LA TERREUR

TOME SECOND

 

LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE DE PARIS.

 

 

II. — LES NEUF ORLÉANAIS ; LES DEUX CUSTINE ; LE GÉNÉRAI. HOUCHARD ; M. DE LAVERDY ; MADAME DE LAVERGNE ; LAMOURETTE.

 

Les violents aussi subissaient donc la violence ; et c'est ce qui ramène sur eux la pitié : pitié pour les Girondins, les violents d'autrefois, devenus les modérés et emportant avec eux la dernière espérance d'une république raisonnable ; — pitié pour Danton, l'homme de la Terreur avant la Terreur, qu'il introduisit le premier comme une nécessité d'État dans de lugubres journées, et maintenant perdu pour un retour vers des sentiments plus humains ; — pitié surtout pour ce pauvre Camille dont la plume fut si souvent homicide dans son espièglerie ; frappé pour avoir flétri avec une verve vraiment inspirée de Tacite le fanatisme ou l'hypocrisie sanguinaire qui nous ramenait, sous des despotes en bonnet rouge, aux plus mauvais temps des Césars ; si touchant par l'amour qu'il avait au cœur ; touchant encore dans ce funèbre convoi par ses efforts mêmes pour se raccrocher à la vie. Si c'est de la faiblesse devant la mort, sa Lucite, condamnée elle-même pour l'avoir pleuré, nous demande de l'oublier pour elle, quand elle monte, peu de jours après, à l'échafaud, le front tout rayonnant de l'espoir de le rejoindre. — Pitié aussi pour la triste bande d'Hébert ; pour ce Ronsin, général de l'armée révolutionnaire, qui tint à montrer du moins qu'il savait mourir, et cherchait à consoler les autres en leur disant : Le parti qui nous envoie à la mort ira à son tour, et cela ne sera pas long ;pour l'homme de la république universelle, pour Anacharsis Clootz qui disait : Il serait bien extraordinaire que l'homme brûlable à Rome, pendable à Londres et rouable à Vienne, fût guillotiné à Paris. Je ne sais s'il eût été brûlé à Rome, pendu à Londres ou roué à Vienne, mais pour ce qu'il en devait être à Paris, le 4 germinal an II, il ne lui fut plus permis d'en douter. — Pitié même pour ce misérable Hébert, quand on le voit sur la route, accablé de ces quolibets sanglants que son Père Duchesne avait enseignés au peuple contre les victimes vouées par lui à l'échafaud (t. I, p. 247)[1].

Mais pitié surtout pour ces victimes ; et dans ses rapides tableaux, M. Campardon nous a esquissé plusieurs scènes des plus touchantes. Comment ne pas être ému du sort de ces neuf habitants d'Orléans que Léonard Bourdon fit immoler à sa vanité ? Un soir qu'il était à Orléans, un de ceux qui l'escortaient jusque chez lui insulta, dit-on, le factionnaire placé devant la maison commun e. Les hommes du poste vinrent à l'aide, et il s'en suivit une rixe où le représentant du peuple reçut, d'un coup de baïonnette, une légère blessure au bras. Aussitôt il se prétend assassiné. Il veut cumuler la gloire de Lepelletier de Saint-Fargeau, tué par le garde du corps Pâris, avec l'avantage d'être encore en vie. Il écrit à la Convention ; De nouveaux Pâris, au nombre de trente, armés de baïonnettes et de pistolets, m'ont frappé sur tout le corps en me criant : Va rejoindre Lepelletier ! Il est doux d'être le confesseur de la liberté, je ne rendrai à personne les blessures que j'ai reçues. — Non ; mais, pour ceux qui les lui avait données, il ne voulait pas moins que leurs têtes. La Convention rend un décret : vingt-six habitants d'Orléans sont amenés à Paris, traduits devant le tribunal extraordinaire, et neuf des accusés, déclarés coupables, sont condamnés à mort. Vainement leurs parents viennent supplier la Convention : un de ces malheureux est père de dix-neuf enfants dont quatre sont aux armées ; vainement fait-on appel à la générosité de Léonard qui siège à son banc. Il reste muet, et la Convention passe à l'ordre du jour. Les neuf Orléanais sont menés au supplice avec la chemise rouge des assassins ; et l'assassiné trouvait l'expiation à peine suffisante ! Il avait dit, selon Prud'homme, à son médecin : Tu vois cette petite saignée ; elle ne peut être guérie que par une grande. Je veux que vingt-cinq têtes orléanaises roulent sur l'échafaud, ou je perds mon nom, foi de Léonard Bourdon ! (p. 56.) Il le perdit : on l'appela Léopard Bourdon[2].

Laissons Custine, qui ouvre le défilé des généraux mis à mort pour avoir cessé d'être heureux[3], Custine dont la mort pieuse et chrétienne couronne si dignement une vie de soldat[4] ; et le fils de Custine, accusé sur des lettres qu'on tronquait en les lisant[5] ; accablé aux yeux des jurés par cette interpellation du président Dumas : Il est impossible, il est contraire à la nature des choses qu'un fils tel que vous, habituellement en correspondance avec son père, ne soit pas son complice (p. 218). Passons encore un des Loménie, que nous nommions tout à l'heure, accusé pour avoir été aux Tuileries le 10 août et prouvant son alibi : il était à Lille. Mais qu'allait-il faire à Lille ? — Soigner un ami suspect : autre crime pour lequel on le condamne, sans le décharger du premier[6].

Mais arrêtons-nous devant l'énergique figure du général Houchard : Houchard, nous dit Beugnot, avait six pieds de haut, la démarche sauvage, le regard terrible. Un coup de feu avait déplacé sa bouche et l'avait renvoyée vers son oreille gauche. Sa lèvre supérieure avait été partagée en deux par un coup de sabre qui avait encore offensé le nez ; et deux autres coups de sabre sillonnaient sa joue droite en deux lignes parallèles. Le reste du corps n'était pas mieux ménagé que la tête. Sa poitrine était découpée de cicatrices. Il semblait que la victoire s'était jouée en le mutilant. Il avait délivré Dunkerque et remporté sur le duc d'York la mémorable bataille d'Hondschoote. Rendu suspect par ses victoires, il avait été rappelé, jeté en prison. Outre les crimes d'usage — complicité aux attentats contre la liberté, la souveraineté du peuple, l'unité et l'indivisibilité de la République —, il était accusé de n'avoir pas, dans la bataille, tué assez d'Anglais. — On se défendait encore alors ; il avait composé pour sa défense une harangue qui respirait, dit Beugnot, une éloquence sauvage et l'indignation d'un grand cœur. Un praticien la lui gâta : mais le général reparut tout entier lui-même quand le président Dumas osa lui dire qu'il était lâche. A ce mot qui commençait le supplice du vieux guerrier, il déchira ses vêtements et s'écria en présentant sa poitrine couverte de cicatrices : Citoyens jurés, lisez ma réponse, c'est là qu'elle est écrite ; et il retomba sur le fatal fauteuil, abîmé dans ses pleurs : c'étaient les premiers peut-être qui s'échappaient de ses yeux. Dès lors on put le juger, le conduire au supplice, l'assassiner ; il ne s'apercevait plus de ce qui se passait autour de lui. Il n'avait plus qu'un sentiment dans le cœur, celui du désespoir, et qu'un mot à la bouche qu'il répéta jusqu'à l'échafaud : Le misérable ! il m'a traité de lâche ! et lorsqu'en descendant on lui demanda quelle était l'issue de son affaire, il répondait : Il m'a traité de lâche ![7] — Tout le reste n'était rien pour lui.

Nommons encore Dietrich, le patriotique maire de Strasbourg, chez qui Rouget-Delisle, son hôte, improvisa la Marseillaise ; qui meurt en recommandant à ses enfants de continuer d'aimer la patrie, et de ne jamais songer à venger sa mort[8] ; Girey-Duprey, le collaborateur et le successeur de Brissot au Patriote français. Comme il savait bien le respect du tribunal pour la liberté de la presse, il se présenta devant les jurés, s'étant fait par avance la toilette des condamnés, les cheveux coupés, le col de chemise abattu, et il marcha au supplice chantant ces vers qu'il composa sous l'inspiration de la mort, et dont on a fait au moyen de quelques coupures le chant trop fameux des Girondins :

Martyrs de la liberté sainte, etc.

Pierre Gondier, agent de change, condamné à mort pour avoir accaparé du pain et l'avoir caché dans son domicile — quelques croûtes sèches qu'il avait reléguées dans son grenier pour être données aux poules de sa voisine ! (t. I, p. 168) — et M. de Laverdy, ancien contrôleur général des finances, membre honoraire de l'Académie des Inscriptions et l'auteur des tables de ses Mémoires : ce vieillard, septuagénaire, était accusé aussi d'avoir voulu affamer le peuple, parce qu'on avait trouvé, disait-on, du grain au fond d'un bassin, situé à la portée de tout le monde, dans une propriété où il n'était pas allé depuis deux ans ! Sa défense fut aussi nette que péremptoire : à quoi bon ? il était riche ; et la confiscation suivait la mort (t. I, p. 190).

Mais donnons dans cette funèbre galerie une place toute particulière à Mme de Lavergne.

Son mari, vieilli avant l'âge et atteint d'une grave maladie, était retenu en prison depuis la capitulation de Longwy où il commandait. Après avoir longtemps sollicité des juges, il en était réduit, par ses infirmités, à ne plus pouvoir comparaître ; et Mme de Lavergne avait vainement sollicité un sursis auprès des membres du Comité de sûreté générale. Elle se décide à voir le président du tribunal, Dumas ; elle arrive jusqu'à lui, elle se jette à ses pieds. Écoutons M. Campardon :

Dumas contemple froidement le désespoir de cette jeune femme qui se roule à ses genoux. Eh quoi ! citoyenne, ce serait donc un malheur pour toi d'être délivrée de ton vieux mari ? Sa mort te laissera libre d'employer tes charmes d'une manière beaucoup plus agréable. A ces mots, Mme de Lavergne s'est relevée avec indignation : la colère a remplacé le désespoir. Misérable ! s'écrie-t-elle, je n'ai plus besoin de toi, je t'attends au tribunal ; tu verras si j'ai mérité l'outrage que tu viens de me faire ! Dès ce moment, la malheureuse femme a pris son parti ; elle se rend au tribunal, et, assise par terre, au milieu de la foule qui encombrait le palais, elle attend dans un morne silence l'heure de l'audience. Le greffier ayant appelé la cause de Lavergne-Champlaurier, les habitués du tribunal furent alors à même de contempler un étrange spectacle. Des geôliers de la Conciergerie entrèrent dans la salle et déposèrent à terre, devant les juges, un matelas sur lequel un homme était couché ; c'était M. de Lavergne. L'acte d'accusation lu, les témoins déposèrent ; quelques interpellations furent adressées au moribond, qui ne répondit que par des gémissements informes. Cette scène n'émut aucunement le tribunal ; le substitut Liendon requit la peine de mort. A peine le jugement était-il rendu, au moment où les geôliers relevaient M. de Lavergne, qui restait insensible, sans se rendre compte de ce qui s'était passé, une femme, jeune et belle, perdue au milieu de la foule, s'écria à plusieurs reprises d'une voix éclatante : Vive le roi ! vive le roi ! Ses voisins voulurent en vain la faire taire, elle cria de nouveau : Vive le roi ![9] Des gendarmes s'en saisirent et la menèrent par-devant les administrateurs du département de la police.

On l'interroge, mais son émotion a été telle qu'elle en a perdu la mémoire. A ce qu'on lui demande, elle répond qu'elle ne sait pas, qu'elle a seulement besoin de se coucher. On la traduit immédiatement devant le tribunal. Là enfin elle retrouve ses esprits et toute sa force d'âme. On l'envoyait avec son mari à la mort.

Elle monta, continue M. Campardon, dans la même charrette que lui ; au moment du départ, M. de Lavergne, qui ne comprenait aucunement sa situation, tomba en défaillance ; on le coucha sur la paille qui jonchait la charrette, et la marche à travers Paris commença. Mme de Lavergne contemplait avec affection et avec bonheur ce vieillard, à qui elle sacrifiait sa vie : la tête de l'infortuné, secouée par les cahots de la voiture, tombait sur les pieds .de sa femme ; sa chemise entr'ouverte laissait pénétrer les rayons du soleil de printemps sur sa poitrine ; il paraissait souffrir de cette chaleur brûlante. S'adressant alors à l'exécuteur, Mme de Lavergne le pria de prendre une épingle à son fichu et d'en fermer la chemise de son mari ; elle ne put lui rendre elle-même ce service ; elle avait, comme tous ceux qui marchaient au supplice, les mains liées derrière le dos. Cependant M. de Lavergne était revenu à lui-même ; sa femme craignant encore une nouvelle défaillance, l'appela par son nom, et lui raconta en peu de mots par quel concours de circonstances ils se trouvaient tous deux dans cette charrette. Avant de périr, Mme de Lavergne eut la joie de voir que son mari avait compris son généreux sacrifice et son dévouement pour lui ; les larmes éloquentes qui tombaient des yeux desséchés du vieillard lui tinrent lieu de remercîments. Arrivés à l'échafaud, les deux époux s'embrassèrent et moururent l'un après l'autre avec courage. (t. I, p. 286-291.)

 

Des personnes de toute condition étaient jetées pêle-mêle sur la charrette qui les menait à l'échafaud ; c'étaient quelquefois des femmes de mauvaise vie pour avoir crié : Vive le roi ! (p. 216) : belle occasion de montrer combien la corruption des mœurs était attachée à l'ancien régime ; ou bien deux imprimeurs-libraires pour avoir publié une brochure contre-révolutionnaire où l'on plaignait la mort de Louis XVI. Sur le réquisitoire de Fouquier-Tinville, la brochure fut brûlée au pied de l'échafaud où ils subirent le dernier supplice (p. 231). Ici, l'ancien régime était pour le moins égalé.

Le spectacle journalier des condamnations avait familiarisé avec la mort. A force de l'attendre, on avait cessé de la craindre, et l'on en trouve plus d'un exemple dans l'Histoire des prisons. Citons seulement, parmi ceux qui nous montrent l'accusé devant le tribunal, Lamourette, ancien oratorien, ancien évêque constitutionnel de Lyon et membre de l'Assemblée législative — ô baiser Lamourette ! — A Lyon, pendant le siège, il s'était prodigué parmi les balles et la mitraille pour porter les secours spirituels aux mourants. Il avait été blessé lui-même. Il attendait la mort de la main du bourreau.

Dans la prison, dit Beugnot qui fut son compagnon de chambre, on le voyait remplir régulièrement, mais sans affectation, ses devoirs de prêtre. Lorsqu'il fut conduit au tribunal, il avoua ce dont il était accusé, comme le devoir le plus sacré de son état, confessa sa foi, fit le signe de la croix et attendit son jugement. — Il m'a chargé, ajoute Beugnot, de publier la rétractation du serment qu'il a prêté à la constitution civile du clergé. Je n'y manquerai pas[10].

Citons encore, un peu à la décharge de Fouquier-Tinville, Angrand d'Alleray, ancien lieutenant-civil du Châtelet. Fouquier-Tinville, qui avait reçu de lui des services, lui fit dire de tout nier ; et au tribunal, le président Dumas lui ayant reproché d'avoir fait passer de l'argent à un de ses enfants qui avait émigré : Peut-être, dit un juré à qui Fouquier avait sans doute donné le mot, l'accusé ignorait-il la loi qui interdit toute correspondance avec les émigrés ?Je la connaissais, dit M. d'Alleray ; mais les lois de la nature passent avant les lois de la république. Il fut condamné à mort (t. I, p. 312). Signalons aussi avec M. Campardon, à l'honneur cette fois du président Dumas, ces huit religieuses qui, accusées pour fanatisme et refus de serment, ne furent condamnées qu'à la déportation, grâce à une question glissée parmi les autres et soumise au jury comme une invitation à la clémence[11].

 

 

 



[1] Il ne faudrait pas donner aux gravures historiques plus de valeur qu'elles n'en comportent. L'une d'elles (Cab. des Est., Qb 101) représente la charrette menant des condamnés au supplice avec cette inscription : Supplice de Gobel, évêque de Paris, Hébert, Vincent, Chaumette, etc. Le 14 mars 1794 ou 24 ventôse an II de la République. Tout est erreur dans cette légende : la réunion d'Hébert et de Vincent avec Chaumette et Gobel sur la même charrette, et la date de leur supplice. Hébert et Vincent furent exécutés le 4 germinal (24 mars 1794), Gobel et Chaumette le 24 (13 avril).

[2] Voyez l'Exposé des faits relatifs à l'assassinat commis à Orléans le 16 mars 1793, et réponse au rapport du comité de législation par LÉONARD BOURDON, député par le Loiret à la Contention nationale. Il en fait un attentat dont la meilleure partie de la ville et de la municipalité même sont complices, et tonne contre le comité de législation qui n'avait pas pris ce complot municipal au sérieux.

[3] On a la minute d'un arrêté en simple projet de la main de Barère portant que tout représentant du peuple, tout général convaincu de n'avoir pas exécuté les arrêtés du Comité de salut public, ou d'avoir donné des ordres contraires, sera puni de mort. (Saladin, Rapport fait au nom de la commission des 21, 12 ventôse an III. Pièces, n° 73). Les quatre derniers mots ont été rayés ; mais alors l'arrêté perdait sa raison d'être on le laissa. On trouvait suffisamment dans les lois révolutionnaires de quoi frapper les généraux.

[4] Une gravure du temps (Cab. des Est. Qb 332) représente la main du bourreau tenant la tête sanglante de Custine, avec cette suscription : Aux mânes de nos frères sacrifiés par le traître, et cette légende : Son sang impur abreuve nos sillons. Ainsi périssent les traîtres à la patrie. 28 août l'an 2 de la République une et indivisible, à 10 h. 30 m. du matin.

[5] Il était question d'une mission auprès de Brunswick. Dans la lettre où il rendait compte des dispositions du prince général, il parlait de ses prétentions au trône de Pologne. Le président faisait croire qu'il s'agissait du trône de France. Voyez Riouffe, Fragments et correspondances, dans les Mémoires sur les prisons, t. I, p. 130. Lisez dans le même recueil les deux dernières lettres si touchantes du jeune Custine à sa femme (p. 133-135).

[6] Histoire des prisons, t. IV, p. 250.

[7] Mémoires du comte Beugnot, t. I, p. 191, 193. — M. Quinet, dans son horreur pour le militarisme, me parait prendre trop facilement son parti des procédés de la Terreur envers les généraux : Les pays, dit-il, qui dans le monde sont restés libres ont pris contre leurs propres armées des précautions presque aussi défiantes que contre l'ennemi. A ce point de vue, le régime de 1793, funeste au dedans, nuisit moins qu'ailleurs sur les champs de bataille. A des troupes formées d'hier il tint lieu de discipline. La fureur de L'avancement par où se corrompent les armées était impossible là où il y allait de la tête pour une simple erreur de détail. En ramenant les maximes impitoyables des Romains aux temps des Brutus et des Manlius, on se fit de nouvelles armées romaines, non moins dociles que les anciennes. (XXI, 2, t. II, p. 414, 415) — Mais, pour laisser la question sur ce terrain de l'utilité pratique Où la réduit si étrangement M. Quinet, à quoi cela a-t-il abouti ? N'a-t-on eu l'Empire que parce que la République n'a pas immolé tous ses généraux ?

[8] Voyez sa lettre si simple, si digne, à ses enfants. (Mémoire sur les prisons, t. I, p. 125.)

[9] Riouffe dit qu'il a vu plus de dix femmes chercher la mort par ce moyen : les unes pour ne pas survivre à un époux, d'autres à un amant, d'autres par dégoût de la vie, presque aucune par fanatisme royal. (Mémoires sur les prisons, t. I, p. 88.) — On en trouvera plus encore dans l'Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris.

[10] Mémoires du comte Beugnot, t. I, p. 211, 212. — Riouffe, qui était en même temps que lui à la Conciergerie, mais non, comme Beugnot, dans la même chambre, et qui, par conséquent, n'a pas la même autorité, a effacé la couleur religieuse de ses derniers moments. Il rapporte que, ramené du tribunal, il s'occupa tranquillement avec ses compagnons, dissertant sur l'immortalité de l'âme ; et comme on le plaignait : Eh ! quoi, la mort n'est-elle pas un accident auquel on doit se préparer ? La guillotine, ce n'est qu'une chiquenaude sur le cou ! (Mémoires sur les prisons, t. I, p. 63.)

[11] Le récit de la courageuse confession de ces saintes filles a été fait par l'une d'elles, mère Angélique-Françoise Vitesse. On le trouve dans les appendices de M. Campardon (t. I, p. 460). Coittant (Mémoires sur les prisons, t. II, p. 50) parle de ces religieuses en des termes qui ne reproduisent pas la touchante simplicité de ce récit, mais qui rendent le fond de l'interrogatoire. J'ai reproduit l'interrogatoire même dans l'Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, t. IlI p. 418