IV. — L'EXCURSION DE WEIMAR ET LE SÉJOUR D'ERFURT. Chasse dans la forêt d'Ettersberg. — La cour de Weimar. — La table des souverains. — Quand j'étais lieutenant d'artillerie. — Napoléon pendant le spectacle. — Wieland amené d'autorité au bal. — Conversation avec Gœthe et Wieland : but politique de Napoléon. — Visite au champ de bataille d'Iéna. — Le mont Napoléon. — Leçon d'art militaire. — Vie des deux monarques à Erfurt. — Le déjeuner de l'Empereur ; une cour de beaux esprits. — L'après-midi : promenades, visites aux troupes. — Ravissement du grand-duc : ce qu'il rapporte d'Erfurt. — Le vivat du couronnement. — Vision de Paris transformé. — Rapports avec Spéranski. — L'épée de Napoléon au musée de Saint-Pétersbourg. — Occupations de la soirée. — La Comédie française et l'alliance russe. — Fugue de mademoiselle Georges à Saint-Pétersbourg ; rôle intime qu'on lui ménage auprès d'Alexandre ; ses débuts. — Pièces représentées à Erfurt. — Peu de goût des Russes pour la tragédie. — Après le spectacle. — Les salons d'Erfurt ; la présidente de Recke et la princesse de la Tour et Taxis. — Épanchements intimes entre Napoléon et Alexandre. Le 6 octobre, Napoléon et Alexandre sortaient d'Erfurt en voiture. A la limite des États de Weimar, ils furent reçus par le duc, suivi de son grand veneur, de quatre maîtres des forêts, d'un cortège de gardes et de piqueurs. Une grande partie de chasse devait ouvrir les fêtes et former le divertissement de la première journée. L'équipage s'enfonça dans la forêt de l'Ettersberg ; au lieu d'y trouver le calme et la solitude, il y rencontra le mouvement et la foule. Citadins d'Erfurt et de Weimar, villageois en costume national, curieux accourus de dix lieues à la ronde, remplissaient les avenues ; on vendait des vivres, des rafraîchissements : des tribunes s'élevaient pour les spectateurs privilégiés. Un soleil splendide, illuminant la forêt, relevait la couleur pittoresque de ces scènes, et le tout offrait, suivant une relation allemande, l'aspect d'une joyeuse fête populaire[1]. On conduisit les empereurs à un endroit élevé et découvert d'où la vue, se reposant d'abord sur des futaies dorées par l'automne, découvrait au loin les horizons verdoyants de la Thuringe. Au fond d'une enceinte réservée à l'aide de toiles tendues, un pavillon avait été construit : c'était une galerie oblongue et ouverte ; elle avait pour supports, en guise de colonnes, des troncs d'arbres décorés à leur sommet d'un feuillage postiche ; des guirlandes de fleurs et de fruits complétaient l'aspect rustique du monument. Les empereurs y prirent place, les rois les y avaient précédés ; puis, sur un signal, l'enceinte de toile s'abaissa par endroits, et à travers les ouvertures pratiquées, des cerfs, des daims, des chevreuils s'élancèrent, rabattus des parties environnantes de la forêt. Dès que les monarques eurent tiré, un feu roulant de mousqueterie s'alluma sur le front de la galerie. Éperdues, les bêtes bondissaient dans l'enceinte, s'offraient aux coups, venaient tomber et mourir devant les empereurs. Un appel de trompettes et de cymbales saluait l'apparition de chaque dix-cors. Par moments, la fusillade cessait : on voyait sortir de dessous bois des traqueurs déguisés en sauvages de mascarade, affublés de peaux et de feuillage ; ils ramassaient les pièces et les dressaient devant le pavillon en sanglantes pyramides. Quand on eut abattu quarante-sept cerfs, on cessa cette tuerie à froid, cette chasse qui n'offrait même point l'image de la guerre, et les souverains allèrent chercher à Weimar de plus nobles plaisirs[2]. Weimar est une ville de grand air, malgré ses proportions restreintes ; par endroits, ses places ornées de statues, ses colonnades, le nombre de ses monuments, leur ordonnance régulière, le déploiement majestueux de leurs façades, lui donnent un aspect de capitale : c'était alors celle de l'art et de la pensée germaniques. Le duc Charles-Auguste aimait à s'entourer de beaux et de grands esprits : il savait les attirer à ses côtés, les y fixer, et, par cette parure, se piquait de donner à sa résidence un rang unique au milieu des cités d'Allemagne, de la distinguer de ses pareilles et d'en faire une Athènes. Sa cour gardait les traditions et les manières de l'ancien régime ; elle accueillit ses hôtes illustres avec une aisance de bon goût, relevée par un faste digne d'eux. L'entrée des empereurs et des rois se fit en simples calèches de chasse ; mais les corporations de la ville, bannières déployées, faisaient la haie sur leur passage. Au château, où la duchesse leur souhaita la bienvenue, ils trouvèrent une hospitalité prévenante, leurs suites reçurent un traitement magnifique, et la vieille résidence fit ce miracle d'héberger dignement cinq cent cinquante visiteurs. En ce temps, il fallait aller vite en toutes choses. Napoléon ne donnant à ses hôtes qu'une soirée, on avait voulu accumuler en cet espace de quelques heures tous les plaisirs à l'usage ordinaire des cours : il devait y avoir dîner, concert, théâtre et bal. Le temps manqua pour réaliser ce programme : il fallut passer le concert. Au dîner, la table des souverains, dressée en forme de fer à cheval, comptait seize couverts, le moindre convive ayant rang de prince. Pendant le repas, Napoléon causa beaucoup : il fit admirer l'étendue de son savoir, en discutant avec le prince primat quelques particularités de l'ancienne constitution germanique, et comme on s'étonnait d'une érudition aussi précise, il rappela que jadis, en France, les loisirs de la vie de garnison lui avaient permis de lire beaucoup et d'étudier ; ce fut alors qu'il commença l'une de ses phrases par ces mots : Quand j'étais lieutenant d'artillerie... A l'instant où il évoquait ce souvenir, il avait à sa droite l'empereur de toutes les Russies, puis les souverains de Westphalie et de Wurtemberg, à sa gauche la duchesse de Weimar, les rois de Bavière et de Saxe ; il était servi par ses pages, et derrière lui, debout contre la muraille, des seigneurs haut titrés, portant les plus beaux noms d'Allemagne, remplissaient les fonctions de la domesticité féodale[3]. L'aller au théâtre et le retour se firent en gala, dans de grands carrosses, par les rues illuminées, entre deux rangs d'hommes armés dont chacun portait une torche. Par une attention pour son hôte, le duc Charles-Auguste avait fait venir d'Erfurt les comédiens de l'Empereur ; ils donnèrent la Mort de César, et Talma parut en conquérant sur la première scène germanique. Quand l'incomparable tragédien lança le vers : Sur l'univers soumis rêvons sans violence, l'allusion s'imposa, et l'on assure qu'un frisson électrique parcourut l'assistance. Pendant la représentation, Napoléon inspectait la salle, les visages, les toilettes, les attitudes ; il remarqua dans une loge un vieillard dont la belle tête blanchie et la physionomie fine le frappèrent ; ayant appris que ce vieillard était Wieland, le Voltaire de l'Allemagne, il exprima le désir qu'on le lui présentât dans la soirée. Quelques instants plus tard, dans la grande salle du château, où se pressait une assistance telle qu'aucune demeure impériale ou royale n'eût pu en réunir de pareille, Alexandre ouvrait le bal avec la reine de Westphalie. Le jeune monarque revint plusieurs fois à un plaisir où triomphaient son élégance et sa bonne mine : L'empereur Alexandre danse, écrivait Napoléon à Joséphine, mais moi non : quarante ans sont quarante ans[4]. Parcourant les groupes, il se fit présenter quelques femmes remarquables par leur beauté ou leur esprit, les laissa charmées d'un regard, d'une parole. Il parla aux personnages marquants, puis, apercevant Gœthe, qui figurait à son rang de conseiller intime, l'aborda d'un air de connaissance. Quelques jours avant, sachant le poète à Erfurt, il avait voulu le voir, lui avait parlé de ses ouvrages avec compétence, avec admiration, avait discuté avec lui certains passages de Werther[5] : Voilà un homme, avait-il dit après l'audience. A Weimar, il reprit l'entretien, le poussa quelque temps, puis demanda Wieland : mais Wieland n'était pas là ; le vieillard s'était retiré après le spectacle et n'allait plus au bal : il fallut se mettre à sa poursuite, le chercher jusque chez lui et l'amener d'autorité à l'Empereur. Je ne pus faire autrement, raconte Wieland, que de monter dans le carrosse qui me fut envoyé par la duchesse, et de me rendre au bal dans mon accoutrement ordinaire, une calotte sur la tête, sans être poudré, chaussé de bottes en drap, au reste mis avec décence. J'y arrivai à dix heures et demie. A peine fus-je entré que Napoléon vint à ma rencontre de l'autre bout de la salle : la duchesse elle-même me présenta à lui[6]. L'accueil de l'Empereur au poète fut très particulier ; ce ne fut point celui d'un monarque à un sujet qu'il tient à honorer de quelques faveurs. Dans le langage, dans l'attitude de Napoléon, rien de protecteur, nulle trace de cette bienveillance souveraine qui laisse subsister les distances. Voulant plaire à Wieland et faire sérieusement connaissance avec cet esprit, par un comble de délicatesse, d'habileté et de grandeur, il le traita pour ainsi dire en égal, lui parlant d'un ton simple, intéressé, à la fois éloigné de la hauteur et de la familiarité ; on eût dit la rencontre de deux hommes de condition semblable, d'un génie supérieur dans des genres différents, qui prennent plaisir à s'étudier, à échanger leurs vues, et savent qu'ils ont mutuellement beaucoup à s'apprendre. On ne regardait plus danser Alexandre : le spectacle était ailleurs. A distance respectueuse, princes, ministres, dignitaires, formaient autour de l'Empereur et du poète un cercle de curieux. Par respect pour ce grand souvenir, Wieland n'a jamais voulu écrire ni raconter en détail la conversation, mais les assistants en surprirent certaines parties, et des versions concordantes permettent d'en retracer quelques traits. Napoléon toucha aux matières les plus diverses, les plus hautes ; il passa de la littérature à l'histoire, aux Grecs, qu'il comprenait mal, aux Romains, qu'il admirait fort, prit contre Tacite la défense des Césars, traita aussi des religions et de leur utilité sociale, parla du christianisme en politique plus qu'en croyant. Sur tous ces points, il s'exprimait avec chaleur, avec des expressions originales, quoique toujours graves, s'animant sans s'égayer, ne cherchant nullement à briller, à éblouir, seulement à mettre en avant des idées et à en susciter chez son interlocuteur. Il mêlait parfois à de profonds aperçus des paroles affectueuses, des questions intimes ; mais le grand hommage qu'il rendait à Wieland était de montrer le prix qu'il attachait à connaître son opinion sur tous les sujets abordés. L'Allemand répondait en assez mauvais français, exposait ses vues, charmé tout à la fois et troublé par cette parole acérée qui le pénétrait à fond et scrutait toutes les parties de son intelligence. Après deux heures d'entretien, cédant à l'émotion, à la fatigue, il attendait et cherchait à provoquer un signe de congé : ne le voyant pas venir, il prit bravement son parti et fit le geste de se retirer : Allez donc, lui dit amicalement l'Empereur, et il répéta : Allez, bonne nuit. Il revint alors à Gœthe, causa de nouveau avec lui et se retira enfin, laissant l'assistance sous l'impression de ces scènes mémorables[7]. Dans sa conduite, une pensée politique éclate. Depuis quelque temps, il s'apercevait qu'un sentiment nouveau et puissant, celui de la nationalité, s'éveillait en Allemagne, par nous, mais contre nous, au contact de nos idées, mais en haine de notre domination : découvrant en lui un adversaire redoutable, il essayait de l'apaiser et de le désarmer. A ce moment même, il mettait un soin tardif, mais remarquable, à ménager les populations germaniques et à adoucir leurs souffrances[8] ; il voulut en même temps honorer et se concilier l'esprit allemand dans la personne de ses plus illustres représentants, et ce fut ainsi qu'il laissa interpréter officiellement son accueil aux deux poètes. Dans le récit des fêtes publié sous les auspices de la cour de Weimar, nous lisons, à propos de la bienveillance témoignée à Gœthe et à Wieland : Le héros du siècle donna par là la preuve qu'il tient à la nation dont il est le protecteur, qu'il estime sa littérature et sa langue, qui forment son lien national[9]. Ajoutons que ces témoignages ne coûtaient pas à l'orgueil de Napoléon ; il appréciait à leur juste valeur les forces intellectuelles, les traitait parfois en ennemies, les proscrivait durement, mais ne les méconnaissait point, et ne crut jamais déroger en traitant de puissance à puissance avec les rois de l'esprit. La soirée de Weimar eut le lendemain sa contre-partie ; après avoir rendu hommage à l'Allemagne policée et soumise, Napoléon affirma impitoyablement sa victoire sur l'Allemagne guerrière et révoltée, en y associant rétrospectivement Alexandre. Il avait fait avec cet empereur la partie d'aller visiter le champ de bataille d'Iéna, et cette excursion, à laquelle la cour de Weimar se prêta docilement, remplit la seconde journée. Des préparatifs de fête avaient été ordonnés sur le terrain même de la lutte ; des mains allemandes avaient paré le lieu où avait succombé la grandeur prussienne. A l'endroit le plus élevé, sur un sommet décoré pour la circonstance du nom de mont Napoléon, on avait dressé un temple de la Victoire, éphémère bâtisse : un professeur d'Iéna en avait dessiné les lignes, et un conseiller aulique avait composé pour le fronton un distique prétentieux[10]. Napoléon et Alexandre se rendirent à cheval au pied du monument ; après l'avoir visité, ils redescendirent sur un plateau moins élevé, d'où l'Empereur avait commandé l'action. Une estampe exécutée d'après nature les représente à cet endroit[11]. Tous deux ont mis pied à terre, en avant d'un état-major de rois, de princes et de maréchaux. A quelques pas, leurs chevaux sellés et bridés les attendent ; Napoléon a laissé le sien à la garde de son mamelouk. De grands feux allumés, des tentes rappellent le bivouac : plus loin, des soldats de Weimar contiennent une foule immense qui se presse et s'écrase pour voir. Napoléon tient une carte : après avoir expliqué à son allié la position des corps et les mouvements ordonnés, il évoque maintenant aux yeux d'Alexandre, dans la campagne ondulée qui se déploie autour d'eux, les masses noires de l'infanterie, les bandes de fumée qui avancent ou reculent suivant les péripéties de la lutte, les villages qui brûlent, l'assaut des positions, le heurt des escadrons, la vision confuse et troublante d'une bataille. Cette leçon d'art militaire terminée, pour compléter l'illusion, on déjeuna comme à la guerre, les souverains sous une tente, leur suite en plein champ. Pendant le déjeuner, Napoléon reçut une députation de l'université d'Iéna, accorda quelques grâces à la ville témoin de son triomphe, puis, lorsque les deux empereurs eurent exploré dans toutes ses parties le champ de bataille dont ils avaient d'abord embrassé l'ensemble, chassé autour d'Apolda, où Napoléon avait passé la nuit avant le combat, ils rentrèrent assez tôt à Erfurt pour paraître le soir au théâtre, et la représentation des Horaces termina cette journée si féconde en souvenirs[12]. A Erfurt, les empereurs reprirent leur vie régulière et presque monotone. Chaque matin, ils s'envoyaient complimenter par un chambellan : ils tenaient l'un et l'autre un lever, s'offraient aux regards de la foule dorée qui venait encombrer leurs appartements. Ils travaillaient ensuite avec leurs ministres : c'était le moment où Napoléon lisait les dépêches diplomatiques, dictait ses ordres, ses instructions, en moins grand nombre qu'à l'ordinaire, recevait les rapports du gouverneur de la place, accompagnés de notes de police. Il tenait à connaître dans leurs plus petits détails les incidents de la journée et de la soirée précédentes, à savoir, ce qui s'était dit dans les différentes sociétés, à quel endroit s'étaient réunis les Prussiens, comment s'y prenait la police pour maintenir l'ordre, pour surveiller à la fois les mécontents et les filous qui s'appropriaient les bourses, tabatières et montres des personnes sortant de la comédie[13]. Puis venaient les audiences : Napoléon les expédiait plus ou moins vite, entre deux conversations avec ses ministres, consultant la valeur plutôt que le rang des personnages présentés, continuant pendant son premier repas à la fois son travail et ses réceptions. C'est à pareil moment que Gœthe l'avait vu : en quelques traits il nous a laissé le croquis de la scène : Je suis introduit : l'Empereur déjeune, assis à une grande table ronde ; à sa droite et à quelques pas de la table, Talleyrand se tient debout ; à sa gauche et tout près de lui, Daru, avec lequel il s'entretient des contributions à lever. Il voulut revoir aussi Wieland et quelques académiciens de Weimar : il les retenait parfois à sa table, présidait à leurs discussions, et en ces instants, sensible à tous les genres de succès, se plaisait à tenir une cour de lettrés. Dans la journée, les deux monarques se retrouvaient, conféraient, causaient, montaient à cheval. Les environs d'Erfurt, accidentés et riants, les conviaient à de longues excursions, et d'ailleurs les scènes militaires qui se succédaient autour de la ville leur offraient un but de promenade constamment varié. Le mouvement de troupes qui s'opérait du Nord au Midi, le changement de front de la Grande Armée, faisait passer presque chaque jour sous les murs d'Erfurt de nouveaux régiments. Napoléon voulait qu'ils fussent présentés à son hôte, que quelques-uns de leurs officiers remplissent auprès de lui un service d'honneur ; comme à Tilsit, il l'emmenait dans les cantonnements, l'initiait à tous les détails de la vie militaire française. Il aimait aussi à faire paraître ses troupes sous les armes, en grande tenue, dans leur beauté martiale, multipliait les cérémonies où elles étaient appelées à figurer : manœuvres ; parades, messes militaires, et c'était autour d'Erfurt un défilé continu et solennel, comme une grande revue passée en plusieurs jours[14]. Alexandre suivait ces spectacles avec bonne grâce et témoignait d'y prendre intérêt : il savait varier ses éloges et rendre à chaque arme, à chaque corps, un hommage approprié. Parmi ses compagnons, le plus heureux sans contredit était le grand-duc Constantin. Toujours attentif aux détails, il retenait les numéros des régiments, relevait les moindres différences dans l'uniforme, l'allure, les mouvements de la troupe ; il s'extasiait en connaisseur ; les imperfections ne lui échappaient pas. Il revenait sans cesse sur la discipline et la bonne tenue du 17e d'infanterie de ligne et du 6e de cuirassiers, sur la beauté du 8e de hussards, sur le peu d'instruction du 1er de hussards, sur la magnificence et l'air militaire des bataillons de la garde. Quand il fut rentré à Pétersbourg, son premier soin fut d'assembler les officiers de la Garde à cheval et des banians et de leur raconter ses impressions : Les éloges n'ont pas tari sur tout, excepté sur le 1er de hussards. En souvenir d'Erfurt, il rapportait toute une collection d'airs militaires français, et à la première parade dont il eut le commandement, par son ordre, tandis que les trompettes des chevaliers gardes sonnaient nos fanfares, les musiques de vingt-deux bataillons attaquèrent avec ensemble la marche française intitulée : le Vivat du couronnement[15]. Moins exclusif dans ses goûts, Alexandre étudiait en Napoléon le législateur autant que le conquérant. Si son admiration était de plus en plus combattue par d'autres sentiments, sa curiosité restait en éveil, et les conversations de l'Empereur lui fournissaient toujours matière à s'instruire. Répondant à ses désirs, Napoléon se plaisait à l'entretenir des travaux de la paix autant que des occupations de la guerre. Avec une éloquence pittoresque et familière, il découvrait de grands projets en toutes choses, expliquait ses belles créations, en promettait d'autres, énumérait les merveilles de civilisation et. d'art qu'il comptait faire éclore en foule sur le sol français, parlait des constructions imposantes qu'il ordonnait dans sa capitale et qui devaient donner au siège de l'empire une majesté sans pareille. Il évoquait l'image de Paris tel qu'il le rêvait, une Rome moderne, splendide et grave, peuplée d'arcs de triomphe, de portiques et de Panthéons. Ces tableaux frappaient la vive imagination d'Alexandre : sensible à tout ce qui lui paraissait noble, utile, nouveau, et brûlant de l'imiter, il allait demander qu'on lui envoyât le plan de tous les monuments qui devaient embellir nos villes[16]. Il parlait lui-même de ses projets rénovateurs ; Napoléon l'approuvait, le conseillait discrètement, l'engageait à gouverner d'une main ferme et à faire sentir son autorité. Il voulut voir Spéranski, causa longuement avec lui, lui fit cadeau de son portrait enrichi de diamants, et par ces témoignages flatteurs, qui s'adressaient au maitre autant qu'au favori, semblait féliciter le Tsar d'avoir si bien placé sa confiance. Il déployait un art singulier pour se mettre au niveau des goûts, des dispositions changeantes d'Alexandre. Tour à tour, il s'étudiait à l'éblouir par de lumineux aperçus, à le distraire par des propos frivoles ou piquants. Alexandre, enclin à une anxieuse mélancolie, avait aussi des accès de fougue et de jeunesse ; Napoléon savait être jeune avec lui, partager son entrain. Connaissant son peu de goût pour le cérémonial, il savait l'isoler des pompes environnantes et lui faire mener, au milieu de l'appareil des cours, une existence d'intimité et presque de camaraderie : on eût dit, suivant un témoin oculaire, deux jeunes gens de bonne compagnie, dont les plaisirs en commun n'auraient eu rien de caché l'un pour l'autre[17], et personne, à les voir si confiants, si expansifs, ne se fût douté des âpres dissentiments qui subsistaient entre eux. A certains moments, ils n'avaient qu'une demeure, qu'un appartement. Au retour de la promenade, Alexandre avait-il quelque désordre à réparer dans sa toilette, Napoléon l'invitait à passer chez lui ; mais il fallait alors que le Tsar se gardât d'admirer, sous peine de se voir offrir aussitôt ce qu'il avait paru remarquer. C'est ainsi que Napoléon lui fit cadeau de deux magnifiques nécessaires en vermeil, dont il avait coutume de se servir. Il n'oubliait pas les absents et réserva pour l'impératrice Élisabeth quelques-unes des belles porcelaines de Sèvres qu'il avait fait transporter à Erfurt. Pour remercier, Alexandre trouvait des mots qui n'avaient rien de banal. Un jour, comme il avait oublié de prendre son épée, Napoléon lui offrit la sienne : Je ne la tirerai jamais contre Votre Majesté[18], dit le Tsar en l'acceptant. L'épée donnée par Napoléon est conservée aujourd'hui à Saint-Pétersbourg, au musée de l'Hermitage, non loin des trophées ravis à l'Empereur et à la France pendant la campagne de Russie. Les souverains dinaient chaque soir chez Napoléon, au palais du gouvernement, Talleyrand et Champagny traitant par ordre les dignitaires étrangers et le corps diplomatique. Ensuite, l'assistance tout entière se retrouvait invariablement au spectacle. Napoléon avait fait aménager la salle tout exprès à l'intention d'Alexandre, qui avait l'ouïe un peu faible ; on avait adopté la disposition usitée dans le propre palais du Tsar pour les spectacles de cour : il fallait qu'Alexandre retrouvât ses commodités, et pût croire qu'un coup de baguette magique avait transporté à Erfurt le théâtre de l'Hermitage. Les deux empereurs étaient assis immédiatement derrière l'orchestre, faisant face à la scène ; les rois se mettaient à leurs côtés, sur le même rang ; plus loin, derrière une balustrade, toute la confédération du Rhin, avec les ministres et dignitaires. Dans les loges, une foule élégante et parée, où des femmes en grand costume de cour se mêlaient aux personnages distingués que la curiosité avait attirés à Erfurt, faisaient à l'assemblée des souverains un cadre resplendissant[19]. Sur la scène, le spectacle était beau, renouvelé chaque soir, fécond en grands effets et en agréments de tonte sorte. Napoléon avait voulu que cette partie des plaisirs offerts à son allié fût particulièrement soignée ; il en avait choisi lui-même les éléments et réglé les attraits. D'ailleurs, dans ce genre de séduction à l'endroit d'Alexandre, il n'en était pas à son coup d'essai, et l'appel de la Comédie française à Erfurt n'était pour lui que la suite d'opérations bien concertées : avant de faire donner le corps de bataille, il avait lancé des éclaireurs. On se rappelle qu'Alexandre, curieux de théâtre comme la plupart des Russes, avait exprimé après Tilsit le désir de posséder, à sa cour quelques-uns de nos meilleurs acteurs, quelques-unes de nos comédiennes en renom. Napoléon avait fait étudier la question, mais ne l'avait point tranchée dans le sens de l'affirmative ; nous ne savons par quel motif ; peut-être était-il de l'avis du cardinal de Bernis, qui, prié par la tsarine Élisabeth de lui envoyer Lekain et mademoiselle Clairon, trouvait que les plaisirs de Paris sont un article qui mérite l'attention du gouvernement, et que ce serait faire tomber la Comédie française que d'en retirer les principaux acteurs[20]. L'Empereur n'envoya donc point de comédiens. Toutefois, le hasard s'étant mis de la partie et ayant servi les vœux d'Alexandre, Napoléon ne jugea pas à propos de le contrarier. Un jour, Paris avait appris que la tragédienne à la mode,
celle dont le talent et la beauté faisaient fureur, dont on citait les
aventures, la célèbre mademoiselle Georges, avait disparu. On sut bientôt
qu'elle était partie pour Pétersbourg, à la poursuite d'un jeune officier
russe auquel elle s'était attachée et qui, disait-on, lui avait promis de
l'épouser ; en même temps qu'elle était parti Duport, danseur de l'Opéra, qui
devait la rejoindre à Pétersbourg. Napoléon eût pu réclamer les fugitifs ; il
s'en garda et laissa à la Russie ce qu'elle nous avait pris. Plusieurs artistes, écrivait-il à Caulaincourt par
billet spécial, se sont sauvés de Paris pour se
réfugier en Russie. Mon intention est que vous ignoriez cette mauvaise
conduite. Ce n'est pas de danseuses et d'actrices que nous manquerons à Paris[21]. L'ambassadeur
se conforma scrupuleusement à cet ordre : La France,
dit-il au Tsar, est assez peuplée pour ne pas courir
après les déserteurs[22]. La fugue de mademoiselle Georges avait d'ailleurs une autre cause que sa passion pour le jeune Russe ; à côté de ce roman, il y avait une intrigue. A Pétersbourg, un parti assez nombreux s'était donné mission de ménager un rapprochement entre l'empereur et l'impératrice : on plaignait cette princesse, mère désolée, à peine épouse ; on espérait aussi, en lui ramenant son mari, gagner des droits à sa reconnaissance et profiter d'un crédit reconquis. La tâche que l'on assumait était difficile, car l'empereur se montrait de plus en plus épris de madame Narischkine[23]. N'osant attaquer de front cet attachement, on songea à une diversion. Les conjurés avaient des amis à Paris : par leur moyen, ils contribuèrent à attirer mademoiselle Georges dans la capitale russe, où on lui promettait une brillante fortune. Ils la feraient paraître devant l'empereur dans tout l'éclat de sa beauté, avec l'auréole du succès : Alexandre ne résisterait pas à des charmes réputés invincibles et délaisserait ses anciennes amours pour la reine de théâtre[24]. Mais une telle liaison ne saurait durer ; on guérit d'une fantaisie plus facilement que d'une passion ; détaché de ses habitudes, n'ayant pas eu le temps d'en contracter de nouvelles, Alexandre reviendrait au sentiment légitime et se laisserait ramener au devoir par le chemin du caprice. Nous ne savons si Napoléon connaissait ce dessein alors qu'il permit l'évasion de mademoiselle Georges ; en tout cas, il ne le désapprouva point quand Caulaincourt lui en conta les détails. Madame Narischkine n'avait guère répondu à ses espérances : elle avait renoncé très vite à se mêler d'affaires et se contentait de régner sur le cœur du maitre. Ce n'est point une Pompadour, disait Joseph de Maistre[25], ce n'est point une Montespan, c'est plutôt une La Vallière, hormis qu'elle n'est pas boiteuse et que jamais elle ne se fera Carmélite. A défaut de cette maîtresse inutile, il ne pouvait déplaire à l'Empereur que l'une de ses sujettes prît sur Alexandre quelque ascendant, dût-il être tout momentané : pour agir sur son allié, aucun moyen ne lui semblait négligeable. A Pétersbourg, mademoiselle Georges reçut grand accueil : sa personne et son jeu firent sensation. Par malheur, elle se conduisit en transfuge plutôt qu'en émissaire, ménageant peu la France dans ses discours et parlant mal du gouvernement[26]. De plus, si elle fut remarquée de l'empereur et appelée à Péterhof, dans le rôle intime qu'on lui avait destiné, elle dut se contenter d'un début, et son triomphe n'eut pas de lendemain. Alexandre céda au caprice, puis retourna à la passion, et madame Narischkine éprouva une fois de plus la valeur de son système, qui consistait, au dire de M. de Maistre, u à ne pas faire attention aux distractions[27]. Bien que l'expérience n'eût pas produit le résultat attendu, comme elle n'avait point paru déplaire au Tsar, Napoléon s'était proposé de la renouveler à Erfurt, avec des moyens plus étendus. Il avait donc fait venir, comme cortège à quelques-uns des premiers sujets du Théâtre-Français, la partie la plus séduisante de la figuration, ce que Metternich appelait le cadre de la tragédie[28]. Suivant le diplomate autrichien, fort expert en la matière, on avait procédé avec beaucoup de discernement, en ayant égard au visage des actrices plus qu'à leur talent, et ce soin n'avait pas échappé à la malignité du public parisien. Alexandre ne sut pas mauvais gré à son allié de cette prévenance et se montra disposé à profiter de tous les avantages qu'elle comportait. Toutefois, avant de fixer définitivement son choix, il s'en ouvrit à Napoléon et lui demanda conseil. L'Empereur loua fort son goût, mais, en ami véritable, se crut obligé de l'avertir qu'il eût, dans la circonstance, à se méfier des indiscrétions, et ne lui dissimula point que tout Paris connaitrait l'aventure. La crainte d'une telle publicité arrêta Alexandre, fort circonspect sur cet article ; il n'insista pas et se contenta de prendre au spectacle qui lui avait été ménagé un plaisir tout artistique[29]. Napoléon espérait aussi lui être agréable par le choix des pièces, le ravir et le frapper en faisant passer devant lui les chefs-d'œuvre de notre scène. Malheureusement, dans la composition du répertoire, il avait été un peu dupe de ses propres goûts. Il prisait par-dessus tout notre ancienne tragédie, cette forme d'art puissante, noble et réglée, où de hautes passions s'agitent dans un cadre étroitement mesuré : il la jugeait propre à susciter de grandes actions, des vertus sublimes, à produire des héros[30], et des héros obéissants. Il avait donc cru que la variété dans un seul genre suffirait à satisfaire le public d'Erfurt, et n'avait admis aux honneurs de la représentation que ses auteurs préférés ; comme il aimait d'abord l'œuvre de Racine, puis de Corneille et de Voltaire ce qui est resté[31], le premier fut joué six fois, les deux autres chacun quatre fois. Mais les invités de l'Empereur étaient moins classiques que lui-même ; en Allemagne, le théâtre se rajeunissait sous l'inspiration de Gœthe et de Schiller, et les compatriotes de ces génies novateurs n'applaudirent que par flatterie la tragédie française, dont les bornes, disaient-ils, sont plus resserrées[32]. Quant aux Russes, beaucoup d'entre eux n'étaient nullement à hauteur d'un tel spectacle. A Pétersbourg, lorsque mademoiselle Georges leur était apparue, ils avaient adulé la femme, célébré la tragédienne en vogue, mais le genre leur avait paru franchement suranné[33]. A Erfurt, si le Tsar et ses compagnons se montrèrent très sensibles au talent des acteurs, à la perfection de leur jeu, il est à croire que quinze jours de tragédie leur parurent longs à supporter. Après le spectacle, l'assistance se dispersait, chacun réglant à sa guise l'emploi de sa soirée. Des lieux de plaisir et de réunion s'étaient ouverts. Dans certaines sociétés, on se retrouvait uniquement pour se distraire en commun : on soupait, on jouait. Les politiques se donnaient rendez-vous et tenaient de longs conciliabules au logis du prince Guillaume de Prusse, quartier général de nos ennemis. Il y avait enfin de véritables salons, improvisés par les soins de quelques femmes de tête et d'esprit. Ils groupaient ce qu'Erfurt comptait de plus distingué par la naissance, la position ou le mérite ; c'était un honneur que d'y être admis, un privilège plus ou moins accessible ; il s'était vite établi entre eux des rangs et une hiérarchie. Deux surtout brillaient d'un vif éclat, celui de la présidente de Recke et celui de la princesse de la Tour et Taxis, sœur de la reine de Prusse. Le premier était un terrain neutre, ouvert aux lettres autant qu'à la politique : on y entendait Gœthe discuter, au milieu d'un groupe de maréchaux, l'œuvre de nos tragiques. Le second avait un caractère plus aristocratique et une couleur antifrançaise : on y faisait la petite guerre contre Napoléon ; par des bruits malveillants, par des allusions mordantes, on s'y vengeait du maître auquel chacun rendait en public un culte contraint ; certains mots faisaient fortune, comme cette boutade de l'ambassadeur Tolstoï : Notre empereur fait bâtir beaucoup d'églises : conseillez-lui d'en faire bâtir une à Notre-Dame del Soccorso d'Espagne, car, si elle ne se déclare pas pour lui, son empire est perdu[34]. Alexandre lui-même paraissait chez la princesse de la Tour et Taxis et s'y faisait remarquer par ses assiduités auprès de la princesse Stéphanie de Bade, le charme et le sourire de ces réunions. D'ordinaire, le Tsar s'exprimait sur Napoléon en termes enthousiastes, vantait sa bonté, sa facilité, le défendait du reproche d'ambition ; quelquefois il paraissait soucieux, et même, a-t-on dit, lorsqu'il se trouvait en compagnie de nos adversaires déclarés, on obtenait de lui des paroles qui ne décourageaient pas trop leurs espérances ; il était de ceux qui changent volontiers de langage en changeant de milieu[35]. Toutefois, ces excursions sur le terrain ennemi duraient peu, et d'apparence, sinon de cœur, Alexandre retournait vite à Napoléon. Souvent les deux empereurs s'en revenaient ensemble du spectacle, et la soirée s'achevait chez celui de Russie. L'entretien reprenait alors entre eux, se prolongeait durant ces heures de nuit, si favorables aux épanchements. D'ailleurs, à mesure que leur commerce se prolongeait, leur intimité se montrait plus expansive. S'ils ne se disaient pas tout, s'ils conservaient inviolables au fond de leur pensée certaines réserves, certains scrupules, ils se livraient à des confidences devant lesquelles ils avaient reculé tout d'abord. Laissant de côté les questions irritantes, ils se plaisaient à envisager au delà de leur accord présent, si incomplet qu'il fût, un avenir de concorde et d'union, ébauchaient des plans ou des rêves, et même un sujet délicat entre tous, dont chacun s'était entretenu à leur cour, si ce n'étaient eux-mêmes, une affaire d'État qui était en même temps une affaire de famille, après avoir longtemps occupé et inquiété leur esprit, allait un jour effleurer leurs lèvres. |
[1] Description des fêtes données à LL. MM. les empereurs Napoléon et Alexandre et à plusieurs autres têtes couronnées à Weimar et à Iéna par S. A. S. Charles-Auguste, duc de Saxe-Weimar, Weimar, 1809, p. 8.
[2] Récit des fêtes, p. 7 à 11.
[3] THIBAUDEAU, IV, 70. Récit des fêtes, 11.
[4] Correspondance, 14566.
[5] Voyez l'opuscule intitulé : Entrevue de Napoléon Ier avec Gœthe, par S. SKLOWER, Lille, 1853.
[6] Freundesbilder aus Gœthe's
Leben, von H. DUNTZER, cité par SKLOWER, 90.
[7] SKLOWER, 91-92. Cf. THIERS, IX, 328.
[8] Voyez notamment dans la Correspondance, les numéros 14319, 14321, 14341.
[9] P. 15.
[10] Récit des fêtes, 16.
[11] Récit des fêtes, planche 3.
[12] Récit des fêtes, 15-19.
[13] Rapports de police. Archives nationales, AF, IV, 1696.
[14] Rapports du gouverneur de la place. Archives nationales, AF, IV, 1696.
[15] Caulaincourt à l'Empereur, 5 novembre 1808.
[16] Rapport de Caulaincourt du 23 novembre 1808.
[17] THIBAUDEAU, IV, 66. Cf. Mémorial de Sainte-Hélène, 16 juin 1816.
[18] THIBAUDEAU, IV, 70.
[19] Récit des fêtes, p. 5 et 6. Documents inédits.
[20] Archives des affaires étrangères, 24 juin 1758.
[21] Correspondance, 14107.
[22] Feuille de nouvelles du 27 juillet 1808.
[23] Nouvelles de Pétersbourg du 28 février 1808 : Madame Narischkine triomphe de nouveau de ses rivales. Petits soins au bal. On ne la quitte point pendant le souper ; on la rencontre cinq et six fois tous les matins ; tantôt c'est à cheval, tantôt en traineau.
[24] DE MAISTRE, 317.
[25] DE MAISTRE, 332.
[26] Elle a parlé à un aide de camp de l'empereur, écrivait Caulaincourt, d'une manière si peu convenable de Paris, qu'on n'était pas payé, que les talents étaient persécutés, soumis au régime militaire, etc., que le chef de la police a eu ordre de lui intimer d'être plus circonspecte... Elle parle beaucoup de l'empereur Napoléon et prétend lui avoir plu pendant deux ans et lui être restée fidèle tout ce temps : depuis elle se donne le grand-duc de Berg, le grand-duc de Würzburg, etc. Feuille de nouvelles du 17 juin 1808.
[27] DE MAISTRE, 317.
[28] METTERNICH, II, 227.
[29] Mémorial, 16 juin 1816.
[30] Mémorial, 16 juin 1816.
[31] Correspondance, 14207.
[32] Récit des fêtes, p. V.
[33] Caulaincourt écrivait le let août, dans une feuille de nouvelles : On parle beaucoup du début de mademoiselle Georges ; elle a joué Phèdre, l'auditoire l'a fort goûtée, tout en riant à gorge déployée de Thésée, d'Hippolyte et du pauvre Théramène... Le grand-duc a répondu, à l'orchestre, à M. Narischkine qui la lui vantait beaucoup : Vous auriez mieux fait de compléter l'opéra-comique que de nous faire venir un échantillon de tragédie. Au reste, vous avez beau dire, votre mademoiselle Georges dans son genre ne vaut pas mon cheval de parade dans le sien.
[34] DE MAISTRE, p. 322.
[35] THIBAUDEAU, IV, 64. Souvenirs de Jean de Muller. Documents inédits.