1637. — Reprise des îles de Lérins sur les Espagnols. — Disgrâce du maréchal de Vitry. De St Germain en laye, ce 10 janvier 1637. En me enqueestant combien il y avoit de Joinville a Sedan — ou jay trouvé ny avoir que 26 lieues — jay pancé a Ste Menehourt ou je croy quil seroit a propos de mettre quelque garnison, je vous prie de vous enquester de M. des Noyiers si Arnoul y est retourné et en cas quil soit encore a Paris le faire partir diligemment[1]. Je vous prie de me mander si vous croyiés que je puisse demeurer encore quelque temps en ce lieu auquel cas je feroy venir la Reyne, les soirées estant bien longues icy sans compagnie. Je vous recommande toujours davoir soin de vous plus que jamais, je me porte bien grâces au bon Dieu. LOUIS. Depuis ma lettre escrite jay veu M. de Chavigny qui na rien reseu et le petit St Chamont qui dist que Matieu vous aura randu le paquet de son pere[2], jay veu la lettre que son frère luy en escrit qui porte ce que je vous ay mandé dans le précédant mémoire et que pendant ledit temps il espère y en faire entrer un autre, Rampsau[3] ma promis que si Ermestain[4] tient encor 15 jours après que il sera dans le pais que il y jettera des vivres assurément. LOUIS. — (Ibid., fol. 244 et 245.) — (Original.) De St Germain, ce 28 mars 1637. Le jeune brulon vin ier au soir qui dit que le duc de Weimmar presse toujours son audiance de congé — et que Bonika[5] tesmoigne estre plus satisfait que il nestoit avant ier — je vous prie me mander ce que jay a faire la dessus[6]. LOUIS. — (Ibid., fol. 247.) — (Original.) — (Ibid., 1637, janvier à mai, fol. 411.) — (Copie.) De St Germain, 5 mai 1637. Je croy que le randés vous de larmée de Picardie sera mieux a Aumalle que a Bray côme nous avions resolu lautre jour quand quand je fus à Ruel. LOUIS. — (Ibid., t. V, fol. 248.) — (Original.) 13 may 1637. Mon cousin, vous saurés par le sieur de Oinville la capitulation du fort Ste Marguerite[7] jespère que le bon Dieu nous continuera le reste de cette année ses bénédictions pour avoir une bonne paix ensuite de quoy je le prie de tout mon cœur et quil vous tienne toujours dans sa Ste garde. LOUIS. — A onze heures du soir ce 13 may 1637. — (Ibid., fol. 248 bis.) — (Original.) De Fontenebleau, ce 25 juin 1637. Je tien a bon augure la prise de Chaû Cambresi jespère que nous aurons bonne isue de Landrechy[8] vous avez très-bien fait de mander à A[9]... et St Luc de sen aler à leurs charges si ils ny vont après ce commandement il les faut mettre, à la Bastille pour faire exemple. LOUIS. — (Ibid., fol. 249.) — (Original.) De Madrid, ce 20 juillet 1637. Je vous envoye dans ce paquet la lettre pour M. le conte jay donné lordre a la ferté mon aumonier de vous aler trouver pour savoir de vous tordre quil a tenir pour lexécution de lafaire pour laquelle il va a Sedan[10] je vous renvoye aussi dans ce paquet lextrait que vous mavés envoyiés des armes qui doivent entrer en France. LOUIS. — (Ibid., fol. 250.) — (Original.) Chantilly, le 16 août 1637. Patrocle[11] ariva ier icy lequel a tenu de très mauvais discours de vous et de moy je vous en diroy davantage a la première vue, je vous prie ne dire cecy que a M. de Noyiers, je croy que il le faudra envoyier hors de Paris côme on a fait la supérieure ou le mettre a couvert, le plus tost que on le poura faire sera le meilleur, donant cerneje croy de mauvois conseils a Chenelle[12], je men va courre le loup a Merlou. — LOUIS. — (Imprimé, Histoire de Louis XIII par le Père Griffet, t. III, p. 48.) — (Papiers de Richelieu, t. V, p. 808.)[13] De St Maur, ce 13 septembre 1637. Je vous renvoye le paquet que vous mavés envoyié par lequel je voy les deplesirs que resoit le conte D[14] des nouvelles que il resoit de Flandre, il comance deja a songer a lannée qui vient, il est necessaire que nous en fasions de mesme je vous atandroy demain en ce lieu avec impatiance. LOUIS. — (Arch. des arr. étrang., France, t. V, fol. 251.) — (Original.) De St Maur, ce 15 septembre 1637. Je vous envoye dans ce paquet un mémoire que me vient de donner un gentillome du maréchal de Vitry des choses quil dit avoir esté fournies aux illes de Ste Marguerite et St Honorat, jay esté bien ayse davoir ocasion de vous envoyier ce mémoire pour vous asurer de la satisfaction que jay de vous avoir veu ier et vous asurer toujours de mon affection, je men vas coucher aujourdhy Tigery. LOUIS. — (Ibid., fol. 252.) — (Original.) De Crosne, ce 12 octobre 1637. Je suis bien faché de quoi on a abandonné si tost Maubeuge et perdu tous les vivres que nous avions dedans, Savignac ma dit que il ne faloit plus atandre que cette armée peut rien faire cette ànée de ce costé la[15], cest pourquoy il faut songer a faire réusir lentreprise de M. de Chatillon en luy envoyiant un ]'an-fort de cavalerie le plus promptement que faire ce poura[16] jay chargé Savignac de vous le dire et encore quelque autre pettite chose, je vous dis encor quil faut apuier fortement le siège de M. de Chatillon[17]. LOUIS. — (Ibid., fol. 253.) — (Original.) De Versailles, ce 30 octobre 1637. Jenvoye ce gentillôme exprès pour savoir de vos nouvelles, le gentillôme de M. de Chatillon ma dist quil y avoit quantité de fourages dans le camp, il seroit a propos de les faire mettre dans fa ville parce que il est nessessaire dy tenir 150 ou 200 chevaux de garnison cet hiver[18], je ne voy pas que M. de Chatillon ait grande envie dataquer Ivoy[19], jay plusieurs choses a vous mander si M. de Noyiers na que faire vous me feriés plesir de me lenvoyier se soir sur les 4 a 7 heures. LOUIS. — (Ibid., fol. 255.) — (Original.) De Crosne, ce 3 novembre 1637. Je vous envoye dans ce paquet la lettre pour ma sœur, je lay escrite de ma main[20]. Je suis très aise de Mrs les Holandois se résolvent de faire quelque chose de bon lannée qui vient, il les faut conforter en cette bône résolution. Je ne me porte pas trop bien, je men vas prendre un petit remède, et encor un demain matin. LOUIS. — (Ibid., fol. 256.) — (Original.) De Versailles, ce 8 novambre 1637. Je vous avois mandé avant ier que je n'arriverois en ce lieu que aujourduy mais le vent sestant mis avant (hier) au soir dans son trou qui est a dire au mauvois temps par lavis du marquis home a ce cognoissant je me resolus de venir dès ier coucher en ce lieu pour éviter ledit mauvois temps quil devoit faire et sauver la vie a mes oiseaux qui fussent morts par les chemins si ce temps nous y eust trouvés, nous asisterons aujourduy M. le curé a dire vespres et je vous iroy voir demain en men alant a la garnison, je me portes fort bien grâces au bon dieu et suis fort gailart. Louis. — (Ibid., fol. 258.) — (Original.) De Versailles, ce 8 novambre 1637. Je ne manqueroy pas de me randre a Ruel demain entre une et deux heures après midy[21]. Le voyage de M. de Noyiers a Paris pour les cartiers diver est très a propos, nous serons bien empêchés, ou faire subsister nos troupes sans ruiner les pais ou elles seront, il faudra faire tout ce que on pourra pour l'empescher. LOUIS. — (Ibid., fol. 257.) — (Original.) De St Germain, ce 27 décembre 1637 a 10 heures du soir. Jay oublié a vous dire aujourdhuy que je donnois demain audiance aux ambassadeurs Dangleterre je vous prie de me mander ce que jay a leur répondre sur les vesseaux qui ont estés arrêtés[22] et ausi sur le traité quils font avec M. de Billion si M. de Chavigny faisoit son devoir je ne vous donnerois pas cette peine, le voyage de la Reyne thés la tante a esté désaprouvé de tout le monde[23]. LOUIS. — (Ibid., fol. 259.) — (Original.) |
[1] On délaissait le comte de Soissons, mais on n'en prenait pas moins les mesures nécessaires pour empêcher le succès d'une tentative armée de sa part. On réunissait des troupes dans toutes les villes de Champagne, à Montereau, à Rocroi, à Charleville, à Mouzon. Nous pensons que Louis XIII a voulu écrire entre parenthèses le contraire de ce qu'il a écrit réellement, car la phrase constituée comme elle l'est n'a pas de sens. On ne peut comprendre pourquoi, Joinville n'étant éloigné de Sedan que de vingt-six lieues, le roi préfère Sainte-Menehould qui est plus rapprochée encore de la ville où s'était réfugié le comte de Soissons.
[2] Saint-Chamond était en Allemagne, chargé d'affaires auprès des généraux de l'armée suédoise.
[3] Rampsau, officier allemand au service de la France, était celui qui avait délivré la ville de Saint-Jean de Losne.
[4] Cette ville d'Ermestain, nominée par Richelieu et d'autres personnages soit Hermensten, soit Hermstein, est Ehrenbreitstein, situé en face de Coblentz, et qu'assiégeait alors Jean de Wert. Malgré le secours qu'elle reçut, la ville capitula le 27 juin.
[5] Ponica était l'agent du duc de Weimar. Louis XIII, ainsi que Richelieu le faisait quelquefois, se moque ici de la prononciation difficile de ces officiers allemands.
[6] Richelieu répondait le même jour au roi que Bridon exagérait certainement le mécontentement du duc de Weimar, et que d'ailleurs M. de Noyers partait pour Paris afin de terminer les affaires du général étranger. (V. Papiers de Richelieu, t. V, p. 1022.)
[7] L'armée navale préparée, par les soins de Richelieu, sur les côtes de l'Océan, avait quitté la Rochelle le 10 juin 1636 pour se rendre dans la Méditerranée, afin d'y reprendre sur les Espagnols les îles Sainte-Marguerite. Arrivée heureusement vers la fin du même mois au lieu de sa destination, la flotte française se préparait à la lutte, lorsqu'une contestation s'éleva entre le comte d'Harcourt, qui commandait la flotte, et le maréchal de Vitry, gouverneur de Provence, sur l'étendue de leurs pouvoirs. Cette contestation empêcha toute action immédiate. Les Espagnols, qui se présentèrent par deux fois au mois d'août, pour combattre, furent repoussés, puis la flotte française alla mouiller à Toulon pour y passer l'hiver. Ces retards, produits par des discussions sans importance réelle, ne plaisaient pas à Richelieu. Aussi, le 9 décembre, répondait-il à l'archevêque de Bordeaux, qui se plaignait d'avoir, dans la chaleur d'une discussion, reçu des coups de bâton du maréchal de Vitry : Il faut servir le roi aux occurrences présentes, puis on verra ce qu'il faudra faire pour réparer le tort que vous avez reçu. (Papiers de Richelieu, t. V, p. 708.) On voit que l'intéret général le préoccupait un peu plus que les mesquines querelles de tous ses subordonnés. I.e 15 février, Richelieu écrit de nouveau au même archevêque, et sa pensée perce encore de la même façon : Si vous pouvés maintenant, dit-il, faire l'attaque des îles, vous ferés l'action la plus glorieuse du monde et rendrés un service si signalé à Sa Majesté qu'il sera capable de lai faire oublier tout le passé. (Idem, p. 1017.) Un tel langage était nécessaire, et il produisit d'heureux effets. Dès le 24 mars, la flotte française attaqua les lies. Les Espagnols abandonnèrent successivement les cinq forts de l'île Sainte-Marguerite. Le 20 avril, ils ne tenaient plus que dans le fort Royal, et, le 6 mai, ils promettaient de le rendre le 12 s'ils n'étaient pas secourus. C'est cette nouvelle que venait de recevoir Louis XIII. La garnison du fort Royal se rendit, comme elle l'avait promis, le 12 mai. Trois jours après, les Espagnols abandonnaient aussi l'île Saint-Honorat, et, le 16, jour de la fête du patron de cette île, l'archevêque de Bordeaux y célébrait la messe. Tout était terminé de ce côté. Richelieu, qui n'oubliait rien, songea alors à venger l'archevêque de Bordeaux. Le 27 octobre suivant, le maréchal de Vitry entrait à la Bastille, d'où il ne devait sortir qu'en janvier 1613, après la mort du cardinal.
[8] Le cardinal de la Valette avait pris Cateau-Cambrésis, le 20 juin, après un siége de trois jours. Il assiégeait à ce moment Laudrecies.
[9] Nom illisible.
[10] Louis XIII écrivit, en effet, ce jour même au comte de Soissons pour lui exprimer son contentement de le voir rentrer dans son devoir. Richelieu lui écrivit aussi pour le féliciter d'avoir traité avec le roi et lui promettre qu'il n'oublierait rien pour le faire rentrer complètement en grâce. La Ferté, aumônier du roi, porta à Sedan la lettre de Louis XIII, et fit écrire et signer par le comte de Soissons un acte d'entière soumission aux volontés du roi. (Arch. des aff. étrang., France, 1637, de juin à août, fol. 250.) Le comte de Soissons consentit à toutes les promesses qu'on voulut lui faire faire, mais il obtint de rester à Sedan. C'était là ce qu'il voulait. Dès lors, cette ville devint un foyer de conspirations, et lorsque le comte crut être assez fort pour lutter, il leva le masque. Le combat de la Marrée et la mort du comte de Soissons terminèrent cette dernière tentative.
[11] Ecuyer de la reine.
[12] Anne d'Autriche.
[13] M. Avenel, qui a copié cette lettre sur l'original et non dans l'ouvrage du Père Griffet, indique la source où il a puisé ce document. C'est M. L. P. de Saint-Albin, possesseur actuel de cette lettre de Louis XIII. qui a bien voulu lui donner communication de cette pièce autographe. Elle porte la même suscription que toutes celles que nous avons déjà données : Pour mon cousin le cardinal de Richelieu. Cette lettre prouve que si Richelieu et toujours surveiller Anne d'Autriche, il ne le fit que du plein consentement de Louis XIII, qui voyait toujours en la reine une Espagnole, alliée naturelle des ennemis de l'extérieur comme de ceux de l'intérieur. En éloignant d'Anne d'Autriche tous ceux qui la portaient à intriguer contre Richelieu, Louis XIII croyait défendre non-seulement son ministre, mais aussi les intérêts de la France et ceux de son autorité royale.
[14] Le comte d'Olivarès, duc de San-Lucar, premier ministre et favori de Philippe IV, se faisait appeler le Comte-Duc.
[15] Le cardinal de la Valette, après ses premiers succès, venait de laisser le cardinal-infant lui enlever Maubeuge.
[16] C'est sur la Meuse que le maréchal de Châtillon opérait. Le lendemain, 13 octobre, Richelieu écrivait au cardinal de la Valette pour lui donner l'ordre d'envoyer une partie de ses troupes au maréchal de Châtillon : Un des plus grands profits du reste de cette campagne ; lui disait-il, est de prendre Damvilliers. (V. Papiers de Richelieu, t. V, p. 1061.)
[17] Le siège de Damvillers, près de Montmédy, que dirigeait le maréchal. La ville fut prise le 27 octobre.
[18] D'après la Gazette du 30 octobre, c'est le sieur de Fontenay qui venait d'apporter la nouvelle de la prise de Damvillers.
[19] En même temps que le maréchal enlevait Damvillers, les ennemis surprenaient Ivoy, près de Sedan. Ce petit échec pour les armes françaises froissa profondément Louis XIII, qui, à plusieurs reprises, insista auprès du maréchal de Châtillon pour que celui-ci essayât de reprendre la ville ; mais le maréchal, fatigué par la campagne, refusa, et ni le roi ni Richelieu ne purent vaincre sa résistance sur ce point. Le maréchal voulait prendre ses quartiers d'hiver, et il les prit malgré la volonté contraire de Louis XIII. Cela montre assez quelles résistances Richelieu avait à vaincre, de la part d'une noblesse altière et encore trop indépendante. (V. Papiers de Richelieu, t. V p. 879.) Cette ville d'Ivoy est là moderne Carignan.
[20] La duchesse de Savoie, qui était malade à ce moment. Nous n'avons pas cette lettre, et elle n'a pas été publiée.
[21] Pour être plus près de Rueil, il alla coucher le même soir à Saint-Germain.
[22] Ces vaisseaux furent délivrés dans les premiers jours de mars. La Gazette du 13 mars publie la permission donnée par le roi à tous les vaisseaux anglais de sortir du royaume et de continuer leur commerce comme auparavant...
[23] Voir plus haut l'étude sur les relations de Louis XIII et de mademoiselle de la Fayette. Louis XIII gardait rancune à madame de Senecé pour les intrigues qu'elle avait nouées autour de sa nièce. Malgré la résistance de la reine, le roi força madame de Senecé à quitter la cour définitivement, et, à peine un an plus tard, elle était remplacée, dans son poste de dame d'honneur d'Anne d'Autriche, par la comtesse de Bressan. Cette disgrâce fut annoncée par la Gazette du 20 novembre 1638.