1632. — Révolte de Monsieur et du duc de Montmorency. — Déclaration contre le duc d'Orléans. — Louis XIII part pour le Languedoc. — Bataille de Castelnaudary. — Retour de Louis XIII à Paris. — Maladie de Richelieu à Bordeaux. — Mort de Gustave-Adolphe. — Richelieu revient à Paris. — Son entrevue avec Louis XIII. À mon cousin le cardinal de Richelieu, Mon cousin, j'ai été extrêmement ayse d'aprendre par vostre lettre que vous vous portiez bien ; je m'en vois aujourd'hui à Laon où je séjourneroy demain pour vous attendre[1], estant en grande impatiance de vous revoir ; je me trouvoi hier soir un peu mal, mais à ceste heure, je me porte très bien, Dieu mercy ; asseurez vous de mon affection qui sera toujours telle que vous la pouvez désirer, je finiroy celle-cy en priant le bon Dieu de tout mon cœur qu'il vous tienne en sa saincte garde. — LOUIS. A la Fère, 7 juin 1632. — (Ibid., fol. 13.) — (Orig.) A mon cousin le cardinal de Richelieu. Mon cousin, Lépine[2] passant icy, j'ay ouvert son paquet et leu toutes les lettres excepté les vostres ; je vois demain dîsner à Fontenebleau[3], où je vous attendroy avec impatiance. — Louis. A Fleury, 13 août 1632. — (Ibid., fol. 14.) — (Orig.) Monsieur, entré en France, par le Bassigny, le 8 juin précédent, avec dix-huit cents hommes, presque tous étrangers, après avoir traversé la Bourgogne, le Bourbonnais et l'Auvergne, était entré en Languedoc, où il avait trouvé un allié puissant dans le duc de Montmorency, gouverneur de cette province. Mais les maréchaux de la Force et Schomberg avaient suivi la marche du duc d'Orléans, chacun avec un corps d'armée. Dans les premiers jours d'août, on attendait impatiemment à Paris des nouvelles du Midi. Louis XIII, comme on vient de le voir, était même assez inquiet. Malgré un premier avantage remporté le 9 août, près de Montpellier, par la Force sur un parti des troupes de Monsieur, commandé par le sieur d'Elbène, combat dans lequel celui-ci eut soixante cavaliers tués et cent quarante faits prisonniers, la guerre menaçait de traîner en longueur. Aussi le roi résolut-il d'aller en personne dans le Midi pour hâter le rétablissement de l'ordre. Le 12 août, il fit enregistrer par le Parlement une déclaration portant que tous les partisans de son frère seraient considérés comme criminels de lèse-majesté et perturbateurs du repos public. C'est pour entretenir Richelieu de ces événements qu'il le mande à Fontainebleau dans la lettre que nous venons de donner. Peu de jours après, Louis XIII partait pour le Languedoc en passant par Lyon ; mais sa santé l'ayant forcé de séjourner dans cette ville, et les événements s'étant précipités, il y était encore lorsqu'il apprit que tout était terminé et que le 1er septembre les troupes de son frère avaient été battues à Castelnaudary, et le duc de Montmorency fait prisonnier dans la même journée. A mon cousin le cardinal de Richelieu[4]. Puisque vous me mandés que vous serés à Rochefort[5] le 3 ou 4 du mois prochain, je veux prendre le terme le plus court et vous assure que je seroy lundy devant trois heures après midi à Rochefort où je vous atendroy avec impatiance, je ne doute poinct que le désir de me revoir ne vous empêche de ressentir les incommodités du mauvais temps. Assurés vous de mon affection qui sera toujours telle que vous la pouvez désirer. — LOUIS. A Saint-Germain-en-Laye, ce dernier décembre 1632. (Ibid., fol. 18.) — (Original.) — Mêmes archives, t. 55, fol. 525. — (Copie.) Après la pacification du Languedoc, Louis XIII et son ministre s'étaient séparés, le premier pour retourner à Paris directement, Richelieu pour aller visiter les côtes de l'Océan. Retenu à Bordeaux par une maladie qui faillit l'emporter et qui l'obligea de rester dans cette ville jusqu'à la fin de novembre 1632, il n'en partit pour rejoindre le roi que lorsqu'il eut reçu la nouvelle de la mort de. Gustave-Adolphe, tué à la bataille de Lutzen le 16 novembre. Le cardinal nous raconte lui-même que, lorsque Louis XIII le vint voir à Rochefort, deux jours avant son arrivée à Paris, le roi était tellement ému par le regret de sa maladie passée, mêlé avec le contentement do le revoir en santé, qu'il le tint longtemps embrassé sans lui parler, que de soupirs et de larmes de douleur et de joie, reconnaissant la grâce évidente de Dieu, en ce qu'il n'était tombé malade qu'après la fin du mouvement du Languedoc, et que la bonté divine lui avait rendu la santé au temps qu'il était nécessaire de consulter le remède qu'il fallait apporter aux affaires d'Allemagne, desquelles dépendait la paix générale de la chrétienté[6]. |
[1] Voici comment la Gazette de France raconte cette maladie du cardinal : Le roi, partant d'Amiens le 2 du courant, s'en alla coucher à Corbie, où le cardinal-duc de Richelieu fut attaqué d'un accès de lièvre, qui l'obligea d'y séjourner deux jours, mais avec un si heureux succès, que dans ce temps-là deux saignées l'ont remis on santé... Le 4, le roi et la reine vinrent coucher à la Fère... Le 7, le roi et la reine en partirent et vinrent coucher en cette ville de Laon. Le 8, le cardinal-duc y vint aussi de la Fère rencontrer Sa Majesté, qui en est parti ce jourd'hui pour Rheims par Notre-Dame-de-Liesse. Gazette de France, 1632, p. 228, sous la rubrique : De Laon, le 8 juin. Mais, avant de rejoindre Louis XIII, Richelieu lui écrivit pour le remercier de la lettre qu'il avait reçue de lui. Je me sens si confus de l'honneur qu'il vous plaist me faire que je ne voudrois pas n'avoir esté malade pour avoir lieu de recevoir tant de grâces nouvelles que celles qu'il vous a pleu me faire ; lesquelles je recognoistrai toute ma vie..... Papiers de Richelieu, t. IV, p. 302. Et c'est malgré toutes ces preuves continuelles d'affection que le cardinal recevait de son maitre, qu'il doutait encore de la faveur dont il jouissait, et que ses ennemis, fondant leur opinion sur sa défiance et sur leur propre haine, ont accusé Louis XIII de ne l'avoir pas aimé.
[2] L'Epine était huissier du cabinet du roi.
[3] A la date du 12, la Gazette dit que le roi alla de Paris dîner à Villejuif et coucher à Juvisy, pour se rendre à Fontainebleau. Gazette de France, 1632, p. 316.
[4] Cette note a déjà été citée dans les Papiers de Richelieu, publiés par M. Avenel, t. IV, p. 417.
[5] Rochefort, château situé à dix lieues de Paris, et appartenant au duc de Montbason.
[6] Mémoires de Richelieu, liv. XXIII, t. VIII, p. 435, col. I.