LA TERREUR

TOME SECOND

 

LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE DE PARIS.

 

 

X. — LE 9 THERMIDOR.

 

La journée du 9 thermidor, qui devait sauver la vie à tant de prisonniers, s'écoula pour eux comme un jour néfaste. Les prisons étaient dans la terreur. Le bruit courait que les fournées ne suffisaient plus à l'impatience de Robespierre, qu'on allait en revenir aux massacres ; et du reste n'était-ce pas la même chose ? Il ne s'agissait plus que d'un peu plus ou moins de formalités. On avait supprimé l'instruction et la défense, on supprimait l'envoi au tribunal ; on avait supprimé l'avocat, on supprimait des simulacres de jurés et de juges : rien que le bourreau et la victime. C'était plus simple, c'était plus franc[1].

Tout contribuait à répandre l'alarme. Depuis quelques jours les journaux ne pénétraient plus dans les prisons : plus de crieurs publics à une distance de moins de trois cents toises, à l'exception de ceux qui criaient la liste des victimes. Dans la nuit du 9 au 10 thermidor, le son du tocsin, la générale battue partout, les patrouilles fréquentes, les cris lointains, le bruit de la foule, ne laissaient aucun doute que quelque chose de décisif ne se préparât ; et d'autres signes tout intérieurs, l'injonction de rentrer deux heures plus tôt et de se coucher, la visite des jardins et des cours ; les sentinelles doublées, des inspections faites, le sabre en main, dans toutes les chambres et renouvelées de quart d'heure en quart d'heure ; les démarches affairées des geôliers ; ici les portes verrouillées, là l'ordre donné aux guichetiers de laisser les clefs sur les serrures, tout semblait annoncer qu'on attendait les égorgeurs[2]. Au Luxembourg, dans l'après-midi du 9, on avait vu par trois fois Hanriot ; il y venait pour rassembler la gendarmerie à cheval qui y était casernée, et il avait, disait-on, menacé les prisonniers de son grand sabre[3] ; aux Carmes, l'administrateur de police Crépin se tenait prêt avec des hommes armés, comme n'attendant que le signal, et deux fois il s'était fait ouvrir la porte de la prison.

Au Luxembourg et dans d'autres lieux, les prisonniers ne songeaient plus qu'à vendre chèrement leur vie. Au Plessis, il fut décidé qu'au premier signal du danger, ils s'armeraient du bois des lits ; les femmes et les enfants seraient placés au milieu de la cour, protégés contre les premiers coups par une muraille de matelas, tandis que les hommes chargeraient les assassins. Et le tocsin redoublait, les cris du peuple, la traînée des canons ajoutaient à la terreur[4]. Cependant, à l'hôtel Talaru, un des prisonniers qui avait pu descendre dans la cour entendit un colporteur crier : La grande arrestation de Catilina Robespierre et de ses complices[5]. Le 10 au matin, les guichetiers du Plessis avaient l'air embarrassés[6]. A la maison des Oiseaux, on entendit le concierge dire, avec un trouble visible, que les choses étaient b.... changées[7]. A Sainte-Pélagie, un porte-clefs dit à son chien : Va te coucher, Robespierre ![8] Au Luxembourg, le concierge Guyard, qui la veille avait refusé d'y recevoir Robespierre décrété d'accusation, et qui, par cette hardiesse, avait failli changer la face de la journée[9], Guyard, frappé de terreur, fuyait avec ses sabres, ses pistolets et ses chiens[10]. Bientôt la vérité fut partout connue. Au Plessis, les manifestations du dehors devancèrent les aveux des geôliers. Les hommes, les femmes du voisinage étaient montés sur les toits d'où l'on avait vue dans la cour, et par leurs signaux annonçaient aux prisonniers leur prochaine délivrance[11]. Un peu après, la nouvelle fut partout connue ; et ce fut comme une résurrection. Il ne suffisait pas de l'entendre, il fallait la lire. Les geôliers, spéculant jusque sur leur défaite et voulant au moins tirer de leur ruine un dernier profit, vendirent le journal jusqu'à 150 livres ; et les prisonniers achetèrent sans marchander[12].

Si les détenus, au lieu de craindre un nouveau massacre des prisons, avaient su tout d'abord le caractère de la lutte engagée, ils n'auraient pas été moins perplexes sur le résultat qu'elle pouvait avoir ; car il s'agissait vraiment de leur vie. La Terreur n'était pas en voie de s'arrêter : Par la gradation des massacres, dit Riouffe, j'ai bien connu toute la profondeur de ce vers de Racine :

Et laver dans le sang vos bras ensanglantés.

D'abord, ils avaient entassé quinze personnes dans leur charrette meurtrière ; bientôt ils en mirent trente, enfin jusqu'à quatre-vingt-quatre ; et quand la mort de Robespierre est venu arracher le genre humain à leurs fureurs, ils avaient tout disposé pour en envoyer cent cinquante à la fois à la place du supplice. Déjà un aqueduc immense qui devait voiturer le sang avait été creusé à la place Saint-Antoine. Disons-le, quelque horrible qu'il soit de le dire : tous les jours, le sang humain se puisait par seaux, et quatre hommes étaient occupés, au moment de l'exécution, à les vider dans cet aqueduc[13].

Leur besogne n'était pas finie encore. C'était maintenant à Robespierre et à ses amis, c'était à Dumas et aux hommes du tribunal révolutionnaire, c'était aux membres de la Commune, mis en masse hors la loi, de monter sur les fatales charrettes ; et il y eut encore de sanglantes hécatombes : le 10 thermidor, les deux Robespierre, Couthon, Saint-Just, Hanriot, Dumas, le général Lavalette, Lescot-Fleuriot, maire, Payan, agent de la Commune, le cordonnier Simon, en tout vingt-deux[14] ; le 11 thermidor, soixante-dix[15] ; et le 12 thermidor, un reliquat de douze jurés ou membres de la Commune. On y procédait à la façon dont les vaincus avaient agi ; et, là aussi, il y eut des confusions déplorables. Le comte Beugnot cite dans ses Mémoires un jeune médecin, membre du Conseil général de la Commune, qui, dans la nuit du 9 au 10 thermidor, veilla auprès de sa femme malade dans un hôtel voisin de la Force, lui fit la lecture, et finit même, comme elle, par s'endormir. Par trois fois il avait été appelé pour se rendre au Conseil général, et il s'y était refusé, disant qu'il en avait assez des querelles de la Commune et' de la Convention. Sur le matin, il se rendit pourtant à l'Hôtel de Ville pour s'enquérir des événements de la nuit. Sans le savoir, il était hors la loi, il fut pris et exécuté[16].

Parmi les membres du tribunal révolutionnaire, il en est un qui avait échappé : c'était le vice-président Coffinhal. Il avait pris un habit de batelier, s'était réfugié dans l'île des Cygnes, où il resta pendant deux jours et deux nuits, ne vivant que d'écorces d'arbre. Pressé par la faim, il se présenta chez un homme à qui il avait rendu service, qui le reçut, l'enferma à clef et alla chercher la garde. II n'y avait plus de tribunal révolutionnaire ; le tribunal criminel fut autorisé à constater son identité, et, cela fait, le 18 thermidor, il fut livré aux exécuteurs. Ce retard lui valut un supplément de tortures — le peuple l'aurait moins remarqué auprès de Robespierre —. On se rappelait la dureté avec laquelle il fermait la bouche aux accusés, et l'on criait : Coffinhal, tu n'as pas la parole ! On racontait qu'un jour, ayant condamné à mort un maître d'armes, il lui avait dit : Eh bien, mon vieux, pare-moi donc cette botte-là ! Et des hommes formés à cette école, toujours prêts à insulter les victimes, lui lançaient des coups de parapluie à travers les barreaux de la charrette, criant, hurlant avec un ricanement féroce : Coffinhal, pare-moi donc cette botte-là ! (t. I, p. 431.)[17]

Il semblerait que la chute de Robespierre dût mettre un terme à la Terreur. Ce n'était pas la pensée de ceux qui venaient de l'abattre. Les hommes du 9 thermidor ne comptaient pas renoncer au système : ils ne voulaient que frapper des collègues qui allaient se tourner contre eux, tout prêts eux-mêmes à le continuer à leur profit[18]. Mais il arriva ce qui arrive toujours quand un peuple, par je ne sais quelle fascination, a plié sous un joug et que le charme vient à se rompre. Le charme était rompu par la mort de Robespierre. La Terreur semblait être incarnée dans sa personne, et le mouvement de l'opinion publique entraîna tout le monde, passant par-dessus ceux qui, ayant donné l'impulsion, se croyaient maîtres de la gouverner. Lorsqu'on réorganisa le tribunal révolutionnaire, et que les comités, par l'organe de Barère, présentant leur liste, on y trouva, comme accusateur public, Fouquier-Tinville, un cri d'horreur s'éleva dans la Convention. Vous avez, dit Fréron, renvoyé au tribunal révolutionnaire l'infâme Dumas et les jurés qui partageaient avec lui les crimes du scélérat Robespierre ; l'accusateur public n'était pas moins coupable. Je demande que Fouquier-Tinville aille cuver aux enfers le sang qu'il a versé. Je demande contre lui un décret d'accusation. — Ce serait trop d'honneur à un pareil scélérat, dit Turreau. Je demande qu'il soit simplement mis en accusation et traduit au tribunal révolutionnaire. (t. I, p. 432.) Qui fut surpris ? Ce fut Fouquier-Tinville. Il avait trouvé tout naturel qu'on le maintînt à sa place. Quel magistrat dans la République avait apporté plus de zèle à l'accomplissement de ses fonctions ? Il avait envoyé à la mort Marie-Antoinette et Mme Roland, Charlotte Corday et le père Duchesne, les Girondins et Danton, Camille Desmoulins et Robespierre. Il était prêt à y envoyer encore tous les membres de la Convention qu'il plairait à l'Assemblée de lui adresser, et on le décrétait d'accusation ! C'était à n'y pas croire. Il vint se constituer prisonnier[19].

 

Le second volume de M. Campardon se compose de deux livres : l'un, consacré au tribunal révolutionnaire réorganisé, et qu'il appelle le tribunal réactionnaire : c'est celui qui acquitta les quatre-vingt-quatorze Nantais, restant des cent trente-deux envoyés au tribunal de Paris par le comité révolutionnaire de Nantes, et condamna Carrier ; l'autre à la dernière forme de ce tribunal, établie par la loi du 8 nivôse an III, au tribunal qu'il nomme le tribunal réparateur : c'est celui qui jugea Fouquier-Tinville.

Nous ne pouvons plus que renvoyer au livre de M. Campardon pour ces procès. Son ouvrage est particulièrement consacré au tribunal révolutionnaire de Paris, c'est-à-dire à la Terreur à Paris. Le procès des Nantais et de leur bourreau nous révèle un coin de l'histoire de la Terreur en province[20]. L'acquittement des Nantais était assuré après le 9 thermidor, et l'on peut dire que Fouquier y servit en faisant ajourner jusque-là leur comparution devant le tribunal. On pouvait d'autre part regarder comme certaine la condamnation des hommes du Comité révolutionnaire qui les y avait envoyés.

Chose étrange ! dans l'une comme dans l'autre affaire, Carrier était assigné comme témoin. Il fallut le cri public pour l'arracher aux bancs de la Convention et obtenir, après la triple ou quadruple épreuve de l'avis des trois Comités, du rapport d'une commission de vingt et un membres, et de deux discussions publiques au sein de l'Assemblée même, qu'il fût renvoyé sur les gradins où étaient rangés ses complices. Il comparut. Devant lui, la noirceur des crimes reprochés aux autres en fut comme effacée. Ils avaient fusillé dés Vendéens qui déposaient leurs armes ; ils avaient, dans ces noyades qu'ils qualifiaient de baignades, fait périr par milliers des hommes, des femmes, des enfants[21] ; ils avaient noyé même des femmes grosses (t. II, p. 57) : et pourquoi épargner les femmes grosses, puisqu'ils noyaient les enfants avec les femmes ? Mais Carrier était là : c'est lui qui avait été l'âme de ces exécutions, l'ordonnateur de ces mariages républicains, où se joignaient le sacrilège et l'impudeur à la barbarie du supplice. Il les sauva, excepté deux seulement qui furent envoyés avec lui à la mort : Grandmaison, assassin émérite — dans les noyades, il frappait de son sabre les mains de ceux qui cherchaient à se raccrocher à. la gabarre —, et Pinard, qui, se donnant pour mission d'exécuter à la lettre le décret d'extermination rendu contre la Vendée, s'en allait dans les villages et profitait de ce que les hommes avaient fui pour égorger les femmes et les enfants. Sur les trente autres accusés, trois sont acquittés comme non coupables ; vingt-sept déclarés convaincus d'assassinats, de noyades, d'exactions, d'actes arbitraires ; mais comme ils ont commis ces crimes sans intention contre-révolutionnaire, ils sont également acquittés ! (t. II, p. 128)

Cette sentence, rigoureusement légale, était la condamnation de l'institution elle-même. Qu'était-ce qu'un tribunal qui devait absoudre le crime avéré, si le crime n'avait pas été commis dans la pensée de combattre la révolution ? Un décret du 28 frimaire fit remettre en prison ces assassins bons patriotes, et porta que le tribunal révolutionnaire serait renouvelé.

C'est par ce tribunal nouveau que fut jugé Fouquier-Tinville.

Lui qui fut pour quelque chose, quoi qu'il en dise, dans les mesures prises pour supprimer toute garantie aux accusés et hâter les jugements, lui qui expédiait cinquante et soixante accusés en quelques heures, il comparut devant un tribunal où toutes les formes de la justice étaient rétablies. L'instruction de son procès dura dix mois ; les débats ouverts le 8 germinal ne se terminèrent que le 17 du mois suivant. On entendit deux cent cinquante témoins à charge et deux cents à décharge. Il n'y gagna guère. Ce fut une occasion d'étaler au grand jour toutes les atrocités dont il était accusé. Mais il y en a d'autres qui y gagnèrent moins encore : ce furent les hommes dont il avait été l'agent. Sa défense est un dernier réquisitoire, un réquisitoire terrible contre le Comité de salut public et tout le régime de la Terreur : C'est comme particulier, dit-il, que l'on m'accuse, mais c'est comme homme public qu'on veut me punir. Comme simple particulier, j'opposerai mes actions domestiques et politiques ; comme homme public, mon ministère, les lois et la volonté toute-puissante du gouvernement. Ne perdez pas de vue, citoyens, que je n'étais qu'un rouage mobile et soumis à l'action du ressort de la mécanique du gouvernement révolutionnaire. Le ressort était-il trop violent ? C'était au gouvernement, à la Convention même de l'arrêter : moi, je ne pouvais que recevoir l'impulsion et la rendre avec la même force. Dois-je être responsable de la rigueur et de l'atrocité même, si vous voulez, de la loi du 22 prairial, lorsque je n'en pouvais être que le passif exécuteur ? Est-ce moi qui faisais les lois ? Est-ce moi qui ai fait le choix des juges et des jurés ? N'ont-ils pas été nommés par la Convention ? Est-ce moi qui ai couvert le territoire de la République d'échafauds permanents ? Est-ce moi qui ai entassé dans les cachots, pêle-mêle avec le crime, l'erreur, l'innocence et la vertu ? Est-ce moi, en un mot, qui écrivais le livre des morts et qui désignais les victimes ?... Au reste, j'agissais sous les yeux du gouvernement ; chaque soir j'allais rendre compte des opérations du Tribunal ; chaque jour, par conséquent, ma conduite et les opérations du Tribunal étaient approuvées par les Comités du gouvernement. Ainsi, quant au prétendu crime de mes fonctions, j'ai la garantie des lois et du gouvernement. (t. II, p. 247.)

Et pour la conspiration des prisons, cette nouvelle forme d'égorgement des prisonniers, ces nouvelles journées de septembre qui furent des semaines, où la brutalité des exécutions populaires a fait place à l'hypocrisie des formes légales, plus odieuse encore, Fouquier démontra d'une manière accablante qu'il n'avait été que l'exécuteur des ordres du Comité de salut public, l'agent des hommes qui avaient été naguère mis hors la loi comme de ceux qui alors encore faisaient la loi (t. II, p. 249, 251). C'est le Comité qui lui commandait ces exécutions en masse au-delà même de ce qu'il avait jamais fait ; c'est le Comité qui, par les arrêtés des 2 et 3 thermidor, lui envoyait une liste de quatre cent soixante-dix-huit accusés, avec ordre que les y dénommés soient mis à l'instant en jugement (t. II, p. 261). Seulement Fouquier nous semble un peu naïf dans son orgueil d'accusateur public quand il se vante d'avoir provoqué le jugement de plus de deux mille quatre cents contre-révolutionnaires tous plus forcenés les uns que les autres (t. I, p. 440), et on a le droit de ne le point séparer de ceux dont il fut l'instrument et de lé tenir, selon la parole du substitut Cambon, comme un des principaux partisans de cette transpiration politique dont parlait Collot, qui devait être si abondante qu'elle ne devait s'arrêter qu'après la destruction de douze à quinze millions de Français. (t. II, p. 321.)

 

 

 



[1] Le système de la conspiration des prisons, dit Blanqui le conventionnel, n'était dans le fond qu'une septembrisation renouvelée sous des formes juridiques. (Histoire des prisons, t. I, p. 166.)

[2] Histoire des prisons, t. 1, p. 178 ; Mémoires sur les prisons, t. I, p. 270, etc.

[3] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 181.

[4] Mémoires sur les prisons, t. I, p. 276.

[5] Histoire des prisons, t. III, p. 103.

[6] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 278.

[7] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 198.

[8] Histoire des prisons, t. II, p. 129.

[9] Beaulieu rapporte cette résolution à l'administrateur Wiltcheritz qui se trouvait alors au Luxembourg. (Essais, t. V, p. 365.)

[10] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 182.

[11] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 279. — Ce fut aussi par des signaux du dehors que la nouvelle en pénétra aux Madelonnettes. (Suppl. aux Mémoires de madame Roland, t. II, p. 323.

[12] Mémoires sur les prisons, t. I, p. 176. — Une gravure du temps fut consacrée au 9 thermidor avec cette légende qui en donnera une idée : Un génie tutélaire sort du Sénat armé d'un glaive flamboyant, il extermine les oppresseurs de la France. L'affreux tribunal révolutionnaire renversé dans la poussière laisse entrevoir sa figure (celle d'un jacobin) sous le masque de la Justice. Ses satellites fuient, le poignard à la main, et s'empressent d'un-porter les fruits de leurs rapines. La force terrible, mais aveugle, qui brisait les plus belles productions du génie, s'arrête et cesse de détruire. La tyrannie tourmente les lettres et les beaux arts ; elle assassine la chimie et la physique, qu'elle arrache à leurs utiles travaux ; elle traîne la peinture dans des cachots ; elle y jette la vieillesse, l'enfance, qui gémissent dans l'attente de la mort. (Cab. des Estampes, Qb 102.)

[13] Lire : Barrière du Trône. Mémoires sur les prisons, t. I, p. 83.

[14] Leur jugement est signé des juges Foucault, Maire, Braver, Deliége, Hamy et du commis greffier Wolff. (Archives, W 434, dossier 975.)

[15] Archives, W 434, dossier 976 et 977. — Ils furent jugés trente-cinq par chacune des deux sections du tribunal ; dans la première section, Scellier, Maire, Bravet, Lohier, juges, Wolff, commis greffier ; dans la seconde Deliége, Barbier, Harny, juges, Ducray, greffier.

[16] Mémoires du comte Beugnot, t. I, p. 279, 280. — Un seul nom parmi les condamnés du 11 thermidor pourrait répondre à cette désignation, c'est celui de Joseph Ravel, chirurgien et membre du Conseil général de la Commune, âgé de 48 ans, natif de Tarascon (Bouches-du-Rhône), demeurant à Paris, rue Antoine. (Archives, W 434, dossier 977.)

[17] Voici sur le nombre des victimes du tribunal révolutionnaire, du 30 avril 1793 au 12 thermidor an II, un document officiel : c'est une attestation du greffier. Il donne en même temps une idée de ses progrès depuis le procès de Danton :

Le greffier du tribunal certifie que, d'après le relevé fait sur le registre du greffe, le nombre des personnes condamnées à mort par le tribunal depuis le 3 avril 1793 jusqu'au 13 germinal 1194 (vieux style) se monte à cinq cent cinq, et depuis ledit jour 13 germinal jusqu'au 12 thermidor suivant, le nombre en est de deux mille cent cinquante-huit, ce qui fait un total de deux mille six cent soixante-trois.

Ce 25 pluviôse de l'an III de la République une et indivisible.

PARIS.

(Archives nationales, F⁷, 4438, pièce 15.) Voyez pour le détail la Liste générale et très exacte des noms, âges, qualités et demeures de tous les conspirateurs qui ont été condamnés à mort par le Tribunat révolutionnaire (Paris an II et an III) : il y en a onze numéros qui paraissaient ou devaient paraître tous les quinze jours sous ce titre : Liste des guillotinés. Elle remonte au tribunal du 17 août, et compte 22 victimes pour cette période. Louis XVI est inscrit au numéro 23. Les condamnés du tribunal révolutionnaire proprement dit commencent au numéro 24. Il y eu a 2.637 jusqu'à Robespierre. Robespierre figure au numéro 2638 en tête de la liste du 10 thermidor.

[18] Voyez le Rapport fait au nom du Comité de salut public, par Barère, sur les patriotes détenus et sur les mesures à prendre pour mettre en liberté les citoyens .qui ne sont pas compris dans la loi du 17 septembre (vieux style). (Séance du 22 thermidor.)

Les comités, dit-il, ne cessent de statuer sur les libertés demandées, ils no cessent de réparer les erreurs ou les injustices particulières ; mais l'affluence des citoyens de tout sexe aux portes du comité de sûreté générale ne fait que retarder des travaux aussi utiles aux citoyens.

Nous rendons justice aux mouvements si naturels (Île l'impatience des familles, aux sollicitudes des épouses et des mères ; mais pourquoi retarder par des sollicitations injurieuses aux législateurs et par des rassemblements trop nombreux la marche rapide que la justice nationale doit prendre à cette époque.

Dans quelques sections, des mouvements, qui étaient trop violents pour être naturels au civisme, ont porté à des demandes dangereuses dans ces circonstances, inutiles auprès d'un comité qui ne cesse de travailler à la cause des détenus, et auprès de la Convention qui a montré toute sa bienfaisante justice dans cette heureuse révolution qui ne fut jamais destinée à servir et à relever les espérances coupables de l'incorrigible aristocratie.

Elle cherche cependant, cette odieuse aristocratie, à s'emparer du mouvement civique ; mais l'esprit public est bon et ferme, etc.

[19] Son Mémoire justificatif se voit au Musée des Archives, vitrine 223, n° 1420.

[20] J'y reviendrai dans un autre travail.

[21] Affilé, charpentier, constructeur de gabares, témoin oculaire de toutes les noyades, évalue à neuf mille la totalité des victimes (t. II, p. 73).