MARIE STUART ET LE COMTE DE BOTHWELL

 

IV. — LES ASSISES DE JEDBURGH ET LE BAPTÊME DU PRINCE ROYAL.

 

 

Quand les deux factions adverses eurent signé leur accord secret, les tiraillements cessèrent d'agiter la cour. La paix se rétablit à la surface. Du Croc s'en réjouit sans connaître le fond des choses : Et vous diray là-dessus que lesdits seigneurs qui sont icy, à Jedburg, lesquels correspondent au roy et à Votre Majesté — allusion à la lettre du conseil à Catherine de Médicis —, sont si bien reconcilliez ensemble avecques la royne par sa sage conduicte, que aujourd'huy je n'y veois une seule division[1]. A partir de ce moment, Bothwell eut plus d'assurance et de crédit, au moins extérieurement, ce que l'on pourrait prendre mal à propos pour l'effet et la preuve de son ascendant sur Marie Stuart.

Cependant, les troubles, les intrigues de l'Angleterre, les menées de Morton et des autres exilés avaient réagi nécessairement sur le Border ou les frontières du sud, et ravivé les brigandages des Johnston, des Armstrong et des Elliot dans le Liddisdale[2].

Dès les derniers jours de juillet, le roi et la reine avaient décidé qu'ils tiendraient des assises extraordinaires à Jedburgh, petite ville du comté de Roxburg, lieu habituel des assises du Border, et qu'ils y enverraient Bothwell, lieutenant des frontières, avec des forces. Les Elliot et leurs amis résolurent de résister si Bothwell venait seul, sans être suivi de la reine ; et ils s'assurèrent auprès de Bedford qu'on leur donnerait cinq ou six jours d'hospitalité sur le territoire anglais, en cas de besoin[3]. Les circonstances retardèrent deux mois l'expédition projetée par Marie. Enfin la reine convoqua les vassaux de la couronne à Melrose, pour le 8 octobre.

Elle envoya Bothwell en avant avec mission de s'assurer des principaux coupables et de les enfermer au château de l'Ermitage[4]. Le comte arrêta d'abord les lairds de Mangerton, de Whitehaugh et plusieurs Armstrong ; puis il se mit à la recherche des Elliot, les plus dangereux de tous. Le hasard voulut qu'étant séparé de ses gens, il rencontrât seul à seul John Elliot du Parc, le chef de ces bandits. Un combat s'engagea entre eux, bien digne des mœurs du Border (7 octobre 1566). Il tourna d'abord à l'avantage de Bothwell, qui accorda quartier à son adversaire. Alors Elliot lui demanda s'il lui garantissait la vie sauve ? Que le jugement vous déclare net, répondit le comte, j'en serai charmé ; mais il faut que vous vous en remettiez à la volonté de la reine. A ces mots, Elliot se jette à bas de cheval et prend la fuite ; le comte le blesse d'un coup de pistolet, met pied à terre pour le poursuivre, mais il glisse dans un bourbier et tombe. Le bandit s'élance sur lui, le frappe à coups redoublés, le blesse à la tête, au milieu du corps, à la main, et s'éloigne non sans avoir reçu lui-même deux coups de poignard à travers la poitrine. Il alla expirer à un mille de là, sur une colline. Bothwell fut trouvé évanoui et baigné dans son sang ; ses serviteurs le transportèrent à l'Ermitage[5]. Mais à la faveur de son absence, les brigands qu'il avait emprisonnés dans la forteresse s'en étaient rendus malins ; ils n'en rouvrirent les portes au blessé qu'à condition qu'ils seraient libres de retourner chez eux. Le bruit de la mort de Bothwell courut pendant quelques jours. Il n'est pas contestable, quoiqu'on en ait dit, que le départ de Bothwell et de la reine pour le Liddisdale était décidé depuis longtemps ; et ce ne fut pas davantage l'accident du comte, qui décida Marie à prendre le chemin de Jedburgh. Le jour fixé d'avance, 8 octobre, elle quitta Édimbourg avec ses ministres, son Conseil privé, ses principaux officiers de justice, et fut reçue à Melrose par la noblesse des comtés adjacents, docile à sa proclamation. Le lendemain, elle ouvrit les assises à Jedburgh et les tint une semaine durant, tout entière aux affaires de la justice et de l'État. Cela fait, elle voulut voir Bothwell, son lieutenant-général ; et même d'après une chronique française, conservée en Angleterre[6], elle ne fit que suivre sur cet article l'avis de son Conseil. Le 16 octobre, prenant avec elle Murray, Lethington et ses autres ministres, elle parcourut à cheval les vingt milles qui la séparaient de l'Ermitage. Pendant deux heures, en présence de ses lords, elle s'entretint de l'état du pays avec le blessé alors convalescent, que cette visite avait rempli d'une satisfaction aisée à comprendre[7]. Le soir même, elle revint à Jedburgh. Là, elle écrivit une partie de la nuit, et, le matin, expédia une quantité considérable de papiers à Bothwell. Le même jour, elle était prise d'un évanouissement qui dura deux heures, puis d'une fièvre violente, accompagnée de délire[8].

Cette rapide excursion, dénaturée et envenimée, a fourni une ample matière à la diffamation. Si on laisse au fait ses proportions véritables, il nous présente une marque d'intérêt très-bien placée chez la souveraine pour le fidèle sujet qui avait rempli son devoir au péril de sa vie ; une visite d'affaires, utile au moment où elle allait quitter ce pays toujours si difficile, et dont elle ne pouvait guère s'éloigner, sans en avoir entretenu le magistrat principal. Courir quarante milles en un jour — seize lieues environ —, n'avait rien d'extraordinaire chez une femme que, peu d'années auparavant, on avait vue tenir bravement la campagne dans les rudes montagnes des Highlands, et regretter de n'être pas un homme pour porter aussi la targe et la claymore. L'Anglais, lord Scrope, gouverneur de Carlisle, présent à Jedburgh, écrivit immédiatement à lord Cecil le récit de la journée, sans exprimer ni étonnement ni critique, tant cette action parut simple et naturelle à qui en fut témoin[9]. Les dates et les faits que nous venons de rapporter sont attestés par les registres du Conseil privé et du sceau privé, renfermant les actes de Jedburgh, par le journal de Birrel, chronique du temps estimé, par la chronique française anonyme, mentionnée plus haut, la lettre de lord Scrope, et d'autres sources encore.

Mais Buchanan ne s'inquiète ni des autorités, ni des documents, ni des témoins. Ce n'est pas pour dire la vérité que Murray le paye. Voyez plutôt : La reine se disposant à tenir les assises de Jedburgh dans les premiers jours d'octobre, se fait précéder de Bothwell. Celui-ci, loin de se conduire comme il convenait à son rang, à sa famille et à ce qu'on attendait de lui, est blessé par un bandit à moitié mort'[10], et porté à l'Ermitage dans un état presque désespéré. Dès que la reine apprend cette nouvelle à Borthwick, elle court comme une follevelut insana pervolatà grandes journées, par un hiver déjà rude, d'abord à Melrose, ensuite à Jedburgh. Là, quoiqu'on lui annonce que la vie de Bothwell n'est pas en danger, elle ne peut souffrir de retard, ni s'empêcher de manifester sa honteuse passion. En dépit de la mauvaise saison, des difficultés des chemins, des embûches des bandits, elle se lance en avant, avec quel cortège ! — des gens à qui personne d'un peu honnête, même dans une condition médiocre, n'oserait confier sa vie ni son avoir. Revenue à Jedburg, elle s'occupe, avec le zèle et la diligence imaginables d'y faire transporter Bothwell. Quand il y fut, leurs rapports et leurs habitudes ne furent pas plus conformes à la dignité de l'un que de l'autre. Alors, soit leurs fatigues de jour et de nuit, peu honorables à leurs propres yeux et infâmes à ceux du public, soit un décret caché de la Providence, elle fut prise d'une maladie si grave et si terrible, que l'on ne conservait presque point d'espoir de la sauver[11].

Il faut un certain courage pour suivre l'écrivain dans le dédale de ses calomnies. Sans nous arrêter à ce qu'il y a de mensonger dans la mention du combat de Bothwell avec John Elliot, il fait partir Marie Stuart de Borthwick —  où elle n'était pas — et non de Melrose, parce que Borthwick étant plus éloigné de Jedburgh que Melrose, cela met mieux en relief la course effrénée de Marie. 11 supprime les huit jours entiers que Marie demeure à Jedburgh avant d'aller voir le comte. Il transforme son cortège de ministres en une troupe de scélérats ; en cela, nous avouons qu'il est plus près de la vérité que dans aucun autre détail. Car les seigneurs qui formaient la suite de Marie, étaient en vérité des traitres et des assassins de compagnie fort dangereuse. Mais que dire de l'incroyable effronterie du calomniateur, lorsqu'il représente Marie installant Bothwell à Jedburgh, et contractant, à force de débauches avec lui, la maladie à laquelle elle faillit succomber ? Voilà un homme qui a reçu trois blessures graves, qu'on a ramassé privé de sentiment, tout son sang répandu ; et, quatre ou cinq jours après, il accable de plaisirs une femme débordée, à la mettre presque dans la tombe ! D'ailleurs, parmi la suite des événements, il n'y a pas de place pour ces jours et ces nuits de désordre, puisqu'il est constant que la maladie de la reine suivit immédiatement son excursion à l'Ermitage. D'après les lettres des témoins oculaires, Bothwell convalescent ne parut à Jedburgh que vers le 25 octobre, c'est-à-dire neuf jours après la visite de la reine[12].

Ces mêmes lettres ne contiennent aucune allusion, si faible qu'elle soit, aux scènes décrites par Buchanan. Il semble que les ennemis de la reine aient rougi de l'énormité de leur mensonge ; car le Journal de Murray ne parle plus de ces infamies. 7 octobre. Milord Bothwell fut blessé dans le Liddisdale, et la reine se rendit à cheval à Borthwick. 8. La reine fut avertie et courut à Jedburgh ; de là à l'Ermitage. Elle prit sa maladie en revenant à Jedburgh, où elle resta jusqu'au 1er novembre que Bothwell sortit de convalescence'[13]. Ces quelques lignes renferment des inexactitudes que nous avons relevées plus haut ;-mais elles achèvent de justifier Marie Stuart sur le point essentiel.

Buchanan nous a peint le tableau premier avec la couleur la plus forte et la plus crue. D'autres après lui l'ont atténuée, et en ont tiré une sorte de contre-épreuve beaucoup plus pâle, partant beaucoup plus acceptable. Mais au fond c'est toujours le même dessin. On lit dans les mémoires manuscrits de Crawford, cités par Keith (p. 351-2), que Bothwell blessé fut porté à son château de l'Ermitage jusqu'à sa guérison. La reine étant alors à Jedburgh, et recevant la nouvelle certaine de cet accident, en fut si affligée au fond du cœur qu'elle ne prit pas de repos qu'elle n'eût vu Bothwell. Elle revient le jour même de sa visite, car elle craignait, en couchant à l'Ermitage, une attaque des bandits répandus dans le pays. Un si long voyage, l'air de la nuit, et l'angoisse de son esprit pour le comte, allument la fièvre dans ses veines.

Crawford expurge donc le récit de Buchanan ; mais il n'est pas pour cela dans la vérité : 1° la reine n'était pas à Jedburgh lors de l'accident ; 2° une fois à Jedburgh, elle prit du repos avant de visiter Bothwell, puisqu'elle n'y alla qu'au bout d'une semaine, après avoir fini ses affaires. On ne conçoit pas que, dans cette visite, l'angoisse pour le blessé l'ait rendue malade, puisqu'il s'était passé dix jours pleins depuis le combat, et que Buchanan, ici plus véridique par hasard, établit qu'on le savait hors de danger.

Robertson admet — nous avons déjà eu l'occasion de relever cette erreur — que Marie réunit sur la tête de Bothwell la lieutenance des marches, partagée jusque-là en trois fonctions ; qu'elle accourut sur-le-champ à l'Ermitage, avec une impatience peu convenable à sa dignité, et qu'on ne manqua pas d'interpréter comme une preuve d'amour ; le reste comme dans Crawford.

Ainsi, d'un siècle à l'autre, l'accusation se dépouille de sa grossièreté et de ses invraisemblances criantes. Elle prend, par le progrès des mœurs, une allure de modération, d'impartialité. Mais elle n'en devient que plus dangereuse. Voilà pourquoi nous déclinerons encore ici l'autorité de M. Mignet. Car s'il accepte, à quelque chose près, l'exactitude matérielle des dates, telles qu'elles ont été rétablies[14], il n'en adopte pas moins sur les choses les assertions de ceux qui ont altéré les dates et par elles, les choses mêmes. La blessure de Bothwell mit encore plus en évidence les sentiments de Marie pour lui, et comme preuve, l'extrait de Crawford, que nous avons combattu plus haut. Qu'est-ce que l'empressement passionné d'une femme, qui patiente du 9 au 16 octobre ? Est-ce là n'avoir point de repos qu'elle n'ait vu celui qu'elle aime ? Elle monta à cheval dès qu'elle fut libre et se rendit au château où se trouvait son lieutenant et son favori blessé. N'avons-nous pas démontré surabondamment qu'il ne ressort d'aucun fait que le comte fût son favori ; et que les faits par lesquels les premiers accusateurs ont prétendu nous le donner à croire, s'évanouissent devant la discussion ? Après avoir passé une heure avec Bothwell, à la suite de cette longue route, elle écrivit encore une partie de la nuit à celui qu'elle venait de quitter. En bon français, cela signifie écrire des lettres d'amour. Or, on trouve dans les comptes du trésorier : 17 octobre : à un jeune homme partant de Jedburgh avec une quantité d'écrits de notre souveraine adressés au comte de Bothwell, six shillings[15]. N'est-il pas beaucoup plus naturel de penser qu'il s'agit d'affaires de justice et de politique en suspens, dont Marie a entretenu le comte à l'Ermitage, et qu'elle tranche définitivement avant de quitter le pays ? Se peut-il imaginer une plume si féconde en protestations de tendresse, que, pendant une partie de la nuit seulement, elle en ait déversé sur le papier la charge d'un homme, ane mass of writings ?

Marie Stuart fut dix jours entre la vie et la mort. Autour d'elle, on attribuait le mal à ses chagrins domestiques. Assurément on ne saurait nier la fâcheuse influence de la tristesse de l'âme sur la santé. Mais d'après l'histoire de la maladie, racontée par l'évêque de Ross à l'archevêque de Glasgow[16], il est clair que c'était une fièvre de marécage. L'action malfaisante de l'humidité d'automne, dans un pays sauvage, coupé d'eaux stagnantes, et peut-être un accident de route[17], se joignirent à une prédisposition de tempérament qui rendait Marie Stuart sujette aux douleurs de côté et à la fièvre pendant l'arrière-saison[18]. Dans un intervalle lucide, elle recommanda la concorde aux lords, son fils au roi de France et à la reine Élisabeth ; elle pardonna à tous ses ennemis, demanda pour les catholiques d'Écosse la même tolérance qu'elle avait accordée aux protestants, et déclara qu'elle mourait dans la religion catholique, tout cela d'une manière si douce et si touchante, que Knox lui-même en est désarmé. Tandis que protestants et catholiques, amis et ennemis, se pressaient émus autour de ce lit enveloppé des ombres de la mort, que faisait l'époux, celui qu'elle n'avait pas offensé, et qui lui-même l'avait offensée si cruellement ? Darnley, soit qu'il mit avant le devoir qui l'appelait près de sa femme, ses bouderies et ses velléités de départ, ou bien la crainte de quelque entreprise des grands contre sa personne, s'amusait aux chiens et aux faucons avec son père aux environs de Glasgow. Le roy est à Glasco, écrit du Croc, et n'est point venu icy. Si est ce qu'il a été adverty par quelqu'un, et a eu du temps assez pour venir s'il eust voullu ; c'est une faulte que je ne puis excuser[19]. — Le roi, dit l'évêque de Ross à l'archevêque de Glasgow (20 octobre), est pendant tout ce temps à Glasgow, et il n'est pas encore venu voir Sa Majesté. Il parut enfin le 28 du mois, le lendemain d'une crise heureuse où la jeunesse de la malade avait surmonté le mal. Il est permis de croire que l'entrevue des deux époux fut assez froide. Du moins Darnley, logé dans une maison appartenant à lord Rome, ne resta qu'une seule nuit à Jedburgh. Marie avait pourtant essayé plus d'un effort pour le ramener. En quittant Édimbourg, le 8 octobre, elle avait prié du Croc d'y rester cinq ou six jours ; et ce temps, il l'avait employé en conversations avec Lennox et Darnley, dans un rendez-vous qu'avait demandé le second, à moitié chemin d'Édimbourg et de Glasgow. Du Croc gagna sur lui de ne pas quitter l'Écosse, sans parvenir à dissiper ses mécontentements. Ensuite il rejoignit la reine pour lui rendre compte de ce qui s'était passé. Darnley ne savait où il en était ; il aurait voulu qu'elle le rappelât directement[20]. Lors du voyage qu'il fit de si mauvaise grâce à Jedburgh, il s'entretint la plus grande partie de l'unique nuit qu'il y resta avec du Croc, qui ne s'explique pas autrement[21]. Mais évidemment le sage ambassadeur ne persuada pas cet obstiné.

Maintenant revenons encore à Buchanan et ne nous étonnons pas de ses nouveaux mensonges. Le roi, dès qu'il est informé de cette maladie, brûla la route jusqu'à Jedburgh, afin de visiter la reine, de la consoler dans son abattement, et de lui témoigner, par tous les moyens en son pouvoir, son empressement à lui être agréable[22]. Mais la reine, quelle barbare inhumanité ! défendit que personne le saluât, ni lui donnât l'hospitalité pour la nuit. Elle voulut même que la comtesse de Murray fit la malade pour ne pas le loger. Privé ainsi des plus simples égards d'humanité, il retourne le lendemain dans sa solitude, le cœur navré.

Tandis que le roi, dépourvu également d'argent et d'amis, a trouvé à grand peine un misérable abri[23], Bothwell, tiré de la maison où on l'avait établi d'abord, est transféré en triomphateur du roi, au vu et au su de tous, dans la maison de la reine, et dans une chambre au-dessous de la chambre à coucher de cette princesse. Quoique- souffrants tous deux, elle de sa maladie, lui de sa blessure, la reine, malgré son extrême faiblesse, allait le voir chaque jour. Dès que leur convalescence fut un peu avancée, sans attendre un entier rétablissement, ils reprirent leurs joutes accoutumées ; et cela si publiquement, qu'ils semblaient n'avoir qu'une crainte, celle que leur infamie demeurât ignorée[24].

Devons-nous répéter que les correspondances authentiques excluent absolument la possibilité de ces ignominies ; que les débauches après la maladie de la reine, ne sont pas plus vraies que celles d'avant la maladie ? Du reste Buchanan se condamne lui-même, en n'introduisant pas dans son Histoire d'Écosse (t. XVIII, p. 349), les dernières phrases, à partir des visites quotidiennes de la reine à Bothwell. Le journal de Murray, tout venimeux qu'il est, se tait là-dessus, non pour épargner Marie, mais pour s'épargner à lui-même la responsabilité et le discrédit d'une calomnie par trop absurde. Il se contente de dire que le roi vint pour visiter la reine à Jedburgh, et qu'il fut repoussé[25]. Le même souffle conduit la plume de M. Mignet, qui nous parait avoir trop dédaigné le témoignage de du Croc : Bothwell convalescent était accouru auprès d'elle avec les autres membres du conseil privé et plusieurs des lords les plus importants du royaume. Darnley l'y trouva en arrivant à Jedburgh.... La voyant mieux — la reine —, il ne resta qu'une nuit à Jedburgh et repartit immédiatement pour Glasgow (t. I, p. 248). La signification de ce passage est de mettre en saillie Bothwell, sa familiarité avec la reine, et l'impatience que sa présence cause à Darnley. Mais accouru est-il bien le mot, puisque Bothwell ne parut à Jedburgh que vers le 25 octobre, huit jours après le commencement de la maladie ? Chose singulière : ces deux amants supposés, qu'on nous dépeint toujours accourant l'un vers l'autre, attendent chaque fois huit jours, avant de céder à cet irrésistible entraînement dont ils sont possédés. M. Mignet semble indiquer que Bothwell vint en même temps que le Conseil privé. Or le Conseil avait suivi la reine dès le 8 octobre ; cela est prouvé par les registres qui font mention de ses séances à Jedburgh. Et puis, n'est-il pas tout simple que Bothwell, en convalescence, sachant l'extrême danger de la reine, se rende auprès d'elle ? En quoi cela est-il plus compromettant pour lui et pour elle, que pour les autres seigneurs du royaume ? Rappelons encore que Darnley, qu'on croirait ici mis en fuite par la vue du comte, ne manifesta jamais de jalousie contre lui.

Marie Stuart fut retenue à Jedburgh par le manque de forces jusqu'au 9 novembre 1566, comme il résulte des comptes du trésorier[26]. Le 9, elle quitta ce pays qu'elle avait pacifié sans une seule exécution à mort[27], car elle n'aimait ni le sang, ni la vengeance. Elle parcourut lentement la pittoresque vallée de la Tweed jusqu'à Berwick, ensuite le bord de la mer jusqu'à Dunbar. Un brillant cortège de huit cents à mille cavaliers, c'est-à-dire la noblesse du pays lui en faisait les honneurs, sans compter les membres du Conseil privé, Murray, Athol Huntly, Rothes, l'évêque de Ross, Maitland de Lethington et Bothwell. Ce dernier figurait comme membre du Conseil, comme shériff des trois comtés — Teviotdale, Merse et Lothian — que Marie visitait, et comme principal feudataire de la couronne dans cette partie du royaume. Aux approches de Berwick, place anglaise à l'embouchure de la Tweed, on vit arriver sir John Forster, lieutenant du comte de Bedford, à la tête d'un brillant escadron. Il rendit à la reine d'Écosse les mêmes respects qu'à sa propre souveraine. Tel est, en gros, le voyage que les ennemis de Marie Stuart n'ont pas craint de changer en un tête-à-tête entre deux amants éhontés, et dont le journal de Murray marque pertinemment les étapes scandaleuses. 5 novembre. La reine et Bothwell allèrent à Kelso et y habitèrent deux nuits. — 7. Ils allèrent à Langton. — 9. Ils allèrent à Wedderburn. — 10. Ils allèrent à Coldingham où lady Reres et ceux qui étaient avec elle furent surpris par la garde[28]. — 12. Ils allèrent à Dunbar et y restèrent trois nuits. — 16. Ils allèrent à Tantallon, chez le laird de Bass. — 17. Ils retournèrent à Craigmillar[29].... D'abord il est faux que Marie Stuart fût à Kelso du 5 au 7 novembre, puisqu'elle ne partit de Jedburgh que le 9 ; les registres du Conseil privé constatent précisément que, le 5 novembre, il y eut une séance à Jedburgh, que Murray, Bothwell et leurs collègues y assistèrent[30]. Marie n'était pas davantage le 7 à Langton, puisqu'elle habita Jedburgh jusqu'au 9. Quant au reste de l'itinéraire, voici un témoin inattendu et irrécusable. Maitland de Lethington, qui suivit la reine jusqu'au 19, et la quitta ce jour pour se rendre à Wittingham[31], écrivit à Cecil et à Morton le détail de la route. Maitland est dans le cœur un ennemi de sa souveraine ; Morton est le complice passé, présent et futur de Maitland. Caché en Angleterre aux environs d'Alnwick, il guette impatiemment l'occasion et l'heure du retour. Si donc Marie a provoqué l'indignation publique par sa passion pour Bothwell, cet homme qu'ils haïssent l'un et l'autre ; si elle a seulement prêté à la médisance, il est certain qu'elle ne sera pas ménagée. Voyons cette lettre[32] : Sa Majesté la reine étant rétablie de sa maladie, partit de Jedburgh et alla d'abord à Kelso ; après qu'elle y eut passé deux nuits, elle se rendit à Hume, et, en chemin, visita Werke — château sur la rive anglaise de la Tweed. D'Hume, à Langton et à Wedderburn. Alors elle formai le projet de visiter Berwick : et le 15 courant, Sa Majesté se dirigea de ce côté accompagnée de huit cents à mille chevaux. Sir John Forster, lieutenant de milord de Bedford, pour éviter de la meure en soupçon, vint à sa rencontre jusqu'à la frontière, avec ses capitaines et les notables de la ville, qui ne faisaient pas plus de soixante chevaux. Il mena Son Altesse à Halidonhill, et de là, du côté de la ville, de manière qu'elle la découvrit parfaitement. Après qu'elle eut été saluée de toute l'artillerie de la place, il conduisit Sa Majesté à peu près jusqu'à Aytnouth, rendant à Son Altesse tout ce qu'il lui fut possible de courtoisie et d'honneur. De là, elle coucha une nuit à Coldingham, alla à Dunbar, ensuite à Tantallon ; d'où elle continua son chemin sur Craigmillar ; elle compte s'y tenir jusqu'au moment d'aller à Stirling pour le baptême — de son fils —[33]. Tel est le sincère hommage que Maitland rend à la vérité, dans un temps où l'on n'a pas encore pensé à mentir sur Marie Stuart. Que deviennent donc les courses solitaires du couple criminel, de château en château ? Bothwell a si peu marqué personnellement, que Maitland ne pense même pas à le nommer. Que valent les dates du journal de Murray ? En supputant d'après Maitland, la reine est à Kelso du 9 au 11 novembre : le journal l'envoie à Coldingham, le 10. Le dire de Maitland est confirmé par les registres du Conseil privé relatant une séance du 10 à Kelso[34]. Du 11 au 13, d'après Maitland, elle est à Hume ; d'après le journal, du 12 au 15 à Dunbar. Or, avant d'aller à Coldingham et à Dunbar, elle visita Berwick le 15 ; et il est certain qu'elle était à Dunbar le 18 au lieu de Craigmillar qu'indique le journal. Car ce jour-là et dans cette ville de Dunbar, elle écrivit au Conseil privé d'Angleterre pour rappeler en termes affectueux son droit et celui de son fils à la succession de sa cousine[35]. Le Conseil privé d'Écosse écrivit du même endroit et dans le même esprit au conseil d'Angleterre[36]. Il parait qu'Élisabeth avait accueilli par des protestations d'intérêt chaleureux, la confiance avec laquelle Marie, lorsqu'elle se croyait à toute extrémité, lui avait recommandé son fils. La naïveté de l'amour maternel se laissa prendre à ces beaux semblants, sur le rapport de l'ambassadeur écossais, Robert Melvil ; et M4rie remua cette question d'héritage, sans réfléchir qu'Élisabeth haïssait par dessus tout qu'on parlât d'autres droits que les siens à la couronne qu'elle portait.

Le 20 novembre, et non pas le 17, date du journal de Murray, la reine d'Écosse terminait à Craigmillar sa promenade triomphale à travers les comtés du sud-est. Ne devons-nous pas conclure avec miss Strickland, que si, pendant ce voyage, Marie avait foulé effrontément aux pieds toutes les lois de la pudeur et de l'honnêteté, ses accusateurs n'auraient pas été réduits, pour la convaincre, à forger cette suite d'impostures.

Malgré l'empressement de ses nobles et l'éclat extérieur dont elle s'était vue entourée, Marie Stuart était dévorée d'une sombre tristesse. Mal guérie, elle éprouvait des élancements au foie et au côté ; et cependant, elle souffrait encore moins du corps que de l'âme. Placée entre le désir de ramener son mari et l'impossibilité de satisfaire ce dernier, elle se trouvait aux prises avec un problème insoluble et y consumait santé et courage. La reine, dit du Croc[37], est à présent à Craigmillar, éloigné d'environ une lieue de cette ville — d'Édimbourg —. Elle est dans les mains des médecins, et je vous assure qu'elle n'est pas bien. Je crois que le plus fort de son mal est un chagrin profond. Il semble impossible de l'en distraire, et toujours elle répète ces mots : Je voudrais être morte ! — Elle regrettait d'avoir guéri à Jedburgh. Darnley parut à Craigmillar et y passa une semaine (26 novembre-3 décembre). Mais ils s'aigrirent davantage ; lui, toujours aussi exigeant et déraisonnable ; elle, ne voulant ni ne pouvant lui livrer le pouvoir et tourmentée d'une défiance maladive. Il pria du Croc de venir lui parler à une demi-lieue d'Édimbourg. Je trouvai, dit l'ambassadeur à l'archevêque de Glasgow, que les choses vont de mal en pis.... Pour vous dire ma pensée franchement, je n'espère plus, d'après plusieurs motifs, que la bonne entente se rétablisse entre eux, à moins que Dieu n'y mette la main. Je vous dirai deux raisons seulement : la première, que le roi ne voudra jamais s'humilier comme il le devrait ; la seconde, que la reine ne peut pas voir un noble parler avec le roi, sans les soupçonner de quelque intrigue[38].

Une autre question encore les divisait : c'était celle du baptême de leur fils. Charles IX et le duc de Savoie Philibert-Emmanuel avaient accepté d'être parrains ; Élisabeth, d'être marraine. La noblesse d'Écosse, réunie à Édimbourg au commencement d'octobre, lorsque Darnley s'obstinait dans ses bouderies de Glasgow, avait voté un subside extraordinaire, car Marie désirait donner beaucoup d'éclat à cette fête. L'acquiescement gracieux d'Élisabeth lui avait causé une grande joie. Elle saisissait toute occasion de lui remuer le cœur en faveur de cet enfant, rejeton unique des deux familles des Stuarts et des Tudors. Mais Darnley, qui était à lui-même son idole, fut éclairé par l'amour-propre. Élisabeth ne lui avait jamais pardonné, elle l'affectait du moins, de n'avoir pas tenu compte du veto qu'elle avait mis à son mariage avec Marie Stuart, quoiqu'elle eût elle-même mis ce mariage en avant. La conduite d'Élisabeth avait été à cette époque un tissu d'artifices inexplicables. Depuis, elle avait toujours parlé de Darnley comme d'un sujet rebelle, ou bien elle le désignait sous le titre de mari de la reine d'Écosse. Constamment, elle lui avait refusé le titre de roi, et même elle prétendait qu'il n'était son parent que par bâtardise[39]. Darnley donc craignait quelque offense de ce côté, dans la cérémonie qui se préparait ; et comme chez lui l'orgueil avait de beaucoup le pas sur les sentiments de l'époux et du père, il déclarait par avance à Marie qu'il n'assisterait pas au baptême[40]. Ainsi, désolée comme femme et comme reine, elle était blessée encore dans ce qu'une mère a de plus cher. Voilà ce qui lui arrachait les cris de désespoir, que l'on interprète injustement comme l'explosion de son amour pour Bothwell, et comme une malédiction contre la chaîne qui la rivait à un autre homme. Darnley quitta brusquement Craigmillar. Il s'établit à Stirling, dans la maison d'un particulier nommé Willie Bell, et non pas an château, à cause de la haine qu'il nourrissait entre le gouverneur, comte de Mar, et contre la comtesse[41].

Le malheureux ne se doutait pas qu'il venait de trancher lui-même le nœud de sa destinée. Alors en effet les trames qui s'essayaient autour des deux époux, prirent leur direction définitive.

L'idée fixe de ceux des assassins de Riccio qui avaient obtenu de la bénignité de la reine leur pardon et leur réintégration dans leurs biens et dignités, était d'obtenir la grâce de leurs complices encore exilés, tels que Morton, Lindsay, Ruthven, etc., et de réorganiser ainsi leur faction toute puissante désormais. La reine cependant manifestait à l'égard de ceux-ci non pas de la haine, mais de la terreur ; car dans la cruelle nuit du 9 mars 1566, ils avaient poussé la rage jusqu'à lui appuyer le poignard et le pistolet sur le sein. Pour la décider à surmonter sa répulsion, ils pensèrent qu'il fallait lui offrir l'appât d'un grand service. Or, témoins des chagrins domestiques, dont l'abreuvait un insensé qui avait tourné tout le monde contre lui, l'idée d'un divorce se présenta naturellement à leur esprit. Par là es se débarrasseraient d'un ennemi qui, tout faible de caractère et tout isolé qu'il fût, tes inquiétait à force de haine, et ils se rendraient maîtres à la fois de leur souveraine et de l'État. Cette combinaison fut l'œuvre de l'artificieux et profond Maitland, déjà principal instigateur de l'assassinat de Riccio. Elle en recélait une autre bien plus redoutable, qui ne devait pas tarder à se dégager de celle-ci.

Le premier indice paraît dans une lettre de Maitland de Lethington à l'archevêque de Glasgow, écrite le 24 octobre, au plus fort de la maladie de Marie à Jedburgh : La cause de la maladie de la reine, à ce que je comprends, est la mélancolie et le chagrin ; et je crois pouvoir conclure de ce qu'elle m'a déclaré, que le roi en est la source. Car elle lui a fait tant d'honneur, sans l'avis de ses amis et contre le gré de ses sujets ; et lui, d'autre part, l'a tant payée d'ingratitude et se conduit si mal envers elle, que son cœur se brise à la pensée qu'il doit rester son mari et qu'il n'est aucun moyen de se délivrer de luis[42]. Nous croyons que le secrétaire d'État n'avait pas qualité pour tenir ce langage. Il est difficile d'admettre qu'à travers les syncopes, le délire, l'abattement et la fièvre, Marie Stuart eût si bien instruit l'ancien factieux, qu'elle avait rapproché d'elle depuis un mois seulement. Est-ce aussi à de tels moments que l'on songe à se débarrasser d'un mari ? De la part de Lethington, ce n'était pas connaître les dispositions secrètes de Marie Stuart ; c'était les supposer et les suppléer, pour préparer l'archevêque de Glasgow à des ouvertures ultérieures sur le divorce que l'on méditait autour d'elle. Spottiswood, contemporain de Jacques VI, accuse Maitland d'avoir fomenté les dégoûts de la reine au sujet de son mari, d'avoir projeté un divorce entre eux avant le voyage de Jedburgh et remis ce projet sur le tapis après le voyage[43]. Par la suite, Lethington ne fut pas toujours l'ami du régent Murray, ni de ceux qui exercèrent la régence après Murray. Le temps vint alors où Buchanan, ami de quiconque tenait le pouvoir, écrivit contre lui. Dans son pamphlet du Chamœléon (1570), il l'accuse formellement d'avoir semé la zizanie entre les époux royaux. Un jour qu'une noble dame lui disait : Dieu veuille que le roi et la reine s'accordent ! il répondit : Dieu ne les accorde jamais ![44] De même, Camden adresse ce reproche général aux grands. Gardons-nous donc de croire le secrétaire sur parole, quand il prête à Marie ses propres idées touchant le divorce.

Aussitôt que Darnley eut quitté sa femme une fois de plus, Lethington et Murray se mirent à l'œuvre. Ils s'adressèrent successivement aux comtes d'Argyle et d'Huntly, en déplorant l'exil de Morton, de Lindsay, de Ruthven et du reste de leurs amis. Ces derniers avaient, disaient-ils, tué David, pour dissoudre le parlement qui devait voter la confiscation du comte de Murray et des autres ; à leur tour, ils seraient donc bien ingrats s'ils ne travaillaient pas de toutes leurs forces à réintégrer les bannis. Le moyen d'y parvenir, dit Lethington, était de promettre à la reine de trouver un motif de divorce entre elle et son mari. Argyle avait trempé avec Morton dans le complot contre Riccio. Huntly, au contraire, avait failli en être victime ; mais on lui fit espérer, dit-on, sa réintégration définitive dans les biens et les honneurs, dont sa famille avait été dépouillée lors de la catastrophe de 1562. Il parait cependant que déjà Marie Stuart l'avait relevé en mars 1566, avant la dissolution violente dont les meurtriers de l'Italien frappèrent le parlement. Les deux comtes réservèrent la libre volonté de la reine ; et passant tous quatre chez Bothwell qui était gagné d'avance, depuis la réconciliation du 1er octobre, ils se rendirent devant Marie. Lethington porta la parole. Il traça le tableau des offenses intolérables dont le roi s'était rendu coupable envers elle, de sa conduite qui allait tous les jours de mal en pis. S'il plaisait à Sa Majesté de pardonner au comte de Morton, aux lords Ruthven et Lindsay, et à leurs compagnons, ils trouveraient moyen avec le reste de la noblesse de procurer un divorce entre Son Altesse et le roi son mari, sans que Sa Grâce eût seulement à s'en mêler. C'était une résolution qu'elle devait prendre absolument pour son bien particulier comme pour le bien du royaume, car il troublait Sa Grâce et tout le monde ; et s'il continuait à rester avec Sa Majesté, il n'aurait pas de cesse qu'il ne lui dit fait quelqu'autre mauvais tour, auquel Son Altesse serait peut-être fort empêchée d'apporter du remède. Lethington et ses associés continuèrent de discourir quelque temps. A cette époque, un divorce n'avait rien d'extraordinaire. Sans parler des exemples que présentait l'histoire de France et d'Angleterre, Marie en trouvait un chez Marguerite Tudor, sa grand'mère, qui avait divorcé deux fois et contracté trois mariages, sans être plus mal vue. Ébranlée un moment, elle dit toutefois qu'elle ne pourrait y entendre qu'à deux conditions : la première, que le divorce se ferait légalement ; la seconde, qu'il ne porterait aucun préjudice aux droits de son fils, sinon elle aimerait mieux endurer les tourments et affronter tous les périls imaginables, le reste de sa vie. Bothwell s'efforça de la rassurer, en lui rappelant qu'il avait succédé sans difficulté à l'héritage paternel, quoique son père et sa mère eussent divorcé. Mais son éloquence ne la persuada pas. Comme les ministres ajoutaient que, le divorce prononcé, le roi fixerait sa résidence dans une partie du royaume, et elle dans une autre, ou même qu'il aurait à se retirer à l'étranger, elle les interrompit en disant qu'il changerait peut-être, et qu'il vaudrait mieux qu'elle se retirât en France pour un temps, jusqu'à ce qu'il fût rentré en lui-même. Madame, répliqua Lethington, ne vous inquiétez pas. Nous sommes ici les principaux de la noblesse et du Conseil de Votre Grâce, qui trouverons bien le moyen de délivrer de lui Votre Majesté, sans préjudicier à votre fils ; et quoique milord de Murray, ici présent, ne soit pas moins scrupuleux pour un protestant, que Votre Grâce pour une papiste, je suis bien sûr qu'il regardera à travers ses doigts, nous verra faire et ne dira rien. A cette insinuation mystérieuse et formidable, la reine répondit : Je ne veux pas que vous fassiez rien qui puisse blesser mon honneur ou ma conscience. Je vous prie, laissez plutôt les choses comme elles sont, en attendant que Dieu dans sa bonté y porte remède. Car croyant me faire service, vous pourriez ne me causer que dommage et déplaisir. Lethington lui dit : Madame, laissez-nous conduire l'affaire, et Votre Grâce n'en verra rien sortir que de bon et d'approuvé en parlement.

Ainsi finit cette conférence, sur un refus de la reine et sur des paroles de ses ministres, qui la laissaient dans l'idée qu'ils n'agiraient pas en dehors de l'assemblée de la nation. Ces détails nets et circonstanciés sont tirés de l'acte intitulé : Protestation des comtes d'Huntly et d'Argyle touchant le meurtre du roi d'Écosse[45]. Elle est du commencement de janvier 1569. Les deux seigneurs offrent d'en soutenir la véracité par le combat singulier contre Murray et Lethington. On dit bien — Malcolm Laing — que cette protestation fut envoyée par la reine ou en son nom, toute rédigée, aux comtes d'Huntly et d'Argyle pour qu'ils la signassent[46]. Mais outre l'affirmation, il faudrait la preuve. Murray opposa (Londres, 19 janvier 1569) une réponse, qui existe dans les archives anglaises, collée au dos de la pièce précédente. Il se plaint de l'habitude de ses ennemis de le calomnier en arrière, et soutient qu'il n'a été fait devant lui, à Craigmillar, aucune proposition dont l'objet fût illégal et déshonorant. Il ne signa pas d'autre band que l'acte de réconciliation avec Bothwell, pour céder aux exigences de la reine, qui, dit-il, ne voulut pas l'admettre en sa présence, ni lui donner la moindre marque de faveur, avant qu'il en eût pris l'engagement[47]. Ce dernier trait rendrait à lui seul tout le reste suspect. N'avons-nous pas vu, en effet, que, dès le mois d'avril 1566, il était maitre absolu à la cour de sa sœur, tandis que sa réconciliation avec Bothwell n'eut lieu que le 1er octobre suivant ? Du reste, il se tient dans le vague sur les délibérations de Craigmillar et n'aborde pas la question du divorce, qu'après tout, vu les mœurs écossaises, il n'était pas précisément contraire aux lois et à l'honneur de soulever. C'est l'intention secrète qui pouvait être répréhensible. Cecil ne parait pas avoir eu de doutes sur l'authenticité de la protestation des deux seigneurs. Car, au-dessous de la réplique de Murray, il a écrit de sa propre main : 19 janvier 1568 — vieux style —, 1569, réponse du comte de Murray à un écrit des comtes d'Huntly et d'Argyle.

Du reste, la déclaration des deux comtes n'était pas publiée alors pour la première fois. Déjà ils avaient fait partie d'une assemblée de trente-cinq comtes, lords, évêques et abbés, qui, réunis à Dumbarton, chargèrent l'évêque de Ross, les lords Robert Boyd, William Livingston, John Herries, et John Gordon de Lochinvar, chancelier, d'aller soutenir les intérêts de Marie Stuart près d'Élisabeth. L'assemblée donna à ses commissaires des instructions, en date du 12 septembre 1568, dans lesquelles ces faits furent articulés fermement. Les signataires appartenaient aux deux religions ; et sur les cinq commissaires, quatre étaient protestants[48].

L'historien Camden qui, comme on sait, vécut dans la familiarité de Cecil et eut communication de tous les papiers de ce ministre, admet sans balancer l'authenticité de la protestation[49], de même qu'il affirme l'innocence de Marie Stuart. Ainsi nous sommes en droit de ne pas nous arrêter aux scrupules de M. Mignet, lorsqu'il dit, à propos de la suggestion de divorce (t. I, 250) : S'il en faut croire un récit fait sous l'inspiration et dans l'intérêt de Marie Stuart, et plus bas : Selon la version des amis de la reine, il — Lethington — s'en ouvrit également à Murray, qui l'écouta sans le repousser. D'abord, ce dernier point n'est pas tout à fait exact. Les documents originaux ne nous représentent pas le secrétaire allant trouver Murray en premier lieu, pour le convertir à son idée, et les autres personnages après lui. Mais tous deux prennent l'initiative ; ils entrent ensemble chez le comte d'Argyle ; et quand celui-ci est persuadé, sauf certaines réserves, tous trois envoient chercher le comte d'Huntly. C'est dans la conversation devant la reine, que Murray écoute sans rien repousser. La forme dubitative employée par le dernier historien de Marie Stuart donnerait à croire qu'il n'admet pas cette version, et qu'il va en produire une autre, la vraie selon son opinion. Mais celle-ci, on la chercherait inutilement dans son livre ; et sa narration subséquente procède exclusivement de ce récit, dont il a paru d'abord contester la valeur.

Nous n'en avons pas encore fini avec ce séjour de Craigmillar. Que le lecteur ne s'impatiente pas de la lenteur de notre marche. Réfléchissons combien cette histoire est épineuse, et de quelles précautions doit s'entourer celui qui vient s'inscrire et contre les hommes que la haine de parti a jadis inspirés, et contre les écrivains qui ont revêtu de la gravité d'un récit historique ces dépositions passionnées. Ne faut-il pas avancer, la sonde à la main, comme le pilote dans une mer semée d'écueils ?

Buchanan renverse hardiment les rôles. A Kelso, la reine avait protesté que si l'on ne trouvait pas moyen de la délivrer du roi, la vie lui deviendrait insupportable, et que si cela était impossible, plutôt que de continuer à vivre dans de pareils tourments, elle porterait la main sur elle-même. A Craigmillar, à la fin de novembre, en présence du comte de Murray... des comtes d'Huntly et d'Allyle et du secrétaire, elle revint sur le même sujet et ajouta que le moyen le plus commode qu'elle pût imaginer était un divorce avec le roi ; que rien ne serait plus facile.... Elle donna des raisons de nullité, telle que la consanguinité. Mais quelqu'un exprima le doute que si elle procédait par là, son fils serait donc bâtard, étant né hors mariage légitime, surtout que ses parents n'ignoraient pas la circonstance qui rendait leur mariage de nul effet. En réfléchissant sur cette réponse, dont elle sentait la justesse, et n'osant pas dévoiler son projet de se défaire de son filset consilium de filio tollendo aperire non auderet, elle renonça au divorce. Depuis ce jour, elle ne cessa plus de poursuivre son idée de tuer le roi, comme cela résulte bien de ce qui a suivi. Le roi revient de Stirling à Craigmillar ; il reçoit l'ordre de se tenir tranquille à Stirling, s'il veut qu'il soit alloué la moindre chose pour son entretien. Et cela, ajoute gravement le calomniateur, augmenta puissamment les soupçons du peuple, qu'elle ne vivait pas chastement avec Bothwell[50].

Après ce que nous avons rapporté plus haut, il est inutile de réfuter. La citation suffit. Il est pourtant original que, parmi les acteurs, Buchanan omette le seul Bothwell, qui justement rassura Marie sur les droits du jeune prince.

Mais le chef-d'œuvre du genre, c'est l'article suivant du Journal de Murray : 17 novembre. Le couple  They both, Marie et Bothwell — revint à Craigmillar. Ils commencèrent à raisonner sur le divorce entre elle et le roi son mari ; et ils restèrent là jusqu'au 3 décembre. Pendant ce temps, le roi vint de Stirling et se présenta devant elle ; il fut repoussé. Tout est imposture ; impostures de dates : le 17 novembre, Marie était à Coldingham ; le 20 seulement à Craigmillar. Elle quitta ce dernier château non le 3 décembre, mais le 5 au plus tôt, et le 7 peut-être[51]. Impostures de faits : la lettre de Lethington du 19 novembre et celle de sir John Forster établissent que la reine ne' voyageait pas seule à seule avec Bothwell, mais accompagnée de ses ministres et de la noblesse du pays environnant.. Si elle raisonne divorce en compagnie de Bothwell, pourquoi repousse-t-elle, plusieurs jours après, la proposition que ses ministres, Bothwell compris, lui présentent, proposition qui aurait dû combler ses vœux ? — Darnley ne vint pas de Stirling, mais de Glasgow, qu'il habitait avec son père, nous l'avons vu. Il ne fut pas repoussé, repulsit, suivant la formule consacrée dans le journal, ce qui veut dire exclus sur le champ ; mais il fut reçu, puisqu'il resta du 26 novembre au 3 décembre, et s'en alla volontairement : témoin, du Croc. On ne saurait souhaiter un échantillon plus complet du système de mensonge employé contre la malheureuse reine.

Lethington et ses associés abandonnèrent le divorce. Ce n'était pour eux qu'un moyen et non pas un but. Ils résolurent de tuer celui qu'ils ne pouvaient dégrader du trône, de même qu'ils avaient déjà voulu l'assassiner pour l'empêcher d'y monter. Sir James Balfour, un des meurtriers du cardinal Beaton, vingt ans auparavant, rédigea un band portant : qu'attendu qu'il était jugé convenable et très-utile au bien public, par toute la noblesse et les lords soussignés, qu'un jeune fou et un tyran de cette espèce ne régnât, ni n'exerçât le pouvoir sur eux : pour divers motifs, ils avaient résolu de s'en débarrasser par un moyen ou par un autre. En conséquence, ils étaient convenus de défendre et de soutenir quiconque se chargerait de l'exécution, le fait de chacun d'entre eux étant réputé le fait de tous[52]. Huntly, Argyle, Lethington signèrent l'acte qui fut remis à Bothwell, pour lui servir de garantie ; car c'était lui qui prenait en main ce triste exploit. Ne peut-on pas dire que la teneur du band démontre assez que la reine y était étrangère ? Sans cela, on n'eût pas manqué de se targuer de son nom et de l'y compromettre. Une autre circonstance met bien en lumière l'origine et le vrai caractère du fait. Un certain Archibald Douglas qui, exilé avec Morton pour le crime du 9 mars, avait obtenu son pardon, grâce à Charles IX et à l'ambassadeur français Castelnau, fut à cette époque envoyé en Écosse par Morton, Ruthven et Lindsay, auprès des comte de Murray, d'Athol, de Bothwell, d'Argyle et du secrétaire Lethington, afin de les prier de s'employer à leur rappel. La réponse des ministres fut qu'ils avaient jugé à propos de se réunir en une ligue et confédération avec quelques autres nobles, pour refuser l'obéissance au roi dont ils étaient las ; que si Morton et ses amis voulaient entrer dans cette ligue, ils s'emploieraient à obtenir leur pardon ; mais qu'ils n'agiraient pas avant de savoir leurs intentions à ce sujet. Ils assignèrent pour délai le baptême prochain du prince royal. Archibald, n'ayant pas d'instructions pour cette ouverture imprévue, retourna près de Morton à Newcastle, où il va sans dire que son message ne rencontra point d'objections[53]. La chose est donc bien claire. Le complot contre Darnley, commencé dès l'an 1565, est un complot aristocratique, conçu et tramé en dehors de la reine.

La reine quitta Craigmillar pour Holyrood vers le 7 décembre ; et Holyrood, pour Stirling, le 10 du même mois[54]. C'est dans cette ville qu'elle voulait baptiser solennellement son fils. Elle parvint à ramener son mari de la maison de Willie Bell qu'il occupait, dans le château, près d'elle. Cela était plus convenable que de donner aux envoyés étrangers la preuve palpable des dissentiments qui régnaient entre les deux époux. Ce n'est pas là l'opinion du Journal de Murray : 5 décembre. Ils allèrent à Stirling ; elle-tira le roi de son logement dans la maison de Willie-Bell pour le mettre au château, dans l'endroit le plus obscur. La date est fausse. Ils, c'est toujours le couple, la reine et Bothwell. Il semble que l'Écosse soit vide autour d'eux, que les voyages d'apparat au travers des provinces, que les fêtes nationales les plus éclatantes et les plus attendues, ne soient que des tête-à-tête de débauche.

Le baptême fut célébré avec beaucoup de pompe, le 17 décembre 1566, dans la chapelle du château de Stirling. Le roi de France et le duc de Savoie, parrains, étaient représentés, le premier, par le comte de Brienne ; le second, par du Croc, en l'absence de l'envoyé piémontais, comte de Moretta, qui n'était pas encore arrivé. La reine d'Angleterre, marraine, avait délégué le comte de Bedford, et plus particulièrement la comtesse d'Argyle pour la participation religieuse à la cérémonie. Bedford apportait en présent d'Élisabeth un riche bassin de vermeil qui servit à baptiser l'enfant par immersion. La cérémonie fut faite selon le rite catholique, par l'archevêque de Saint-André, assisté des évêques de Dunkeld et de Dumblane, Darnley n'y voulut point paraître ; en revanche, d'après Buchanan, Bothwell aurait paru beaucoup trop.

Sur la foi de cet écrivain et d'une lettre de sir John Forster, mentionnée dans Tytler, M. Mignet a dit : Bien qu'elle — la cérémonie religieuse — s'accomplit selon le rite catholique par l'archevêque de Saint-André, ce fut le protestant Bothwell qui la dirigea '[55]. Darnley n'y parut point, quoiqu'il fût au château de Stirling. Irrité tout à la fois et confus, il avait menacé deux jours auparavant de partir. Il resta néanmoins, mais il s'enferma chez lui pendant le baptême et les fêtes qui le suivirent.... L'humiliation ne pouvait pas être plus grande. Le roi était méprisé au milieu de la cour, le père n'avait pas de place au baptême de son fils (I, p. 254) ; c'est-à-dire que Marie Stuart afficha son mépris éhonté des devoirs de la famille, dans la circonstance où ils s'imposent à une mère plus touchants et plus sacrés ; que Darnley irrité d'un tel affront s'exclut lui-même de la fête, offensé également comme roi et comme père.

Examinons : A défaut du texte de la lettre de sir John Forster, que Tytler ne reproduit pas, remarquons que l'officier anglais n'était pas présent à Stirling ; il écrit de Berwick et ne sait les choses que de seconde main. La date de la lettre, dans l'historien écossais, est du 11 décembre, antérieure de six jours au baptême : l'indication se rapporte donc au gros des préparatifs dont Marie, souffrante et délaissée de Darnley, aurait délégué la surveillance au comte de Bothwell. Il s'agirait de la réception à faire aux étrangers ; pas du tout de l'acte religieux. Ce renseignement, fût-il ce que l'on dit, ne saurait prévaloir contre deux documents authentiques, émanés de témoins oculaires. Une chronique du temps, The Diurnal of OccurrentsJournal des événements —, très-précieuse pour son exactitude à relater les dates et les détails[56], décrit l'ordre dans lequel le cortège se rendit à la chapelle : D'abord, les représentants des parrains et marraine, avec le jeune prince dans les bras du comte de Brienne ; immédiatement après, le comte d'Athol, portant le cierge d'usage ; le comte d'Églinton, le sel ; lord Sempill, le chrémeau — bonnet destiné à l'enfant — ; l'évêque de Ross, les fonts. — Et Bothwell ? — Bothwell n'entra pas dans le lieu consacré. Les gentilshommes, que nous venons de nommer, étaient catholiques. Le Diurnal dit positivement que milords Huntly, Murray, Bothwell, de même que l'ambassadeur anglais, restèrent en dehors de la chapelle ; y entrer, eût été contraire à leurs principes religieux. Ce témoignage est corroboré par une sorte de procès-verbal que rédigea l'archidiacre de Dumblane, constatant qu'en fait de nobles, les seuls comtes d'Athol et d'Églinton, les lords Ross, Seton et Sempill, assistèrent au sacrement[57]. Knox déclare que la reine ne trouva, pour assister au baptême, que les comtes d'Églinton et d'Athol et lord Seton[58]. La comtesse d'Argyle, quoique protestante, avait surmonté sas scrupules et présenté le prince au rite catholique : Son église scandalisée lui infligea des censures publiques[59]. Comment donc Bothwell dirigea-t-il du dehors ce qui se fit à l'intérieur de la chapelle ? Qu'avait-il à diriger dans une cérémonie purement religieuse, réglée minutieusement par la liturgie ? Comment comprendre qu'un archevêque catholique souffre qu'un baptême qu'il est chargé de célébrer, et le baptême d'un prince héréditaire, soit conduit sous ses propres yeux par un hérétique, lequel de son côté en a tant d'horreur, qu'il se tient au loin et se garde bien d'y figurer ?

Mais si Darnley n'eut pas la mortification de voir un étranger usurper sa place au baptême de son fils, on dira que sa femme ne lui épargna pas le spectacle des préférences insultantes pour le favori ; que celui-ci écrasa de son luxe l'époux et le roi, et le réduisit à dévorer son opprobre au fond du palais : c'est Buchanan qui va parler : Les envoyés de France et d'Angleterre étant arrivés pour assister au baptême du prince, la reine prodigua l'argent, sa peine et son zèle, pour que Bothwell brillât au milieu de ses compatriotes et des étrangers, par la magnificence extraordinaire de son costume ; et pendant ce temps, son mari légitime, alors que son fils devait recevoir l'eau sainte, était non-seulement privé de tout argent pour ses dépenses nécessaires, mais recevait la défense de se montrer devant les ambassadeurs. On lui ôta les serviteurs attachés à sa personne, et l'on interdit à la noblesse de lui rendre aucun devoir. La noblesse, de son côté, ne peut se défendre d'une pitié profonde pour le jeune prince qu'une femme implacable laisse ainsi dans l'abandon. — N'oublions pas que ces nobles étaient les mêmes qui élaboraient alors un plan d'assassinat contre lui. — La reine, continue notre auteur, expliqua l'absence du roi, sur ce que les ouvriers n'avaient pas terminé ses vêtements à temps, tandis qu'elle avait fait de sa propre main presque tous les ornements qui paraient Bothwell. Elle invita même les envoyés étrangers à ne pas s'entretenir avec le roi, quoiqu'ils dussent passer la plus grande partie du jour tout près de lui, sous le même toit[60].

Ce passage a inspiré évidemment M. Mignet, juge si sévère de Marie Stuart. Mais pour le dénuement supposé de Darnley, c'est la continuation du mensonge auquel nous ayons déjà opposé les paroles que du Croc adressait à Darnley lui-même, au commencement d'octobre : qu'il se doit bien contenter de l'honneur et bonne chère qu'elle — la reine — lui faict, le traictant et honorant comme le roy, son mary, et luy entretient fort bien sa maison de toutes choses — lettre à Catherine de Médicis, 17 octobre 1566. Il y a pourtant un point de vérité dans l'assertion que Marie s'occupa de la toilette de Bothwell ; mais Buchanan, selon sa coutume, l'a étendu abusivement. Le 19 septembre sir John Forster raconte à Cecil que la reine, pardonnons-lui cet amusement féminin, examinant et assortissant ses joyaux, choisit les couleurs que les principaux des nobles porteraient à la fête dont elle s'occupait de loin avec tant d'amour, et qu'elle donna de ses deniers un habillement complet, vert à Murray, rouge pour Argyle, bleu à Bothwell[61]. Voilà le fond des déclamations de Buchanan.

Alors, pourquoi donc, si Marie Stuart est pure des reproches qu'on lui adresse dans ces circonstances, pourquoi Darnley observa-t-il cet isolement farouche, le cœur fermé aux joies paternelles ? C'est pour un motif que Buchanan a passé sous silence, et le seul que M. Mignet n'ait pas touché. Nous avons dit qu'Élisabeth faisait profession de colère contre Darnley, pour avoir, malgré sa défense, épousé la reine d'Écosse. Elle avait saisi les biens du comte de Lennox en Angleterre et tenait la comtesse en prison. Si néanmoins, jouant le rôle de bonne sœur, elle consentit sans se faire prier, à tenir le fils de Marie Stuart sur les fonts de baptême, la perfide prit soin d'empoisonner pour le mari ce qui était une complaisance aimable pour l'épouse. Elle défendit expressément au comte de Bedford, et le comte aux gens de sa suite, de saluer Darnley du titre de roi[62]. Il est vrai que ceci ne se trouve pas dans les instructions écrites que Bedford emporta[63] ; mais en de telles matières, des instructions verbales suffisent. Darnley en avait le pressentiment. Du Croc, dans sa lettre du 17 octobre à Catherine de Médicis, lettre où nous avons déjà puisé, soupçonne que la colère du prince, le 29 septembre, et son séjour obstiné à Glasgow, sont calculés ; qu'il veut temporiser jusqu'après le baptesme, pour ne s'y trouver poinct. Car je ne vois que deux choses qui le désespèrent : selon mon opinion, la première est la réconciliation des seigneurs avec la royne, parce qu'il est jaloux de ce qu'ils font plus de cas de Sa Majesté que de luy, et comme il est hault et superbe, il ne vouldroit pas que les estrangiers le cognussent ; l'autre, c'est qu'il s'assure que celuy ou celle qui viendroit pour la loyne d'Angleterre audict baptesme ne fera compte de luy. Il prend une poeur de recepvoir une honte. S'il estoyt bien advisez et conseillez, il n'entreprandroit pas plus qu'il ne doibt, et il ne seroit point en la peine qu'il est[64].

Du Croc y revient le 2 décembre, en écrivant à l'archevêque de Glasgow : Le roi compte partir demain — de Craigmillar — ; en tout cas, je suis certain, comme je l'ai toujours été, qu'il ne veut pas être au baptême[65]. Le 23 décembre, dans une nouvelle lettre à l'archevêque : Le roi avait toujours dit qu'il partirait deux jours avant le baptême ; mais, le moment venu, il n'en fit plus montre ; il se contenta de se tenir enfermé dans son appartement. Le jour du baptême, il envoya trois fois pour me prier ou de l'aller voir chez lui, ou de lui indiquer une heure où il pourrait se rendre chez moi, de sorte qu'à la fin je dus lui signifier qu'attendu qu'il n'était pas en bonne intelligence avec la reine, j'avais ordre du roi Très-Chrétien de ne pas conférer avec lui. Je lui fis dire encore qu'il ne convenait pas qu'il vint à mon logement à cause de la foule dont il était rempli ; et que d'ailleurs je lui faisais savoir que, dans cette maison, il y avait deux portes ; et que s'il entrait par l'une, je serais contraint de sortir par l'autre. Sa mauvaise manière d'être est incurable, et l'on ne peut attendre de lui rien de bon, pour plusieurs raisons que je vous dirais si j'étais avec vous. Je n'ai pas la prétention de prédire ce que tout cela deviendra, mais j'affirme que les choses ne peuvent pas rester longtemps comme elles sont sans produire de mauvaises conséquences[66]. Si l'absence et la colère de Darnley provenaient du ressentiment de l'époux outragé, comment le respecté et respectable du Croc lui aurait-il tenu un langage si rude, aussi incompréhensible qu'injustifiable ? Ainsi, sur ce fait encore, Marie Stuart est accusée à faux.

Où Bothwell figure, c'est au souper qui termina la journée. Le comte de Murray faisait fonction d'échanson ; Huntly et Bothwell, d'écuyers tranchants. Les réjouissances durèrent plusieurs jours, très-solennelles et très-brillantes. Marie s'armait de tout son courage pour fêter ses hôtes ; le sourire sur les lèvres, elle dominait la douleur physique et refoulait au fond de son âme le chagrin toujours près de déborder. La reine, dit encore du Croc à l'archevêque de Glasgow, s'est conduite admirablement bien tout le temps du baptême ; elle s'empressa tellement pour traiter de son mieux cette belle compagnie, qu'elle en oubliait presque ses maux. Malgré cela, je crois qu'elle nous donnera encore du tourment, et je ne pourrai pas m'empêcher de le penser,tant qu'elle sera en ces ennuis et regrets[67]. — Elle me fit chercher hier ; je la trouvai sur son lit, pleurant à chaudes larmes. Elle se plaignait d'une cruelle douleur au côté. Pour l'achever, le malheur voulut que le jour de son départ d'Édimbourg, en venant ici, elle se froissât la poitrine contre le cheval. Elle me dit qu'elle est très-enflée. Je suis bien chagriné des peines et des afflictions où elle est.

Il parait cependant que les prévisions de du Croc sur les brouilleries des deux époux reçurent inopinément un démenti. Marie vit et ramena Darnley ; il pleura beaucoup et promit de ne plus écouter ceux qui lui donnaient de mauvais conseils. La magnificence qu'elle venait de déployer dans les fêtes et dans les cadeaux dont elle gratifia ses hôtes anglais, avait dévoré ses maigres finances. Elle envoya une partie de son argenterie à la monnaie ; et son mari, comme gage de réconciliation, voulut sacrifier aussi quelques ustensiles du précieux métal affectés à son usage personnel[68]. Ce fait, naturel dans la situation, change étrangement lorsque Buchanan s'en empare. La reine, enivrée de fureur contre le pauvre jeune homme désarmé, après lui avoir refusé des habits pour paraître en public conformément à son rang, lui enlève de haute lutte les vases d'argent qui dataient de leur mariage, et, par dérision, les lui remplace en étain[69].

La bonne harmonie malheureusement ne dura guère ; elle se rompit de nouveau sur sa pierre d'achoppement, la question politique. Sous le manteau des fêtes se poursuivait le travail souterrain, ourdi à Craigmillar contre le roi et contre la reine. Archibald Douglas apporta de Newcastle l'adhésion que Lethington et Murray avaient exigée de Morton et des autres exilés avant de s'employer à leur rappel[70]. Alors (24 décembre 1566) Murray, Athol, Lethington, Bothwell, le comte de Bedford de la part d'Élisabeth, l'envoyé français de la part de Charles IX, bien abusé par de fausses apparences de concorde, tous ensemble obsédèrent tellement la reine, qu'ils lui arrachèrent le pardon des bannis au nombre de soixante-dix-neuf ; en première ligne : Morton, Ruthven, Lindsay, les mêmes qui, six mois après, lui arrachèrent sa couronne[71].

Robertson n'est pas dans la vérité lorsqu'il attribue cet acte de clémence à l'influence du seul Bothwell. Marie, qui jusqu'alors avait résisté à toutes les sollicitations en leur faveur, se rendit enfin aux instances de Bothwell. M. Mignet dit à peu près de même : Sur les instances de Lethington et de Bothwell, Marie Stuart, Mettant en oubli ses ressentiments contre les principaux meurtriers de Riccio, rappela Morton.... (T. I, p. 255). Remontons aux pièces authentiques : nous trouverons que la politique anglaise eut la part principale à cette condescendance funeste de Marie Stuart. Le 30 décembre 1566, Bedford mande à Cecil : La reine a maintenant accordé au comte de Morton, aux lords Ruthven et Lindsay leur décharge et pardon. Le comte de Murray s'est montré tout à fait leur ami auprès de la reine ; moi aussi, d'après vos instructions. Les comtes de Bothwell, d'Athol et tous les autres lords s'en mirent également, sans cela il n'eût pas été aisé d'obtenir de tels pardons[72]. Dans une dépêche ultérieure, Berwick, 9 janvier 1567, il dit encore au ministre anglais : Le comte de Morton, maintenant pardonné, se regarde tout à fait comme votre obligé pour la faveur et le bon vouloir que vous lui avez témoignés en tout ceci. Il y eut bien certaines gens[73] qui s'opposèrent de leur mieux ; mais ses amis le soutinrent avec tant de force qu'ils l'emportèrent. Parmi eux, le comte de Bothwell se joignit, en fidèle ami, au comte de Murray ; ainsi firent Athol et les autres[74]. Sans doute Bothwell agit avec ses alliés ; mais on voit bien qu'au lieu de tenir le rôle décisif, il n'est que simple comparse. Élisabeth elle-même achèvera de nous éclairer. Quelques mois plus tard, en écrivant à Throckmorton, son ambassadeur (27 juillet 1567), elle triomphe de l'éclatant succès qu'elle remporta en cette occasion : Le comte de Morton trouva un refuge dans notre royaume, quand il dépendait de nous de le livrer à la mort ; et avant lui déjà, son père et son oncle, service dont ils ne furent pas médiocrement redevables à notre père ; lui-même fut réintégré par égard pour nous, sur les instances que fit, d'après nos ordres, le comte de. Bedford pendant son séjour auprès de la reine — d'Écosse —[75].

Dès qu'Élisabeth fait parade d'influence à la cour d'Écosse, il est certain que c'est pour le mal. Premier et fatal effet : Darnley conçut une telle colère du triomphe de ses ennemis, ses anciens complices, que, sur-le-champ, il quitta Stirling sans prendre congé de sa femme, et se retira près de son père à Glasgow.

Marie demeura donc seule, comme d'habitude, à expédier les affaires publiques. La principale du moment concernait le traitement des ministres dont l'Église protestante, en assemblée générale, déplorait l'extrême exiguïté. Marie le régla sur des bases très-libérales, à la satisfaction de John Knox[76]. Puisqu'elle pourvoyait aux besoins d'une Église, elle crut pouvoir complaire à l'autre, la sienne : elle rétablit la juridiction et la cour consistoriale de l'archevêque de Saint-André. Les pouvoirs de cette cour comprenaient non-seulement la confirmation des testaments, la collation des bénéfices, etc. ; mais de plus, du moins les réformés le déclarèrent, le droit de rechercher et de poursuivre l'hérésie. Elle entraînait la suppression des commissaires protestants, qui avaient pris la place des juges catholiques. La reine avait manqué de prudence, car ce n'était pas là réclamer la simple tolérance en faveur de son Église, c'était lui mettre une arme offensive entre les mains ; et, quoiqu'on puisse bien affirmer qu'elle n'avait pas l'intention de brûler personne, on comprend le Iodle qui s'éleva dans le parti opposé contre l'Antéchrist et la bête venimeuse qui relevait la tête, après qu'on l'avait crue brisée pour toujours. Quel était l'auteur de cette fâcheuse mesure ? Il serait naturel de supposer que c'était l'archevêque lui-même, lui qui devait en profiter, et qu'il se servit pour cet objet à la fois de la circonstance du baptême, et du calme surprenant avec lequel le peuple avait revu alors les pompes du culte romain. Mais Knox affirme que ce fut Bothwell. Robertson donne Bothwell à Marie pour auxiliaire dans le projet de restaurer l'ancienne religion. Elle agissait toujours sous l'inspiration, de Bothwell, et c'était un motif plus criminel encore qui déterminait celui-ci à conseiller une pareille mesure. Que le comte fût de moitié avec la reine pour relever le catholicisme, il faudrait d'autres preuves qu'une simple affirmation. Il pactisait avec l'ambition, même avec le crime ; mais les faits l'ont déjà démontré, il ne pactisait pas avec l'Église de Satan ; la suite le démontrera derechef. Son motif, plus criminel encore, serait l'intention d'assassiner le roi pour épouser la reine, et, dans ce cas, de divorcer préalablement avec sa femme, la catholique lady Gordon. Il nous semble qu'on fait ici une confusion sur les prérogatives de cette cour consistoriale. L'Église protestante s'émeut parce que la juridiction de l'archevêque, telle qu'elle vient de renaître, s'exercera sur toutes les personnes du diocèse sans distinction, et qu'elle amènera au pied du tribunal ecclésiastique les protestants aussi bien que les catholiques. Quant à ces derniers, il va de soi qu'ils resteront comme auparavant soumis à la juridiction canonique, et que les annulations de mariages contractés par des catholiques seront toujours du ressort de l'archevêque. Bothwell, s'il médite déjà son divorce, n'a donc nul besoin d'innover sur ce point. A la rigueur, nous aurions pu nous dispenser de discussion et produire tout de suite l'extrait suivant de la lettre de Bedford à Cecil (9 janvier 1567) : L'archevêque de Saint-André avait obtenu dernièrement de la reine le droit d'user d'une certaine juridiction, dans divers cas, conformément aux lois canoniques. Elle pensait ériger cette cour à Édimbourg ; mais comme cela fut trouvé contraire à la religion, et que les habitants étaient mécontents, la reine, sur la requête de milord de Murray, voulut bien révoquer ce qu'elle venait d'accorder audit archevêque[77]. Ainsi la chose fut établie et défaite presqu'en même temps ; et là où l'on parle de l'influence irrésistible de Bothwell, nous trouvons une fois de plus celle de Murray. Voilà un dominateur qui ne domine guère.

Vers la fin de décembre, Marie, pour se distraire de ses soucis, visita quelques châteaux des environs de Stirling, ceux de lord Drummond le 28, de lord Tullibardine, son chambellan, le 31 décembre. Ces dates sont celles de différents actes qu'elle rendit chez ses hôtes, d'où il résulte qu'elle voyageait avec sa chancellerie, coutume générale du seizième siècle ; et que, par conséquent, le journal de Murray ment sur ces excursions lorsqu'il dit : 24 décembre. Ils — Marie et Bothwell — s'en allèrent à Drymen, chez lord Drummond — milord Bedford étant parti la veille pour Saint-André —, et ils y restèrent cinq jours.... — 31. ils retournèrent ensemble à Stirling et y restèrent jusqu'au 14 janvier. Buchanan tonne aussi contre les scandales immondes dont ils firent spectacle huit jours durant, à Drummond et à Tullibardine : calomnies comme pour le voyage de Jedburgh. Ils ne passèrent pas davantage la première quinzaine de janvier 1567 ensemble à Stirling ; car la signature du comte fait défaut dans les actes du Conseil privé, aux séances du 2 et du 10 janvier 1567. Présent à Stirling, il n'eût pas manqué de prendre sa place parmi les conseillers de la couronne. James Melvile, alors à la cour et ami de Murray, ne parle pas de Bothwell à ce moment-là. De même, les lettres de Bedford, du 30 décembre et du 9 janvier, sont muettes. Comment un scandale si criant aurait-il échappé à des yeux si clairvoyants, à des plumes si venimeuses[78] ?

Le comte de Bedford, après avoir passé une semaine à Saint-André avec Murray, qui régala et fêta de son mieux le représentant du gouvernement anglais, patron infatigable de tous les conspirateurs d'Écosse, revint le 1er janvier à Stirling, où l'attendait la reine, revenue de Tullibardine. Il eut son audience de congé le 5, et, le lendemain, reprit le chemin de Berwick[79].

Nous voici à l'entrée de la sombre année 1587. Avant de nous y engager et de marcher vers la catastrophe désormais imminente, jetons un coup d'œil en arrière sur le chemin parcouru. N'est-il pas évident que les faits antérieurs, et particulièrement ceux de l'année 1566, ont été falsifiés par les ennemis de Marie Stuart ? ils ont dit qu'à partir de l'assassinat de Riccio, elle avait tout mis aux pieds de Bothwell : dignités, argent, crédit, et son propre honneur. Nous avons démontré qu'il tenait presque toutes ses dignités de ses ancêtres ; qu'après les plus grands services, il reçut de la reine seulement la capitainerie de Dunbar ; en argent, des avantages de peu d'importance. Quant à son crédit, que Murray, son ennemi, l'emporta dans toutes les luttes d'influence ; quant à son empire sur le cœur et les sens de Marie, que les faits allégués sont calomnieux, et pour le voyage d'Alloa, et lors du séjour à Édimbourg en septembre, et lors de la course de l'Ermitage, et pendant le séjour de Jedburgh, pendant le voyage de Jedburgh à Craigmillar, et lors du baptême du prince royal, et durant le mois qui suivit. Pas une des assertions de Buchanan, source première de ce flot d'infamies, qui supporte le grand jour. Nous avons eu la bonne fortune de voir les faits racontés dans leur simple vérité, au moment où ils avaient lieu, par les mêmes hommes qui, plus tard, les ont travestis — ainsi le voyage de Jedburgh à Craigmillar — ; et, par là, le secret de leur tactique est mis à découvert. Il est donc permis de l'affirmer : au commencement de 1567, Marie Stuart est toujours pure et irréprochable dans ses mœurs.

Reste cependant à éclaircir un point que nous n'avons pas encore discuté. L'accusation portée contre la royale victime est double : amour désordonné pour Bothwell, haine implacable contre son mari. Tel abandonnerait le premier grief, qui soutiendrait le second. En effet, on comprendrait sans peine que la femme de Darnley, après le rôle abominable de celui-ci dans le meurtre de Riccio, n'eût jamais voulu le revoir, et en eût gardé une colère sans fin. C'est sur une telle supposition, conforme à la nature humaine, qu'on bâtit sans invraisemblance apparente la complicité de Marie Stuart dans le châtiment du coupable. Ulcérée jusque dans les derniers replis du cœur, elle fut, dit-on, imperturbable à dissimuler pour le mener traîtreusement vers l'expiation. — D'abord, nous prétendons que rien, dans le caractère de la reine, n'autorise un raisonnement de ce genre. On peut citer d'elle des traits de clémence et de générosité ; où sont ceux de méchanceté et de rancune ? On répond que, par la suite, en 1571, elle manifesta de la joie du meurtre du comte de Murray ; plus tard encore, en 1582, de la mort du prince d'Orange dans les Pays-Bas ; qu'elle peut donc être regardée comme capable d'avoir trempé dans un crime qui la débarrassait d'un mari contre lequel elle avait d'ailleurs tant de justes motifs d'aversion et de haine[80]. Nous croyons que, pour apprécier la reine d'Écosse au commencement de 1567, il ne faut pas regarder ce qu'elle put devenir après des années de captivité et d'atroces souffrances, ni juger le fond et l'essence de son âme par quelques bouffées d'exaspération longtemps après les événements qui nous occupent ; il faut la considérer avant l'année 1567, et voir ce qu'elle venait d'être pendant les vingt-quatre premières années de sa vie, pour conjecturer équitablement ce qu'elle était en entrant dans la vingt-cinquième. Or, nous l'avons trouvée généreuse partout et toujours. A Murray, à Lethington, à tant d'autres qui ne vécurent que pour la trahir, elle rendit leurs biens et leurs dignités, elle rendit sa confiance, dès qu'ils simulèrent le repentir. Que ce fût l'effet d'un calcul, pour se concentrer sur le soin de creuser la fosse de son mari, cela supposerait un esprit de suite, une raideur et une énergie de volonté qu'elle n'avait pas ; une immoralité féroce, dont sa jeunesse, aimante et douce, n'a pas donné un seul indice. Il faudrait qu'elle fût la femme dont Buchanan a tracé le portrait ; portrait dans lequel tout est faux. Sortons, au reste, de ces observations générales, et cherchons si, pour pénétrer dans les sentiments intimes de Marie Stuart, l'histoire ne nous fournira pas quelque lumière.

Lorsqu'une réaction populaire ramena Marie dans sa capitale, après le crime des grands et de Darnley contre Riccio et contre elle-même, elle commença par accorder à son mari un plein pardon pour toutes les trahisons dont il avait pu se rendre coupable, afin, disait-elle, que si elle venait à mourir et que l'on dirigeât des poursuites contre lui, il fût en mesure de plaider le pardon et d'en administrer la preuve[81]. Elle s'occupe donc de le mettre à couvert après elle ; car elle est grosse de six mois, et à la suite d'une telle secousse, le travail de l'enfantement pourrait se terminer par la mort, la mort dans laquelle il aurait une part écrasante de responsabilité. Le terme redouté s'avance ; l'idée que la catastrophe d'Holyrood en entraînera une autre pour la mère et l'enfant, est présente à tous les esprits. Marie se prépare, elle fait son testament[82]. Elle dresse la liste de ses bijoux, en inscrivant à côté de chacun le nom de la personne à laquelle elle le destine, avec cette réserve finale : J'entends.... c'est ainsy soyt exécuté au cas que l'enfant ne me survive ; mays si il vit, je le foy héritier de tout. Il y a des legs pour ses parents de France, pour son ancienne gouvernante, pour les quatre Marie — Livingston, Fleming, Beton et Seton —, les comtes et comtesses de Murray, de Mar, de Lennox, les comtes d'Huntly, de Bothwell, d'Argyle, les comtesses d'Argyle et de Bothwell, en un mot pour tous ceux de sa cour et de sa maison qu'elle croyait ses amis. Les dons Au Roy sont de beaucoup les plus nombreux et les plus magnifiques. A la page des bagues pour les doights, on lit à demi effacés par les larmes, ces mots : Souvenances pour mes ames biens amis ; en première ligne : Au roi, un anneau en diamant émaillé de rouge. Vis-à-vis, elle a écrit : C'est celui avec lequel je fus épousée. De l'autre côté, un peu plus bas : Pour le roi qui me le donna[83]. N'est-ce pas une de ces preuves tout intérieures que nous cherchons ? N'est-ce pas le cœur qui s'ouvre de lui-même ? La crise suprême approchant où elle va peut-être laisser sa vie et celle de son enfant, que son mari leur a arrachée à moitié, au moment de paraître devant le tribunal divin, recueillie dans le secret de ses pensées et de sa conscience, elle le comble de présents ; elle fait plus : elle lui rappelle par le gage muet de leur union, les doux et passagers instants de leur amour. Dites ! si c'est une vengeance, qu'elle est loin de l'explosion de Kirk-of-Field !

Bothwell figure pour un diamant monté sur émail noir et un autre bijou de deuil, appelé enseigne, composé de onze diamants et d'un rubis. Murray, Huntly, Argyle sont traités beaucoup plus libéralement.

Après ce testament, les efforts de Marie, soit par elle-même, soit par l'intermédiaire de du Croc, pour ramener Darnley pendant l'automne de 1566 ; le violent chagrin que lui cause l'obstination du jeune homme ; le refus qu'elle oppose à ceux qui lui offrent de briser son mariage, sont autant de signes d'une disposition persistante à aimer et à pardonner.

Citons encore deux faits qui ont une étroite relation avec ce sujet, bien qu'éloignés en date. Au mois d'août 1586, Élisabeth fit saisir inopinément à Chartley les joyaux, la vaisselle, les papiers, les cassettes de sa captive. Parmi ce honteux butin, on ramassa plusieurs petites bottes d'or en forme de livres. Elles s'ouvraient, et laissaient voir deux ou trois miniatures, entr'autres celles de François II, le premier époux tant regretté ; et dans une sorte de triptyque, Darnley, Marie, avec leur fils au milieu[84]. Conçoit-on, si elle avait eu à se reprocher de la haine et une part dans le meurtre de celui qu'elle appela toujours feu son seigneur, le roi Henri, conçoit-on qu'elle eût gardé précieusement cette triple image pendant vingt années de tortures ? qu'avide de consolations et de force parmi ses angoisses, elle embrassât du même regard et l'enfant qu'elle chérissait, et le mari qu'elle aurait trahi et assassiné ?

Il y a quelques années, on trouva dans les ruines du dernier séjour de Marie, le château de Fotheringay, où la hache finit sa captivité, un cachet en forme d'anneau, portant d'ut ; côté le lion d'Écosse sur un écusson avec ces mots : Henri L. — lord — Darnley, 1565, et à l'opposite, les initiales M et H réunies en monogramme[85]. Ce bijou ne figure point dans le minutieux inventaire de 1586 dont nous venons de parler, que les Anglais dressèrent en l'absence de la reine d'Écosse, ni parmi les objets qu'elle avait répartis entre ses serviteurs, espérant les soustraire aux recherches, et qu'elle destinait pour son fils, ses parents et ses amis. Il faut donc penser qu'elle le portait habituellement au doigt. Comment fut-il perdu ? est-ce dans l'agonie, au billot, qu'il lui glissa de la main ? fut-il entraîné avec les sanglantes épaves de l'exécution ? quelle preuve plus parlante de la pureté du souvenir chez la malheureuse reine ? Aurait-elle en quelque sorte appelé Darnley comme témoin et soutien de l'heure suprême', si elle avait mis le crime entre elle et lui ? Quoi qu'il en soit, jusqu'au bout sa prison parle de Darnley. Jamais, au contraire, le nom ou l'image de Bothwell. Jamais on n'a dénoncé dans les nombreuses saisies de ses joyaux en Écosse et en Angleterre, un seul mémento de Bothwell, aucun de ces clairs indices des attachements du cœur. L'animosité implacable de Marie contre Darnley est une fable, comme sa passion pour le comte.

 

 

 



[1] Lettre à Catherine de Médicis. Jedburgh 17 octobre 1556. Il donne les mêmes indications à l'archevêque de Glasgow (15 octobre) dans une lettre dont nous n'avons que la traduction anglaise (Keith, p. 346). Après avoir dit que le roi n'a aucune autorité sur les esprits, il ajoute : Je ne vis jamais la reine si aimée, estimée et honorée ; jamais tant d'harmonie parmi ses sujets qu'aujourd'hui, grâce à la sagesse de sa conduite ; car je ne puis pas apercevoir la moindre querelle ou discorde.

[2] Goodall, I, 304-306, Lettre de Bedford à Cecil, 3 et 12 août. — Keith, Append. p. 169. — Miss Strickland, V, p. 12.

[3] Goodall, I, 294, 305. — Keith, Append., p. 169 ; Bedford à Cecil 3 août 1566.

[4] Corruption du nom pour Armitage, arsenal du Liddisdale. Miss Strickland, V, 17, et Goodall, I, p. 303, note a.

[5] On admet d'après Chalmers que œ combat eut lieu le 8 Octobre : miss Strickland (V, p. 10) rapporte une lettre de lord Scrope à Cecil, Carliste 6 octobre, dans laquelle il dit que Bothwell a été tué la veille par Billot. Cependant Keith cite (p. 859, note d) un acte du conseil privé du 6 octobre à Edimbourg, dans lequel Bothwell est mentionné comme présent à la séance. Tytler — Histoire d'Écosse, t. V, p. 363, éd. 1845 — indique le 8 octobre comme date de la lettre de lord Scrope. Alors le combat est du 7, et Bothwell a pu assister au conseil privé le 6.

[6] Citée par Fraser Tytler, t. VII, p. 58, et par miss Strickland, I. V, p. 16. La chronique s'exprime ainsi : Sa Majesté fut requise et conseillé d'aller visiter une maison appelée Hermitage pour entendre de lui l'estat des affaires de pays de quel le dit sieur — Bothwell — estait gouverneur héréditairement. Pour ceste occasion elle y alla en diligence accompagne du conte de Murray, et autres seigneurs, en présence desquels elle communiqua avec ledit sieur compte, et s'en retourna le mesme jour à Jedwood oà le lendemain elle tomba malade.

[7] Qu'elle tint à Bothwell, rien de plus légitime. Dans sa lettre à Catherine de Médicis (17 octobre), du Croc parle de la blessure de Bothwell : mais il est hors de danger, de quoy la reine est bien fort ayse : ce ne luy eust pas esté peu de perte de le perdre. Labanoff, t. I, p. 378.

[8] M. Mignet — t. I, p. 247 — donne le 15 octobre, pour la course de l'Ermitage ; et le 16, pour la maladie de Marie ; mais il est dans l'erreur. Une charte, que la reine signa à l'Ermitage, le 16 octobre, fixe la première date — Goodall, t. I, p. 304, note a —. Quant à la seconde, on trouve dans la collection du prince Labanoff — t. I, p. 372 — une lettre de Marie à Charles IX, datée de Jedburgh, 16 octobre 1566. — La longue lettre de du Croc à Catherine de Médicis, Jedburgh, 17 octobre, lettre que nous avons employée plus haut, garde le silence sur la maladie de Marie Stuart ; et cette maladie débuta par une atteinte si soudaine et si violente, qu'il serait inconcevable que du Croc, écrivant le lendemain du jour de l'explosion du mal, n'en dît pas un mot. Elle est donc du 17 au plus tôt, après le départ de la dépêche de du Croc. — M. Mignet se trompe aussi avec Chalmers, en mettant le combat de Bothwell au 8 octobre.

[9] Fr. Tytler, t. V, p. 363, éd. 1845.

[10] Dans son Histoire d'Écosse, p. 348, dit a latrunculo ignobili.

[11] Buchanan, Detectio, p. 8.

[12] John Leslie, évêque de Ross, à l'archevêque de Glasgow, Jedburgh 26-27 octobre 1566 (Keith, Append., p. 134, 136) : Lord Bothwell est ici, en bonne convalescence de ses blessures. — Bothwell avait assisté à la séance du Conseil privé, le 25 octobre, à Jedburgh (Keith, p. 352, extrait du registre du Conseil privé). La manière dont l'évêque de Ross parle de la présence de Bothwell, indique qu'elle était récente. D'ailleurs, il ne figure pas dans les signataires de la lettre que le Conseil écrivit à l'archevêque de Glasgow, le 23 octobre, sur la maladie de la reine.

[13] Anderson, t. II, p. 269, 270.

[14] T. I, p. 246, 248. Ainsi, blessure de Bothwell, 8 octobre. Marie à l'Ermitage, 15 octobre. Maladie de Marie, 16 octobre. La blessure est du 7 octobre, d'après la lettre de lord Scrope, citée par miss Strickland et Tytler, t. VII, p. 58. M. Mignet a suivi Chalmers ; seulement on ne voit pas pourquoi il a rapproché du jour du combat et mis au 15 et au 16 octobre les deux autres faits, que Chalmers fixe avec raison au 16 et au 17 (t. I, p. 294, 296).

[15] Chalmers, t. II, p. 441 : To ane boy passand off Jedburgh with ane mass of writings of our souveraine to the earl Bothvile, 6 sh.

[16] Keith, Append., p. 134, 136, lettre du 26-27 octobre.

[17] Miss Strickland, t. V, p. 19, rapporte que pendant le retour de l'Ermitage à Jedburgh, comme on traversait une prairie marécageuse, le cheval de la reine s'abattit dans une fondrière dont elle eut de la peine à se dégager. Son éperon se brisa dans la chute.

[18] Miss Strickland, t. IV, p. 227, et passim. Marie Stuart avait toujours été tourmentée par des maladies fréquentes et très-dangereuses, ayant le même caractère que celle-ci. D'où il suit que c'est forcer les choses, que d'attribuer l'atteinte de Jedburgh au chagrin. L'observation aura son utilité par la suite.

[19] Lettre à l'archevêque de Glasgow, Jedburgh 24 octobre 1566 ; Keith, Append., p. 133. — Miss Strickland, t. V, p. 27, se trompe par scrupule de justice sur le sens de ce passage. Elle pense que les mots si est-ce qu'il a esté adverty, ont un sens dubitatif et qu'il faut croire que Darnley n'avait pas été averti ; mais, dans le vieux français, le si employé de cette manière est affirmatif.

[20] Du Croc à l'archevêque de Glasgow, 15 octobre ; Keith, p. 347. — A Catherine de Médicis, 17 octobre ; Labanoff, t. I, p. 377, 378.

[21] Lettre de du Croc à l'archevêque de Glasgow, Édimbourg, 2 décembre 1566 ; Keith, préface, p. VII.

[22] Pour être plus édifiant, Buchanan, en transportant la Detectio dans son Histoire d'Écosse, p. 348, ajoute : Il voulait aussi, comme cela se pratique dans l'extrême danger, au cas que le repentir pénétrât dans son cœur, la ramener à la pensée d'une vie plus pure.

[23] Precarium gurgustium, une méchante gargote. Dans l'Histoire d'Écosse, il n'en est plus ainsi. Lord Home fait semblant d'être obligé de quitter subitement Jedburgh, et par cette ruse cède sa maison à Darnley.

[24] Detectio, p. 3.

[25] Knox : Le roi, étant averti, courut la poste de Stirling à Jedburgh, où il trouva que la reine entrait en convalescence ; mais elle voulut à peine lui parler. Il ne courut pas la poste ; il ne vint pas de Stirling, mais de Glasgow, et probablement la dernière affirmation n'est pas plus exacte que les premières.

Que dire de Roberston ? Le roi, qui résidait à Stirling, n'approcha pas de Jedburgh tant que dura la maladie de La reine, et lorsqu'ensuite il jugea convenable d'y paraître (5 novembre), il y reçut un accueil extrêmement froid, qui lui ôta l'envie d'y faire un long séjour. Négligeons les inexactitudes de détail (Stirling, 5 novembre). Se peut-il que la partialité systématique aveugle un esprit tel que Robertson, au point d'attribuer ici le beau rôle à Darnley et dans de pareils termes ?

[26] Cités par Chalmers, t. II, p. 442, divers payements faits à la date du 30 novembre, pour frais de séjour à Jedburgh, du 9 octobre au 8 novembre inclusivement.

[27] Miss Strickland, V, p. 32, d'après les lettres de sir John Forster, lieutenant du comte de Bedford, à Cecil.

[28] C'est-à-dire surpris au moment où lady Reres conduisait Bothwell chez la reine.

[29] Anderson, t. II, p. 270.

[30] Chalmers, t. II, p. 270. — Miss Strickland, t. V, p. 33.

[31] Chalmers, t. I, p. 300, et t. II, p. 636.

[32] Keith, p. 353 ; 19 novembre 1566.

[33] Le récit de Maitland concorde avec la relation que sir John Forster écrivit à son gouvernement sur la visite de Marie Stuart. Lettre à Cecil, du 16 novembre 1566, citée par miss Strickland, t. V, p. 36, 38.

Melvil s'associe aux calomniateurs lorsqu'il dit que le roi suivait la reine partout où elle allait, sans en obtenir le moindre accueil. Cité par Chalmers, I, p. 298, note f. — Darnley était à Glasgow.

[34] Chalmers, t. II, p. 440.

[35] Keith, p. 354, 355.

[36] Keith, Append., p. 136.

[37] Lettre à l'archevêque de Glasgow, Édimbourg, 2 décembre 1686, dans Keith, préf., p. VII. Keith n'a donné que la traduction anglaise.

[38] Lettre à l'archevêque de Glasgow, 2 décembre, déjà citée.

[39] Labanoff, t. VII, p. 53. Lettre de Paul de Foix à Charles IX, Londres, 17 août 1565. — Teulet, II, p. 215, indique la date du 12 août.

Marguerite Douglas, mère de Darnley, était fille légitime de Marguerite Tudor, sœur d'Henri VIII. Il n'y avait point de bâtardise. — Darnley ne devint le cousin d'Élisabeth qu'après qu'il eût été assassiné. Labanoff, t.VII, p. 102 et note. Lettre d'Élisabeth à Marie, Westminster, 24 février 1567, et p. 57. Paul de Foix à Catherine de Médicis, Londres, 22 août 1565.

[40] Lettre de du Croc à l'archevêque de Glasgow, 2 décembre 1588, dans Keith, préf., p. VII.

[41] Miss Strickland, t. V, p. 84.

[42] Cité par miss Strickland, t. V, p. 20.

[43] Cité par Chalmers, t. III, p. 559, note r. — Voyez aussi miss Strickland, t. IV, p. 345, 346.

[44] Chamœléon, p. 15, édit. Freebairn.

[45] Anderson, t. IV, p. 188. — Keith, Append., p. 136. — Goodall, t. II, p. 316.

[46] Mignet, t. I, p. 260, note i.

[47] Anderson, Keith, Goodall, à la suite de la protestation.

[48] Goodall, t. II, p. 354, 359, 366. — Miss Strickland, t. VI, p. 391, 402.

[49] Camden, t. I, p. 115.

[50] Detectio, p. 4.

[51] Chalmers, t. I, p. 302 ; t. II, p. 540. — Miss Strickland, t. V, p. 69, 61.

Rappelons-nous aussi que du Croc, écrivant le 2 décembre, dit que le roi doit quitter Craigmillar le lendemain, et ne fait pas mention d'une intention semblable chez la reine.

[52] Miss Strickland, t. V, p. 51, 58. — Chalmers, t. II, p. 300 et note z ; p. 452.

[53] Lettre d'Archibald Douglas à Marie Stuart, avril 1584. Dans Robertson, Pièces historiques, n° 47.

[54] Chalmers, II, p. 540. — Miss Strickland, V, p. 63.

[55] Tytler, Histoire d'Écosse, Édimbourg, 1845, t. V, p. 369 : On remarqua que Bothwell, bien que protestant, fut chargé de la disposition de la cérémonie — the arrangement of the ceremony.

[56] Voyez miss Strickland, t. III, p. 298, note 2.

[57] Voir cette pièce dans Goodall, t. I, p. 320, note a.

[58] Histoire de la Réformation, p. 438, Londres, 1644.

[59] Goodall, t. I, p. 321. — Keith, p. 669.

[60] Rerum scotic., lib. XVIII, p. 349.

[61] Miss Strickland, t. V, p. 8, 9 ; p. 59 ; p. 222, 223

[62] Camden, t. I, p. 109.

[63] Keith les a données, p. 356.

[64] Teulet, t. II, p. 292.

[65] Keith, Préf., p. VII. Nous n'avons que la traduction anglaise de Keith pour les deux lettres du 2 et du 23.

[66] Keith, Préf., p. 2.

[67] Ce membre de phrase est donné en original par Keith, Préf., p. VII, note c.

[68] Miss Strickland, t. V, p. 78, d'après le livre de l'Innocence de la reyne d'Écosse, 1572, attribué à Belleforest.

[69] Detectio, p. IV, — Rer. Scot., liv. XVIII, p. 349.

[70] Voyez dans Robertson la lettre déjà citée d'Archibald Douglas à Marie Stuart.

[71] Rappelons-nous les traits enflammés avec lesquels on a dépeint l'animosité de Marie Stuart contre les meurtriers de Riccio, après sa rentrée à Edimbourg. Maintenant la voilà qui pardonne aux plus coupables. Elle mit d'abord pour conditions qu'ils resteraient deux ans hors du royaume, peine bien légère, qu'elle commua presque immédiatement en une interdiction pour Morton de s'approcher de la cour à plus de sept milles. Elle n'exclut que trois hommes, George Douglas, Andrew Kerr et Patrick Bellenden. Les deux derniers avaient menacé sa personne avec leurs armes. Miss Strickland. t. V, p. 76.

[72] Chalmers, t. II, p. 543, note h.

[73] Darnley.

[74] Chalmers, t. III, p. 229, 230, note h.

[75] Miss Strickland, t. VI, p. 75, 76. — Keith, p. 429.

[76] Knox, Histoire de la réformation, p. 438, 439.

[77] Chalmers, t. III, p. 108, 109 et 231. — Voyez aussi sur toute cette affaire Keith, p. 566, 570.

[78] Chalmers, t. I, p. 309, 310 et note q ; t. II, p. 545, note l ; t. III, p. 111. — Goodall, t. I, p. 322. — Keith, p. 363, 364 et 570.

[79] Chalmers, t. II, p. 545, note l.

[80] Teulet, Lettres de Marie Stuart, avertiss., p. XIII.

[81] Miss Strickland, t. IV, p. 325, d'après Adam Blackwood.

[82] Ce précieux document existe. Miss Strickland en a eu communication et en a donné une analyse étendue, t. V, p. 200 et suivantes.

[83] Miss Strickland conjecture avec vraisemblance que cet anneau était celui du mariage secret, qui précéda le mariage solennel où Marie porta trois bagues très-riches.

[84] Miss Strickland, t. V, p. 223 ; t. VII, p. 409. — Labanoff, t. VII, p. 242 et suivantes : Inventaire des objets saisis à Chartley.

[85] Miss Strickland, t. VII, p. 475.