LES GUERRES DACIQUES DE L’EMPEREUR TRAJAN

 

par A.-D. Xénopol

 

 

Quoique le règne de Trajan ait été l’objet de nombreux et importants travaux, nous pensons que le dernier mot sur les expéditions de Trajan dans la Dacie n’est pas encore dit. Nous nous sommes appliqué dans cette étude à tracer un tableau des luttes acharnées auxquelles donna lieu la soumission de la Dacie, en suivant et complétant l’une après l’autre les deux seules sources que l’antiquité nous ait transmises sur elles, les bas-reliefs de la colonne Trajane et le récit de Xiphilin, d’après l’ouvrage de l’historien Dion. Nous avons cherché surtout à déterminer, d’une manière précise, l’itinéraire suivi par Trajan dans ces expéditions, chose qui n’a pas été faite d’une manière satisfaisante, dans aucun des écrits consultés par nous. Nous avons en outre tâché d’identifier quelques noms de l’ancienne topographie de la province avec des noms usités aujourd’hui. L’une des preuves les plus concluantes que l’on croit pouvoir invoquer pour prouver que les Roumains n’ont point habité la Dacie durant le moyen âge, est l’absence de termes géographiques d’origine ancienne dans la toponymie actuelle des pays occupés par ce peuple. Notre travail contribuera, entre autres résultats, à augmenter le nombre des noms géographiques laissés par les anciens dans la bouche du peuple roumain, et à établir d’une manière précise l’identité topographique des termes antérieurement connus.

— I —

Le motif qui poussa Trajan à entreprendre ses guerres contre le peuple dace ne fut point le désir de faire de nouvelles conquêtes. Il voulait seulement soustraire l’empire romain au tribut honteux qui lui avait été imposé par Décébale et écarter le péril que rendaient tous les jours plus menaçant pour les Romains la consolidation et les progrès de l’État dace[1]. On ne saurait admettre que Trajan eût, dans sa première expédition contre les Daces, l’intention de faire une conquête, car on le voit accorder la paix au roi barbare, aussitôt que celui-ci vint la demander, et il retourne à Rome sans avoir ajouté à l’empire romain le moindre territoire. Trajan, empereur sage et éclairé, devait reconnaître que les limites de l’empire étaient déjà trop étendues, et qu’il était souverainement imprudent de vouloir encore les élargir. Le Danube était en Orient, tout comme le Rhin en Occident, une frontière facile à défendre, et il était impolitique de vouloir dépasser ces fleuves, de planter les aigles romaines au cœur du monde barbare. Les Romains avaient déjà vainement essayé d’introduire leur domination au delà du Rhin, et il était à craindre que la même chose n’arrivât de l’autre côté du Danube. Trajan avait donc seulement pour but, dans sa première expédition contre les Daces, d’abaisser l’orgueil de Décébale, de le soumettre, lui aussi, à la loi générale qui régissait alors le monde politique : le peuple romain comme maître, des autres comme sujets[2]. Dans la seconde expédition, le but de Trajan changea tout à fait ; il partit de Rome avec l’intention arrêtée de réduire la Dacie en province romaine. Il voulait en effet se venger et punir la mauvaise foi du roi dace[3]. C’est ainsi que la passion fit commettre à Trajan, malgré sa vaste intelligence, la faute grave de dépasser les limites naturelles du monde romain. La preuve la plus évidente que c’était une faute politique, c’est l’abandon de la Dacie, après 464 ans à peine de domination romaine. Ajoutons que cette province avancée fut l’amorce la plus attrayante qui appela les barbares sur l’empire romain.

Si pourtant l’empire romain lui-même ressentit bientôt les conséquences de cette faute, il n’en est pas moins vrai que ce sont les Roumains d’aujourd’hui, ces malheureux rejetons de l’ancien peuple romain, qui en souffrent cruellement. Séparés du grand tronc de la race latine, qui est concentrée dans l’Europe occidentale, les Roumains mènent dans l’Orient européen une existence des plus exposées, une île dans une mer de Slaves. Privés de toute alliance, où le cœur resserre les liens établis par la raison, ils sont continuellement menacés par leurs voisins, qui jettent sur les beaux pays qui leur sont échus en partage, un œil plein de convoitise. Ils mènent du jour au lendemain une vie pleine de dangers, dont l’avenir est couvert de nuages menaçants. Si les Roumains doivent leur naissance au grand empereur, c’est à lui aussi qu’ils doivent toutes les souffrances qu’ils ont endurées jusqu’à présent, et que lui réservent encore les temps à venir.

— II —

Avant de quitter Rome, Trajan fit pratiquer une route dans les rochers qui longent la rive gauche du Danube, à partir des Portes de Fer, en remontant le fleuve jusqu’à une distance d’à peu près 100 kilomètres, par où s’étend la partie escarpée de cette rive. Cette route est peu large, plutôt un sentier, et servait probablement à remorquer les bateaux chargés de provisions que Trajan faisait transporter de la Mésie sur le Danube, à l’endroit des opérations. Après la conquête de la Mésie et de la Pannonie, les Romains avaient organisé deux flottilles sur le Danube, classis pannonica et classis mœsica, lesquelles servaient surtout à défendre le passage du Danube ; il est pourtant hors de doute qu’à côté de ces flottilles de guerre, il devait y avoir aussi des bateaux de transport. Voilà pourquoi nous voyons sur la colonne Trajane des bateaux chargés de blé et de tonneaux contenant des liquides, du vin, de l’huile, amarrés près de l’endroit où les Romains construisirent le pont pour le passage de leurs troupes[4].

Le cours du Danube à partir de Columbatsch, en Serbie, jusqu’à Orsova, au sortir des Portes de Fer, est resserré entre deux parois de montagnes abruptes, qui sortent directement de l’eau, pour monter à une hauteur verticale qui arrive parfois jusqu’à 500 mètres. La partie la plus étroite est le défilé de Cazane, où les vagues formidables du fleuve semblent disparaître au fond d’une fissure de 4150 mètres de largeur, encaissée entre deux rochers gigantesques. C’est à cet endroit précisément, où le Danube dispute son lit aux montagnes qui l’entourent, que l’on voit encore l’inscription gravée par Trajan, en l’année 100 après J.-C., où il dit qu’il avait ouvert une route en perçant les rochers[5].

Par le sentier indiqué, le seul qui rendît possible de remonter le courant du Danube, Trajan fit transporter de la Mésie des quantités considérables de provisions, qu’il fit débarquer à Viminacium — aujourd’hui Costolatz en Serbie — où il établit la base de ses opérations. Cet endroit était d’autant plus approprié à cette destination qu’il était entouré de tours et de fortifications élevées, depuis plus longtemps, dans le but de défendre la frontière[6].

A cette première guerre contre les Daces, prirent part les légions qui stationnaient dans la Mésie et la Pannonie, et qui étaient habituées à lutter contre ce peuple. On ne saurait déterminer avec précision le nombre des troupes employées par Trajan. D’après des calculs assez probables, l’armée des Romains se montait à 60.000 hommes, y compris Ies corps auxiliaires, la cavalerie germanique et celle de la Maurétanie[7]. Les généraux les plus en renom qui entouraient Trajan étaient Licinius Sura, son ami personnel, qui avait beaucoup contribué à faire adopter Trajan par le vieux Nerva, Claudius Livianus, le chef des cohortes prétoriennes, le commandant de la cavalerie maurétane, Lucius Quietus ; enfin, un certain Laberius Maximus, qui fut plus tard consul à Rome.

Trajan partit pour le Danube au printemps de l’année 101 après J.-C. ; en effet, le panégyrique de Pline le Jeune, lu au Sénat pendant son premier consulat, au mois de septembre de l’année 100, fart seulement des allusions aux projets formés par l’empereur contre les Daces, sans indiquer nulle part que la guerre fût déjà commencée[8]. D’autre part, au commencement de l’année 101, Trajan se trouvait encore à Rome où il prit le consulat pour la quatrième fois. Les actes des frères Arvales indiquent même le jour du 25 mars 101 comme celui des sacrifices offerts pour l’heureux voyage de l’empereur, dont le départ doit avoir eu lieu peu de temps après[9].

Quelle fut la route suivie par Trajan pour pénétrer dans la Dacie ? Il a dû certainement suivre une route déjà tracée, qui conduisait, ab antiquo, des bords du Danube dans l’intérieur du pays et notamment vers la capitale. Il n’allait pas ouvrir une nouvelle voie, errer par monts et par vaux, et ajouter ainsi les difficultés d’un chemin inconnu à celles de la guerre. Il est donc positif que Trajan a dû prendre Dune des voies qui conduisaient de la Mésie, par delà le Danube, dans la Dacie ; c’étaient les voies par lesquelles avait lieu-le trafic entre ces deux pays, sur lesquelles s’échelonnaient les villes daces, et qui conduisaient de la manière la plus directe et la plus aisée vers le centre du pays, vers sa capitale.

La table de Peutinger, dressée probablement sous le règne de l’empereur Septime Sévère (193-211 après J.-C.) au temps où la Dacie se trouvait sous la domination romaine, reproduit les anciennes routes qui conduisaient de la Mésie dans l’intérieur de la Dacie. Ces routes étaient au nombre de trois ; la plus occidentale partait de Viminacium, sur la rive droite du Danube, en face de la station dace de Lederata qui se trouvait au nord du fleuve[10] ; la seconde commençait à Saliatis, en fane de la ville dace de Tierna, et la troisième, la plus orientale, faisait traverser le Danube d’Egeta à Drubétis.

La première route, celle qui commence à Viminacium, passe par les stations : Lederata, Arcidava, Centum putea, Bersovia, Azizis, Caput bubali et se termine à Tiviscum. Viminacium, étant à une égale distance de la Pannonie et de la Mésie et étant une ville fortifiée, devait, pour plusieurs raisons, être choisie par Trajan comme base de ses opérations : premièrement à cause de la facilité d’y concentrer ses troupes et d’y amasser ses provisions, ensuite parce que ses fortifications lui donnaient un point d’appui qu’il n’aurait pas trouvé ailleurs ; enfin parce que c’était le point le plus rapproché de l’Italie, par où il pût envahir la Dacie. Enfin la preuve la plus évidente que Trajan dut passer le Danube à Viminacium, c’est qu’il passa par les stations de la table de Peutinger, Bersovia et Azizis, ce qui n’était possible qu’en suivant la route de Lederata à Tiviscum, la seule où l’on rencontre ces stations.

C’est donc à Viminacium, aujourd’hui Costolatz en Serbie, que Trajan fit jeter un pont de bateaux, en profitant d’une île qui se trouvait au milieu du fleuve[11], île que l’on voit encore de nos jours. Après que Trajan eut consulté la volonté des dieux et fait les sacrifices d’usage, il passa le pont à la tête de son armée et le premier mit le pied sur le sol ennemi. Le tableau de la colonne, qui représente ce passage du Danube, montre le dieu du fleuve sous la figure d’un beau vieillard qui sort à moitié d’une grotte, le front ceint d’herbes aquatiques. Quoique les génies des rivières soient en général mécontents d’être enchaînés dans leur liberté par des travaux humains, celui du Danube se montre favorable aux Romains, soutenant de sa main puissante le pont sur lequel passent les légionnaires de Trajan. La figure de ce dieu est peut-être la plus belle de toutes celles que contiennent les bas-reliefs de la colonne Trajane[12].

Aussitôt après, Trajan rassembla autour de lui ses principaux com. mandants et tint un conseil de guerre où il discuta, à ce qu’il parait, les mesures à suivre dans la marche en avant de son armée ; puis il s’avança par la route qui s’étendait devant lui, et qui le conduisait en droite ligne à Tiviscum. Peu de temps après, il reçut un message extraordinaire. Une tribu du peuple dace, les Bures, envoya à Trajan un énorme champignon, sur lequel était écrit en latin un conseil bienveillant qui exhortait l’empereur à ne pas rompre la paix et à s’en retourner dans son pays. Ce conseil contenait évidemment une menace cachée. Pourtant les peuplades daces étaient si effrayées de la renommée de Trajan, que leur messager tomba en syncope en arrivant devant l’empereur[13]. Ces peuples reconnaissaient apparemment qu’auparavant ils n’avaient pas vaincu le peuple romain, mais bien seulement le faible Domitien ; que maintenant ils devaient lutter contre le peuple romain et l’empereur Trajan, qui se distinguait par sa droiture, son énergie et la pureté de ses mœurs[14].

Trajan était un général très circonspect. Nous l’avons vu choisissant une puissante base d’opérations pour ses armées et en même temps un endroit qui pût être facilement ravitaillé. En avançant dans le pays ennemi, il prit les précautions les plus minutieuses pour n’être pas surpris par les Daces dont il connaissait l’esprit rusé. Il couvrait toujours ses derrières, en élevant des fortifications et des camps retranchés tout le long de sa route. Ces travaux portent un caractère de solidité très prononcé ; la plupart sont construits en pierre taillée ; quelques-uns sont même ornementés[15].

Les Daces s’étaient retirés dans l’intérieur du pays, abandonnant les forteresses qui se trouvaient du côté du Danube, comme Lederata, Arcidava, Centum putea. Ils essayèrent pourtant de savoir quelle était la force de l’armée romaine et la direction qu’elle avait prise. Un de leurs espions fut pris un jour par les Romains, et traîné par les cheveux, les mains liées derrière le dos, devant l’empereur[16]. Trajan arriva à Bersovia, puis à la station suivante Aixis[17], l’Azizis de la table de Peutinger. De là, il suivit la vallée du Timèche, d’où, en passant dans la vallée de son affluent, la Bistra, on pouvait arriver sous les murs de la capitale, Sarmsagethusa. La première rencontre avec l’armée dace eut lieu à Tapae, à l’endroit même où le général de Domitien, Julien, avait autrefois vaincu les Daces. La position occupée par ceux-ci était des plus fortes ; défendus de front par le Timèche et adossés à des collines boisées qui s’étendent au nord de ce cours d’eau, les Daces ne pouvaient être enveloppés ; ils opposèrent aux Romains une résistance désespérée, prélude sanglant de la manière dont ce peuple barbare, mais aimant son pays, entendait le défendre. La légende nous montre plus tard l’empereur Trajan déchirant ses vêtements pour panser les blessures de ses soldats. Une tempête survenue pendant l’action mit le désarroi dans les rangs des Daces ; ils considéraient le tonnerre comme une divinité ennemie et malfaisante, qui était venue en aide aux Romains[18].

Tâchons de déterminer maintenant d’après les localités existant aujourd’hui la route suivie jusqu’ici par Trajan. Nous avons vu l’empereur partant de Viminacium pour arriver à Tapae, où il rencontra l’armée dace, et dans ce trajet passa par Bersovia ou Bersobis. Aujourd’hui nous retrouvons Tapae dans le bourg de Tapa ou Tapia, près de la ville de Lougoche, située à la base des collines qui accompagnent la rive du Timèche. Apartir de Tapia, on suit, en remontant, la vallée du Timèche pour passer ensuite dans celle de la Bistra, qui conduit en droite ligne au village de Grédischté ou Varhely, où se trouvent les ruines de Sarmigagethusa[19]. Pour arriver de Costolatz en Serbie à Tapia, il faut passer la rivière qui porte aujourd’hui le nom de Bersava ; c’est l’ancienne Bersovia ; ce nom était porté tant par la station que par la rivière sur les bords de laquelle elle s’élevait. La ville étant détruite, le nom ancien resta attaché seulement à la rivière, qui le porte encore aujourd’hui. La station d’Azizis était sans doute un peu plus au nord sur un autre affluent du Timèche, le Poganiche, qui coule à peu de distance de la Bersovia, c’est pourquoi ces deux stations sont indiquées par Trajan dans ses commentaires comme se suivant immédiatement, tandis que du Danube à la Bersovia la distance, bien plus grande, laissait assez de place pour les stations intermédiaires entre Lederata et Bersovia, Acidava et Centum putea[20].

Ainsi, l’analyse de la route suivie par Trajan jusqu’à son entrée dans les montagnes de la Dacie[21] nous a fait retrouver dans le Banat de Temesvar les restes de deux noms anciens, dont l’identification topographique et la dérivation linguistique ne laissent rien à désirer.

Dans sa marche par la vallée de la Bistra, Trajan prit encore une ville dace, probablement. Tiviscum (au confluent de la Bistra et du Timèche) ; les légionnaires y mirent le feu pendant que les habitants se sauvaient dans la forêt voisine[22]. Décébale, voyant que l’armée romaine se dirigeait vers sa capitale, envoya une députation à Trajan, composée de trois ambassadeurs montés sur des chevaux sans selle, et suivis par une grande foule de gens à pied, tous pris parmi les comati, classe inférieure du peuple dace[23]. Trajan ne se laissa nullement fléchir ; offensé qu’on lui eût envoyé des ambassadeurs de si mince état, il refusa de les entendre, et poursuivit sa marche. Il rencontra un village dont la population était composée seulement de vieillards, de femmes et d’enfants[24] ; les hommes valides étaient enrôlés dans l’armée qui défendait le pays. Les Daces n’avaient donc pas quitté leurs demeures à l’approche de l’armée romaine et il est faux de prétendre que la Dacie ait été abandonnée par sa population originaire lors de la conquête romaine.

Les Romains avaient, à ce qu’il parait, avancé très lentement jusqu’à la moitié de la vallée de la Bistra, où l’hiver les surprit. Un tableau de la colonne Trajane nous montre la cavalerie dace voulant passer une rivière sur la glace ; celle-ci se rompt et les cavaliers tombent dans l’eau[25]. Le chef de la troupe, désespéré du malheur qui lui arrive, ordonne néanmoins à ceux qui avaient passé d’attaquer le camp fortifié des Romains. Les barbares lancent des flèches contre leurs adversaires et frappent le mur avec un bélier[26].

Trajan termina ici sa campagne de l’année 101. Il laissa dans tous les camps fortifiés des garnisons suffisantes et retourna passer l’hiver dans une ville de Pannonie. Au printemps de l’année 402, il partit de nouveau, descendant le Danube avec son armée sur des bateaux[27], jusqu’à l’endroit où se trouvait le pont — Viminacium —. L’empereur, voulant donner à ses troupes l’exemple du travail et de l’activité, maniait lui-même la rame, car, nous dit Pline dans son panégyrique : lorsque Trajan se trouve en mer, il ne se contente pas seulement de regarder les signaux et les manœuvres, mais se met lui-même au gouvernail ; pareil à ses plus robustes compagnons, il coupe les vagues, domine les vents révoltés et remonte à force de rames les plus rapides courants[28]. Il arriva bientôt à l’endroit où il s’était arrêté dans sa précédente campagne et trouva intacts tous les postes qu’il avait laissés dans le pays ennemi. Il rencontra tout d’abord une troupe de cavaliers daces, ou plutôt Sarmates, vêtus de cottes de mailles, que les Romains battirent et mirent en déroute[29]. Pendant ce temps, les auxiliaires germains rencontrèrent un corps plus nombreux de Daces avec lequel ils eurent une lutte plus acharnée, mais ils furent aussi vainqueurs. En présence de cette double défaite, le chef des Daces se suicide ; une tribu dace vient s’incliner devant Trajan, les nobles en tête, suivis d’une foule nombreuse de femmes et d’enfants qui implorent sa clémence. Trajan, qui avait intérêt à provoquer de pareilles défections, afin d’affaiblir la résistance de l’ennemi, reçoit et traite les suppliants avec bienveillance[30].

Plus Trajan avançait vers la capitale, plus les obstacles naturels et artificiels qui obstruaient sa marche se multipliaient ; c’étaient des forêts vierges dans lesquelles les légionnaires étaient forcés de s’ouvrir une route par la hache, des précipices, des torrents et des fossés profonds qu’ils étaient obligés de combler[31], des fortifications élevées à chaque pas et défendues avec une ténacité inouïe. Les attaques des Daces contre les positions romaines deviennent sans cesse plus vives, le sang coule à flots, et chaque pas en avant fait par les Romains est marqué par la tombe d’un légionnaire. Les Daces sacrifiaient leur vie avec une insouciance explicable seulement par leur croyance à l’immortalité. Trajan prit d’assaut une dernière forteresse qui défendait les approches de la capitale, pendant que son général Maxime faisait prisonnière une sœur du roi dace et retrouvait, dans la ville où celle-ci se tenait, les drapeaux perdus par le général de Domitien, Cornélius Fuscus, dans sa lutte contre les Daces[32].

Ces derniers exploits de Trajan déterminèrent Décébale à envoyer à l’empereur une nouvelle ambassade, composée cette fois de personnages distingués, des nobles ou pileati. Aussitôt qu’ils arrivèrent devant Trajan, ils se mirent à genoux, tendant vers lui les mains en signe de désespoir et implorant son pardon[33]. Ils n’en voulurent pas moins imposer des conditions aux vainqueurs ; mais Trajan les repoussa et la guerre recommença avec plus d’acharnement que jamais. La cavalerie maurétane, sous Lucius Quietus, attaqua cette fois les Daces et les mit en fuite[34]. Ils se sauvèrent au fond d’une forêt où ils abattirent des arbres et élevèrent des fortifications improvisées ; les Romains furent forcés de les y prendre d’assaut comme dans une forteresse[35].

Au sortir de la forêt, les Romains se trouvèrent tout d’un coup devant la capitale des Daces, aussi bien située que puissamment fortifiée. Au lieu de s’y renfermer et de supporter un siège, les Daces essayèrent encore une fois le sort des armes. Une lutte meurtrière s’engagea ; les Daces vendirent chèrement leur vie[36], mais la science romaine l’emporta sur la valeur barbare. Les Daces furent de nouveau vaincus et, la capitale risquant de tomber au pouvoir des Romains, Décébale se décida à subir la paix dictée par Trajan. Il vint en personne, accompagné de deux grands dignitaires de sa cour, se jeter aux pieds de l’empereur. Derrière lui, une foule immense se traînait sur les genoux, implorant le pardon du vainqueur[37].

La paix imposée par Trajan et acceptée par le roi dace stipulait que celui-ci eût à rendre toutes les armes, machines et ouvriers qu’il avait reçus des Romains, à renvoyer tous les déserteurs romains qui se trouvaient dans son état, à détruire toutes les forteresses et à abandonner toutes les conquêtes faites en dehors de son propre pays, à reconnaître comme amis et ennemis ceux du peuple romain et à ne plus prendre à son service aucun Romain, civil ou militaire[38].

Trajan, croyant que les Daces exécuteraient de bonne foi ces conditions, et ayant atteint par là le but qu’il s’était proposé en partant de Rome, prit avec lui quelques députés daces pour leur faire confirmer devant le Sénat les stipulations de la paix, laissa une garnison à Sarmisagethusa et retourna triomphant dans sa capitale, où il prit le surnom de Dacicus[39].

— III —

La soumission de Décébale n’était qu’une feinte habile, faite pour détourner le danger imminent dans lequel il se trouvait[40]. A peine l’empereur était-il arrivé à Rome que des courriers venus de Mésie lui apprirent la perfidie de Décébale, que celui-ci ne respectait en rien les conditions de la paix, qu’il recevait de nouveau nombre de déserteurs, qu’il s’efforçait d’attirer les nations voisines dans une ligue contre les Romains, qu’il punissait celles qui refusaient de se conformer à ses vues, enlevant par exemple aux Jazyges une portion de territoire[41]. A ces nouvelles, Trajan fit aussitôt décréter par le Sénat Décébale ennemi du peuple romain et résolut de marcher de nouveau en personne contre le roi dace, décidé pour cette fois à en finir avec les Daces et à réduire leur pays en province romaine.

Dans cette seconde expédition, Trajan ne suivit pas la même route que la première fois, bien que cette route lui fût connue et qu’une bonne partie de la contrée fût encore en son pouvoir. Quel motif peut avoir déterminé Trajan à changer sa base d’opérations ? Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord préciser l’endroit par où Trajan attaqua les Daces dans sa seconde campagne.

Nous rappelons dès l’abord l’observation faite plus haut que Trajan ne pouvait pénétrer en Dacie que par les voies connues et fréquentées de ce temps-là. Par conséquent, si Trajan a changé son plan d’attaque, il a dû le transporter sur une des deux autres routes indiquées par la table de Peutinger. Nous avons vu qu’en dehors de la route par Viminacium, il y en avait une par Saliatis, en face de la station de Tierna, et une autre plus bas, par Egeta-Drubetis. Trajan ne pouvait prendre la route par Saliatis-Tierna, qui conduisait parla. vallée de la rivière Tierna (aujourd’hui Cerna), en passant Ad Mediam (aujourd’hui Mehadia), vers Tiviscum, où aboutissait aussi la route qui partait de Viminacium, car, quoique ce chemin fût le plus court pour arriver à la capitale, il était très étroit, resserré entre deux murailles de rochers à pie, par conséquent à la fois impraticable pour le passage d’une armée et très facile à défendre. D’autre part, il ne correspondait pas aux intentions politiques de Trajan, ainsi que nous le verrons plus tard. Il ne lui restait donc que la route la plus orientale, celle d’Egeta-Drubetis, où Trajan fit aussi construire le célèbre pont en pierre sur le Danube par l’architecte grec Apollodore de Damas.

On a beaucoup discuté sur l’emplacement où ce pont a été construit : Plusieurs écrivains ont prétendu que le pont de Trajan n’avait point été à Turnu-Severin et que les restes de piliers que l’on y voit encore aujourd’hui, quand le Danube est bas, appartiennent au pont, aussi en pierre, construit sur le Danube par Constantin le Grand[42], tandis que celui de Trajan se trouvait beaucoup plus en aval du fleuve, à Celeiu, près de Corobia, à une distance à peu près égale des bouches du Jiu et de l’Olte, où l’on voit aussi des restes de piliers en pierre dans le cours du Danube. Pour soutenir cette opinion, on a invoqué deux arguments : premièrement, que les dimensions du pont indiquées par Dion conviendraient bien mieux à la largeur que le fleuve possède à Celeiu qu’à celle qu’il a à Turnu-Severin ; en second lieu, l’absence d’une voie romaine à Turnu-Severin, qui conduisit dans l’intérieur du pays, ce qui justement se rencontrait dans l’autre endroit, où une voie romaine commence à Celeiu, sur la rive droite de l’Olte et jusqu’en Transylvanie.

Contre le premier argument, nous ferons observer que la prétendue disproportion entre les dimensions du pont données par Dion et la largeur du Danube provient seulement d’une mesure défectueuse. D’après les données les plus récentes, la largeur du Danube à Turnu-Severin est de 4.427 mètres. Dion rapporte que le pont était supporté par vingt piliers espacés l’un de l’autre de 170 pieds, ce qui donne pour la longueur totale du pont 3.570 pieds (170x21 arches comprises entre les rives et les vingt piliers), en mètres : 1.104, chiffre à peu de chose près égal à la largeur du fleuve à cet endroit[43]. Par contre, la dimension donnée par Dion ne convient nullement à la largeur du fleuve à Celeiu, qui est de 4.856 mètres. D’ailleurs, c’est Dion lui-même qui en fait la remarque, si, à l’endroit où le pont de Trajan fut construit, le Danube n’a pas sa plus grande largeur (car il en est d’autres où il est deux ou trois fois aussi large), il y est pourtant plus profond[44], ce qui correspond de point en point à la nature de son lit à Turnu-Severin, où sa largeur plus restreinte est compensée par une plus grande profondeur, à peu près 30 mètres.

L’argument tiré de l’absence d’une voie romaine en face du pont sur la rive dace est tout aussi peu concluant. Les Romains se seraient-ils mis dans le cas, aussitôt après avoir mis le pied sur le sol de la Dacie, d’y construire une chaussée pour avancer dans le pays ? Malgré la rapidité vraiment extraordinaire avec laquelle s’élevaient les constructions romaines, il est évident que le percement d’une route devait durer bien plus longtemps que la construction d’un pont. Si donc les Romains avaient dû attendre que leur chaussée fût prête pour faire marcher leurs troupes, il leur aurait été impossible, ayant terminé le pont en l’année 104, de faire leur expédition en l’année 105. La chaussée est tout à fait indépendante du pont ; elle fut construite plus tard, après que la Dacie eut été réduite en province romaine. On ne saurait absolument rien déduire de sa présence ou de son absence comme prolongement du pont, quant à l’endroit où celui-ci fut construit. Cette circonstance ne saurait jeter la moindre lumière sur la question qui nous occupe.

Il ne faut pas nous étonner si nous ne trouvons aucune mention du pont de Trajan dans les cartes ou les indications de routes laissées par les anciens, comme la table de Peutinger et l’itinéraire d’Antonin[45]. La raison en est que ces cartes routières ne s’occupent que des stations et des distances qui les séparent. Quand les routes rencontrent une rivière, la ligne qui les indique passe tout simplement par-dessus la rivière, sans indiquer si la communication se fait au moyen d’un pont ou autrement.

Parmi les écrivains anciens, Procope seul (VIe siècle) s’exprime clairement sur l’endroit occupé par le pont de Trajan. Il dit que non loin de Zane se trouve un fort dont le nom est Pontes, nom qui lui aurait été donné à cause du pont construit d’après les ordres de Trajan par l’architecte Apollodore de Damas[46]. La station Zane se trouvait près de Turnu-Severin, car Procope, poursuivant après Zane et Pontes l’énumération des forts du Danube, cite après ces deux-là Ad aquas et Dortico, qui sont indiqués aussi par la table de Peutinger à la suite d’Egeta. Nous pensons que Zane est un autre nom donné par Procope à la ville môme d’Egeta. La comparaison faite entre le texte de Procope et les indications de la table de Peutinger vérifiera d’une manière indubitable nos assertions

Procope

 

Table de Peutinger

Lederata

 

Lederata

Zernes

 

Tierna

Zanes

 

Egeta

Pontes

 

Ad aquas

 

Ad aquas

Dorticum[47]

 

Dortico

Il est donc impossible de chercher le pont de Trajan vers les embouchures de l’Olte.

Un autre écrivain byzantin du Xe siècle, l’empereur Constantin Porphyrogenète, quoiqu’il indique d’une manière bien plus vague l’emplacement du pont de Trajan, n’en rapporte pas moins ses données toujours à la région de Turnu-Severin. Il dit qu’il y aurait dans le pays des Turcs (Hongrois) plusieurs choses anciennes et en premier lieu le pont de Trajan (c’est-à-dire ses ruines), à l’extrémité de la Turquie. La ville de Belgrade se trouve à trois journées de distance de ce pont[48]. Comme la Hongrie s’est toujours étendue jusqu’aux cataractes du Danube et n’est jamais arrivée jusqu’à l’Olte, il est évident que l’extrémité de la Hongrie indique aussi Turnu-Severin.

Pourtant la preuve la plus concluante que le pont de Trajan était situé à Turnu-Severin nous a été fournie par l’étude des restes mêmes de ce pont, faite le 15 janvier 1858 à l’occasion d’une baisse tout à fait exceptionnelle des eaux du fleuve. A cette date, un ingénieur militaire d’Orsova et un inspecteur des édifices de la compagnie des bateaux à vapeur de Turnu-Severin entreprirent des mesures et des explorations minutieuses ; ils comptèrent dans le lit du fleuve seize piliers en maçonnerie, qu’ils trouvèrent construits tout comme les têtes du pont qui s’élèvent sur les rives, en pierre et mortier de ciment romain, recouverts de grandes briques carrées ; ces piliers étaient espacés de telle sorte en travers de l’eau que, là où quatre d’entre eux manquaient pour arriver au nombre de vingt, les explorateurs trouvèrent un îlot qui avait, à ce qu’il parait, recouvert leurs restes. A l’intérieur de la maçonnerie, on voyait non seulement des trous régulièrement disposés qui avaient servi à recevoir des madriers, mais on y retrouva même quelques débris de poutres en chêne. Les briques qui recouvraient les piliers portaient les marques de trois différentes cohortes auxiliaires de la legio XIII gemina, qui furent sans aucun doute employées à la construction du pont[49]. Or, cette légion prit part à la conquête de la Dacie et fut laissée en garnison dans la province jusqu’à son abandon sous l’empereur Aurélien, ainsi que l’attestent d’innombrables inscriptions. Cette coïncidence tranche la question de façon à ne plus laisser le moindre doute que les restes du pont qui se trouvent à Turnu-Severin sont réellement ceux du pont de Trajan et qu’il faut attribuer à Constantin le Grand l’autre pont dont on voit les débris à Celeiu. On a pourtant prétendu que précisément les trous destinés à recevoir des poutres en bois s’opposaient à la description du pont telle qu’elle nous a été laissée par Dion. Mais celui-ci, dans la description assez succincte qu’il fait du pont de Trajan, dit seulement que les piliers sont espacés entre eux d’une distance de 170 pieds et sont réunis par des voûtes[50], sans expliquer si ces voûtes étaient en bois ou en maçonnerie. Il est bien plus probable que pour des ouvertures tellement grandes le bois eût été préféré ; mais celui-ci même devait être disposé en forme de voûtes, car des poutres horizontales eussent été loin d’avoir la solidité voulue.

Trajan passant le Danube à Turnu-Severin, une autre question vient se poser immédiatement, notamment par où se dirigea-t-il vers Sarmisagethusa ? Il pouvait y aller en droite ligne par le défilé de Vulcan ou suivre la route plus détournée par celui de, la Tour rouge. Mais si Trajan eût voulu frapper seulement la capitale, il n’aurait eu qu’à suivre la même route que dans sa première expédition par Lederata et la vallée du Timiche et de la Bistra[51].

Trajan, voulant cette fois-ci non seulement effrayer les Daces, mais bien les soumettre, ne pouvait se contenter de prendre leur capitale. Il devait les attaquer dans le centre de leur pays et leur couper la retraite vers l’intérieur de la Transylvanie, où ils auraient pu trouver un refuge dans les montagnes. Voilà pourquoi Trajan changea dans cette seconde expédition la base de ses opérations, pourquoi, ainsi que nous allons l’établir, il entra dans la Transylvanie par le défilé de la Tour rouge.

La route qui partait de Drubetis (aujourd’hui Turnu-Severin) pour conduire dans l’intérieur de la Dacie passait, d’après la table de Peutinger, par les villes suivantes : Amutria, Pelendova, Castra nova, Romula, Acidava, Rusidava, Pons Aluti, Buridava, Castra Traiana, Arutela, Praetoria, Pons vetus, Stenarum, Cedonie, Decidava, Apulum (aujourd’hui Karlsburg ou Alba Julia), et delà se continuait par Napoca (aujourd’hui Clausenburg) jusqu’à la dernière station dace au nord de la province, Porolissum (aujourd’hui Mojgrad).

Plusieurs de ces noms sont romains, tels que Romula, Pons Aluti, Castra Traiana, Praetoria, Pons vetus, et indiquent par conséquent une voie parcourue par Ies Romains. On pourrait objecter que ces noms ont pu être donnés à ces stations plus tard, après la conquête de la Dacie par les Romains, car ils se trouvent sur la table de Peutinger, laquelle est postérieure à la réunion de cette province à l’empire romain. Un de ces noms pourtant, celui de Castra Traiana, doit absolument tirer son origine du temps de la conquête, car il rappelle le nom de Trajan, soit qu’il ait été donné à la station par les légions mêmes du conquérant, soit qu’il ait été appliqué à cette ville quelque temps après, en souvenir du passage de Trajan.

Tâchons maintenant de montrer que la route suivie par Trajan passait en effet par le défilé de la Tour rouge. La première station indiquée sur la table de Peutinger après Drubetis est Amutria, qui n’est que la forme romanisée du nom dace (Ad-)Mutriam. Or, à peu de distance de Turnu-Severin, vers le nord-est, coule aujourd’hui un affluent du Jiu, qui porte le nom de Motru. Selon les règles de dérivation de la langue roumaine, Motru est une transformation du type ancien Mutria, par le changement de l’u en o d’après les analogies données par norâ de nurus, popor de populus. La suppression de l’i qui précède l’u se retrouve dans cumâtru, de conmatrium, Dumitru de Demetrius. La route qui allait de Drubetis à Apulum ne montait donc pas directement vers le nord à Sarmisagethusa, par le défilé de Vulcan, mais se dirigeait vers l’Orient, pour passer le Motru. La ville dace portait évidemment le même nom que la rivière ; après qu’elle eut été détruite plus tard, le cours d’eau près duquel elle s’élevait conserva seul le souvenir de l’ancien nom. Après quelques stations intermédiaires, dont les noms ont totalement disparu, nous rencontrons sur la table de Peutinger celle de Pons Aluti, le pont de l’Olte, par conséquent une station qui devait se trouver sur le cours de cette rivière et où existait un pont qui fit donner ce nom romain à la ville que les Daces nommaient probablement d’une autre manière. Ce nom ne veut pas dire que Trajan aurait passé l’Olte sur ce pont pour se diriger vers le nord sur la rive gauche de la rivière ; mais seulement qu’il y avait ici un pont qui mettait les deux bords de la rivière en communication. En effet, la rive gauche de l’Olte est, haute et escarpée, de sorte qu’il était impossible d’y faire marcher une armée, tandis que celle de droite est une plaine de plusieurs centaines de mètres de largeur, bordée d’une terrasse plus élevée, et offrait une voie très commode. Aussi est-ce par là que les Romains construisirent plus tard leur chaussée, dont on retrouve les restes encore de nos jours et que les paysans nomment calea Traianului, la route de Trajan[52].

L’empereur, arrivé à Pons Aluti, tourna vers le nord sur la rive droite de l’Olte, se dirigeant vers le défilé de la Tour rouge, et, après deux stations intermédiaires dont les noms ont été perdus, il arriva à Arutela, qui se trouvait sur les bords d’un affluent que l’Olte reçoit par sa droite et qui se nomme encore aujourd’hui le Lotru, nom dérivé évidemment de l’ancien Arutela. Celui-ci est ainsi qu’Amutria une forme romanisée du nom dace (Ad-)Rutela, et Rutela par métathèse a donné Lutera, d’où la langue roumaine a formé Lotru. On ne saurait, contre l’identification des formes roumaines de Motru et de Lotru aux formes daces de Mutria et de Lutera, alléguer le fait que les noms roumains ont une terminaison masculine, tandis que les noms daces en auraient une féminine, d’abord parce qu’on ne sait si la voyelle a était aussi, dans la langue dace une désinence du féminin ; mais, même dans le cas où on le supposerait, la langue roumaine présente des changements de genre, par exemple teiu de tillia. Notons une dernière circonstance qui visent appuyer l’identification du nom dace Arutela avec le Lotru de nos jours. D’après la distance indiquée par la table de Peutinger entre les différentes stations énumérées plus haut, nous trouvons que celle d’Arutela se trouvait à peu près aux deux tiers de la route qui conduisait de Drubetis à Apulum. La table de Peutinger nous donne les distances

Entre

Drubetis et Amutria

36

M. P.

Entre

Arutela et Praetorium

15

M. P.

Amutria et Pelendova

35

Praetorium et Pons Vetus

9

Pelendova et Castra nova

20

Pons Vetus et Stenaram

19

Castra nova et Romula

30

Stenarum et Cedonie

12

Romula et Acidava

13

Cedonie et Acidava

24

Acidava et Rusidava

24

Acidava et Apulum

15

Rusidava et Pons Aluti

14

 

Total

94

M. P.

Pons Aluti et Buridava

13

 

 

 

 

Buridava et Castra Traiana

12

 

 

 

 

Castra Traiana et Arutela

9

 

 

 

 

 

Total

206

M. P.

 

 

 

 

Or, si on jette les yeux sur la carte, on verra que la même proportion existe aujourd’hui entre la distance qui sépare Turnu-Severin de la rivière de Lotru et celle qui se trouve entre cette rivière et Karlsburg (voir la carte).

Concluons : la voie qui conduisait de Drubetis dans l’intérieur du pays passait par le défilé de la Tour rouge, et c’est par cette voie que Trajan pénétra en Dacie dans sa seconde expédition. On comprend alors les paroles de Strabon. Il dit que les Romains ont transporté sur la rivière Marisos tout ce dont ils avaient besoin pour la guerre[53]. Ce Marisos n’est autre chose que l’Olte, lequel, à ce qu’il parait, portait dans ce temps-là deux noms. Ce n’est pas le Mourèche actuel, comme on pourrait le croire au premier abord, car d’abord le Mourèche actuel n’a jamais été atteint par les légions de Trajan pendant ses expéditions. Dans la première, nous l’avons vu en effet pénétrer en Dacie par la vallée du Timèche ; dans la seconde par celle de l’Olte. Il n’est nullement question du Mourèche dans aucune de ses guerres. Ensuite Strabon dit que son Marisos coulait par le pays des Scythes pour se verser dans le Danube, et le pays des Scythes ne s’est jamais étendu au delà de la Valachie. La Transylvanie, où coule le Mourèche, a toujours été la patrie propre des Daces. Hérodote nommait l’Olte aussi Marisos. Il dit de ce cours d’eau que, sortant du pays des Aga-thyrses, il traversait la Scythie. Le pays des Agathyrses étant la Transylvanie et la Scythie s’étendant en Valachie jusqu’aux montagnes, il est évident que le Marisos d’Hérodote ne saurait être le Mourèche actuel jusqu’aux bords duquel jamais la Scythie ne s’est étendue. Cette indication du père de l’histoire unie à celle de Strabon, qui dit que le Marisos traversait le pays des Scythes, c’est-à-dire la Valachie, confirme d’une manière positive que le Marisos de ces deux écrivains était l’Olte de nos jours. Enfin, l’Itinéraire d’Antonin, la table de Peutinger et la Notitia dignitatum indiquent toutes une station de la Mésie nommée Transmarisea, ce qui suppose une rivière Mariscus ou Maris sur la rive nord du fleuve en Valachie[54]. Trajan, suivant le cours de l’Olte, faisait venir ses provisions de la Mésie par la rivière[55].

Nous avons établi que Trajan entra en Dacie pour sa seconde expédition par l’endroit où se trouve aujourd’hui Turnu-Severin, qu’il se dirigea d’abord vers l’est, en passant le Motru, jusqu’à la rivière de l’Olte, prit ensuite vers le, nord, sur la rive droite de ce cours d’eau, et entra en Transylvanie en passant par la rivière de Lotru[56]. Le but de ce détour était de couper la retraite aux Daces, de les écraser au centre même de leur pays. Des raisons stratégiques ont pu aussi le déterminer à changer le champ de bataille. En effet, les Daces s’attendaient à être attaqués par les mêmes endroits où ils l’avaient été la première fois ; ils avaient certainement mis tous leurs efforts à fortifier cette région ; sûrs d’être en paix du côté de la Transylvanie, ils n’auront pris de ce côté aucune mesure de défense.

C’est en 104 que Trajan partit la seconde fois contre Décébale. Il passa cette première année en Mésie, surveillant la construction du pont, après avoir fait occuper militairement la rive droite du fleuve. Il était venu de Pannonie en bateau sur le Danube et était descendu à Egeta, où toute la population de cette ville romaine sortit à sa rencontre et le reçut avec amour[57]. Une partie de l’armée romaine traversa le Danube sur les bateaux qui l’avaient transportée à Drubetis, pour occuper cette ville ennemie et en chasser les troupes daces[58]. Plusieurs tribus gètes et jazyges se soumirent à Trajan. Celles des Gètes qui occupaient la Valachie étaient vêtues comme les Daces ; les Jazyges, au contraire, portaient des vêtements longs et serrés à la taille, avec des plis nombreux à la partie inférieure, qui les faisaient de loin ressembler à des femmes[59]. Les Jazyges, à qui les Daces avaient, ainsi que nous l’avons vu, pris une partie de leur territoire, furent les premiers à se soumettre aux envahisseurs. Les Romains prirent ensuite un camp retranché construit d’après les principes romains de l’art militaire et élevèrent eux-mêmes plusieurs travaux pour défendre la tête du pont du côté de la Dacie[60]. En 105, la construction du pont étant terminée, Trajan, après avoir accompli les sacrifices habituels, se transporta avec le reste de son armée sur le territoire dace[61]. Les Romains passèrent plus tard un cours d’eau sur un pont en bois[62] ; c’était probablement le Jiu, car le Motru et les autres rivières entre Turnu-Severin et l’Olte peuvent être passées à gué. Pendant leur marche, ils reçurent la soumission de plusieurs tribus gètes, scène qui se répète dans plus d’un tableau de la colonne trajane. Dion dit aussi que Décébale voulait offrir la paix, parce qu’une grande partie des Daces étaient passés du côté de Trajan, encore une preuve évidente que les Daces ne quittèrent pas leur patrie lors de la conquête romaine[63]. Après avoir passé la rivière, les soldats romains rencontrèrent un champ de blé, qu’ils moissonnèrent pour augmenter leurs provisions[64]. Ceci nous indique à peu près l’époque de l’année où Trajan se dirigeait vers la Transylvanie, c’est-à-dire vers la fin de juin 105. Les légions arrivant sous les murs d’une ville dace fortifiée, une partie des défenseurs était d’avis de se soumettre, l’autre de résister. Cette querelle fit tomber encore plus vite la ville au pouvoir des Romains[65]. Cette ville parait avoir été située dans la partie montagneuse du pays, car le tableau de la colonne nous la montre établie sur une hauteur.

Les Daces, se voyant de nouveau sérieusement menacés, eurent recours à des moyens déshonnêtes pour échapper au péril. Alors que Trajan se trouvait encore en Mésie, surveillant la construction du pont, Décébale avait envoyé des transfuges romains, chargés d’assassiner l’empereur, qui : était facilement accessible à tout le monde ; le hasard avait voulu que l’attentat fût déjoué ; un des conjurés, soumis à la torture, avait dénoncé ses complices. Après que Trajan eut passé en Dacie, Décébale imagina une autre ruse pour détourner l’ennemi. Il trompa un officier romain, très aimé par l’empereur, Longinus, en lui faisant de fallacieuses propositions de paix ; il s’empara de, sa personne et voulut le forcer de dévoiler les intentions de son maître. Le Romain resta muet à toutes les demandes. Décébale fit alors dire à Trajan que, s’il ne quittait pas son pays et ne lui donnait en outre une indemnité de guerre, il ferait mourir Longinus dans les plus affreux tourments. Pour prolonger au moins la vie de son ami, l’empereur répondit au message de Décébale d’une manière évasive. Sur ces entrefaites, Longinus écrivit à Trajan une lettre où il l’exhortait à serrer Décébale de près et à venger sa mort, puis il s’empoisonna, ne laissant entre les mains de Décébale qu’un cadavre inutile. C’est ainsi que les Romains entendaient leur devoir, même au temps de leur décadence. De son côté, Décébale accomplissait un devoir peut-être plus sacré que la lutte pour la gloire et la victoire, celle pour l’indépendance et la liberté. Dans son âme barbare, il ne savait point faire de différence entre les moyens permis et défendus ; tous lui semblaient également bons du moment qu’il s’agissait de sauver sa patrie.

Après des difficultés inouïes, les Romains arrivèrent de nouveau devant la capitale dont ils s’étaient approchés, il y avait trois ans, par le côté opposé. Le but de Trajan n’était plus maintenant de dégager l’empire romain d’un traité honteux, mais bien de détruire l’existence de l’État dace. Voilà pourquoi, lorsque Décébale ; effrayé par la marche envahissante de l’armée romaine, offrit la paix à Trajan, celui-ci lui répondit de se livrer, lui et son armée, à la discrétion du vainqueur[66]. Les Daces préférèrent pour la plupart, sans hésiter,-mourir sur les ruines de la patrie. Le premier assaut donné par les Romains ne réussit point, surtout à cause des énormes blocs de pierre lancés par les assiégés à la tête des envahisseurs[67]. Les Romains construisirent alors un agger, c’est-à-dire une contre fortification, pour pouvoir lutter plus facilement et plus à l’abri contre les Daces[68]. Le second assaut donné livra la ville aux mains de l’ennemi, et, pendant que les Romains démolissaient les murs et les portes, les Daces mirent le feu à leur propre ville[69] ; leurs chefs, réunis autour d’un grand vase plein de poison, terminèrent à la fois leurs jours et leurs souffrances[70]. La mort devait être rapide s’ils ne voulaient point orner le triomphe du vainqueur.

La capitale était tombée et le pays presque en entier envahi par l’ennemi. Décébale, avec les débris de son armée, ne s’était pas enfermé dans la citadelle ; il s’était retiré vers le nord, pour chercher un point d’appui dans les montagnes qui faisaient la force de ce pays. Trajan ne laissa pourtant pas aux Daces le temps de se recueillir ; les coups qu’il leur portait se suivaient avec la rapidité de la foudre. Immédiatement après que la capitale fut tombée, il rejoignit Décébale, attaqua son camp fortifié et en resta maître après une lutte désespérée. Décébale alors, voyant irrévocablement perdu tout espoir de salut, se tua lui-même sur le tombeau de sa patrie. Sa tête fut apportée à Trajan. Parmi les chefs daces qui lui survécurent, les uns suivirent son exemple, les autres se soumirent au vainqueur, lui apportant sur de larges plateaux en argent, comme prix de leurs têtes, de riches joyaux[71]. La Dacie, écrasée par les Romains, gisait aux pieds de Trajan (fin de l’année 105 après J.-C.).

 

A.-D. XÉNOPOL.

 

 

 



[1] Dion Cassius, LXVIII, 6.

[2] Dierauer, Beitræge zu einer kritischen Geschichte Trajan, Leipzig, 1868, p. 71, ne s’exprime pas clairement sur l’intention de Trajan.

[3] Ammien Marcellin, XXIV.

[4] Frœhner, la Colonne Trajane. Paris, 1872, tab. 29, 30.

[5] Corpus inscriptionum latinarum, éd. Mommsen, Berlin, III, 1, n° 1699 : Imp. Caesar divi Nervae filius, Nerva Traianus, Aug. Germ. Pont. max. trib. pot. III, pater patriae, cos. III, montis anfractibus superatis viam patefecit. Comp. Arneth, die Trajan’s Inschrift in der Nähe des eisernen Thors, Vienne, 1856, et Duruy, Histoire des Romains, édit. in-8°, t. IV, p. 255. Le 3e consulat de Trajan tombe en l’année 100.

[6] Frœhner, tab. 26-31.

[7] Conrad Mannert, Res Traiani intperatoris ad Danubium gestae, Norimbergae, 1757, p. 20. Francke, Zur Geschichte Trajans und seiner Zeitgenossen, Quedlimburg, 1840, p. 100. Aschbach, Diesteinerne Donaubruecke Trajans, p. 3, admet le chiffre de 80.000 et Frœhner, p. XI, note 2, celui de 100.000 hommes.

[8] Plinius, Panegyricus, XVI.

[9] Bull. Inst. arch., 1869, p. 118, cité par C. de la Berge, Essai sur le règne de Trajan, Paris, 1877, p. 39.

[10] La table de Peutinger place par erreur la ville de Lederata sur la rive droite du Danube. La novelle XI de l’empereur Justinien parle des villes : Recidua et Literata quae trans Danubium sunt.

[11] Frœhner, tab. 31-33.

[12] Frœhner, tab. 31-33.

[13] Frœhner, tab. 36. Dion Cassius, LXVIII, 6. Ammien Marcellin, XVII, 12, dit que la même chose arriva à un prince Sarmate devant l’empereur Constantin.

[14] Dion Cassius, LXVIII, 6.

[15] Frœhner, tab. 37-39.

[16] Frœhner, tab. 41.

[17] Priscien, VI, 13 : Inde Bersobim deinde Aïzin processimus, seule phrase qui nous soit conservée par ce grammairien du commentaire de Trajan sur les guerres daciques.

[18] Dion Cassius, LXVIII, 8. Frœhner, tab. 17-50.

[19] Jordanès, De rebus geticis, nous dit que Tapae commandait une des entrées de la Dacie : Dacia corona montium cingitur, duos tantum accessus habens, unum per Tabas, alterum per Bontas. Le village actuel de Tapae domine en effet l’entrée de la vallée de la Bistra.

[20] (Voir la carte.) La dérivation linguistique des noms actuels ne rencontre aucune difficulté. La forme roumaine Tapa, identique à l’ancienne, trouve des analogies dans le roumain capra, qui vient du latin capra ; barba, du latin barba. Quant au changement de l’o en a dans Bersava, roumain, de l’ancienne forme Bersovia, il trouve des analogies dans le roumain corastra, du latin colostra ; afara, roumain, signifiant dehors, du latin ad foras. Comparez D. Oncial, Critica teoriei lui Roesler de D. A. D. Xenopol, dans les Convorbiri literare, XIX, p. 184.

[21] Vers la fin de sa première expédition, Trajan lutta contre les Daces dans les montagnes. Ce sont celles qui encaissent le cours de la Bistra, Dion Cassius, LXVIII, 9 ; Frœhner, tab. 74, 83-85, 93-96.

[22] Frœhner, tab. 50-51.

[23] Frœhner, tab. 51-52.

[24] Frœhner, tab. 53-54.

[25] Frœhner, tab. 54-55.

[26] Frœhner, tab. 55-56.

[27] Frœhner, tab. 57-58.

[28] Frœhner, tab. 58-59. Pline, Panégyrique, LXXXI.

[29] Frœhner, tab. 59-62.

[30] Frœhner, tab. 63-64.

[31] Frœhner, tab. 83-85, 89-91.

[32] Dion Cassius, LXXIII, 9.

[33] Frœhner, tab. 82-83.

[34] Frœhner, tab. 85-88.

[35] Frœhner, tab. 91-93.

[36] Frœhner, tab. 97-99.

[37] Frœhner, tab. 101-104.

[38] Dion Cassius, LXVIII, 9.

[39] Dion Cassius, LXVIII, 10.

[40] Dion Cassius, LXVIII, 9.

[41] Dion Cassius, LXVIII, 10.

[42] Voir, sur le pont en pierre de Constantin le Grand, Cedrenus, édit. de Bonn, I, p. 517 : Καί άυτός Δάνουβιν περάσας γέφραν έν αύτώ λεθίνην πεποίηxε, xαί τούς Σαύθας ύπέταξε. Aurelius Victor, De vita et moribus imper., XLI : Hic (Constantinus) pontem in Danubio constraxit. Comparez Orosius, VII, 28.

[43] Un pied grec = 0m309. Les données de Dion sont empruntées à la description même de l’architecte Apollodore ; par conséquent, les mesures sont grecques. Voir sur la description du pont laissée par Apollodore, Procope, De ædificiis, IV, 5.

[44] Dion Cassius, LXXIII, 13. Si on peut rencontrer des endroits où le Danube est trois fois aussi large qu’à Turnu-Severin (3.000 mètres), on n’en trouve aucun où sa largeur arrive au triple de celle qu’il possède à Celeiu (5.400 mètres).

[45] Engel, dans sa Commentatio de expeditionibus Traiani ad Danubium et origine Valachorum, vindobonnae, 1794, p. 206, montre que l’itinéraire d’Antonin indiquerait l’existence du pont de Trajan entre Egeta et Aquae. Il base son assertion sur le passage suivant de l’édition de l’Itinéraire publiée par Wesseling :

L’édition critique de l’Itinéraire publiée par Parthey et Pinder, Berolini, 1848, reproduit à la page 103 les mêmes stations, sans la moindre mention du pont de Trajan. Nous pensons que Engel a pris une annotation de Wesseling pour le texte de l’Itinéraire.

[46] Procope, De ædificiis, VI.

[47] Procope, De ædificiis, VI.

[48] Const. Porphyr., De adm. imp., XI.

[49] A. J. Odobescu, Istoria archeologiei, Antichitatea, Renasterca, Bucuresti, 1877, p. 362. Comparez la monographie d’Aschbach, Geber Trajan’s steinerne Donaubruecke, Vienne, 1858.

[50] Dion Cassius, LXVIII, 13.

[51] Dierauer, Beitræge, p. 100, laisse indécise la question par où Trajan pénétra dans la Dacie.

[52] V. Duruy, Histoire des Romains, IV, p. 256, note 2. De la Berge, Essai sur le règne de Trajan, p. 49.

[53] Strabon, Géographie, VII, 3, 13.

[54] M. Hasdeu, Istoria critica, Bucuresti, 1875, p. 185, a démontré pour la première fois que le nom de Maris s’appliquait aussi à l’Olte. Nous renvoyons pour les détails à sa démonstration.

[55] Une inscription posée par un légionnaire de la I legio Minervia parle du fleuve Muta, près du mont Caucase, nom que les Carpates portent parfois dans les écrivains anciens.

[56] C. de la Berge, Essai sur le règne de Trajan, p. 51, dit par rapport à cette expédition : Nous sommes complètement dépourvus de renseignements géographiques sur la deuxième guerre. Notre travail, si nous ne nous trompons, remplit cette lacune.

[57] Frœhner, tab. 108-112. M. Frœhner, p. 47, pense que ce tableau représente une ville maritime. Nous ne comprenons pas pourquoi.

[58] Frœhner, tab. 117-118.

[59] Frœhner, tab. 118-120.

[60] Frœhner, tab. 124-128.

[61] Frœhner, tab. 128-129.

[62] Frœhner, tab. 131-133.

[63] Dion Cassius, LXVIII, 11.

[64] Frœhner, tab. 142-143.

[65] Frœhner, tab. 143-144.

[66] Dion Cassius, LXVIII, 11-12.

[67] Dion Cassius, LXVIII, 11.

[68] Frœhner, tab. 147-151.

[69] Frœhner, tab. 151-152.

[70] Frœhner, tab. 155-156.

[71] Frœhner, tab. 171-172,177-178.