187S, la Chambre des députés se trouverait dissoute au moment où la Présidence de la République deviendrait vacante, les collèges électoraux seraient aussitôt convoqués, et le Sénat se réunirait de plein droit.

ART. 4. Toute Assemblée de l'une des deux Chambres qui serait tenue hors du temps de la session commune est illicite et nulle de plein droit, sauf le cas prévu par l'article précédent et celui où le Sénat est réuni comme Cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer que des fonctions judiciaires.

ART. 5. Les séances du Sénat et celles de la Chambre des députés sont publiques.

Néanmoins, chaque Chambre peut se former en comité secret, sur la demande d'un certain nombre de ses membres, fixé par le règlement.

Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

ART. 6. Le Président de la République communiqué avec les deux Chambres par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre.

Les ministres ont leur entrée dans les deux Chambres et doivent être entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se taire assister par des commissaires désignés, pour la discussion d'un projet de loi déterminé, par décret du Président de la République.

ART. 7. Le Président de la République promulgue les lois dans le mois qui suit la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. 11 doit promulguer dans les trois jours les lois dont la promulgation, par un vote exprès dans l'une et l'autre Chambres, aura été déclarée urgente.

Dans le délai fixé pour la promulgation, le Président de la République peut, par un message motivé, demander aux deux Chambres une nouvelle délibération qui ne peut être refusée.

ART. 8. Le Président de la. République négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance aux Chambres, aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'Etat le permettent.

Les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux Chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi.

ART. 9. Le Président de la République ne peut déclarer la guerre sans l'assentiment préalable des deux Chambres.

ART. 10. Chacune des Chambres est juge de l'éligibilité de ses membres et de la régularité de leur élection ; elle peut seule recevoir leur démission.

ART. 11. Le bureau de chacune des deux Chambres est élu chaque année pour la durée de la session, et pour toute session extraordinaire qui aurait lieu avant la session ordinaire de l'année suivante.

Lorsque les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se compose des président, vice-présidents et secrétaires du Sénat.

ART. 12. Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des députés et ne peut être jugé que par le Sénat.

Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. En ce cas, ils sont jugés par le Sénat. Le Sénat peut être constitué en Cour de justice par un décret du Président de la République, rendu en Conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue d'attentat commis contre la sûreté de l'Etat.

Si l'instruction est commencée par la justice ordinaire, le décret de convocation du Sénat peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi. Une loi déterminera le mode de procéder pour l'accusation, l'instruction et le jugement.

ART. 13. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché, à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

ART. 14. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ou arrêté, en matière criminelle ou correctionnelle, qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit.

La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue, pendant la session et pour toute sa durée, si la Chambre le requiert.

 

XI

Loi organique sur les élections des sénateurs du 2 Août 1875. Promulguée au Journal officiel du 13 Août 1875.

 

ARTICLE PREMIER. Un décret du Président de la République, rendu au moins six semaines à l'avance, fixe le jour où doivent avoir lieu les élections pour le Sénat et, en même temps, celui où doivent être choisis les délégués des conseils municipaux. Il doit y avoir un intervalle d'un mois au moins entre le choix des délégués et l'élection des sénateurs.

ART. 2. Chaque conseil municipal élit un délégué. L'élection se fait sans débat, au scrutin secret, à la majorité absolue des suffrages. Après deux tours de scrutin, la majorité relative suffit, et, en cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est élu. Si le maire ne fait pas partie du conseil municipal, il présidera mais il ne prendra pas part au vote.

Il est procédé, le même jour et dans la même forme, à l'élection d'un suppléant qui remplace le délégué, en cas de refus ou d'empêchement.

Le choix des conseils municipaux ne peut porter ni sur un député, ni sur un conseiller général, ni sur un conseiller d'arrondissement.

Il peut porter sur tous les électeurs de la commune, y compris les conseillers municipaux, sans distinction entre eux.

ART. 3. Dans les communes où il existe une commission municipale, le délégué et le suppléant seront nommés par l'ancien conseil.

ART. 4. Si le délégué n'a pas été présent à l'élection, notification lui en est faite dans les vingt-quatre heures par les soins du maire. Il doit faire parvenir au préfet, dans les cinq jours, l'avis de son acceptation. En cas de refus ou de silence, il est remplacé par le suppléant qui est alors porté sur la liste comme délégué de la commune.

ART. 5. Le procès-verbal de l'élection du délégué et du suppléant est transmis immédiatement au préfet il mentionne l'acceptation ou le refus des délégués et suppléants, ainsi que les protestations élevées contre la régularité de l'élection par un ou plusieurs membres du conseil municipal. Une copie de ce procès-verbal est affichée à la porte de la mairie.

ART. 6. Un tableau des résultats de l'élection des délégués et suppléants est dressé dans la huitaine par le préfet ; ce tableau est communiqué à tout requérant il peut être copié et publié. Tout électeur a, de même, la faculté de prendre, dans les bureaux de la préfecture, communication et copie de la liste par commune, des conseillers municipaux du département, et, dans les bureaux des sous-préfectures, de la liste par commune des conseillers municipaux de l'arrondissement.

ART. 7. Tout électeur de la commune peut, dans un délai de trois jours, adresser directement au préfet une protestation contre la régularité de l'élection.

Si le préfet estime que les opérations ont été irrégulières, il a le droit d'en demander l'annulation.

ART. 8. Les protestations relatives à l'élection du délégué ou du suppléant sont jugées, sauf recours au conseil d'Etat, par le conseil de préfecture, et, dans les colonies, par le conseil privé.

Le délégué, dont l'élection est annulée parce qu'il ne remplit pas une des conditions exigées par la loi, ou pour vice de forme, est remplacé par le suppléant.

En cas d'annulation de l'élection du délégué et de celle du suppléant, comme au cas de refus ou de décès de l'un et de l'autre après leur acceptation, il est procédé à de nouvelles élections par le conseil municipal, au jour fixé par un arrêté du préfet.

ART. 9. Huit jours au plus tard avant l'élection des sénateurs, le préfet et, dans les colonies, le directeur de l'Intérieur, dresse la liste des électeurs du département par ordre alphabétique. La liste est communiquée à tout requérant et peut être copiée et publiée. Aucun électeur ne peut avoir plus d'un suffrage.

ART. 10. Les députés, les membres du conseil général ou des conseils d'arrondissement qui auraient été proclamés par les commissions de recensement, mais dont les pouvoirs n'auraient pas été vérifiés, sont inscrits sur la liste des électeurs et peuvent prendre part au vote.

ART. 11. Dans chacun des trois départements de l'Algérie, le collège électoral se compose : 1° des députés ; 2° des membres citoyens français du conseil général ; 3° des délégués élus par les membres citoyens français de chaque conseil municipal, parmi les électeurs citoyens français de la commune.

ART. 12. Le collège électoral est présidé par le président du tribunal civil du chef-lieu du département ou de la colonie. Le président est assisté des deux plus âgés et des deux plus jeunes électeurs présents à. l'ouverture de la séance. Le bureau ainsi composé choisit un secrétaire parmi les électeurs.

Si le président est empêché, il est remplacé par le vice-président et, à son défaut, par le juge le plus ancien.

ART. 13. Le bureau répartit les électeurs par ordre alphabétique en sections de vote comprenant au moins cent électeurs. Il nomme les président et scrutateurs de chacune de ces sections. Il statue sur toutes les difficultés et contestations qui peuvent s'élever au cours de l'élection, sans pouvoir toutefois s'écarter des décisions rendues en vertu de l'article 8 de la présente loi.

ART. 14. Le premier scrutin est ouvert à 8 heures du matin et fermé à. midi. Le second est ouvert à 2 heures et fermé à 4 heures. Le troisième, s'il y a lieu, est ouvert à 6 heures et fermé à 8. Les résultats des scrutins sont recensés par le bureau et proclamés le même jour par le président du collège électoral.

ART. 15. Nul n'est élu sénateur à l'un des deux premiers tours de scrutin s'il ne réunit : 1° la majorité absolue des suffrages exprimés ; 2° un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits. Au troisième tour de scrutin, la majorité relative suffit, et, en cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est élu.

ART. 16. Les réunions électorales pour la nomination des sénateurs pourront avoir lieu en se conformant aux règles tracées par la loi du 6 Juin 1868, sauf les modifications suivantes : 1° Ces réunions pourront être tenues depuis le jour de la nomination des délégués jusqu'au jour du vote inclusivement ;

2° Elles doivent être précédées d'une déclaration faite, la veille au plus tard, par sept électeurs sénatoriaux de l'arrondissement et indiquant le local, le jour et l'heure où la réunion doit avoir lieu, et les noms, profession et domicile des candidats qui s'y présenteront ;

3° L'autorité municipale veillera à ce que nul ne s'introduise dans la réunion, s'il n'est député, conseiller général, conseiller d'arrondissement, délégué ou candidat.

Le délégué justifiera de sa qualité par un certificat du maire de sa commune, le candidat par un certificat du fonctionnaire qui aura reçu la déclaration mentionnée au paragraphe précédent.

ART. 17. Les délégués qui auront pris part à tous les scrutins recevront, sur les fonds de l'Etat, s'ils le requièrent, sur la présentation de leur lettre de convocation visée par le président du collège électoral, une indemnité de déplacement qui leur sera payée sur les mêmes bases et de la même manière que celle accordée aux jurés par les articles 35, 90 et suivants du décret du 18 Juin 1811.

Un règlement d'administration publique déterminera le mode de taxation et de paiement de cette indemnité.

ART. 18. Tout délégué qui, sans cause légitime, n'aura pas pris part à tous les scrutins, ou, étant empêché, n'aura point averti le suppléant en temps utile, sera condamné à une amende de 50 francs par le tribunal civil du chef-lieu, sur les réquisitions du ministère public.

La même peine peut être appliquée au délégué suppléant qui, averti par lettre, dépêche télégraphique ou avis, à lui personnellement délivré en temps utile, n'aura pas pris part aux opérations électorales.

ART. 19. Toute tentative de corruption par l'emploi des moyens énoncés dans les articles m et suivants du Code pénal, pour influencer le vote d'un électeur ou le déterminer à s'abstenir de voter, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 50 à 500 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

L'article 463 du Code pénal est applicable aux peines édictées par le présent article.

ART. 20. II y a incompatibilité entre les fonctions de sénateur et celles

De conseiller d'État et maître des requêtes, préfet et sous-préfet, à l'exception du préfet de la Seine et du préfet de police ;

De membre des parquets, des cours d'appel et des tribunaux de première instance, à l'exception du procureur général près la cour de Paris ;

De trésorier-payeur général, de receveur particulier, de fonctionnaire et employé des administrations centrales des ministères

ART. 21. Ne peuvent être élus par le département ou la colonie compris en tout ou en partie dans leur ressort, pendant l'exercice de leurs fonctions et pendant les six mois qui suivent la cessation de leurs fonctions par démission, destitution, changement de résidence ou de toute autre manière

1° Les premiers présidents, les présidents et les membres des parquets des cours d'appel ;

2" Les présidents, les vice-présidents, les juges d'instruction et les membres des parquets des tribunaux de première instance ;

3° Le préfet de police, les préfets et sous-préfets et les secrétaires généraux des préfectures les gouverneurs, directeurs de l'intérieur et secrétaires généraux des colonies ;

4° Les ingénieurs en chef et d'arrondissement, et les agents voyers en chef et d'arrondissement ;

5° Les recteurs et inspecteurs d'Académie ;

6° Les inspecteurs des écoles primaires ;

7° Les archevêques, évoques et vicaires généraux ;

8° Les officiers de tous grades de l'armée de terre et de mer ;

9° Les intendants divisionnaires et les sous-intendants militaires

10° Les trésoriers-payeurs généraux et les receveurs particuliers des finances ;

11° Les directeurs des contributions directes et indirectes, de l'enregistrement et des domaines, et des postes ;

12° Les conservateurs et inspecteurs des forêts.

ART. 22. Le sénateur élu dans plusieurs départements doit faire connaître son option au Président du Sénat, dans les dix jours qui suivent la déclaration de la validité de ces élections. A défaut d'option dans ce délai, la question est décidée par la voie du sort et en séance publique.

Il est pourvu à la vacance dans le délai d'un mois et par le même corps électoral.

Il en est de même dans le cas d'une invalidation d'une élection.

ART. 23. Si, par décès ou démission, le nombre des sénateurs d'un département est réduit de moitié, il est pourvu aux vacances dans le délai de trois mois, à moins que les vacances ne surviennent dans les douze mois qui précèdent le renouvellement triennal. A l'époque fixée pour le renouvellement triennal, il sera pourvu à toutes les vacances qui se seront produites, quel qu'en soit le nombre et quelle qu'en soit la date.

ART. 24. L'élection des sénateurs nommés par l'Assemblée nationale est faite en séance publique, au scrutin de liste, et à la majorité absolue des votants, quel que soit le nombre des épreuves.

ART. 25. Lorsqu'il y a lieu de pourvoir au remplacement des sénateurs nommés en vertu de l'article 7 de la loi du 24 Février i87S, le Sénat procède dans les formes indiquées par l'article précédent.

ART. 26. Les membres du Sénat reçoivent la même indemnité que ceux de la Chambre des députés.

ART. 27. Sont applicables à l'élection du Sénat toutes les dispositions de la loi électorale relatives

1° Aux cas d'indignité et d'incapacité ;

2° Aux délits, poursuites et pénalités ;

3° Aux formalités de l'élection, en tout ce qui ne serait pas contraire aux dispositions de la présente loi.

Dispositions transitoires.

ART. 28. Pour la première élection des membres du Sénat la loi qui déterminera l'époque de la séparation de l'Assemblée nationale fixera, sans qu'il soit nécessaire d'observer les délais établis par l'article premier, la date à laquelle se réuniront les conseils municipaux pour choisir les délégués et le jour où il sera procédé à l'élection des sénateurs.

Avant la réunion des conseils municipaux, il sera procédé par l'Assemblée nationale à l'élection des sénateurs dont la nomination lui est attribuée.

ART. 29. La disposition de l'article 21, par laquelle un délai de six mois doit s'écouler entre le jour de la cessation des fonctions et celui de l'élection, ne s'appliquera pas aux fonctionnaires autres que les préfets et les sous-préfets, dont les fonctions auront cessé, soit avant la promulgation de la présente loi, soit dans les vingt jours qui la suivront.

 

XII

Texte de la loi électorale des 4 Juin 1874, 13 et 30 novembre 1875. (Promulguée au Journal officiel du 31 Décembre 1875.)

ARTICLE PREMIER. Les députés seront nommés par les électeurs inscrits :

1° Sur les listes dressées en exécution de la loi du Juillet 1874 ;

3° Sur la liste complémentaire comprenant ceux qui résident dans la commune depuis six mois.

L'inscription sur la liste complémentaire aura lieu, conformément aux lois et règlements qui régissent actuellement les listes électorales politiques, par les commissions et suivant les formes établies dans les articles 1er, 2, 3 et 4 de la loi du 7 Juillet 1874.

Les listes électorales arrêtées au 31 Mars 1875, en exécution de ces lois, serviront jusqu'au 31 Mars 1876. Les pourvois en cassation, relatifs à la formation de l'une ou l'autre liste, seront portés directement devant la chambre civile de la Cour de cassation.

ART. 2. Les militaires et assimilés de tous grades et de toutes armes des armées de terre et de mer ne prennent part à. aucun vote quand ils sont présents à leur corps, à leur poste ou dans l'exercice de leurs fonctions. Ceux qui, au moment de l'élection, se trouvent en résidence libre, en non-activité ou en possession d'un congé, régulier, peuvent voter dans la commune sur les listes de laquelle ils sont régulièrement inscrits. Cette dernière disposition s'applique également aux officiers et assimilés qui sont en disponibilité ou dans le cadre de réserve.

ART. 3. Pendant la durée de la période électorale, les circulaires.et professions de foi signés des candidats, les placards et manifestes électoraux signés d'un ou plusieurs électeurs, pourront, après dépôt au parquet du procureur de la République, être affichés et distribués sans autorisation préalable.

La distribution des bulletins de vote n'est point soumise à la formalité du dépôt au parquet.

Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats.

Les dispositions de l'article 19 de la loi organique du 2 Août 1875 sur les élections des sénateurs, seront appliquées aux élections des députés.

ART. 4. Le scrutin ne durera qu'un seul jour. Le vote a lieu au chef-lieu de la commune néanmoins chaque commune peut-être divisée, par arrêté du préfet, en autant de sections que l'exigent les circonstances locales et le nombre des électeurs. Le second tour de scrutin continuera d'avoir lieu le deuxième dimanche qui suit le jour de la proclamation du résultat du premier scrutin, conformément aux dispositions de l'article 65 de la loi du 15 Mars 1849.

ART. 5. -Les opérations du vote auront lieu conformément aux dispositions des décrets organique et réglementaire du 25 Février 1852.

Le vote est secret.

Les listes d'émargement de chaque section, signées du président et du secrétaire, demeureront déposées pendant une huitaine au secrétariat de la mairie, où elles seront communiquées à tout électeur requérant.

ART. 6. Tout électeur est éligible, sans condition de cens, à l'âge de vingt-cinq ans accomplis.

ART. 7. Aucun militaire ou marin faisant partie des armées actives de terre ou de mer ne pourra, quels que soient son grade ou ses fonctions, être élu membre de la Chambre des députés.

Cette disposition s'applique aux militaires et marins en disponibilité ou en non-activité, mais elle ne s'étend ni aux officiers placés dans la seconde section du cadre de l'état-major général ni à ceux qui, maintenus dans la première section comme ayant commandé en chef devant l'ennemi, ont cessé d'être employés activement, ni aux officiers qui, ayant des droits acquis à la retraite, sont envoyés ou maintenus dans leurs foyers, en attendant la liquidation de leur pension.

La décision par laquelle l'officier aura été admis à faire valoir ses droits à la retraite deviendra, dans ce cas, irrévocable. Elle ne s'applique pas à la réserve de l'armée active ni à l'armée territoriale.

ART. 8. L'exercice des fonctions publiques rétribuées sur les fonds de l'Etat est incompatible avec le mandat de député. En conséquence, tout fonctionnaire élu député sera remplacé dans ses fonctions, dans les huit jours qui suivront la vérification des pouvoirs, s'il n'a pas fait connaitre qu'il n'accepte pas le mandat de député.

Sont exceptées des dispositions qui précèdent, les fonctions de ministre, sous-secrétaire d'État, ambassadeur, ministre plénipotentiaire, préfet de la Seine, préfet de police, premier président de la cour de cassation, premier président de la cour des comptes, premier président de la cour d'appel de Paris, procureur général près la cour de cassation, procureur général près la cour des comptes, procureur général près la cour d'appel de Paris, archevêque et évêque, président de consistoire dans les circonscriptions consistoriales dont le chef-lieu compte deux pasteurs et au-dessus, grand rabbin du consistoire central, grand rabbin du consistoire de Paris.

ART. 9. Sont également exceptés des dispositions de l'article 8 ; 1° les professeurs titulaires de chaires qui sont données au concours ou sur la présentation des corps où la vacance s'est produite ;

2° Les personnes qui ont été chargées d'une mission temporaire. Toute mission qui a duré plus de six mois cesse d'être temporaire et est réglée par l'article 8 ci-dessus.

ART. 10. Le fonctionnaire conserve les droits qu'il a acquis à une pension de retraite et peut, après l'expiration de son mandat, être remis en activité.

Le fonctionnaire civil qui, ayant eu vingt ans de service à la date de l'acceptation de son mandat de député, justifiera de cinquante ans d'âge à l'époque de la cessation de ce mandat, pourra faire valoir ses droits à une pension de retraite exceptionnelle. Cette pension sera réglée conformément au troisième paragraphe de l'article 12 de la loi du 9 Juin 1853.

Si le fonctionnaire était remis en activité après la cessation de son mandat, les dispositions énoncées dans les articles 3, paragraphe 2, et 28 de la loi du 9 Juin d8S3 lui seront applicables. Dans les fonctions où le grade est distinct de l'emploi, le fonctionnaire, par l'acceptation du mandat de député, renonce à l'emploi et ne conserve que le grade.

ART. 11. Tout député, nommé ou promu aune fonction publique salariée, cesse d'appartenir à la Chambre, par le fait même de son acceptation mais il peut être réélu, si la fonction qu'il occupe est compatible avec le mandat de député. ·

Les députés nommés ministres ou sous-secrétaires d'Etat ne sont pas soumis à la réélection.

ART. 12. Ne peuvent être élus par l'arrondissement compris en tout ou en partie dans leur ressort, pendant l'exercice de leurs fonctions et pendant les six mois qui suivent la cessation de leurs fonctions par démission, destitution, changement de résidence ou de toute autre manière

1° Les premiers présidents, les présidents et les membres des parquets des cours d'appel ;

2° Les présidents, les vice-présidents, les juges titulaires, les juges d'instruction et les membres des parquets des tribunaux de de première instance ;

3° Le préfet de police, les préfets et les secrétaires généraux des préfectures.

Les sous-préfets ne peuvent être élus dans aucun des arrondissements du département dans lequel ils exercent leurs fonctions.

4° Les ingénieurs en chef et d'arrondissement, les agents voyers en chef et d'arrondissement ;

S° Les recteurs et inspecteurs d'académie ;

6° Les inspecteurs des écoles primaires ;

7° Les archevêques, évêques et vicaires généraux ;

8° Les trésoriers-payeurs généraux et les receveurs particuliers des finances

9° Les directeurs des contributions directes et indirectes, de l'enregistrement et des domaines, et des postes

10° Les conservateurs et inspecteurs des forêts.

ART. 13. Tout mandat impératif est nul et de nul effet.

ART. 14. Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin individuel. Chaque arrondissement administratif nommera un député. Les arrondissements, dont la population dépasse cent mille habitants, nommeront un député de plus par cent mille ou fraction de cent mille habitants. Les arrondissements, dans ce cas, seront divisés en circonscriptions dont le tableau sera établi par une loi et ne pourra être modifié que par une loi spéciale.

ART. 15. Les députés sont élus pour quatre ans.

La Chambre se renouvelle intégralement.

ART. 16. En cas de vacance par décès, démission ou autrement, l'élection devra être faite dans le délai de trois mois, à partir du jour où la vacance se sera produite.

En cas d'option, il sera pourvu à la vacance dans le délai d'un mois.

ART. 17. Les députés reçoivent une indemnité.

Cette indemnité est réglée par les articles 96 et 97 de la loi du d5 Mars 1849 et par les dispositions de la loi du 16 Février 1873.

ART. 18. Nul n'est élu, au premier tour de scrutin, s'il n'a réuni :

1° La majorité absolue des suffrages exprimés ;

2° Un nombre de suffrages égal au quart des électeurs inscrits. Au deuxième tour, la majorité relative suffit ; en cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est élu.

ART. 49. Chaque département de l'Algérie nomme un député, ART. 20. Les électeurs résidant en Algérie, dans une localité non érigée en commune, seront inscrits sur la liste électorale de la commune la plus proche.

Lorsqu'il y aura lieu d'établir des sections électorales, soit pour grouper des communes mixtes dans chacune desquelles le nombre des électeurs serait insuffisant, soi.t pour réunir les électeurs résidant dans des localités non érigées en communes, les arrêtés pour fixer le siège de ces sections seront pris par le gouverneur général, sur le rapport du préfet et du général commandant la division.

ART. 21. Les quatre colonies auxquelles il a été accordé des sénateurs par la loi du 24 février 1873, relative à l'organisation du Sénat, nommeront chacune un député.

ART. 22. Toute infraction aux dispositions prohibitives de l'article 3, paragraphe 3, de la présente loi sera punie d'une amende de 16 à 300 francs. Néanmoins le tribunal correctionnel pourra faire application de l'article 463 du Code pénal.

Le décret du 29 Janvier 1871 et les lois des 10 Avril 1871, 2 Mai 1871 et 18 Février 1873 sont abrogés.

Demeure également abrogé le paragraphe 11 de l'article 15 du décret organique du 2 Février 1852, en tant qu'il se réfère à la loi du 21 Mai 1836 sur les loteries, sauf aux tribunaux à faire aux condamnés l'application de l'article 14 du Code pénal.

Continueront d'être appliquées les dispositions des lois et décrets en vigueur auxquelles la présente loi ne déroge pas. Les dispositions de l'article 6 de la loi du 7 Juillet 1874 seront appliquées aux listes électorales politiques.

 

XIII

L'œuvre de la Chambre de 1876.

 

Cette majorité, qu'a-t-elle fait ? Pour l'accuser, on a été obligé d'inventer, de mettre à sa charge ce qu'elle a fait et ce qu'elle n'a pas fait, et, ce qui me surprend, ce n'est pas la hardiesse des orateurs officiels, c'est certainement leur inexactitude.

On a dit que cette Assemblée avait amnistié la Commune. Vous avez donc bien besoin de remettre à neuf le spectre rouge Eh bien quelle que soit votre indigence politique, renoncez à dire que cette Assemblée a amnistié la Commune, car elle l'a flétrie ; non seulement elle ne l'a pas réhabilitée, mais elle a borné ses vœux de clémence à ce projet, voté ici, porté au Sénat par un homme dont on évoque aujourd'hui la mémoire, avec je ne sais quelle hypocrisie de langage, par M. Dufaure.

Est-ce tout ? Non. L'Assemblée a doublé le contingent militaire, elle a augmenté la solde de tous les officiers de l'armée, elle a amélioré la situation des sous-officiers, elle a demandé une loi des cadres, préparant à l'abaissement du service ; pour faire passer tout le monde sous le niveau de la loi.

Elle a cherché, dans le domaine économique, à soustraire la viabilité ferrée aux étreintes du monopole ; elle y a travaillé, non pas assurément avec les lumières d'un ministre administrateur de grandes Compagnies, mais avec la conscience désintéressée de gens comme M. Allain-Targé, comme M. Lecesne, et je ne veux pas oublier que la Chambre était secondée par un ministre qui cherchait à résoudre la question, moins dans le sens du monopole, plus dans le sens de la liberté.

Dans le budget, elle a introduit la règle, l'ordre et le contrôle. Vous le contestez ? Eh bien ! j'invoque le témoignage de M. le général Berthaut, qui peut figurer dans le Cabinet, mais qui, pour nous, est un homme spécial, en dehors des querelles de la politique.

Elle a voulu développer l'instruction primaire, l'instruction secondaire elle a rencontré un esprit ferme, sûr, un honnête homme, républicain modéré, mais sincère ; elle lui a confié, avec une générosité que vous avez taxée quelquefois de prodigalité, mais dont le pays, j'en suis sûr, ne nous fera pas un crime, les millions nécessaire pour faire des maîtres et des élèves.

Ce n'est pas parce que cette Chambre était exaltée, c'est au contraire parce qu'elle était sage, c'est parce qu'elle ne donnait pas des votes subversifs, c'est parce qu'on marchait unis que la détresse s'est emparée de vous, et que vous vous êtes retournés vers le Maréchal.

Pourquoi ? Pour sauver vos places.

J'ai eu la témérité, il y a quinze mois, en soutenant le scrutin de liste contre MM. Buffet et Dufaure, de dire qu'avec le scrutin d'arrondissement nous étions sûrs du triomphe.

Je me suis heurté au parti pris, et l'état-major seul du parti conservateur a pu se sauver. Eh bien écoutez aujourd'hui un avertissement

En 1830, on est parti 22i et on est revenu 270. J'affirme que partant 363, nous reviendrons 400.

Journal Officiel du 17 Juin 1877.

 

(Extrait du discours de Gambetta, prononcé à la séance de la Chambre des députés du 16 Juin 1877.)

 

XIV

Le manifeste de M. Thiers.

 

D'autres diront peut-être qu'ils accepteraient à la rigueur la bonne République, mais qu'ils ne veulent pas la mauvaise. Eh ! oui Nous sommes de leur avis il faut être pour la bonne, et pas pour la mauvaise ; et aucun de nous n'en demande une autre. Mais quand donc a-t-il été question de la mauvaise ? Quel jour s'est-elle montrée, cette mauvaise République ? Est-ce lorsque, à Bordeaux, Versailles, Paris, au milieu de désastres sans exemple, au milieu des ruines, elle refaisait un Gouvernement, une armée, des finances, écrasait l'anarchie, rétablissait le respect des lois, payait l'énorme rançon du pays, affranchissait le territoire, rendait la France a. elle-même ? Était-ce la mauvaise République, celle-là ? Et depuis, encore, lorsque, au milieu de difficultés de tout genre, suscitées par ses adversaires, cette République contredite, tiraillée, dirigée cependant par des ministres républicains, apaisait les populations, et, sans pouvoir satisfaire tous leurs vœux, leur procurait une vie tolérable, de Février 1876 à Mai 1877, était-ce une mauvaise République, celle-là ? Vous pouvez en juger en comparant l'année 1876 à l'année 1877 et demandez-en des nouvelles à l'industrie, au commerce, à toute l'Europe, témoin de nos assertions et tous vous répondront et vous diront quelle différence il y a entre la bonne et la mauvaise République, car ils ont pu les comparer. Oui, la mauvaise République, vous nous l'avez fait connaître au 16 Mai ! Gênée sans doute la veille, inquiétée par vos menaces, la République était cependant active encore, laborieuse, paisible, à l'abri d'une légalité respectée et de la soumission imposée aux partis. Et le 16 Mai, quel spectacle !

Les auteurs du 16 Mai répondent Nous convoquons le pays pour qu'il fasse connaître sa volonté. Ce serait le moment de lui laisser la liberté d'exprimer sa pensée, et d'abord de t'exprimer le plus promptement possible, car un tel état de crise n'est jamais trop court. Tandis que tous les Gouvernement n'ont jamais pris plus de vingt ou trente jours, et une seule fois soixante, on prend d'abord les trois mois que le texte légal autorise à ces trois mois on ajoute, par une extension manifestement illégale, un nouveau délai, et enfin, au lieu de laisser parler le pays en toute liberté, puisqu'on le consulte, on fait le contraire, par un monstrueux démenti donné à toutes les règles.

Ce ne sont pas seulement les principes essentiels du Régime républicain qui sont tous les jours violés, ce sont les plus incontestables principes du droit public chez les peuples libres, qu'ils vivent en République ou sous le Gouvernement d'un Roi. Dans tout Etat libre, le premier soin, au moment où on va consulter la nation, est d'ouvrir toutes les voies par lesquelles peut arriver la vérité. Chez nous, la libre circulation de la pensée est arrêtée sur tous les points la librairie, le colportage, les chemins de fer sont forcés de se rendre à discrétion, sans que le Gouvernement se soucie des malheureux qu'il prive ainsi de leur seul gagne-pain, et tous les fonctionnaires, les plus étrangers à la politique, frappés à la fois, pour intimider les citoyens qu'on révolte et qu'on n'intimide pas.

Mais s'arrête-t-on là ? Non, lisez, écoutez ce qu'on écrit impunément dans les journaux du Gouvernement, avec sa tolérance, puisqu'il ne sévit pas.

Tout haut, on dit que si ces moyens ne suffisaient pas pour empêcher le retour de la majorité dissoute, il ne faudrait pas s'arrêter devant la persistance du pays ! On dissoudrait de nouveau, jusqu'à ce qu'on eût obtenu la réponse que l'on désire. La Constitution et toutes les Constitutions ont établi qu'en cas de dissentiment avec le pouvoir on a recours au pays, et que, quand il a répondu, le dissentiment doit être vidé. Or, comme on n'a pas supposé que les Gouvernements ni les peuples fussent fous, on n'a pas dit que, le pays ayant répondu, on ne l'interrogerait pas une seconde fois ni une troisième. On ne l'a pas dit, parce qu'on ne suppose pas la folie, ni chez les gouvernants ni chez les gouvernés. Eh bien ! on ne s'en tient plus au simple bon sens. Le pays n'a pas répondu comme on voulait, on dissoudra de nouveau, et aussi souvent qu'il faudra, jusqu'en 1880. Mais il faut du temps pour dissoudre, et, si le 31 Décembre arrive, sans que ie budget ait été voté, nulle difficulté on percevra l'impôt sans qu'il ait été voté. D'ailleurs, on a le Sénat, le Sénat votera le budget, si on n'a pas une Chambre pour le voter, et puis. et puis. on a la force, on l'emploiera !

Voilà ce qu'on dit, sans qu'il y ait répression de cet audacieux mépris de toutes les lois. Je le demande à tous mes contemporains, à tous ceux qui ont souvenir de 1830, sous M. de Polignac, aurait-on osé venir dire que, si la Chambre des députés n'avait pas voté le budget, le roi et la Chambre des pairs y suffiraient ? Non, apparemment, ou la réponse eût été celle qu'on fit aux fameuses Ordonnances.

On nous refuse donc, non seulement les principes propres à la République, mais les plus simples principes parlementaires, admis dans trois Monarchies non absolues on va plus loin on va à cette monstruosité que Napoléon ilf, dans sa toute-puissance, n'aurait jamais osé professer que l'impôt pourrait être perçu sans avoir été voté Et enfin on écrit ces paroles criminelles que, s'il faut la force, la force sera là

La mauvaise République, la voilà c'est la seule qui ait paru depuis Bordeaux, et ce sont les partis monarchistes déchaînés qui nous la donnent avec une audacieuse impunité.

 

— Profession de roi aux électeurs du IXe arrondissement, revue et corrigée par M. Mignet et publiée le 27 Septembre 1877. — Extrait de la Collection des discours parlementaires de M. Thiers, publiée par M. Calmon. Paris, 15 v. in-8°, chez Calmann-Lévy, I879-1883.

 

XV

Le Conseil des Ministres du 28 Janvier 1879.

 

A cette communication (les changements dans les grands commandements militaires, proposés par le général Gresley) le Marechal changea de couleur, et dit avec vivacité

« — Voilà des changements que je ne saurais approuver. Les généraux que vous voulez frapper ont été, aux termes de la loi, nommés pour trois ans, et, à l'expiration de ce délai, maintenus pour une nouvelle période de trois ans. Cette période touchera à son terme dans quelques mois, nous verrons alors ce qu'il y aura à faire mais, aujourd'hui, ces braves gens sont couverts par la loi.et je me refuse à les révoquer. »

Le ministre de la Guerre ayant fait observer respectueusement que, dans la pensée du Conseil, le fait du maintien des généraux dans leurs commandements, à l'expiration des premiers trois ans, n'impliquait nullement pour eux le droit de courir une nouvelle carrière d'égale durée, le Maréchal répondit :

« — C'est que nous n'avons pas la même manière de comprendre et d'interpréter la loi. Pour moi, le terme légal des commandements, dont vous voulez abréger la durée, n'expire que dans cinq ou six mois, et je ne signerai pas un décret qui constitue, à mon sens, une illégalité et une injustice. Je veux bien vous céder de Lartigue et Montaudon ils sont malades et demandent à se retirer ; mais, pour les autres, il me semble qu'il n'y a pas péril en la demeure. Non, reprit-il, avec plus de force, je ne peux consentir à frapper de braves officiers, de vaillants soldats, mes compagnons d'armes. Qu'on me fasse connaître les causes qui les signalent à vos rigueurs, et, si je suis convaincu de leur indignité, je souscrirai a la disgrâce qu'on veut leur faire subir. Mais, s'il s'agit de donner satisfaction à des passions que je désapprouve et que je déplore, je ne les sacrifierai pas ; qu'un autre le fasse, moi j'aime mieux me retirer. La Constitution me confie le commandement de l'armée et je ne peux la laisser désorganiser. Ce serait commencer à la désorganiser, que de frapper des généraux que j'estime et que j'aime et qui n'ont pas démérité. Qu'a fait Bourbaki ? Qu'a fait Bataille ? Et du Barail, un de nos meilleurs généraux de cavalerie, qu'avez-vous à lui reprocher ? Pas plus que vous, je ne veux que la politique se mette dans l'armée. En deux circonstances, je l'ai prouvé d'abord, en retirant son commandement à l'amiral La Roncière-le Noury, ensuite, en révoquant mon vieil ami, Ducrot. Qu'on m'indique, contre ceux dont vous me demandez la mise en disponibilité, des faits répréhensibles et je signerai ; sinon, non. Je suis responsable de l'armée devant le pays, et je n'obéirai pas, en ce qui la concerne, aux injonctions des journaux qui dressent tous les jours des listes de dénonciation contre des fonctionnaires. Au train dont vont les choses, ajouta encore le Maréchal, il est possible que vous ayez avant peu, besoin de l'armée à l'intérieur ; il importe donc de ne pas la blesser aujourd'hui, par des actes qu'elle ne comprendrait pas. Destituez des magistrats et des préfets, soit mais des généraux, non. Je m'en irai plutôt que d'y consentir ; si je suis resté au pouvoir après le 14'Décembre, si, depuis un an, j'ai consenti à avaler tant de couleuvres, c'est uniquement pour protéger l'armée. Si je l'abandonnais aujourd'hui, si je faisais une chose que je considère comme attentatoire à ses intérêts, à ceux du pays, je me croirais déshonoré ; je n'oserais même plus embrasser mes enfants. »

 

Extrait du volume de M. Ernest Daudet. Souvenirs de la Présidence du Maréchal de Mac-Mahon, Paris, Dentu, 1879

 

FIN DU DEUXIÈME VOLUME