I Le 1er messidor-20 juin, Cambacérès et Lebrun eurent connaissance d'une lettre arrivée de Milan et portant la date du 25 prairial ; émanant de source privée, elle annonçait qu'une terrible bataille avait été livrée, perdue d'abord et regagnée. Ce qui paraissait extraordinaire, c'était qu'aucun avis officiel ne confirmât cette lettre ; les Consuls ne recevaient rien de Bonaparte ni du quartier général. Peu après, on vint leur communiquer certains avis reçus par des spéculateurs à l'affut de toute nouvelle pouvant influer sur les cours de la Bourse ; ces avis parlaient également d'une grande bataille et n'en annonçaient pas le résultat ; au moment où les courriers avaient été expédiés, l'action durait toujours, l'issue demeurait incertaine, les Français avaient perdu un général illustre. Au ministère de la guerre, on n'avait rien. Carnot, très
préoccupé, envoya aux Tuileries pour savoir si là on avait reçu quelque
chose. Le secrétaire d'État Maret lui répondit parle billet suivant : Il n'arrive pas de courrier, mon cher compatriote. J'en
attendais un qui fut confirmatif d'une nouvelle que j'ai lue dans une lettre
partie de Milan le 26 ; voici les propres termes : Nous avons eu une
grande bataille qui a été vivement disputée. Nous l'avons crue perdue, mais
la chance a tourné. Depuis que je vois faire la guerre, il n'y a rien (eu) d'aussi long
et d'aussi chaud. Nous avons fait six mille prisonniers. Tout ce qui est relatif à l'arrivée de cette lettre et
personnel à celui qui l'a reçue ne laisse guère de doutes sur sa véracité.
Mille amitiés. Hugues Maret.[1] Malgré le ton
rassurant qu'il affectait, ce billet
trahissait une impatience, une angoisse croissantes. D'après l'aveu de
Cambacérès, les Consuls restaient dans la plus
grande anxiété[2]. Au dehors, les vagues avis reçus commencèrent à transpirer, et commentés, interprétés, déformés, prirent un caractère effrayant. Des bruits de catastrophe se mirent à circuler, et sur Paris subitement figé il parut qu'une opprimante atmosphère s'étendait. Entre gens de politique et d'affaires, on se cherche, on
se rejoint, on s'assemble en conciliabules haletants. Il se trouve dans le
public des personnes pour raconter qu'aux Tuileries, derrière les murs de ce
château muet, les chefs du gouvernement confèrent depuis quelques jours avec
des sénateurs et des généraux ; la question agitée est de savoir, si Bonaparte est mort ou vaincu, ce qui paraît très
probable et synonyme, qui le remplacera : on a proposé La Fayette, Pichegru,
un Bourbon ; quelques voix se sont portées sur le duc d'Orléans, mais un cri
d'opposition s'est élevé et le général Lefebvre a mis la main sur son sabre[3]. La vérité, c'est qu'en certains milieux le fourmillement des intrigues s'active, s'enhardit, et que la combinaison qui tient Carnot en réserve, pour remplacer Bonaparte mort ou déchu, est celle qui se précise et s'affirme. Carnot est un grand nom de défense nationale ; il offre des garanties militaires et civiques ; c'est l'homme capable d'arracher la République au péril où la placent les succès de l'ennemi, sans lui faire, comme Bonaparte, acheter ce service au prix de sa liberté[4]. Mais beaucoup de gens recouraient à Fouché, l'homme de ressource ; ils le trouvaient à son poste, c'est-à-dire à son bureau, très calme, répondant de la tranquillité publique, affectant une imperturbable sérénité ; au besoin, par des représentations énergiques, il commandait le sang-froid et défendait de s'affoler. C'est l'attitude que lui prêtent les Mémoires publiés sous son nom ; elle est très vraisemblable, car il se fera même visage et même langage exactement quinze ans plus tard, entre les premières nouvelles de Waterloo et la publication du désastre. Ce qu'il veut, c'est profiter du doute subsistant pour tout arrêter, pour immobiliser les intrigues concurrentes, afin de se donner le temps de pousser opportunément la sienne et de lui faire distancer les autres. La nuit passa, nuit de spéculations fiévreuses. Le lendemain matin, point de nouvelles. Aux Tuileries, Cambacérès et Lebrun se tenaient dans le cabinet consulaire, et l'on allait avoir à supporter l'audience diplomatique, la présence des ambassadeurs et des envoyés étrangers, qui étaient reçus officiellement le 2 et 17 de chaque mois, à midi. Les ministres, les conseillers d'État convoqués à cette réunion, se rendaient auprès des Consuls, et quel tumulte de projets inavoués s'agitait sans doute sous leur apparence compassée ! Dans les salons d'attente, des groupes de sénateurs, de tribuns et de législatifs se formaient ; les membres du corps diplomatique arrivaient de leur côté, en grand uniforme, solennels et, réservés. Au dehors, la cour était remplie de citoyens attirés par la curiosité, l'inquiétude, la crainte, et une angoisse silencieuse pesait sur tout ce n'oncle. Soudain, vers onze heures, un grand mouvement dans la foule ; un courrier vient d'arriver aux Consuls ; qu'annonce-t-il ? Victoire ! C'est du moins le bruit qui se répand ; il allège les cœurs et sur des milliers de visages fait jaillir l'espérance. Et voici que tout se confirme. Un second, un troisième courrier arrivent, répètent le mot qui dissipe les ombres et fait rentrer sous terre intrigues et traîtrises, le mot magique victoire, complète et insigne victoire ! Sur toutes les lèvres commence à circuler le nom d'un obscur village italien : Maringo ; c'est ainsi que chacun va l'énoncer et l'écrire jusqu'à ce qu'il se fixe sous sa forme immortelle : Marengo. Les ministres et conseillers d'État avaient été introduits dans le cabinet des Consuls ; quelqu'un lisait à haute voix le bulletin de l'année de réserve, le bulletin célèbre du 26 prairial, et il semblait que l'on assistât aux péripéties de la bataille. De cette journée confusément héroïque, décousue, pleine de vicissitudes éparses, Bonaparte a dégagé et idéalisé les grands traits ; comme il sait que les Parisiens aiment les spectacles d'une belle et théâtrale ordonnance, comme il les sait toujours à l'Opéra[5], il a composé pour eux un magnifique scenario de bataille, avec airs de bravoure et triomphales virtuosités. C'est donc le 25, à la pointe du jour, que l'ennemi, débouchant en masse, a commencé la célèbre bataille de Marengo, qui décide enfin du sort de l'Italie et de l'armée autrichienne. Quatre fois pendant la bataille nous avons été en retraite, et quatre fois nous avons été en avant. Plus de soixante pièces de canon ont été de part et d'autre, sur différents points et à différentes heures, prises et reprises. Il y a eu douze charges de cavalerie et avec différents succès. Comme les masses ennemies menaçaient de déborder notre droite, les grenadiers de la garde furent placés comme une redoute de granit au milieu de cette immense plaine ; rien ne put l'entamer ; cavalerie, infanterie, artillerie, tout fut dirigé contre ce bataillon, mais en vain ; ce fut alors que vraiment l'on vit ce que peut une poignée de gens de cœur. Le Consul omet de dire que les grenadiers eux-mêmes durent suivre à la fin le mouvement de retraite. Il reconnaît que tout le reste de l'armée a cédé. L'ennemi avançait sur toute la ligne, faisant un feu de mitraille avec plus de cent pièces de canon. Les routes étaient couvertes de fuyards, de blessés, de débris : la bataille paraissait perdue. Mais Desaix a pris position en avant de San-Giuliano ; le premier Consul ranime les troupes : Enfants, souvenez-vous que mon habitude est de coucher sur le champ de bataille. — Vive la République, vive le premier Consul ! Desaix aborde l'ennemi au pas de charge et par le centre. Puis, c'est Kellermann et sa grosse cavalerie saisissant le moment propice, donnant à plein dans l'ennemi, hachant la colonne du général Zach et le faisant prisonnier. Bessières et ses hommes foncent à leur tour : en avant les grenadiers à cheval, en avant les casse-cous ! Tous les Français se rallient et reviennent à la charge, culbutent l'année autrichienne, et quinze drapeaux, quarante pièces de canon, six à huit mille prisonniers nous restent, mais au prix de quelle perte ! Desaix n'est plus ; il est tombé à la tête de sa division, percé d'une balle, et voici la scène poétisée, arrangée pour l'effet à produire, avec des mots antiques : Desaix tombant : Allez dire au premier Consul que je meurs avec le regret de n'avoir pas assez fait pour vivre dans la postérité ! Bonaparte : Pourquoi ne m'est-il pas permis de pleurer ![6] Des pièces jointes signalaient l'immensité des résultats, l'armée autrichienne rejetée dans Alexandrie et capitulant, s'engageant à regagner Mantoue ; toutes les places du Piémont et de la Lombardie livrées, avec mille pièces de siège, l'Italie libre jusqu'au Mincio, et la lettre du Consul à ses collègues se terminait par ces mots : J'espère que le peuple français sera content de son armée. La salle consulaire fut ouverte. Sénateurs, tribuns, diplomates se précipitèrent au-devant de Cambacérès et de Lebrun. On recommença la lecture ; tout ce personnel maté s'extasia, et il y avait de vrais patriotes qui pleuraient. Les ministres, les conseillers d'État, les diplomates, emboîtant le pas les uns derrière les autres, s'en furent ensuite porter leurs compliments à Mme Bonaparte ; ils la trouvèrent dans ses appartements, tenant a la main une branche de laurier d'or détachée de la couronne qui surmontait l'un des drapeaux pris à l'ennemi ; c'était Berthier qui galamment lui avait envoyé ce joli trophée[7]. Les Consuls signèrent aussitôt l'ordre de tirer le canon. Hâtivement, on imprimait le bulletin en affiches. Les autorités, sachant combien Bonaparte avait à cœur de plaire aux ouvriers et de les gagner, firent porter dans les faubourgs un grand nombre d'exemplaires, afin qu'ils fussent immédiatement placardés. Dans la ville, la nouvelle circulait déjà courait, volait ; des officiers d'état-major, fous de joie, la jetaient en passant. A la Bourse, on eut le bulletin tout de suite ; les commissaires de la Bourse se préparaient à le publier, lorsqu'un citoyen les a prévenus en s'élançant sans échelle dans la tribune, où il en a fait la lecture avec l'émotion de la plus vive sensibilité. La salle a retenti d'applaudissements et des cris de Vive Bonaparte ![8] La hausse se produisit instantanément. Dans les quartiers du centre, la nouvelle jetait dehors toute la population, fermait les boutiques, suspendait les occupations, donnait à Paris son aspect des grands jours de fête. Entre citoyens des différentes classes, mille propos s'échangeaient ; on s'abordait, on se parlait sans se connaître. Quelques royalistes, subitement convertis, disaient qu'il fallait à la France un roi, mais qu'on devait donner la couronne à Bonaparte ; des gens doctes, qui savaient leurs classiques, appliquaient à l'événement les trois mots célèbres : Veni, vidi, vici. Et voici qu'autour de la cité les faubourgs du Nord et de l'Est et du Sud, Martin, Denis, Antoine, Victor, Marceau, tous les faubourgs se lèvent. Le sentiment qui depuis quatre mois couve et progresse dans ces milieux ouvriers, l'attachement passionné à la République militaire et héroïque, personnifiée en Bonaparte, éclate tout d'un coup ; c'est une éruption (l'enthousiasme. Les ouvriers étaient comme d'ordinaire à leur travail, répartis dans les ateliers. A midi, un roulement sourd et lointain, la première détonation du canon, fait lever toutes les têtes, tressaillir et sursauter les cœurs : Dès midi, au premier coup de canon, les ouvriers ont pour la plupart quitté leurs ateliers, se sont rassemblés dans les rues et sur les places pour écouter avec avidité les nouvelles. Ils se groupaient en nombre autour des placards que le préfet de police avait par ordre du gouvernement fait poser dans la ville et surtout dans les faubourgs. — Cette attention du gouvernement a fait beaucoup de plaisir. — C'est là qu'il a été facile à l'observateur de juger l'esprit public. La classe ouvrière était ivre de joie. Aux cris de : Vive la
République ! Vive Bonaparte ! succédaient les propos les plus grivois,
les saillies les plus gaies. Dans la grande rue Antoine, un citoyen lisait le
bulletin tout haut ; au récit des merveilles opérées à l'armée d'Italie, un assistant
s'écrie : — Qu'elle est brave, l'armée de
réserve ! — Sacrebleu, reprit un autre, ça n'est pas étonnant ; quand le
bourgeois est dans la boutique, il faut bien que les ouvriers travaillent.
Dans les faubourgs, on a été frappé de la franchise avec laquelle on a parlé
du nombre d'hommes que nous avons perdus ou qui ont été faits prisonniers : —
Ca n'est plus comme autrefois, disait-on dans la rue Victor ; au moins à présent
nous savons tout. Les cabarets ont été pleins jusqu'à onze heures du
soir, et il ne s'y est pas bu un verre de vin qui ne fût pour la République,
le premier Consul et les armées[9]. Dans toute la ville, c'est au même moment un enchantement général[10] : les endroits publics et les promenades regorgeant de monde, des réjouissances, des célébrations improvisées ; dans le jardin des Tuileries, grand concert d'instruments ; sur l'esplanade des Invalides, le fracas des pièces d'artifice et des boites : sur tous les théâtres, couplets de circonstance, et l'illumination générale et spontanée, qui a fait défaut au lendemain de Brumaire, aujourd'hui resplendit. Il n'est rue si humble, si pauvre recoin de la cité qui ne s'éclaire et ne se parsème de feux. Le faubourg Antoine était le principal centre d'allégresse. Le long de la grande rue, depuis la barrière jusqu'à l'emplacement de la Bastille, plus de deux cents feux de joie dansaient en flammes folles, et le peuple alentour formait des rondes. Sur la place de la Bastille, il y avait comme un confluent de foules, les unes arrivant de la Cité, les autres des faubourgs de la rive gauche. De rares voitures circulaient au pas ; les promeneurs qui s'y trouvaient, au retour d'une excursion à la campagne, entendaient les ouvriers commenter les paroles toutes républicaines de Bonaparte : J'espère que le peuple français sera content de son urinée. — Oui, oui, répétait-on, oui, il en est content[11]. Cambacérès constatait que, depuis neuf ans, c'était la première réjouissance publique spontanée ; toutes les autres avaient porté une empreinte de contrainte ou d'indifférence[12]. D'après l'aveu unanime, pour retrouver pareil entrain, pareil élan, il eût fallu remonter à l'inoubliable journée de la Fédération. Alors notre nationalité avait pris plus ardemment conscience d'elle-même, et tous les Français restés en France avaient cru sentir en eux une même âme. Aujourd'hui encore, un ravissement, commun réunit tontes les classes et paraît les confondre. Ce sentiment est double ; c'est une fierté doublée d'une espérance. Depuis bien des années, les Français aspiraient à la paix d'un désir haletant et douloureux, mais le patriotisme, persistant malgré tout, souhaitait que cette paix fût glorieuse, confirmative des conquêtes ; par une contradiction bien française, personne ne voulait plus de la guerre et tout le monde désirait la victoire. Or, Marengo, c'est la victoire, c'est aussi la paix. Ainsi du moins l'interprétait le plus grand nombre, car il paraissait impossible que la coalition, frappée de ce coup, résistât plus longtemps à poser les armes, et à la faveur de cette paix aperçue à travers les lauriers, il semblait qu'un avenir de bonheur illimité s'ouvrait. Ce repos dans la gloire, ce suprême bien-être, on le devrait à Bonaparte, et en ce jour-là Paris l'aime bien, son Consul ; son nom était sur toutes les lèvres ; on le répétait avec attendrissement[13]. Pendant plusieurs jours, Paris fut littéralement hors de lui. L'émotion et la joie publique saisissaient toutes les occasions de s'exprimer, d'éclater. Sur la scène, on applaudissait à tout rompre les médiocres pièces d'à-propos où les faiseurs à la mode avaient instantanément mis la victoire en vaudevilles. Un soir, aux Troubadours, on jouait une de ces pièces. Le spectacle allait finir lorsque le consul Cambacérès parut dans une loge. D'un cri unanime, le public fit recommencer la pièce ; on applaudit surtout ces mots : Plus de partis, plus de vengeances[14]. Les cultes s'associaient aux manifestations de l'allégresse générale. Dès le 2, à six heures du soir, les catholiques avaient chanté un Te Deum dans l'église de Saint-Gervais, et ces fidèles si longtemps exclus de la communauté française affirmèrent en ce jour leur réunion à la patrie. Le 5, un Te Deum constitutionnel fut chanté avec pompe à Notre-Daine. Si l'on veut savoir quelle force le sentiment religieux avait repris en France, il faut lire le rapport de police rendant compte de celte cérémonie et du tumultueux incident qu'elle occasionna : La cérémonie qui a eu lieu hier à Notre-Dame avait attiré un concours immense de citoyens. Le temple, le parvis et les rues adjacentes contenaient à peine la multitude qui s'y était portée en foule. Pendant le Te Deum, deux dragons sont entrés dans l'église le casque sur la tête. Cette imprudence a excité quelques murmures d'abord, qui auraient eu des suites dangereuses, si les commissaires de police, les officiers de paix et les inspecteurs envoyés par le préfet de police pour maintenir l'ordre et la tranquillité générale ne se fussent portés sur-le-champ vers le point où la querelle paraissait s'engager et n'eussent conduit ces cieux militaires au corps de garde du Petit-Pont. Ils furent à la vérité suivis par une multitude considérable et à laquelle ils eurent peine à résister. Pour éviter tout motif de querelle, pour étouffer dans son principe tout germe de discussion, le commissaire de police fit sortir du corps de garde et à l'aide d'une échelle les deux dragons et les envoya à l'état-major. Un piquet de cavalerie dissipa le rassemblement, et, à heures du soir, il n'était plus question de rien...[15] Malgré cette bagarre qu'expliquait l'état d'une population surchauffée, les partis semblaient comme morts, anéantis sous le coup qui les avait prostrés : Toute faction est nulle en ce moment, une majorité immense est unie au gouvernement[16]. Parmi les gens de parti extrême, les uns s'abandonnaient à l'impulsion, au torrent de l'opinion ; les autres assistaient atterrés au désastre de leurs espérances. Les corps constitués, le Sénat, le Tribunat, rédigeaient des adresses de félicitations. Les ministres envoyèrent au vainqueur des protestations de dévouement ; Talleyrand lui offrit son encens le plus fin[17]. Les brumairiens mécontents, les membres des ex-commissions législatives, les trente ou quarante parlementaires qui avaient vaguement comploté sous les ombrages d'Auteuil et songé à disposer un gouvernement selon leur goût, se remirent simplement à diner ensemble. Le Journal des Débats rendit compte de ce dénouement : Les membres des anciennes commissions des deux conseils se sont réunis hier pour célébrer les victoires de nos invincibles armées. On a porté les toasts suivants : à la République Française, à Bonaparte et à la paix, à la mémoire de Desaix, à nos armées et aux Généraux qui les mènent à la victoire, à l'union de tous les Français et de tous les pouvoirs constitués, aux résultats des journées des 18 et 19 brumaire[18]. Toutes les villes de province tiraient le canon, illuminaient leurs édifices, leurs maisons, et à leur tour les campagnes, y compris les plus reculées, se laissaient pénétrer de satisfaction et d'espérance[19]. Marengo est un des rares événements de l'histoire qui aient déterminé une vibration assez étendue pour traverser dans toute lette épaisseur les masses françaises et toucher le fond. Partout, l'intrépidité du Consul !, son entreprenante
audace, son bonheur étaient exaltés, et la France se passionnait pour la
vigueur de son chef. C'est un moment de subit ralliement et d'enthousiaste
concorde. Dans les grandes villes suspectes de tendances
contre-révolutionnaires, l'adhésion au pouvoir s'affirme. A Lyon, à partir
des premiers jours de messidor, l'esprit public se
prononce en faveur du gouvernement, et les citoyens, en reprenant leur
énergie, concourent efficacement au retour de l'ordre[20]. A Besançon, la nouvelle des victoires du premier Consul à Marengo a
produit une vive sensation de joie et d'admiration. La publicité donnée à ces
événements, par l'impression et l'affiche, a propagé l'enthousiasme jusque
parmi les dévotes qui font aussi des vœux pour Bonaparte[21]. Bordeaux oublie
momentanément ses dissensions : Les citoyens ont
d'eux-mêmes et sans aucune invitation illuminé leurs maisons. Cet heureux
augure d'une prochaine paix a fait évanouir toutes les nuances de parti,
confondues dans l'expression unanime du même vœu. Les théâtres, les édifices
du culte et jusqu'aux journaux ont montré le même esprit d'union, de concorde
et d'abjuration de toutes les personnalités[22]. L'attitude de l'Ouest est significative. Le préfet de
l'Orne écrit : La nouvelle des victoires de Marengo
a produit des effets sensibles ; elle semble avoir au moins ajourné les
projets des Chouans. Cette agitation, cette fermentation sourde qui donnait
de fortes inquiétudes, est tout à fait calmée. Mais les Chouans n'en seront
pas moins exactement surveillés[23]. Veut-on savoir
comment la nouvelle de Marengo fut accueillie en Vendée ? Là l'apparition des
bâtiments anglais avait déjà réveillé le patriotisme des populations côtières
; au contact de l'ennemi héréditaire, ces gens de mer s'étaient retrouvés
Français ; leurs embarcations s'étaient jetées bravement contre les péniches
anglaises et en avaient capturé plusieurs. Dans le centre du Bocage, à Fontenay,
chef-lieu du département, cet exploit a retenti, mais le bulletin du 26
prairial centuple l'effet. — Le bulletin est arrivé le jour de la grande foire de
Fontenay. Le préfet en ordonna sur-le-champ la publication avec le plus grand
appareil, ce jour et le lendemain. Les affaires de la foire, un peu
languissantes, reprirent avec une telle activité que jamais la foire n'a été
plus florissante ni tenue avec plus d'ordre et d'allégresse. L'enthousiasme
était général. Le bulletin a été imprimé à plus de deux mille exemplaires ;
il en a été envoyé à toutes les communes et spécialement aux pécheurs des
côtes, avec invitation d'en gratifier les péniches anglaises qu'ils
rencontrent souvent... On s'aperçoit déjà que
nos victoires ont relevé l'esprit public, compromis et découragé les
agitateurs ou conspirateurs. Le peuple, qui soupire après la paix, commence à
sentir que si nos ennemis affectent de la lui promettre, il n'y a que son
gouvernement qui peut la lui donner[24]. Ailleurs, c'est parmi les Jacobins que s'opère le phénomène de ralliement. Le fait est constaté en plusieurs lieux[25]. Les irréductibles se sentent plus isolés, perdus dans la masse, placés sous la main d'un pouvoir qui ne craindra plus de les enchaîner. A Auxerre, pendant qu'on tirait le canon, l'un des frères et amis disait, à chaque détonation : Encore un coup qui rive nos fers[26]. Mais les populations du Sud-Est et du Midi éprouvent un sentiment de libération matérielle ; la menace de l'occupation étrangère ne pèse plus sur elles ; elles montrent plus d'ardeur à combattre les désordres de l'intérieur : Les habitants reprennent de l'énergie, les communes se lèvent, un grand nombre de brigands ont été arrêtés. La gendarmerie, la troupe de ligne et les gardes nationaux rivalisent d'énergie[27]. Dans le département de Vaucluse, dans ce pays de Comtat hier encore rebelle aux lois et aux institutions françaises, les fêtes célébrées en messidor prennent pour la première fois un caractère national. En somme, comme au lendemain de Marengo, l'émotion joyeuse et puissante de Paris se propage au loin, comme un même transport d'admiration et de reconnaissance soulève la presque unanimité des communes de France, on peut dire que ce jour marque, dans l'ascension de Bonaparte, le progrès décisif. Les ressorts mis en jeu contre lui en France et à l'étranger s'arrêtèrent instantanément. Sur le vu de la nouvelle, le gouvernement anglais décommanda l'embarquement de ses troupes et leur départ pour la côte armoricaine ; le 13 messidor-2 juillet, Grenville écrivit à Georges : Tout était arrangé pour l'exécution des mesures que le gouvernement du roi avait décidé d'adopter, quand on apprit ici la nouvelle de l'armistice conclu en Italie. Il n'est que trop évident que, si cet armistice venait à être prolongé et même étendu aux autres armées, les républicains se verraient par là en état de tourner contre les royalistes une masse de forces supérieure à celle dont ils auraient pu disposer en d'antres circonstances. Les mesures dont il a été question ne serviraient qu'à compromettre sans avantage réel les braves gens auxquels vous avez la gloire de commander. Je ne puis donc que vous inviter à leur persuader de rester tranquilles pour le moment[28]. Pichegru arrivé à Londres déconseillait de rien tenter. Seul, Georges s'obstinait ; caché parmi ces populations bas-bretonnes que séparaient de la France les mœurs et la langue, il espérait encore les soustraire à la contagion de l'enthousiasme, à l'ascendant presque surnaturel du gouvernement consulaire[29]. Il n'en serait pas moins réduit à repasser la nier. A Paris, les projets d'attentat s'évanouirent, quitte à se reformer au bout de quelque temps. Dans le Sud-Ouest, les chefs d'insurrection, ceux qui jusqu'alors s'étaient maintenus et réservés, en attendant le réveil de l'Ouest, partirent pour Paris afin de solliciter l'amnistie et de faire leur paix. En Provence, le chef de l'organisation, Puyvert, prétend qu'à la veille de Marengo il disposait encore de moyens propres à soulever le Midi, pourvu que les Autrichiens et Willot, qui se trainait à leur suite, eussent pu coopérer ; il se flattait de couper à Bonaparte vaincu le chemin du retour et attendait le moment de monter à cheval : a La nouvelle de l'inconcevable victoire de Marengo vint, comme un coup de foudre, renverser tous mes projets... Le découragement fut complet, et les hommes les plus déterminés sentirent la nécessité de céder aux circonstances[30]. Sur cet effet de Marengo, sur cette formidable répercussion à l'intérieur, tous les témoignages s'accordent. Partisans et adversaires du Consulat, amis ardents ou tièdes, les fanatiques, les sages, les sceptiques, les mortels ennemis, tous se sentent en face d'un événement capital ; ils reconnaissent en Marengo plus qu'une bataille gagnée, plus qu'un grand fait d'armes : la consécration d'un régime. Hyde de Neuville, l'acharné royaliste, s'incline devant les conséquences incalculables de l'événement ; c'était le baptême de la puissance personnelle de Napoléon ; le pouvoir qu'il tenait entre ses mains s'incorporait à lui-même, et désormais il est certain qu'il faudrait traverser la phase de sa domination sous une forme ou sous une autre[31]. Miot de Mélito, observateur assez froid, écrit : Jamais l'orgueil national n'avait été plus flatté, jamais plus d'espérance de bonheur n'avait pénétré dans les âmes. Pendant deux jours, Paris fut exactement dans l'ivresse[32]. Cambacérès s'exalte : Jamais l'élan national ne se manifesta mieux qu'à cette glorieuse époque[33]. Ce coup d'enthousiasme met. pour longtemps le pouvoir de Bonaparte hors de conteste, l'investit et le fonde. Après le plébiscite de l'hiver, après ce vote traînant qui a été surtout l'abdication de la France aux mains d'un homme, c'est aujourd'hui le grand plébiscite par acclamation. II A demi instruit des agitations tentées et des intrigues ourdies pendant son absence, Bonaparte précipitait son retour. A peine s'était-il donné le temps d'organiser sa conquête : il avait quitté Milan dès le G messidor, appelant Masséna au commandement des armées réunies de réserve et d'Italie. Il repassa les Alpes par le Mont-Cenis. A Saint-Jean-de-Maurienne, il se fit amener deux prêtres encore détenus et les remit en liberté, en n'exigeant d'eux qu'une promesse de soumission au gouvernement. A Lyon, ses yeux épris de belle ordonnance ne purent voir sans horreur la place Belle-cour, naguère encadre de monumentales façades, aujourd'hui hideuse avec ses débris d'hôtels systématiquement démolis. Pour engager les habitants à relever cette noble architecture, il promit que les immeubles reconstruits seraient exemptés d'impôt foncier pendant vingt ans. Les Lyonnais l'accueillirent avec un contentement grave, qui répondait au caractère de cette population réfléchie et sérieuse, si cruellement éprouvée. A Dijon, les femmes effeuillèrent des bouquets sur son passage et firent voler autour de lui une nuée de fleurs. Il séjournait le moins possible, pressait l'allure. Sur le pont de Montereau, sa voiture se rompit ; cet accident ne le retarda que d'un instant. Il avait hâte de rentrer à Paris, de s'y montrer, d'y recueillir en popularité, en prestige, en force, les fruits de sa victoire, mais il avait trop d'habileté et de fierté pour agréer les témoignages outrés, les platitudes de commande. Il avait écrit de Lyon au ministre de l'intérieur : J'arriverai à Paris à l'improviste. Mon intention est de n'avoir ni arcs de triomphe ni aucune espèce de cérémonie. J'ai trop bonne opinion de moi pour estimer beaucoup de pareils colifichets. Je ne connais pas d'autre triomphe que la satisfaction publique[34]. Les autorités parisiennes avaient décidé de se porter à sa rencontre jusqu'à Villejuif ; il les déjoua en gagnant plusieurs heures sur leurs calculs. Au lieu d'une entrée solennelle, il voulait frapper les Parisiens par une réapparition subite, attestant comme un don d'ubiquité. Hier encore, on le croyait à Milan ; on le croit aujourd'hui à Lyon, à Dijon ; il est à Paris. Le 13 messidor — juillet, à deux heures du matin, accompagné de Duroc seulement et de Bourrienne, il est rentré aux Tuileries. Lorsque ses collègues, brusquement avertis, se présentèrent à la porte de son appartement, on leur dit qu'il était couché ; ils ne le virent que le lendemain à onze heures. Quand les ministres et les conseillers d'État vinrent lui rendre hommage, ses premiers mots furent : Citoyens, nous revoilà donc ! Eh bien ! avez-vous fait bien de l'ouvrage depuis que je vous ai quittés ? — Pas autant que vous, général ![35] La nouvelle de son retour traversa Paris comme l'éclair. On revit alors ce qui n'était pas advenu depuis cinq ans, depuis les derniers temps de la Convention : une descente des faubourgs, une descente en masse, mais combien différente des anciennes ! Toute joyeuse, celle-ci, et confiante, elle est entraînée par un large courant d'allégresse. Les ouvriers, croyant que le Consul arriverait dans la journée, avaient fait projet de l'attendre à la barrière là s'était réunie une foule compacte. Soudain, le bruit se répand qu'il est en ville, et le canon, tirant aux invalides, confirme cette nouvelle. Dans la foule, c'est un immense remous ; des propos s'entrecroisent : Un homme entendant tirer le canon : Eh bien ! votre homme est donc arrivé ! — Une femme : Oui, il est arrivé à deux heures du matin. — Une autre : Ah ! le bon Dieu nous l'a conservé, celui-là ![36] Et tous les ouvriers, sachant Bonaparte aux Tuileries, voulaient aller l'y visiter, l'y fêter. Par groupes, par bandes, par ondes successives, ils descendaient, arrivaient, envahissaient le jardin des Tuileries, et quand Bonaparte, obéissant à l'appel de leur frénésie, se montra au balcon, dans ce palais cerné et battu par les flots de la multitude, il parut positivement porté sur le pavois populaire. Dans Paris, ce fut encore jour de fête improvisée, éclose d'elle-même, sans ordre officiel ni prescription réglementaire Les maisons se pavoisaient, se décoraient d'inscriptions et d'emblèmes ; à tous les étages, des guirlandes de lampions se suspendaient pour la fête de nuit. Dans les rues ainsi enjolivées, un peuple immense circulait, bon enfant, causeur, se divertissant de choses qui l'eussent exaspéré naguère et prenant tout en bonne part. Une femme à son mari : Tiens ! voilà une maison où il n'y a point de lampions ! C'est quelque aristocrate. — Aristocrate, soit ! dit le mari, même Jacobin ; aujourd'hui, tout le monde est libre ; on ne tue plus les gens pour leurs opinions[37]. Un ouvrier à sa femme, en montant sur sa boutique pour poser des lampions : C'est que c'te victoire donnera la paix ! La femme : C'est que c'n'est plus comme ces avocats qui ne faisions la guerre qu'avec leu plume ; tiens, mets encore ces deux-là[38]. L'enthousiasme fut très grand ; il ne fut pas universel. Les partis s'étaient un peu remis du premier choc. Le soir, d'après les calculs de la police, les trois quarts de la ville manifestèrent et illuminèrent de leur mieux ; un quart environ s'abstint. Les rues du centre, les rues vivantes, passantes, marchandes, exhibaient toute sorte de motifs lumineux. Par contre, un policier, qui remontait le boulevard à dix heures du soir et consignait au fur et à mesure ses observations, notait des espaces sombres, des lacunes[39]. Parmi les théâtres et les établissements de plaisir, les Variétés, le bal de Paphos, le café Turc, s'étaient fait une façade toute en verres de couleur ; d'autres s'étaient moins distingués. Passage Feydeau il y eut une contre-manifestation ; un peintre en silhouettes avait osé exposer au-dessus de sa boutique un portrait de Louis XVI ; le malheureux monarque était assis sur son trône, avec les attributs royaux, et devant la boutique des individus cherchaient à exciter l'indignation contre les révolutionnaires ; il s'était formé dans le passage un rassemblement qui interceptait la circulation. Plus loin, les rues profondes du Marais montraient un éclairage assez terne, mais à mesure qu'on avançait vers l'extrémité du boulevard, une vaste clarté s'épandait sur le ciel ; c'était le faubourg Antoine, l'ex-quartier révolutionnaire, le faubourg émeutier, qui se mettait en frais d'apothéose pour Bonaparte devenu le grand meneur de la masse ouvrière. Nulle part le décor lumineux n'était plus abondant, plus ingénieux, plus varié. Des feux brillaient jusque sur les toits, le peuple dansait en vingt endroits ; il y avait à minuit autant de monde dans la rue qu'il y en avait ordinairement à midi ; les vivats retentissaient : les plus anciens habitants du faubourg ne se rappellent pas d'avoir vu une aussi éclatante démonstration de la satisfaction générale, écrivait la municipalité d'arrondissement au préfet de la Seine[40]. Beaucoup d'ouvriers cependant étaient restés en ville, grossissaient la foule qui continuait à stationner dans le jardin des Tuileries, au pied du château. Sous les fenêtres de l'appartement consulaire, la musique de la garde jouait ; par les fenêtres ouvertes, on voyait à l'intérieur des ombres passer et repasser sur un fond de lumière. Vers onze heures, des acclamations redoublées, prolongées, instantes, réclamèrent Bonaparte ; il ne parut point, se laissant désirer et. évitant de se prodiguer[41]. Dans la journée, il avait reçu le Sénat, une députation du Corps législatif, une députation du Tribunat dont le président lui avait tenu un langage très républicain et exempt de servilité. L'Institut lui fut amené par son nouveau président trimestriel. Il vit en particulier beaucoup de personnes et les entreprit sur ce qui s'était passé eu son absence. Il n-ignorait pas que sou silence pendant les jours qui avaient précédé Marengo avait entretenu toutes les incertitudes. A la veille d'une partie décisive, ce serait toujours sa coutume que d'interrompre ses dictées, ses envois, et que de suspendre sa correspondance avec l'intérieur : La bataille répondra, disait-il à ses secrétaires[42]. La bataille avait répondu. Il tenait néanmoins il savoir quels projets, quelles velléités avaient couvé en certains esprits. Dans le tête-à-tête avec Cambacérès, l'un de ses premiers soins fut de lui pousser cette question : S'il n'avait pas été embarrassé dans l'intervalle, qui s'était écoulé entre les premières nouvelles de Marengo et l'annonce officielle de la victoire. L'autre, imperturbable, répondit : J'ai eu de vives inquiétudes et peu d'embarras. — Comment donc ! Si j'étais mort ? — J'aurais considéré le malheur comme irréparable. Après avoir cédé à une juste douleur, je me serais occupé de donner au gouvernement de la République un autre chef, n'ayant pas la prétention de vous succéder, j'aurais eu toute liberté dans ma manière d'agir. — Qu'auriez-vous fait ? J'eusse été sans doute informé le premier de la perte que faisait la France. Aussitôt, j'aurais mandé Frère, colonel des grenadiers de la garde, sur qui vous m'avez dit que je pouvais compter. Je lui aurais enjoint de tenir sa troupe prête à marcher au premier signal. Ensuite, j'aurais convoqué le Sénat au palais des Tuileries, moins ceux des sénateurs dont les intentions sont douteuses et qui seraient restés en état de surveillance. Sur le compte rendu au Sénat de, votre mort, je lui aurais proposé de nommer votre frère Joseph premier Consul. En France, on tient aux noms. Joseph est, dit-on, d'un caractère accommodant. Je nie serais flatté d'avoir de l'influence sur lui et qu'il continuerait votre ouvrage. En procédant ainsi, le public aurait appris à la fois que le premier Consul n'existait plus et qu'il avait un successeur[43]. Bonaparte eut un sourire : Je sais, fit-il, que vous êtes homme de ressource[44]. La confidence de Cambacérès s'ébruita ; Joseph lui fut reconnaissant ; Lucien lui témoigna plus d'égards, et dans toute la famille ou lui sut gré de s'être montré si dynastique par anticipation. Bonaparte connut quelque chose du projet formé pour lui
substituer Carnot, s'il eût péri en Italie ; et ne parut pas désapprouver cette
prévoyance : Carnot, dit-il[45], peut-être vaudrait mieux qu'un autre, si Carnot était du
goût de tout le monde, et il tâcha par Rœderer d'en savoir davantage.
Pour pénétrer Sieyès, il lui parla le premier de l'utilité qu'il y aurait à
faire désigner légalement et secrètement par le Sénat un successeur éventuel,
afin de pourvoir en cas de besoin à la vacance de la première place, et il en
vint à prononcer le nom de Carnot. Sieyès feignit l'étonnement, affecta de ne
pas comprendre : il vivait dans la solitude,
disait-il, et n'étant au fait de rien, ne pouvait
avoir d'avis. Devant l'insistance de Bonaparte !, il finit par dire : Tout ce que je sais, c'est que, si Carnot est mis là c'est
à nous d'émigrer. — Je vois bien que vous
n'êtes pas pour cet homme[46], fit Bonaparte s'apercevant
que l'autre avait esquivé le piège. Plusieurs ministres et fonctionnaires, pour écarter d'eux les soupçons, s'accusèrent les uns les autres, se dénoncèrent mutuellement. Bonaparte fut assailli de basses délations, où il sentit un fond de vérité. Il connut mieux les hommes et les méprisa davantage. Un pli d'amertume creusa plus profondément son visage. Il comprit toutefois qu'à écarter certains ministres, il aurait à les remplacer par d'autres moins intelligents et pas plus fidèles : Il y a des domestiques, dit crûment Villiers du Terrage, par lesquels on aime à se laisser voler[47]. Il importait d'ailleurs de ne pas donner consistance aux bruits de désagrégation gouvernementale qui avaient couru. Aucune révocation ne fut prononcée. Le second jour qui suivit l'arrivée était un quintidi ; le premier Consul reprit ses occupations tant extérieures qu'intérieures, et fit passer la parade dans la cour des Tuileries. Il se remit très régulièrement à cette fonction décadaire, malgré l'été torride, malgré le soleil de midi qui faisait tout resplendir d'un aveuglant éclat. C'est en ces jours qu'Isabey le vit et le dessina : immobile sur son cheval, penché sur l'encolure, le buste grêle, l'échine maigre et comme cassée, le regard profond, le visage empreint de cette mélancolie propre aux grands ambitieux ; quel rêve supérieur à toutes les félicités présentes tourmentait son âme inassouvie ! A côté de lui et sur la même ligne, se tiennent à cheval Carnot, Berthier, Clarke, beaux militaires à face pleine, à menton rasé, à favoris en nageoires ; par derrière, une confusion de chevaux écumants, les chamarrures de l'état-major et l'amoncellement des panaches. En tête de la cavalerie qui défile, Bessières, Murat, Eugène, sur des bêtes fougueuses, viennent saluer le Consul de l'épée, avec un geste théâtral, et tout le long du château et des bâtiments formant retour sur la droite le trot des grenadiers à cheval décrit une courbe puissante, dans une envolée de poussière. Tel le Consul serait décrit par Charles Nodier, un jour où
celui-ci tout jeune le verrait passer avec son cortège par le grand escalier
du château, pour se rendre à la parade : Un jeune Mamelouk
qu'il a ramené d'Égypte ouvre la marche. Il est vêtu avec toute la magnificence
orientale, un long damas est attaché à son côté. Il tient un arc dans
sa main, et ce premier aspect a quelque chose d'extraordinaire et de
romantique. Viennent ensuite quatre aides de camp, couverts de broderies
d'or. Derrière eux s'avance modestement un homme en habit gris, la tête
penchée vers la terre, marchant sans éclat et sans prétention ; c'est
Bonaparte. Aucun de ses portraits n'est ressemblant. Il est impossible de
saisir le caractère de sa figure, mais sa physionomie terrasse... Il a le visage très long, le teint d'un gris de pierre,
les yeux fort enfoncés, fort grands, fixes et, brillants comme un cristal. Il
a l'air triste, affaissé, et il soupire de temps en temps. Il a monté un
cheval blanc qui fait partie de ceux que lui a envoyés le roi d'Espagne. Ce
cheval est couvert d'un caparaçon de velours nacarat, brodé en or. Le mors,
les bossettes, les étriers, tout est en or, et sur cet animal si richement
harnaché, le plus grand homme de l'univers, vêtu d'un habit que Garat (le chanteur) ne
voudrait pas voir à son jockey[48]. Par cette
simplicité, il affectait de trancher sur la magnificence ambiante, toute
émanée de lui, et de se montrer chef austère d'une république splendide. Le
jour où il avait reparu à la parade, une multitude d'habitants et surtout
d'ouvriers accourus de très loin s'étaient amassés au Carrousel pour
l'apercevoir, pour jouir de sa vue, pour s'en rassasier ; pendant toute la durée
du spectacle militaire, ce fut un brouhaha continu d'acclamations. III Après ces ovations spontanées vint le triomphe officiel, mais il ne fut décerné ostensiblement qu'à la République seule et aux armées. On l'avait fixé au 25 messidor, c'est-à-dire au 14 juillet ; tous les ans, à pareil anniversaire, il y avait fête nationale ; on convint d'y joindre cette année la présentation des drapeaux conquis en Allemagne et en Italie, plus la solennité promise à l'occasion des résultats du plébiscite et de la pacification intérieure, et de réunir le tout sous ce titre cette fois mérité : Fête de la Concorde. Dès son second séjour à Milan, Bonaparte s'était occupé du programme. Il avait fait engager pour la partie de chant deux virtuoses italiens, le ténor Bianchi et la Grassini ; cette brune et massive Italienne, dont la voix magnifique avait ému sa sensibilité d'artiste, était alors son caprice. Lucien de son côté avait fait rédiger dans ses bureaux et expédié à Milan un programme, un prospectus, comme l'appelait Bonaparte[49], qui y apporta plusieurs retouches. Il aurait voulu que l'on trouvât quelque chose de neuf et d'inattendu pour célébrer la patrie, l'honneur, les vertus militaires ; il voulait en même temps rendre fi Paris quelques-uns des spectacles qui avaient fait partie des anciennes fêtes monarchiques et qui plaisent toujours à la multitude : Il me semble, écrivait-il[50], qu'un feu d'artifice serait d'un bon effet. Plus de parades révolutionnaires ; plus de défilés allégoriques, mythologiques ; on ne devait plus abuser des exercices, combats et jeux renouvelés des anciens et dépourvus d'utilité pratique ; ces fictions n'avaient plus que faire dans la forte réalité française. Lucien avait proposé des courses de chars ; Bonaparte répondit très judicieusement : Les courses de chars pouvaient être très bonnes en Grèce, où l'on se battait sur des chars ; cela ne signifie pas grand'chose chez nous[51]. Cet article fut cependant maintenu au programme. La fête commença le 24 au soir, par l'inauguration du quai Desaix, par cet hommage rendu au grand mort dont le souvenir demeurait inséparable de ces jours d'orgueil. Le soir, il y eut spectacle gratuit dans tous les théâtres. Le lendemain, dès cinq heures du matin, une salve de vingt et un coups de canon fut tirée. Le soleil de messidor s'élevait splendide ; la journée s'annonçait brûlante ; elle serait très chargée. Quatre cérémonies officielles devaient successivement s'accomplir ; elles auraient lieu sur la place Vendôme, sur la place de la Concorde, aux Invalides et au Champ-de-Mars. Débouchant des rues sombres, des ruelles et des passages, la foule se portait aux espaces libres, aux grandes places, aux quais, aux Tuileries, aux Champs-Élysées. lin afflux de provinciaux encombrait Paris. Le canon tirait d'heure en heure, répandant dans l'air une solennité. Des corps de troupes traversaient les rues, tambour et musique en tête, pour s'établir aux emplacements désignés. On acclamait les compagnies de la garde consulaire, arrivées d'Italie le matin même et encore en tenue de campagne, sac au dos. Dans le public, des médisants prétendaient que l'on avait affaire à de faux grenadiers, hâtivement recrutés pour remplacer les vrais, ceux-ci étant tous restés là-bas, restés morts sur la plaine de Marengo : la preuve, disait-on, c'était que les remplaçants, lorsqu'on les interrogeait, ne pouvaient fournir aucun détail sur la fameuse journée[52]. Des cortèges officiels fendaient la foule. Le Tribunat passa dans ses voitures, s'étant formé de bon matin au Palais-Royal pour se rendre directement aux Invalides. Sur la place Vendôme, le préfet Frochot, entouré de son personnel, posait la première pierre du monument dédié aux braves du département de la Seine. Il était neuf heures ; à onze heures, on poserait sur la place de la Concorde la première pierre de la colonne nationale, dédiée à la gloire de toutes les armées. Pour faire place à ce monument, on avait enlevé la grande Liberté de plâtre. la statue effritée, dégradée, dont les pieds avaient trempé dans le sang. Maintenant, au balcon de l'hôtel de la marine, Lucien et ses collaborateurs attendaient l'heure fixée pour la cérémonie, à laquelle devaient assister les Consuls et les corps constitués. Dans le milieu de la place, une enceinte avait été réservée, nue excavation creusée. Par la grande allée des Tuileries, le gouvernement s'avança : les Consuls en rouge et or, les ministres et conseillers d'État en costume brodé, entre deux haies mouvantes de baïonnettes, de hauts bonnets à poil et de plumets rouges. Lucien, précédé de hérauts d'armes, vint recevoir les Consuls sur la place et officia selon le rite accoutumé ; des allocutions furent prononcées ; sous la première pierre du monument, on déposa une boite d'acajou contenant des monnaies et des médailles commémoratives[53]. La foule, qui ne voyait et n'entendait rien, supportait néanmoins la longueur de la cérémonie ; elle s'unissait de confiance au lyrisme officiel, en ces jours d'émotion continue et de patriotisme exultant. Ensuite et vivement, Bonaparte à cheval, entrainant avec soi ses deux collègues et les ministres également montés, prit le chemin des Invalides, tandis que la foule des dignitaires à pied, préfets, maires, magistrats, sénateurs, députés, tribuns, académiciens[54], s'efforçait de suivre, sans garder les rangs, haletait et se précipitait en une espèce de déroute, dans un nuage de poussière. Sur les deux côtés du parcours, une quadruple rangée de curieux faisait la haie, et derrière eux une colonne de femmes et d'enfants courait parallèlement au cortège, criant sans discontinuer : Vive Bonaparte ! Des gens en délire se jetaient entre les chevaux, arrivaient au Consul, baisaient sa selle : J'arrive de quarante lieues pour voir Bonaparte, criait l'un d'eux, et ceux qui l'avaient vu voulaient le revoir : ils couraient pour gagner un passage où ils pussent le revoir encore[55]. Dans l'église des Invalides, dans le vaste vaisseau transformé en temple de Mars, des tribunes avaient été réservées aux corps constitués, aux habits brodés, aux femmes les plus distinguées par le rang et la toilette ; le simple public trouva difficilement à se placer, et les plaintes qu'excita ce commencement de privilège mirent une ombre au tableau. Au début de la cérémonie, Bianchi et la Grassini
chantèrent dans leur langue une ode en l'honneur de la délivrance de leur
patrie, et dans la chaude atmosphère de juillet, dans la pénombre traversée
par des rais de lumière, ces voix d'outremonts, le décor antique du temple,
les statues, les trophées, les bronzes dorés, la pâleur des marbres et
l'éclat de nos uniformes français, ces Parisiennes à coiffure de camée, le
mélange de leur élégance et des attributs sévères, ces magistrats an titre
évocateur, le Sénat, les tribuns, ce consul au profil de César maigre, et
l'imagination nationale subissant une fois de plus l'enchantement des
victoires italiques, tout donnait à ce jour un caractère essentiellement
latin, un caractère de solennité romaine et française. En périodes
classiques, Lucien célébra le 14 juillet et le 18 brumaire, invoqua la concorde réparatrice de tous les maux, et l'on
entendit un chant du 14 juillet, dont
Fontanes avait composé les paroles et Méhul la musique. L'effet fut
grandiose, trois orchestres de cent musiciens chacun se répondant de divers
points du temple. Bonaparte ne quitta pas l'hôtel avant d'avoir passé en revue les invalides et distingué par le don d'une médaille cinq d'entre eux, les plus signalés par les actions d'éclat de leur jeunesse[56]. L'un de ces anciens avait cent quatre ans, et il se trouva qu'en ce jour le vainqueur de Marengo décora peut-être un combattant de Fontenoy. La scène se transporta finalement au Champ-de-Mars. Sur les tertres formant rebord des deux côtés et s'élevant en gradins rustiques, la multitude s'était entassée ; dans le milieu, le scintillement des baïonnettes, l'alignement des troupes et des gardes nationales, encadraient un bataillon sacré, une redoute vivante, pavoisée de drapeaux conquis : un détachement des gardes portant vingt-trois drapeaux autrichiens, blasonnés, armoriés, marqués de l'aigle héraldique. Bonaparte se fit présenter ces trophées, passa en revue les troupes. Ensuite, il devait y avoir jeux renouvelés d'Olympie : dans une lice tracée par des poteaux et des cordes, courses à pied, courses de chevaux, courses de chars montés par des jeunes gens de la ville en pur costume de jockeys anglais, car l'antiquité et l'Angleterre se disputaient bizarrement les faveurs de la mode ; les vainqueurs recevraient en prix des armes de la manufacture de Versailles, des porcelaines de Sèvres, et l'ascension d'un aérostat terminerait la fête[57]. Mais le peuple se souciait peu des courses et voulait voir Bonaparte. Sous la lumière crue, dans l'éblouissement des couleurs et des mouvants spectacles, c'était vers lui que tendaient tous les regards ; du plus loin, ils cherchaient à distinguer, en tête de l'état-major et plus tard an balcon de l'École militaire, dans le miroitement des dorures officielles, la mince silhouette consulaire, le point rouge, le point magnétique vers lequel s'élançait électrisée l'âme de la France. Une immense poussée de foule se fit, rompit le cordon des troupes, envahit la lice, renversa les poteaux et les cordes, déborda jusqu'à la façade de l'École, dans une furie d'acclamations ; devant cette tempête populaire, il fallut remettre à un autre jour l'achèvement du programme, et la journée finit dans un grand tumulte d'enthousiasme. Le soir, la fête se concentra principalement autour des Tuileries. Les Champs-Élysées, la place de la Concorde, l'ex-palais Bourbon, les Tuileries elles-mêmes, la place Vendôme, le Palais-Égalité, l'hôtel du second Consul au Carrousel et les bâtiments adjacents se pointillaient de feux ; cette suite de monuments lumineux et de verdures éclairées faisaient un triomphal ensemble, tel que n'en aurait pu offrir aucune capitale. Les maisons du Carrousel montraient des emblèmes, des décors parlants, dont quelques-uns étaient assez expressifs du vaut populaire ; l'un d'eux représentait Bonaparte tenant à la main une branche de laurier, avec cette légende : Assez pour la gloire, maintenant pour le bonheur. Ces mots Pour la paix s'inscrivaient sur des transparents. De l'autre côté du château et du jardin, par-dessus les futaies, d'énormes gerbes de fusées s'élançaient du pont de la Concorde ; au milieu des détonations, la foule en délire battait des mains. Les allées du jardin étaient toutes illuminées. Le peuple y affluait par les diverses entrées, se bousculait, foulait les parterres, se poussait vers le château, au-devant duquel un grand orchestre exécutait un concert d'harmonie. Dans l'intervalle des morceaux, on entendait Un vaste bourdonnement de foule. Une voix tout à coup perça ; elle disait très haut : Il n'est rien de plus beau que ce que nous voyons aujourd'hui, mais demain on nous demandera des hommes et des millions. Quelqu'un répondit au trouble-fête qu'il ne pouvait savoir ce qui se ferait demain[58]. Tout le monde approuva, et la voix du prophète anonyme se perdit dans l'universel émerveillement. A l'intérieur du château, c'était comme un flamboiement d'incendie, -perçant par toutes les fenêtres : des appartements violemment éclairés, des allées et venues, par instants des voix isolées et ensuite un fracas d'applaudissements. Bonaparte avait réuni dans un banquet de cent couverts les premiers personnages de l'État, mais il avait pris soin d'inviter également les cinq invalides qu'il avait médaillés ; des voitures consulaires étaient allées prendre ces vieux braves et les amener aux Tuileries. On entendit à nouveau des paroles officielles : des toasts à la victoire, aux armées, au héros de Marengo, à la paix, à la constitution, au gouvernement de la République ; le président du Tribunat but : A la philosophie et à la liberté civile, et Bonaparte, levant son verre : Au quatorze juillet, au peuple français, notre souverain à tous. |
[1] CUGNAC, II, p. 417.
[2] Éclaircissements.
[3] Mme Danjou à d'Avaray, 23 juin.
[4] Mémoires inédits de Villiers du Terrage.
[5] Documents inédits.
[6] L'adjudant-commandant Brossier était à cheval en avant de Desaix au moment de la contre-attaque et a écrit : Je me retourne et je le vois tomber. Je m'approche ; il était mort. En tombant, il n'avait proféré qu'un seul mot : mort. CUGNAC, II, p. 412.
[7] Journal de Paris du 3 messidor. — RŒDERER, VI, p. 409.
[8] Bibliothèque nationale, fonds français, 11361.
[9] Rapports cités dans la Conquête de Paris par Bonaparte.
[10] Rapports cités dans la Conquête de Paris par Bonaparte.
[11] Mémoires de la duchesse d'Abrantès, édition de 1837, II, p. 212-213.
[12] Éclaircissements inédits.
[13] Rapports précédemment cités.
[14] Rapport du 13 messidor. AULARD, I, p. 467-468.
[15] Rapport du 6 messidor.
[16] Rapports cités.
[17] Voyez les lettres de Talleyrand à Bonaparte publiées par M. le comte Boulay de la Meurthe dans la Revue d'histoire diplomatique, avril 1892.
[18] Numéro du 8 messidor an VIII.
[19] Rapport de police du 9 messidor. F7, 3701.
[20] Rapport du 2 thermidor, Bibliothèque nationale, fonds français, 11361.
[21] Le préfet, 4 messidor. Bibliothèque nationale, fonds français, 11361.
[22] Bulletin du 13 messidor, même fonds.
[23] Lettre du 18 messidor, même fonds.
[24] Rapport du préfet, 9 messidor, même fonds.
[25] Voyez notamment le rapport de police du 7 messidor. AULARD, I, p. 455.
[26] Le préfet de l'Yonne, 12 messidor, FIC, III, 7.
[27] Bulletins départementaux. Bibliothèque nationale, fonds cité.
[28] CAUDRILLIER, le Complot de l'an VII, Revue historique de novembre-décembre 1900 (d'après les papiers du Record-Office).
[29] Le préfet des Côtes-du-Nord, 20 fructidor. FIC, III, 10.
[30] Mémoires inédits.
[31] Mémoires, II, p. 329-330.
[32] Mémoires, I, p. 301.
[33] Éclaircissements inédits.
[34] Correspondance de Napoléon Ier, VI. 4955.
[35] RŒDERER, VI, p. 410.
[36] Rapport de police du 14 messidor. AULARD, p. 469.
[37] Journal de Paris, 14 messidor. — RŒDERER, III, p. 411.
[38] Journal de Paris, 14 messidor. — RŒDERER, III, p. 411.
[39] Son rapport est conservé aux Archives nationales, F7, 6227.
[40] LANZAC DE LABORIE, volume cité, p. 96.
[41] Rapport. Archives nationales, F7, 6227.
[42] Mémoires manuscrits de FAIN.
[43] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.
[44] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.
[45] RŒDERER, III, 333.
[46] Notes manuscrites de GROUVELLE, Bibliothèque Carnavalet.
[47] Mémoires inédits.
[48] Archives nationales, III, F7, 6457.
[49] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 4938.
[50] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 4940.
[51] Correspondance de Napoléon Ier, VI, 4940.
[52] Rapport de police. AULARD, I, p. 512.
[53] Procès-verbal de la cérémonie. Archives nationales, AF, IV, 9.
[54] Mémorial de Norvins, II, p.253.
[55] RŒDERER, VI, p. 413.
[56] RŒDERER, VI, p. 413.
[57] Mémorial de Norvins, II, p. 255-256.
[58] Rapport du 26 messidor. AULARD, I, p. 512.