LA POLITIQUE ROMAINE DANS LES GAULES APRÈS LES CAMPAGNES DE CÉSAR

 

PAUL VIOLLET.

Revue Historique, XXXIX, 1er fascicule — 1889.

 

§ Ier. La conquête. — § II. L'assimilation - Cité romaine et droit latin. — § III. L'assimilation (suite) - Le culte des empereurs - La suppression du druidisme.

 

 

§ Ier. — La conquête.

D'éminents esprits estiment que la conquête romaine a, en fin de compte, servi l'humanité et contribué au progrès général ; c'est trancher une question qui me parait insoluble. Il faut, pour la bien poser, examiner attentivement les effets d'une conquête.

Le conquérant qui appartient à un milieu très riche et à une civilisation avancée est souvent, à mes yeux, plus malfaisant, quelles que soient sa modération et sa bonne volonté, plus malfaisant que le conquérant barbare, car ses besoins sont beaucoup plus développés et plus coûteux que ceux du barbare ; s'il est sage, il ne dévastera pas le pays conquis ; mais il l'épuisera lentement ; c'est la condition ordinaire, la raison d'être de sa présence. Quelques saignées, au contraire, pourront satisfaire le barbare, et même, si les circonstances sont favorables, il trouvera autour de lui, dans les habitudes et la civilisation du peuple vaincu, un stimulant au travail utile et le moyen de s'enrichir lui-même, en contribuant à la prospérité commune. Mais le vainqueur civilisé apporte avec lui une culture intellectuelle, morale, philosophique, des procédés agricoles et industriels ; voilà, dira-t-on, le bienfait de la conquête. On oublie que toute civilisation ainsi importée a étouffé un germe, a empêché un développement naturel et y a substitué une culture exotique déjà faite et toute formée, déjà peut-être vieillie. Nous ignorons parfaitement ce que fût devenu le monde gaulois, abandonné à son activité propre ou même envahi cinq cents ans plus tôt par les Germains ; nous ignorons quelle influence civilisatrice eussent pu exercer des voisins tels que les Grecs et les Romains ; quelle eût été enfin l'action bienfaisante du christianisme, qui allait faire son apparition. L'historien, se plaçant ici à un point de vue purement utilitaire, ne faisant intervenir aucune notion de droit public ou international, s'abstiendra donc de prononcer un jugement ; il confessera son impuissance ; il est condamné à ignorer, car les points de comparaison lui manquent, si la conquête qui importa en Gaule la civilisation romaine a profité, en dernière analyse, au progrès, a rendu à l'humanité un service incontestable et bien caractérisé. Sans doute, un élément se dégage avec netteté : Rome a contribué à l'uniformité de la civilisation occidentale, elle a fondé cette uniformité ; mais cette observation isolée ne nous est d'aucun secours. L'uniformité, indépendamment de toute autre circonstance, peut-elle être considérée comme un bienfait ? Je crains qu'elle n'implique, sinon en théorie pure, du moins en fait, un appauvrissement, un amoindrissement.

Je rappellerai en peu de mots les phases principales de la conquête, sans m'attacher beaucoup aux circonstances qui Pont amenée ; les bonnes raisons diplomatiques n'ont jamais fait défaut à un conquérant ; je négligerai le plus souvent l'histoire diplomatique.

En l'an 454 avant Jésus-Christ, les Massaliotes, en guerre avec les tribus liguriennes du voisinage, appelèrent les Romains à leur secours ; ceux-ci passèrent les Alpes, descendirent dans la Gaule transalpine, battirent les tribus qui inquiétaient la colonie grecque et leur enlevèrent quelques terres qu'ils donnèrent aux Massaliotes. Trente ans plus tard, nouvelle demande des Massaliotes[1], nouvelles victoires des Romains contre des tribus gauloises[2] établies entre le Rhône et les Alpes (les Salyens ou Salluviens) cette fois, les Romains restèrent dans le pays ; le consul Sextius, en l'an 123, fonda la première station romaine dans la Gaule transalpine, Aquæ Sextiæ, Aix[3].

En l'an 121, les Allobroges et les peuples d'en deçà du Rhône furent vaincus par les Romains et imparfaitement soumis. Rome posséda dès lors en Gaule un certain territoire dont il est d'ailleurs difficile de déterminer les limites ; ce fut la province, provincia[4].

Peu après, en l'an 118, voulant assurer ses communications avec l'Espagne, Rome étendit la Province dans cette direction et fonda la colonie de Narbonne[5], destinée, comme dit Cicéron, à devenir une sentinelle et une forteresse du peuple romain dans ces contrées[6]. Les Romains étendirent bientôt leur domination jusqu'à Toulouse[7].

La Province — qu'on nomma plus tard Narbonensis[8], Narbonnaise, du nom de Narbonne, sa métropole — fut, comme on sait, menacée, à la fin du ne siècle, par la terrible invasion des Cimbres et des Teutons, peuples de race germanique[9]. Marius remporta sur les Teutons, en l'an 102, la grande victoire d'Aix[10] ; l'année suivante, il extermina les Cimbres à Verceil ; la province était sauvée. Elle fut gouvernée pendant quarante ans par des propréteurs ou proconsuls fort obscurs pour la plupart ; l'un d'eux, Fonteius, s'est fait un nom par ses exactions accusé, il fut défendu par Cicéron, dont le plaidoyer ne nous est pas parvenu intact[11].

L'an 59 vit s'ouvrir pour la Gaule des destinées nouvelles. A cette date, les Suèves, peuple germanique, et leur chef Arioviste, venaient de s'établir en Gaule chez les Séquanes ils avaient mis en déroute les Éduens, alliés de Rome. D'autre part, les Helvètes, population gauloise fort redoutable, opéraient une migration et menaçaient la vallée du Rhône ; c'étaient pour la Gaule deux très grands périls. L'Éduen Divitiacus était venu à Rome et avait invoqué contre Arioviste l'appui du Sénat[12]. Rome, en effet, intervint[13]. La loi Vatinia investit pour cinq ans César de l'imperium dans les provinces de Cisalpine, de Transalpine (Narbonnaise) et d'Illyrie. Le Sénat ajouta la Gallia comata, qui était à conquérir. Huit ans plus tard, la Gaule était délivrée et des Helvètes[14] et des hordes germaniques ; mais.... elle n'existait plus, elle était terrassée et à la merci des Romains[15].

Elle eût pu, en ce moment, être réduite tout entière en province romaine ; on oublie trop facilement que cela n'eut pas lieu. Il convint à César, après s'être fait très redoutable, de se faire très populaire. Il employa le dernier hiver passé par lui dans les Gaules à visiter les cités et à se les concilier, en attirant a lui les principes et la population militaire. Il décerna aux États gaulois des titres honorifiques, ne leur imposa aucune charge[16] et s'abstint de réduire officiellement en province romaine la majeure partie de la Gallia comata[17]. Tant de générosité après tant de victoires gagna à César de nombreux amis. Un fait matériel en témoigne. Nous constatons que beaucoup de principes ajoutèrent avec empressement à leur nom barbare celui de Julius, c'est-à-dire le gentilicium de César[18].

J'ai dit que César accorda aux cités gauloises des titres honorifiques. Quels étaient donc ces titres ? Il s'agit, nous n'en pouvons douter, de titres qui supposent l'indépendance ; il s'agit des titres de fœderati, alliés, de liberi, libres. Qu'on ne se fasse pas illusion, cependant ; ces fœderati et ces liberi avaient tous un maître et les moins humiliés se trouvaient bien prés d'être traités comme deditii[19] ou adhérents à la loi romaine, fundi[20]. La république marseillaise conserva, pour le moment, une indépendance un peu plus marquée.

L'hypocrisie, a dit un moraliste, est un hommage indirect rendu à la vertu. Ces mots populi liberi, fœderati sont aussi un hommage rendu au droit international. Plusieurs des peuples de la Gaule ne sont pas, en principe, annexés. II semble qu'aux yeux des Romains eux-mêmes cette conquête n'eût pas été suffisamment justifiée. Nous percevons donc ici un certain sentiment de droit et d'équité, sentiment auquel les mots sont destinés à donner satisfaction. L'observation n'est pas inutile, car nous nous persuadons trop facilement que certaines notions générales d'équité et de justice sont modernes. Cette illusion se dissipe à la lecture de Cicéron.

Si le sentiment du droit international public était assez puissant, il y a deux mille ans, chez les Romains, pour exercer une influence sur les mots, il garde aujourd'hui chez les nations fortes, dites chrétiennes, en relation avec les nations faibles, exactement la même puissance. Nous lui devons l'expression protéger. Nous protégeons[21] ceux que les Romains appelaient liberi ou fœderati. Les modernes seraient assez embarrassés de bien définir la protection. Nous éprouvons de même quelque embarras à définir la liberté des peuples liberi. On parvient néanmoins à dégager des textes la théorie suivante : le peuple libre est indépendant ; il use donc de ses lois ; le magistrat romain n'a sur son territoire aucun droit de juridiction ; enfin il ne paye pas d'impôt[22].

Le peuple libre est dit fédéré lorsqu'il est uni à Rome par un traité. En Gaule, les Rèmes, les Lingons, les Éduens, les Carnutes prirent, au début, le titre de peuples fœderati[23] (et par conséquent liberi). Plus d'une civitas se para fort longtemps du titre de civitas libera[24] on trouve encore ce titre au IIIe siècle ; mais l'immunité d'impôt, si elle exista, comme je le pense, au début, dura peu[25].

Pour arriver à constituer la province, les Romains, dans leur première étape au delà des Alpes, avaient jadis suivi la même voie. Toulouse, en effet, avant d'être partie intégrante de la Narbonnaise, avait été aussi cité fédérée[26]. Une autre cité de la Narbonnaise, celle des Voconces, garda longtemps son titre de cité fédérée[27].

La Gallia comata, dont la liberté avait été, en apparence, respectée par César, fut absorbée peu à peu. C'est Auguste qui parait avoir consommé l'annexion[28].

 

§ II. L'assimilation. - Cité romaine et droit latin.

La Gaule était tombée en la puissance d'un peuple doué tout à la fois d'une grande force et d'une grande finesse qui savait, en même temps, contenir et s'assimiler les vaincus.

Avant d'indiquer les procédés d'assimilation dont Rome fit usage, il est nécessaire de signaler une évolution naturelle qui se produisit en Gaule comme dans tout l'Occident soumis aux armes romaines. Les vainqueurs avaient trouvé de ce côté de l'Europe des populations plus barbares qu'eux ; or, dés que deux peuples inégalement civilisés se trouvent en contact, un courant ascensionnel s'établit, — ce fait est à peu prés constant, — vers le plus civilisé des deux, que celui-ci d'ailleurs soit politiquement dominant ou dominé. Le barbare se fait honneur de ressembler à l'homme policé, et, d'ailleurs, il y trouve son profit. Ainsi, le peuple inférieur se met tout naturellement en marche vers le peuple civilisé, si quelque obstacle spécial ne vient entraver ce mouvement.

Ce phénomène très fréquent se produisit certainement en Espagne et en Gaule et contribua puissamment à la romanisation de ces deux pays, ainsi qu'à celle d'une grande partie de l'Italie.

L'observation a une importance trop générale pour ne pas être placée en tête de ce chapitre ; mais il nous reste à voir par quels moyens les Romains surent seconder ce mouvement naturel.

Si nous cherchons, après deux mille ans, à pénétrer les ressorts secrets de la politique romaine à l'égard de la Gaule, nous croyons constater que Rome chercha et trouva son point d'appui, son levier, dans l'aristocratie que j'appellerai civile ou laïque, pour la distinguer de l'aristocratie religieuse ou de la classe des druides. Précipitant un mouvement naturel dans chaque État, elle livra à cette aristocratie le peuple et surtout le peuple des campagnes. C'est à cette aristocratie siégeant dans les villes devenues chefs-lieux d'État quelle confia ou qu'elle laissa le recouvrement de l'impôt foncier[29]. Celui qui lève un impôt peut assez facilement se dédommager d'avoir aussi à le payer[30]. C'est cette aristocratie qu'avant tout elle attira à elle par les deux mobiles les plus puissants sur le cœur de l'homme : la vanité et l'intérêt.

En effet, de tous ces responsables, elle fit des ambitieux avides d'honneurs et de priviléges[31]. Méthodiquement généreuse, Rome sut graduer ses faveurs avec une habileté consommée et offrir à l'ambition des Gaulois les échelles variées qui pouvaient conduire aux honneurs. La vanité toujours inassouvie des vaincus contribue aujourd'hui à la richesse de nos musées. Nous lui devons une quantité de monuments épigraphiques.

Tout ceci était d'autant plus pratique et d'autant plus facile à réaliser qu'avant la conquête les petites gens étaient déjà, dans les Gaules, bien humbles devant les puissants. Ceux-ci devaient habiter volontiers les campagnes ; mais ils se réunissaient souvent, j'imagine, dans l'oppidum de chaque civitas pour y traiter dans le senatus les affaires communes. Ce senatus devint, aux yeux des Romains, ce que nous appellerions le conseil municipal de la ville et prit un caractère de plus en plus urbain. L'ancien gouvernement des États gaulois se modela très facilement sur le gouvernement des villes romaines. On se déshabitua de considérer dans la civitas l'ensemble d'un État ; la ville absorba l'État. Métamorphose qui n'a rien d'extraordinaire ; elle n'est que la consommation et l'achèvement d'une situation qui se dessinait déjà au temps de l'indépendance gauloise.

Je ne mentionne ici les municipalités gallo-romaines que pour signaler le rôle qu'elles jouent dans la romanisation des Gaules. Mais je dois aborder toute une série de faits qui touchent à la fois au droit public et au droit privé ; je veux parler des concessions du droit de cité romaine ou des concessions de ce que je pourrais appeler des portions, des fragments de la cité romaine (droit latin).

Recevoir le droit de cité romaine, c'est devenir citoyen romain. Je ferai sentir tout à l'heure les avantages de ce titre ; mais j'indique tout d'abord les diverses concessions qui en furent faites. César l'accorda à tous les soldats de la légion Alauda[32] et à plusieurs Gaulois dévoués. Il fit même entrer au sénat quelques-uns de ces nouveaux citoyens[33], ce qui passait la mesure ordinaire. Après César, les Gaulois puissants et influents obtinrent assez facilement la qualité de citoyens romains. Il se créa même dans beaucoup de villes un système permanent et régulier pour conduire les gros personnages à la cité romaine ; j'expliquerai ce système en parlant du droit latin. Ainsi, la cité romaine se propagea très vite. Julius Sacrovir et Julius Florus (qui se révoltèrent en l'an 21 après J.-C.) étaient citoyens romains[34].

Enfin, tout Gaulois, comme d'ailleurs tout pérégrin ingénu qui entrait dans une légion romaine, acquérait la qualité de citoyen romain. Ce mode d'acquisition de la cité prit un grand développement a partir du règne de Vespasien (69-79), car l'Italie fut à cette époque exclue du recrutement des légions[35]. De plus, certaines cohortes auxiliaires recrutées dans les provinces reçurent en bloc le droit de cité[36].

Dès la seconde moitié du Ier siècle, l'empereur Galba accorda le droit de cité romaine aux peuples de la Gaule qui avaient pris parti pour Vindex[37]. Othon le concéda aux Lingons[38], traités, au contraire, par Galba avec la dernière sévérité[39]. Ainsi, dans une partie de la Gaule, les vaincus de César se trouvèrent, dés l'an 69 après Jésus-Christ, citoyens romains. Toutefois, on peut se demander si ces faveurs de Galba et d'Othon furent maintenues par Vespasien[40].

Pour être complet, il faut ajouter que beaucoup de concessions de la cité romaine furent certainement faites à prix d'argent[41].

Il est temps d'expliquer en quoi consiste le droit de cité romaine

Devenu citoyen romain, le Gaulois est inscrit dans une des trente-cinq tribus de Rome ; il peut revêtir la toge — deux honneurs auxquels les Gaulois se montrèrent très sensibles —. Il ne peut être mis à la question et battu de verges[42]. Ainsi, la cité romaine joua chez les Gaulois un rôle comparable, sous certains rapports, à celui de la croix d'honneur parmi nos Arabes ; mais cette croix d'honneur romaine n'est pas seulement un décor et un ornement, elle a aussi un grand intérêt pratique. Devenu citoyen, le Gaulois voit s'ouvrir devant lui l'accès à un bon nombre de fonctions romaines[43] ; mais il n'a pas le jus honorum, c'est-à-dire le droit d'accès à la dignité de sénateur romain et conséquemment aux honneurs de la carrière sénatoriale[44].

Sous l'empereur Claude, les principaux de la Gaule chevelue étaient citoyens romains ; mais ils ne pouvaient ni devenir sénateurs, ni briguer les magistratures. Claude eût voulu que tous ces nouveaux citoyens eussent le jus honorum ; il demanda au sénat cette faveur pour toute la Gaule chevelue ; il ne l'obtint que pour les Éduens[45]. Ceci fut généralisé plus tard, mais à une époque que je ne saurais préciser[46]. Dès lors le droit de cité accordé à un Gaulois le mit sur le pied d'égalité complète avec un Romain et lui valut le jus honorum. Vingt et un ans après la décision prise en faveur des Éduens, un Aquitain d'origine, le propréteur C. Julius Vindex, était gouverneur de la Lyonnaise. Son père avait été comme lui sénateur romain[47].

J'ai indiqué l'intérêt politique de la cité romaine. Il est indispensable d'en montrer aussi la portée au point de vue du droit civil[48].

La civitas emporte divers droits privés importants, à savoir le connubium[49], c'est-à-dire l'aptitude à contracter avec un citoyen romain ou une citoyenne romaine un mariage entraînant les effets que la loi romaine donnait à cet acte ; le commercium[50] ou capacité de contracter, d'acquérir et d'aliéner entre vifs, suivant les formes établies par le droit civil de Rome ; la factio testamenti ou droit de disposer et de recevoir par testament[51].

Rien de plus inoffensif, à première vue, que ce jus connubii, ce jus commercii, cette factio testamenti. Toutefois, ne nous laissons pas prendre aux apparences ; ce sont là trois instruments redoutables à Paide desquels un puissant travail de transformation a pu[52] s'opérer dans l'ombre ; je m'explique :

Si la famille gauloise se compose, comme nous devons le supposer, de copropriétaires vivant en communauté sous l'hégémonie d'un chef, le Gaulois, devenu citoyen romain et jouissant du jus connubii, pourra briser ces vieux usages ; il sera ou il se considérera comme seul propriétaire, au lieu d'être copropriétaire avec ses enfants et ses parents ; du coup, toute l'économie de la famille gauloise sera bouleversée.

Si la propriété immobilière privée est encore, chez les Gaulois, enclavée dans les liens persistants de la propriété commune, en sorte que le droit d'aliéner soit ou inconnu ou subordonné à l'autorisation préalable du groupe local, du groupe des vicini, ou frappé soit d'un droit de préemption, soit d'un droit de retrait en leur faveur ; si, enfin, toute aliénation est soumise, comme les lois historiques du développement du droit privé nous permettent de le supposer, à l'autorisation préalable des parents ou frappée, en leur faveur, d'un droit de préemption ou d'un droit de retrait, le commercium atteindra au cœur et la propriété et la famille gauloise ; tous ces droits de voisinage et tous ces droits de famille s'évanouiront devant lui.

Si, enfin, les Gaulois n'ont pas atteint ce degré du développement juridique qui s'appelle le testament, la testamenti factio donnera encore au Gaulois devenu citoyen une arme nouvelle qu'il pourra tourner contre sa propre famille et contre toutes les traditions de sa patrie. Depuis longtemps roi dans sa famille, il gardera, comme le Romain, son sceptre, outre tombe, et brisera à son gré tous les liens du sang et tous les droits traditionnels ; mais il pourra aussi donner à tels de ces liens une consécration nouvelle, car le testament est bon à cette double fin. Nous avons la preuve que les Gaulois firent de bonne heure usage du testament romain. Un fragment considérable du testament laissé par un Lingon à la fin du Ier siècle[53] est parvenu jusqu'à nous[54].

Je ne prétends pas que les Romains aient toujours eu conscience des divers phénomènes de transformation que je viens d'indiquer. Dans les affaires publiques comme dans les affaires privées ; le critique qui cherche à se rendre compte des grands succès obtenus par les habiles doit toujours faire une large part aux habiletés inconscientes. Nous construisons trop souvent après coup des prodiges, j'allais dire des monstres de perspicacité et d'habileté qui n'ont jamais eu d'existence réelle.

Pour achever de montrer le mouvement ascensionnel de l'aristocratie gauloise vers la cité romaine, je dois dire un mot du droit latin.

Dans les premiers temps de l'empire, les cités soumises n la domination romaine pouvaient être ou des villes pérégrines dites libres, ondes villes pérégrines soumises a l'impôt, stipendiaræ[55], ou des colonies composées de citoyens romains, ou enfin des villes dites latines. Les villes latines étaient telles, ou de fait, ou fictivement : de fait, si elles n'étaient autre chose que des colonies composées de citoyens latins d'origine ; fictivement, si elles avaient reçu ce titre de ville ou de colonie latine. Les villes gauloises d'origine, les seules dont nous nous occupions ici, ne peuvent évidemment être latines que par faveur, par collation.

Le Latin est un demi-citoyen romain ; il jouit du commercium[56], droit d'acquérir et d'aliéner suivant les règles du droit civil[57]. La latinité contribue donc par elle-même à la transformation sociale et économique que je viens de signaler. Or, dés le temps de Claude (41-54 apr. J.-C.), au plus tard sous Néron (54-68[58]), la latinité était répandue par toute la Gaule ; ce fait seul peut nous aider à apprécier la rapidité d'action des influences romaines ; mais je ne répéterai pas ce qui vient d'être dit touchant les transformations économiques ; un autre aspect de la latinité appelle mon attention. Dans les villes latines, les puissants et les riches ont en main des moyens tout particuliers pour monter plus haut et pour arriver à la dignité de citoyen romain. Voilà ce qui m'intéresse dans la latinité ; je l'envisage comme un échelon qui peut conduire à la cité romaine et j'explique, en deux mots, ce mécanisme :

De tous côtés, en Gaule, des centres aristocratiques importants possédaient, en qualité de cités latines, des procédés réguliers pour acheminer l'élite de leurs habitants vers la qualité de citoyen romain. Les uns, plus favorisés, avaient le majus Latium, c'est-à-dire que les habitants de ces cités devenaient citoyens, soit tout simplement en faisant partie de la curie (nous dirions aujourd'hui, au lieu de curie, conseil municipal), soit en gérant une magistrature. Les autres, moins généreusement traités, avaient le minus Latium, c'est-à-dire que les habitants de ces cités devenaient citoyens romains à la suite de la gestion d'une magistrature[59] et non par le simple décurionat.

J'ai dit rapidement ce qu'on entend par cités latines et par latinité. Il ne s'agit pas ici d'une invention artificielle et arbitraire du génie romain. Non ! Les politiques avisés n'inventent pas, ils se servent des instruments que l'inconsciente histoire met en leurs mains, et ces procédés recueillis plutôt qu'inventés sont les bons. D'où venait donc ce procédé politique de la latinité ? Avant qu'il existât une latinité politique et fictive, il y avait eu une latinité naturelle. Rome, en effet, était née, avait vécu et grandi, entourée de Latins qu'elle avait réduits sous sa puissance et placés dans une situation d'alliés-sujets, socii. Au temps où la confédération indépendante des Latins fut ainsi assujettie à une situation mixte (338 av. J.-C.) remonte la notion juridique du droit latin, de ce droit voisin de la cité romaine, mais inférieur à elle. Ce droit mixte c'est, en effet, celui des Latins socii. Cependant, à la suite de la guerre dite Guerre sociale, ces mêmes Latins et avec eux la majeure partie des peuples italiens obtinrent le droit de cité (90-88 av. J.-C.) et devinrent citoyens romains. Ce grand fait de l'histoire de Rome n'amena pas, comme on eût pu le croire, l'extinction du droit latin. Sans doute, le droit latin n'exista plus dans l'ancien groupe italique de la confédération latine devenu romain, mais il se propagea à travers le monde. La première cause de cette extension est fort ancienne. Rome avait envoyé de bonne heure dans les villes soumises des colonies latines composées de Latins[60]. Le droit latin s'était ainsi répandu avec les Latins eux-mêmes. La seconde cause est plus récente. Rome concéda le droit latin aux communes de la Transpadane qui prirent le titre de colonies latines[61] ; elle le concéda à diverses villes conquises, allumant ainsi dans les aristocraties vaincues d'utiles aspirations vers le vainqueur. Un instrument politique d'une rare puissance s'était ainsi formé lentement. Le droit latin, déjà voisin par lui-même du droit de cité, ne cessa plus d'engendrer de nouveaux citoyens.

Comment ne pas se rappeler ici ces mœurs honteuses qui déshonoraient l'antiquité ? Comment oublier ces pages célèbres où Dion Cassius nous dépeint les patriotiques angoisses d'Auguste reprochant aux Romains leur stérilité et leur montrant la race des citoyens menacée de disparaître[62] ? Les Romains, en ouvrant leurs rangs aux Barbares, les appelaient, ne l'oublions pas, à 'remplir des cadres vides. L'invasion pacifique des vaincus ne ressemblait en rien u une poussée violente parmi des rangs pressés ; c'étaient des trouées énormes, des vides effroyables que venaient combler les Barbares[63].

L'unification du monde romain n'est donc pas seulement le fait d'une politique habile ou généreuse, c'est aussi le fait d'une politique nécessaire. Aussi bien, l'assimilation se faisait journellement d'elle-même dans les mœurs, dans le langage, dans le droit et les temps étaient mûrs pour une mesure générale qui consommerait législativement le fait accompli. C'est Caracalla qui, au commencement du IIIe siècle, prit cette grande décision ; il accorda la cité romaine à l'empire romain tout entier[64]. Ce vil personnage fut ici, comme il arrive souvent, l'instrument vulgaire d'une œuvre supérieure le monde envahi par les Romains ou plutôt ce dixième du monde que nous appelons le monde romain ouvrait à lui les âmes et y infusait des sentiments plus larges. L'homme pénétrait le Romain. Le jus civile ou jus quiritium tendait à perdre son aspect étroit et local ; il s'élargissait visiblement et aspirait à l'universalité. La concession générale du droit de cité romaine vint donner satisfaction à ces besoins nouveaux. A partir de ce moment, les jurisconsultes n'eurent guère d'intérêt pratique à distinguer dans le vaste océan juridique les institutions romaines proprement dites ou institutions de droit civil (patria potestas, testament romain, etc.) et les institutions juridiques communes dites du jus gentium[65]. Toutes les notions juridiques entrèrent en fusion — ce qui, toutefois, n'empêcha pas la persistance ou même la formation de quelques coutumes locales[66] —.

La célèbre constitution de Caracalla eut encore un autre effet. Ce second résultat fut celui que l'administration romaine et les contemporains eurent directement en vue, car les grands résultats historiques ne sont guère appréciés que par la postérité. Je fais allusion ici à un effet purement fiscal de l'édit. Caracalla, en accordant le droit de cité à l'orbis romanos, augmentait ses revenus ; il assujettissait l'empire tout entier aux impôts dits avant lui vigesima hereditatium et vigesima libertatis[67], impôts qu'il porta du vingtième au dixième.

Tous ces citoyens romains sont, d'ailleurs, bien loin d'être égaux entre eux. Les uns, — car je n'entends mentionner ici qu'une seule et très large division, — sont honestiores, les autres humiliores, ou, si l'on veut, les uns sont riches et puissants, les autres sont pauvres et faibles. L'opinion publique d'où procède la loi établit, entre ces deux catégories d'individus, des différences profondes qui sont marquées d'une manière odieuse dans la législation criminelle[68]. Et ainsi l'inégalité qui existait autrefois entre le citoyen et le pérégrin reparaît, maintenant qu'il n'y a plus de pérégrins, entre l'honestior et l'humilior. N'oublions pas enfin qu'au-dessous de cette société où ne règne en aucune façon l'égalité s'agite la masse confuse et abjecte des esclaves.

 

§ III. L'assimilation (suite). - Le culte des empereurs. - La suppression du druidisme.

Comme ces vieux arbres qui, a la veille de mourir, se couvrent de fleurs, ainsi le paganisme romain s'épanouit sous les empereurs et, de tous côtés, l'antique olympe s'enrichit de dieux nouveaux. L'un de ces dieux était singulièrement compromettant pour la morale civique, pour la dignité politiqué ; cette divinité alarmante n'était autre que l'empereur lui-même.

Les empereurs divinisés eurent leurs temples, leurs statues et leurs fêtes. On peut dire que le culte des empereurs fut, en quelque sorte, la religion officielle de l'empire romain. Ce culte commun, se superposant aux cérémonies des cultes locaux, créa un lien religieux entre les diverses populations de l'empire[69], car celles-ci adorèrent facilement, en la personne de l'empereur, la redoutable puissance de Rome qui, après avoir conquis l'univers, le maintenait en paix[70].

Le culte des empereurs eut en Gaule une importance exceptionnelle ; c'est par lui qu'une capitale religieuse et politique toute nouvelle (Lyon) se substitua à l'ancien centre druidique (le pays des Carnutes[71]) ; cette évolution religieuse mérite donc de fixer un moment notre attention.

Les anciens croyaient à la survivance de l'âme ; ils rendaient des honneurs aux âmes des morts, et ces honneurs rendus aux âmes des personnes notables devenaient facilement des honneurs divins, car il n'existait pas alors, dans l'opinion commune, de barrière infranchissable entre l'homme et la divinité[72]. Un dieu n'était, au moins à l'époque qui nous occupe, qu'un être puissant. Chacun doit regarder comme des dieux, dit Cicéron, les parents qu'il a perdus.

Les nations de l'Orient allèrent plus loin ; il ne leur suffit pas de réserver les honneurs divins à leurs anciens héros, elles les accordèrent indistinctement à tous leurs rois. En Égypte, le Pharaon s'appelle lui-même le dieu bon et le dieu grand. Les Ptolémées n'eurent garde de laisser perdre ces traditions des Pharaons.

Les Grecs n'échappèrent pas à la contagion de l'Orient. Dès l'époque de la guerre du Péloponnèse, le Spartiate Lysandre, vainqueur des Athéniens, s'était fait adorer en Asie-Mineure. Quand la Grèce eut perdu sa liberté, tous les tyrans qui l'asservirent, reçurent tour à tour les honneurs divins[73].

Quant aux Romains, ils savaient bien d'un mort faire un dieu. Cicéron, notamment, par piété pour sa fille Tullia, veut que la défunte regrettée prenne place dans l'assemblée des dieux immortels et songe à lui ériger un temple. Néanmoins, jusqu'à César et Auguste, ce sentiment n'a pas joué un grand rôle dans l'histoire romaine. L'apothéose de Tatius et de Romulus, co-fondateurs de Rome, est, pour la période antérieure à César, le seul exemple d'apothéose politique à peu près réussie. C'est avec l'empire que cette faculté de transformer les morts en dieux s'exerça pour la première fois sur une grande échelle. Jules César, Auguste, Claude, Vespasien et un grand nombre d'autres empereurs et personnages de la famille des empereurs furent divinisés après leur mort. Il parait établi que les Romains, en divinisant les deux fondateurs de l'empire, Jules César et Auguste, s'inspirèrent de 1a légende sacrée de leur archégète éponyme, car l'âme d'Auguste, s'élevant au-dessus des flammes du bûcher, apparut à un ingénieux sénateur, tout comme l'âme de Romulus s'était montrée autrefois à Julius Proculus[74].

Au reste, ces apothéoses ne furent bientôt qu'un perfectionnement assez difficile à justifier en bonne logique, qu'une seconde et dernière consécration venant, après coup, confirmer et ratifier une consécration antérieure. En effet, en vertu d'un privilège spécial, l'empereur défunt avait déjà été dieu de son vivant et adoré comme tel dans tout l'empire. C'est avec César et avec Auguste que commença cette idolâtrie de l'empereur.

. César, après avoir traversé et épuisé toutes les dignités humaines, se vit, dans les dernières années de sa vie, décerner tout d'abord des honneurs quasi divins, enfin l'apothéose. Le sénat décréta qu'il était un dieu et l'égal des plus grands dieux, qu'on lui bâtirait un temple et qu'on l'adorerait sous le nom de Jupiter Julius. En réalité, le dictateur dut son apothéose à l'enthousiasme du peuple qui l'aimait, qui l'adorait, plus encore qu'à la servilité du sénat[75]. Sans être contemporain de César, nous savons par expérience que le peuple exalte et divinise ses héros.

L'élan était donné ; depuis lors tout ambitieux hors ligne songea à l'apothéose. Sextus Pompée et Antoine se firent dieux à leurs jours, dès que la fortune parut leur accorder définitivement ses faveurs. Enfin Octave, à son tour, joua du dieu, mais avec tout le tact et la prudente mesure qui faisaient de lui mieux qu'un dieu, un homme supérieur. Après la bataille d'Actium, il traversa ces pays d'Orient où l'adoration du souverain était une des formes ordinaires de l'obéissance[76]. Les populations réclamèrent avec instance, comme le plus grand des bienfaits, le droit d'adorer le vainqueur ; ce droit leur fut accordé, mais avec des restrictions ; Octave ne voulut être adoré qu'en compagne de la déesse Rome, et il défendit expressément à tous les Romains de prendre part à ce culte. Sous ces réserves, il laissa la province d'Asie lui bâtir un temple à Pergame et celle de Bithynie à Nicomédie[77]. Le culte de l'empereur ne parait avoir été établi dans Rome que bien timidement et bien modestement du vivant d'Auguste[78]. Le maître du monde avait sans doute à y ménager, sinon, en général, l'opinion des classes éclairées, au moins quelques esprits virils, quelques âmes fières[79] ; il ne pouvait oublier tout à fait le sort de César. Mais, dans les provinces et même en Italie, l'exemple des Orientaux trouva de nombreux imitateurs ; c'est une ville espagnole, Tarragone, qui, la première, avec la permission de l'empereur, lui dédia un autel. Après Tarragone, Lyon[80].

La colonie de Lyon avait été fondée, en l'an 43 avant Jésus-Christ, par Munatius Plancus sur le territoire des Segusiavi, à une faible distance de la frontière des Allobroges[81] ; elle tendait déjà à devenir un point de ralliement pour la puissance romaine dans les Gaules, et Auguste s'y était installé un temps assez long (16-13 ans av. J.-C.) pour y organiser les provinces transalpines conquises par le glorieux Jules[82] ; un peu plus tard (10[83] ans av. J.-C.), Drusus, fils adoptif d'Auguste, voulant pacifier les Gaules qui fermentaient sous le poids des impôts[84], convoqua à Lyon les députés des cités[85] encore soumises, quoique frémissantes, et les décida à donner à l'empereur un témoignage éclatant de fidélité en érigeant un autel à Rome et à Auguste : le temple de Rome et d'Auguste fut élevé non pas à Lugudunum même, mais hors de Lugudunum, au confluent de la Saône et du Rhône[86] ; c'était un point central pour les trois grandes provinces de la Gaule chevelue, tres provinciae Galliae (Celtique, Aquitaine et Belgique).

Cet événement devait être fécond en résultats : le temple de Rome et d'Auguste fut bientôt le centre religieux et politique des Gaules, et la ville de Lyon, cité opulente et prospère, devint elle-même très rapidement un foyer d'affaires, une vraie capitale commerciale : chaque année, les députés des 64 nations ou cités gauloises se réunissaient dans ce sanctuaire et y célébraient un sacrifice solennel en l'honneur de l'empereur-dieu et de la déesse Rome. L'assemblée s'occupait ensuite de certaines affaires communes et élisait en son sein un président ou grand-prêtre[87] : nous étudierons ailleurs cet embryon de représentation nationale ; mais il importe de constater ici que le culte d'Auguste et l'assemblée annuelle de Lyon prirent la place de l'assemblée générale des druides qui se tenait jadis au pays chartrain ; on continua à se réunir solennellement ; mais, au lieu d'une réunion gauloise, sous la protection des dieux indigènes, on eut une réunion toute romaine dont l'objet principal était de rendre hommage au dieu romain par excellence, au génie de la puissance romaine. Un peu après Lyon, vers la fin du règne d'Auguste, les habitants de Narbonne s'engagèrent, de leur côté, par un vœu solennel à honorer perpétuellement la divinité de César-Auguste, père de la patrie[88]. La Narbonnaise[89] eut, comme Lyon, son grand-prêtre ou flamine d'Auguste (et aussi son concilium). Ce flamine ou sacerdos provinciae qu'on retrouve dans tout l'empire était ordinairement nommé pour un an : l'année expirée, il restait sans fonctions et prenait le titre de sacerdotalis[90].

Au-dessous du flamine de la province et des flamines municipaux qu'on rencontre sur beaucoup de points, nous voyons figurer dans un très grand nombre de villes, et notamment n Narbonne, un collège de six prêtres d'Auguste ou prêtres de l'empereur-dieu, fonctionnant pendant une année : ce sont les sévirs augustaux. Leur année de service écoulée, ces personnages pouvaient souvent conserver à vie les droits et privilèges du sévirat et entraient dans la corporation des Augustaux ; cet usage se généralisa bientôt et l'ordre des Augustaux compta dans son sein tous lés anciens sévirs.

L'augustalité nous apparaît sous des formes identiques dans toute la Gaule et dans la Haute-Italie, d'où il résulte, ce semble, que cette institution est due à une influence officielle et ne peut être considérée comme le produit spontané de la piété populaire[91].

Ces associations sacerdotales étaient accessibles aux plébéiens et aux affranchis ; elles contribuèrent à la popularité du culte des empereurs ; elles y intéressaient la bourgeoisie, partie intelligente et active de la société, et tout un peuple d'affranchis[92].

Le culte d'Auguste, diverses mesures qu'on pourrait qualifier de persécution[93], enfin l'intérêt, ce grand mobile des choses humaines, concoururent à détruire la religion druidique ; les immenses prérogatives judiciaires et politiques du clergé gaulois étaient incompatibles avec le fonctionnement régulier de l'administration romaine ; aussi le gouvernement des empereurs eut-il à cœur d'abattre l'influence des druides ; il y travailla directement et sa tâche fut facilitée par un déplacement d'intérêts, signalé en termes fort remarquables par M. d'Arbois de Jubainville : Rome, capitale du monde civilisé, avait ouvert aux Gaulois la porte des honneurs et les appelait à venir partager la puissance de ses anciens citoyens. Mais elle ne les y appelait qu'à une condition, c'était de partager préalablement la culture littéraire de la société polie où elle leur offrait une place. Étrangers à cette civilisation et représentants d'une culture toute différente, les druides ne pouvaient transmettre aux jeunes Gaulois des connaissances et toute une manière de sentir et de penser qui leur manquaient à eux-mêmes. Par suite, ils virent peu à peu diminuer le nombre de leurs élèves. Enfin leurs écoles que, depuis Tibère, il fallait aller chercher dans les cavernes et au fond des forêts, et qui ne menaient ni à la puissance ni aux honneurs, restèrent silencieuses et vides. En l'an 70, leur désespoir éclate en vaines prédictions : ils annoncent la ruine prochaine de leurs persécuteurs ; mais la révolte qu'ils provoquent est étouffée. Ainsi l'habileté et l'énergie des administrateurs romains et le mouvement naturel des choses finirent par enlever aux druides l'empire des intelligences[94].

Quant aux dieux gaulois, ils se romanisèrent aussi et se mêlèrent aux dieux romains : le nom du dieu gaulois ou son épithète locale devint souvent l'épithète du dieu romain correspondant. Il y avait : 1° une façon de Mercure gaulois dont le nom indigène était Lugus ; son culte était extrêmement répandu : le Mercure du Puy-de-Dôme, Mercurius Dumias ou Arvernus, parait avoir été vénéré dans toute la Gaule. Le nom du dieu Lugus se retrouve dans Lugudunum (Lyon[95], Leyde, Laon, etc.) ; — 2° un Apollon gaulois ; son nom se retrouve avec des épithètes gauloises : l'une d'elles, Borvo ou Bormo, s'est conservée dans le nom de Bourbon-l'Archambault[96] et, par Bourbon-l'Archambault, dans le nom de la famille royale de Bourbon ; — 3° un Mars, en gaulois Teutatès ; — 4° un Jupiter, appelé peut-être en gaulois Taranis : ce mot Taranis et des formes différentes fournies par les inscriptions semblent contenir comme radical le nom celtique du tonnerre.

Nous connaissons mal les dieux gaulois, précisément à cause de la couche mythologique romaine qui les recouvre[97].

Enfin la langue gauloise fut elle-même peu à peu remplacée par la langue latine ; il paraît certain qu'au Ve siècle, il n'en subsistait que d'assez faible débris[98].

Mais ces grands résultats ne furent pas obtenus sans que les Gaulois vaincus essayassent de secouer le joug. Ces diverses tentatives ne nous sont pas toutes bien connues ; elles sont d'ailleurs d'inégale importance. Nous pouvons compter sept insurrections et même huit, en faisant entrer en ligne de compte le mouvement provoqué par Vindex[99]. Nous passerons rapidement en revue ces dernières et courageuses manifestations de la nationalité gauloise :

1° Vers l'an 36 avant Jésus-Christ, Agrippa eut à combattre les Gaulois qui remuaient encore ; sous ce nom de Gaulois employé par Dion Cassius, il faut vraisemblablement entendre les Aquitains[100].

2° Vers l'an 30 avant Jésus-Christ, les Trévères, après avoir entraîné avec eux les Germains, entrent en lutte avec les Romains. Ce soulèvement est promptement comprimé[101].

3° Un peu après, vers l'an 29, les Morins et quelques autres peuples se soulèvent : ils sont domptés par Gaius Carinas[102].

4° Vers 28-27, M. Valeius Corvinus Messala réprima une nouvelle révolte des Aquitains ; il obtint, pour cette victoire, les honneurs du triomphe[103].

5° Sous Tibère, en l'an 21 après Jésus-Christ, les Gaulois que nous avons déjà vus, au temps d'Auguste, se plaindre du poids des impôts[104], se soulèvent en invoquant le même grief ; ils sont également poussés à bout par l'orgueil et la cruauté dès gouverneurs (saevitia), par les maux que causent parmi eux l'usure et l'énormité des dettes. Ils ont deux chefs : le Trévère Julius Florus, l'Éduen Julius Sacrovir[105] (tous deux citoyens romains).

Rome eut vite raison de cette insurrection qui l'avait effrayée un moment[106].

Remarquons, en passant, ces Éduens qui se, plaignent, en l'an 21, du poids des impôts la cité des Éduens est socia ou fœderata, et comme telle, elle ne doit pas d'impôts[107] ; la cité des Trévères est libre et, comme telle, exempte d'impôts : Mais la mission civilisatrice d'un peuple puissant, chargé d'un protectorat, ne consiste-t-elle pas précisément à violer le droit et à écraser d'impôts ceux que le droit en exempte ?

6° En l'an 68 après Jésus-Christ, sous Néron, Vindex, propréteur de la Lyonnaise, Aquitain d'origine, exploita les haines des Gaulois pour tenter une révolution et substituer à Néron un empereur accepté par lui, Galba. Vindex mourut sous les murs de Besançon, et son élu Galba, n'obtint qu'un bien court triomphe. Sans doute, il ne s'agit pas directement ici de l'indépendance de la Gaule ; mais les renseignements que nous possédons sur l'affaire de Vindex nous permettent d'affirmer que, sous -un couvert tout romain, le patriotisme gaulois joua ici un rôle considérable : ce Vindex, écrit Xiphilin, rassembla les Gaulois qui longtemps avaient eu à souffrir d'incessantes exactions et maintenant encore en souffraient sous Néron. Je remarque aussi dans le discours adressé par Vindex aux Gaulois ce passage significatif : Venez-vous en aide à vous-mêmes, venez en aide aux Romains[108].

7° En l'an 69, peu de temps après l'avènement de Vitellius, un boïen de la plus basse classe du peuple appelé Mariccus, osa provoquer les armes romaines, dit Tacite ; mais ce soldat courageux fut facilement terrassé. Il s'intitulait : libérateur des Gaules et dieu, assertor Galliarum et deus. Ce mot dieu était alors très élastique ; je pense que Mariccus fut une sorte de prophète et d'inspiré divin qu'on pourrait rapprocher du Mahdi ; dans les grandes revendications nationales, la religion joue presque toujours son rôle ; elle vient consacrer, même grossière et fausse, les plus hautes aspirations du patriotisme[109].

8° Lorsque éclata dans les premiers moments du règne de Vespasien (69-70) la septième et dernière insurrection gauloise, les druides se chargèrent d'appeler et d'annoncer la victoire, et Velléda, prophétesse bructère, réputée aussi déesse, prédit les succès des Germains alliés aux Gaulois et la ruine des légions[110]. Ainsi les dieux présidèrent aussi à ce grand mouvement ; il fut fomenté et dirigé par un peuple libre, celui des Trévères[111], et un peuple fédéré, celui des Lingons ; en effet, l'impôt et les autres charges sont plus lourds et plus intolérables aux peuples libres, parce qu'ils sont pour eux une violation plus flagrante du droit. Je rappellerai en peu de mots les phases principales de cette formidable levée de boucliers.

Le Batave Civilis venait de remporter sur les Romains d'éclatants succès : trois audacieux, à savoir deux Trévères, Classicus et Tutor, un Lingon, Sabinus, qui prétendait descendre de Jules César, entreprirent de soulever les Gaules, émues des défaites infligées par Civilis aux soldats romains. Classicus, préfet d'un corps de cavalerie trévère, Tutor, chargé par les Romains de garder la rive du Rhin, et Sabinus (qui devait bientôt jouer un si grand rôle) commencèrent par débaucher les auxiliaires belges et germains, puis les légionnaires eux-mêmes. Sabinus se fit proclamer César[112], et deux légions prêtèrent serment à l'empire des Gaules sur les étendards que Classicus leur donna : résolution inouïe et qu'on ne pourrait comprendre, si l'on ne savait qu'il n'y avait plus que des provinciaux dans les légions[113].

Ces premiers résultats obtenus, une partie des Gaules se souleva ; mais l'affaire était mal engagée : sans doute, Civilis et les révoltés gaulois avaient conclu une entente ; mais c'était une entente provisoire plutôt qu'une sérieuse alliance, et les projets rivaux des deux chefs empêchèrent le succès définitif. Civilis rêvait une vaste domination dont son pays serait le centre, la Gaule et la Germanie les provinces. Sabinus, de son côté, s'était fait empereur des Gaules : ainsi leurs desseins se heurtaient. Au reste, Sabinus vit très promptement son étoile pâlir ; il fut battu par les Séquanes restés fidèles aux Romains[114], se cacha et se laissa passer pour mort.

Ce désastre fit sentir aux Gaulois révoltés toute leur faiblesse l'âme de l'insurrection avait disparu, les résolutions furent ébranlées. Sur ces entrefaites, les Rémois convoquèrent , une assemblée des députés de toute la Gaule, assemblée qui serait chargée de délibérer sur ce qu'il fallait préférer, de la soumission avec la paix ou de l'indépendance avec la guerre ; ces dernières assises gauloises se tinrent en effet ; les députés des cités, après une grave et libre discussion, prirent une résolution aussi sage que nécessaire ; la Gaule avait défendu héroïquement son indépendance contre Jules César ; depuis plus d'un siècle, elle avait, à plusieurs reprises, inutilement tenté de recouvrer la liberté ; renonçant à une lutte inégale et qui ne pouvait être que désastreuse, les Gaulois eurent le courage de s'avouer eux-mêmes romains et de répudier le projet de Sabinus[115].

Cette résolution solennelle, suivie d'un traité de paix entre Rome et Civilis affaibli, semble avoir exercé une influence décisive sur les destinées de la Gaule qui ne tenta contre la puissance romaine aucun effort nouveau. A partir de ce moment, l'historien ne fait plus qu'entrevoir les Gaulois ; il n'a guère sous les yeux que des Gallo-Romains ; peu de temps après cette formidable insurrection, les forces romaines dans les Gaules, soumises et pacifiées, ne dépassaient pas douze cents soldats[116]. Les légions de Rome étaient d'ailleurs concentrées d'ordinaire sur les bords du Rhin, d'où elles tenaient les Germains en respect, tout en surveillant les Gaules[117].

 

FIN DE L'ARTICLE.

 

 

 



[1] Cf. Desjardins, Géographie hist. de la Gaule, t. II, p. 270.

[2] Telle est l'opinion de M. d'Arbois de Jubainville ; mais il ajoute cette restriction : une partie notable de la population du pays appartenait à la race autrefois dominante, aux Ligures vaincus (Les premiers habitants de l'Europe, p. 238).

[3] Cf. Desjardins, Géographie hist. de la Gaule, t. II, p. 271 ; Zumpt, De coloniis Romanorum militaribus libri quattuor, dans Commentationes epigr. Berolini, 1850, t. I, p. 412.

[4] Remarquons bien toutefois que ce mot provincia n'est pas, à l'origine, une expression géographique ; il désigna primitivement l'ensemble des attributions d'un magistrat ; plus tard, le commandement exercé par un magistrat sur un territoire conquis ; enfin, par extension, ce territoire lui-même. Cf. Mispoulet, les Institutions politiques des Romains, t. II, p. 75 ; Desjardins, Géographie hist. de la Gaule, t. II, p. 284 ; Bergaigne, Le nom de la province romaine, dans Bibliothèque de l'École des hautes études, fasc. XXXV, Paris, 1878, p. 115-119 ; Alois v. Brinz, Zum Begriff und Wesen der rœmischen Provinz, München, 1885, in-8° (24 pages).

[5] Sur l'origine du nom de Narbonne, voyez Desjardins, ibid., p. 134, 290 ; d'Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l'Europe, p. 240.

[6] Cicéron, Pro Fonteio, 3. Sur la population ancienne du pays, voyez Dion Cassius, 175, 176, dans Cougny, Extraits, t. IV, p. 217.

[7] En l'an 106, Tolosa se révolta ; elle fut reprise et pillée. Dion Cassius, 270, al. 90, édit. Bekker, t. I, 1849, p. 86 ; édit. Gros et Boissée, t. II, 1848, p. 96, 98.

[8] Sur l'expression Provincia Narbonensis, voyez Jullian, dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, 5e année, fasc. V, p. 343-346.

[9] Voyez ici d'Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l'Europe, Paris, 1877, p. 159 et suiv.

[10] Voyez Desjardins, Ibid., t. II, p. 323-329.

[11] Voyez Cicéron, édit. Orelli, t. II, pars I, p. 462 et suiv.

[12] César, De bello gallico, I, 31.

[13] Il ne faut pas croire que la grosse affaire d'Arioviste et des Germains ait été révélée tout à coup à César par les Gaulois (César, I, 31) ; les Romains étaient parfaitement au courant, puisque Divitiacus était venu à Rome implorer l'appui du sénat (César, I, 31).

[14] Ils furent défaits à Bibracte (mont Beuvray). Cf. Desjardins, t. II, p. 609, notes 1 et 2.

[15] Voyez Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. II, p. 354, 355, 590, 591.

[16] De bello gallico, VIII, 49.

[17] Suétone, Jul. Cæsar, 25. Dion Cassius, XL, 42, 43. Le témoignage concis de Tite-Live donnerait une autre impression (Epochæ, 108). — Une armée campée au nord-est et commandée par Aulus Hirtius maintenait la Gaule, tout en la gardant des Germains ; très probablement quelques légions assises en Armorique et en Aquitaine surveillaient l'ouest.

[18] Cf. A. de Barthélemy, Les libertés gauloises sous la domination romaine de l'an 50 à l'an 27, dans Revue des questions historiques, 1er avril 1872, p. 364, 365, 371, 375.

[19] Suétone, Julius Cæsar, 25. Pline, Hist. nat., III, 4, 5 (al. 37) ; IV, 31, 32 (al. 106). Voici la définition théorique d'un peuple libre : Liber autem populus est qui nullius alterius populi potestati est subjectus, sive is fœderatus est ; item sive æquo fœdere in amicitiam venit, sive fœdere comprehensum est, ut is populos alterius populi majestatem conservaret (Digeste, XLIX, XV, 7, § 1, Proculus). Grandes difficultés, dès qu'on veut préciser le sens de fœderatus et le sens de liber. Voyez ici Marquardt et Mommsen, Handbuch, t. IV, 1873, p. 347 et suiv., édit. de 1881, p. 76 et suiv. ; Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, t. II, p. 81. Je pense qu'une condition ordinaire du fœdus était : Ut eosdem quos populus romanus amicos atque hostes habeant (Tite-Live, Hist., XXXVIII, 8 ; cf. Ibid., 10, 11, 38).

[20] Sur le sens de ce mot, voyez Mispoulet, t. II, p. 49, note 10 ; Marquardt et Mommsen, Handbuch, t. IV ; Rœm. Staatsverw., t. I, 1881, p. 52, note 3.

[21] Protéger. La formule qui termine la citation de Proculus de la note 19 en est l'équivalent romain ; elle me parait bien supérieure, au point de vue littéraire, à notre mot protéger, un peu terne.

[22] Digeste, XLIX, XV, 7, § 1 (Proculus). Pline le Jeune à Trajan, Epist., X, 56 (al. 48). Tite-Live, XXXVIII, 39 ; XXXVII, 32 ; XLV, 29. César, VII, 76. Cf. Lex Antonia de Termessibus dans Bruns et Mommsen, Fontesjuris romani antiqui, 5e édit., p. 92 ; Aliæ civitates sunt stipendiariæ, aliæ liberæ, note du scholiaste sur le discours pro Scauro (édit. Orelli, t. V, p. 11-735) ; Servius, Ad Æn., III, 20. En principe, un magistrat romain n'avait aucune juridiction dans une civitas libera (Cicéron, De prov. consul., III, 6 ; IV, 7 ; apud Orelli, t. II, pars II, p. 1030). Cf. Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, t. II, p. 80 ; Marquardt et Mommsen, Handbuch der rœm. Alterthüm., t. IV ; Rœmische Staatsverwaltung, t. I, 2e édit., 1881, p. 69-90 ; Bernier, De la condition des fonds provinciaux, Paris, 1884, p. 6, 7-10. En l'an 70 après Jésus-Christ, au moment de la révolte de Civilis, il y avait encore en Gaule des vieillards nés avant le régime de l'impôt romain ; Multos adhuc in Gallia vivere ante tributa genitos (Tacite, Hist., IV, 17). C'étaient sans doute des Gaulois des cités libres ; ceci peut nous donner une idée du moment où elles furent soumises à l'impôt. Cf. Klippfel, Étude sur le régime municipal gallo-romain, p. 60.

[23] Pline, Hist. nat., IV, 31, 32 (al. 106, 107).

[24] Voyez pour Tours, cité libre, Mowat, Une inscription de Britannicus dans la cité des Turons, dans Académie des inscriptions et belles-lettres, Comptes-rendus, 4e série, t. V, p. 34 ; pour Périgueux, cité libre : inscription n° 22 dans Revue épigraphique du midi de la France, t. I, p. 14. Cf. la liste des civitates fœderatæ et des civitates liberæ avant Auguste dans Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. III, p. 86.

[25] Cf. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. III, p. 277.

[26] Ένσπονδος (Dion Cassius, frag. 90, al. 270 ; édit. Bekker, t. I, Lipsiæ, 1849, p. 86 ; édit. Gros et Boissée, t. II, 1848, p. 96, 98). Cf. Herzog, Gallia Narbonensis, p. 52.

[27] Pline, Hist. nat., III, 37. Cf. Herzog, Ibid., p. 53.

[28] Cf. A. de Barthélemy, les Libertés gauloises sous la domination romaine de l'an 50 à l'an 27, dans Revue des questions hist., avril 1872, p. 381, 389 et passim.

[29] Dig., L, I, 17, § 7 (Pupinien) ; L, IV, 3, § 11 (Ulpien) ; 18, § 16, 26 (Arcadius Charesius). Cf. Guizot, Essais, p. 27.

[30] A le payer, j'entends en principe. on s'interdirait toute conjecture légitime et on attribuerait en même temps aux Gaulois puissants une délicatesse de conscience que rien ne fait présumer, si on rejetait ici mes vues. Pense-t-on que les procédés en matière d'impôts visés par une constitution impériale du iv, siècle (Code de Justinien, XI, LVII, De censibus, 1-313) et plus tard par Salvien aient été inconnus dans les siècles antérieurs ? Il faut toujours se souvenir du mot de Salvien : Decernunt potentes quod solvant pauperes (Salvien, De gubern. Dei, V, 7, 8 ; édit. de l'académie de Vienne, p. 110-113).

[31] Joignez ce qui sera dit plus loin de la cité romaine et du droit latin ; un des textes fondamentaux en la matière est celui de Gaius, I, 96, sur le majus et le minus Latium. Les premières collations de cité romaine faites aux Gaulois ne leur conféraient pas le droit aux honneurs curules et le droit d'être sénateur, mais bien l'accès aux autres fonctions (Zumpt, Studia romana, p. 331).

[32] Suétone, César, 24.

[33] Suétone, César, 76, 80.

[34] Tacite, Annales, III, 40.

[35] Mommsen, Die Conscriptionsordnung der rœmischen Kaiserzeit, dans Hermes, t. XIX, p. 1-79, 210-234 ; résumé par Allmer dans Revue épigraphique du midi de la France, n° 29, juin, juillet, août 1884, p. 45 et suiv.

[36] Voyez les diplômes militaires publiés par Renier, Recueil de diplômes militaires, 1re livraison, Paris, 1876 ; par Mommsen, dans Corpus inscript. latin., t. III, 2e partie, p. 843-919, p. 1058 ; dans Ephem. epigr., t. II, p. 452-466 ; t. IV, p. 181-187, p. 495-515. Joignez Mowat, dans Bulletin épigraphique de la Gaule, t. II, p. 271 et suiv. ; t. III, p. 20 et suiv. ; A. de Ceuleneer, Ibid., t. I, p. 201 ; Desjardins, Ibid., t. III, p. 255 ; Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, t. II, p. 180, 339.

[37] Tacite, Hist., I, 8. Plutarque, Galba, 18.

[38] Tacite, Hist., I, 78. Toutefois on a émis des doutes sur la leçon Lingones (Hirschfeld, Contrib. à l'hist. du droit latin, trad. Thédenat, p. 14, note 3).

[39] Tacite, Hist., I, 53.

[40] Voyez dans le sens de la négative Zumpt, De coloniis Romanorum mililaribus libri quattuor, dans Commentationes epigraphicæ, Berolini, t. I, 1850, p. 412 ; Klippfel, Étude sur le régime municipal gallo-romain, p. 60 ; observation de fait très importante pour l'affirmative dans Bruns et Mommsen, Fontes juris romani, 5e édit., p. 297, note 1.

[41] Actes des apôtres, XXII, 28.

[42] Actes des apôtres, XXII, 25-30. Sur la cité romaine en Gaule, voy. Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l'ancienne France, 1re partie, 2e édit., p. 57 et suiv. Faut-il parler du jus suffragii, droit de voter à Rome dans les comices ? Il est clair que les Gaulois romanisés, s'ils ont ce droit en principe, ne peuvent guère l'exercer. Cf. Mispoulet, t. II, p. 156, 160. Le droit de cité incomplet, sine suffragio, disparut de très bonne heure ; voyez sur cette question Madvig, L'État romain, trad. Morel, t. I, p. 38, 39, 44.

[43] Cf. Zumpt, Studia romana, p. 331.

[44] Cf. Mispoulet, Les instit. polit. des Romains, t. II, p. 160.

[45] Tacite, Annales, XI, 23-25. Discours authentique de Claude retrouvé à Lyon reproduit notamment dans Bruns et Mommsen, Fontes juris romani antiqui, 5e édit., p. 177 et suiv. Cf. Allmer dans Revue épigraphique du midi de la France, t. I, p. 25 ; Pinvert, Du droit de cité, p. 97-99 ; Bloch, De decreta adlectione in ordines functorum magistratuum usque ad mutatam Diocletiani temporibus rempublicam, Paris, 1883, p. 124, 125.

[46] Il résulte, ce me semble, d'un discours que Tacite met dans la bouche de Cirialis que les Gaulois, citoyens romains, possédaient le jus honorum au temps de Vespasien (Tacite, Histoires, liv. IV, c. 74).

[47] Dion Cassius, LXIII, 22. Cf. d'Arbois de Jubainville, La langue latine en Gaule, p. 5.

[48] La Table de Clés (lignes 34-37) suffirait à prouver, s'il en était besoin, l'importance que les intéressés attachaient aux droits civils résultant du jus civitatis. Voyez E. Dubois, la Table de Clés, dans Revue de légist. anc. et mod., année 1872, p. 18, 49.

[49] Connubium est uxoris jure ducendæ facultas (Ulpien, Fragments, V, 3). Cf. Gaius, I, 55, 56 ; Accarias, Précis de droit romain, t. I, § 85.

[50] Commercium est emendi vendendique invicem jus (Ulpien, Fragments, XIX, 5).

[51] Sur la testamenti factio, voyez Ulpien, Fragments, XI, 16 ; XX, 8 ; Gaius, II, 114 ; Inst. de Just., II, XII. Joignez Accarias, Précis, t. I, §§ 63, 128, passim ; Mispoulet, les Institutions politiques des Romains, t. II, p. 155, 156. La position des Latins Juniens est ici toute spéciale.

[52] Ce qui suit est hypothétique, mais peut aider à saisir les faits économiques derrière les abstractions du droit. Ce que je dis du jus connubii est plus hypothétique que le reste. En effet, le Gaulois étant déjà armé par le droit de son pays d'une patria potestas très analogue à celle du Romain, on peut se demander si les droits que lui confère le jus connubii changeront la situation. J'incline à croire qu'à moins de preuve directe contraire pour une nation déterminée, nous devons supposer que la toute-puissance du père n'exclut pas les droits de copropriété des enfants, et je considère comme possible que cette copropriété effacée à Rome, et n'y ayant laissé de trace que dans les mots (suus heres), existât en Gaule ; en ce cas, les idées juridiques romaines durent transformer cet état de choses.

[53] Bruns et Mommsen, Fontes juris romani antiqui, 5e édit., p. 297. Cf. Caillemer, Le testament d'un Lingon vers la fin du Ier siècle de notre ère, dans Bulletin épigraphique de la Gaule, 1881.

[54] J'ai parlé assez longuement de la propriété familiale et je n'ai fait qu'une allusion rapide aux clans gaulois. Les Gaulois qui étaient organisés en clans accordaient-ils au clan des droits de propriété ; en d'autres termes, reconnaissaient-ils au-dessus de la propriété de famille la propriété commune du clan ? Cela est bien probable. M. d'Arbois de Jubainville arrive à cette conclusion formelle : Dans les pagi gaulois, la propriété rurale était restée collective (d'Arbois de Jubainville, Le fundus et la villa en Gaule, p. 6 ; extrait des Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres). Cette propriété du clan, si les Romains avaient pu la comprendre, n'eût pas été toujours directement atteinte parle connubium, le commercium et la factio testamenti ; de bons avocats devant des juges équitables et très éclairés auraient peut-être pu la sauvegarder assez souvent ; mais que la réunion de ces conditions est invraisemblable et comme nous sentons bien que ces armes juridiques durent aider eu fait à détruire et à affaiblir la propriété commune du clan !

Le système du cadastre romain appliqué à la Gaule a dû contribuer aussi à la destruction du-clan. On sait que, dans ce système, les pagi étaient divisés en fundi. Or le fundus est la portion du sol qui forme une exploitation agricole appartenant à un propriétaire déterminé (cf. d'Arbois de Jubainville, Ibid., p. 5, 6, 7).

Tous nos noms de lieux en acus dérivés de gentilices, comme Clippiacus (Clichy) de Clippius, Icciacus (Issy) d'Iccius, rappellent des noms de propriétaires probablement gaulois d'origine, mais parvenus à la cité romaine et ayant reçu avec le droit de cité un nom de famille romain ou gentilicium. Le suffixe, dans ces noms, est celtique. Voyez d'Arbois de Jubainville dans Nouvelle revue hist. de droit français et étranger, 1887, p. 241-248, et dans Revue celtique, t. VIII, p. 96-149 ; dans Académie des inscriptions, Comptes-rendus, 1887, 4e série, t. XV, p. 65-86.

[55] Dans les provinces, les villes latines et les colonies romaines payaient d'ailleurs le stipendium. Cf. Mispoulet, Les institutions politiques des Romains, t. II, p. 225 et suiv., 246 et suiv., 82 et suiv.

[56] Cf. Mispoulet, t. II, p. 13, 60, 61.

[57] Le connubium, à notre époque, n'est pas accordé de plein droit au .Voyez ici : Gaius, I ; 56 ; Ulpien, Fragments, v, 49 ; XIX, 4, 5.

[58] Voyez ici Jullian, les Bordelais dans l'armée romaine, p. 32 ; Hirschfeld, Contribution à l'histoire du droit latin, trad. Thédenat, p. 14, 15.

[59] Gaius, I, 96 (revision de Studemund). Cf. Table de Salpensa, 21 (Giraud, les Tables de Salpensa et de Malaga, 2e édit., Paris, 1856, p. 164, 165 ; Bruns et Mommsen, Fontes juris romani antiqui, 5e édit., p. 136). Joignez ici Mommsen, Die Stadtrechte d. latein. Gemeinden Salpensa und Malaca, Leipzig, 1855 ; Rudorlf, De majore et minore Latio, Berolini, 1860 ; Beaudouin, Le majus et le minus Latium (Nouv. revue hist. et tirage à part, Paris, 1879) ; O. Hirschfeld, Contrib. à l'hist. du droit latin, trad. Thédenat, Paris, 1880 (extrait de la Revue générale du droit) ; Revue épigraphique du midi de la France, t. I, p.189 ; Hirschfeld, La diffusion du droit latin dans l'empire romain, trad. Thédenat, dans Bulletin épigraphique, 1885, p. 57 et suiv.

[60] Parfois des citoyens romains pauvres se faisaient aussi inscrire dans tes colonies latines ; ils devenaient latins. Voyez Dareste, Fragments inédits de droit romain d'après un manuscrit du mont Sinaï, 2, dans Bulletin de correspondance hellénique, IV, p. 450, 451.

[61] Voyez ici Madvig, L'État romain, trad. Morel, t. I, p. 71-77 ; Fustel de Coulanges, La Cité antique, p. 449-451 ; Duruy, Hist. des Romains, t. I, 1885, p. 302-305, 364-366, 373, 374 ; t. II, p. 520-564. En l'an 90, la loi Julia du consul César accorda le droit de cité à tous les habitants des villes restées fidèles qui viendraient à Rome, dans le délai de soixante jours, déclarer devant le préteur qu'ils acceptaient les droits et les charges du jus civitatis. Cf. Cicéron, Pro Balbo, c. 8, édit. Orelli, t. II, p. II. Turici, 1856, p. 1049-1058. Un peu après (89), la loi Plautia Papiria étendit le bénéfice de la loi Julia à tous les habitants des villes fédérées, depuis le Pô jusqu'au détroit de Messine. Une troisième loi (89) du consul Pompeius Strabon accorda le jus Latii à la Transpadane.

[62] Dion Cassius, LVI, 2-9.

[63] Joignez d'autres considérations tendant à la même conclusion dans Bloch, De decreta adlectione in ordines functorum magistratuum, Paris, 1883, p. 118-119 ; dans Benech, Mélanges de droit et d'histoire, Paris, 1857, p. 487, 488.

[64] Dig., I, V, De statu hominem, 17 (Ulpien). Novelle, 78, c. 5 (cette novelle dit Antoninus Pius pour Antonin Caracalla). Dion Cassius, LXXVII, 9.

[65] Cf. Instit. de Justinien, I, II, 1-11 ; Accarias, Précis, t. I, 1882, p. 16-17, 164, 165 et passim. Sur la valeur morale de l'acte de Caracalla, lire Jean Réville, La religion à Rome sous les Sévères, Paris, 1886, p. 10, note 1.

[66] Cf. Esmein, analyse de Bruns et Sachau, Syrisch rœmisches Rechtsbuch, p. 6 et suiv. (extrait du Journal des Savants, 1880).

[67] Dion Cassius, LXXVII, 9 (édit. Gros et Boissée, t. X, 1870, p. 344, 345). Cf. ici Bachofen, Ausgewæhlte Lehren, p. 333 ; Madvig, L'État romain, trad. Morel, t. I, p. 36 ; Lécrivain, dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, 6e année, p. 110, avec la note 5 ; Bouché-Leclercq, Manuel des institutions romaines, p. 243, 244.

[68] Cf. Duruy, Mémoire sur la formation historique des deux classes de citoyens romains désignés dans les Pandectes sous les noms d'honestiores et d'humiliores, dans Mémoires de l'Académie des inscript., t. XXIX, p. 253 et suiv., et dans Hist. des Romains, t. VI, p, 629-646.

[69] A. Réville, La religion à Rome sous les Sévères, p. 30, 35.

[70] Paci Augustæ, disaient les Romains. Voyez Revue épigraphique du midi de la France, t. I, p. 235. Cf. Boissier, La religion romaine d'Auguste aux Antonins, t. I, 1874, p. 173, 174.

[71] César, VI, 13.

[72] Je me place au temps d'Auguste et je songe au peuple ; mais je n'oublie pas qu'il y a de très graves indices d'une croyance primitive a un dieu unique. La plupart des savants modernes rejettent beaucoup trop facilement ces symptômes.

[73] Boissier, Ibid., p. 124-126. Cf. Robiou, Questions de droit attique, p. 30 ; Fustel de Coulanges, La cité antique, 11e édit., p. 16, 169 ; Herbert Spencer, Principes de sociologie, t. IV, p. 6, 33 ; Guiraud, Les assemblées prov. dans l'empire romain, p. 11 et suiv.

[74] Tite-Live, I, 16. Voyez Mowat, La domus divina et les divi, dans Bulletin épigraphique, 1885, p. 226, 227 et suiv.

[75] Cf. Dion, XLIII, 14 ; XLIV, 6, 7. Je suis ici Boissier, t. I, p. 136.

[76] Voyez notamment ici Clermont-Ganneau, Les noms royaux Nabatéens employés comme noms divins dans Recueil d'archéologie orientale, fasc. 1, Paris, 1885, p. 39 et suiv.

[77] Boissier, t. I, p. 147.

[78] Je fais allusion au génie d'Auguste ajouté comme troisième dieu lare dans les carrefours (Boissier, Ibid., t. I, p. 157).

[79] Les vers d'Horace et de Virgile ne viennent pas à l'appui de cette observation (Virgile, Bucoliques, I, 6, 7 ; Géorgiques, I, 24-42. Horace, Odes, I, II, 41 et suiv. ; Odes, III, V, 1-5 ; Épîtres, II, I, 15, 16. Joignez Ovide, Pontiques, IV, IX, 105-113). Mais est-il téméraire d'admettre qu'il restait à Rome quelques républicains plus difficiles que les poètes et d'expliquer ainsi la réserve prudente d'Auguste ?

[80] Je ne prétends pas ici émettre au point de vue chronologique une opinion personnelle. Je reproduis tout simplement la chronologie indiquée par M. Gaston Boissier. Je n'ignore pas qu'on peut faire valoir des observations graves pour renverser cet arrangement.

[81] In Gallia colonias deduxit Lugudunum et Rauricam (Wilmanns, Exempla inscript, latin., t. I, n° 1112 ; Mommsen, Inscriptiones regni Neapolitani, n° 4089). Il est très probable qu'il existait depuis longtemps à Lyon un établissement gaulois (Hirschfeld, dans Bulletin épigraphique du midi de la France, t. I, p. 84). Joignez Dion Cassius, XLVI, 50.

[82] Jung, Die romanischen Landschaften des rœmischen Reiches, Innsbruck, 1881, p. 219.

[83] Suétone, Claude, 2. Cf. Lenormant, La monnaie dans l'antiquité, t. II, p. 188, 189. Klein, Fasti consulares, Lipsiæ, 1881, p. 11.

[84] Civitates Germania ; cis Rhenum et trans Rhenum positæ oppugnantur a Druso, et tumultus, qui ob censura exortus in Gallia erat, componitur. Ara Cæsari ad confluentem Araris et Rhodani dedicata, sacerdote creato C. Julio Vercondaridubno Æduo (Tite-Live, Periochæ, ex libro 139, al. 137, édit. Madvig, t. IV, p. II, 1866, p. 76). Je dois remarquer qu'il n'est pas dit expressément que le tumultus des Gaules ait été apaisé par Drusus, mais cela est évident. Dion dit un peu autrement que Drusus prévint le soulèvement des peuples soumis (Dion Cassius, LIV, 321 édit. et trad. Gros et Boissée, t. VII, p. 536, 537).

[85] Strabon parle de 60 civitates (liv. IV, c. 3, édit. Müller et Dübner, t. I, p. 159). Ailleurs il est fait mention des 64 cités de la Gaule. Cf. Tacite, Annales, liv. III, Ch. XLIV ; Servius ad Virgilium, Æneide, I, 286 (édit. Thilo et Hagen, t. I, 1878, p. 105).

[86] D'emplacement du temple d'Auguste correspond à l'emplacement actuel de l'église Saint-Pierre (dans la ville moderne de Lyon, aux Terreaux et non au bourg d'Ainay). Cf. A. Bernard, Le temple d'Auguste et la nationalité gauloise, Lyon, 1863 ; A. Bernard, Lettre à Af. Hauréau, 1864, p. 2 ; A. Bernard, Une famille ségusiave aux trois premiers siècles de notre ère, Lyon, 1868, p. 14 ; Desjardins, Géographie de la Gaule rom., t. II, p. 23 ; Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l'ancienne France, Ire partie, 2e édit., p. 97, note 2.

[87] Jung, Ibid., p. 222, 223.

[88] Orelli, 2489. Wilmanns, 104. Lebègue, Épigr. de Narbonne, 5, 42 (Hist. génér. de Languedoc, nouv. édit., t. XV). Cf. Boissier, Ibid., t. I, p. 147, 148 ; Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l'ancienne France, 1re partie, 2e édit., p. 96, 97 ; Allmer et de Terrebasse, Inscript. de Vienne, t. I, p. 18 à la fin du vol. J'ai employé dans le texte l'expression la Narbonnaise ; il y a là quelques doutes et peut-être faudrait-il dire Narbonne. Voyez Lebègue, Ibid., p. 133.

[89] On connaît, par les inscriptions, les noms de sept ou huit flamines de la Narbonnaise (Allmer et de Terrebasse, Ibid., p. 259-264). — Sur l'inscription récemment découverte à Narbonne et les privilèges du flamine, voyez Mispoulet, dans Bulletin critique du 15 mai 1888.

[90] Voyez sur le flamen provinciæ Pallu de Lessert, Les assemblées provinciales et le culte provincial dans l'Afrique romaine, dans Bulletin trimestriel des antiquités africaines, 3e année, 1884, p. 18-22, 333, 337-340 ; Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. III, p. 418.

[91] Voyez sur les sévirs augustaux : Klippfel, Étude sur le régime municipal gallo-romain, p. 35, 36 ; Boissier, loco citato, p. 179-181 ; Zumpt, De Augustalibus et seviris Augustalibus comment. epigraphic., Berlin, 1846 ; de Boissieu, Inscriptions antiques de Lyon, 1854, p. 170-178, 212-214, 468, 469 ; Marquardt et Mommsen, Handbuch, t. IV, Rœm. Staatsverw., t. I, 2e édit., 1881, p. 197-205 ; Hirschfeld, trad. Allmer, dans Bulletin épigraphique de la Gaule, t. II, p. 282-287.

[92] Jean Réville, La religion à Rome sous les Sévères, p. 36 ; Lebègue, Épigr. de Narbonne, p. 116-124, 133, 160-169.

[93] Récapitulons ici ces diverses mesures : Auguste interdit aux citoyens romains la pratique de la religion, dont les druides étaient ministres (Suétone, Claude, 25) ; avant l'an 20 avant Jésus-Christ, tes sacrifices humains sont interdits (Strabon, IV, IV, 5) ; entre l'an 14 et l'an 37 après Jésus-Christ, un sénatus-consulte rendu sur la proposition de Tibère supprima légalement les druides (Pline l'Ancien, XXX, I, 4, édit. Janus, 1857, t. IV, p. 235) ; Claude abolit la religion cruelle (diræ immanitatis). des druides (Suétone, Claude, 25) ; après ces décisions, les druides subsistent, mais affaiblis et adoucis ; il n'y a plus de sacrifices humains (Méla, III, 2). Ces textes ont été réunis et parfaitement commentés par M. d'Arbois de Jubainville dans Revue archéologique, nouvelle série, t. XXXVIII, 1879, p. 375.

[94] A. d'Arbois de Jubainville dans Revue archéologique, nouvelle série, t. XXXVIII, 1879, p. 377-379. Joignez Fustel de Coulanges, Comment le druidisme a disparu, Paris, 1879 ; Fustel de Coulanges, Lettre à M. le directeur de la revue, dans Revue archéologique, nouvelle série, t. XXXIX, p. 111 et suiv. ; V. Duruy, Comment périt l'institut druidique, Ibid., 1880, t. I, p. 347 et suiv. (sic pour 247).

[95] De très bonne heure les Lyonnais (Lyon était un centre romain et non gaulois) ont donné une autre étymologie au nom qui désignait leur ville ; ils y ont vu le mot gaulois λουγον, corbeau, et ont traduit Lugudunum ou Lugdunum par colline des corbeaux (voyez en faveur de cette étymologie Allmer, dans Revue épigr. du midi de la France, 1886, p. 237 ; 1887, p. 216 et suiv.). Le dieu Lugus aurait-il été symbolisé par un corbeau ? Ceci présente toutefois quelques difficultés. J'adopte ici la doctrine et les vues de M. d'Arbois de Jubainville.

[96] Et aussi de Bourbon-Lancy ; de Bourbonne-les-Bains.

[97] Voyez déjà César, VI, 17. Cf. sur la mythologie gauloise Mowat, Remarques sur les inscriptions antiques de Paris, les Autels gallo-romains de la cité dans Bulletin épigraphique de la Gaule, t. I, p. 25 et suiv., p. 49 et suiv., p. 111 et suiv. ; t. III, p. 162 et suiv. ; Gaidoz, Études de mythologie gauloise, Paris, Leroux, 1886 ; Gaidoz, Esquisse de la religion des Gaulois (extrait de l'Encyclopédie des sciences religieuses, t. V) ; je suis cette dernière étude ; A. de Barthélemy, Le dieu Taranis, 1877 ; H. d'Arbois de Jubainville, Le dieu de la mort et les origines mythologiques de la race celtique, Troyes, 1879 ; H. d'Arbois de Jubainville, Le cycle mythologique irlandais et la mythologie celtique, Paris, Thorin, 1884, p. 376, 378 et suiv. ; Monceaux, Le grand temple du Puy-de-Dôme, le Mercure gaulois et l'hist. des Arvernes, dans Revue hist., t. XXXV, p. 225-262, t. XXXVI, p. 1 et suiv.

[98] Ainsi, au VIe siècle, Fortunat sait que le mot gaulois vernemetum signifie grand sanctuaire (Fortunat, I, 9). Cf. Loth, L'émigration bretonne en Armorique, p. 83 ; d'Arbois de Jubainville, La langue latine en Gaule (extrait de la Revue des patois gallo-romans, t. I, n° 3).

[99] Je ne tiens pas compte ici du tumultus apaisé par Drusus.

[100] Dion Cassius, XLVIII, 49. Cf. Appien, De bellis civilibus, V, 92.

[101] Dion Cassius, LI, 20. Dans la langue de Dion, le mot Κελτούς signifie ici les Germains.

[102] Dion Cassius, LI, 21. Date un peu différente dans Mommsen, Rœm. Geschichte, t. V, 2e édit., p. 58, 72, 73, et dans A. de Barthélemy, Les libertés gauloises sous la domination romaine, dans Revue des quest. histor., 22e livr., 1er avril 1872, p. 389. La traduction française de Mommsen (t. IX, p. 100) contient ici la plus étrange méprise ; il y est question d'une victoire des Celtes sur les Morins (!).

Vers l'an 25, Terentius Varron lutte contre les Salasses, dans les Alpes (Dion Cassius, LIII, 25). Un peu après l'an 16, autres luttes dans les Alpes (Dion Cassius, LIV, 20). Vers l'an 14, réduction des Alpes-Maritimes, restées libres jusqu'alors (Dion Cassius, LIV, 24).

Pour les luttes dans les Alpes, joignez Appien, Liber de rebus Illyricis, 17.

[103] Tibulle, I, Élégie, 7 ; II, Élégie, 1 ; IV, I, Élégie, 1. Appien, Bell. civ., IV, 38.

[104] Pour l'époque antérieure qu'on se rappelle les exactions épouvantables de Licinus (et non Licinius), gaulois d'origine, affranchi d'Auguste. Voyez Duruy, Hist. des Romains, t. IV, p. 8, 56.

[105] Le nom de Sacrovir, sans doute notre héros éduen, figure sur l'un des boucliers des bas-reliefs de l'arc d'Orange. Cf. Salomon Reinach, Catalogue sommaire du musée des antiquités nationales au château de Saint-Germain en Laye, p. 22.

[106] Tacite, Annales, III, Ch. XL-XLVII.

[107] Nous savons qu'au IIIe siècle la cité des Turons se proclamait encore civitas libera ; or, ce sont les Andécaves et les Turons qui donnèrent le signal de cette première insurrection (Tacite, Annales, III, 41). La cité des Turons, en tant que libers, devait être exempte d'impôts ; on conçoit donc parfaitement qu'elle se révolte contre l'impôt. Sur l'immunité d'impôts des peuples libres, voyez Suétone, César, 25.

[108] Xiphilin, Abrégé de Dion, liv. LXIII ; dans Cougny, Extraits des auteurs grecs, t. V, p. 17. Joignez Plutarque, Galba, 4.

[109] Tacite, Histoires, II, 61.

[110] Tacite, Histoires, IV, 54, 61.

[111] Les Trévères sont des Gaulois, mais il ne faut pas oublier cette observation de Tacite : Treveri et Nervii circa affectationem Germanicæ originis ultro ambitiosi sunt, tamquam, per hanc gloriam sanguines, a similitudine et inQrtia Gallorum separentur (Tacite, Germanie, 28).

[112] Toutefois, Tacite mentionne ce serment à l'empire des Gaules avant de dire que Sabinus s'est proclamé César : aurait-on prêté serment à l'empire des Gaules avant qu'il y eût un César ? Peut-être. Ce serait un serment civique à la patrie.

[113] Duruy, Hist. des Romains, t. IV, p. 607.

[114] Duruy, Ibid. Cf. Desjardins, Géogr. de la Gaule romaine, t. III, p. 332, 333.

[115] Tacite, Histoires, IV, 13-18, 25, 26, 32, 54-62, 67, 69.

[116] Josèphe, De bello judaico, II, XVI, 4 (édit. Cardwell, Oxford, 1837, t. II, p. 200). Le texte grec de cet ouvrage, le seul qui nous soit parvenu, remonte à l'an 75 après Jésus-Christ (cf. Müller, Der Flavius Josephus Schrift gegen den Apion, édit. Riggenbach et Orelli, 1877, p. 4) ; mais il faut ajouter que le renseignement sur les douze cents soldats pourrait bien dériver d'une source ancienne. Voy. Camille Jullian, Le Breviarium totius imperii de l'empereur Auguste, dans Mélanges d'archéologie et d'hist., 3e année, 1883, p. 149-182. Quant au discours du roi Agrippa, dans lequel Josèphe a inséré ce détail sur le nombre des soldats, il nous reporte à l'an 66.

[117] Voy. Charles Robert, Les armées romaines et leur emplacement pendant l'empire, Paris, 1875, 24 p. ; Allmer, Lettre à M. Lacroix, dans Bulletin de la Soc... d'archéologie... de la Drôme, t. IX, 1875, p. 167-172. — Il faut ajouter, ce me semble, qu'une colonia deducta (ces colonies étaient nombreuses en Provence) formait souvent un centre militaire important, dont on doit tenir compte dans l'évaluation générale des forces.