L'AVÈNEMENT DE BONAPARTE

LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE - 1800

 

CHAPITRE XIV. — LA PAIX CONSULAIRE.

 

 

DEUXIÈME PARTIE. — LES ÉMIGRÉS. - LE CODE CIVIL. - LA RENTE. - RÉORGANISATION ET APAISEMENT.

 

I

La question des émigrés fut celle où Bonaparte hésita et tâtonna le plus. C'est l'une des grandes plaies de la République, il faut nous en guérir le plus tôt possible[1], écrivait-il au ministre de la justice, mais il n'avait pas encore trouvé la méthode à suivre.

Personnellement, il conservait contre les émigrés une prévention très forte, parce qu'il avait vu, de ses yeux vu, un certain nombre d'entre eux combattre dans les rangs de l'étranger et commettre l'inexpiable crime. De plus, à rappeler ces proscrits, il les placerait face à face avec les acquéreurs de leurs biens. La complication et l'obscurité des lois faciliteraient des contestations juridiques ; on verrait sourdre tout un venimeux pullulement de chicanes et de procès. La conquête révolutionnaire pourrait en être attaquée dans sa base, dans l'attache qui la tenait enracinée au sol. Or, autant que ses prédécesseurs, Bonaparte prenait pour appui l'âpre conservatisme des révolutionnaires terriens.

Cependant la question des émigrés le pressait. Toute la France s'en occupait et en était comme travaillée. Les défiances révolutionnaires se défendaient difficilement entre une intercession à peu près générale. Les ministères compétents, les préfectures, les bureaux étaient assaillis de sollicitations ; Bonaparte en était obsédé, Lebrun particulièrement harcelé. Les femmes s'étaient mises en mouvement. Depuis Joséphine jusqu'à une bonne fille d'Arles qui écrivait en faveur de son ancien seigneur, jusqu'à la citoyenne Émélie Roche qui gouvernait un chef de bureau[2], des milliers de femmes s'agitaient, imploraient, intriguaient. Les personnages influents, sénateurs, conseillers d'État, généraux et grands fonctionnaires, s'intéressaient tous à quelque demande. Collectivement, ces révolutionnaires protestaient contre le retour des émigrés ; individuellement, chacun d'eux avait son émigré à sauver, à patronner, à tirer de peine. Il en résultait des inégalités de traitement par trop choquantes, des partialités et des sévérités iniques. Tel émigré bien muni de protections arrivait prestement à son but, tandis que de pauvres gens sans appui écrivaient jusqu'à trente fois en vain[3]. La réparation était incohérente autant que la proscription l'avait été. Le mensonge et la fraude jouaient toujours un grand rôle. L'abus des influences, la falsification des pièces, l'achat des employés maintenaient dans les bureaux une atmosphère de pestilence ; cette énorme affaire des émigrés, née d'une pensée et d'une nécessité d'apaisement, introduisait partout des ferments corrupteurs ; elle risquait d'empoisonner l'administration entière.

Contre l'afflux des demandes, Bonaparte avait maintenu d'abord la règle de forclusion, l'irrecevabilité de toute requête non produite avant la mise en vigueur de l'acte constitutionnel ; mais la poussée des émigrés, celle des recommandations, celle aussi de la pitié et de la conscience publiques l'emportaient sur cette digue. Emprisonner ou rejeter hors des frontières tous les émigrés irrégulièrement rentrés, il n'y fallait songer ; le public écœuré de violences ne supporterait plus le navrant spectacle de proscriptions en masse. D'autre part, comment arrêter le mouvement de cent mille personnes qui débordaient sur la France en se fiant aux intentions du gouvernement, au principe de générosité qui fondait son existence ? Il était impossible de refouler cette invasion pacifique ; Bonaparte cherchait à la réglementer.

On a vu qu'il avait établi au ministère de la justice une commission chargée d'instruire les demandes en radiation. Au retour de Marengo, il sut que toute sorte de désordres s'étaient introduits en cette affaire. Sur le travail qui lui était présenté figuraient, proposés pour la radiation, des émigrés qui naguère portaient encore les armes contre la République[4]. Ce n'était un mystère pour personne que certains commissaires s'étaient laissé circonvenir, suborner, acheter ; on parlait tout haut de collusions éhontées ; l'affaire prenait les proportions d'un scandale public. Bonaparte sabra les coupables, ordonna des destitutions exemplaires, ordonna de remanier la commission, écrivit durement au ministre Abrial : Composez votre bureau particulier d'hommes justes, intègres et forts. Qu'ils soient convaincus que l'intention du gouvernement n'est pas de fermer la porte aux réclamations des individus victimes de l'incohérence des lois sur l'émigration, mais qu'il sera inexorable pour ceux qui ont été les ennemis de la patrie. Il vous appartient de surveiller l'exécution des lois ; ne présentez à la signature du premier Consul aucun acte qu'elles réprouvent[5].

Cette lettre donnait la mesure de ses dispositions présentes. Il tendait à maintenir sévèrement le principe légal, le principe d'ostracisme, en exceptant de son application tous ceux qui y avaient été indûment soumis. A ses veux, le cas des émigrés ressortissait à la justice bien plus qu'à la police. Il voulait que les émigrés fussent en quelque sorte individuellement jugés, c'est-à-dire que toute demande comparût devant la commission érigée en véritable tribunal d'instruction, qu'elle fût soumise à une procédure régulière et passât par cc tamis avant d'aboutir ou d'échouer. Ainsi arriverait-on à distinguer des vrais émigrés les malheureux qui leur avaient été assimilés par erreur, malignité, abus, ou qui avaient fui la Terreur plutôt qu'ils n'avaient renié la patrie. Ceux-ci obtiendraient toute justice ; les autres, conformément à la loi constitutionnelle, continueraient à porter la peine de leur désertion. Bonaparte avait l'intention de publier à bref délai une série de radiations très nombreuses, mais individuelles et motivées.

Sur ce point, il se trouva en désaccord avec ce singulier Fouché dont les rapports avec lui tenaient à la fois d'une collaboration et d'une lutte. Fouché, si hostile aux catholiques, se montrait partisan de mesures larges envers les émigrés, à condition, bien entendu, qu'elles fussent par lui intimement contrôlées. Et d'abord, il faisait valoir l'impossibilité de statuer par décisions individuelles sur le sort de cent mille personnes ; plusieurs années ne suffiraient pas à cette écrasante besogne. Il proposait donc de procéder par éliminations en masse, d'éliminer des catégories entières, des collectivités, contre l'inscription desquelles l'équité et le bon sens criaient par trop haut. Cette grande déduction opérée, la situation des antres émigrés resterait sans doute un sérieux embarras ; pour en sortir, Fouché ne voyait d'autre moyen qu'un intelligent arbitraire. D'après lui, on devait, au lieu de s'astreindre à des formalités quasi-judiciaires, s'inspirer de considérations purement pratiques, se décider dans chaque cas suivant des présomptions d'intérêt ou d'inconvénient public. On réussirait ainsi à se rattacher des personnages utiles ou décoratifs, sans faire le jeu de la contre-révolution. En matière de radiations, l'état à dresser deviendrait un moyen de gouvernement, et il allait sans dire que Fouché se réservait de tenir en personne cette nouvelle feuille des bénéfices[6].

Bonaparte ne se rendit pas d'abord. En thermidor, il se contentait d'activer le travail de la commission chargée de préparer d'individuelles sentences. Un peu plus tard, il se ravisa et accéda aux raisons du ministre. Le système des éliminations par catégories fut admis. Le 28 vendémiaire an VIII-20 octobre 1800, les Consuls rendirent un arrêté qui allait devenir pour une assez longue période le texte organique en la matière.

Aux termes de cet arrêté, seraient effacés de la liste, indépendamment des prêtres, les catégories suivantes : parents ou héritiers d'émigrés, femmes ayant suivi leur mari, artisans et cultivateurs, gens a gages, toute la partie plébéienne de l'émigration ; les émigrés déjà rayés par les autorités locales, ceux qui avaient été compris dans la capitulation de Malte ; enfin, les victimes des tribunaux révolutionnaires, les suppliciés dont les noms avaient été portés sur la liste dans le but de spolier leurs héritiers et par persécution posthume, en des temps monstrueux. Ces vastes entailles à la table de proscription en feraient tomber à peu près cinquante mille noms.

Quant aux émigrés non compris dans les catégories spécifiées, l'arrêté maintenait expressément sur la liste tous ceux qui n'avaient point réclamé en temps utile, mais cette sévérité n'équivalait plus à une condamnation sans appel. Après avoir indiqué la façon dont il serait procédé pratiquement aux éliminations collectives, l'arrêté ajoutait : La liste générale ainsi réduite sera imprimée, et il sera statué ultérieurement sur chacun des individus qui y resteront inscrits[7]. Par suite de cette disposition large et vague, le fait de figurer sur la liste ne constituait plus contre les inscrits qu'une présomption ; de l'état d'émigrés, ils passaient à l'état de simples prévenus d'émigration, et le gouvernement se réservait à leur égard plein pouvoir de sélection arbitraire.

Effectivement, les Consuls continueront à prononcer des radiations. De son côté, pendant toute une année, Fouché va remanier sans cesse et triturer la liste, écarter ou retenir des noms avec une égale désinvolture, biffer cependant le plus grand nombre, doser et distiller l'amnistie, une amnistie administrative, sous conditions et réserves. Il proposera finalement de réduire la liste à trois mille trois cent soixante-treize noms. Bonaparte s'opposera d'abord, reviendra par moments à son projet d'instituer des commissions contentieuses, des organes de justice distributive, puis s'arrêtera devant les inconvénients de ce système sans se fixer franchement à un autre. De là chez ce maitre si décidé, des oscillations de pensée, ces dispositions embarrassées, ces mesures dilatoires dont parle Cambacérès[8]. Il n'arrivera qu'après deux ans au terme de son évolution réparatrice. Par sénatus-consulte du 26 avril 1802, il accordera aux émigrés amnistie légale, entière, exception faite pour certaines catégories par trop compromises.

Dès le début, les émigrés rayés avaient été assujettis à une surveillance. On les astreindrait ensuite à un serment. Ils ne rentraient que très péniblement en possession de la partie invendue de leurs biens. Plus difficile à cet égard que la Révolution elle-même, Bonaparte avait songé d'abord à ne leur allouer en compensation qu'une indemnité annuelle[9], un revenu au lieu de fonds ; il voulait surtout que les émigrés, s'ils récupéraient quelque débris de leur fortune, le tinssent de lui seul et lui en fussent personnellement obligés. D'autre part, à tout moment, à tout propos, il réitérait au profit des acquéreurs de biens vendus les assurances solennelles et les garanties. Et plus tard, au jour de son couronnement, debout devant l'autel de Notre-Dame, portant au front le laurier d'or, portant aux épaules la pourpre ensemencée d'abeilles, parlant devant une assistance où les révolutionnaires en livrée de gala se confondaient avec les émigrés reprenant sous un autre maitre le service de cour, il insérait ces mots dans son serment d'empereur : Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République ; de faire respecter les lois du Concordat et de la liberté des cultes ; l'égalité des droits, la liberté politique et l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux. Il avait compris qu'il n'effacerait les traces de la grande lutte entre Français qu'en laissant les vaincus se replacer à côté des vainqueurs, mais il accumulait les précautions pour se rattacher personnellement les uns autant que les autres et les enchaîner tous à sa fortune.

 

II

Comme il avait trouvé après Marengo que le travail du Code civil n'avançait pas, il dit à Cambacérès : Vous avez fait plusieurs codes ; ne pensez-vous pas qu'il serait utile de les refondre et de présenter au Corps législatif un projet qui fût à la hauteur des idées du siècle et digne du gouvernement[10].

Il voulut connaître les projets débattus devant la Convention. Cambacérès les lui remit, non sans quelque embarras, et se précautionna en l'avertissant qu'il trouverait là des dispositions qui avaient été l'objet d'une forte controverse et d'autres qui semblaient contraires aux principes d'une saine politique et aux règles de la bonne morale. Bonaparte se saisit des projets ; au bout de quelques jours : J'ai lu, dit-il à son collègue, et il le complimenta sur ses qualités d'analyse et de rédaction : Il y a là un esprit d'analyse dont j'ai été satisfait, et puis le texte était clair : Je n'ai pas eu besoin de relire. Il s'agissait maintenant d'opérer les retouches nécessaires et de constituer tous ces projets en un solide ensemble.

Renonçant à diviser le travail préparatoire entre plusieurs commissions, Bonaparte préféra désormais le centraliser entre trois ou quatre personnes d'une exceptionnelle compétence : Indiquez-moi des hommes qui soient en état de faire ce travail et rédigez un arrêté. Cambacérès formula l'arrêté du 24 thermidor an VIII, aux termes duquel Bigot de Préameneu, Portalis et Tronchet, qui s'adjoindraient Malleville comme secrétaire-rédacteur, étaient invités à se réunir en conférence avec le ministre de la justice, à l'effet d'établir un ordre et un plan de travail, un canevas, qui servirait de base aux délibérations du conseil d'État.

Tandis que ce haut comité s'attaquait à la besogne, Bonaparte reprit la conversation avec Cambacérès ; il traita de différentes matières de législation civile en homme qui avait relu très attentivement les projets et s'était fait des idées personnelles : Il s'expliqua en des termes positifs, — dit Cambacérès, — sur la nécessité de donner plus d'intensité à l'autorité paternelle, sur l'utilité de revoir la loi du divorce, sur la libre disponibilité des biens, sur l'adoption, etc. Tout ce qu'il dit étant plein de raison, je ne manquai pas d'y applaudir.

Il n'y eut divergence d'opinion que sur la dévolution des biens et le partage des successions. Le fait à retenir, c'est que Cambacérès, conventionnel libéré, revenu de très loin par évolution totale, se montrait maintenant beaucoup plus conservateur que Bonaparte, au sens actuel du mot. Sa préoccupation était d'éviter le morcellement des héritages et même de reconstituer la grande propriété. Il est admirable de le voir reprochant à Bonaparte trop de penchant pour les nouveautés révolutionnaires et les préjugés du siècle : Le premier Consul, préoccupé des idées modernes et ne voyant que les progrès de l'agriculture ainsi que la faculté de recouvrement des contributions, soutenait que, plus les héritages étaient divisés, plus l'État devenait riche. Je différais d'avis et lui fis observer que, dans un gouvernement, il importait d'avoir de grands propriétaires, qu'ils en étaient une des hases essentielles. Bonaparte ne se laissait pas convaincre. Surtout, il ne voulait pas entendre parler de substitutions, c'est-à-dire du droit pour un testateur d'immobiliser ses biens aux mains de ses héritiers ; cette idée ne lui entrait pas dans l'esprit : Je comprends que chacun ait le droit de disposer de son bien, quand il n'a pas d'enfants, mais je ne vois point ce qui peut l'autoriser à disposer pour ses héritiers. Plus tard, lorsqu'il aurait lui-même accompli sou évolution, lorsqu'il instituerait des majorats, il dirait à Cambacérès : J'entends  maintenant pourquoi vous vouliez des substitutions.

Trois mois avaient été impartis à la commission des jurisconsultes pour achever son travail préliminaire. En fait, ses opérations se prolongèrent au delà de ce terme. Le conseil d'État fut ensuite saisi dans la forme ordinaire, avec cette particularité que Bigot-Préameneu, Portalis et Tronchet. curent droit d'assister aux séances et de prendre la parole. C'est dans ces conditions que s'ouvrit, avec la participation assidue du premier Consul, la discussion des trente lois devant former le Code civil. Cambacérès présidait à l'ensemble de l'œuvre, assisté des grands juristes. Ils la firent en somme, mais ne l'eussent point faite sans Bonaparte, qui les avait mis en position de l'accomplir ; ce fut lui d'autre part qui anima l'œuvre entière et la fit se mettre en train, marcher, aboutir ; elle se réalisa tout empreinte de l'esprit qu'il avait imposé à son temps, c'est-à-dire d'une pensée de fusion entre des systèmes divers et d'une volonté de rapprochement.

Ainsi s'éleva d'un mouvement continu, à partir de Marengo, ce grand statut composite. Transaction entre le droit nouveau et le droit ancien, entre la coutume et le droit écrit, entre l'esprit philosophique et l'esprit juridique, il sacrifiait parfois ce qu'il y avait de bon dans l'un et l'autre système pour les concilier plus aisément. Faisant à l'esprit révolutionnaire des concessions regrettables et réagissant parfois contre lui de façon trop profonde, il aboutit néanmoins, malgré ses imperfections et ses lacunes, a la plus grande somme d'équité naturelle et de raison que les hommes eussent encore placée dans les lois.

Consacrant l'égalité des Français devant la loi, l'affranchissement de la terre, la liberté civile, le plein effet juridique de la volonté humaine, il codifie en ce sens la Révolution. Il ne crée pas le progrès, il l'enregistre et le fixe, le stabilise. En lui, l'ardente matière se concrète sous forme solide, indestructible ; par lui, en cette partie, la Révolution se fait bronze et granit.

Pour l'établissement des liens de droit entre les personnes, pour le gouvernement de la famille et la transmission des biens, il revient, sauf exceptions, aux anciens principes et les combine entre eux. Il fond ensemble les différentes traditions françaises et les tempère l'une par l'autre. En toute chose, c'est un mélange, un moyen terme, une œuvre de juste milieu juridique, comme on parfaitement défini[11]. Les classes et les intérêts divers y trouvent plus ou moins leur satisfaction. Code essentiellement démocratique lorsqu'il garantit tout le monde contre le retour des privilèges féodaux, il est en beaucoup de points un code bourgeois, fait pour cette classe moyenne qui avait commencé la Révolution et s'en était finalement ressaisie.

Reçu par la France et porté par elle au delà de nos frontières en des temps d'hyperbolique prospérité, il parut comme édicté par la victoire et prit quelque chose de son resplendissement. Cette raison ne suffit pourtant pas à expliquer sa force d'expansion et de rayonnement. Les nations et même celles que nos armes n'avaient pas touchées l'adoptèrent, parce qu'il leur apportait la Révolution dans ce qu'elle avait d'appréciable et de tangible pour la majorité des humains : le progrès sans la subversion, le progrès dégagé des rigueurs et des exagérations de la théorie. Le Code réussit et dura précisément par ce qui lui manquait de transcendant. Son avantage fut de réunir à un haut degré des qualités moyennes, d'être supérieurement clair, souple, sensé, généralement équitable, novateur à la fois et traditionnel, à tel point qu'après un siècle écoulé, malgré le développement colossal des nouvelles formes du travail et de la fortune, il apparaît plus incomplet que suranné. C'est ainsi qu'un conquérant passager se survécut en ses institutions civiles, pour les avoir puissamment empreintes de sagesse pratique, et que Napoléon, comme Rome, en perdant l'empire sur les peuples, leur laissa ses lois.

 

III

Dans les derniers mois de l'an VIII, il se trouva, par phénomène de répercussion, que la grande politique de Bonaparte lui fit presque de bonnes finances. A la veille de Marengo, les obligations souscrites par les receveurs généraux, principale ressource de l'État, se négociaient au taux de 5 pour 100 par mois. L'opération sur laquelle roulaient toutes les combinaisons de relèvement financier restait à peu près en suspens. Si le bruit de la défaite se fût confirmé, le désastre politique et militaire se fût doublé d'un désastre financier. Au lendemain de la victoire, l'élan de confiance qui se manifesta, une reprise d'affaires, une accélération dans la rentrée des impôts, provoquèrent quelque affluence de fonds. Les receveurs généraux, institués banquiers du gouvernement, consentirent plus généralement à échelonner des avances sous forme d'obligations ; ces obligations trouvèrent plus facilement à se placer, et le gouvernement put compter qu'au début de l'an IX il disposerait par anticipation de la majeure partie des revenus de cette année.

Sans doute, malgré un violent effort d'économie, malgré le recours à des moyens extraordinaires et non renouvelables, le déficit pour l'an VIII s'élèverait au moins à 30 ou 40 millions, sans parler du lourd passif antérieur dont le Trésor restait grevé. Néanmoins, des prévisions certaines s'annonçaient pour la première fois à l'horizon et permettaient d'aménager plus régulièrement les finances.

Depuis le 15 jusqu'au 25 thermidor, de grandes mesures furent discutées par les Consuls en conseil des finances. Le ministre Gaudin proposait de revenir à une règle fondamentale de la comptabilité d'État. L'une des causes de l'affreux désordre des finances révolutionnaires, c'était le mélange continu de l'arriéré et du courant tant pour les dépenses que les recettes. Depuis longtemps, comme on n'a jamais eu d'argent devant soi, une partie des recettes de l'année qui venait de finir est devenue indispensable pour faire face aux dépenses de celle qui commençait, et le gouvernement s'est ainsi trouvé dans le cas de manquer constamment au service passé, pour subvenir d'une manière incomplète au service courant. Le gouvernement s'est placé dans un état d'infidélité perpétuelle, et il serait impossible de calculer ce qu'une telle situation a occasionné de sacrifices au Trésor national, car c'est de l'exactitude à remplir les engagements contractés que dépend principalement la réduction des dépenses publiques[12]. Gaudin proposait en conséquence de tirer entre le passé et l'avenir une infranchissable ligne. Le restant des produits à percevoir sur l'an VIII serait rigoureusement employé à solder les dépenses de la même année ; il entrerait en ligne de compte comme premier moyen de liquidation générale, l'an IX devant affecter ses ressources à ses propres besoins et pouvant y suffire, sauf un supplément à obtenir du Corps législatif sous forme d'impôt. De cette façon, on procéderait désormais par exercices réguliers, nettement distincts, qui n'auraient plus à empiéter l'un sur l'autre et à s'enchevêtrer inextricablement.

Bonaparte discute à projet, concurremment avec Cretet et d'autres membres du conseil. Sans contester le principe, il ne pense pas qu'on puisse élever un mur d'airain entre le service de l'an VIII et de l'an IX, et il observe qu'il est dans la nature des choses que ces deux services s'aident réciproquement[13]. Contre le système ministériel, il invoque une raison d'immédiate économie. Les obligations des receveurs, payables à échéances assez longues, ne se transformeraient en fonds qu'à condition d'être négociées, escomptées à des taux toujours onéreux : On se trouvera encore forcé à des sacrifices d'intérêts qui consommeront le plus pur sang du peuple. Au contraire, en se gardant la disponibilité des sommes restant à percevoir sur l'an VIII, on pourra ne livrer à la circulation les effets souscrits pour l'an IX qu'au moment de leur échéance, c'est-à-dire non comme effets à cours, mais comme billets au porteur et sans aucun sacrifice d'intérêt.

On finit par ajourner encore toute mesure de liquidation partielle ou totale. C'est le 30 ventôse an IX seulement qu'une grande loi de liquidation viendrait consolider toutes les variétés du passif révolutionnaire : dettes diversement exigibles, dette flottante, tiers provisoire, plus 110 millions de dettes contractées envers toutes les catégories de fournisseurs et de traitants. Ces dettes seraient converties en rentes capitalisées à un taux fort réduit ou dépourvues d'arrérages pendant un certain nombre d'années. Par cette réduction arbitraire contre laquelle le Tribunat élèverait des arguments d'une incontestable valeur, par cette espèce de concordat imposé aux créanciers de la Révolution et même à ceux de l'an VIII, le gouvernement s'affranchirait définitivement de l'oppression de ces hommes de lucre, dont l'intérêt particulier, selon le mot du rapporteur de la loi, avait toujours été en conspiration contre l'intérêt général[14].

Dès à présent, Gaudin proposait une autre mesure et y attachait la gloire de son ministère ; ce serait de reprendre le payement de la rente en argent, interrompu depuis des temps qui semblaient fabuleux.

Cette mesure d'un saisissant effet, Gaudin se disait en état d'y pourvoir ; il démontrait même qu'à considérer le mécanisme de l'opération, on n'y découvrait rien de trop dispendieux et que le prodige pouvait s'accomplir à bon marché. Les rentiers, c'est-à-dire les détenteurs du tiers consolidé, étaient actuellement payés en papier, en bons d'arrérages, passablement discrédités. Or, ces bons étaient admis en payement des contributions, ce qui diminuait d'autant l'encaisse métallique du Trésor et contrariait l'opération sur les receveurs, pivot de toutes les autres, en laissant toujours incertain le produit réel de l'impôt. Si les rentiers étaient désormais payés en numéraire, c'est avec une partie de ce numéraire qu'ils acquitteraient nécessairement leurs contributions. L'État récupérerait partiellement d'une main ce qu'il aurait déboursé de l'autre ; en outre, il arriverait plus facilement à fixer le montant des avances à fournir par les receveurs généraux[15].

Le conseil néanmoins n'adopta pas d'emblée la grande innovation : Ce projet éprouve une discussion assez étendue ; diverses objections sont faites. On regarda de très près aux moyens d'exécution. D'après Gaudin, le payement s'opérerait par l'intermédiaire de la Banque de France qui se couvrirait en se faisant remettre chaque mois par le gouvernement des obligations de receveurs pour un douzième du montant. total des rentes, plus un droit de commission de 1 ½ pour cent. Bonaparte trouvait ce droit bien élevé, lésinait : Le premier Consul, avant de prendre un parti sur cet important objet, demande que le ministre des finances s'entende avec les régents de la Banque sur les conditions qu'ils pourront souscrire pour faire ce service d'une manière moins onéreuse à l'État... Il désire de plus, pour fournir une base essentielle à la délibération du conseil, que le ministre présente, mois par mois, l'indication de la somme dont le Trésor public pourrait disposer pour le service général de l'État[16].

Gaudin fournit des justifications suffisantes, car le 25 thermidor parut un arrêté dont l'article premier portait : A compter du second semestre de l'an VIII, les rentes et pensions de l'État seront acquittées en numéraire[17].

Ou s'attendait à une explosion de reconnaissance. On se heurta d'abord au pessimisme des rentiers, qui refusèrent de croire à leur bonheur. Affreusement traités par la Révolution, dépouillés par la loi banqueroutière de l'an VI des deux tiers de leur créance, les rentiers s'attendaient toujours au pire ; en supprimant les bons et en promettant un payement en espèces que le Trésor serait vraisemblablement hors d'état d'effectuer, le gouvernement ne leur préparait-il pas une déconvenue totale ? Jusqu'à présent ils avaient reçu des papiers qui valaient peu de chose, mais valaient en somme quelque chose ; à présent sans doute, ils ne recevraient plus rien[18]. Pour ajouter foi au miracle, il leur fallut le toucher et le palper. Le 1er nivôse an IX, lorsque la première échéance semestrielle survint, lorsque la Banque effectua le payement en espèces à bureau ouvert, avec une rigoureuse ponctualité[19], il fallut se rendre à l'évidence et reconnaître avec joie que le gouvernement, par différence insigne avec ses prédécesseurs, tenait ses engagements. L'approbation fut unanime, et il parut que dans les mesures de réconfort ordonnées par le grand Consul, tout marchait de pair.

 

V

La réorganisation administrative s'accéléra. L'espace de temps compris entre le retour de Milan et le commencement de l'an X, c'est-à-dire entre l'été de 1800 et l'automne de 1801, voilà l'époque où l'autorité des préfets prend vraiment possession du pays, se saisit des hommes et des choses. Alors seulement la paix intérieure commence pour toute la France ; c'est à partir de Marengo que les résultats de Brumaire se font universellement sentir.

Partout, la protection publique devient plus forte. Dans les zones particulièrement troublées de banditisme et de rapines, Sud-Est, massif des Cévennes, Midi, Sud-Ouest, Ouest, le progrès se manifeste à des degrés divers. Dans la région lyonnaise, l'amélioration est rapide. A Lyon, grâce à la sécurité rétablie, l'industrie capitale, celle de la soie, reprend un vigoureux essor. Dans l'Auvergne et ses plantureuses vallées, dans les régions de la Haute-Loire, qui ne sont plus troublées que de bouillonnements épars, l'agriculture prend l'avance sur l'industrie. Plus bas, dans la Lozère, le brigandage a disparu, le conseil général vote des remerciements au préfet. L'âpre et sèche région du Midi est encore parcourue de feux errants.

Contre le banditisme provençal et cévenol, Bonaparte décide guerre à mort. L'institution de tribunaux spéciaux composés de militaires et de civils, ces commissions mixtes du Consulat, ces justices d'exception arrachées péniblement à un vote du Corps législatif, assurent d'impitoyables répressions. La rentrée à l'intérieur d'une partie des troupes permet un déploiement de forces. Les chefs de bande sont poursuivis à outrance, traqués, saisis avec leurs principaux complices ; deux cents sont exécutés ; les simples égarés, ceux qui ont pris la montagne par exaspération et souffrance, sont admis à rentrer dans la vie commune. Sous l'action de ces mesures, le niveau de la haute criminalité tombe rapidement. En Vaucluse, les relevés semestriels accusaient, pour le premier semestre de l'an VIII, quarante-sept assassinats ; pour le deuxième, trente-deux ; pour le premier semestre de l'an IX, onze ; pour les trois mois suivants, ils n'en accusent aucun[20]. Les régions infestées se réduisent à quelques passes montagneuses, à quelques tournants et endroits d'insécurité légendaire.

Sur le littoral, le département des Alpes-Maritimes est purgé de ses barbets. Le préfet possède la confiance du peuple, l'ayant soustrait aux dilapidations et au despotisme militaire[21]. Dans le Var, Toulon longtemps foyer de démagogie se range à la règle commune. Après avoir visité cette ville affreusement délabrée, le préfet écrit au ministre : J'y trouvai une foule immense de citoyens, toutes les autorités constituées, les états-majors des troupes de terre et de mer ; je fus accueilli aux cris de Vive la République ! Vive le gouvernement ! Vive Bonaparte ! On m'a observé que jusqu'à cette époque ce dernier cri n'avait pas été fréquent. (Je vous dois la vérité)[22]. Dans l'intérieur du département, on a vu un beau spectacle, celui de soixante-quatorze communes armées pour la sûreté publique et en état d'insurrection contre les brigands ; c'est à cette levée en masse qu'on doit leur disparition[23].

Les Bouches-du-Rhône, livrées à des administrateurs d'une partialité scandaleuse, continuent à faire tache. L'un des citoyens les plus estimés, Siméon, écrit aux Consuls : Il n'y a point eu de 18 brumaire pour les Bouches-du-Rhône, du moins quant aux administrations. Devant cette plainte, il est curieux de voir comment Bonaparte procède, comment il cherche à s'éclairer, à combien de fois il s'y reprend pour trancher dans le vif, voulant débarrasser le pays des exploiteurs révolutionnaires sans le livrer à la réaction.

Il renvoie la plainte au consul Lebrun et lui demande un avis. Lebrun rédige un rapport évasif, où il se dégage des responsabilités antérieures et indique les causes du mal plutôt que le moyeu de le guérir : L'administration des Bouches-du-Rhône fut composée d'individus indiqués par Natoire et Pélissier, deux hommes très exagérés. Le sous-préfet d'Aix, Viollet, était un homme abhorré de tout ce qui n'était pas exalté. J'en fis l'objection dans le temps, niais il me parut que le ministre de l'intérieur avait pris des engagements d'avance. D'un autre côté, il est si difficile (l'asseoir son jugement sur les gens de ce pays-là Le mieux eût été d'avoir un préfet bien sûr et d'attendre son initiative pour les choix. Mais Lacroix (Delacroix) a commencé par s'abandonner lui-même à l'impulsion du parti. Il parait qu'il va mieux aujourd'hui qu'il connait le véritable esprit du gouvernement[24].

Une annotation de Bonaparte fait observer que le rapport ne répond pas à la question posée : prononcer des destitutions ? Bonaparte finit par révoquer seulement le commissaire général de police du département et le sous-préfet d'Aix.

Ces satisfactions paraissent insuffisantes aux habitants. Ils se plaignent qu'on les recherche pour délits politiques antérieurs à Brumaire, alors que la volonté des Consuls est d'ensevelir tout le passé dans l'oubli. Siméon répète son mélancolique refrain : Il n'y a point eu de 18 brumaire pour ce pays-là ![25] Cette fois, Bonaparte renvoie l'affaire à Cambacérès, qui rédige un rapport dont voici la conclusion : Il est sans doute dans l'esprit et dans l'intérêt du gouvernement de ne point réveiller les anciennes affaires de parti, comme aussi de ne point mettre en place les exagérés, à moins qu'ils ne soient convertis. Sur le premier point, le premier Consul a déjà ordonné et il doit ordonner de nouveau au ministre de la justice de défendre toute poursuite de délits antérieurs au gouvernement actuel... Sur le second point, je pense qu'on a déjà beaucoup fait en destituant le commissaire général de police, le sous-préfet d'Aix et la municipalité de cette ville. Toute autre destitution serait une espèce de réaction...[26] En fait, les choses restèrent en l'état jusqu'à la fin de 1802 où le préfet Thibaudeau procéda prudemment à la refonte des municipalités, a l'élimination des éléments indignes.

Siméon avait dit : Ce qui redouble chez nos compatriotes le sentiment de tous leurs maux, c'est de voir la paix, la sécurité, la justice partout autour d'eux et jamais chez eux. Traversent-ils le Rhône pour entrer dans le département du Gard, ils y verront régner cette paix, cette justice sous les yeux du citoyen Dubois ! Passent-ils la Durance ? Le département de Vaucluse si ensanglanté respire enfin et vante son état sous la préfecture du citoyen Pelet de La Lozère. Vont-ils dans les départements de l'Ardèche, de la Drôme, de l'Hérault ? Partout, ils entendent louer le 18 brumaire et les choix du gouvernement.

En effet, l'Hérault et les autres départements qui s'échelonnent sur le rivage languedocien, ceux qui longent les Pyrénées, se remettent peu à peu de leur trouble et se confient au gouvernement. La Haute-Garonne n'est plus reconnaissable, et en un an Toulouse se transforme. La faction jacobine s'effrite à vue d'œil. Dans l'été de 1800, elle s'agite encore et dispose de certains moyens de propagande : Il est douloureux de voir le Journal de Toulouse continuer d'entretenir les dissensions et s'attacher particulièrement à dépriser toutes les autorités constituées[27]. Quelques mois plus tard, voici que l'ordre est rétabli dans la rue, le calme rentré dans les esprits, et ce résultat a été obtenu sans heurt ni secousse, sans effusion de sang, seulement par l'application soutenue d'un système de modération et de fermeté[28], ces deux mots reviennent partout alors dans les écrits et rapports. Au printemps de 1801, le préfet se plaît à comparer l'état actuel avec les troubles qui ont souillé pareille époque de l'année précédente : Aujourd'hui, tout est changé... j'ose le dire, il n'est point dans la République de département plus tranquille et dont la situation soit plus satisfaisante... Cet état de choses est d'autant plus satisfaisant qu'il n'est point le résultat de la force. Le département et la ville de Toulouse en particulier sont absolument sans troupes, mais l'action du pouvoir est rapide[29]. La répétition des mêmes causes de malaise n'engendre plus les mêmes effets ; la population demeure sourde aux incitations du parti démagogue : Ceux qui y restent attachés ont tenté inutilement de soulever la classe indigente à cause de la cherté des grains ; personne n'a bougé ; j'étais en mesure[30]. Pour que la faction s'affaisse, il a suffi de lui montrer un pouvoir fort ; il a suffi d'isoler les agitateurs au milieu de la masse des gens d'ordre enfin rassurés et soutenus.

Le brigandage contre-révolutionnaire du Sud-Ouest s'était resserré dans certaines parties du Lot, du Tarn et de Lot-et-Garonne. Au commencement de 1801, il est attaqué à fond, exterminé sur place ou poursuivi à outrance. Ses débris errants menacent un instant de contaminer la Gironde. A Bordeaux, l'anniversaire des tristes journées de Fructidor an VII, où les révolutionnaires maîtres du pouvoir ont ensanglanté la ville, a fait craindre quelque trouble, un effort de représailles ; la sagesse du préfet et du commissaire de police y ont mis ordre. Tout le littoral du Sud-Ouest s'apaisait. Dans les Deux-Sèvres, où jadis la guerre de Vendée avait débordé en flot de sang, le préfet pouvait écrire : Cette contrée a éprouvé depuis un an une amélioration sensible sous tous les rapports. La sombre méfiance qui pendant ma précédente tournée éloignait de moi tous les habitants a fait place à des sentiments plus doux. Ils s'attachent au gouvernement qui les protège, et dans plusieurs chaumières j'ai vu porter de bon cœur la santé du premier Consul[31].

En Vendée, sur les deux rives de la basse Loire, dans l'Anjou et le Maine, en Bretagne, la masse des habitants ne demande plus qu'à rester tranquille, à travailler la terre, sans qu'on puisse encore la dire attachée de cœur aux institutions. En Vendée, le mot de République est toujours en horreur ; en portant la cocarde tricolore, on s'expose à se faire insulter. Néanmoins, le peuple se soumet à la politique issue de Brumaire, car tout ce qui s'est fait depuis quatorze mois semble un prodige[32]. La population angevine et bretonne maudit la conscription, déteste l'impôt ; mais la restauration du culte fait disparaître son principal grief.

En Bretagne, la célébration publique du culte ne répond pas seulement aux besoins religieux des fumes ; elle console les yeux, console les cœurs en rendant au pays son aspect traditionnel et coutumier, sa physionomie, sa couleur, ce par quoi la Bretagne est elle-même et se complaît en soi, après tant de siècles où la loi religieuse a inspiré ou occasionné tous les actes de la vie commune. Dévotions et réjouissances mêlées, cérémonies familiales, originalité des costumes, foules pittoresques, humbles solennités de village et populeux pardons, tout renaît, peu à peu, pour la joie du pays : Depuis qu'il existe une tolérance absolue dans l'exercice public du culte, les plaisirs qui accompagnaient les mariages, les naissances au village, ont repris ; les bourgs sont redevenus, les jours de fête, des rendez-vous où les amusements succèdent à l'exercice de la religion. Le peuple, en certains endroits, est si satisfait qu'on lui ait rendu ses autels que, par reconnaissance, il se fait un devoir de pourvoir aux besoins du soldat, en lui faisant une pave de quatre francs par jour[33].

En pays catholique, l'armée française ne se sent plus sur territoire ennemi. Le peuple voit avec plaisir la discipline et la tenue du soldat s'améliorer, les états-majors se débarrasser de sujets indignes, les administrations civiles se composer d'honnêtes gens ; il est heureux de voir moins de voleurs dans les perceptions et moins de brigands révolutionnaires dans la gendarmerie. Les brigands de l'autre-espèce, Chouans assassins et pillards, font encore parler d'eux d'un bout à l'autre de l'Ouest et même au delà ; sur certains points, il y a par moment recrudescence de méfaits ; ailleurs, les bandes se dissolvent, car les tribunaux spéciaux établis en ces régions, de même qu'en certaines parties du Midi, font d'expéditives et rigoureuses justices[34].

Malgré la persistance d'attentats isolés, la basse Normandie, si troublée naguère, reprend un aspect de paix et de travail. Le Calvados est l'un des départements où l'agriculture se met tout de suite en progrès. Dans l'Orne, la vente des biens nationaux concourt au repeuplement des campagnes, en y fixant un certain nombre de bourgeois qui ont acquis des terres, en v introduisant par eux de meilleures méthodes de culture[35]. Dans l'Eure, tous les partis qui peuvent donner quelque ombrage s'évanouissent et ne laissent à craindre aucune opposition dangereuse. Dans la Seine-Inférieure, l'autorité publique ne rencontre plus d'obstacle. Sur le littoral picard et flamand, la fermeté des préfets comprime les éléments de désordre, et si l'on pousse jusqu'au bout des régions excentriques qui forment bordure de la République, on constate que les départements belges, martyrisés après Fructidor, longtemps réfractaires à la loi française, tendent à s'assimiler.

Dans les régions de l'intérieur, c'est-à-dire dans la masse des départements où la lutte armée des partis s'est moins prolongée, la paix publique se consolide. Par conséquence, l'attachement au pouvoir réparateur se confirme. Non que le grand enthousiasme de messidor, né des victoires, ait duré bien longtemps. Au sortir de cette ivresse, le peuple se retrouve aux prises avec les maux toujours subsistants : impositions, conscription, levée des chevaux, le pain cher et la paix avec l'étranger, l'objet de toutes les espérances et le besoin de tous les cœurs[36], encore incertaine. Le réveil parfois est pénible. Néanmoins, la confiance en Bonaparte, moins impulsive, se fait plus raisonnée, partant plus stable ; elle s'appuie désormais de réalités obtenues, et, à mesure que tout s'améliore à l'intérieur, un acquiescement général s'établit, secoué d'enthousiasmes intermittents, traversé de molles résistances. On accepte Bonaparte par émerveillement à certains jours et tous les autres jours par lassitude. Puis, il faut le dire, cet homme, qui depuis un an a si merveilleusement compris la façon de gouverner les Français, s'est donné prise à fond sur leur caractère et leur tempérament. Il étreint durement la nation et cependant la satisfait, parce qu'il a le sens de ses besoins, le sens de ses aspirations, le sens de ses fiertés, et parce qu'il possède au plus haut degré, comme l'a dit un homme de pensée grave, l'instinct de l'instinct des multitudes[37]. C'est par là qu'il se lie indissolublement à l'âme populaire.

En général, les habitants des campagnes se fixaient à cette obéissance passive qui est leur état habituel. Certains préfets signalent qu'en leur département l'esprit public est nul, c'est-à-dire que la classe la plus nombreuse, courbée sous la nécessité quotidienne, se désintéresse totalement des formes politiques qu'elle est hors d'état de concevoir[38]. Néanmoins, comme on ne tourmente plus les paysans au sujet de la décade[39], comme on leur parle de paix, comme un sentiment de sécurité renaît, la masse rurale est pour le gouvernement. Si elle s'occupe moins de l'homme extraordinaire qui très haut gouverne, elle révère l'ordre public dans son immédiat agent, dans son représentant visible ; un rapport sur la Normandie va constater le prestige et la popularité du gendarme[40].

Même, dégagé des excès, le peuple des campagnes jouit mieux des résultats de la grande crise, et il se trouve que la Révolution lui est entrée dans les moelles. Les paysans qui ont acquis de la terre y tiennent comme à leur chair. Les simples cultivateurs, les fermiers, artisans, journaliers, savent que la Révolution a libéré le sol, qu'elle a supprimé la corvée et la dîme, qu'elle a imprimé à l'agriculture, depuis dix ans et même dans les pires jours, un commencement d'essor. Les germes de prospérité répandus autour d'eux ne demandent qu'à éclore. à fructifier sous leur main, et sollicitent leur activité ; ainsi grandissent dans l'effort des générations robustes, générations de laboureurs et de soldats.

L'étranger qui alors traverse la France, en passant de ville en ville, n'aperçoit que l'aspect encore repoussant de la plupart des cités, les décombres, les édifices croulants, d'anciennes villes de luxe où tout lui apparaît triste, sale et canaille[41]. Ce qui l'offusque, c'est la difficulté du voyage, la malpropreté des auberges, l'avidité des gens, le grossier langage que beaucoup de Français prennent pour le ton de la liberté, l'obsession des mendiants, le pullulement des misères. Ce qu'il ne voit pas ou ne 'fait qu'entrevoir du fond de sa voiture, c'est une autre France, la plus vaste France, celle des villages et des hameaux, disséminée dans l'infini des campagnes aux journées d'activité tenace et aux soirs paisibles ; le peuple des chaumières, qui déjà et obscurément prospère. Ce peuple, plus fort par sa liberté acquise, plus fort par l'accroissement des familles, plus nombreux et plus dense, peine courageusement, met une énergie presque surnaturelle[42] à extraire du sol de quoi se nourrir et payer ses impôts, se sent tout de même plus à l'aise et vit mieux par la Révolution, depuis surtout qu'elle se fait ordre et travail.

Dans les villes, dans les bourgades, sur le passage des préfets en tournée, à la vue des uniformes officiels, le peuple crie à tue-tête : Vive la République ! Vive Bonaparte ! Sur les visages, la satisfaction rayonne. L'instant d'après, si quelque chose le blesse, ce même peuple murmure, fronde, clabaude et pourtant obéit, maté et las.

L'essentiel pour lui est de pouvoir gagner plus tranquillement sa vie ; c'est ce que le régime lui permet par la pacification de la rue, èt la foule des petits métiers, affreusement dégoûtée de l'émeute en permanence qui vidait les ateliers et fermait les boutiques, se remet peu à peu de son grand dérangement. Un voyageur la compare à une immense fourmilière qu'une secousse du sol a subitement affolée, et qui, le cataclysme passé, reprend au milieu des ruines son menu et trottinant labeur. A Paris, la masse ouvrière travaillait ; elle s'était donnée de cœur au Consul et ne se déprendrait jamais[43]. En province, comme d'anciens centres d'industrie se ranimaient, on voyait l'ouvrier de fabrique retourner avec joie à l'ouvrage, au salaire, aux manufactures qui se rouvraient après la cessation des troubles.

Parmi les gens de condition plus relevée. diverses catégories sont à distinguer. Leurs passions et leurs intérêts s'étaient furieusement entrechoqués. Maintenant, à cette âpre mêlée d'éléments en heurt succède moins une paix réglée qu'une sorte d'accommodement général et de tassement. Chacun se fait au régime présent ; les différents groupes politiques et sociaux s'en arrangent, parce qu'il se rend supportable à tous.

Les privilégiés de l'ancien régime, les ci-devant nobles, les royalistes purs se résignent à vivre tolérés dans un pays où ils brillaient naguère, où ils viennent d'endurer les pires tourments. Ceux d'entre eux qui ont émigré s'estiment relativement heureux de respirer l'air natal, à côté des hommes qui leur ont ravi la possession de la terre. Leur conduite généralement discrète apaise les inquiétudes que l'arrêté de vendémiaire a répandues dans la classe des acquéreurs. Que de royalistes déjà quêtent des emplois, se rapprochent du pouvoir, mendient un sourire ! Sans revendiquer aucun droit, ils sollicitent des faveurs ; pour vivre, ces anciens propriétaires se réduiront à devenir fonctionnaires. Quelques-uns se sentent vraiment stupéfiés d'admiration devant l'homme qui fait cesser le grand désordre de France. Les plus fidèles à la dynastie tombée ne peuvent s'empêcher de comparer leurs princes avec cet usurpateur ambitieux, énergique, audacieux, qui ose tout, tente tout, étonne et force presque les cœurs à l'admirer[44]. Ils sentent d'ailleurs qu'en face d'un retour offensif de l'ancien régime, la France presque entière se retrouverait debout. Non loin de ces royalistes à la fois découragés et éblouis, les prêtres, à l'annonce de la négociation avec Rome, montrent plus de propension à se conformer aux lois. Dans l'attente de l'acte pacificateur, il y a comme un désarmement provisoire des consciences.

La masse des simples gens d'ordre, la classe dite aujourd'hui conservatrice, classe de bourgeoisie et de professions libérales, attirée par les premières promesses de la Révolution et réduite bientôt à la détester, incertaine après Brumaire, s'est progressivement rapprochée ; elle vient maintenant, elle afflue ; sans renoncer au fond de l'âme à ses préférences pour une monarchie tempérée, elle admet à défaut d'un roi l'homme qui en tient supérieurement la fonction. Comme elle redoute à la fois le jacobinisme et le parti des émigrés, ce n'est pas en vain qu'on lui montre dans le Consulat ce sage milieu dont les factions extrêmes l'ont tour à tour éloignée[45]. C'est de son côté que les adhésions vont se multiplier, s'empresser, et que l'administration se pourvoira d'excellentes recrues.

Les révolutionnaires nantis et assagis composaient toujours une grande partie du personnel gouvernant. Au plus fort de la crise, ils s'étaient précipités aux places ; ils s'y étaient cramponnés pendant sept années, menacés et violents, toujours combattus, toujours luttant, anxieux vainqueurs. Ils jouissaient maintenant de leur sécurité, tout en regrettant d'avoir à partager avec d'autres le profit des places. Ceux de la basse et rampante espèce servaient Bonaparte comme ils avaient servi Robespierre, en plats valets. Ceux de l'espèce autoritaire le secondaient fortement, car leur tempérament les prédestinait à le servir. Les politiciens de hasard, les incapables, descendaient aux bas emplois ou retournaient à leur point de départ ; Marquézy, l'un des représentants du jacobinisme aux Cinq-Cents, reprenait à Toulon son métier de quincaillier qu'il n'aurait jamais dû quitter[46]. Parmi les révolutionnaires même forcenés qui n'avaient point démérité du nom de patriotes, parmi ceux qui avaient vraiment la passion de la patrie, quelques-uns pardonnaient beaucoup à l'homme qui portait si haut la France. Les républicains à principes et à convictions pensaient à la liberté absente.

La liberté politique, Bonaparte ne l'a ni détruite ni donnée ; en Brumaire, il n'a pas attenté à la liberté, puisqu'elle n'existait plus[47], mais des Français de bonne foi l'avaient attendue de lui, combinée avec l'ordre. Ces Français s'étaient trompés et avaient été trompés. A présent, sauf exceptions remarquables, à part quelques âmes exaltées et fières, ils cédaient aux circonstances, à l'universel besoin de repos, à la contrainte de l'opinion et à celle de la force ; bien près de se dire que leur république n'est pas de ce monde[48], ils ajournaient encore une fois leur idéal. Ils se pliaient au régime contempteur de leurs principes et conservateur de leurs intérêts, à celui qui opérait la réaction dans les choses sans l'admettre contre les personnes. Et même des penseurs désintéressés, ceux qui avaient rêvé d'instituer en France la cité des sages, dégoûtés de la grossièreté des factions, écœurés par le spectacle des assemblées sans vergogne et de l'anarchie délibérante, s'inclinaient devant le nécessaire tyran et à ses pieds brisaient leur idole.

La soumission préparait l'apaisement. Entre les deux Frances appareillées au même joug, des contacts nécessaires s'établissent ; on se déteste moins en apprenant à se mieux connaître. Puis, les haines et les violences finissent par se dégoûter d'elles-mêmes. Une heure arrive où leur âcre saveur rebute, où l'homme éprouve le besoin, dès que les circonstances s'y prêtent, de s'ouvrir aux sentiments doux. C'est l'état des Français à mesure que s'impose la paix consulaire.

Les autorités prennent toutes précautions pour ne point réveiller le passé ; bientôt, il sera interdit d'en parler et presque d'y penser. Conciliateur inexorable, Bonaparte n'admet pas que quiconque s'insurge contre la loi d'oubli. Dès septembre 1800, voici tel département, dans les molles régions de la Loire, où les souvenirs s'éloignent, s'embrument, et où les faits d'hier ont subitement vieilli. En Loir-et-Cher, Dufort de Cheverny, observateur plus attentif que prévenu, écrit dans son journal interrompu à la veille de Brumaire : Depuis que j'ai cessé d'écrire, tout est tellement changé qu'il semble que les événements révolutionnaires se soient passés il y a plus de vingt ans ; les traces s'en effacent tous les jours[49]. Le préfet d'un département plus âpre écrira au bout de dix-huit mois : Il subsiste un reste d'empâtement, des levains de vieilles haines, quelque formes d'esprit de parti, mais chaque jour on voit les âmes se rasséréner, les cœurs s'ouvrir à l'espoir, rapprendre à aimer[50].

Il y a des exceptions. Les villes où la Révolution a le plus atrocement sévi restent coupées en deux par l'horreur des souvenirs. Telle sera longtemps Arras, la ville de Robespierre et de Lebon. L'impartialité y est inconnue, impossible : Le malheur y a aigri les esprits, et l'exaspération s'y prolonge encore. Quiconque prit une part quelconque à la Révolution est un anarchiste aux yeux des familles qui ont souffert ; ceux qui n'ont pris à la Révolution aucune part active sont, au sens de leurs antagonistes, les amis et les agents de la famille des Bourbons. Le même individu est bon ou méchant, moral ou immoral, ami ou ennemi du gouvernement, selon la couleur ou le parti de celui qui en parle. Si le préfet reçoit chez lui ou s'il fait placer un individu désigné comme appartenant à l'un des partis, il est accusé d'être dévoué à ce même parti et d'opprimer l'autre. Sa conduite est vraiment difficile[51].

Ce rapport fait remarquer pourtant que ni l'un ni l'autre parti ne se pose en ennemi déclaré de l'ordre des choses actuel. Et le préfet de la Manche, Montalivet, constatant le même fait, insiste en ces termes sur l'une des causes de la réussite consulaire : J'ai vu les hommes les plus passionnés autrefois dans les deux extrêmes ; ils se consolent par la pensée, s'ils ne dominent pas, que du moins ils ne sont pas vaincus par le parti opposé[52].

Effectivement, qu'on soit révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, en se soumettant à Bonaparte, on ne se soumet pas à l'autre parti, à celui que l'on exècre, à l'adversaire ; on se soumet à un tiers, à l'intervenant qui s'est institué irrésistiblement en arbitre. Les résultats de son grand arbitrage se font accepter de tous les intérêts parce qu'aucun n'y est totalement favorisé ou sacrifié. Tout le monde est à peu près content parce que personne ne l'est complètement : or, la force d'un gouvernement se fonde sur une moyenne de satisfaction générale.

Puis, pour les Français de tout ordre et de tout rang, c'est une grande merveille que de voir un gouvernement s'occuper enfin des besoins immédiats et urgents du pays, réparer les routes, reconstruire les ponts, raccommoder les villes, repaver les rues, rallumer les réverbères, renforcer et épurer la gendarmerie, réduire le nombre des justices locales pour en exclure les éléments indignes, arrêter les voleurs, poursuivre les brigands, protéger la circulation, protéger le travail, protéger la propriété, faire en un mot son office et créer l'ordre public, sans lequel aucune nation ne peut vivre. Donc, c'est la vie française qui reliait. Cette résurrection s'opère par la main du pouvoir ; le zèle des préfets s'accroît à constater que l'œuvre de réfection va bon train ; par leurs premiers succès, ils se sentent encouragés à poursuivre. Chez ces hommes rassemblés de tous les points de l'horizon politique, il y a un effort honnête pour réparer simplement le mal et créer le bien. La nation se laisse par eux manier et traiter ; longtemps ballottée entre les extrêmes de l'arbitraire et de la licence, elle se repose sous l'autorité.

Le peuple paraît sentir le besoin d'être gouverné, écrivait un préfet dans les premiers temps[53]. Gouverné, on l'est maintenant ; on l'est à la manière forte ; on le sera trop bientôt, on le sera terriblement, à mesure que le joug s'appesantira et que le formalisme constitutionnel de l'an VIII fera place à l'autocratie consulaire. A l'heure dont nous parlons, les bienfaits du régime se placent en évidence. Comparée aux temps où sévissait la liberté républicaine, la tyrannie de Bonaparte apparaît une émancipation, et de fait, s'il comprime déjà et comprimera effroyablement des milliers de Français, il en a libéré des millions, en rendant au peuple la liberté qui lui est chère entre toutes, celle de vivre selon sa tradition, et en réduisant à un nombre relativement restreint de personnes l'application des lois d'exception et de rigueur. Enfin, il succède au despotisme du désordre, le plus opprimant de tous. De là ce soulagement général que certains contemporains ont constaté en termes célèbres. Certes, à regarder de près, que de meurtrissures encore et de souillures ! Que de mouvements incertains, talonnants, douloureux ! Les plaies du pays commencent seulement à se cicatriser. Cependant, ses grandes souffrances ont cessé ; il respire. Devant lui, il semble que l'avenir se rouvre, car une atmosphère rajeunie et une plus chaude lumière le baignent. C'est la détente, l'épanouissement. Un tiède bien-être, une impression de renouveau, la douceur de revivre et la sensation de guérir pénètrent la France convalescente.

 

 

 



[1] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 5009.

[2] Documents cités par FOURNERON, Histoire des émigrés, II, p. 394.

[3] Documents cités par FORNERON, I, p. 389.

[4] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 4997.

[5] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 4997.

[6] Voyez MADELIN, Fouché, chap. X et XI, et aux Archives nationales, AF, IV, 1314 et 1043, la série des rapports et notes où se formule le système de Fouché.

[7] Moniteur du 29 vendémiaire an IX.

[8] Éclaircissements inédits.

[9] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.

[10] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS. Toutes les citations qui suivent sont extraites de ce document.

[11] SABATIER, le Code civil, p. 7, extrait du Correspondant.

[12] Séance du 15 thermidor, paroles de Gaudin. Archives nationales, AF, IV, 1248.

[13] Même procès-verbal., paroles de Bonaparte.

[14] STOURM, p. 159.

[15] Procès-verbal de la séance du 17 thermidor.

[16] Procès-verbal de la séance dit 17 thermidor.

[17] STOURM, p. 287.

[18] STOURM, p. 287, d'après la notice de Gaudin sur les finances.

[19] STOURM, p. 287.

[20] ROCQUAIN, État de la France au 18 brumaire, p. 6, d'après le rapport du conseiller d'État.

[21] Lettre des députés du département, FIC, III, 5.

[22] Rapport de vendémiaire an IX, FIC, III, 6.

[23] Rapport du conseiller d'État en mission. ROCQUAIN, p. 11.

[24] 14 ventôse an IX, FIC, III, Delacroix resta jusqu'au bout un fanatique d'irréligion : très récemment, il assistait, en qualité de membre de l'Institut de Marseille, au convoi funèbre d'un de ses collègues ; il interposa son autorité de préfet pour que le convoi n'entrât pas dans l'église pour les cérémonies d'usage. A Marseille, dans la troisième ville de France, la loi portant ratification du Concordat fut publiée de la façon suivante : Un simple garde de ville, assisté de quatre fusiliers, a fait la promulgation : on avait choisi il dessein un homme qui ne savait presque pas lire et qui pendant la lecture a été conspué par les quatre fusiliers. FIC, III, 7.

[25] FIC, III, 7, deuxième lettre du Siméon.

[26] FIC, III, 7.

[27] Bulletin départemental, 13 thermidor. Bibl. nat., fonds français, 11361.

[28] Rapport préfectoral du 7 pluviôse an IX. FIC, III, 8.

[29] Rapport du 3 germinal an IX. FIC, III, 8.

[30] Rapport du 17 prairial an IX. FIC, III, 8.

[31] Compte rendu de la deuxième tournée préfectorale, fructidor an IX, 5.

[32] Lettre adressée au conseiller d'État en mission. ROCQUAIN, p. 127.

[33] Compte rendu du préfet, 25 fructidor an IX, 7.

[34] Compte rendu du préfet, 18 messidor an IX.

[35] Compte rendu du préfet Didelot, 26 ventôse an IX, 8.

[36] Lettre du sénateur Clément de Ris, 20 thermidor an VIII. Papiers Lemercier.

[37] Lettre du sénateur Clément de Ris, 20 thermidor an VIII. Papiers Lemercier.

[38] Compte rendu du préfet de la Creuse, nivôse an IX. 7. — Cf. AULARD, État de la France en l'an VII et en l'an IX, p. 98.

[39] Mémoires de Dufort de Cheverny, II, p. 491.

[40] Il (le peuple) ne s'occupe peut-être pas beaucoup du chef qui gouverne l'État... mais il est plein de respect et de confiance pour un gendarme ; il s'arrête sur les chemins pour le saluer ; un lui offre du cidre s'il passe dans un village, on se lève quand il entre dans un cabaret. Quelquefois on le maudit quand il arrête un conscrit chez son père ou chez sa maitresse ; usais habituellement on le considère comme le gardien des propriétés et l'ennemi des voleurs et des brigands. RŒDERER, III, p.484-485. Rapport sur la sénatorerie de Caen.

[41] Journal de Mme de Cazenove d'Arlens, p. 126, à propos de Fontainebleau.

[42] Rapport sur les Vosges, 1er thermidor an XIII, AF, IV, 1051.

[43] Sur cette fidélité obstinée des ouvriers parisiens à Napoléon consul et empereur, voyez spécialement AULARD, Histoire politique de la Révolution, p. 776-777, avec témoignages à l'appui.

[44] Mme Danjou à d'Avaray, 3 juillet 1800.

[45] Brochure de FIÉVÉE : De la fin de la Révolution française.

[46] Rapport cité par ROCQUAIN, p. 24.

[47] Mathieu DUMAS, III, p. 168.

[48] FIÉVÉE, Correspondance, I, p. 15.

[49] Mémoires de Dufort de Cheverny, II, p. 410.

[50] Le préfet de la Drôme au ministre, 20 nivôse an X. FIC, 6. Dans la Seine-Inférieure, Beugnot constatera bientôt que le peuple ne se rappelle plus de la Révolution que deux dates : le 14 juillet et le 18 brumaire : les intermédiaires sont effacés. DEJEAN, Revue de Paris du 1er décembre 1905.

[51] Rapport du sénateur Jacqueminot, FIC, III, 8.

[52] Compte rendu du 15 fructidor an X, FIC, 5.

[53] Le préfet du Bas-Rhin, 3 prairial an VIII, FIC, 7.