L'AVÈNEMENT DE BONAPARTE

LA GENÈSE DU CONSULAT - BRUMAIRE - LA CONSTITUTION DE L'AN VIII

 

CHAPITRE II. — LA DERNIÈRE POUSSÉE JACOBINE.

 

 

I

Dans les milieux législatifs, tout restait agitation, effervescence, bouillonnement. Après le 30 prairial, les Conseils se maintiennent plusieurs jours encore en permanence, et dans la chaleur des discussions haletantes, dans la fièvre des séances nocturnes, l'exaltation des esprits parvient à son comble ; elle durera près d'un mois. Pendant cette période, le Corps législatif tend à se faire le centre du pouvoir et de l'action, comme s'il n'était sorti de son long servage que pour usurper à son tour.

Les Cinq-Cents donnent l'impulsion, les Anciens la suivent. Aux Cinq-Cents, les Jacobins dominent ; non qu'ils soient les plus nombreux, mais ils ont l'audace, la discipline, l'élan ; sous leur pression, l'assemblée du Palais-Bourbon se transforme en une fournaise de fanatisme révolutionnaire, d'où sortent des lois de feu, brûlantes et corrosives. C'est la loi dite des otages, nouvelle loi des suspects, dont on verra le mécanisme persécuteur. C'est la loi appelant les conscrits de toutes classes non encore mis en activité ; on en formera dans chaque département un bataillon auxiliaire. Pour subvenir aux frais de cette immense levée, le principe d'un impôt progressif de cent millions sur la classe aisée est voté ; l'application de ce principe, qui restait à déterminer par des actes ultérieurs, mettrait tous les biens en proie aux exactions d'une fiscalité arbitraire. Ces besognes accomplies, les Conseils se refroidirent un peu, mais Paris commença de frissonner ; il avait revu le spectre de la Convention.

Le nouveau Directoire, définitivement formé de Barras, Sieyès, Gohier, Roger Ducos et Moulin, recomposa le ministère et les principales administrations en cherchant autant que possible des réputations de probité et des mains nettes, mais en faisant la part très large aux éléments avancés. Des survivants de la Montagne reparurent ; Robert Lindet, terroriste intègre, fut mis aux finances, Quinette à l'intérieur. Bourguignon reçut le département de la police générale. Par une mesure très grave, on livra le portefeuille de la guerre à Bernadotte, qui s'était jeté éperdument dans le courant jacobin. Le général Marbot[1], connu pour ses opinions exagérées, obtint le commandement de Paris. Par contre, Sieyès fit placer à la marine Bourdon, un homme à lui, et Cambacérès à la justice. Sieyès avait reconnu en Cambacérès un esprit mûri, rassis, prédestiné aux besognes reconstituantes, et lui dévoilant en partie ses projets, il s'en ferait un très utile auxiliaire.

En ce temps où le rigorisme figurait à l'ordre du jour, il était difficile de maintenir aux relations extérieures Talleyrand, trop connu pour son esprit financier[2] et furieusement attaqué. Tout en se défendant avec une modération adroite, dans des écrits publics, Talleyrand sentait la nécessité de s'éclipser momentanément et de rentrer dans la coulisse. Sa démission fut offerte, refusée d'abord ; acceptée enfin, et on nomma aux relations extérieures le citoyen Reinhard, diplomate instruit et sage, d'esprit girondin. Talleyrand jugeait que ce personnage effacé lui garderait simplement la place et le laisserait préparer sa rentrée ; Reinhard avait d'ailleurs à ses yeux le grand mérite d'être absent ; ambassadeur de la République en Toscane, il lui faudrait plusieurs semaines pour venir prendre possession du ministère ; en attendant, Talleyrand sut garder l'intérim de son propre département.

Sieyès n'avait avec soi que trois ministres sur six ; il espérait se rallier peu à peu quelques-uns des autres. Il essaya même d'attirer à soi certains députés influents du parti jacobin, les moins compromis par leur passé, ceux avec lesquels on pouvait causer. Jourdan et d'autres furent invités par lui à des colloques : tout le monde reconnaissant que la constitution ne suffisait plus aux besoins de la France, pourquoi ne pas s'entendre pour la changer ? Le malheur était que, chacun voulant une révision, chacun la voulait à sa façon. Comme Sieyès évitait de s'expliquer sur ce que l'on mettrait finalement à la place du régime actuel, Jourdan et ses collègues le trouvèrent indéchiffrable ; ils se défiaient d'ailleurs de lui prodigieusement et le jugeaient plein d'arrière-pensées ; ils repoussèrent ses avances[3]. Sieyès rompit alors en visière avec eux ; ses amis dans les Conseils formèrent de plus en plus un parti de résistance, un parti de modérés, qui défendraient la constitution contre les attaques révolutionnaires, en attendant qu'ils pussent la violer pour leur compte et la réformer à leur gré. On ne saurait trop répéter qu'ils n'étaient modérés que par rapport aux Jacobins, c'est-à-dire d'une modération toute relative et de fraîche date.

Ainsi les vainqueurs du 30 prairial se divisaient. Dans cette journée, ils avaient espéré se jouer mutuellement ; ils s'en apercevaient maintenant, et cet effort de duperie n'aboutissait qu'à d'aigres conflits. Il en résulta que toute unité d'action et d'impulsion disparut plus encore du gouvernement. La confusion devint inexprimable, le gâchis affreux ; c'était ce que La Fayette, retiré en Hollande après sa sortie d'Olmutz, suivant les événements du bord de la frontière, appelait le margouillis national[4].

La discorde régnait dans le Directoire. Sieyès n'arrivait pas à dominer ses collègues ; il les froissait de sa supériorité et leur laissait trop voir qu'il les méprisait. Quels hommes ! disait-il en sortant des séances[5]. Barras lui avait manqué immédiatement dans la main. Tandis qu'un agent se disant autorisé par Barras essayait de reprendre contact avec les émissaires du Prétendant, Barras lui-même s'acoquinait en secret e avec ce qu'il y avait de plus obscur et effrayant parmi les terroristes[6]. Jugeant que la force était actuellement de ce côté et craignant peut-être que les journaux du parti ne dénonçassent ses malversations, il ménageait les Jacobins, sauf à se retourner contre eux s'ils devenaient trop menaçants ; nous le verrons désormais évoluer de mois en mois. Gohier et Moulin s'étaient laissés lourdement tomber du côté jacobin et y resteraient. Les députés modérés, qui avaient voté pour eux de confiance et sans les connaitre, éprouvèrent de leur part un mécompte[7]. Par compensation et comme il était dit que tout serait incohérence dans ce bizarre assemblage, Roger Ducos, que les Jacobins croyaient un des leurs[8], s'inféodait à Sieyès et suivait dévotement ses inspirations. Ainsi, deux Directeurs tiraient dans une certaine mesure à droite, deux à gauche, le cinquième alternativement à droite et à gauche. Sieyès boudait, Barras intriguait, Gohier ne voyait partout que conspirateurs et se plongeait dans la lecture des rapports de police[9], Moulin sentait qu'il n'était là qu'en passant et se laissait aller à la culbute ; au ministre Cambacérès, venu pour lui rendre hommage et lui demander sa bienveillance, il répondait : C'est moi qui vous demande votre amitié pour le moment et votre protection pour l'avenir ; je ne m'abuse pas sur votre position et sur celle qui vous attend[10]. Et dans ce singulier gouvernement, qui se paralysait lui-même, personne ne paraissait capable de volonté et d'action.

Le Directoire ne voulait rien, n'écoutait rien, ajournait tout. Les Directeurs ne lisaient que les journaux, ils ne dissertaient que sur quelques articles qui les chagrinaient. Ils entraient en séance à onze heures ; ils y restaient jusqu'à cinq heures et demie ou six heures. Les ministres arrivaient d'heure en heure et étaient toujours entendus séparément quoiqu'il eût fallu les entendre ensemble. On parlait à chacun d'eux des journaux, des plaintes, des dénonciations contre les particuliers ; à peine un seul d'entre eux écoutait-il par intervalles le ministre qui venait proposer son travail. Après la séance, les Directeurs allaient dîner ; toujours nombreuse compagnie à dîner et toute la nuit jusqu'à leur coucher. Le matin, ils lisaient les journaux, des lettres, pour être à portée d'en parler ensemble pendant leur mortelle séance...[11]

Les ministres se voyaient peu et vivaient mutuellement en défiance, écrasés d'ailleurs de besogne. Lindet s'abîmait dans le gouffre des finances et cherchait pourtant à rassembler des idées, à préparer des mesures d'ensemble, mais désespérait que les Conseils adoptassent jamais un plan suivi. Cambacérès avait tout à faire pour remettre un peu d'ordre dans son département. Bernadotte parlait et écrivait infatigablement ; ses discours, ses proclamations, ses appels, ses circulaires, font un curieux monument d'éloquence révolutionnaire et gasconne ; on y retrouve un mélange de fougue militaire et d'incohérent pathos. Il montrait en fait de remarquables qualités d'intelligence et d'entrain, une force prodigieuse de travail. Levé chaque matin à trois heures, il quittait sa maisonnette[12] de la rue Cisalpine et arrivait le premier au ministère, s'occupait de tout par lui-même, s'évertuait à rétablir les services, à hâter la formation des recrues, à recréer un matériel, à réorganiser les armées, à ragaillardir le moral des officiers et des troupes ; contre le chaos de difficultés qui s'élevait contre lui, il s'acharnait de toute sa remuante et bourdonnante activité. Mais les administrations civiles le secondaient mal, inertes ou affolées ; en province, des bruits alarmants commençaient à se répandre sur la situation de Paris et la dissolution du gouvernement républicain[13].

La presse parisienne, démuselée, s'était jetée tout de suite aux extrêmes licences. Quelle joie que de pouvoir impunément prendre à partie ces tyrans de Fructidor, dont la plupart restaient en place malgré la dernière crise. Le 30 prairial a déplacé des gouvernants astucieux, traitres et méchants ; il a conservé des gouvernants méchants, astucieux et traîtres. Quelle joie que de s'attaquer à cette éternelle faction thermidorienne et fructidorienne ! C'est celle qui plaça au Directoire exécutif le scélérat le plus dégradé que la contre-révolution ait jamais compté dans ses rangs... Cette faction est personnifiée dans ce Barras, qui n'a plus d'attentats à commettre contre l'humanité[14].

Plus de cinquante journaux faisaient tapage à la fois. A côté des feuilles de droite ressuscitées, diffamant le gouvernement à outrance et trouvant moyen de le calomnier, le Journal des hommes libres s'était fait le moniteur officiel du jacobinisme ; on le surnomma le Journal des tigres ; il traitait ses adversaires de feuillistes d'infamie[15]. Avec quelques autres de son espèce, il rappelait les pires journaux de 1793 ; c'était la même persévérance dans l'insulte, la même manie dénonciatrice, un mélange d'injures grossières et d'insinuations venimeuses. Tous les gens ayant part aux affaires furent traînés dans la boue ; on insulta les femmes, celles qui passaient pour avoir la main dans les fournitures, celles qui faisaient des livres et s'occupaient de politique ; la vie privée fut mise à découvert ; aucune réputation ne se sentit plus à l'abri. Les hommes les plus attachés aux principes de liberté, le vertueux Cabanis entre autres, s'épouvantaient devant ce torrent de calomnies qui menaçait de tout engloutir[16].

A côté des journaux, des brochures pullulent, annonçant la décomposition de tout et la fin du régime. D'un bout à l'autre de la ville, on les vend publiquement, on les annonce, on les crie, et des colporteurs passent dans les rues hurlant à plein gosier : Le Testament de la République ou Ça va mal. — L'Ancien Directoire nous vendait, le nouveau nous fera pendre. — Quatre pendus et un cinquième qui file sa corde. La police saisit le Testament de la République ; le jury d'accusation refuse de poursuivre. A chaque coin de rue des affiches réclamaient l'armement général des citoyens et faisaient appel aux passions haineuses[17]. Autour du Palais-Bourbon, on vendait un libelle, œuvre du député-pamphlétaire Poultier et intitulé : Changement de domicile ; il proposait de mettre les Anciens à Montmartre (jadis lieu de pendaison), les Cinq-Cents à l'égout, le ministre de la guerre rue des Boucheries, les conscrits rue de la Mortellerie, les royalistes au cap de Bonne-Espérance et l'impôt progressif rue Vide-Gousset[18].

Les Conseils subissaient tour à tour et repoussaient l'influence des violents. Celui des Anciens s'était ressaisi le premier et cherchait, avec quelque hésitation encore, à se mettre en travers du mouvement jacobin. Les Cinq-Cents jouaient toujours à l'assemblée souveraine, maintenaient en permanence leur commission des Onze, sorte de comité d'initiative et d'action, mais n'osaient aller jusqu'au bout de leurs audaces. Ils furent saisis de pétitions tendant à mettre en jugement et à traduire devant le Conseil des Anciens les ex-Directeurs Reubell, Treilhard, Merlin et Larévellière. Contre ces vaincus, les griefs s'accumulaient : vénalité, concussions, atteintes à la liberté individuelle, oppression des peuples alliés, et aussi l'accusation très injuste d'avoir envoyé Bonaparte malgré lui en Égypte, d'avoir exilé dans les déserts de l'Arabie[19] notre plus grand général et l'élite de nos armées, qui manquaient si cruellement à la République accablée de revers. Heureusement, la procédure de mise en accusation était lente, compliquée ; Reubell, retiré au Conseil des Anciens, se défendait avec force, par discours et mémoires, et d'ailleurs beaucoup de députés, lorsqu'ils avaient sommé Merlin et Larévellière de démissionner, avaient pris l'engagement de ne point les rechercher pour le passé et de les laisser tranquilles ; d'autres craignaient de relever l'échafaud politique. Après de longs et ardents débats en comité secret, les dénonciations seraient rejetées.

Ce serait un succès pour les modérés, mais les scandales financiers fournissaient à l'ardeur vitupérante des Jacobins un inépuisable thème. Une partie des séances se passait à dénoncer des malversations. Plusieurs commissaires et agents diplomatiques du Directoire, Trouvé, Faypeult, Rapinat surtout, dont le nom prédestiné semblait la raison sociale de tout un régime, obtinrent une célébrité honteuse. L'ex-ministre de la guerre Schérer était le point de mire de continuelles attaques, et les Jacobins prétendaient qu'on n'oserait le poursuivre parce qu'il était trop bien armé et en possession de secrets compromettants, parce que de hautes complicités le faisaient intangible ; d'après un bruit dont l'écho fut porté par Briot à la tribune, il aurait dit : Je ne crains rien, j'ai des papiers ; il faut que quarante hommes me défendent ou qu'ils tombent avec moi[20]. Le Directoire finit par annoncer des poursuites, un mandat d'amener, un mandat d'arrêt, mais Schérer ne fut pas inquiété sérieusement, et les modérés, sans trop s'émouvoir, laissèrent les Jacobins épuiser contre lui leur répertoire d'invectives.

En somme, aucune majorité stable ne se dégage. Les deux fractions de l'assemblée l'emportent alternativement l'une sur l'autre par l'appoint d'hommes vacillants et s'émiettent elles-mêmes en groupes agités. De part et d'autre, les meneurs, les orateurs sont peu nombreux, mais constamment sur la brèche : parmi les violents, le général Jourdan, qui se pose de plus en plus en coryphée de ce jacobinisme militaire dont l'existence est l'un des traits de l'époque, Talot, ballon soufflé[21], gonflé de vide emphase, Lamarque et Bertrand du Calvados, plus fougueux qu'éloquents, Destrem, espèce de géant, homme d'attaque et de voies de fait, Grandmaison, beaucoup plus intelligent, Poulain-Grandprey, l'économiste du parti ; de l'autre côté, Boulay de la Meurthe, figure ronde et sanguine[22], qui montre du tempérament et de la vigueur ; Marie-Joseph Chénier, l'homme aux beaux veux d'Oriental et à la volumineuse frisure[23], à l'éloquence académique qui ne porte guère, Daunou, orateur disert, et entre tous Lucien Bonaparte se met rapidement hors de pair.

L'ex-garde-magasin du temps de Robespierre, emporté dans le mouvement d'ascension de toute la famille, est maintenant un personnage. Passé député par suite d'une élection des plus contestables, il a été l'un des destructeurs de l'ancien Directoire. Merveilleusement habile à s'approprier la phraséologie révolutionnaire, il pérore à tout propos, déclame, fulmine, objurgue. A entendre ses tirades, ses invocations et toute sa rhétorique enflammée, à le voir poser la main sur son cœur avec un grand geste ému, on dirait que le plus pur zèle républicain l'anime toujours et l'embrase. Cependant, comme il s'aperçoit que les modérés représentent l'avenir, il évolue vers eux, avec des écarts encore et d'une indépendante allure. A maintes reprises, il se fait l'organe sonore, la voix et la trompette du parti. C'est en outre un habile manœuvrier parlementaire, et il trouve le temps, entre tous ses combats, de roucouler aux pieds de Mme Récamier, de brasser des affaires, de s'intéresser très activement dans une compagnie de navigation qui fait le service postal entre Bastia et la France, d'armer des bâtiments corsaires et un peu pirates ; sa vie est un tourbillon[24].

Tandis que son influence s'affirme au parlement, la situation de son frère Joseph, affable, accueillant, hôte magnifique, s'établit dans le monde. Tous deux exploitent le souvenir du grand frère et se croient aptes, avec ou sans lui, à faire le gouvernement de demain. Si Joseph paraît avoir désiré sincèrement le retour du héros et songé à le provoquer, Lucien se pose moins en copropriétaire qu'en héritier d'un grand nom ; jugeant Napoléon exclu pour longtemps et peut-être à jamais de la scène politique, il travaille pour lui-même, et ce jeune homme de vingt-quatre ans, à force de talent et d'aplomb, s'érige en puissance distincte. Joseph a des relations et Lucien une clientèle. Leur coterie avoisine celle de Sieyès, sans se confondre avec elle.

Au reste, chaque coterie se croit un parti, chaque parti devient une faction. Dans la salle des Cinq-Cents, les cieux bandes parlementaires semblent par moments sur le point d'en venir aux mains et de se disputer cette arène. Les votes sont emportés par surprise ou par intrigue. Fréquemment, des motions d'ordre, portant sur des objets politiques, interrompent les discussions d'affaires, déchainent des violences de parole qui finiront par dégénérer en rixes. Certains messages du Directoire suscitent un orage : Une grande partie des membres se lèvent, s'agitent, s'apostrophent. En vain le président agite sa sonnette pour rappeler les membres à l'ordre ; les huissiers s'égosillent à rappeler au silence ; le tumulte est à son comble ; on n'entend plus le lecteur, on ne s'entend plus soi-même[25], et le public, écœuré de ces scènes, prenait encore plus en dégoût le régime des assemblées.

 

II

Paris avait trop de deux Chambres ; avec un inexprimable effroi, il en vit surgir une troisième, qui s'instituait de sa propre autorité et ne tenait son mandat que d'elle-même. Pour ranimer l'enthousiasme populaire, pour recréer un grand courant d'énergie contre l'étranger, il avait paru utile de rendre la main aux associations politiques, ces forges du patriotisme. La plus grande et la plus fameuse de toutes, le club des Jacobins, fermé en brumaire an IV, jugea l'occasion bonne pour se reconstituer, sous le titre de Société des amis de l'Égalité et de la Liberté. Sa résurrection fut un événement.

Les Jacobins cherchèrent un local pour se réunir. Ils ne le trouvèrent pas facilement, car l'immense majorité des habitants se prononçait contre eux et repoussait ce voisinage[26]. Cependant la faiblesse des autorités leur fit ouvrir la salle du Manège, l'un des lieux sacrés de la Révolution, où avaient siégé la Constituante, la Législative, la Convention à ses débuts, et où semblaient flotter, entre les murs nus, des visions tragiques. Le bâtiment du Manège, précédé d'une cour oblongue et étroite, se trouvait comme encaissé entre la terrasse des Feuillants, qui surplombait le sol où posait la salle, et d'anciens domaines conventuels, percés de passages. Le Manège faisait partie des locaux affectés au Conseil des Anciens, qui siégeait dans le château des Tuileries[27].

Vers le milieu de messidor, les réunions du Manège commencèrent à petit bruit et sans fracas ; un beau soir, le club se trouva reconstitué. Plusieurs centaines de personnes, dont cent cinquante députés environ, s'étaient inscrites comme sociétaires. Pour éluder certaines prohibitions constitutionnelles, on nomma au lieu de président un régulateur, des annotateurs en guise de secrétaires. On citait parmi les organisateurs Drouet, impliqué naguère dans la conspiration de Babeuf. Il y eut un bureau au-dessus duquel planait un bonnet rouge, une tribune aux harangues, des ordres du jour et des votes, une commission d'instruction, un public qui se tenait debout autour des banquettes où s'entassaient les sociétaires, des comptes rendus insérés régulièrement dans les journaux, une parodie de parlement.

Les néo-Jacobins se réclamaient hautement de leurs ainés, afin que nul ne pût s'y méprendre. Notre nom est Jacobin, notre société est celle des Jacobins, nous sommes et voulons être Jacobins[28]. Ils protestaient, à la vérité, d'un grand respect pour la constitution, mais, tout en se défendant de vouloir rétablir le régime de 1793, ils en reprenaient le ton et en imitaient les gestes. Comme les nouvelles de la guerre restaient mauvaises, comme nos armées d'Italie et de Naples venaient d'essuyer de cruels échecs au bord de la Trebbia, comme la citadelle de Turin avait capitulé, comme en Suisse Masséna avait dû se replier en arrière de Zurich, ce fut une occasion pour tonner contre les vendus et les traîtres, pour réclamer des supplices, des décrets contre les riches et des piques pour le peuple. On réclamait surtout des épurations ; on sommait les ministres de purger leurs bureaux infestés d'aristocrates et gangrenés de messieurs[29] ; on poussait à ces exécutions pour se caser soi-même, et beaucoup de membres de la réunion voulaient encore moins du sang que des places.

On sentait néanmoins, à travers un délire de motions et de cris, percer la révolte de certains groupes populaires contre les bourgeois accapareurs de la Révolution, l'horreur d'un régime pourri qui n'avait rien de démocratique que le nom, une passion niveleuse qui procédait de Babeuf et de son communisme, ce qu'on appellerait aujourd'hui une poussée socialiste. Ces revendications, il est vrai, restaient la fureur d'un très petit nombre, mais les orateurs du Manège s'en faisaient l'effrayant écho. Pour eux, Robespierre n'était plus qu'un ancêtre ; les précurseurs immédiats, les martyrs de la cause, ceux dont les mânes plaintifs réclamaient vengeance, c'étaient les députés qui avaient péri en 1795 pour avoir mené contre la Convention thermidorienne l'émeute des affamés, c'étaient les hommes qui en 1796 avaient opposé au despotisme oligarchique du Directoire la théorie du bonheur commun et de l'égalité intégrale. Ô Romme, Goujon, Soubrany, Babeuf, vous serez vengés, oui, bientôt vengés, mais par la justice et non par l'assassinat ![30] Et ce n'était rien auprès de ce que l'on entendait aux abords de la salle. Dans le café Godeau, voisin des Tuileries, des hurleurs anarchistes avaient établi une sorte de club extérieur, où ils parlaient couramment d'immoler des milliers de victimes aux mânes de Robespierre et de Babeuf[31].

Au milieu de ce terrifiant appareil, il parut que la Révolution hideuse et dégoûtante de sang se remontrait, la Révolution bras nus, en sabots, en carmagnole, celle qui travaillait dans les prisons et coupait les têtes. Ces horreurs restaient trop récentes, trop présentes aux mémoires, pour que toute vision évocatrice de ce passé d'hier n'affolât point Paris et ne le fit pas tressauter d'épouvante. On entendait d'ailleurs les Jacobins des Cinq-Cents faire chorus avec ceux du Manège ; dans un dîner, Jourdan avait bu à la résurrection des piques ; le bruit se répandait que le Conseil voulait se transformer en Convention, rétablir un Comité de salut public, et les nouvelles de province annonçaient que d'un bout à l'autre de la France les clubs se reconstituaient, qu'en tous lieux des groupes de Jacobins dépenaillés et sinistres sortaient de terre. Le cauchemar de la Terreur revint hanter le sommeil douloureux où s'affaissait la France ; longtemps, on se rappellerait cette panique générale, à l'aspect du rouge fantôme, et la grande peur de l'an VII.

La renaissance du club jacobin aboutit à ce que Paris ne connaissait plus depuis près de deux ans, le désordre dans la rue. Les fureurs du Manège provoquèrent une agitation contre-révolutionnaire ; les restes de la jeunesse dorée reparurent ; on revit les muscadins ou plutôt leurs cadets, les agréables, les aimables du jour. Une sorte d'affiliation se maintenait entre jeunes Parisiens de classes très diverses pour bâtonner la Révolution sur le dos des Jacobins et s'opposer par la force du poignet au retour du régime scélérat. Depuis les beaux temps de la réaction thermidorienne, les muscadins avaient changé de nom et un peu de costume ; beaucoup d'entre eux avaient été enrôlés dans les armées ; de plus jeunes avaient comblé les vides. Sous le régime fructidorien, durement comprimés, ils avaient fait les morts ; l'effervescence succédant au 30 prairial parut les ressusciter.

L'opinion et la mode les soutenaient ; en ce temps où le développement de la force physique restait en spécial honneur, rosser les Jacobins était une façon d'attester la vigueur de ses muscles et la solidité de ses principes, un exercice méritoire et distingué, un sport, dirait-on aujourd'hui. Les jeunes gens reprirent les attributs de leur ancienne profession, collets noirs et violets, qu'ils posèrent sur de vieux habits[32]. Ainsi accoutrés, coiffés du chapeau de feutre à larges bords et à boucle d'acier, la grosse cravate de baptiste formant goitre sous le menton, le gourdin ou la canne à dard sous le bras, les pistolets en poche, ils se remirent en campagne contre les bandes jacobines, agressifs et batailleurs. Leurs rangs se grossirent de perturbateurs d'autre genre. Toute une population de Chouans en disponibilité qui s'étaient faufilés dans Paris, d'aventuriers royalistes, de contre-révolutionnaires sans aveu, vivait au fond de la ville. Cette écume blanche remontait aujourd'hui à la surface en même temps que l'écume rouge. Ces divers éléments de trouble commencèrent à s'entrechoquer.

D'après des témoignages minutieux, il est facile de se figurer Paris pendant ces jours de petite guerre, qui fit plus de peur que de mal. Les agitateurs de droite ont leur quartier général au Palais-Égalité, ci-devant Palais-Royal. Parcourant les galeries tumultueuses, enfiévrées, regorgeant de filles et d'industries interlopes, ils se groupent, s'animent en aiguisant contre leurs adversaires des traits mordants et des sarcasmes ; puis, par la rue Honoré et le lacis des ruelles, ils se portent en colonnes pressées vers l'endroit où les Jacobins dressent leurs remontrances furibondes et accomplissent leurs rites, injurient et pontifient. On voit les assaillants déboucher des passages, arriver par le jardin, entourer et bloquer le Manège.

Le 22 messidor, les Jacobins ayant planté solennellement dans la cour un arbre de la Liberté, les rixes commencèrent. Le lendemain soir, une foule hostile occupait les abords de la salle, la terrasse des Feuillants, l'allée des Orangers située en contrebas. La séance levée, comme les sociétaires sortaient en chantant des airs patriotiques, une bordée de sifflets et de huées les accueillit du haut de la terrasse ; on jetait des pierres dans les fenêtres de la salle. Au cri de : A bas les Chouans, répondaient ceux-ci : A bas la guillotine, à bas les Jacobins, et tout à coup des Vive le Roi ! percèrent.

Une forte bousculade s'ensuivit à toutes les issues. Dans l'allée, des manifestants grimpés sur les caisses des orangers et lançant des pierres, d'autres brisant les chaises et s'armant de leurs débris, maltraitaient les Jacobins qui passaient à leur portée. Le jardin s'emplissait de tumulte ; les bourgeois venus pour prendre le frais, les promeneuses en long fourreau de gaze, à chapeau fleuri, se sauvaient de tous côtés ; dans les allées, c'était une déroute d'hommes, de femmes et d'enfants se culbutant les uns les autres[33]. La garde du Corps législatif sortit et tomba sur les manifestants. Quelques-uns furent assommés de coups, vingt-huit arrêtés sous l'inculpation de cris séditieux et de provocation à la royauté ; c'étaient moins des ex-nobles que de jeunes bourgeois, voire même des gens de petit commerce et de boutique. L'instruction de leur procès prouva que les arrestations avaient été faites au hasard et sans discernement[34].

Les soirs suivants, l'échauffourée se renouvela, à la grande désolation des promeneurs et de leurs familles qui se retiraient de fort mauvaise humeur[35]. Les autorités avaient cru devoir prendre quelques précautions militaires : un piquet de cent hommes consigné dans chaque caserne, deux pièces de quatre réquisitionnées et mises en batterie sur la terrasse qui s'allongeait devant le château des Tuileries. Il n'y avait pourtant que des échanges de coups de canne, des horions, parfois des gamineries ; sur une tente dressée au devant du Manège, les Jacobins avaient érigé un superbe bonnet phrygien ; on le surmonta d'une couronne royale. Parfois, au plus fort des violences, la pluie survenait et noyait la bagarre.

Dans le reste de la ville, les deux partis manifestaient ; çà et là, des figures sinistres, des figures de 93, commençaient à reparaître ; ailleurs, les bandes adverses parcouraient les rues, criant et chantant. La journée et la soirée du 24 furent particulièrement agitées. Autour de la porte Martin, des attroupements jacobins se forment ; il faut de la cavalerie pour les dissiper. Sur le boulevard Italien, à l'endroit dit Coblentz, lieu élégant et contre-révolutionnaire, où les restes de l'ancienne société tiennent séance chaque soir sur une sextuple rangée de chaises, un rassemblement se forme à la sortie des théâtres et entonne le Réveil du peuple, l'air proscrit, la Marseillaise de la réaction, et voici qu'une bande différemment composée s'avance à l'encontre, menaçant d'une collision. Dans les rues Feydeau, des Colonnes et de la Loi, des individus passent, courant à toutes jambes et criant : Main-forte contre les terroristes ! Il n'en faut pas plus pour glacer d'effroi tout le quartier et faire fermer les boutiques. L'épouvante gagne, disent les rapports de police[36], et quantité de citoyens se disposent à se retirer à la campagne. Les moins mécontents n'étaient pas les vrais ouvriers, les travailleurs, ceux qui formaient la grosse masse prolétaire. Autant que les chevaliers de la réaction, les Jacobins s'étaient rendus odieux à cette population malheureuse, qui demandait avant tout sécurité et repos[37].

A la fin, le Conseil des Anciens jugea intolérable qu'une secte prétendit établir à ses portes, chez lui, contre lui, un foyer de troubles. Le Manège, comme tous les locaux dépendant des Tuileries, était placé sous la surveillance des inspecteurs de la salle, sorte de questeurs, députés investis par leurs collègues d'attributions étendues en matière de juridiction et de police. Par délégation de l'assemblée, la commission des inspecteurs signifia aux Jacobins qu'ils eussent à délibérer ailleurs ; comme ils n'obtempéraient point à cette injonction, le Conseil, par vote formel, leur interdit l'accès du Manège. Ils se résignèrent alors, passèrent la Seine et transportèrent rue du Bac, dans l'ancienne église des Jacobins de Saint-Thomas-d'Aquin, leurs tumultueuses assises.

L'opinion publique les prenait de plus en plus à partie. Une nuée de libelles s'acharnait sur cette engeance, à coups d'invectives et de quolibets : Pendez les Jacobins, ce sont des coquins. — Voilà les assassins du peuple. — Rira bien qui rira le dernier ; fermez vos boutiques, les Jacobins ouvrent les leurs. — Liste des principaux animaux jacobins, vivants, rares et curieux, transplantés des cages des bêtes féroces du Jardin des Plantes dans l'écurie du Manège, et toute la ménagerie, toute la collection des types jacobins passait sous les yeux du public, en forme d'ours, tigres et singes. Dans les théâtres, il suffisait qu'une pièce, un couplet, un mot parût faire allusion à la secte détestée pour que la salle retentit d'applaudissements[38].

Courageusement, des journaux bien achalandés, le Moniteur universel ou Gazette nationale, le Publiciste, la Gazette de France, le Surveillant, menaient campagne contre les clubistes, contre la tyrannie qu'ils prétendaient exercer sur les autorités constituées. Et les publicistes graves attaquaient dans son principe la liberté de réunion et d'association, qu'ils présentaient comme la source des plus grands dangers ; elle ne devait plus se relever en France du coup que lui porta la dernière explosion démagogique. Il semble, écrivait Mme de Staël dans une lettre particulière, que les Jacobins se chargent d'être l'épouvantail de tous les principes de liberté, pour empêcher que la nation ne s'y rallie[39]. C'est à propos des troubles de 1799 que se formule à titre de projet, dans un écrit public, la disposition célèbre qui va plus tard réduire à néant le droit d'association et pulvériser l'action politique des Français. Rœderer lança une brochure dont la conclusion était celle-ci : la loi ne doit plus autoriser que les sociétés politiques dont le nombre des membres n'excède pas cinquante[40]. Mettez vingt au lieu de cinquante, étendez la défense à toutes les associations, et vous aurez l'article 291 du Code pénal, rédigé d'avance par un futur conseiller d'État de l'Empire.

 

III

Les Jacobins tourmentaient ainsi Paris sans soulever le peuple ; repoussés avec horreur par les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la France[41], ils mettaient cependant tous le pays en crise et en transes. Un observateur étranger reconnait en eux une infime minorité ; seulement, ajoute-t-il, leur parti est indubitablement le plus fort par la conformité entre le but et les moyens de tous ceux qui se rangent sans honte sous le drapeau rouge. Au contraire, leurs antagonistes, qui forment la presque totalité de la nation, demeurent divisés ; cette majorité renferme des républicains, des royalistes de toutes les couleurs et des indifférents. Il n'y a donc entre eux ni unité d'intérêt ni concert d'opinion[42]. Un autre danger provenait de ce que la bande démagogique s'était conservé, par suite du favoritisme révolutionnaire, des affiliés dans les administrations, dans la police, dans les états-majors. Depuis le 30 prairial, les Jacobins avaient mis à profit l'épurement général[43] pour s'insinuer davantage dans les emplois, pour y remplacer les repus par les avides. C'était entre leurs mains un élément de succès, en plus de la majorité intermittente qu'ils obtenaient aux Cinq-Cents et de l'indulgence, sinon de l'appui positif, qu'ils trouvaient auprès de deux Directeurs. A tout moment, on pouvait apprendre qu'ils s'étaient emparés du pouvoir par surprise légale ou violence.

Si la lutte contre le terrorisme renaissant put s'organiser, c'est que cette poussée d'en bas inquiétait fort les révolutionnaires devenus conservateurs, ceux qui aspiraient à se consolider dans leurs places et à faire de l'ordre ; elle surexcita Sieyès plus encore qu'elle ne l'émut. Il se mit, agissant dans les dessous, à préparer son coup d'État destiné à modifier la constitution et à établir un pouvoir toujours d'origine et d'essence révolutionnaires, toujours hostile à quiconque n'aurait pas donné de gages à l'ordre nouveau, mais plus ferme que l'incohérent Directoire, plus solide, plus résistant, formant digue contre l'anarchie. Ici se saisit la différence entre l'intrigue traînante attribuée à Barras auprès du Prétendant et le projet fortement médité et ruminé pas Sieyès. Dans l'effondrement général, Barras n'aurait pensé qu'à soi ; il se serait ménagé une porte de sortie, une issue dérobée pour s'évader de la République. Sieyès voulait opérer le sauvetage de tout un parti, en recréant, au moins provisoirement, une république à l'usage des révolutionnaires pourvus, menacés aujourd'hui et serrés de près par les révolutionnaires dépourvus : la république des Jacobins gouvernants contre celle des Jacobins aspirants[44]. Il paraît d'ailleurs que Barras, quoique oscillant toujours entre des partis contraires, ne refusait pas de s'associer provisoirement à la tentative révisionniste[45].

Pour cette grosse entreprise, on aurait certainement avec soi le sentiment public. La masse des sens d'ordre n'aimait pas et méprisait les révolutionnaires nantis, mais préférait tout aux Jacobins. Le public reprochait à Sieyès de n'avoir encore rien fait et le jugeait au-dessous de sa réputation si habilement ménagée ; après l'avoir aperçu plus grand que nature dans la pénombre de la coulisse, on le trouvait comme rapetissé à la lumière de la scène. On lui reprochait aussi son accueil maussade, ses façons hautaines, et d'avoir établi au Luxembourg une sorte d'étiquette. Il rallierait néanmoins les éléments conservateurs nés au sein même de la Révolution, s'il osait enfin prononcer une action, et Talleyrand travaillait à dissiper les préventions fort justifiées que conservaient les gens d'ancien régime contre cet ennemi de leur classe[46]. Toutefois, pour faire réussir matériellement l'entreprise, un général était indispensable, et encore fallait-il que ce général fut populaire, insigne, resplendissant du prestige de la victoire. Par ce temps de défaites, les vainqueurs étaient rares ; on essaya d'en faire un tout exprès.

Dans la génération des jeunes chefs de guerre, Joubert brillait au premier rang. Ayant appris la victoire à l'école du maitre, il avait à son actif de beaux faits d'armes, des exploits célèbres ; on citait ce mot de Bonaparte partant pour l'Égypte : Je vous laisse Joubert[47]. C'était un espoir, une aurore, que ce jeune homme hardi, chevaleresque, impétueux, et quelques-uns lui trouvaient un air de ressemblance avec Hoche, le héros que la fortune envieuse avait ravi aux Français. La voix publique lui promettait d'éclatants destins : Tu Marcellus eris. Joubert était profondément dégoûté de ce qu'il voyait depuis plusieurs années. Sieyès l'entreprit, s'efforça de l'endoctriner, puis lui fit confier le commandement de l'armée d'Italie, reconstituée avec beaucoup de soin derrière les Apennins, en avant de Gênes. Souvorof était en face d'elle, mais avait moins de monde à lui opposer, car il avait dû laisser en arrière une partie de ses Austro-Russes, occupés au siège de Mantoue et des forteresses lombardes. Toute la combinaison politique et militaire reposait sur cette disproportion momentanée entre les forces de l'adversaire et les nôtres[48].

Joubert rejoindrait tout de suite le quartier général ; soulevant l'armée d'une vigoureuse impulsion, il prendrait l'offensive. Assurément, il eût été plus sage d'attendre que l'armée d'Italie se fût renforcée de celle des Alpes, qui se formait sous le commandement de Championnet, et peut-être de la maintenir sur une défensive imposante, mais les réformateurs civils, n'attendant plus le salut que d'une belle bataille, d'une victoire dont la répercussion à l'intérieur serait profonde, se risquaient à jouer quitte ou double[49]. Donc, Joubert marcherait contre Souvorof et, selon le calcul de Sieyès, le battrait ; ce succès ferait de Joubert presque un sauveur et le rendrait maitre pour un instant de l'imagination publique. On pourrait alors, par un procédé qui restait sans doute à préciser, se servir de lui pour écraser la faction jacobine, dissoudre les Cinq-Cents et imposer une révision constitutionnelle.

Cette révolution ne s'opérerait point par mouvement spontané des troupes, par tumulte prétorien, chose qui n'entrait alors dans l'idée de personne et à laquelle l'armée se fût vraisemblablement refusée. L'initiative viendrait d'une fraction des autorités civiles, des hommes en place les plus réputés pour leur talent et leur savoir, qui lanceraient l'armée à l'assaut d'une légalité croulante ; dans le langage du temps, cela se définissait ainsi : appeler la force au secours de la sagesse[50]. Sieyès dévoilerait ses projets, dénoncerait le péril anarchiste, proclamerait la nécessité de donner à la France de nouvelles institutions et plus de pouvoir au gouvernement[51] ; puis, ralliant la majorité des Anciens et toute une partie des forces gouvernementales, il inviterait les troupes, électrisées par Joubert, à procéder militairement contre les dissidents et à recourir aux moyens péremptoires. Le résultat serait d'instituer, sous l'égide d'une grande réputation militaire, un gouvernement dont Sieyès aurait la direction effective.

C'était le plan de Brumaire, formé quatre mois avant l'événement. Les grandes lignes étaient tracées ; le personnel se rassemblait ; il ne manquait que l'acteur principal et le véritable bénéficiaire. Sieyès croyait ouvrir les voies à Joubert et surtout se les ouvrir à soi-même ; il les frayait à un troisième. Bonaparte emprisonné dans sa conquête, séparé de France par la mer ennemie, placé dans l'impossibilité même de donner de ses nouvelles, semblait actuellement hors de cause. Cependant, comme il pouvait revenir, après tout, et qu'alors aucune gloire ne brillerait plus auprès de la sienne, comme rien ne serait exécutable que par sa main, Sieyès se cherchait un contact indirect avec lui et ménageait la faction des frères, qui passait pour avoir conservé quelque moyen de communiquer avec l'Égypte. On a dit que Talleyrand, son plus adroit coopérateur, avait cherché depuis longtemps à glisser des émissaires personnels dans la direction d'Alexandrie[52]. Joubert paraissait néanmoins un instrument bien préférable à Bonaparte, celui-ci s'étant montré trop grand, trop ambitieux, et dépassant le rôle.

Parmi les autres chefs de l'armée, il n'était pas difficile de recruter des concours. L'anarchie directoriale, le tapage parlementaire, devenaient en horreur aux généraux. Ce régime des impuissants et des bavards révoltait leur tempérament de mâles ; leur cœur se soulevait à la fin de dégoût contre le désordre et la fétidité révolutionnaires. Si les uns allaient au jacobinisme par ambition ou par brutalité de nature, parce qu'ils croyaient trouver de ce côté quelque chose de véhément et de fort, beaucoup d'autres prêtaient l'oreille aux propositions du royalisme, écoutaient les agents, promettaient des services, se plaçaient en position de négocier leur paix particulière avec Louis XVIII. Tels déclamaient avec les Jacobins et conspiraient vaguement avec les royalistes ; tous entendaient craquer le régime et s'en écartaient, craignant d'être pris sous ses décombres. Les plus sages eussent voulu se fixer à un point tolérable entre le jacobinisme et la contre-révolution[53].

Telle était l'opinion de Moreau, qui connaissait le plan de Sieyès et l'approuvait. Son haut renom lui eût permis de coopérer très utilement, mais cet homme d'un si beau sang-froid devant l'ennemi redoutait la politique et s'y jugeait impropre ; dès qu'il s'agissait d'entreprendre à l'intérieur, il demandait à se subordonner. Il consentait seulement, si Joubert marchait, à se faire son lieutenant et son premier assistant ; répugnant à toute initiative, il se mettait à la suite. Macdonald, rentré à Paris après la Trebbia pour se soigner d'une blessure, et Beurnonville, ancien ministre de la guerre, étaient acquis ; on pourrait les opposer aux généraux qui jouaient sur la carte jacobine, Jourdan, Augereau, Bernadotte.

En fait de coopérateurs civils, Sieyès sentait la nécessité de n'en pas chercher uniquement parmi les ex-conventionnels et les révolutionnaires en place ; il visait à s'associer les restes des anciens partis libéraux et modérés. Des hommes comme Petiet, ministre de la guerre avant Fructidor et bon ministre, comme Émery, ami de La Fayette, avaient été mis dans le secret et s'employaient. Mais les véritables chefs des libéraux languissaient hors de France, exclus et proscrits ; c'étaient d'une part certains constituants de 1789, La Fayette, les frères Lameth, Latour-Maubourg ; d'autre part, ceux des fructidorisés qui ne s'étaient jamais liés à la réaction pure, Carnot entre autres. Ces deux groupes vivaient dispersés en Allemagne, en Hollande, mais ils conservaient à Paris des relations, des sympathies, des amitiés, par lesquelles ils pouvaient agir, et Sieyès considérait que ces éléments, si peu agréables qu'ils lui fussent, n'étaient plus à dédaigner. Il entrait maintenant dans son plan de faire contre le jacobinisme une concentration des modérés de toutes les époques et de toutes les nuances.

D'après un témoignage sérieux, il avait vu Carnot en Hollande, lorsqu'il était revenu de Berlin pour entrer au Directoire[54]. Carnot ne demandait qu'à seconder un acte vigoureux qui rouvrirait la France aux patriotes proscrits pour cause d'honnêteté politique. Toutefois, fidèle à son idéal républicain, il n'admettait l'intervention des troupes que pour épurer les Conseils, mater les Jacobins, abroger les lois d'exception et assurer le fonctionnement régulier des institutions existantes. Il se chargea de faire pressentir La Fayette, qui s'était établi aux environs d'Utrecht ; malgré d'amers souvenirs, une communauté de malheur, le désir de retrouver une patrie et le souci du bien public les amenaient à se rapprocher[55]. La Fayette fut prévenu en même temps par sa femme, qui était venue à Paris, où elle vit Sieyès et Emery ; il fut mis aussi en contact indirect avec Joubert et Moreau ; par différents intermédiaires, il reçut de grandes confidences[56] et des propositions.

La Fayette en exil se considérait comme un prétendant. Il croyait personnifier un régime, incarner un principe, représenter la liberté, qui viendrait un jour sauver et relever la France. Cependant, s'il parlait par moments de rentrer inopinément à Paris et de monter à cheval, il revenait promptement de ces chimères ; bien informé sur l'état de l'opinion, il se sentait dépourvu aujourd'hui de prise sur les masses et portait mélancoliquement le deuil de sa popularité, sans se résigner à croire que les Parisiens eussent totalement oublié le cheval blanc[57]. Resté ardemment Français, haïssant la contre-révolution et le parti de l'étranger, il abhorrait d'autre part les détenteurs actuels du pouvoir, les conventionnels et leur suite, ces tyrans qui avaient si odieusement monopolisé la chose publique, et il les sentait animés contre les libéraux d'incurables défiances. Ces gens-là, écrivait-il très justement[58], aimeraient mieux établir sans nous une royauté et peut être une noblesse que de consolider avec nous le meilleur gouvernement républicain. Pour qu'une partie de ces gens-là lui fissent aujourd'hui des avances, il fallait qu'un péril bien urgent les talonnât ; cette conjoncture se produisant, La Fayette inclinait à en profiter.

Il s'était convaincu qu'au milieu de l'affaissement presque général de l'opinion, on ne pouvait changer le gouvernement qu'avec l'aide d'une partie des gouvernants. Son avis était que, si les bons citoyens ne savent ni conspirer ni s'insurger, il vaut mieux devoir le salut de la France à des conversions que de ne pas la sauver du tout ; qu'une fois décidés à profiter de l'intérêt bien entendu des conventionnels, nous devions souhaiter qu'il y eût division entre eux pour que le crime eût ses boucs émissaires, mais qu'il était extravagant d'espérer que les hommes qui ont le pouvoir s'en dessaisiront en faveur de ceux qui ne peuvent et n'osent rien, à moins que ceux-ci n'en laissassent aux autres une grande portion, avec l'assurance qu'on ne cherchera plus, comme avant le 18 fructidor, à combler leur déshonneur et à machiner leur perte[59]. Entre La Fayette raisonnant ainsi et le parti du coup d'État réorganisateur, une espèce de négociation s'ouvrit â distance, par communications intermittentes.

La Fayette demandait qu'on garantît pour l'avenir un gouvernement de réparation et de tolérance : pourquoi ne pas rappeler tous les émigrés non enrôlés dans les armées ennemies ? A Paris, on lésinait, on marchandait ; on ne rappellerait que les proscrits qui avaient donné des gages effectifs ; surtout, pas de prêtres, ce serait vouloir la contre-révolution[60]. Au reste, il n'était point question de passer avec La Fayette et ses amis des accords formels, de réclamer d'eux dès à présent un concours direct. On désirait seulement qu'ils fussent avertis, invités à ne point trop s'éloigner de la frontière ; une fois le coup frappé et le nouveau gouvernement établi, on voulait pouvoir les rappeler, les montrer, les employer, se parer de leur honorabilité et de leurs talents.

Sieyès et ses amis travaillaient ainsi à faire un lendemain ; ils s'occupaient même du surlendemain. Pour beaucoup d'entre eux, dans l'avenir tel qu'ils le disposaient, Joubert n'était qu'une transition, Bonaparte un en-cas ; la solution était ailleurs, dans une royauté de fabrication révolutionnaire, qui achèverait de consolider les positions prises et les intérêts acquis.

Un roi étranger, allemand, protestant, n'était pas pour déplaire à l'homme qui posait en principe la nécessité de rompre avec toutes nos traditions ; Sieyès avait dit : Les prétendues vérités historiques n'ont pas plus de réalité que les prétendues vérités religieuses[61]. Il n'était pas seul de cet avis, et le prestige exercé sur toute une partie des hauts révolutionnaires par le protestantisme et par la Prusse, par le souvenir du roi-philosophe, les jetait parfois à d'étranges aberrations. Ils s'imaginaient volontiers qu'en se donnant à un élève du grand Frédéric, à un prince philosophe, quoique officiellement luthérien, la Révolution ferait la plus avantageuse des fins, qu'il en résulterait satisfaction pour tout le monde : pour le personnel gouvernant, impunité, sécurité, jouissance ; pour le peuple, qu'on n'était point parvenu à détacher de toute idée religieuse, un minimum de christianisme. Cet illusoire moyen de résoudre le problème religieux égarait jusqu'à des esprits très nobles ; Mme de Staël, dans un ouvrage qu'elle rédigeait et qui n'a point été publié, proposait d'établir le protestantisme comme religion d'État[62]. Plus pratiquement, l'un des familiers de Talleyrand, Sainte-Foix, disait à l'envoyé prussien : Les suffrages des autorités et de la saine partie de la nation ne se décideraient pas pour un Bourbon... Les suffrages se déclareraient plutôt pour un pince allemand et protestant, et il prononçait le nom du prince Louis-Ferdinand de Prusse[63]. Quelques-uns, reprenant une vieille idée, songeaient à un Protecteur et insinuaient tout bas le nom du duc de Brunswick, pensaient à faire régner un prince que l'on affublerait d'abord d'un titre républicain. Tous ces destructeurs étaient aujourd'hui tourmentés d'un besoin de recréer, de reconstruire ; seulement, comme ils étaient pour la plupart renégats ou régicides, comme ils ne pouvaient admettre le retour aux traditions fondamentales, comme ils ne voulaient ni du roi ni du catholicisme, ils s'épuisaient à la recherche d'une religion à côté et d'une pseudo-monarchie.

Dans les milieux jacobins et violemment patriotes, Sieyès était fort accusé d'avoir préparé, pendant son séjour à Berlin, une combinaison prussienne ou du moins allemande. Certains aveux permettent de supposer qu'il y pensa, qu'on y pensa autour de lui[64]. Pendant son passage au Directoire, il chercha aussi ailleurs l'objet désiré, le roi des révolutionnaires à opposer finalement au roi des émigrés. D'après le témoignage formel d'un homme bien placé pour savoir, Cambacérès, il fut un moment où Sieyès écouta les propositions qui lui furent faites au nom du duc d'Orléans ; Talleyrand était alors dans l'intimité de Sieyès ; ce fut par l'intermédiaire de ce dernier que l'on traita avec les agents du duc[65]. La main de Talleyrand s'aperçoit au fond de toutes les intrigues, sert de lien entre elles, essaie et remue toutes les combinaisons.

D'autre part, d'après les informations fort complètes gai l'avaient mis au courant, La Fayette confiait à Latour-Maibourg que Sieyès consentait en fin de cause n au rétablissement d'une royauté[66]. L'urgence du péril réunissait tout le parti dans l'idée qu'on ne pouvait terminer la guerre et sauver la liberté qu'en mettant un roi constitutionnel à la tête du gouvernement ; mais on était si pressé, d'un côté par la coalition, et de l'autre par les Jacobins, que le préliminaire devait être de gagner une bataille contre les puissances et d'en livrer une aux Jacobins des Cinq-Cents[67]. Faut-il croire qu'il y ait eu partie liée, accord passé avec la branche cadette ? Il y avait simplement inclination secrète et tendance vers une royauté substituée qui serait la moins réactionnaire des réactions. Dans ce sens, l'opération que le retour d'Égypte fit brusquement dévier au profit de Bonaparte, fut conçue comme une entreprise à point de départ républicain et à conclusion orléaniste.

 

 

 



[1] Père du célèbre chroniqueur.

[2] BRINKMAN, 321.

[3] Notice de Jourdan sur le 18 brumaire. Cette notice, dont nous avons donné plusieurs extraits dans la Revue des Deux Mondes (1er et 15 avril, 1er mai 1900) et dans le Correspondant (25 novembre, 10 et 25 décembre 1900), vient d'être publiée en entier dans le Carnet historique, février 1901.

[4] LA FAYETTE, V, 112.

[5] Mémoires de Gaudin, duc de Gaëte, 43.

[6] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.

[7] Notes manuscrites de Grouvelle.

[8] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.

[9] Voyez les Mémoires de Musnier-Desclozeaux, dont le véritable auteur est Réal, p. 3.

[10] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.

[11] Lettre de Robert Lindet, publiée par M. MONTIER, Robert Lindet, p. 376-377.

[12] BARRAS, III, 417.

[13] Ministère de la guerre, correspondance générale, lettre du commissaire du Directoire dans le département de la Dyle, communiquée le 13 messidor.

[14] Extraits des journaux, dans le rapport pour thermidor, publié par SCHMIDT, III, p. 420 et suivantes.

[15] Numéro du 17 fructidor an VII.

[16] Le Publiciste du 16 thermidor.

[17] Brinkman à Sparre, 10 juillet, p. 301.

[18] Voir dans Maurice TOURNEUX, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution, la liste des pamphlets de l'époque conservés à la Bibliothèque nationale. La Bibliothèque de la ville de Paris en conserve aussi un bon nombre.

[19] Adresse des citoyens de Toulouse lue au Conseil des Cinq-Cents, séance du 6 thermidor.

[20] Compte rendu donné par le Publiciste, 15 thermidor.

[21] Larévellière-Lépeaux, I, 392.

[22] Gazette de France, 2e jour complémentaire an VII.

[23] Mémoires de madame de Chastenay, 398.

[24] Papiers inédits de Sapey, ami et confident de Lucien. Cf. Frédéric MASSON, Napoléon et sa famille, I, 256-273.

[25] Compte rendu donné par la Gazette de France le 18 fructidor an VII. Séance du 17.

[26] Gazette de France du 19 messidor : Une société s'occupant de questions politiques a voulu s'installer hier aux environs de la rue Honoré ; les citoyennes de la Halle, qui n'ont pas vu cette réunion de bon œil, ont chassé fort impoliment les membres, cassé la sonnette et renversé le bureau, en disant qu'on était revenu de ces bamboches et qu'on se souvenait trop à quoi elles étaient bonnes.

[27] On sait que la salle s'élevait à peu près au point d'intersection des rues actuelles de Rivoli et de Castiglione. La physionomie du quartier a été reconstituée par M. E. Drumont dans son volume Mon Vieux Paris, 14-22.

[28] Discours de Destrem, Publiciste, 30 messidor.

[29] Compte rendu publié dans la Gazette de France du 4 thermidor.

[30] Séance du 30 messidor, compte rendu inséré dans la Gazette de France du 6 thermidor.

[31] Rapports de la police militaire du 20 au 25 messidor. Archives de la guerre, correspondance Générale.

[32] SCHMIDT, Tableaux de la Révolution, III, 400.

[33] Rapports de la police militaire du 23 au 24 messidor. Archives de la guerre, correspondance Générale.

[34] Journaux parisiens de messidor et fructidor, passim. Détail du grand événement arrivé hier aux Tuileries, à dix heures du soir, entre les royalistes et les républicains, etc. Bibliothèque de la ville de Paris, pièce. Cf. le rapport du bureau central pour messidor, par SCHMIDT et par M. AULARD dans son recueil : Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, V, 634.

[35] Rapport de la police militaire du 24 au 25.

[36] Rapport de la police militaire du 24 au 25.

[37] Voyez le rapport de messidor dans SCHMIDT, III, 400. Rapport de la police militaire du 20 au 21. Archives de la guerre, correspondance Générale.

[38] Brinkman à Sparre, 10 juillet, 301.

[39] Archives de Coppet. Ces archives nous ont été ouvertes par l'aimable obligeance de M. le comte d'Haussonville.

[40] RŒDERER, Œuvres, VII, 94.

[41] Publiciste, 30 vendémiaire.

[42] Brinkman à Sparre, 299, 300.

[43] Brinkman à Sparre, 301.

[44] LA FAYETTE, V, 29.

[45] Ibid., 123, 134.

[46] Notes manuscrites de Grouvelle.

[47] Mémoires de Fouché, I, 93.

[48] La note suivante, adressée par Sieyès au ministre de la guerre, montre bien que ce Directeur se croyait sûr d'un succès en Italie : Les armées d'Italie et des Alpes présentent une force au moins égale à celle du général ennemi Suwarow. Il a des places à investir, d'autres à assiéger. Il est donc très probable que nous obtiendrons de prochains avantages sur les troupes ainsi partagées en plusieurs corps... Archives de la guerre, correspondance générale.

[49] LA FAYETTE, lettre à Latour-Maubourg, 17 octobre, 123. Tous les mémoires des hommes mêlés de près ou de loin aux événements s'accordent sur le rôle dévolu à Joubert, mais la longue lettre de La Fayette à Latour-Maubourg, écrite à la suite d'ouvertures positives, a la valeur d'un témoignage contemporain.

[50] C'est ainsi que le Moniteur caractérisera l'acte de Brumaire. Après le 18 fructidor, le Directoire avait dit exactement la même chose ; il avait dit : La sagesse a conduit la force.

[51] Notice de JOURDAN.

[52] Souvenirs de Le Couteulx de Canteleu, dans LESCURE, Mémoires sur les journées révolutionnaires, II, 213-214.

[53] LA FAYETTE, V, 117.

[54] LA FAYETTE, lettre à Latour-Maubourg, V, 118.

[55] Le fils de Carnot ne croyait pas à la réalité de ces pourparlers (Mémoires sur Carnot par son fils, II, 199-200), niais il nous parait difficile de révoquer en doute la véracité de La Fayette dans sa lettre toute confidentielle à Latour-Maubourg.

[56] Lettre à Latour-Maubourg, 120.

[57] Lettre à M. Masclet, 8 mai 1799, V, 27.

[58] Lettre à Latour-Maubourg, 18 octobre, V, 134.

[59] Lettre à Latour-Maubourg, 17 octobre, V, 100.

[60] LA FAYETTE, V, 120.

[61] Paroles citées par M. Albert SOREL, la Révolution et l'Europe, IV, 295.

[62] Madame de Staël et la République en 1798, par M. Paul GAUTIER. Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1899.

[63] BAILLEU, I, 330.

[64] Voyez la conversation rapportée dans les Mémoires de Fouché, I, 70-74. M. Madelin a établi que ces Mémoires, jugés d'abord apocryphes, ont été certainement inspirés par Fouché et ne sont pas un témoignage à négliger. La Révolution française, 14 septembre 1900.

[65] Éclaircissements inédits de CAMBACÉRÈS.

[66] Lettre du 17 octobre, 123.

[67] Lettre du 17 octobre, 122.