MARIE STUART ET LE COMTE DE BOTHWELL

 

III. — LA FAVEUR DE BOTHWELL PENDANT L'ÉTÉ DE 1586.

 

 

Marie qui, arrivée dans l'asile de Dunbar, signait une lettre au cardinal de Lorraine, Votre nièce, Marie, reine sans royaume[1], se voyait, moins de dix jours après, mal-tresse de sa capitale. L'horreur sans doute d'un palais souillé de sang l'éloigna d'Holyrood ; elle s'établit d'abord dans la maison de lord Home, où elle se garda militairement ; et le 5 avril (1566), elle se transporta au château d'Édimbourg, afin d'y attendre ses couches en sûreté.

C'est dans cet état de grossesse avancée que la maîtresse de Riccio, disent les ennemis de Marie, aurait livré au comte de Bothwell la place laissée vacante dans ses passions par la mort du secrétaire, et qu'elle se serait résolue de se débarrasser du roi pour épouser son amant[2]. A la vérité, Buchanan, l'accusateur, semble placer les faits les plus choquants après la naissance de Jacques VI ; mais il a soin d'avertir que Marie les avait prémédités de loin, et il trace le tableau des embûches diaboliques qu'elle aurait tendues dès lors à son mari et à son frère pour les égorger l'un par l'autre ; par exemple, elle aurait poussé Darnley à séduire la comtesse de Murray : assertion si peu soutenable qu'aucun historien ne l'a prise sous sa responsabilité. Mais en laissant pour compte, si l'on peut parler ainsi, le fond matériel des inventions à qui les a fabriquées, on s'est imprégné de leur esprit ; et si parfois l'on n'a pas attribué à Marie Stuart les actions elles-mêmes, on a voulu voir en elle la disposition qui porte à les commettre. Lorsque, au sujet de ces manœuvres de Marie contre ses plus proches, l'auteur de l'Actio[3] ajoute qu'il ne tonnait pas les causes du changement survenu chez elle envers Darnley, mais qu'il y a de ces femmes qui ne savent pas supporter la grandeur de leur fortune ; qui, extrêmes dans leurs sentiments, aiment à l'excès et haïssent sans mesure ; de quelque côté qu'elles penchent, elles n'obéissent pas à la sage raison, et se livrent à la violence de leur impétuosité ; lorsque Buchanan parle ainsi, en s'appuyant sur des calomnies, l'historien qui laisse celles-ci de côté, n'en dit pas moins de Marie Stuart : cœur aussi facile à émouvoir qu'à dégoûter ;cœur mobile[4]. Et cela, sans que la vie de la pauvre reine ait jusque-là révélé la moindre mobilité dans ses affections.

Buchanan, quand il représente Marie comme altérée de vengeance et de sang après la débandade des meurtriers de son secrétaire, l'accuse à faux, puisque, si l'on excepte deux personnages subalternes dont Darnley voulut la mort[5] — il aurait souhaité se défaire de tous ses complices —, les autres en furent quittes pour l'exil ou l'amende ; et l'année n'était pas écoulée que Marie, beaucoup trop facile à la clémence, réintégrait tous les coupables. Y a-t-il dans l'histoire un grand nombre de princes qui, après avoir été victimes d'un attentat aussi abominable que celui-là, se soient vengés si peu, de sorte qu'avec Marie Stuart, le pis qui pouvait arriver aux conspirateurs était de manquer leur coup ? Et n'est-ce pas l'influence de Buchanan qui fait dire à un éminent écrivain que Marie sentit la nécessité de se contraindre, de dissimuler, de diviser ses ennemis pour se tirer d'abord de leurs mains et ensuite se venger d'eux ; qu'elle le fit avec une ruse patiente et une haine habile ; qu'au moment de marcher de Dunbar sur Édimbourg, après avoir différé trois jours sa réponse à un envoyé de Ruthven et de Morton, etc., elle leva entièrement le masque ; qu'elle poursuivit les meurtriers avec un implacable ressentiment ; qu'elle rentra dans la ville avec le désir de se venger et le pouvoir de le faire ; qu'elle fit saisir et mettre à mort quelques-uns des complices subalternes qui avaient gardé les portes du palais ; qu'elle montra une animosité ardente[6]. Vous verrez que c'est elle qui est dans son tort.

Ainsi, violente, implacable, c'est la Marie Stuart de Buchanan ; ce n'est pas celle de la vérité historique. Adultère, pas davantage. Bothwell était brutal, grossier — comme toute la noblesse d'Ecosse —, laid, et on ajoute borgne. Il n'y avait pas là de quoi captiver une femme belle, élégante, spirituelle, chez qui une éducation profonde et raffinée avait cultivé les qualités naturelles les plus heureuses. Ce Bothwell, dit Brantôme[7], estoit le plus laid homme et d'aussy mauvaise grâce qu'il se peust voir. Buchanan se demande par quelles perfections il pouvait exciter les désirs d'une femme de quelque distinction. L'éloquence ? la beauté ? les qualités de l'esprit ? Mais, quiconque l'a vu, peut se rappeler sa figure, et sa démarche, et les allures de toute sa personne ; qui l'a entendu, sa parole difficile et inepte[8].

N'importe : si proche de son terme, Marie Stuart poursuit de ses ardeurs[9] l'homme dont, six semaines auparavant, elle a célébré les noces avec Jane Gordon. Alors, elle avait compliqué les choses bien gratuitement. Marier Bothwell avec une autre femme, était-os le moyen de se l'approprier plus aisément ? Et encore, il n'avait pas tenu à elle que ce mariage ne reçût la consécration religieuse la plus auguste, puisqu'elle s'était efforcée d'amener Bothwell au pied de l'autel catholique. Voilà des accusations et des faits qui hurlent ensemble.

Les traits sous lesquels les contemporains nous dépeignent le comte, ne représentent donc ni cet aspect martial, ni les mœurs élégantes et aisées du continent qui auraient subjugué l'imagination de la reine[10]. Quant à compter aussi parmi ses séductions son goût des plaisirs[11], c'est un écho de Buchanan. Nous en appelons au Randolph véridique. Et qui croira qu'une femme irréprochable jusqu'à vingt-trois ans, bientôt mère, soit une maniaque dévergondée à vingt-trois ans et demi ? Mais rien n'arrête un Buchanan. Nous demanderons la permission de puiser largement dans son pamphlet de la Detectio, plus célèbre que connu, bien qu'il soit l'origine et la cause de la condamnation qui pèse sur Marie Stuart. Le faire connaître est, croyons-nous, un des meilleurs moyens à l'appui de notre thèse. — Après une longue et véhémente amplification sur les défauts et les vices de Bothwell, après avoir d'autre part annoncé qu'il fera grâce à la reine, afin de les ensevelir dans l'oubli ou le discrédit, des bruits qui coururent.sur elle en France pendant son premier mariage, et en Écosse depuis son retour, quoique la perversité du reste de sa vie donne lieu de croire qu'ils n'étaient pas sans fondements, l'écrivain explique d'où venait l'amour infâme et furieux, impossible à croire de qui n'en a pas été témoin, que Marie avait voué à son pigeon de Vénus[12].

Ce n'était ni en beauté, ni en dons extérieurs, ni en vertus, mais par l'excès des vices qu'ils se ressemblaient. Cette jeune femme, élevée tout à coup au suprême pouvoir, sans avoir jamais vu de ses yeux, entendu de ses oreilles, ou examiné en elle-même ce que c'est qu'un État régi par des lois, imbue encore des conseils violents de sa famille, qui, de son côté, aspirait à la tyrannie en France, voulait ramener sous son bon plaisir le droit, les lois divines et humaines, les institutions des ancêtres. Plus d'une parole échappée trahit son ambition forcenée ; jour et nuit elle y songeait ; mais cette passion rencontrait pour obstacles les coutumes nationales, les lois, les institutions, l'accord qui existait entre les grands ; tant qu'ils seraient debout, il lui serait impossible de parvenir à son but. Pour se faire jour, elle résolut de détruire tout ce qui l'arrêtait. Cependant, elle ne savait pas trop comment ni avec quels ministres entamer une telle entreprise ; il lui fallait employer la fraude, unique espoir de succès. Seul, Bothwell lui parut l'instrument par excellence de ses desseins ; cet homme, tombé dans une extrême misère, dont on ne pouvait dire s'il était plus débauché ou plus scélérat, et qui, en présence des partis religieux, contempteur de tous deux, prendrait indifféremment le masque de l'un ou de l'autre. Celui qui avait offert son aide aux Hamiltons pour assassiner le comte de Murray, donnait lieu de compter qu'avec l'appât d'une récompense plus forte il oserait davantage ; que, sous l'aiguillon de sa ruine domestique, il se jetterait en avant tête baissée, sans s'arrêter à aucun sentiment de piété ni de probité. Dissolu à l'excès, il mettait à s'en glorifier le soin que les autres apportent à éviter le déshonneur et l'infamie.

Elle donc, ne respirant que licence, et pour qui les lois étaient une prison, les règles du droit une servitude, voyant que son mari n'était pas de trempe à tout bouleverser, choisit un homme qui n'eût rien à perdre en fait de biens, rien à compromettre en réputation ; lequel, avec de tels appuis, ne serait pas de force à n'être pas renversé aisément, lorsque le dégoût la prendrait ; elle capterait son incontinence avec les plaisirs ; elle rassasierait sa pauvreté à force d'argent, certaine de sa foi par leur complicité. Voilà d'où sont sortis cet amour, je ne dis pas excessif, mais insensé, son infâme adultère, son exécrable parricide. Tel fut le gage des noces sanglantes qui les unirent. Les voilà, les causes qui la menèrent à ce crime, haine implacable contre son mari, amour effréné pour son suborneur[13].

Ainsi : Marie Stuart aspire à la tyrannie. Elle a besoin d'un bras pour agir. Son mari étant incapable de la seconder, elle choisit Bothwell, homme sans scrupules, parce qu'il est indifférent en religion, ruiné et débauché. Elle l'accable de ses dons ; et enivrée par la passion, elle lui livre un empire absolu sur elle-même, corps et âme.

Le réquisitoire est complet, mais non pas sans défauts. L'accusation a oublié d'en faire concorder ensemble les diverses parties. Parcourons-les avec elle. Dans les prémisses, Marie Stuart est une reine qui conspire contre les lois fondamentales de son royaume ; dans la conclusion, ce n'est plus qu'une épouse criminelle. A l'époque où la Detectio fut rédigée (1568), il fallait soutenir l'accusation de tyrannie lancée l'année précédente contre Marie après sa chute, accusation qu'on ne se mit jamais en peine de prouver autrement, parce que cela était impossible. En effet, depuis le moment où elle remit le pied en Écosse, août 1561, jusqu'à celui où on la relégua dans la prison de Lochleven, juin 1567, Marie Stuart eut toujours pour principal ministre, ou mignon comme on disait, son frère le comte de Murray, excepté dans les intervalles où celui-ci disparut volontairement de la cour, pendant sa révolte et l'exil de peu de durée qui en fut la suite naturelle. On en peut dire autant de ses deux amis, Morton et Maitland de Lethington, chefs arec lui du parti protestant. Jamais Marie ne se vengea[14] ; jamais elle ne fit d'entreprise contre les lois de l'État ; jamais elle ne persécuta personne pour la religion, ni pour quoi que ce fût. Catholique sincère et très-affligée de la défection de l'Écosse, elle réclama simplement de ses sujets, pour elle-même, la tolérance qu'elle leur accordait ; bien plus, elle pourvut largement aux besoins de l'Église réformée, tandis que les seigneurs, gorgés des biens de l'ancienne Église, n'en voulaient rien détacher pour l'entretien des pasteurs. Il est vrai que M. Mignet rapporte (t. I, p. 203), d'après l'historien Tytler, qu'en février 1566, le gouvernement français entraîna Marie Stuart dans la grande ligue nouée entre les princes catholiques contre la cause protestante. Mais, d'une part, on sait aujourd'hui qu'à cette époque, Catherine de Médicis n'avait pas cédé aux instances de Philippe II[15], qui la pressait pour l'extermination de l'hérésie, et que cette ligue n'existait donc qu'en projet sur le continent. D'autre part, Randolph, sur la foi duquel Tytler a parlé ; après avoir mandé à Cecil, le 8 février 1566, que Marie avait signé la ligue du pape, de l'empereur, du roi d'Espagne, du duc de Savoie, de plusieurs autres princes d'Italie et de la reine mère — Catherine de Médicis —, se rétracte le 14 du même mois, en disant que ce pacte est entre les mains de la reine, mais qu'elle n'a pas encore adhéré[16]. Elle n'y adhéra pas, comme le prouve une dépêche écrite après la mort de Darnley par l'évêque de Mondovi. Le pape Pie V l'avait fait partir pour l'Écosse en qualité de légat ; mais il avait dû s'arrêter à Paris, à cause des événements : si la reine avait fait ce qu'on lui conseillait et proposait au sujet de la ligue, avec la promesse de tous les secours nécessaires pour la très-juste réalisation de son objet, elle se trouverait maintenant tout à fait maîtresse de son royaume, en position d'y rétablir entièrement la sainte foi catholique. Mais elle n'a jamais voulu y entendre, quoiqu'on lui eût envoyé monseigneur de Dumblane et le père Edmond – jésuite — pour la décider à embrasser cette très-sage entreprise ; et plaise à Dieu qu'une si injuste impunité — laissée aux hérétiques — ne tourne pas à la ruine totale de Sa Majesté et de ce pauvre royaume[17].

Ainsi sur l'article de la tyrannie, Buchanan fait un mensonge, et Tytler se trompe. Ce grand complot d'usurpation des lois divines et humaines est de pure invention.

Mais tout à l'heure l'accusation déclarait que c'était afin de réaliser ce rêve despotique, que Marie s'était mise en quête d'un auxiliaire, et qu'elle s'attacha Bothwell par le double attrait de l'argent et de l'abandon de sa personne. N'avons-nous donc pas dès maintenant le droit de dire que ce second grief n'est pas plus fondé que le premier ? Nous le prouverons d'ailleurs par le développement des faits. Remarquons aussi une contradiction. Tantôt ces désordres de Marie Stuart sont reflet de l'amour débordé qui l'entraîne vers le comte ; tantôt c'est un froid calcul, du ressort de la politique. Un mobile n'exclut-il pas l'autre ?

On prétend que la reine n'avait pensé à Bothwell qu'après avoir reconnu que son mari ne serait pas de taille pour une telle entreprise. Au contraire, lisons l'histoire véritable, c'est Darnley qui est l'impatient, qui se vante de rétablir la messe, qui accuse, dit-on, près du pape, sa femme de froideur en religion, qui veut l'exil définitif, la ruine de ses adversaires ; et la plupart de leurs brouilles domestiques proviennent de ce que Marie pardonne au lieu de frapper, et tempère le zèle des catholiques au lieu de s'y abandonner. Ainsi leurs rôles sont précisément l'inverse de ce qu'on leur attribue.

Autre mensonge, lorsque Bothwell est taxé d'indifférence en religion. C'était un protestant très-chaud et très-entier. Vers la fin de 1565, il repoussa les instances du roi et de la reine qui voulaient qu'il les accompagnât à la messe. A la Chandeleur de 1566, Darnley, ayant juré qu'avant peu on dirait la messe à Saint-Gilles — église principale d'Édimbourg —, en vint à de mauvaises paroles avec les lords Fleming, Livingston et Lindsay, parce qu'ils refusaient de le suivre à sa chapelle ; et Marie ne put rien gagner sur Bothwell et Huntly ; de tous, Bothwell fut le plus rude dans sa résistance. Le même mois, il refusa, comme nous l'avons vu, d'épouser sa femme, la catholique Jane Gordon, devant l'église catholique[18]. Par la suite, il fut tout aussi réfractaire. Est-il donc permis au zélé pamphlétaire de dire, qu'affectant de mépriser l'une et l'autre religion, il devait les simuler toutes deux, selon qu'il plairait à la reine, et de lui contester ainsi la sincérité de sa foi ? Il est vrai que Bothwell commit bientôt un assassinat. Mais Murray, Lethington, Morton, Lindsay, Ruthven, etc., assassinèrent aussi, une fois, deux fois, et même davantage, sans cesser d'être de parfaits chrétiens, en communion avec Knox et Buchanan[19].

On continue : Elle gorgea de richesses son favori nécessiteux. — Là-dessus, l'on dresse le catalogue formidable des dignités, des terres et des abbayes qu'elle lui prodigua. Knox dit que Bothwell, à son retour en 1565, avait été appelé au Conseil privé et nommé lieutenant des Marches du milieu et de l'ouest ; que la reine lui conféra les abbayes de Melrose, d'Hadington et de Newbottle ; le château de Dunbar avec les terres les plus importantes du comté de March — ou Merse, situé à gauche de la Tweed inférieure —. Morton, répondant à une série de questions de Cecil, sur le même sujet, en 1573, confirme ce qui précède, en ajoutant divers avantages que Bothwell aurait obtenus, mais seulement après la mort de Darnley, dont nous parlerons en leur temps, et enfin que Bothwell aurait reçu de la reine des bijoux pour vingt ou trente mille couronnes[20]. Robertson, et le continuateur de son histoire d'Écosse (1800-2), Malcolm Laing, l'un des adversaires les plus récents de Marie Stuart, ont répété les mêmes assertions, en étendant l'une d'elles, c'est-à-dire que le comte aurait été gratifié de la garde des trois Marches, fonctions que l'on partageait jusqu'alors entre trois officiers, et que la reine aurait réunies sur la tête de son préféré ; de plus, elle l'aurait nommé grand-amiral : toutes assertions précises et positives en apparence, incapables pourtant de résister à l'examen[21].

Pour les reprendre dans l'ordre d'énumération, Bothwell fut appelé au Conseil privé, non en 1565, mais le 6 septembre 1561, comme le prouve l'acte reproduit par Keith[22]. Il tenait de la régente son titre de lieutenant de la reine dans les Marches ; il le recouvra en 1565, lors de la rébellion de Murray. Mais il y avait toujours trois gardiens : c'étaient, à cette époque, lord Hume, dans les Marches de l'est ; Kerr de Cessford, dans celles du centre ; sir John Maxwel, à l'ouest, tandis que l'office de lieutenant n'avait jamais été divisé.

Quant aux abbayes, Bothwell ne posséda jamais celles de Melrose et de Newbottle. Melrose appartint au comte d'Arran, abbé commendataire, jusqu'en 1562, et ensuite à Michel Balfour, qui la garda jusqu'à sa mort, arrivée en 1569. Seulement une pension de cinq cents marcs que Balfour servait au comte de Glencairn, sur les revenus de l'abbaye, fut transférée, mais pour peu de temps, à Bothwell (décembre 1565), après que Glencairn eut pris les armes avec Murray contre la reine. L'affaire de Newbottle est encore plus simple. Elle avait été octroyée viagèrement en commende à Mark Kerr, second fils d'André Kerr de Cessford, en 1546 ; il ne la quitta qu'avec la vie, en 1584 ; et son fils aîné lui succéda, d'après un diplôme exprès de Marie, daté de 1567. Bothwell n'y figure à aucun titre. Hadington, abbaye de femmes, était située au milieu des domaines de la famille de Hepburn, qui avait doté richement le monastère et y jouissait du droit de présentation. Le comte Patrick, père de notre comte James, avait fait nommer Élisabeth Hepburn, sa parente. Or, Élisabeth étant morte (1563) pendant la disgrâce. de Bothwell, Maitland de Lethington, qui déjà s'était fait concéder par cette abbesse les terres de l'abbaye sous une forme de tenure qui l'exemptait de, faire le service du fief (fee-farm), avantage que lui confirma une charte royale en décembre 1564, se fit octroyer de plus, pour lui-même, les revenus, et pour son père et l'un de ses frères la garde de l'abbaye, jusqu'à l'institution ultérieure d'une abbesse. Cependant, après l'assassinat de Riccio, Maitland dut se cacher ; et Bothwell, à son tour, obtint du roi et de la reine la nomination d'Isabelle Hepburn à l'abbaye (1566), peut-être aussi la jouissance des biens[23]. Mais le secrétaire d'État recouvra fort peu de temps après la plupart des terres qu'il ne perdit qu'en 1571, par la confiscation prononcée contre lui sous le régent Lennox, alors que Bothwell avait disparu de la scène depuis quatre ans. Ainsi rien de moins exact que les prodigalités de Marie Stuart en terres et en rentes, au profit de Bothwell.

Qu'il fut promu par elle à la dignité de grand amiral, c'est une erreur ridicule à force d'énormité, puisque cette charge était héréditaire dans sa maison depuis l'an 1511, comme nous l'avons dit au commencement de ce travail.

Il se serait fait livrer des joyaux pour une grosse somme. Les comptes du trésorier, qui relatent minutieusement les moindres dépenses, ne font aucune mention de meubles, d'argent ou de bijoux remis à Bothwell, avant ou après son mariage avec Marie. Il faut prendre encore ici le contrepied des faits affirmés. Morton et Murray mirent la main sur les bijoux de Marie quand ils la détrônèrent, si bien que le 2 octobre 1568, la reine Élisabeth dut écrire à Murray pour lui interdire de vendre les bijoux de la reine d'Écosse[24]. Comme ils les avaient gaspillés, Morton, dans sa correspondance avec Cecil, trouva commode, en 1573, de rejeter le déficit sur Bothwell et Marie.

Restent le château et la seigneurie de Dunbar. On a tort de dire que Bothwell fut créé seigneur de Dunbar ; il eut seulement (24 mars 1566) la garde ou commandement militaire de la forteresse, dont fut privé très-justement Simon Preston, prévôt d'Édimbourg, après avoir trempé dans la mort de Riccio. A défaut d'argent pour l'entretien de la garnison, la reine assigna sur les terres de la couronne autour du château, la quantité nécessaire : c'est ce que l'on a transformé en ces vastes domaines qu'elle aurait joints au cadeau principal.

Chalmers fait observer que l'on a oublié de relever, parmi les générosités de Marie, la remise (1er mars 1566) de certains droits féodaux dont le comte et son père étalent redevables an trésor.

La garde du château de Dunbar et la remise de quelque argent dû à la couronne, voilà donc toute la récompense que Bothwell reçut de ses loyaux services lors de la révolte de Murray et de l'assassinat de Riccio. Voilà la vérité dégagée des déclamations furibondes de Buchanan, et des voiles qu'avaient jetés sur elle les historiens, échos trop complaisants de ce calomniateur.

Mais si l'on nous accorde que Marie Stuart ne fit pas litière des honneurs et de la richesse publique aux pieds du complice des déportements et des atroces desseins qui lui sont imputés, on nous opposera l'empire absolu qu'il exerçait sur elle. ; on nous la montrera docile à ses moindres conseils et se gouvernant par ses lois, comme une humble servante. Bothwell seul pouvait tout ; seul, il présidait à toutes les affaires ; et telle était l'ardeur de la reine à manifester son penchant pour lui, que nulle grâce ne s'obtenait d'elle que par lui'[25].

Déjà les faits ont convaincu Buchanan d'imposture sur les autres chefs ; ils vont le convaincre encore sur celui-ci. Qu'en retour de son dévouement à travers les crises les plus périlleuses, Bothwell eût obtenu la première place dans la confiance de sa souveraine et une influence prépondérante, qui pourrait s'en étonner ? Et quel besoin de l'expliquer par des motifs criminels ? Mais, cette prépondérance, Bothwell ne la possédait pas. Le comte de Murray, dès qu'il avait vu ses complices, les assassins de Riccio, en fuite, s'était hâté de répudier près de sa sœur toute participation au complot ; et celle-ci, bien peu semblable à la furie dont on nous parle, s'était empressée de lui accorder un plein pardon. Elle y associa les factieux qui avaient fui en octobre précédent avec lui, et qui avec lui étaient rentrés en Écosse, au moment où leurs amis tuaient Riccio et où les uns et les autres préparaient le même sort à leur souveraine. Pour toute peine, elle leur imposa de se tenir un mois dans leurs châteaux[26]. Ce temps expiré, elle leur rouvrit l'accès du conseil privé[27] et subit de nouveau le plein ascendant de son astucieux frère. Rien assurément ne pouvait être plus désagréable à Bothwell qu'une telle bénignité, en vérité difficile à comprendre. Il en éprouva bientôt les déboires. S'il eut le crédit de sauver d'un juste châtiment — et en cela il agissait dans le sens de Murray et consorts — cinq des assassins de Riccio, entre autres Cockburn d'Ormiston, et les lairds de Calder et d'Hulton, ses anciens ennemis[28], il paya les frais du pardon que Murray obtint pour le comte de Glencairn, compagnon de sa révolte et de son exil ; car il perdit dès ce mois de mars la pension de cinq cents marcs sur l'abbaye de Melrose, dans laquelle il avait été substitué à Glencairn quatre mois auparavant[29].

Cependant la reine ; ayant reçu le 21 avril les nouveaux serments d'allégeance de Murray, d'Argyle et de plusieurs autres[30], s'efforça de rétablir la concorde autour d'elle. A force de prières, elle rapprocha Murray, Argyle, Huntly, Bothwell, Athol, et présida le banquet de réconciliation, qu'elle assaisonna encore de la grâce de plusieurs des coupables ; sans l'opposition de Darnley, elle eût rappelé dès lors Maitland de Lethington[31]. Elle espérait bien vainement laisser la paix après elle, au cas qu'elle succombât dans son travail d'enfantement. En vue de cette naissance, objet de l'anxiété générale, elle invita les principaux de la noblesse à se fixer momentanément à Édimbourg. Lord John Erskine, comte de Mar, gouverneur de la forteresse et oncle de Murray, Murray et Argyle, frère et beau-frère de Marie, furent seuls autorisés à coucher au château, et tinrent ensemble la maison, suivant l'expression des correspondances anglaises. Darnley, quoique sa place y fût marquée, ne voulut pas d'abord la prendre et resta à Holyrood, irrité de la prépondérance de Murray. Huntly et Bothwell demandèrent à loger aussi au château ; mais, dit Randolph qui le rapporte, ils essuyèrent un refus[32].

Si c'est pour un homme une marque de crédit et d'honneur que d'être consigné à la porte d'une maison où trônent ses jaloux, Bothwell en reçut et nous en fournit une éclatante démonstration. Il parait même qu'on l'envoya sur la frontière voir ce que faisait Morton[33]. Ainsi, au rebours de l'affirmation de Buchanan, c'est Murray qui domine à Édimbourg, Bothwell qui est éconduit.

Le 19 juin 1566, Marie Stuart mit au monde le fils qui devait un jour, réunissant l'Écosse et l'Angleterre, ouvrir un théâtre plus grand aux funestes destinées de sa race. ()mure jours après ; arriva Killigrew, nouvel ambassadeur anglais, en remplacement de Randolph, dont Marie Stuart avait puni l'hostilité par l'expulsion. Dès le 24 juin, Killigrew écrivit à Cecil ses premières nouvelles avec dus détails intéressants sur la cour. Murray me fit dire de venir au sermon, où je trouvai les comtes d'Huntly, d'Argyle, de Murray, de Mar et Crawford, et je dînai avec les comtes d'Argyle et de Murray, qui tiennent ensemble la maison.... Les comtes d'Argyle, de Murray, de Mar et d'Athol, présentement à la cour, forment un parti ; le comte de Bothwell et le maitre de Maxwell, avec leurs amis, en forment un autre opposé. Le comte de Bothwell et le maitre de Maxwell sont tous deux sur les frontières d'Ecosse, la reine ayant dans l'esprit qu'il se pratique quelque chose pour faire rentrer le comte de Morton pendant ses couches. Mais la vérité est que Bothwell ne se mettrait pas volontiers à la discrétion des quatre ci-dessus nommés, qui tous habitent le château. On pense et on dit qu'il a plus de crédit près de la reine que tous les autres ensemble, de sorte que je vois peu de confiance et de bonnes intentions entre eux. Le mari de la reine demeure aussi au château[34]. Killigrew, sur le crédit de Bothwell, est évidemment l'écho des quatre ; ils se sont emparés de l'envoyé anglais ; pour eux, Bothwell sera toujours trop puissant. Mais le contenu de la dépêche prouve fort bien que Marie est tout à fait dans leurs mains.

Buchanan va essayer aussi d'établir à sa façon, c'est-à-dire par des calomnies, que Bothwell est le maitre.

Cinq semaines après ses couches, Marie, polir achever sa convalescence, se rendit par le Forth au château d'Alloa, situé sur cette rivière, au-dessus d'Édimbourg. C'était la résidence domaniale du comte de Mar.

La reine, comme si elle craignait que sa faveur pour Bothwell ne fût pas assez éclatante, descendit un certain jour de grand matin avec deux compagnons au Port-Neuf, et monta sur un petit vaisseau qu'on avait préparé sana que personne en connût la destination. Ceux qui l'avaient équipé étaient Guillaume et Edmond Blackader, Édouard Robertson et Thomas Dickson, tous clients de Bothwell et pirates connus pour leurs brigandages. Accompagnée de ces bandits, à l'extrême étonnement des gens de bien, elle mit en mer, sans prendre avec elle aucun de ses ministres les plus honorables. Ayant abordé à Alloa, château du comte de Mar, elle se comporta pendant plusieurs jours comme quelqu'un qui aurait oublié, non pas seulement la majesté royale, mais la modestie qui convient à une femme. Le roi, qu'elle n'avait averti de rien, suivit de son mieux par terre ; mais ce trouble-fête importunmolestas voluptatum interpellator — fut très-mal reçu. A peine laissa-t-on à ses gens le temps de manger ; et on lui intima l'ordre de s'éloigner immédiatement[35].

Histoire et pamphlet, tissus de mensonges. Marie ne quitta pas Édimbourg avant le 27 juillet, ainsi que le prouvent les dates de plusieurs actes du Conseil privé et des registres du sceau privé[36]. — Si le soin de disposer le navire échut à des clients de Bothwell, c'est que Bothwell était grand amiral d'Écosse ; ses acolytes n'étaient pas des pirates, mais des officiers commandant les vaisseaux de la reine. Si Marie partit de grand matin, c'est que la marée n'attend pas. Elle ne partit pas seule et en mystère, comme pour une escapade de débauche ; car elle emmena avec elle les comtes de Mar, de Murray, tous ses ministres et les ladies Murray, Argyle et Mar, en un mot sa cour[37]. Chose singulière, il n'est pas certain que Bothwell fût présent au moins les premiers jours. Buchanan, qui combine le récit à son intention, oublie de le désigner. Que le gouvernement se fût transporté à Alloa, c'est ce qu'établissent plusieurs chartes par leur date d'Alloa, 28 juillet, ainsi que la proclamation délibérée ce jour-là en Conseil privé au même lieu. Elle convoque en armes pour le 13 août, à Peebles, sur la Tweed, les nobles de dix cantons, à l'effet d'aider le roi et la reine à restaurer la justice dans le royaume, en commençant par le Border. Rien ne prouve que Marie eût voulu fuir Darnley ; ils vivaient en bonne intelligence depuis le commencement de juin[38]. S'il prit séparément le chemin de terre, c'est qu'avec sa violence désordonnée, incapable de s'imposer un frein à lui-même, il ne voulut pas se trouver sur le navire côte à côte avec Murray, contre lequel il affichait la haine. Ainsi, tandis que les ennemis de la reine affirment faussement qu'elle abritait ses déportements solitaires au château d'Alloa, en compagnie de quelques bandits, les archives d'Écosse démontrent qu'elle s'y occupait avec ses ministres des soins du gouvernement. Elle trouvait aussi le temps de faire une bonne action, en intercédant auprès d'un rude propriétaire, le laird d'Abercairnie, pour une pauvre veuve qu'il avait expulsée de sa chaumière[39].

La cour alla et revint plusieurs fois d'Alloa à Édimbourg. Le 1er août, Marie reçut en audience solennelle à Alloa l'envoyé français Mauvissière de Castelnau, chargé de la complimenter au nom de la cour de France sur la naissance de son fils. Castelnau s'employa aussi en faveur des lords exilés et apaisa un démêlé qui s'était élevé entre la reine et son mari sur cette question[40]. C'était en effet la pierre d'achoppement. Les correspondances du temps, et parmi elles les plus nombreuses sont celles des Anglais, ne contiennent pas un Mot sur les scandales prétendus d'Alloa ; elles ne parlent que de dissentiments politiques entre les deux époux. Murray, occupé à réparer ses toiles déchirées plusieurs fois par l'événement, et à grouper de nouveau les éléments dispersés de sa faction, pressait la reine d'accorder une amnistie générale en l'honneur du royal enfant[41]. De concert avec lui, agissait la double influence de France et d'Angleterre. Marie, incapable de tenir rigueur longtemps, y inclinait. Darnley, qui avait vu les noirs desseins de son beau-frère, pesait en sens inverse de toutes ses forces et s'irritait de ne pas entraîner la balance. Il faut le dire, il avait raison ; mais il s'était discrédité lui-même, et ses colères d'enfant le rabaissaient encore chaque jour. Les comtes de Murray et d'Athol arrachèrent le pardon de Maitland de Lethington[42], dont ils affirmaient l'innocence, tandis que Darnley l'appelait le plus vil des traîtres. Le 2 août, le coupable fut admis en présence de la reine au château d'Alloa. D'autres assassins de Riccio, Elphinston, les lairds de Brunston et d'Elveson, le clerc de justice, furent encore redevables à Murray de leur grâce et de leur réintégration. Darnley, outré de fureur, proféra des menaces de mort contre son ancien complice. Accusé devant la reine par Murray, il ne nia point. Marie, épouvantée de ces perspectives sanguinaires ; déclara qu'elle ne pouvait pas être contente que lui ou quelque autre fussent mal avec milord de Murray. Sur quoi le roi, quittant sa femme, s'en fut à Dunfermline, puis à Dalkeith ; au reste, il revint bientôt, son dépit exhalé.

La réintégration de Lethington à la cour n'était' pas un échec moins fâcheux pour Bothwell que pour le roi. Nous avons vu que l'abbaye d'Hadington était la pomme de discorde entre ces deux seigneurs. Murray s'offrit pour arbitre avec sir James Balfour ; mais il se montra si partial au profit de son ami, que Bothwell s'écria qu'il perdrait plutôt la vie que de se départir des terres de l'abbaye ! Et moi, répondit Murray, je sais vingt honnêtes gens qui vous valent, et qui donneront leur vie plutôt que de laisser dépouiller Lethington[43]. La reine, présente à cette altercation, ne dit rien. En blâmant Darnley, elle avait par avance donné gain de cause au parti de son frère. Bothwell, soit mécontentement, soit inquiétude pour sa propre sûreté, quitta la cour et se retira dans son gouvernement[44]. On trouve en effet que le roi et la reine lui écrivirent, en date du 12 août 1566, pour qu'il prit les mesures convenables dans le Peeblesshire (sources de la Tweed), où ils avaient projeté de se livrer au plaisir de la chasse[45].

Que deviennent donc les affirmations de Buchanan et des historiens qui l'ont suivi, que dans l'été de 1566 Bothwell était le maître et que rien ne se faisait que par lui ? A la vérité, elles trouveraient une confirmation apparente dans les correspondances anglaises. Celles-ci portent d'abord que l'évêque de Ross a la conduite principale des affaires (lettre de Randolph à Cecil, 7 juin 1566) ; ensuite, que Bothwell a, dit-on, plus de crédit que personne sur la reine (lettre de Killigrew à Cecil, 24 juin, déjà citée) ; que Bothwell est haï généralement et qu'il est plus insolent que Riccio ne le fut jamais (Bedford à Cecil, Berwick, 2 août) ; qu'il est toujours en faveur et qu'il a la haute main dans la direction des affaires (Bedford à Cecil, Berwick, 9 août 1566[46]). Mais, parmi les auteurs de ces lettres, Killigrew ne fait que d'arriver en Écosse et redit ce que lui ont débité le jour même les ennemis de Bothwell. Bedford n'est pas sur les lieux ; il écrit de sa résidence de Berwick, d'après les rapports de ses pensionnaires, chez lesquels il n'y a d'incontestable que le désir de gagner l'argent anglais[47]. De tels documents ne sauraient prévaloir contre la vérité matérielle et certaine des faits. Il est impossible de soutenir que le comte de Bothwell exerçait un empire absolu sur le cœur et l'esprit de Marie Stuart, lorsque l'on voit la faction de Murray en possession de la reine et du palais, et victorieuse de Bothwell dans toutes les luttes d'influence. Déclarons hardiment que la passion dont retentissent la Detectio et l'Actio, et après elles tant d'histoires, pour l'été de 1566, est une fable calomnieuse.

Des mêmes sources émanent les contes odieux sur les mauvais procédés dont Marie Stuart aurait usé alors envers Darnley. Les deux époux, au contraire, passèrent ensemble à la chasse les mois d'août et de septembre presque entiers. Leurs lettres, les procès-verbaux du Conseil privé qui les accompagnait, et les registres du sceau privé, en un mot, la suite des actes officiels du gouvernement, mettent à même de les suivre pas à pas, de localité en localité[48]. Ce n'est pas que leur ciel fût exempt de nuages. Fantasque, faible et pourtant absolu, le caractère de Darnley s'échappait souvent. Mais le mensonge de la Detectio est énorme, d'avancer que la reine ne faisait aucun cas de son mari, qu'elle l'accablait d'affronts et de misères, en élevant des querelles sur les sujets les plus futiles ; qu'elle le laissait manquer de tout, ne lui donnant pas même de quoi entretenir un petit nombre de serviteurs et de chevaux, et que, de cette manière, elle le réduisit à se reléguer tristement à Stirling, dans une sorte d'exil volontaire[49]. D'abord, cet exil est une fiction, puisque, pendant la première moitié de septembre, le couple royal habita Stirling, où ils avaient installé leur enfant. Quant au dénuement du roi, les comptes du trésorier nous apprennent qu'il reçut, le 13 et le 31 août 1566, des fournitures pour la valeur de trois cents livres sterling, c'est-à-dire plus en un mois que la reine n'avait consommé dans les six mois précédents[50].

Vers le 11 septembre, la question des finances pour l'entretien de la maison royale et de celle du prince nouveau-né, rappelant Marie à Édimbourg, Darnley refusa de s'y rendre avec elle. Il persistait dans l'entêtement de vouloir gouverner, en expulsant des affaires Murray et les siens. La reine, après l'expérience si fatale de l'incapacité de son mari et de la perverse extravagance où l'ambition pouvait l'entraîner, maintenait son frère au pouvoir ; car elle n'était pas en état de gouverner sans lui ni contre lui. Elle emmena donc seulement les comtes d'Argyle et de Murray, pendant que le berceau de son fils restait sous la garde de la comtesse de Murray. A ce voyage, elle reçut définitivement en. grâce Lethington, qui recouvra sa charge de secrétaire d'État. Comme gage de paix, elle l'obligea de résigner au profit de Bothwell quelques-unes des terres de l'abbaye d'Hadington[51]. Sans cela, elle n'aurait pu parvenir à les faire siéger simultanément au conseil.

De retour à Stirling le 21 septembre, elle donna audience à du Croc, nouvel ambassadeur de France, homme d'âge et de sagesse. Elle se proposait de ramener le roi avec elle à Édimbourg. C'était alors l'époque dite des vacations, du milieu d'août à la Saint-Martin, où la noblesse avait coutume de s'assembler pour délibérer sur les affaires de l'État ; et le Conseil privé jugeait la présence de la reine indispensable. Mais Darnley, piqué sans doute davantage depuis le pardon du secrétaire, fut plus réfractaire que jamais ; il la laissa repartir seule le 23 septembre. Du Croc resta près de lui. Marie Stuart s'établit à Holyrood, et non pas ailleurs, comme il résulte des archives du Conseil privé et des scènes qui se passèrent bientôt dans le palais. Ces faits sont constatés par deux dépêches de du Croc et par une lettre du Conseil privé à Catherine de Médicis ; ils n'admettent pas le doute[52]. Nous allons voir pourtant de quelle façon Buchanan les e travestis.

La muse latine a des licences, et d'autant plus vives par la bouche de Buchanan. On devrait peut-être les épargner au lecteur français ; mais il nous semble que dans ce procès que nous révisons, il faut avant tout parler franc et citer les pièces au vrai. Les nécessités d'une cause juste couvriront certaines nudités. Donc, voici le dire de l'accusateur :

Lorsqu'elle (Marie) revint à Édimbourg, elle ne descendit pas dans son palais, mais dans une maison particulière tout près de John Balfour ; de là, elle passa dans une autre maison, où se tenait la réunion annuelle appelée les vacations. L'édifice était plus vaste, avec des jardins agréables ; et près des jardins, des espaces solitaires. Mais elle avait encore un attrait d'un autre genre, bien plus séduisant. A côté, était l'habitation de David Chambers, client de Bothwell, presque contiguë par la porte de derrière aux jardins de la reine. Cette porte livrait passage à Bothwell, selon leur fantaisie. Qui ne sait le reste ? Car la reine a confessé la chose même et bien d'autres au régent et à la mère du régent ; mais elle rejetait la faute sur lady Reres, femme qui avait abjuré toute pudeur, ancienne maîtresse de Bothwell, et alors dans le service intime de la reine. Avec le déclin de l'âge elle avait quitté les plaisirs de la débauche pour le métier de pourvoyeuse. C'est par elle que la reine disait avoir été livrée ; car Bothwell introduit à travers le jardin dans la chambre royale, triompha de force de la reine. Mais la Reres la livra-t-elle malgré elle ? Le temps, père de la vérité, se chargea d'éclaircir la question. En effet, peu de jours après, la reine voulant, je pense, venger la violence par la violence, chargea la Reres — qui savait par expérience ce que valait l'homme —, de le lui amener prisonnier. La reine donc et Marguerite Carwood, confidente de tous ses secrets, lui attachent une ceinture et la descendent par-dessus le mur dans le jardin voisin. Toutefois à la guerre, on ne peut jamais tout prévoir, ni se garantir tout à fait des accidents. La ceinture casse. La Reres, alourdie par l'âge et la corpulence, tombe avec grand bruit. Mais en vieux soldat, sans peur ni des ténèbres, ni de la hauteur du mur, ni de cette disgrâce inattendue, elle pénètre jusqu'à la chambre de Bothwell. Elle ouvre les portes, arrache l'homme de son lit, hors des bras de sa femme ; et moitié endormi, moitié nu, elle le conduit chez la reine. Ces exploits consécutifs, non-seulement les gens de service chez la reine les ont avoués ; mais George Dalgleish, valet de chambre de Bothwell, en a fait le récit peu d'instants avant de subir sa peine ; et sa confession existe dans les Actes[53].

Ce que nous avons rapporté plus haut démontre suffisamment que la reine était venue dans sa capitale pour des raisons tout autres que de s'immoler à Bothwell, disons mieux pour des motifs où Bothwell n'entrait en rien ; qu'elle ne logea pas dans cette maison isolée puisqu'elle habitait Holyrood ; et qu'elle avait pressé son mari de l'accompagner, ce qui ne cadre guère avec les projets libertins que lui prête la Detectio. Buchanan s'en réfère solennellement aux aveux de Dalgleish contenus, dit-il, dans les Actes. Or il y a deux confessions de Dalgleish, l'une abrégée, placée par Buchanan à la suite de la Detectio ; l'autre, celle des Actes, publiée in extenso par Anderson[54] : ni l'une, ni l'autre ne renferment un seul mot sur les saturnales qu'a décrites l'infâme calomniateur. Croirons-nous davantage, sur la foi de ce misérable, que Marie Stuart ait conté plus tard ses infamies amoureuses au régent et à la mère du régent, c'est-à-dire à ceux qui l'avaient détrônée, qui la tenaient captive au château de Lochleven, et ne cherchaient qu'à la déshonorer ? Pour lady Reres que l'auteur traite si rudement ; ce n'est pas encore le lieu de nous y arrêter[55]. Contentons-nous ici de remarquer qu'il convient de se défier du fait accessoire, quand la fausseté du fait principal est acquise.

Sur tout cela, on pourrait penser qu'il était inutile de décerner les honneurs d'une discussion à des ignominies que jadis la fureur de parti lança en aveugle, mais que les historiens contraires à la reine d'Écosse, n'admettent plus dans leurs ouvrages, et dont par cela même ils auraient fait justice. Mais ne maintiennent-ils pas néanmoins la thèse de la passion de Marie Stuart pour Bothwell ? Cette thèse, ils l'ont reçue de Buchanan qui l'a soutenue le premier, et l'a étayée sur les preuves que nous réfutons. Ont-ils le droit de la reprendre séparément de la démonstration, et d'affirmer en l'air que Marie Stuart aimait Bothwell ? Il faut, ou bien admettre à la fois cet amour et les preuves que Buchanan a énoncées à l'appui ; ou le rejeter avec les prétendues preuves, à moins qu'on n'en ait découvert de nouvelles : mais c'est de quoi personne n'a parlé.

Nous arrivons à une autre scène qui n'a pas été moins défigurée. Pendant que Marie Stuart siégeait seule à Holyrood à la fin de septembre 1566, pour les affaires de l'État, Darnley boudait à Stirling, voulant estre tout et commander partout, selon les expressions de du Croc. Parmi ses plaintes contre la reine et les seigneurs, il dit à du Croc qui le raconte à Catherine de Médicis (lettre du 17 octobre), qu'il voulloit retourner comme il estoit la première fois quand il fut maryé. L'ambassadeur essaya de lui ouvrir les yeux sur ses propres torts et sur l'impossibilité où était la reine, après l'offense qu'elle avait reçue de lui, de lui remettre l'autorité qu'il avoit auparavant, et qu'il se doibt bien contenter de l'honneur et bonne chère qu'elle luy faict, le traie-tant et honorant comme le roy son mary, et lui entretient fort bien sa maison de toutes choses. Il fallait en effet beaucoup d'aveuglement, pour ne pas comprendre qu'ayant participé au complot contre Riccio et Marie, il ne devait plus prétendre au moins pour un temps à la part principale dans le gouvernement, et surtout que son isolement opiniâtre à Stirling l'en écartait de plus en plus. De désespoir, il médita un coup de tête, et dit à du Croc qu'il abandonnerait l'Écosse et s'en irait au delà des mers. Du Croc fit de son mieux pour le dissuader, et ne le prenant pas au sérieux, partit pour Édimbourg. Tout à coup, le matin du 29 septembre, la reine reçoit une lettre du comte de Lennox ; son fils l'avait fait venir de Glasgow, sa résidence habituelle, pour lui communiquer son projet de départ. Lennox disait n'avoir rien gagné sur la résolution du roi. Le même soir, grand fut l'étonnement de la reine, lorsqu'à dix heures, elle apprit que son mari était à Édimbourg[56]. Constatons que cette visite, toute de surprise, la trouvait installée régulièrement à Holyrood, et non pas dans la maison des vacations (Échiquier), où Buchanan la place en ces mêmes jours. Au lieu de rendre humeur pour humeur, elle fit prier Darnley de venir près d'elle à Holyrood. II déclara qu'il n'irait pas, si elle ne renvoyait préalablement du palais trois ou quatre des seigneurs. Ce n'étaient pas moins que Murray, Argyle, Rothes et Maitland de Lethington. Au lieu encore de s'irriter, Marie alla le chercher et le ramena chez elle. Là, dans l'intimité conjugale, elle le pressa de lui expliquer les motifs de son voyage, sans en tirer de réponse. Le matin, elle manda le Conseil privé et du Croc. John Leslie, évêque de Ross, donna lecture de la lettre du comte de Lennox ; puis la reine parlant avec douceur supplia Darnley, puisqu'il ne luy avoit voullu ouvrir son cœur, la nuict, privéement, comme elle l'avoit très-instamment requis, pour le moings voulloir déclarer en cette compagnie, si, en quelque chose elle l'auroyt offensé (lettre du Conseil privé). Elle ajouta qu'elle n'avait de sa vie fait acte où il y eût préjudice pour son honneur ; que si elle l'avait offensé, c'était sans le vouloir. Elle lui prit les mains et le pressa en l'honneur de Dieu » qu'il ne l'épargnât point, avec promesse de tonte satisfaction. Comme il restait muet, les seigneurs et l'ambassadeur français, joignirent leurs efforts à ceux de la reine. Mais il se renfermait toujours dans une mauvaise humeur impénétrable. A la fin, du Croc lui représenta que ce départ devait porter atteinte à son honneur ou à celui de la reine ; à celui de la reine, si elle lui en avait donné occasion ; au sien, si elle ne lui en avait pas donné. Il rompit le silence et déclara que d'occasion il n'en avoyt poinct. — La royne dist qu'elle se contentoit, et aussi nous lui criasmes tous, écrit l'ambassadeur, qu'elle se debvoyt contenter ; et je dis, suyvant ma charge que je tesmoignerois partout à la vérité de ce que j'aurois vu et que je verrois[57]. — Adieu, madame, dit sèchement Darnley, vous ne me reverrez de longtemps. Et il alla retrouver son père à Glasgow, gardant tout prêt le vaisseau qui devait l'emmener, et par malheur ne mettant pas à la voile.

Il faut voir à présent ce que cela est devenu sous la plume des adversaires de Marie Stuart. Buchanan (Detectio, p. 3.) : Opiniâtre à aimer, le roi ne pouvait s'empêcher de revenir à Édimbourg ; et, en essayant toute espèce de prévenances, il cherchait à regagner son ancienne faveur et à rentrer dans l'intimité de la vie conjugale. Mais exclu de nouveau, de la manière la plus insultante, il retourna d'où il était venu, comme un abandonné, pour y pleurer son malheur.

Ce serait le cas de parler du projet de départ de Darnley ; mais l'auteur le réserve pour une meilleure occasion qu'il place en janvier 1567. Darnley fut attaqué alors de la petite vérole, maladie qu'on n'a pas manqué de transformer en un empoisonnement commis par sa femme. Le roi triomphe du mal grâce à sa jeunesse et à la vigueur de sa constitution ; alors il songe prudemment à s'éloigner. En même temps — que la guérison du roi —, la reine apprit qu'il se proposait de fuir en France ou en Espagne, et qu'il était en pourparlers avec des Anglais qui avaient un vaisseau stationné à l'embouchure de la Clyde. Quelques-uns conseillaient à la reine de le mander près d'elle, et s'il refusait d'obéir, de le tuer publiquement ; et il ne manquait pas de gens pour promettre leur aide. D'autres étaient d'avis d'exécuter le coup en secret. Tous s'accordaient sur ce point qu'il fallait en finir promptement, avant qu'il fût tout à fait rétabli. Est-il possible de mieux prendre en flagrant délit le falsificateur de l'histoire ? Car ce fut en septembre 1566, et uniquement à cette époque, que Darnley eut la pensée de s'embarquer pour le continent[58].

Notre illustre contemporain, M. Miguel, ne nous paraît pas, dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres, avoir jugé Marie Stuart en esprit de justice (t. I, p. 243-245). Le jour même (29 septembre) où la reine reçut la lettre du comte de Lennox, et où elle put croire que Darnley faisait déjà voile loin de l'Écosse, elle le vit arriver au palais d'Holyrood.... Marie assembla aussitôt les membres de son conseil et fit prier l'ambassadeur de France du Croc de se joindre à eux. En leur présence, elle eut une explication avec Darnley. Elle lui demanda hardiment pourquoi il voulait quitter l'Écosse, et quelle raison elle lui en avait donnée. Darnley, qui était venu chercher un épanchement, et qui ne s'attendait pot à subir un interrogatoire, resta interdit et muet.... Pressé par les lords et du Croc, il finit par avouer que Marie ne lui avait pas fourni de sujet de départ. C'était tout ce que voulait Marie Stuart. Elle avait arraché à son mari une déclaration qui la justifiait et qui la laissait désormais sans reproche vis-à-vis de lui, soit qu'il partît, soit qu'il restât. Aussi dit-elle qu'elle s'en contentait. Après cette entrevue, qui n'avait pas répondu à l'attente de Darnley, et dans laquelle il n'y avait eu aucune sincérité des deux parts, puisque le roi n'avait pas voulu avouer les causes de son mécontentement, et que la reine n'était pas disposée à les faire cesser, ils furent ensemble plus mal que jamais. Nous exprimerons le regret que M. Mignet, qui sait si bien peindre les situations et ordonner ses récits, n'ait pas jugé à propos de retracer de plus près l'enchaînement réel et la physionomie des faits. Marie vit arriver Darnley à Édimbourg et non pas à Holyrood, ce qui est très-différent, puisque Darnley refusait de descendre à Holyrood, et que ce fut sa femme qui fit les avances en allant le chercher et en le ramenant chez elle. Comme M. Mignet ne fait mention ni de cette démarche, ni de la nuit qui s'écoula en vains efforts de la reine pour obtenir des explications de son mari, et qu'il rapporte que Marie assembla aussitôt son conseil, le lecteur doit en conclure qu'il n'y eut de sa part aucun bon mouvement, et qu'en effet, elle s'empressa de mettre le pauvre jeune homme sur la sellette. Lorsqu'il dit qu'elle lui demanda hardiment pourquoi il voulait quitter l'Écosse, il s'écarte absolument, sans indiquer ses motifs, des témoins oculaires qui nous la montrent douce et pressante. — Darnley, continue-t-il, était venu chercher un épanchement et ne s'attendait pas à subir un interrogatoire. — Il devait pourtant s'attendre qu'on lui demanderait quelles étaient ses rai-sous d'émigrer. — L'épanchement : mais ne l'avait-il pas eu dès son arrivée la veille au soir, puisque Marie épuisa les instances en particulier avant d'appeler le Conseil ? C'est lui, muet avec l'obstination des enfants gâtés, mais non pas interdit, qui repousse tout épanchement. D'ailleurs, M. Mignet admet, d'après Knox, que le roi s'était tourné vers le parti catholique avec l'espérance de s'en faire un appui, et qu'il écrivit secrètement au pape en dénonçant la reine comme attiédie pour la religion. (I, p. 243.) Knox ajoute qu'il s'adressa aux rois de France et d'Espagne, que la reine avait eu des copies de ses lettres, et qu'elle aurait fait à son mari les menaces les plus fortes. Dès lors il n'y eut plus eu entre eux la moindre apparence d'amour. Nous pensons qu'on peut révoquer en doute cette affirmation de Knox, comme tant d'autres. Ni la lettre du Conseil à Catherine de Médicis, ni la correspondance de du Croc, ni la lettre de Robert Melvil à l'archevêque de Glasgow, ne contiennent la moindre allusion à cet incident qui aurait dû retentir dans la situation. Si l'on regarde au texte de Tytler, on voit que cet historien n'est pas affirmatif et qu'il se borne à répéter la version du réformateur. Quoi qu'il en soit, lorsque le brillant historien français croit à cette nouvelle trahison de Darnley, qui, après avoir conspiré contre sa femme avec les protestants, aurait conspiré avec les catholiques, comment adresse-t-il à Marie le reproche d'avoir été froide et sévère, ce que d'ailleurs elle ne fut pas ? Affirmer ensuite que tout ce qu'elle voulait, c'était que Darnley avouât qu'elle ne lui avait pas fourni de raison de s'éloigner ; qu'après lui avoir arraché cette déclaration, qui la justifiait vis-à-vis de lui, elle se hâta de répondre qu'elle s'en contentait ; cela est-il bien conforme à l'équité ? N'est-il pas naturel que toutes les voies de persuasion n'ayant abouti à rien, elle accepte, de guerre lasse, la déclaration qu'elle n'a point de torts personnels ? — Mais la reine n'était pas sincère, puisqu'elle n'était pas disposée à faire cesser les motifs de mécontentement du roi, motifs que celui-ci ne voulait pas avouer. — Une reine peut causer à son mari des mécontentements de deux sortes, privés et politiques ; en trahissant ses devoirs de femme, ou en ne lui accordant aucun rôle honorable dans les affaires. Comme épouse, Marie était irréprochable ; nous l'avons prouvé. A la nouvelle que Darnley voulait la quitter, ne pouvait-elle pas supposer que ce jeune homme, fantasque et déraisonnable, avait un grief particulier de jalousie qui ne tiendrait pas contre une explication ? quand il reconnaît qu'il n'en a point, n'a-t-elle pas le droit d'en prendre acte ? 11 est fort digne de remarque que le nom de Bothwell n'est prononcé ni de part ni d'autre. C'est, ne nous lassons pas de le redire, une question purement politique. Darnley prétend l'impossible, à savoir d'être le matte du gouvernement. Et, en effet, était-il au pouvoir- de Marie de chasser des affaires Murray, Maitland et autres personnages très-formidables, pour leur substituer le plus inepte des hommes, le plus décrié de toute l'Écosse ?

De Glasgow, Darnley s'expliqua par lettres à sa femme : Il touche deux points sur lesquels il fonde ses doléances ; c'est que Sa Majesté ne lui donne l'auctorité et ne se donne pas si grande peine de l'advancer et le faire honorer au pais comme elle a fait du commencement ; l'autre qu'il n'est suyvy de personne et que toute la noblesse a abandonné sa compagnie. (Lettre du Conseil privé à Catherine de Médicis.) La réplique n'était pas difficile. Marie lui dit avec vérité, qu'il devait s'en prendre à lui seul de la position fâcheuse dont il se plaignait.

Il est surprenant combien peu de place Bothwell occupe dans les documents authentiques que nous venons d'employer, combien aussi leur caractère est exclusif d'intrigues amoureuses, tandis que chez Buchanan et son école tout est subordonné à cette passion adultère de Marie, dont les faits n'offrent pas la trace la plus légère.

Darnley avait fait montre de haine impuissante contre des hommes qui étaient déjà ses ennemis jurés ; et, pour comble d'imprudence, il venait de rompre publiquement avec sa femme. De la sorte, il s'était isolé, sans comprendre qu'il se découvrait à leurs coups. Nous savons que dès son arrivée en Écosse, avant son mariage, il avait dit comme on lui montrait une carte du royaume, que les domaines du comte de Murray étaient beaucoup trop grands[59] ; qu'il avait offensé, aussi une foule de personnages ; que le 1er juillet 1565, Murray, Argyle, Rothes et le duc de Châtelleraut avaient tendu contre lui leurs filets, où toutefois ils ne prirent pas le gibier qu'ils guettaient ; que Randolph prédit que chez un tel peuple, il ne fournirait pas une longue carrière ; qu'en effet, sans se déconcerter, les conspirateurs s'étaient remis à l'œuvre et l'ambassadeur anglais faisait part à Cecil, dès le 4 septembre suivant, que plusieurs nobles étaient résolus d'assassiner Darnley[60]. Ensuite, cependant, ils avaient changé de tactique et enrôlé l'insensé parmi les assassins de Riccio. Mais sa rupture avec eux après le crime, sa passion à les dénoncer et à poursuivre leur ruine, son opposition absolue au rappel de Morton, les remplirent de fureur. Lui, de son côté, les provoquait sans cesse par de nouvelles explosions de colère. Son dernier voyage à Édimbourg, l'intention affichée par lui d'exiger le renvoi des ministres, et surtout la destitution de Maitland de Lethington[61], comblèrent la mesure. Ils résolurent de se débarrasser de lui. Le moment arrivait d'accomplir la prophétie de Randolph. Mais s'ils dominaient dans les conseils de Marie Stuart, ils n'y étaient pas seuls. Quoiqu'ils l'emportassent actuellement sur Bothwell, ils n'avaient pas oublié que deux fois déjà cet adversaire, redoutable dans les crises, avait fait avorter leurs desseins. Ils comprirent qu'il valait mieux le rattacher à leurs intérêts. Bothwell, de son côté, n'avait aucun motif de haine contre Darnley, et ce dernier n'avait jamais prononcé son nom parmi ceux qu'il détestait. N'avaient-ils pas souffert l'un et l'autre du crédit de Murray ? Quant à la liaison de Marie avec le comte, liaison si bruyante dans Buchanan, il faut bien croire qu'elle ne l'était guère en Écosse, puisque Darnley n'y fit jamais la moindre allusion. Le silence n'était pourtant pas dans son caractère. Ainsi pas de griefs personnels entre ces deux hommes. Ce fut par l'ambition que Lethington et Murray séduisirent Bothwell. Précédemment pour arriver au renversement de Marie Stuart et entraîner Darnley parmi les assassins de Riccio, ils avaient fait briller à ses yeux la couronne royale pour lui seul ; cette fois pour parvenir au même but, et attirer Bothwell parmi les adversaires de Darnley, ils lui montrèrent, comme prix de son aide, la main de Marie et le pouvoir suprême. Bothwell, aussi aveugle que le roi, et fatigué sans doute d'être compté à la cour si fort au-dessous de Murray, crut acquérir, en qualité d'ami de ce dernier, l'influence qu'il ne pouvait pas gagner à titre d'ennemi ; et il donna dans le piège, au fond duquel était sa propre perte. Ce pacte ne parait pas avoir été consigné dans aucun des actes écrits, familiers à la noblesse d'Écosse sous le nom de bands ; mais il résulte des faits ultérieurs avec évidence[62]. En tout cas, le 1er octobre 1566, fut scellé, avec l'adhésion des comtes d'Huntly et d'Argyle, un contrat secret de réconciliation entre Bothwell et Murray[63].

Ici donc Bothwell rompt avec sa conduite antérieure, conduite qui n'a pas été sans honneur. Il devient l'ami et le complice de ses ennemis contre Darnley ; bientôt il sera leur victime. D'autre part, jusqu'à présent l'innocence de Marie Stuart nous parait hors de conteste : la suite des faits, la catastrophe finale approchant, n'infirmera pas les résultats que nous nous croyons fondé à considérer comme acquis.

 

 

 



[1] Collection du prince Labanoff, t. VII, p. 78.

[2] Buchanan, Detectio, p. 1, 2, édit. Freebairn, Édimbourg, 1715, texte latin. — Collection d'Anderson, Édimbourg, 1727, t. II, texte écossais. — Mémoires de l'Estat de France sous Charles neufiesme, Middelbourg, 1578, t. I, p. 110, verso et s. — Ces mémoires sont un recueil de pièces relatives à l'histoire de la réforme de France pendant le règne de Charles IX. On y a fait figurer une traduction française très-mal faite de la Detectio sous le titre d'Histoire tragique de la Royne d'Écosse. Elle est pleine de contresens et de non-sens.

[3] Nous rappelons que le pamphlet de Buchanan se compose de deux parties, la 1re, la Detectio proprement dite, est l'exposé des faits à la charge de Marie Stuart ; la 2e, l'Actio, est le réquisitoire motivé sur ces faits.

[4] M. Mignet, Histoire de Marie Stuart, t. I, p. 160 : Darnley lui plut extrêmement et ne tarda point à s'emparer de ce cœur aussi facile à émouvoir qu'à dégoûter. P. 207 : Il (Darnley) s'était fait illusion sur ce cœur mobile, et il n'avait rien oublié pour perdre l'empire qu'il y avait pris un moment. Ceci est appliqué aux temps antérieurs à la conspiration contre Riccio.

[5] Randolph à Cecil, 4 avril 1566 ; Robertson, Append. n° XVI.

[6] M. Mignet, t. I, p. 225, 231, 232, 233. Les deux subalternes punis de mort, sur l'insistance de Darnley, furent Henri Yair, auparavant prêtre de la chapelle de la reine, qui, au lieu de s'en tenir à garder les portes du palais, avait pris part à l'assassinat dans le cabinet même de Marie, et Thomas Scott, sous-shériff de Perth, coupable au premier chef, puisqu'il était magistrat commissionné par la couronne. (Miss Strickland, t. IV, p. 326 ; Keith, p. 334.) Buchanan, au lieu de deux exécutions, dit plusieurs exécutions, ce qui rend le reproche de cruauté plus plausible : Multi ex lis qui conscii dicebantur alii alio relegati ; plures pecunia multati ; nonnulli (sed fere insontes atque adeo securi) supplicio affecta.... Rerum Scolicarum historia, l. XVII, p. 347, édit Freebairn, Édimbourg, 1715.

[7] Vie de Marie Stuart.

[8] Actio, p. 13, édit. Freebairn.

[9] Amorem dico quo impatienter Bothuelium est prosecuta. (Actio, p. 13.)

[10] Mignet, I, p. 242.

[11] Mignet, I, p. 242.

[12] Suum columbulum dionaeum. (Actio, p. 14.)

[13] Actio, p. 14, 15.

[14] Voyez par exemple comment elle pardonne à lord Maxwell, un des rebelles de 1565. Miss Strickland, t. IV, p. 212.

[15] Henri Martin, Histoire de France, t. IX, liv. LIII.

[16] Miss Strickland, IV, p. 246, 247.

[17] Lettre de l'évêque de Mondovi à Cosme Ier, grand-duc de Toscane, Paris, 16 mars 1567. (Collection Labanoff, t. VII, p. 107.)

[18] Miss Strickland, t. IV, p. 226, 243-244, 258-269, d'après Knox et Randolph.

[19] Non pas que nous perdions de vue que les catholiques fanatiques préconisaient aussi l'assassinat ; nous voulons dire seulement que Buchanan n'a pas le droit de faire tant le difficile avec Bothwell.

[20] V. Dans Chalmers, t. III, p. 81, 82, la liste dressée par Morton. Bothwell reçut ; 1° la lieutenance générale du Border en 1565 ; 2° l'abbaye de Melrose, qui valait 5.000 livres d'Écosse par an ; 3° l'abbaye d'Hadington, 1.000 livres ; 4° le château et la seigneurie de Dunbar, 200 marcs ; 5° la capitainerie du château d'Édimbourg, avec une allocation annuelle de 1.000 livres ; 6° il fut fait duc des Orcades et seigneur des Shetland, 10.000 marcs ; 7° il devait avoir la supériorité de Leith ; 8° il se fit remettre des bijoux de la reine pour une valeur de 20 ou 30.000 couronnes.

[21] Nous allons suivre ici la discussion de Chalmers, t. III, p. 75 et suivantes, document subsidiaire n° 2. Elle a pour base les actes du parlement, les registres du sceau privé, ceux du Conseil privé, en un mot, les pièces authentiques constatant les actes quotidiens du gouvernement de Marie Stuart.

[22] Keith, Histoire des affaires d'Église et d'État en Écosse, Edimbourg, 1734, p. 187.

[23] Miss Strickland, IV, p. 322, 361.

[24] Chalmers, III, p. 85, not. u. Toutefois, Élisabeth avait commencé par acheter pour elle-même, le moins cher possible, les plus beaux joyaux de Marie, que Murray avait envoyés à Londres. Lettres de Bochetel de la Forest à Charles IX, Londres, 2 mai 1568 ; et à Catherine de Médicis, Londres, 8 mai, dans Labanoff, t. VII, p. 129 et suivantes.

[25] Buchanan, Histoire d'Écosse, liv. XVIII, p. 348. — Robertson, t. II, p. 39, traduction de Campenon : Cependant Bothwell était le principal confident de la reine. Aucune affaire ne se décidait sans sa participation ; aucune grâce n'était accordée sans qu'il fût consulté. — Mignet, t. I, p. 242-243 : Les progrès de sa faveur, vers la fin de l'été de 1666, éclatèrent aux yeux de tout le monde. Il disposait de tout à la cour d'Écosse, où il dirigeait entièrement les volontés de sa souveraine.

[26] Strickland, IV, 322, 324.

[27] Keith, p. 336.

[28] Strickland, IV, 326, 327.

[29] Chalmers, III, p. 79, not. m. Selon miss Strickland, t. V, p. 248, note 1, Bothwell refusa d'abandonner cette pension, ce qui le brouilla à tout jamais avec Glencairn. Il aurait obtenu aussi l'abbaye de Melrose, de Marie de Lorraine, mais l'aurait perdue en 1562 et jamais recouvrée.

[30] On trouve dans le journal de Cecil, à la date du 22 avril 1566 : Argyle, Murray et Glencairn sont reçus dans la faveur de la reine. (Chalmers, I, p. 263, note p.) — Les comtes d'Huntly et de Bothwell, ainsi que l'évêque de Ross, jaloux de la faveur que la reine témoignait au comte de Murray, prirent occasion, quand la délivrance de la reine approcha, de lui conseiller de le tenir en prison jusqu'à ce qu'elle fût délivrée.... (Melvil dans Goodall, I, p. 287.)

[31] Strickland, IV, 332. — Keith, p. 236.

[32] Lettre à Randolph à Cecil, 7 juin 1566 (Chalmers, III, p. 30, note p). The earls of Argle, and Murray, lodge ia the Castle, and keep house together. The earls of Huntley, and Bothwell, wished also to have lodged there : but were refused.

[33] Chalmers, I, 265 ; III, 101.

[34] Miss Strickland, IV, p. 347.

[35] Buchanan, Detectio, p. 2, et Rer. Scotic. hist., liv. XVIII, p. 348. Ce récit est condensé ainsi qu'il suit dans le journal de Murray : 20 juillet ou environ, la reine Marie, fuyant la compagnie du roi, se rendit par eau avec les pirates à Alloa, où le roi, à son arrivée, fut rebuté. Anderson, Collect., t. II, p. 269.

[36] Goodall, I, p. 292. — Chalmers, I, p. 278-279, note c.

[37] Keith, p. 345, d'après Holinshed, auteur estimé des Chronicles of England, Scotland and Ireland, 1577.

[38] Randolph à Cecil, Berwick, 7 juin 1566, dans Keith, app., p. 168. Avis d'Ecosse par le comte de Bedford, août 1566, dans Chalmers, I, p. 280, note g.

[39] Voici comment s'exprime Marie, bien peu ressemblante à la Marie de Buchanan : Fidèle ami, les gémissements désolés et les plaintes affligeantes de cette pauvre femme sont venus jusqu'à nous, que vous l'avez chassée par violence avec ses nombreux et pauvres enfants, hors de leur maison paternelle, quoiqu'elle ne demande qu'à remplir ses devoirs envers vous en toute reconnaissance. Dans le cas où vous auriez eu l'intention d'aller si loin que de ruiner entièrement cette pauvre femme et ses enfants, nous désirons que vous usiez de miséricorde, que vous les receviez dans leur premier état comme vous l'avez fait antérieurement. Nous ne doutons pas que vous ne le fassiez à notre requête, et que vous ne soyez disposé à nous obliger et à nous être agréable en cela. Alloa, 30 juillet 1566. Cité par miss Strickland, IV, p. 358.

[40] Keith, app., p. 169 : Bedford à Cecil, 3 et 9 août 1566. Lettre d'Archibald Douglas à Marie Stuart, dans Robertson, Pièces historiques, n° 47.

[41] Miss Strickland, IV, 353, 354.

[42] Chalmers, III, p. 556, note n.

[43] Robertson, Pièces historiques, n° 17. — Miss Strickland, IV, 861 ; — et Chalmers, III, p. 104, note t.

[44] Cette inquiétude n'était pas sans fondement. Bedford dit, dans une lettre à Cecil, 12 août : J'ai entendu dire qu'il y a un projet sur le métier, concernant le comte de Bothwell, et j'aurais pu en savoir les particularités ; mais comme les affaires de cette sorte ne me plaisent pas, je désire n'en pas savoir davantage.

[45] Chalmers, I, p. 281, 282, note i ; II, p. 527, note r. — Miss Strickland, IV, 362.

[46] Chalmers, t. III, p. 30, 31, note p ; p. 34, note a. — Keith, app., p. 169.

[47] Il faut lire avec défiance ces lettres citées par Robertson (Pièces historiques, n° 17). Le plus souvent elles émanent de traîtres, c'est-à-dire de sources corrompues. Elles renferment des on-dit, des historiettes évidemment exagérées ou fausses.

[48] Chalmers, I, p. 281, 284 et notes.

[49] Detectio, p. 3.

[50] Chalmers, I, p. 287-288, note u. Voyez aussi la lettre de du Croc à Catherine de Médicis, Jedburgh 17 octobre 1566, dans Teulet : Relations politiques de la France et de l'Espagne avec l'Écosse au seizième siècle, t. II, p. 290. Nous la citons plus bas, même chapitre.

[51] Miss Strickland, V, p. 3, 7, d'après les Lettres de sir John Forster à Cecil. Berwick, 8 et 19 sept. 1566.

[52] Keith, p. 345, Lettres de du Croc à James Beaton, archevêque de Glasgow et ambassadeur de Marie Stuart en France, Jedburgh, 16 octobre 1566. — Teulet, Relations politiques de la France et de l'Espagne avec l'Écosse au seizième siècle, t. II, p. 289. Lettre de du Croc à Catherine de Médicis, Jedburgh 17 octobre 1566. — De même dans la collection du prince Labanoff, t. I, p. 373. — Teulet, II, p. 282, Lettres des seigneurs du Conseil privé d'Écosse à Catherine de Médicis, Édimbourg, 8 octobre 1566. — Chalmers, I, p. 284-287 et notes. — Miss Strickland, IV, p. 377.

[53] Buchanan, Detectio, p. 2, 3.

[54] Collections, t. II, p. 173-177.

[55] Voyez ch. V, Examen des lettres attribuées à Marie Stuart.

[56] Notre récit est tiré : 1° de la lettre de du Croc à l'archevêque de Glasgow, Jedburgh 15 octobre 1566, dans Keith, p. 345-347 ; 2° de la lettre de du Croc à Catherine de Médicis, Jedburgh 17 octobre 1566, dans Teulet, t. II, p. 289-293, et Labanoff, t. I, p. 273-279 ; 3° de la lettre des membres du conseil privé d'Écosse à Catherine de Médicis, Édimbourg 8 octobre 1566 ; dans Teulet, II, p. 282289, et dans Keith, p. 347-350 ; 4° de la lettre de Robert Neiva à l'archevêque de Glasgow, Londres 22 octobre 1566 ; dans Keith, p. 350. La concordance des récits émanés de ces sources diverses en garantit l'exactitude. — Chalmers, II, p. 566-572. Miss Strickland, IV, p. 371 et suiv. — Les lords présents au conseil privé, au commencement d'octobre, étaient Huntly, Argyle, Murray, Athol, Cathness, Rothes, l'archevêque de Saint-André, les évêques de Galloway, Ross, Orcades, Dunkeld, le secrétaire Maitland et les officiers d'État ordinaires. — Le 8, date de leur lettre, Bothwell était absent, aux frontières. Chalmers, I, p. 290, note e, d'après les registres du Conseil privé.

[57] Du Croc à Catherine de Médicis. Il ajoute : Nous demeurasmes auprès de la royne, votre belle-fille, qui fut fort bien consolide, et la priasmes continuer d'estre toujours sage et vertueuse, et de ne se attrister ny en ce s'ennuyer, et que la vérité seroit bien congnue partout.

[58] Les calomnies sur les voyages de Marie à Édimbourg, sont résumées en deux phrases dans le journal de Murray : 24 septembre. La reine logea à l'Echiquier et y reçut Bothwell. Le roi venant de Stirling fut chassé violemment.

[59] Voyez ch. I, Randolph à Cecil, Edimbourg, 20 mars 1565. Keith, p. 274.

[60] Randolph à Cecil, Édimbourg, 4 septembre 1565. Keith, p. 287.

[61] Lettre de Robert Melvil à l'archevêque de Glasgow, 22 octobre 1566. Keith, p. 350.

[62] Camden, Annales rerum Anglicarum et Hibernicarum regnante Elisabetha, t. I, p. 114, Londres, 1615.

[63] Goodall, II, p. 321, 322, Réponse du comte de Murray à la protestation des comtes d'Huntly et d'Argyle.