LES EMPEREURS ROMAINS

QUATRIÈME PARTIE. — L'EMPIRE ADMINISTRATIF

IV. - JULIEN. - (361-363 ap. J.-C.).

Une restauration païenne.

 

 

Dernier neveu du grand Constantin, échappé comme par miracle à cette impitoyable loi du salut de l'Empire à laquelle Constance avait sacrifié le reste de sa famille, Julien souffrit, dans sa jeunesse ; ce qu'il y a peut-être de plus dur après la mort  : la captivité du corps et celle de l'âme. Relégué, sous une surveillance matérielle et morale très-étroite, d'abord au fond du palais épiscopal de l'évêque arien de Nicomédie, Eusèbe ; puis, au fond du château isolé de Macellum, en Cappadoce, il fut la première victime du secret découvert par Constance, et appliqué depuis par tant de puissants à leurs jeunes rivaux, et qui consiste à offrir le royaume du ciel pour consolation à ceux qu'ils privent du royaume de la terre. Des prêtres, mis auprès de lui à cet effet, l'initièrent aux mystères de la foi nouvelle, aux dogmes de la chute, de la Rédemption et de la Trinité, mais à une époque ou l'on préférait les obscurités d'une théologie subtile à la simplicité des enseignements des premiers temps. Baptisé assez jeune, il fut fait lecteur des saintes Écritures, et s'acquitta probablement de ces fonctions dans l'église de Césarée de Cappadoce.

Ce n'était pas un excellent moyen de faire goûter les douceurs de l'Évangile que de les présenter à un jeune enfant comme une pièce du régime de prison auquel il était condamné, et de les gâter encore par toutes les arguties des discussions à la mode. Julien en contracta de bonne heure une aversion secrète, mais invincible, contre le christianisme ; il l'associa aux infortunes, aux douleurs de sa jeunesse, et il le rendit responsable des superfétations qui le défiguraient. Le jeune homme, parmi les maîtres et les enseignements dont on l'avait entouré, ne goûta d'abord de consolation qu'auprès d'un certain Mardonius. Cet honnête et excellent vieillard avait conservé, dans sa foi nouvelle, une admiration toujours également vive pour la poésie d'Homère et d'Hésiode, dont on faisait alors, à la mode des platoniciens, comme le reflet d'une sagesse supérieure et presque divine. Avec la pétulance d'un esprit éveillé et avide, le jeune Julien préféra cet enseignement à l'autre, mit Homère au-dessus de la Bible, et s'accoutuma de bonne heure, à travers le prisme des mythes de Platon, à voir dans l'Olympe, comme le prisonnier dans un pan du ciel, une image de la liberté[1].

Favorisé, un peu plus tard, et sous la direction du grammairien Hiéroclès et du rhéteur Ecebole, d'une liberté un peu plus grande ou plutôt d'une chaîne un peu plus longue, Julien, dans la Thrace et dans l'Asie Mineure, où il fut encore enfermé, reçut de la première connaissance qu'il fit avec le monde, et du spectacle dont il fut témoin, des impressions analogues. Au-dessus de lui, un souverain, son oncle, Constance, meurtrier de sa famille, efféminé dans ses mœurs, tracassier dans ses croyances, voulait imposer violemment à tout l'Empire, comme à son jeune neveu, ce qu'il croyait être la vérité. Autour de lui, une église, alors triomphante, se divisait, s'affaiblissait par de mesquines et interminables querelles ; une coterie de prélats, maîtres de l'oreille du souverain, persécutait, au nom de l'humanité du Christ, d'autres prélats plus tiers qui souffraient l'exil ou la mort, au nom de sa divinité. Partout, au contraire, en Orient, les dieux autrefois chantés et les croyances recommandées par l'art magique des poètes étaient méprisés, honnis, persécutés. Quelques philosophes oubliés rassemblaient seuls encore autour du nom de Platon des adeptes tous les jours plus rares ; les rhéteurs dérobaient sous une admiration purement littéraire leur attachement au vieux culte ; enfin, dans des temples en ruine, les derniers païens se cachaient pour brûler un encens discret et sacrifier quelques maigres victimes sur leurs autels délaissés. La lâcheté et les cruautés du maitre, les scandales de l'église persécutrice, semblaient préparer dans les esprits une réaction naturelle en faveur du paganisme et de ses adeptes, qui commençaient à souffrir maintenant ce qu'ils avaient autrefois infligé au christianisme. L'instinct de générosité naturel à une jeune âme rattacha Julien aux persécutés, comme le besoin, l'esprit d'indépendance l'avait jeté du côté d'Homère et des poètes du paganisme.

Les deux directeurs qui accompagnaient Julien, Hiéroclès, grand amateur de la littérature grecque, et Ecebole, qui changea plusieurs fois de religion au gré de ses souverains, n'étaient point faits précisément pour contenir ce jeune homme, dont l'ardente imagination échappait aisément à leur tutelle. Esprit pratique aussi bien que littéraire, âme positive et contemplative, éprouvant le besoin de savoir autant que de rêver, et d'agir autant que de croire, le jeune Julien épuisa promptement, dans ses excursions à Constantinople et à Nicomédie, les leçons de la grammaire et de la rhétorique. Il désirait ardemment entendre le célèbre Libanius, rhéteur païen redouté des chrétiens ; il se procura au moins en secret ses leçons, s'efforça d'imiter son style et sa manière, au point de surpasser ses meilleurs disciples. L'ardente soif de son cœur n'était point encore apaisée. Éloigné des plaisirs de son âge, tout aux travaux de l'esprit, il voulut enfin remonter des mots aux choses, des formes à l'être, de la rhétorique à la philosophie, comme on disait alors, de la science de la parole à celle de la sagesse, pour mettre d'accord avec ses actions ses idées, et appliquer dans sa vie les principes et les vertus qu'il aurait puisées à cette haute école. Malheureusement, en se détournant du christianisme, pour lequel il n'avait contracté que du dégoût, Julien n'avait d'autre choix que l'hellénisme. On appelait ainsi alors cette école du néoplatonisme qui, après avoir associé la littérature grecque à la religion païenne, la philosophie à la foi polythéiste, le culte des lettres à celui des dieux et la vertu au paganisme, avait recours, depuis Jamblique, à des cérémonies empruntées aux plus secrets mystères des anciens temps, pour remonter aux sources de l'être premier, et qui essayait ainsi de rendre au paganisme épuisé une vie qui lui échappait[2]

Ce fut pour satisfaire cette soif de savoir que Julien, au risque de mécontenter Constance, alla consulter d'abord, à Pergame, le vieil Édésius, qui tenait de la bouche même du maître Jamblique cet enseignement qui s'ingéniait à incarner dans les vieilles divinités de la Grèce le Verbe platonicien, et à chercher dans les antiques légendes une édification morale. Édésius était vieux ; poussé par les questions ardentes du jeune homme  : Pressant ami de la sagesse, lui dit-il, mon corps est un édifice qui tombe en ruines ; interroge mes enfants. Deux d'entre ses disciples, Chrysanthe et Eusèbe, le remplacèrent d'abord. Ils dévoilèrent à Julien les merveilles de l'Être un, parfait, du Dieu intelligible, archétype de la vertu et de la beauté, qui a son médiateur sensible dans le soleil qui anime et féconde toute la création matérielle ; ils lui enseignèrent l'unité divine créant le Verbe, puis se développant dans la pluralité des dieux, anges, démons, et s'objectivant dans les agents et les forces de la nature, qui gouvernent et qui composent toutes les parties de l'univers, et qui reçoivent de cette unité leur force et leur vertu, comme tous les astres doivent leur existence et leur éclat au soleil leur père. C'était là un aliment pour cet avide et chimérique esprit. Mais partout, le jeune homme insatiable, comme dans cette maison de campagne de Bithynie offerte par lui plus tard à un ami avec une description si charmante, partout et toujours, Julien interrogeait de ses avides questions, dans le silence de ses contemplations, l'astre brillant du jour ou les constellations de la nuit qui portaient le nom d'autant de divinités. Il n'était point satisfait encore. Maxime et Priscus, à qui on le renvoya, étaient les plus fervents adeptes de l'art d'entrer en communication avec l'invisible, au moyen des extases et des cérémonies de la théurgie, et de solliciter même les confidences de quelque divinité, dans ce panthéisme complaisant qui réunissait tous les êtres. Julien alla trouver ces maîtres habiles. Ils le soumirent à une longue préparation, à un noviciat accompagné de jeunes, d'abstinences, d'ablutions, de fumigations propres à énerver l'âme et à exalter l'imagination. Ils l'entraînèrent enfin, près d'Éphèse, la nuit, dans la crypte du temple ruiné de Diane. Là, au milieu d'une musique enivrante de cymbales, et à la lueur de pâles flambeaux, éperdu, il vit, aux paroles magiques de Maxime, se refléter comme au fond d'une lave brûlante qui bouillonnait dans un bassin de pierre rouge, le beau temple d'Éphèse qui avait été détruit. Lui-même, ceint du diadème des augustes et dans le costume des souverains pontifes, sacrifiait à la déesse. Il avait commis un de ces actes défendus depuis Constantin par la loi, et puni de mort par Constance[3]. En entrevoyant la couronne impériale dans des mystères païens, il avait presque conspiré.

L'empereur Constance eut vent des écarts de Julien ; il le renvoya sévèrement à ses fonctions de lecteur des saintes Écritures, et, après la mort de Gallus, l'appela même à Milan, pour le surveiller et le contenir de plus près. Le jeune théosophe fut sauvé peut-être de la mort par l'impératrice Eusébie, qui le fit passer pour un amateur enthousiaste des vieilles rêveries de la Grèce, et obtint qu'on l'envoyât à Athènes. Cette ville ne conservait plus de son ancien caractère qu'une démocratie turbulente d'école, où la jeunesse faisait passer la royauté ou la tyrannie littéraire, selon ses caprices, du rhéteur de Cappadoce, Julien, à Diophante l'Arabe, ou de celui-ci à l'illustre et longtemps applaudi Proheresius. Au milieu des sectes philosophiques qui se disputaient encore le pavé à Athènes, Julien parut adopter celle des stoïques. Il prit le manteau, porta la barbe longue et pointue. On le vit cependant passer à travers presque toutes les écoles et disserter à l'Académie, au Portique, au Lycée, sans oublier de suivre comme myste, grâce à la connaissance qu'il fit du grand prêtre d'Éleusis, les mystères de Cérès, de sa fille Cora et de Bacchus, les plus anciens alors et les plus redoutables de l'hellénisme. A Athènes, il se lia d'amitié avec saint Basile, fut plus froid pour saint Grégoire de Nazianze, discuta avec eux sur le Verbe, entonna les louanges du dieu-soleil ou de la déesse-mère, fraya avec tous, discuta sur tout, charma ou éblouit presque tout le monde. Ce fut au milieu de ces occupations que, sur les conseils d'Eusébie, les eunuques de Constance vinrent lui apporter les insignes de l'Empire, avec la nouvelle qu'on l'avait créé césar[4]. Constance envoyait Julien en Gaule comme son frère Gallus, en composant le personnel de son administration et surtout de ses surveillants, en lui donnant même sa sœur Hélène pour femme, afin d'être bien sûr de lui. Eusébie seul l'encouragea véritablement, en lui faisant cadeau d'une bibliothèque de livres de philosophie et de livres militaires et en lui donnant quelques bons et sincères conseils.

Quel était ce jeune césar, gauche encore sous les habits impériaux qui venaient de remplacer ceux du philosophe ? Il présentait bien des qualités et des défauts contraires. Petit et trapu, avec une physionomie intelligente et originale plutôt que belle sous ses longs cheveux lisses, un regard mobile et jetant parfois des éclairs, un nez long, droit, provoquant, de fortes lèvres ironiques, une barbe inculte et une marche saccadée, Julien joignait une âme élevée et saine à des passions singulièrement maladroites, quelques idées belles et justes à des imaginations folles et à de longs raisonnements faux, un caractère noble et généreux à de grands travers d'esprit. Entêté et opiniâtre, dans des idées qui lui étaient chères, il avait appris des malheurs de sa jeunesse même à les cacher ; il avait cependant plus de prudence que de dissimulation. Simple dans ses mœurs, pur dans sa conduite, sans grands besoins pour lui-même ; bien disposé pour les autres, il n'avait que des passions d'esprit et ne nourrissait d'ambition que pour ses idées[5]. Julien donna la meilleure preuve de son génie en sachant se tirer avec honneur de la position difficile où Gallus avait laissé son honneur et sa vie.

Le nouveau césar, parmi les familiers dont on l'avait entouré, sut s'attacher le stoïcien Salluste, qui devint pour lui comme un second père, et le platonicien Oribase, son tendre médecin. Il avait pour se faire des amis un art qui venait du cœur. A force de prudence et de sagesse, il échappa à la gênante tutelle de ceux qu'on avait mis autour de lui pour l'empêcher de marcher et de grandir ; il éloigna ou annihila, en les prenant dans leurs propres pièges, Florentins, le préfet du prétoire, Ursicinus, le maître de la cavalerie, Barbation, le maitre de l'infanterie, et se saisit vigoureusement du pouvoir, au lieu de rester seulement entre leurs mains un mannequin inutile. Appliqué au gouvernement, il arrêta les exactions de Florentins et diminua les taxes de la Gaule. La frontière était envahie par les Alamans et les Francs ; il s'improvisa guerrier et capitaine, mal à l'aise d'abord, en apprenant les exercices militaires, mais déjà tout en possession de lui-même sur le champ de bataille. Il résista avec opiniâtreté, dans Autun assiégé par les Barbares, et tint tête même à ses soldats mal payés. Il battit enfin cinq rois et cinq nations barbares à la grande bataille de Strasbourg, et poursuivit les Alamands jusque dans la forêt Martienne (forêt Noire), et les Francs jusque dans les marais de la Toxandrie (Hollande). Il conquit en quelques années l'attachement de la Gaule et le dévouement des soldats. Marche, heureux césar, crièrent les soldats dans les plaines de l'Ill, nous te suivrons ou te mène ta fortune.

Tout en déployant, surtout au dehors, les qualités d'un élève du Portique et celles d'un Romain des anciens jours, Julien avait une conduite inattaquable. Vivant simplement, couchant sur la dure, chaste dans un mariage qu'il avait fait avec quelque répugnance, se soumettant à des jeûnes, à des abstinences recommandées par ses dévotions particulières, il assistait aux cérémonies du culte chrétien, qui était alors la religion officielle. Il réservait seulement pour le soir le commerce chéri qu'il entretenait, dans de solitaires incantations, avec Mithra et Isis, ses dieux favoris. Deux fois il écrivit le panégyrique de Constance, son souverain, et d'Eusébie, sa protectrice, gardant aussi pour le secret de ses pensées ou pour ses songes l'avenir et l'espérance. Le lion, dit Libanius, se cachait sous la peau de l'âne. Peut-être n'eût-il jamais réagi aussi vivement contre le christianisme, et ne se fut-il point révolté contre son oncle Constance, si la mort de celui-ci l'avait amené naturellement au trône où sa naissance et son titre de césar l'appelaient. Les principes de l'école stoïcienne l'éloignaient de l'ingratitude et de la révolte en politique, comme de la violence en religion. La jalouse maladresse de Constance dégagea brusquement le sectaire du philosophe, et l'auguste du césar[6].

Julien était assez philosophe pour souffrir que son oncle s'attribuât toutes ses victoires, dans des bulletins où il ne nommait pas même le césar qui les remportait en personne à la tête de ses légions ; il savait que de vils et bas courtisans lui appliquaient le sobriquet de Victorinus ; mais le stoïcisme lui avait appris le mépris de la gloire et des injures. Il ne fut pas assez chrétien pour faire le sacrifice de son ambition et de sa vie, lorsque Constance lui demanda, comme autrefois à Gallus, ses meilleurs et ses plus dévoués soldats. Ces soldats étaient fort mécontents ; ils avaient mis pour condition à leurs services qu'ils ne quitteraient point la Gaule. Julien, en leur donnant l'ordre du départ, recommanda au préfet Florentins de ne point les faire passer par Lutèce, où il était, à son palais des Thermes. Malgré lui, ils vinrent lui faire leurs adieux ; il les exhorta à l'obéissance. Mais pendant la nuit, les soldats, tout à leurs regrets, se mutinèrent ; ils se portèrent aux Thermes avec les cris furieux de  : Julien auguste ! Le césar errait sur les bords de la Seine, en proie à une fiévreuse agitation  : Je me suis déjà présenté deux fois, lui disait le génie de l'Empire, sur le seuil de ta demeure, et deux fois tu m'as repoussé  : c'est la dernière fois que tu m'entends. Julien revint vers les soldats mutinés, qui faisaient déjà voler ses portes en éclat. Il chercha encore à les apaiser. Peine inutile ! on l'éleva sur un bouclier. On chercha un diadème. Un soldat détacha son collier de porte-dragon et le lui posa hardiment sur la tête. C'en était fait. De retour au fond de son palais, dans son observatoire, fenêtres ouvertes, jusqu'au matin, Julien interrogea, dans les formes consacrées par la magie, ces astres qui lui avaient souri dés l'enfance, et invoqua les dieux protecteurs et garants de sa fortune. Jeune, captif, il avait rêvé dans le paganisme la liberté ; homme fait maintenant, menacé dans sa vie, il voyait pour lui l'Empire dans le paganisme, et dans le paganisme l'Empire, dans l'un et dans l'autre son salut. Il raconta plus tard à un de ses confidents que l'astre de Jupiter et le soleil-roi, au milieu de cette nuit troublée par ses propres passions et par les cris tumultueux des soldats qui occupaient les portes, lui avaient ordonné de saisir l'Empire pour relever leurs autels[7].

Le paganisme se jeta dans les bras de Julien avec plus d'empressement que Julien ne l'embrassa lui-même. Dès qu'il avait mis, comme césar, le pied en Gaule, une vieille femme avait dit, en le voyant passer  : i Voici celui qui relèvera les temples. Depuis longtemps, tous les païens sincères, tous ceux même qu'indisposait le gouvernement tracassier de Constance, ou qui voyaient dans le vieux culte national la condition du salut de l'Empire, espéraient en lui. Dès qu'ils le virent lever l'étendard contre Constance, tous se déclarèrent en sa faveur. Julien, plus hésitant, offrit d'abord de traiter avec son oncle et de partager l'Empire avec lui ; puis, il lui écrivit une lettre railleuse, et adressa au sénat des invectives contre celui qui était l'auteur de sa fortune et qu'il avait loué autrefois. Enfin, on le vit, à peu de temps de distance, assister le jour de l'Épiphanie à la messe des chrétiens et sacrifier à Bellone. Il fit cependant avec vigueur ses préparatifs de guerre, et partit lui-même avec rapidité, à la tête de cinq mille hommes, pour descendre le Danube, consultant les augures païens avec une ardeur plus fiévreuse à mesure qu'il approchait de son adversaire. La mort de Constance épargna à l'Empire une guerre civile. Malgré cette facile victoire, quand la population de Constantinople se précipita de plusieurs milles au-devant du nouvel auguste, ayant en tête son préfet, le célèbre sophiste Themistius, tous ceux qui l'acclamèrent avaient le pressentiment qu'ils allaient assister au retour, à la tentative de rétablissement d'un ordre de choses qu'on avait cru terminé.

Julien, seul maitre de l'Empire, apportait au pouvoir, en politique et en religion, des idées bien différentes : les unes claires, sages, vraies pour son temps, les autres obscures, imprudentes, fausses. Il avait à leur service une science vaste mais un peu pédante, un caractère enthousiaste et une volonté opiniâtre, mais susceptibles de céder à de fortes préventions ou à d'entraînantes passions. Pour bien juger son court règne, qui ne dura que deux ans et demi, et qui ne tint ni tout ce qu'il pouvait faire espérer, ni tout ce qu'il pouvait faire craindre, il faut faire deux parts de son gouvernement : l'une politique, et presque toujours raisonnable et sage ; l'autre religieuse, qui fut maladroite, insensée, trop souvent condamnable.

En morale et en politique, Julien était l'élève du stoïcisme et de la vieille discipline romaine que, dans l'éloignement des temps, on confondait alors volontiers. Il proclamait lui-même qu'il avait pris pour modèle Marc-Aurèle, l'empereur philosophe, pour la vertu, et Caton pour la sévérité des mœurs. On trouve dans son épître à Thémistius, et dans quelques passages de ses discours et panégyriques[8], l'idée qu'il se faisait de la souveraine puissance. Avec Platon et Aristote, il pensait que, de même que les dieux ont donné les troupeaux d'animaux à conduire à des êtres d'une nature supérieure aux hommes, ainsi, pour gouverner les hommes, il faudrait au-dessus d'eux des êtres surhumains, des dieux. » Puisque cette mission n'appartenait point aux dieux, il répétait que l'homme devait, en prenant le gouvernement de ses semblables, étouffer, selon l'énergique expression d'Aristote, la bête féroce qui monte sur le trône avec un despote ; il condamnait donc l'autocratie, l'omnipotence souveraine, il voulait que le souverain ne régnât pas lui-même, mais qu'il assurât seulement le règne de la loi, cet esprit que ne trouble pas la tempête des passions. Incapable de s'élever à la conception d'une constitution politique, il exigeait du souverain qu'il fit le plus de bien possible aux hommes. Le salut de l'Empire était pour lui dans la discipline morale de l'empereur, qui devait rester maître de lui, pour imiter les dieux. Les hommes devinent, disait-il, et les dieux savent.

Je suis maitre de moi, comme de l'univers,

tel était son idéal, si souvent démenti par l'expérience. Après avoir posé quelques excellentes règles pour le souverain, applicables à tous les temps et à tous les princes, il formule celle-ci, particulièrement applicable à l'Empire romain  : Il faut qu'un prince, aimant également et les citoyens et les soldats, soigne les premiers avec la tendre sollicitude d'un berger qui conduit ses troupeaux dans de gras pâturages, où ils paissent à l'abri de tout danger ; et qu'il inspecte fréquemment les seconds, pour les habituer à la force, au courage et à la douceur envers les citoyens, qualités qui leur sont aussi nécessaires qu'à ces animaux fidèles et de bonne race auxquels on confie la garde des brebis. Cette formule était encore celle du peuple-roi, celle d'un gouvernement militaire, produit de la conquête. Elle pouvait être bonne, relativement à ces temps si durs ; combien elle est encore humiliante pour l'espèce humaine !

Julien fut bien encore, en effet, un empereur romain, quoique dei meilleurs temps. Il ramena l'Empire à une simplicité, à une modestie toutes citoyennes. Il rejeta le nom de Dominas ou de maitre, et toutes les formes de l'adoration orientale. e J'ai demandé un barbier et non un intendant de finances, » dit-il au premier valet de Constance qu'il manda auprès de lui ; et ce mot devint le signal de la réforme de la cour. Il renonça à l'étiquette orientale, au risque de faire dire qu'il exposait le pouvoir au mépris ; la nuée d'eunuques, d'officiers de corps et de bouche, de serviteurs inutiles et avides, qui n'avaient point augmenté, comme on l'espérait, le respect de la monarchie, fut dispersée. Comme lorsqu'il était césar, Julien continua à dormir sur une peau d'ours, à faire des repas si légers, qu'il avait toujours le corps et l'esprit libres. Le palais devint accessible à tout le monde, particulièrement aux philosophes, ou rhéteurs, anciens amis que Julien appela à venir partager sa fortune et à l'aider de leurs conseils. Il n'espérait pas faire beaucoup, dit-il ; mais ils ne devaient pas lui envier leur concours ; c'est à leur tête qu'il voulait combattre contre la corruption et la décadence des temps. Son ancien conseiller et ami Salluste, païen, mais le plus honorable caractère de ce temps, devint préfet du prétoire, à défaut de Chrysanthe, qui ne voulut accepter qu'un gouvernement de province. Julien quitta le sénat de Constantinople pour recevoir Maxime, son premier initiateur aux secrets mystères, et lui confia une des premières charges de l'État, dont le philosophe thaumaturge, il est vrai, abusa pour s'enrichir. Pour lui, tout à ses devoirs, il y consacra même une partie de la nuit, dont il ait voulu cependant donner au moins aux lettres tout ce qu'il dérobait au sommeil[9].

Après un commencement de guerre civile, le nouveau règne ne fut point inauguré, comme tant d'autres, par une violente réaction contre les créatures du régime précédent. Une commission constituée à Chalcédoine rechercha les hommes qui avaient abusé, pour s'enrichir ou pour tyranniser, de leur puissance auprès de Constance. L'État seul parut au 'moins dans cette justice et non le souverain. Les empereurs ordinairement n'y mettaient pas tant de façons et prononçaient en personne. Si la commission, un peu trop zélée, enveloppa dans la perte de Paulus la Chaîne, et d'Apodème, l'innocent Ursule, trésorier de l'Empire, Julien, pour sa part, se montra toujours clément et sut relever souvent cette vertu de mots ou d'actes heureux. Un Théodote avait demandé sa tête à Constance ; il vint se jeter aux pieds du nouvel empereur. Julien le releva  : J'ai à cœur, dit-il, d'augmenter le nombre de mes amis et de diminuer le nombre de mes ennemis. Un citoyen lui fut dénoncé comme faisant préparer en secret une chlamyde de pourpre : l'empereur chargea le dénonciateur de porter à l'ambitieux conspirateur un brodequin de pourpre, pour qu'il ne manquât rien au vêtement impérial. Après les valets de cour, l'armée des espions ou curieux de l'Empire fut dissoute[10].

Les derniers empereurs avaient cru au-dessous de leur majesté d'intervenir personnellement dans la justice, assidûment exercée par les premiers empereurs. Julien reprit cette vieille coutume, qui avait ses inconvénients, cependant. L'été en campagne, l'hiver au tribunal, dit-on de lui. Il allait souvent s'asseoir auprès du préfet du prétoire et au milieu des assesseurs ; il prenait part au drame judiciaire, mais avec une certaine indiscrétion, interpellant quelquefois les avocats lorsqu'ils cherchaient à embrouiller l'affaire, reprenant le juge ou l'accusé, parfois réformant, la loi avec plus ou moins de bonheur par des décisions nouvelles. Il ne savait point contenir sa langue, et quelquefois sa colère. Comme il se connaissait, cependant, il avait autorisé ses préfets du prétoire à le reprendre, à l'arrêter ; et, quand ils le faisaient, il se soumettait toujours. Son intempérance ne nuisit quelquefois qu'à sa dignité, peu à la justice. Il se garda d'ailleurs par principe d'assister aux causes où il s'agissait de la vie de l'accusé. Dans un des panégyriques de Constance, il avait exprimé l'intention d'adoucir la sévérité ou la cruauté des peines portées contre certains délits  : t Quant au prince en personne, dit-il, il ne prononcera aucune sentence de mort, il ne frappera de son glaive de justice aucun citoyen, quelque énorme que soit son crime ; son âme ne doit être armée d'aucun aiguillon ; il doit ressembler au roi des abeilles, à qui la nature semble l'avoir refusé. Du droit de vie et de mort trop souvent exercé par ses prédécesseurs, il ne voulut conserver que celui de faire grâce[11]. Il crut pouvoir dire que, sous son règne, la justice exilée était redescendue sur terre.

Empereur des anciens jours, Julien (fut-il toujours de bonne foi ?) crut pouvoir faire revivre même les vieilles institutions. On le vit marcher à pied entre les litières des deux consuls, pour leur faire honneur aux grandes occasions ; il se condamna à l'amende pour avoir, contre le droit, affranchi un esclave en leur présence. Le nombre des sénateurs de Constantinople fut augmenté ; ils furent revêtus des mêmes privilèges que ceux de Rome, ce qui n'était maintenant pas beaucoup accorder ; et l'empereur se plut, dans des discours étudiés, à rendre compte de sa gestion des affaires devant eux. Il y eut, il est vrai, un peu de pédanterie, d'étalage d'érudition et d'amour de l'archaïsme dans ces réminiscences. Julien paraissait un peu jouer un rôle et rechercher une popularité facile ; il appelait Salluste son Lælius ; il adressait aux Athéniens l'apologie de sa révolte contre Constance. Ammien Marcellin avoue. lui-même que Julien recherchait dans les petites choses la faveur de la foule, et qu'il était friand de gloriole[12] ; il paraissait relever toujours de la république des lettres et non de la république politique. C'était cependant quelque chose que de rendre hommage à une liberté qui n'existait plus, et de se sentir responsable, ne fût-ce que devant le public d'Athènes.

Ce sentiment de la responsabilité améliora les actes du pouvoir absolu. En général, les choix que Julien fit dans l'armée et dans le civil furent bons, sauf quelques-uns où il écouta trop ses prédilections et ses amitiés philosophiques. Il avait juré devant ses soldats, à Lutèce, de n'avoir jamais égard, dans sa distribution des grades et des emplois, qu'au mérite. Une loi flétrit la vénalité des offices encouragée par la faiblesse de Constance, et exploitée par l'odieuse avidité de ses eunuques et favoris ; et, pour sa part, il se montra toujours fidèle à ses maximes, prêt à punir les malversations, à récompenser la bonne conduite, à tous les degrés de la hiérarchie des fonctions. Dans son gouvernement de Gaule, il s'était distingué autant par l'économie de son administration que par ses exploits militaires. A son départ il y avait laissé la capitation diminuée par tête de plusieurs pièces d'or. Le soulagement de l'Empire et la juste répartition des charges furent sa principale préoccupation. L'abolition de privilèges et d'exemptions d'impôts trop facilement accordés à la noblesse de création nouvelle, la fixation du tribut de l'or coronaire qui ne put plus être exagéré, l'autorisation plus discrètement accordée de voyager aux frais de l'État, et des remises nombreuses d'impôts arriérés, en sont une preuve suffisante. Julien, comme il l'avait promis, essaya d'assurer à l'Empire de gras pâturages ; il tint également l'armée dans une stricte discipline, en l'employant, pendant la paix, à construire des forts et à creuser des fossés sur les frontières de l'Empire ; toujours obéi et aimé des soldats, parce qu'il donnait l'exemple de la frugalité et du courage.

Le grand pontife, dans Julien, fut loin de valoir l'empereur. C'est dans ses discours en l'honneur du soleil-roi et de la mère des dieux, la Cybèle de Pessinunte, ainsi que dans quelques écrits polémiques, qu'il faut chercher les idées religieuses de Julien ou celles qu'il emprunta à ses maîtres.

Disciple du panthéisme d'alors, il concevait l'être un, intelligible, comme le principe, le type de toute perfection et de toute vertu, soleil de vérité et de beauté, soleil-roi, dont l'astre du jour était l'expression matérielle, l'image visible et comme l'agent intermédiaire, le médiateur entre l'être invisible et la création visible. Cette substance une, immatérielle et matérielle, arrivait par l'émanation à la pluralité des dieux, intelligibles pour la conscience des hommes et visibles pour leurs yeux. Les divins artistes de la Grèce en avaient trouvé la représentation idéale. Les sages expliquaient dans leurs mythes comment ils gouvernaient et conservaient le monde. Les législateurs et les prêtres enseignaient comment chaque peuple, chaque nation, chaque homme, avait ainsi son dieu particulier. Ces dieux communiquaient leur volonté à l'homme, être double aussi, âme et corps, dans les oracles et dans les songes ; ils se communiquaient eux-mêmes à des mortels préférés, qui savaient éveiller et solliciter, dans l'adoration et l'extase, le céleste appétit et la part d'essence divine qui est en eux. Julien lui-même était un de ces mortels. Pontife du grand culte hellénique, dont il voulait faire le culte national, il croyait avoir, par faveur particulière, les révélations de l'être un, auteur de sa fortune et son soutien. Diane ne lui avait-elle pas annoncé l'Empire dans la crypte du temple de l'Ionie ? n'avait-il pas su de Jupiter la mort de Constance ? Ce dieu ne l'avait-il pas conseillé, consolé, soutenu, conduit où il était, au premier trône du monde, pour faire régner ses sages lois ? Libanius ne lui écrivait-il pas que seul il pouvait voir, entendre le grand Être ? Julien se croyait donc aussi partie du grand tout ; il était le parent, l'assesseur du soleil-roi. Il l'adorait sous les noms de Jupiter, d'Apollon, de Sérapis ou de Mithra, noms différents des attributs variés d'un seul et même être. Il voulait se rendre semblable à lui, digne de lui, propager son culte et faire régner parmi les hommes ses sages volontés, entrevues par les poètes et les sages, Orphée, Pindare, Homère et Platon  : Astre divin, s'écriait-il dans la prière enthousiaste qu'il lui adressait souvent  : astre divin, sois-moi propice, dispense-moi la vertu, l'intelligence, la sagesse et une douce fin, quand l'heure fatale sera venue ! Puissé-je alors faire retour dans ton sein pour y demeurer dans un éternel repos ; ou, si cette récompense est trop grande, accorde-moi au moins d'accomplir autour de ton orbite de longues et nombreuses révolutions[13].

On comprend qu'un empereur qui avait ainsi conçu, médité, écrit son système religieux, ne pouvait être un grand pontife ordinaire. Parent, assesseur du soleil, &men Ose , ayant des intelligences particulières avec la divinité, il devait faire servir le pouvoir, qu'il croyait avoir conquis avec l'aide des dieux, à la restauration de leur culte. Dès les premiers mois qui suivirent son entrée à Constantinople, Julien promulgua un édit pour la réouverture des temples et la célébration officielle du culte des dieux ; et il donna l'exemple lui-même, non pas seulement comme le protecteur de la religion païenne, mais comme le premier et le plus fervent de ses pontifes. Un temple s'éleva dans son palais ; et ses jardins furent consacrés. A son exemple, les gouverneurs des provinces on les pontifes, choisis presque tous parmi les rhéteurs ou les théosophes accrédités du polythéisme, commencèrent à réparer ou à rebâtir les temples, à célébrer les anciens sacrifices, les processions, fêtes et mystères, qui avaient été récemment proscrits. Julien ne fut pas seulement, comme Constantin, le pontife du dehors, mais encore le pontife du dedans. Il enseigna, commenta en paroles et en écrits les dogmes de son culte. Il discuta avec ses adversaires, quelquefois longuement, comme dans sa Défense du paganisme, conservée par Cyrille, parfois un peu sommairement, comme lorsque après avoir lu l'ouvrage de Diodore de Tarse, en faveur du christianisme, il dit, en imitant le laconisme césarien  : J'ai lu, j'ai compris, j'ai condamné. On le vit descendre même jusqu'aux fonctions les plus basses des desservants de son culte. Revêtu de brillants habits pontificaux, il apporta souvent le bois pour les sacrifices, souffla le feu, plongea ses mains dans le sang des victimes, sous les railleries mêmes des païens, qui trouvaient ce zèle peu impérial. Il se mêla, dans certaines cérémonies bien dangereuses, aux danses échevelées des jeunes gens et des jeunes filles, au risque de s'exposer aux traits d'une malignité qui ne fit cependant soupçonner jamais sérieusement la chasteté de son veuvage comme celle de sa jeunesse  : La chasteté, disait-il, est pour l'homme en vue le vernis avec lequel le peintre fait ressortir les traits du visage sur la toile ; et ce fut un vernis qu'il conserva toujours[14].

Le nouveau grand pontife prétendit en effet garder dans le paganisme la pureté morale qu'il avait puisée dans le stoïcisme, et animer ce culte éteint de l'inspira-ration supérieure, qui était un besoin du temps. Ce n'est point la pierre, le bois, le bronze que nous adorons, dit-il, dans le fragment d'un de ses écrits, mais la représentation des vertus divines. En vertu des mêmes idées, dont il n'est pas difficile de démêler l'origine, le sacerdoce païen lui paraissait devoir inspirer et mériter le même respect, en dépit des imperfections personnelles de ses prêtres. Le prêtre, pour lui, représentait la religion. Il prétendit donc soumettre le sacerdoce païen à des devoirs, à une hiérarchie, à une discipline qui rappellent singulièrement l'organisation ecclésiastique du christianisme. Il voulait que le prêtre enseignât le sens des mythes dans le temple. Il soumit les hiérarques des villes à ceux des provinces ; il apporta un grand soin dans le choix des prêtres, qu'il voulait rendre instruits et vertueux. Pour les moraliser, l'imitation des prêtres galiléens, l'éloignement des cirques, des tavernes, des mauvaises compagnies, la simplicité des vêtements privés, le luxe dans les ornements du culte, la lecture, pour leur édification personnelle, de Platon, de Zénon, le rejet des livres d'Épicure ou de Pyrrhon, surtout des poésies futiles ou licencieuses, leur furent vivement recommandés. Julien voulut leur imposer même des prières à heures fixes, enfin, la pitié, l'hospitalité, la bienfaisance, la charité  : C'est une honte, dit-il, que les Galiléens, ces impies, non contents de nourrir leurs pauvres, nourrissent encore les nôtres pour les gagner à leur foi[15].

En tentant cette restauration impossible, Julien eut la volonté d'être tolérant pour les autres cultes, et particulièrement pour le christianisme et le judaïsme.

Dans l'édit qui ordonnait le rétablissement solennel du paganisme, il proclama la liberté des chrétiens et des Juifs. Le grand pontife ne fut cependant point impartial  : il prodigua les trésors de l'Empire pour la réédification des temples ; il poussa en général aux emplois, aux charges, les païens ou les chrétiens qui apostasiaient. Les adorateurs des dieux, dit Libanius, lui étaient plus chers que des parents ; l'ami de Jupiter était son ami. S'il ne faisait pas acception de culte dans la justice, il s'informait cependant d'une façon inquisitoriale de la religion des parties. La ville de Pessinunte s'étant adressée à lui dans le besoin, il l'exhorta à revenir au culte de la mère des dieux. Deux villes étaient-elles en contestation, si les raisons qu'elles faisaient valoir étaient équivalentes, il penchait pour la ville de son culte, exemple que, du reste, Constantin lui avait donné  : Par Sérapis, disait-il, je ne veux ni qu'on maltraite les Galiléens, ni qu'on les force, par de mauvais traitements, à faire quelque chose qui soit contraire à leur façon de penser ; mais je veux absolument qu'on leur préfère les adorateurs des dieux. Peu s'en faut que la folie des Galiléens n'ait tout perdu ; la bonté des dieux nous a sauvés. Il est donc juste d'honorer les immortels et de distinguer les personnes et les villes qui les honorent[16].

En vertu de ce principe, Julien ordonna la restitution, au culte païen et à ses pontifes, des domaines et des revenus qui leur avaient été enlevés, et exigea que ceux qui s'étaient signalés dans la destruction des temples contribuassent à leur reconstruction. Il retira même è l'Église chrétienne, comme autant de moyens d'influence, les fonctions judiciaires que Constance lui avait reconnues, et la faculté de recevoir des legs au lit des mourants. Il fallait bien que les tombeaux, ainsi qu'il s'exprimait en parlant des églises, cédassent la place aux temples.

Sans se faire scrupule d'user contre les chrétiens de ces moyens extérieurs, Julien affectait de ne vouloir employer dans cette lutte que la force de la discussion. Combien cependant des paroles, tombées de la bouche de l'empereur, pouvaient avoir de puissance, dans un temps et sur des sujets accoutumés à la servilité ! Julien était bien redoutable lorsque, ne pouvant s'élever jusqu'au Dieu qui embrasse l'humanité tout entière dans son amour, il demandait au christianisme ses origines nationales, et désirait savoir des Alexandrins quelle protection, quel bienfait ils avaient reçu de Jésus. L'ironie qui était dans ses habitudes, et qu'il employait contre ses adversaires, rendait d'ailleurs la lutte bien inégale. On le voyait rappeler les évêques orthodoxes qui avaient été exilés sous le gouvernement arien de Constance, et donner toute facilité aux prélats de se réunir en synode ; mais c'était pour mettre en présence les ariens et les trinitaires. Il présidait à leurs discussions ; mais c'était pour prendre acte de leurs contradictions et pour les railler : Écoutez-moi, leur disait-il quelquefois, en les interrompant, les Francs et les Alamans m'ont bien écouté. Ce qu'il ne pouvait souffrir surtout, c'était que Jésus, un Juif, comme il disait, infidèle à la loi de son pays, prétendit bannir de l'Olympe tous les dieux. Il avait moins d'aigreur contre les Juifs qui avaient, du moins à ses yeux, le mérite d'avoir un dieu national susceptible d'entrer avec les autres dans le Panthéon. Encore se lassait-il parfois de leur entêtement  : J'ai trouvé, disait-il, en eux des hommes plus brutes que les Quades et les Sarmates[17].

Le pontife sectaire acheva enfin de rendre la lutte inégale entre les deux religions, en signant, de la même main qui écrivait ses ironiques invectives contre les chrétiens et les Juifs, la défense aux chrétiens d'expliquer et de commenter publiquement les chefs-d'œuvre de la poésie et de la prose profanes  : Accordez vos pensées avec vos paroles, leur dit-il, dans son édit déclamatoire ; ou, pensez comme les païens que vous admirez ; ou, retournez, si vous les croyez dans l'erreur, à Luc et à Mathieu. Un païen sincère et honnête, Ammien Marcellin, voudrait ensevelir cette action dans un éternel oubli. Elle fut bien sensible aux chrétiens  : Nous vous avions laissé, s'écria Grégoire de Nazianze en s'adressant aux païens, les richesses, la naissance, la gloire, l'autorité, tous les biens d'ici-bas, dont le charme s'évanouit comme un songe, et vous voulez nous ravir encore l'éloquence ; c'est pour la conquérir que nous avions traversé les monts et les mers. L'empereur, honteux, voulut faire une exception en faveur du grand Proheresius, qui avait été son maitre. Celui-ci refusa le privilège, et, en descendant noblement de sa chaire, donna cette dernière leçon à son disciple couronné[18].

Il était difficile, à l'époque où vivait Julien, d'allier l'impartialité avec la tolérance, en matière religieuse. L'empereur avait commis une grande imprudence politique en ordonnant au clergé chrétien la restitution des domaines et des revenus enlevés autrefois au sacerdoce païen. N'était-ce point là fournir un prétexte au zèle des gouverneurs, toujours prêts à dépasser les intentions du maître, et provoquer les résistances des chrétiens ? Le retour de la faveur impériale aux païens, après deux règnes chrétiens, et la réouverture de temples abandonnés n'étaient-ils pas déjà de nature à ranimer toute l'ardeur des passions religieuses ? Les païens, qui avaient connu aussi la persécution, étaient prêts à abuser de leur victoire et à essayer à leur tour de la tyrannie. Les chrétiens ne pouvaient contribuer de sang-froid à relever les autels qu'ils avaient cru renversés pour toujours, et voir encenser ces dieux qui leur rappelaient les temps de la persécution. La situation était grosse de troubles. Un gouverneur appliqua à la torture Marc d'Aréthuse, en Syrie, qui se refusa à restituer des domaines déjà aliénés, et ne voulait point payer de dédommagements. Dans une ville de Phrygie, les chrétiens se glissèrent dans le temple nouvellement rouvert, et renversèrent les statues des dieux[19].

Julien, déjà effrayé, ne crut pouvoir réussir qu'en obtenant des dieux protecteurs de l'Empire romain, des conquêtes, une gloire qui établissent leur toute-puissance et convainquissent d'imposture tous les autres dieux. La défense des frontières du Rhin ou du Danube pouvait encore illustrer son courage. Mais la guerre de Perse avait de bien autres attraits et promettait de plus belles récompenses. C'était de l'Orient que les dieux étaient venus à la Grèce. Là s'étaient formés tous les mythes. C'était en Orient que Bacchus, Hercule, et peut-être Alexandre, étaient devenus des dieux. Julien rêva à son tour une grande guerre, comme une guerre sainte en Orient. Il fit des préparatifs considérables et y consacra les résultats de ses épargnes. Il ordonna de nombreux et immenses sacrifices, pour se rendre les divinités propices, et multiplia les cérémonies augurales pour forcer en quelque sorte l'assentiment divin. En vue de cette sainte guerre, il employa tous les moyens possibles pour obtenir de ses soldats la participation aux sacrifices païens. Les présents, l'or, leur étaient offerts pour quelques grains d'encens.

Dans le dernier voyage qu'il fit à travers l'Empire, en achevant ses préparatifs pour se mettre à la tête des légions, Julien put être témoin de la fermentation produite par sa malencontreuse entreprise. En voyant Maris, l'évêque aveugle de Chalcédoine  : Vieillard, lui dit-il, le Galiléen ne te rendra pas la vue. — Je le remercie, répondit l'évêque, de m'épargner la douleur de voir un apostat. A Césarée, le temple de la Fortune, le seul encore debout, fut renversé presque sous ses yeux. Julien fut obligé de sévir. Dans la molle et turbulente ville d'Antioche surtout, éclata l'incompatibilité du souverain et de son temps. Julien se promettait un bonheur particulier de son séjour dans cette ville ; il allait y voir, y entendre le roi des écoles, Libanius, qui avait refusé de venir à Constantinople. Il allait rouvrir la fontaine de Castalie, relever dans le bois sacré de Daphné le dieu Adonis, au service duquel il avait une mythique explication destinée à moraliser même ce culte tout voué à la passion. Libanius se fit prier pour parler devant cet élève, qui avait bravé toutes les défenses, dans sa jeunesse, pour se procurer ses leçons. Comme beaucoup d'autres beaux esprits païens, dédaigneux des intérêts de la conscience du vulgaire, Libanius se contentait d'une sorte de religion littéraire, philosophique, et trouvait Julien beaucoup trop superstitieux : Cultus numinum superstitiosus. La première fois que l'empereur entra dans un temple, les habitants s'y précipitèrent, mais pour le voir, pour être vus ; et ils l'acclamèrent comme dans un théâtre. Julien fut obligé de rappeler en personne ses sujets an respect du saint lieu. Les habitants le trouvèrent bien austère ; d'ailleurs, la simplicité de son train d'empereur les choqua. Lorsque, l'imagination pleine de victimes, de parfums et de beaux enfants à l'âme pure comme leur robe blanche, le pontife entra dans Daphné, il trouva le temple en ruines, le bois désert ; un prêtre délaissé se présenta avec une oie étique pour toute offrande. En chemin, il heurta contre le tombeau de saint Babylas, enterré là par les chrétiens, comme pour purifier ce bois païen. Mécontent, Julien ordonna aux chrétiens de transporter ailleurs les reliques de leur martyr. Toute la communauté chrétienne, en longue procession, opéra le transfèrement, en chantant, comme pour braver Julien, le cantique contre les adorateurs des idoles. Une disette causée sur le marché par quelques accapareurs, propagea le mécontentement dans toute la population. Julien crut la faire cesser par l'établissement d'un minimum ; il l'augmenta. Les bons mots, les chansons, les satires contre l'homme à la longue barbe, contre le cynique, contre le hiérophante, retentirent de tous côtés. L'empereur fit acheter du blé à tout prix pour ramener l'abondance ; l'écrivain rendit aux Antiochiens satire pour satire dans le Misopogon, où il opposa son extérieur négligé, ses mœurs sévères, an luxe, à l'incontinence de ses détracteurs. Il mit les rieurs de son côté. Mais le feu éclata dans le temple d'Adonis, à peine réparé. On ferma une église, on arrêta un certain nombre de chrétiens ; l'un d'eux fut mis à la torture. Julien enfin partit, en menaçant Antioche de faire passer tous ses privilèges à Tarse ; et il lui laissa pour adieu un mauvais gouverneur[20].

On surprend aisément, dans les derniers actes, écrits, édits ou lettres de Julien, la lutte qu'il soutient contre lui-même. Le dépit éclate en actions contradictoires, en traits de satire et en reproches. Après avoir rappelé les exilés orthodoxes, Julien prétend qu'il n'a pas entendu par là les rétablir sur leurs sièges. Athanase avait profité de l'édit pour reprendre la direction d'Alexandrie ; il s'était permis de convertir de nobles et riches dames. Julien le renvoie comme un artisan de troubles qui croit se donner beaucoup d'importance en risquant sa tête. Les païens d'Alexandrie, dans une émeute, massacrent l'évêque intrus, George de Cappadoce, qui avait, il est vrai, par ses excès, accumulé sur lui bien des haines. Une lettre de l'empereur les blâme, mais ne les punit point. Les chrétiens sont éloignés de l'armée ou des tribunaux, sous prétexte que leur loi leur interdit de verser le sang. L'Église d'Édesse, persécutrice des ariens, est privée de ses biens, parce que le royaume des cieux est assuré aux pauvres. Pour démentir les prédictions du Christ, Julien veut rebâtir le temple de Jérusalem ; un feu souterrain effraye les ouvriers ; l'empereur menace de venir bientôt avec Maxime, son hiérophante, chasser les dieux inférieurs. Ses écrits contre le christianisme deviennent plus aigres ; parfois, cependant, l'accent en est douloureux  : Galiléens ingrats ! dit-il, n'avez-vous pas quelques grâces à me rendre, à moi qui ai brisé les fers de ceux qu'avait emprisonnés Constance ; à moi qui ai fait cesser la persécution ? Sans doute, vous avez quelques sentiments de piété ; car vous adorez le Dieu tout-puissant et souverainement bon qui gouverne le monde sensible, ce Dieu suprême que les païens invoquent sous d'autres noms ; mais croyez-vous donc aussi que nous adorons ces idoles de bois et de pierre, et que, sous leur enveloppe, nous ne remontions pas à la cause suprême et unique de toute création. Ah ! c'est la tiédeur du sacerdoce païen qui perd tout ; pourquoi ses prêtres n'imitent-ils pas la ferveur des prêtres chrétiens, qui sont tout de feu pour leur doctrine, et qui, pour elle, n'hésitent pas à affronter la mort ?[21]

Ce fut dans ces dispositions que Julien se mit à la tête de l'expédition destinée à agir contre la Perse.

Il y avait, à ce sujet, une contradiction entre l'inspiration religieuse toute grecque de Julien et la tradition romaine. Les oracles romains, les livres sibyllins, condamnaient ces expéditions au delà du Tigre, qui avaient toujours été si funestes à l'Empire et aux empereurs. Julien, au contraire, tout plein des traditions et des superstitions de l'Orient, à force de sacrifices, croyait, selon les opinions magiques du temps, pouvoir violenter les dieux. Les païens eux-mêmes disaient que s'il revenait jamais de Perse la race bovine disparaîtrait. En partant, il chargea le sophiste Libanius d'écrire ses exploits, et il lui écrivit presque à chaque étape. Tout aux soins militaires, aux sacrifices divins et à la curiosité des lieux célèbres qu'il visitait, Julien arriva sous les murs de Ctésiphon et se dirigea sur Suze. L'ennemi fuyait. A la suite d'une marche pénible, les vivres commençant à manquer, il crut voir le génie de l'Empire s'échapper, la figure et la corne d'abondance voilées, hors de sa tente. Le lendemain, les Perses parurent. Sans se donner le temps de s'armer, l'empereur se précipite en avant ; il donne l'exemple ; les Perses s'enfuient ; mais un javelot lancé par un cavalier l'atteint en plein dans le flanc. On le ramène dans sa tente. Là, il s'entretint longtemps avec Maxime et Priscus des idées qui lui étaient chères, sur la transmigration des âmes et le retour de l'individu dans l'éternel Tout. Quand il s'affaiblit  : La nature, dit-il, demande son tribut ; solvable débiteur, je l'acquitte avec joie. Les philosophes m'ont appris combien l'âme est d'une substance supérieure à celle du corps. Je sais que les immortels rappellent souvent de bonne heure auprès d'eux ceux pour qui ils ont une particulière tendresse. J'espère avoir conservé sans tache la puissance que j'ai reçue du ciel et qui en émane. Je remercie l'éternel Dieu de m'envoyer la mort, non par la main d'un traître, d'un bourreau ou d'une maladie, mais sous la forme d'un glorieux congé, après une carrière courte mais bien remplie. C'est être lâche que d'aller au-devant de la mort avant le temps, ou de la redouter quand l'heure est venue. Sur les lieux mêmes où Trajan était mort, c'était finir du moins avec des paroles dignes de Marc-Aurèle[22].

Dans la charmante satire où il apprécie les Césars avec finesse, mais non sans malice, Julien nous a donné la mesure de la justice et de la sévérité qu'il faut lui appliquer. Les dieux sont constitués en tribunal, dans cet écrit, pour accorder la palme divine au plus digne des souverains. Mercure introduit les prétendants ; et Silène, bouffon accusateur de la céleste compagnie, les repousse l'un après l'autre avec ses railleries. Le grand César parait le premier. Prends garde à ta couronne, Jupiter, dit Silène ; il serait capable de s'en emparer. Viennent après lui Auguste le Caméléon ; Tibère, beau, sévère par devant, la lèpre sur le dos ; Caligula le maniaque ; Claude aux abois, sans Pallas ; Néron, le singe d'Apollon. Trajan, trop ami du falerne ; Antonin, trop ami de Vénus, et Marc-Aurèle, trop facile époux, ne sont pas épargnés. Silène laisse à la porte Constantin comme un impie, un ennemi des dieux, qui a cru faire disparaître avec quelques ablutions les crimes de sa vie et les taches de son, corps. Enfin, pour prononcer en connaissance de cause, Jupiter demande aux trois plus redoutables concurrents, César, Alexandre, Marc-Aurèle, le but qu'ils se sont proposé pendant leur vie. Vaincre tout le monde, répond Alexandre. — Être le premier, repart César. —Imiter les dieux, dit Marc-Aurèle. — Et qu'est-ce qu'imiter les dieux ? demande Silène. — S'abstenir soi-même, travailler pour les autres, avoir le moins de besoins pour soi, faire le plus grand bien possible aux hommes. La palme lui est accordée, jugement digne des dieux comme de l'élève de l'empereur philosophe. S'il était permis d'ajouter quelques lignes à la satire des Césars, en introduisant Julien à son tour dans l'Olympe, que trouverait peut-être Silène à lui dire ? Julien, réparateur Maladroit de l'Olympe, césar fanatique du passé, ta as voulu rebâtir le vieil édifice divin, il a craqué ; ta as prétendu convertir les dieux ; ils ont fui, s'en sont allés. Marc-Aurèle ne te remercie point d'avoir voulu l'introduire dans cette compagnie ; tu t'es cru son élève, à tort ; de ton temps, il et été chrétien meilleur que Constantin ; de son temps, tu aurais été persécuteur pire que Galérius. Constantin te sait gré de l'avoir laissé à cette porte ; tu l'as blâmé ; il avait l'esprit moins élevé, l'âme moins douce que toi ; il a mieux jugé, mieux vu. Passable philosophe si tti n'ais été superstitieux, excellent empereur. Si tu n'eus été sectaire, intrépide guerrier, citoyen recommandable, spirituel écrivain, mais qui ne sut jamais retenir sa langue, viens donc, puisque tu l'as voulu, dernier venu de l'apothéose, viens, dans cet Olympe désert, partager avec moi les reliefs de l'encens qui monte et de l'ambroisie qui reste. Je t'en préviens, plus maigre tous les jours est la pitance. Que si tu te prends à regretter, par delà ce visible soleil que tu as adoré, cet invisible Dieu que tu as pressenti, hé bien I essaye de quelqu'une de ces incantations que t'a apprises Maxime, ton maitre ; et si, par hasard, tu arrives à la porte de cet Olympe nouveau où règne le Galiléen miséricordieux que tu as bafoué, frappe, tente l'aventure. Je ne te réponds point cependant que Constantin, pour te faire franchir le seuil, avec le sourire du pardon, t'attire par ta barbe ; ni que le grand Marc-Aurèle, ton maitre, te dérobe et te couvre sous son manteau.

 

 

 



[1] Liban., t. I, p. 405, 408, 459 ; III, 437. — Greg. Naz., Orat., III, f. 58.

[2] Nous avons consulté, outre les sources, les derniers travaux faits sur Julien  : la thèse de M. A. Desjardins ; Strauss, der Romantiker auf dem Throne der Cæsaren., 1847 ; Schulze, de Philosophia et moribus Juliani Apostat., 1839 ; C. Sœmisch, Julian der abtrunnige, ein charakterbild, 1862. Nous avons relu les quelques pages si pleines de M. Villemain, Eloq. chrét. au IVe siècle.

[3] Liban., l. c., p. 876. — Eunap., Vie de Max., éd. Boissonade, t. I, p. 49 sqq.

[4] Jul., Or., 5, 7, et fragm. — Lib., Or., 10, 12. — Greg. Naz., Or., 8, 5. — Basil., Ep., 207, 208.

[5] Ammien Marc., XXV. — Lib., 22. — Jul., Misop., p. 338. — Greg. Naz., Or., 5, 53.

[6] Ammien M., XVI, XVII. — Lib., Or., 3, 10, 12. Socr., 3. — Jul., ad Athen.

[7] Ammien M., XIX, XX. — Jul., Or., 8, ep. ad Ath., ep. ad Her. — Lib., Or., 10, 12. — Eunape, V.

[8] Jul., Orat. 2, p. 86 sqq.— Ad Them., p. 200, 253.

[9] Liban., Epitaph. Jul., I, p. 565. — Amm. Marc., 88, 4. — Eus., Hist. eccl., 3, 1.

[10] Lib., Pan. in Jul. Cons., p. 376. — Epit., p. 546, 586. — Misop., p. 339.

[11] Ammien Marc., XXII, 7, 8, 10 ; XXV, 4, 18.

[12] Amm. Marc., XXII, 12, 12 ; XXV, 4, 18. — Jul. Or., p. 244. — Ad Thém., p. 253.

[13] Julien, 4 in sol, p. 181, 188, 148, 159. — Cyrill., C. Jul., 4, p. 115, 131, 141. — Amm. Marc., 21, 1, 6 ; 21, 1. — Lib., Pan., 379 ; πρεσβ. πρός Ίουλ, I, p. 460.

[14] Amm. Marc., XXII, 15 ; XXV, 4, 17. — Lib., Pan. in Jul. Const., I, p. 394.

[15] Jul., Ep. 49, p. 481, 63, p. 458. Fragm., p. 800, 802.

[16] Lib., Epit., t. I, p. 884. — Jul., Epit., 49, p. 431. — Sozom., Hist. eccl., V, 3, 4.

[17] Lib., Epit., t. I, p. 565. — Sozom., Hist. eccl., V, 10. — Cyr., ch. Jul., VII. — Jul., Epit., 31, 52.

[18] Jul., Epit., 42, p. 422. — Socr., Hist. eccl., III, 12, 16. — Sozom., Hist. eccl., V, 18. — Amm. Marc., XXII, 10, 7 ; XXVI, 4, 21. — Grég. Naz., Or., 4, 5.

[19] Ammien Marc., XXII, 11. — Sozomène, V, 4.

[20] Amm. Marc., XXII, 10, 13 ; XXIII, 3. — Jul., Misop. — Sozom., V, 20.

[21] Socr., Hist. eccl., III, 13-15. — Julien, Misop. — Am. Marc., XXIII, 1.

[22] Ammien Marc., XXV, 4. — Julien, Dern. lettres à Libanius.