Bataille de Rhétel. -
Requête de la princesse de Condé et de Mme de Longueville. - Mort de la
princesse douairière. - Remontrances du parlement pour la liberté des
princes. - Retour du cardinal à Paris. - Conférences entre Mazarin et le duc
de la Rochefoucault. - Remontrances de Matthieu Molé. - Concession tardive
faite au parlement. - Rupture du duc d'Orléans avec la reine et le ministre.
- Le parlement demande l'éloignement du cardinal. - Mazarin quitte Paris. -
La reine veut le suivre. - Les bourgeois prennent les armes. - Anne
d'Autriche ne peut sortir de Paris. - Les princes mis en liberté. - Leur
retour à Paris. - Mazarin se retire dans l'électorat de Cologne. - Assemblée
de la noblesse. - Division entre les ennemis de Mazarin. - Changement dans le
conseil. - Réunion des chefs des deux frondes au Luxembourg. - Mécontentement
de Gaston. - Prétentions de Condé. - Le prince se brouille avec la reine. -
Anne d'Autriche se réconcilie avec les frondeurs. - Dangers et fuite de M. le
prince à Saint-Maur. - Débats dans le parlement. - Retour de Condé à Paris. -
Manifeste de la reine sur sa conduite. - Querelle de Condé et du coadjuteur.
Déclarations contre Mazarin et en faveur de Condé. - Le prince quitte Paris.
Mazarin,
si universellement haï, si outrageusement traité, servait l'État avec énergie
et succès, tandis que ses ennemis, se livrant à de misérables et immorales
intrigues, tramaient sa perte. Les Espagnols gardaient Rhétel, dont ils
s'étaient emparés à l'époque de leur invasion en Champagne avec Turenne. Le
cardinal crut qu'il importait à l'honneur du gouvernement de ne point laisser
cette place entre les mains des ennemis de la France. Il envoya au maréchal
du Plessis les troupes revenues de Guienne, et lui-même se rendit à l'armée
au commencement de décembre, afin d'encourager le soldat à bien faire. Le siège
de Rhétel fut commencé le 9 ; après quatre jours de défense, le gouverneur,
voyant la brèche ouverte, capitula pour la ville et pour le château. Turenne,
qui venait à son secours, apprit sa soumission et se retira. Du Plessis se
mit aussitôt à sa poursuite, l'atteignit à sept lieues de Rhétel, entre les
villages de Semide et de Sommepy, et le força de combattre sur un terrain
désavantageux. La lutte fut acharnée ; mais la victoire demeura enfin 'au
maréchal du Plessis, qui paya cet honneur de la mort de son fils aîné.
L'armée de Turenne, rompue, enfoncée et mise en déroute, laissa plus de
quatre mille morts ou prisonniers sur le champ de bataille. Le général
lui-même ne dut son salut qu'à un prodige de courage et de bonheur, et
s'enfuit avec cinq cents chevaux jusqu'à Bar-le-Duc, d'où il se rendit à
Montmédy (15
décembre). Aussitôt
après cette bataille, Château-Porcien ouvrit ses portes à l'armée du roi, et
la ville de Mouzon resta seule aux Espagnols. Dans le
conseil de guerre, le ministre avait fait prendre la résolution de livrer
bataille. Quoiqu'il souffrît de la goutte, il s'était mis à la tête du
régiment des gardes et avait voulu partager l'honneur de la journée. La
victoire lui causa une vive satisfaction ; il crut que son pouvoir en serait
plus affermi, et pourtant il n'avait jamais été en si grand péril. Pendant qu'il
prenait des villes et qu'il obtenait de brillants et rapides succès sur les
Espagnols, ses adversaires s'agitaient dans le parlement, et la coalition des
deux frondes commençait habilement ses attaques. Le lendemain du départ de
Mazarin, le conseiller Deslandes-Payen présente aux magistrats réunis des requêtes
de la princesse de Condé et de Mlle de Longueville, qui demandaient que les
princes prisonniers au Havre fussent jugés ou mis en liberté. Lecture faite
de ces requêtes, il fut décidé sans contestations qu'elles seraient renvoyées
aux gens du roi, et qu'il en serait délibéré sous cinq jours dans l'assemblée
générale des chambres. Quelques
triols auparavant, la mère de Condé, prosternée aux pieds des juges, n'avait
pu les intéresser à ses plaintes. Elle n'eut même pas encore la consolation
d'apprendre que sa belle-fille avait été plus heureuse qu'elle. En effet le
jour où la requête de Clémence de Maillé était lue au parlement, l'infortunée
douairière rendait le dernier soupir, en témoignant Ia regret, de laisser
dans les fers un fils dont elle s'était trop enorgueillie. Elle était à
l'agonie, lorsqu'elle se tourna vers Mme de Brienne sa parente, lui tendit la
main, et poussant un soupir : « Ma chère amie, dit-elle ; mander à cette
pauvre misérable qui est à Stenai l'état où vous me voyez, et qu'elle apprenne
à mourir. » Cas paroles ne furent point perdues pour la duchesse de
Longueville ; car, bientôt désabusée par ses propres infortunes de la
fausseté des grandeurs de la terre, « elle voulut préférer une vie austère et
une bonne mort à une vie délicieuse et mondaine[1]. » Anne
d'Autriche apprit avec un vif déplaisir la décision du parlement. Comme elle
était alors malade, elle pria la compagnie de ne s'assembler pour aucune
affaire jusqu'à ce que sa santé fût meilleure. Les magistrats accordèrent
seulement un délai de quatre jours, la traitant en cela plus durement que Li
moindre personne de son royaume. La délibération fut reprise le 14 décembre,
et le duc d'Orléans invité à venir prendre sa place au palais. Mais le moment
de s'expliquer n'était pas encore venu, et Gaston refusa. Broussel se déclara
le premier, et bientôt les frondeurs et les partisans des princes vomirent
mille injures contre le cardinal ; presque tous le traitèrent de perturbateur
du repos public. Sur ces
entrefaites arriva la nouvelle de la victoire de Rhétel, remportée par ses
soins ; elle consterna les frondeurs du parlement et ceux de la ville. Ils
montrèrent plus de modération dans leurs paroles, et au Te Deum chanté à
Notre-Dame on remarqua beaucoup d'inquiétude sur tous les visages. Mais le
coadjuteur releva les esprits abattus par un discours en faveur des princes.
Puis les opinions devinrent plus hardies, et le premier président lui-même, à
qui l'archevêque n'avait pas laissé pénétrer l'union de la grande et de la
petite fronde, dans la crainte qu'il ne s'opposât à leurs efforts communs,
soutint la compétence du parlement dans la connaissance de l'affaire des
princes. L'autorité de Matthieu Molé entraîna tous les membres de la
compagnie, et une écrasante majorité décida que « très-humbles remontrances
seraient faites au roi et à la reine sur l'emprisonnement des princes et pour
demander leur liberté, » qu'un président et deux conseillers iraient
supplier le duc d'Orléans d'employer son crédit et autorité à cet effet (30 décembre). Le jour
suivant, le ministre rentra dans la capitale, justement fier d'avoir
contribué à la gloire de la France. Le vainqueur de Rhétel lui avait proposé
de ramener l'armée sous les murs de Paris et de recourir à la violence contre
les artisans de troubles : Mazarin avait refusé. Trompé sur l'état de ses
affaires par les acclamations du peuple qui s'était assemblé dans les rues
pour le voir passer, et l'empressement des courtisans, il se flatta de
renverser, à force de négociations, les projets de ses ennemis, et de tout
sauver en gagnant du temps. Pour cela il fallait retarder la réception des
remontrances ordonnées par le parlement. Anne d'Autriche vint au secours de
son ministre, et, sous prétexte de maladie, elle l'ajourna pendant trois
semaines. Le cardinal ne sut pas mettre à profit ce délai précieux il reprit
ses conférences nocturnes avec le duc de la Rochefoucault, venu à Paris sans
permission pour achever les négociations commencées à Bourg, et qu'un asile
chez la princesse palatine dérobait à tous les regards. Le duc
n'avait jamais eu d'estime ni d'amitié pour les frondeurs, et il était
l'ennemi personnel de l'archevêque de Corinthe. Aussi désirait-il vivement
que la liberté de Condé ne fût pas la récompense de leurs efforts, mais
l'ouvrage de Mazarin. Il n'épargna rien pour lui persuader de se tourner du
côté des princes. Le ministre, qui ne savait rien de leur alliance avec les
frondeurs, qui redoutait l'audace du prince de Condé, les intrigues de Mme de
Longueville et l'ambition du duc de la Rochefoucault lui-même, ne voulut
jamais lui donner aucune parole positive. Sans trahir les secrets du
coadjuteur et de la palatine, le duc lui répéta qu'il était perdu s'il
n'acceptait pas l'amitié des princes et le secours de leur parti. Mais voyant
qu'il ne pouvait le déterminer à conclure, il désespéra de réussir par le
chemin le plus honnête, et donna son adhésion au traité négocié par Anne de
Gonzague avec le coadjuteur. Le duc d'Orléans le signa le dernier, et de la
même façon, « disait la duchesse de Chevreuse, qu'il aurait signé la cédule
du sabbat s'il avait eu peur d'être surpris par son bon ange. » Cependant
les délais accordés pour les remontrances étant écoulés, Anne d'Autriche
consentit à donner audience à la députation du parlement. Elle la reçut en
présence de la foule des courtisans qui entourait son lit. Le premier
président, toujours trompé par Gondi et les affiliés au complot, prononça une
harangue dans laquelle, sans parler des heureux succès de la régence ni de la
dernière bataille gagnée, il exagéra la situation grave du royaume, et
demanda la liberté des princes plutôt en maître qu'en suppliant. Son discours
déplut à la reine et ne fut pas approuvé de Gaston. Mlle de Montpensier en
rougit deux fois de colère, et avoua que Matthieu Molé méritait d'être jeté
par la fenêtre. Déjà pénétré d'un vif sentiment de l'autorité royale, le
jeune Louis se sentit blessé dans son orgueil, et dit à sa mère que la
crainte seule de l'offenser l'avait empêché d'imposer silence à l'orateur et
de le chasser de sa présence (20 janvier 1651). Après
avoir subi cette harangue, Anne d'Autriche promit une réponse sous peu de
jours. Mais le duc d'Orléans lui enleva tout prétexte pour reculer, en
déclarant qu'il consentait à la délivrance des prisonniers. La régente et son
ministre s'étaient retranchés jusque alors derrière l'opposition de ce
prince, regardée par eux comme un obstacle invincible à ce dessein. Sa
détermination, qu'avaient sans doute préparée des intrigues, leur fit
connaître la nécessité d'accorder quelque satisfaction au parlement. Anne lui
promit la liberté des princes, et amnistie pleine et entière pour tous leurs
partisans, aussitôt que la duchesse de Longueville et Turenne auraient posé
les armes. Cette concession arrivait trop tard ; les anciens et les nouveaux
frondeurs avaient conjuré la ruine du ministre, et Gaston ne cherchait plus
qu'une occasion de rompre avec la reine. Le 31
janvier au soir, le duc d'Orléans alla au Palais-Royal. Dans l'entretien qui
s'établit sur les affaires du moment, le cardinal s'éleva contre la conduite
intrigante et déréglée du coadjuteur, et voulut se justifier de toutes les
imputations de ses ennemis. Il eut l'imprudence de comparer le parlement de
Paris à la chambre des communes de Londres, et les frondeurs aux Cromwell et
aux Fairfax. Alors Gaston de se récrier contre cette injustice, contre les
enseignements dont on empoisonnait le roi, son neveu, et de sortir
brusquement. Le lendemain, Anne d'Autriche et Mazarin envoyèrent au Hâvre le
maréchal de Grammont et de Lionne, afin de s'entendre avec les princes. Le jour
suivant, le duc d'Orléans, poussé par Gondi, fit venir le maréchal de
Villeroi et Le Tellier, et les chargea d'annoncer de sa part à la reine qu'il
ne retournerait point au Palais-Royal tant que Mazarin conserverait le
ministère. Il ajouta qu'en sa qualité de lieutenant général du royaume, il
voulait que le maréchal lui répondît de la, personne du roi. Puis il envoya
le coadjuteur au parlement pour l'instruire de son désir de leur procurer la
liberté et lui raconter là scène du Palais-Royal, scène que l'orateur ne
manqua pas d'embellir des couleurs les plus exagérées. Son discours souleva
une tempête furieuse parmi les magistrats, indignés de se voir assimilés aux
héros de la révolution d'Angleterre. Quelques-uns
demandèrent qu'on décrétât prise de corps contre le ministre ; l'avis du
président Viole était de le citer devant la compagnie, afin de lui faire
rendre compte de son administration et d'obtenir une réparation solennelle de
l'outrage infligé par lui à l'honneur de la nation ; un autre voulait que des
remontrances fussent envoyées à la reine pour la supplier de l'éloigner de
ses conseils. Ces différentes opinions étaient émises aux cris de vive le
roi, et point de Mazarin (3 février). Pendant ce temps le duc d'Orléans,
voyant l'abattement de la reine et du cardinal, multipliait les actes de
courage. Il leur refusa d'abord une conférence qu'ils lui demandaient chez lui
; une heure après, il enjoignit aux maréchaux de France, aux prévôt et
échevins et aux chefs des compagnies bourgeoises de n'obéir qu'à lui, en sa
qualité de lieutenant général du royaume ; aux gardes des sceaux et au
secrétaire d'État Le Tellier de ne rien expédier sans qu'il en eût
connaissance[2]. Non
content de ce caprice subit de vigueur, Gaston se rendit le 4 février au
parlement, avoua tout ce que le coadjuteur avait dit la veille, et déclara
qu'il venait se joindre inséparablement à la compagnie. Dans ce moment entra
le grand maître des cérémonies, porteur d'une lettre de la régente qui
demandait qu'on envoyât une nombreuse députation au Palais-Royal. Après une
assez longue hésitation, des députés partirent et revinrent bientôt avec les
assurances les plus positives pour la liberté des princes et un écrit signé
de quatre secrétaires d'État, dont lecture fut ordonnée par Matthieu Molé.
Une invective sanglante contre Gondi, que la cour regardait comme l'auteur de
tous les troubles, terminait cette sorte de mémoire justificatif en faveur du
ministre[3]. Le
premier président, trompé par les frondeurs, et voyant alors avec effroi la
compagnie amenée sur un penchant où il ne pouvait plus la retenir, ne
désespéra pas de se servir avec succès de l'accusation lancée contre le
prélat. Mais Gondi se tira d'embarras à l'aide d'une belle citation d'un
ancien, laquelle était de son invention, et en prenant le ton de Scipion,
lorsque, dédaignant de répondre aux calomnies de ses ennemis, il entraîna le
peuple romain au Capitole pour rendre grâces aux dieux de ses victoires. Il
se crut ainsi dispensé de répondre à un libelle qui n'était qu'une saillie de
la fureur du cardinal Mazarin. Ses paroles furent accueillies par de vives
acclamations, et le parlement, malgré les efforts de Matthieu Molé afin de
rompre la délibération, rendit un arrêt portant que « le roi et la reine
régente seraient très-humblement suppliés d'envoyer au plus tôt une lettre de
cachet pour mettre en liberté les princes, et d'éloigner le cardinal Mazarin
de la personne du roi et de ses conseils. » A peine
cette impérieuse requête eut-elle été rendue aux grands applaudissements
d'une nombreuse populace à laquelle les agitateurs empêchaient de fermer les
portes des salles, que le secrétaire d'État de Brienne se présenta devant les
magistrats et invita solennellement le duc d'Orléans à revenir auprès de la
reine, où sa présence était nécessaire. Gaston s'y refusa opiniâtrement.
Matthieu Molé le pressa, le conjura les larmes aux yeux. L'avocat général
Talon ne fut jamais plus éloquent ; il accompagna ses paroles de tout ce qui
leur peut donner de la force, et montra tous les sentiments d'un citoyen
vertueux et vivement touché. Il mit un genou en terre, tendit vers le ciel
des mains suppliantes, implora la protection de saint Louis pour la France
près de périr, « et invoqua les mânes de Henri le Grand. » Le premier
président reprit ensuite d'un ton pénétré : « Ah ! Monsieur, ne « perdez pas
le royaume ; vous avez toujours aimé le « roi. » Ces mots causèrent une profonde
impression sur l'assemblée, les clameurs des enquêtes s'affaiblirent, tout le
monde était ému et Gaston chancelait. Mais le coadjuteur, craignant de voir
le duc échapper aux frondeurs, le raffermit par un regard et quelques
paroles. Il fut donc répondu au comte de Brienne « que Monsieur rendrait à la
reine ses très-humbles devoirs, aussitôt que les princes seraient en liberté
et que le cardinal Mazarin serait éloigné de la personne et des conseils du
roi[4]. » Lorsque
la nouvelle de l'arrêt des magistrats contre le ministre eut été répandue, le
peuple sentit sa haine se réveiller plus violente, et la manifesta par des
feux de joie qu'il alluma dans les rues. Les gens du roi le portèrent à la
régente (5 février). Anne leur dit qu'elle était toute prête à délivrer les
princes, mais qu'elle ne reconnaissait point au parlement le droit de
s'immiscer dans le choix des ministres, et qu'elle garderait le cardinal tant
qu'elle le jugerait utile au service du roi. Alors la compagnie se plaignit
de ce que le premier président n'avait pas fait lui-même les remontrances, et
elle décida qu'il retournerait au Palais-Royal à la tête d'une députation, et
ordonna à tous les gens de guerre de n'obéir qu'à Monsieur (6 février). Pendant ce temps, la noblesse,
jalouse de la magistrature qui disposait à son gré de l'État, se réunissait
chez le duc de Nemours, et déclarait s'unir au duc d'Orléans pour la
délivrance des princes et l'éloignement de Mazarin. Outrée
de la révolte de Gaston, de la perfide audace du coadjuteur et de la violence
qu'on lui faisait, Anne d'Autriche voulait, plutôt que de fléchir, épuiser
tous les moyens de défense dont elle pouvait disposer, appeler des troupes
aux ordres de quelques maréchaux fidèles et de seigneurs rattachés à sa cause
par les négociations du cardinal, et livrer bataille au duc d'Orléans pour
garder son ministre. Mais soit prudence, soit timidité, Mazarin s'opposa de
tous ses efforts à ce dessein. Voyant que le premier prince du sang avait
pris rang parmi ses ennemis, que la haine publique éclatait de toutes parts
et que la reine seule se prononçait en sa faveur, il aima mieux céder, au
moins en apparence, et donner le temps à l'orage de se calmer. Le soir
de cette journée, il se munit d'une lettre de cachet adressée au sieur de
Bar, préposé à la garde des prisonniers du Hâvre, par laquelle il lui était
ordonné d'obéir ponctuellement à ses ordres, et prit congé de la reine en
présence de la cour. En ce moment Paris était fort étau, et l'on criait
partout : Aux armes ! Rentré dans son appartement, Mazarin changea sa robe et
sa barrette contre un habit de gentilhomme et un vaste chapeau blanc, ombragé
de plumes flottantes, jeta sur ses épaules un manteau brun, et sortit du
Palais-Royal suivi de deux gentilshommes. Le temps froid et brumeux semblait
favoriser son entreprise. Il gagna la porte Richelieu, où l'attendaient trois
cents chevaux, et se rendit à Saint-Germain. Il espérait que, pendant son
absence, Anne d'Autriche reprendrait son ancien ascendant sur le faible
Gaston, et le ferait consentir à son retour ; dans le cas contraire, la reine
devait tirer le roi de Paris, rejoindre son ministre au Hâvre et traiter avec
Condé, en dépit du parlement et du duc d'Orléans. Le
départ du cardinal n'adoucit point la haine des magistrats et ne rendit pas
Gaston plus docile aux désirs de la régente. Le coadjuteur, qui voulait
déjouer le dessein du ministre, détermina le duc à répondre aux nouvelles
instances de la reine qu'il n'irait point au Palais-Royal que les princes ne
fussent libres et Mazarin plus éloigné de la cour, où il gouvernait comme à
l'ordinaire. Le parlement envoya des députés à la régente pour la remercier
de la retraite du ministre, la prier de le faire sortir du royaume, et
d'envoyer à la compagnie une déclaration qui exclût à l'avenir des conseils
du roi « tous étrangers, même les naturalisés ou autres qui auront fait
serment à d'autres princes. » Enfin, sur la promesse que le cardinal était
parti sans espoir de retour, un nouvel arrêt ordonna au ministre à ses
parents et domestiques étrangers, en conséquence de la déclaration et volonté
du roi et de la régente, de vider le royaume de France, terres et places de
l'obéissance du roi dans quinzaine, sans qu'ils pussent y revenir pour
quelque prétexte, cause, emploi ou occasion que ce fût. Passé ce délai, il
serait procédé contre eux extraordinairement, et permission était donnée aux
communes et ir tous autres de leur courir sus. Cette
promesse, rlr.ie le parlement se hâtait de rendre solennelle par un arrêt,
Anne d'Autriche ne l'avait don lote (pie pour cuti [mir la vigilance de ses
ennemis ; car elle n'était nullement résignée ii leur sacrifier le défenseur
fidèle des droits de son fils, l'homme dont l'habile politique avait reculé
toutes les frontières du royaume. Trahie, abandonnée par Gaston et les frondeurs,
elle cherchait en ce moment les moyens de les tromper, et se préparait à
enlever le roi de cette ville de Paris « -où elle avait été jadis si aimée,
où maintenant elle était abreuvée de tant d'amertumes. » Le
garde des sceaux Châteauneuf, dans l'espoir d'hériter de la place et de
l'influence du premier ministre, alla chez le duc d'Orléans dans la nuit du 9
au 10 février, et l'avertit que la reine quittait la capitale sous deux
heures. Il manda aussitôt le coadjuteur, qui trouva au Luxembourg Mlle de
Chevreuse ; sa mère l'y avait envoyée afin de prévenir aussi le prince de ce
départ, dont la nouvelle, malgré l'heure avancée, se répandit avec une
incroyable rapidité. Tous les deux réunirent leurs efforts à ceux de la
duchesse d'Orléans pour décider Gaston à donner l'ordre d'investir le
Palais-Royal et de faire garder les portes de la ville. Ils lui
représentèrent vainement que la fuite du roi causerait la ruine du parti ; le
duc épouvanté ne voulut point donner cet ordre. Mais Gondi, encouragé par
Madame, qui fit honte à son mari de sa faiblesse, sortit avec Mlle de
Chevreuse et appela aux armes les compagnies de la milice bourgeoise, dont
les chefs lui étaient dévoués. Le tambour battit aussitôt dans les rues ; les
ducs de Beaufort, de Nemours, et la noblesse des deux frondes montèrent à
cheval. Malgré l'heure avancée, de nombreuses patrouilles se répandirent en
quelques instants par toute la ville. Les unes s'emparèrent des portes
Richelieu et Saint-Honoré, et les autres gardèrent les avenues du
Palais-Royal. En même
temps les rues se remplissaient d'artisans et de pauvres qui tous criaient :
Aux armes ! Le bruit allait toujours croissant, et l'horreur des ténèbres le
rendait encore plus effroyable. Informée de tous ses mouvements, Anne
d'Autriche comprit que la fuite devenait impossible, et fit coucher le jeune
- roi qui s'endormit profondément. Elle ordonna ensuite aux capitaines des
gardes de doubler les, postes et de se tenir prêts selon le besoin qu'elle
pourrait avoir d'eux, et manda près de sa personne le duc d'Épernon, colonel
général de l'infanterie, ainsi que plusieurs autres seigneurs sur la fidélité
desquels elle croyait pouvoir compter. Ils ne répondirent pas à cet appel.
Après avoir donné ses ordres, elle attendit au milieu des plus cruelles
anxiétés ce que produirait l'agitation du peuple. Les rapports de
quelques-uns de ses serviteurs, mêlés à la foule pour entendre ce qui se
disait, redoublaient à chaque instant ses angoisses. La
consternation régnait dans la demeure royale, lorsque de Souches, capitaine
des gardes de Monsieur, entra chez la régente pour lui représenter de la part
de son maître le danger du parti qu'elle prenait, et la prier de calmer les
alarmes que causait le bruit de son départ. Anne protesta hautement qu'elle
n'avait point eu la pensée dont on voulait la soupçonner, et afin de le
prouver, elle montra à l'officier ses enfants dormant tous deux d'un sommeil
paisible. De Souches contempla longtemps le jeune monarque, et sortit du
Palais-Royal entièrement persuadé que la 'mine n'avait nul désir de quitter
Paris. En retournant au Luxembourg, ce témoin non suspect harangua le peuple,
lui certifia qu'on ne songeait point à lui enlever son roi, et qu'au palais
régnait la plus grande tranquillité. Malgré
le témoignage du gentilhomme, il se trouva dans la foule un assez grand
nombre d'incrédules qui demandèrent à s'assurer de la vérité par leurs
propres yeux. An milieu- des désordres de cette nuit, leur ardeur produisit
une scène attendrissante. Comme ils se précipitaient dans la demeure royale
en criant qu'on leur montrât le roi et qu'ils le voulaient voir, la régente,
sans rien perdre de son courage, fit ouvrir les portes et ordonna de laisser
entrer les bourgeois. Devant cette franchise et ce calme plein de dignité,
l'emportement des mutins cessa. Ils suivirent la reine jusque dans la chambre
du roi, en s'imposant l'un à l'autre le silence et le respect. Anne
s'approcha du lit, souleva les rideaux et leur montra le visage de son fils.
A l'aspect du jeune Louis, dont les grâces naissantes étaient encore
embellies par le calme du sommeil, ces hommes naguère remplis de fureur se
sentirent touchés de vénération et d'amour. Ils le contemplèrent avec
avidité, et séduits par sa vue protestèrent de leur fidélité à sa personne.
Ceux qui étaient auprès de lui ne pouvaient le quitter ; ceux qui l'avaient
vu revenaient pour le revoir encore. Enfin ils se retirèrent doucement en « demandant
à Dieu de tout leur cœur qu'il lui plût de leur conserver leur jeune roi,
dont la présence avait eu le pouvoir de les charmer[5]. » Durant
cette nuit de crainte et d'angoisses, la reine attristée avait joui d'un
moment de satisfaction bien doux au cœur d'une mère. Devenue alors plus
hardie, elle fit appeler deux officiers de la garde bourgeoise qui lui paraissaient
avoir quelque influence sur le peuple ; elle leur parla avec bienveillance,
leur rendit compte de ses intentions, leur montra le roi comme aux autres et
se mit pendant quelques heures sous leur protection. L'un d'eux se nommait du
Laurier. Anne d'Autriche, en lui parlant, l'appelait toujours Monsieur. Il
lui apprit qu'il avait eu l'honneur de suivre longtemps la cour en qualité de
laquais d'un de ses maîtres (l'hôtel. Cette reconnaissance réciproque excita
le rire de quelques courtisans. Mais les manières populaires qu'avait
employées la régente lui réussirent ; les deux officiers ne prirent congé
d'elle qu'après lui avoir promis d'user de toute leur influence, afin de
persuader à leurs camarades que leur bon roi et leur bonne reine ne les voulaient
point quitter. Ils dirent ensuite à ses femmes « qu'ils s'estimaient heureux
de se pouvoir vanter d'avoir été nécessaires trois heures de temps à la plus
grande reine de la terre. » Cet
abaissement des puissances a frappé d'étonnement les hommes du XVIIe siècle ;
il leur parut un phénomène extraordinaire : depuis lors le peuple français
s'est blasé par l'aspect de plus terribles vicissitudes. N'a-t-il pas vu le
sang du vertueux Louis XVI et celui de l'infortunée Marie-Antoinette couler,
à la grande indignation de l'Europe, sur un échafaud dressé par les mains de
quelques audacieux démagogues ; les longues et sanglantes fureurs dont la mort
de ces augustes victimes était devenue le prélude ; le génie des révolutions
sillonnant, depuis cette funeste époque, notre belle patrie, et déposant dans
son sein des germes indestructibles ? N'a-t-il pas vu s'écrouler l'empire,
œuvre magnifique du géant qui avait étouffé l'anarchie ; les hordes
étrangères fouler le territoire français et asseoir leur camp au milieu de la
capitale du monde civilisé ? N'a-t-il pas vu de nos jours tomber deux trônes
en deux nuits ; les horreurs de la guerre civile couvrir le pays d'un voile
de deuil ; l'ordre social ébranlé jusque dans ses fondements, mais raffermi
par un prince envoyé du Ciel pour sauver la France ; tous ces jeux multipliés
de la Providence, qui se plaît à donner aux peuples comme aux rois de grandes
et terribles leçons ? Le duc
d'Orléans, le lendemain de cette nuit orageuse, ne se présenta au parlement
qu'avec une espèce de remords, et lorsqu'il fut assuré que la douleur des
bons citoyens restait muette. De tous les magistrats, le premier président
fut le seul qui osa montrer du ressentiment de l'outrage fait à la majesté
royale. Le coadjuteur, dont l'impardonnable audace avait dirigé tous les
mouvements des mutins, le trouva dès le matin assis à sa place dans la
grand'chambre, et rendant la justice aux particuliers avec son sang-froid
ordinaire. La tristesse paraissait dans ses yeux, mais cette sorte de
tristesse qui touche et qui émeut, parce qu'elle n'a rien de l'abattement.
Dès son entrée, Gaston annonça qu'il avait pris des mesures efficaces pour la
liberté des princes. Molé dit avec un profond soupir ; « Monsieur le prince
est en liberté, et le roi, le roi notre maître est prisonnier ! — Il était
prisonnier entre les mains de Mazarin, reprit Gaston ; mais, Dieu merci, il
ne l'est plus. » Ces dernières paroles trouvèrent de l'écho parmi les
conseillers des enquêtes. On
députa ensuite vers la reine, qui démentit l'intention qu'on lui avait
supposée. Voyant qu'elle n'avait plus qu'à subir la loi de ses ennemis, Anne,
pour dissiper tout soupçon, demanda que les portes de la ville fussent gardées
par les bourgeois[6]. Elle fut exactement obéie, et
de ce moment elle demeura prisonnière avec son fils dans le Palais-Royal. Il
ne sortit « aucune personne à pied ni en carrosse, dit Mme de Motteville, qui
ne fût examinée, et point de femme qui ne fût démasquée, pour voir si elle
n'était point la reine. » La
régente expédia ensuite au Hâvre le secrétaire d'État de la Vrillière, chargé
de mettre les princes en liberté, sans clauses ni conditions. Mais il fut
devancé par le cardinal. En effet, la nouvelle des événements de Paris
l'ayant privé de ses dernières ressources, il avait quitté Saint-Germain, et
pressait sa marche vers le Hâvre dont il avait les clefs. Il espérait sans
doute, en allant ouvrir lui-même aux princes les portes de leur prison, se
les attacher et leur faire croire qu'à lui seul ils devaient la fin de leur
captivité, ou jeter quelques germes de défiance entre les deux partis
coalisés contre lui. Il opposait ainsi le chef du parti militaire à l'autorité
pleine et entière du parlement. Avertis
de tout ce qui se passait à Paris et d'ailleurs préparés à leur délivrance
par la visite du maréchal' de Grammont, les princes furent bien étonnés de
voir paraître le matin du 13 février le cardinal en personne, qui venait leur
annoncer qu'ils étaient libres. S'il faut ajouter foi au récit de Joly,
Mazarin, les larmes aux yeux, s'humilia jusqu'à embrasser les genoux de
Condé. Mais la Rochefoucault, mieux instruit, raconte qu'il justifia d'abord
sa conduite envers eux et leur demanda ensuite leur amitié. Les princes le
reçurent convenablement, s'entretinrent longtemps avec lui, et traitèrent à
table leur nouvel hôte dans la prison même. Lorsque le carrosse qui leur
avait été préparé allait partir, Condé, sans remarquer les profonds saluts du
ministre, laissa échapper un grand éclat de rire, que les témoins de leur
départ interprétèrent comme une grande disposition à se venger du cardinal.
Celui-ci prit la route de Sedan, tandis que les princes suivaient celle de Paris[7]. A
quatre lieues du Hâvre ils rencontrèrent l'envoyé de la reine, accompagné de
la Rochefoucault, du sieur Arnauld, du président Viole et de Comminges,
capitaine des gardes. Trois jours après, ils arrivèrent à Paris. Le duc
d'Orléans alla au-devant d'eux jusqu'à Saint-Denis, avec Gondi et le roi des
halles. Gaston, qui la veille avait enfin consenti à rendre ses devoirs à la
reine, lui présenta Condé, Conti et Longueville. Ces deux entrevues furent
également froides : mais tous les grands, même leurs ennemis, vinrent les
féliciter de leur retour, et le peuple accueillit avec d'unanimes
acclamations les princes dont, treize mois auparavant, il avait célébré la
disgrâce par des feux de joie. Une proclamation royale du 25 février proclama
leur innocence et les rétablit dans leurs honneurs, dignités et charges. La
princesse de Condé arriva bientôt de Montrond et Mme de Longueville de
Stenai, pour se réunir à leur famille. Quant
au cardinal, il continuait lentement sa route vers Sedan, malgré les arrêts
fulminés contre lui par le parlement de Normandie et presque tous les autres
parlements, et malgré les nouvelles qu'il recevait de Paris. Après quelque
séjour à Doullens, où il reçut un message public de la reine qui l'invitait à
passer la frontière, et auquel il, répondit par une lettre pleine de dignité
et d'éloquence, il se dirigea vers la Meuse. A Sedan, le brave et loyal
marquis de Fabert, lieutenant général et gouverneur de la place, lui offrit
ses services. Plusieurs commandants des frontières lui proposèrent également
de se dévouer à sa fortune. Mais il les remercia, et, pour dégager la parole
de la reine, il s'empressa de quitter le territoire français et de se retirer
à Bouillon, lieu dépendant de l'évêché de Liège. Anne d'Autriche fut encore
obligée de lui écrire pour qu'il s'avançât jusqu'aux bords du Rhin. Il obéit,
et, deux mois après son départ de Paris, il obtint un asile et un
bienveillant accueil de l'électeur de Cologne. Il s'installa dans la petite
ville de Brühl, à trois lieues de Cologne, avec ses neveux et ses nièces, que
le maréchal d'Hocquincourt lui avait amenés près de Péronne. Dans
les premiers jours de février, la noblesse s'était réunie, ainsi que nous
l'avons dit, pour demander avec les bourgeois et le parlement la délivrance
des princes et l'éloignement de Mazarin. Quand elle eut obtenu ce qu'elle
désirait, elle ne se sépara point, devint même plus nombreuse et se forma en
assemblée régulière dans une vaste salle du couvent des Cordeliers. Là, sept
à huit cents princes, ducs et gentilshommes commencèrent à délibérer sur le
rétablissement' de leurs privilèges, la réforme de plusieurs désordres
particuliers et la nécessité de convoquer les états généraux « pour- remettre
l'État sur ses anciens fondements, dont la puissance trop étendue des favoris
semblait l'avoir arraché depuis quelque temps. » La régente craignit qu'à son
refus ils ne les assemblassent d'eux-mêmes,. En effet le clergé, qui tenait
alors son assemblée quinquennale dans le couvent des Augustins, avait déclaré
se joindre au second ordre du royaume (15 mars) ; et pour y intéresser le troisième, on
parlait déjà d'envoyer des mandements aux bourgeois de l'hôtel de ville,
ainsi qu'à ceux des provinces. Les
prétentions des deux ordres privilégiés excitèrent le mécontentement de la
magistrature, qui menaça de lés foudroyer de ses arrêts. Le duc d'Orléans
voyait au contraire avec satisfaction une assemblée dans laquelle il pouvait
jouer un rôle aussi brillant qu'avantageux. Mais le cardinal, qui, du fond de
son exil, continuait à diriger le conseil par sa correspondance secrète avec
la reine et avec Lionne, Le Tellier et Servien, ses disciples tout dévoués,
tremblait d'en voir partir une décision hostile à son projet de rentrer en
France. Il écrivit d'employer pour la rompre le prince de Condé, car il
devait être peu intéressé à la continuation d'une assemblée où il ne jouait
qu'un rôle secondaire. On fit donc quelques démarches auprès du prince ;
elles ne furent pas inutiles. Il se chargea de montrer à Gaston qu'elle
pouvait devenir très-préjudiciable non-seulement à la tranquillité du
royaume, mais encore aux prérogatives et privilèges des princes du sang.
Monsieur, persuadé, unit son influence à celle de Condé pour mettre fin à ce
désordre. Tous les deux se présentèrent aux réunions de la noblesse et la
pressèrent de se séparer. Ils l'obtinrent sur la promesse qu'une 'déclaration
royale convoquerait les états généraux pour le 8 septembre suivant, et la
garantie pie -les princes se réuniraient à elle s'ils n'étaient pas ouverts à
l'époque fixée (25 mars). Mazarin,
n'était pas encore au-delà des frontières que la discorde était allumée entre
ses ennemis, les grands corps et les ordres de l'État. Elle faisait également
chaque jour des progrès dans le cabinet d'Anne d'Autriche, où se trouvaient
des intérêts opposés. Le garde des sceaux Châteauneuf, aspirant à remplacer
le ministre exilé, ne marchait pas d'accord avec les créatures én cardinal.
Aussi les fit-il dénoncer par Gaston au parlement ; mais la modération de la
compagnie engagea la régenta résister ; Vers le même temps la milice
bourgeoise, fatiguée de son pénible service, cessa de garder le Palais-Royal
et les portes de la ville. De cette sorte la reine se trouva libre et put
sortir de Paris quand il lui plairait. Encouragée par ce motif et par
quelques succès dans ses négociations avec Condé, elle refusa de renvoyer ses
conseillers, rappela 'au conseil le comte de Chavigni, ancien ami de la
maison de Condé, et accorda au parlement, pour le gagner, la déclaration par
laquelle l'entrée en était interdite à tous les cardinaux français ou
étrangers. Puis elle fit demander les sceaux au marquis de Châteauneuf, que
lui avaient imposé les frondeurs, et les donna à Matthieu Molé, à condition
qu'il abandonnerait sa charge de premier président. Le chancelier Séguier fut
appelé de Rosny, où il était retiré, et reçut la présidence du conseil (3 avril). Ces changements
n'avaient point été concertés avec les princes ; ils excitèrent le
mécontentement de Gaston, qui se plaignit à la reine. Vous en avez bien fait
d'autres sans moi, répondit fièrement Anne d'Autriche. Tant de hauteur étonna
le duc ; il rassembla le soir au Luxembourg les princes et les chefs des deux
frondes, pour délibérer sur ce qu'il y avait à faire dans cette circonstance.
Le coadjuteur et quelques-uns de ses amis proposèrent de soulever Paris
contre la régente, d'aller au Palais-Royal enlever le roi, de reprendre les
sceaux de vive force au premier président, de le tuer et de le jeter par les
fenêtres en cas de résistance. « Cet avis, s'écria la Rochefoucault, a l'air
d'une exhortation au carnage. » Beaufort le combattit, à la grande surprise
de l'archevêque, et Condé se défendit de le suivre, parce qu'il n'entendait
rien à la guerre des cailloux, « et qu'il se sentait même poltron pour toutes
les occasions de tumulte populaire et de sédition. » La délibération aboutit
à ne rien entreprendre[8]. Le
coadjuteur soupçonnait M. le prince de traiter secrètement avec la reine. Il
en fut plus assuré le lendemain, lorsqu'il eut vu Condé exiger de Conti, son
frère, le sacrifice de sa passion pour Mlle de Chevreuse. Le projet de
mariage, regardé comme gage de l'alliance des deux frondes, fut donc rompu
avec éclat, et de manière à exciter le ressentiment de Gondi. Ce dernier,
voyant Condé devenu son ennemi, et craignant d'être abandonné par Gaston,
comme tant d'autres, résolut de se retirer dans son archevêché et de se
consacrer aux fonctions de son ministère, en attendant une occasion favorable
de se venger. Il ne s'y abandonna pas tellement à la Providence, qu'il ne se
servît aussi de moyens humains pour se défendre de l'insulte de ses ennemis.
Pendant quelques jours Anne d'Autriche fit d'inutiles efforts afin de ramener
son beau-frère à la cour ; Gaston voulait qu'elle redemandât les sceaux au
premier président. Enfin la reine transigea, elle reprit les sceaux à Molé et
les remit aussitôt à Séguier. Cependant
les négociations de la régente avec Condé continuaient toujours par
l'intermédiaire de Servien, de Lionne et de la princesse palatine, et chaque
jour le prince révélait de nouvelles prétentions pour son équivoque appui et
son engagement à souffrir les conséquences du retour de Mazarin. Il demandait
le gouvernement de la Guienne et du Languedoc avec les droits régaliens, et
celui de la Provence pour son frère, en échange des gouvernements de
Bourgogne et de Champagne qu'ils possédaient. Il exigeait en outre qu'on
donnât des forteresses, des dignités, des pensions à tous ses alliés de
vieille date. C'était véritablement créer pour ce jeune conquérant une espèce
de royaume dont le voisinage des Espagnols aurait sans doute facilité la
défense. Il aurait pu causer à la couronne des inquiétudes d'autant plus
grandes que., dans l'intérieur de la France, il tenait déjà Dijon, Montrond,
Bellegarde, Clermont en Argonne et Stenai. Le
cardinal, informé des exigences de Condé par ses partisans, écrivit à la
reine, pour l'engager à ne pas faire tant de concessions énormes, une lettre
pleine de raisons solides, dont la fin est une preuve honorable de son
désintéressement. « Vous savez, Madame, lui dit-il, que le plus grand
ennemi que j'ai au monde est le coadjuteur ; servez-vous-en, Madame, plutôt
que de tomber avec M. le prince aux conditions qu'il demande. Faites-le
cardinal ; donnez-lui ma place ; mettez-le dans mon appartement. II sera
peut-être plus à Monsieur qu'à Votre Majesté : mais Monsieur ne veut pas la
perte de l'État. Ses intentions, dans le fond, ne sont pas mauvaises. Enfin
tout, Madame, plutôt que d'accorder à M. le prince ce qu'il demande : s'il
l'obtenait, il n'y aurait plus qu'à le mener à Reims. » Lorsque la régente
recevait cette lettre, l'échange du gouvernement de-Bourgogne, donné au duc
d'Épernon, contre celui de Guienne, remis au prince de Condé, s'exécutait à
Paris. Anne
d'Autriche ne réalisa point les conventions qui regardaient Conti et les
autres amis de Condé. Celui-ci reprit le rôle de mécontent, s'efforça
d'entraîner dans une nouvelle coalition contre la reine le duc d'Orléans, qui
flottait toujours incertain entre les partis, Poussé vers l'abîme par Mme de
Longueville, sa sœur, il entama de criminelles négociations avec l'Espagne,
au moment où la duchesse et Turenne se dégageaient honorablement des
engagements contractés envers cette puissance. Bravée en toute occasion et
outrée de la conduite insolente du prince, la régente prit la résolution de
se rapprocher du coadjuteur et de ses adhérents. Le
maréchal du Plessis -Praslin alla donc trouver Gondi à l'archevêché, et lui
remit de la part de la reine un écrit en forme de sauvegarde. Le prélat se
rendit mystérieusement au Palais-Royal, où elle lui accorda une conférence de
plusieurs heures. On convint que la vieille fronde pousserait la nouvelle à
outrance, et que pour prix de ce service Châteauneuf reprendrait les sceaux,
et que Gondi serait élevé au cardinalat. Le marquis de Châteauneuf n'hésita
point à promettre tout ce, que voulut Anne d'Autriche, quant au retour de
Mazarin. Mais le coadjuteur, si nous devons ajouter foi à ses mémoires,
résista sur ce dernier point à toutes les raisons et à toutes les prières. Il
refusa même la place de premier ministre, parce qu'il sentait bien qu'elle ne
lui était offerte que pour « remplir la niche » où serait replacé le vrai
saint, dès qu'une occasion favorable se présenterait. Enfin, satisfait des
avances de la régente, il lui dit qu'il forcerait Condé, à sortir de Paris
avant huit jours, et que, dès le lendemain, il détacherait le duc d'Orléans
de ses intérêts. Les mesures nécessaires à l'exécution de ce projet -furent
la matière de deux conférences. Anne se déchargea de tous les détails sur la
princesse palatine, Anne de Gonzague, rentrée depuis quelque temps dans son
parti. Ravi de
se retrouver sur la scène, le coadjuteur sortit de son cloître, et bientôt
une guerre de libelles s'alluma entre les deux frondes, et une foule de
colporteurs répandirent dans toutes les rues de la ville : le Vraisemblable
; la Lettre du Marguillier au Curé ; l'Apologie de l'ancienne et
légitime Fronde ; les Intérêts du temps, etc. La plupart de ces
écrits, partie sérieux, partie badins, mais tous piquants, dévoilaient
malignement les vues ambitieuses de Condé et lui en prêtaient encore. En
outre, des projets violents contre le prince étaient agités chaque soir au
Palais-Royal. Quelques propositions allèrent, dit-on, jusqu'au meurtre. Gondi
voulait qu'on l'arrêtât en plein jour, chez le duc d'Orléans, et la reine adoptait
cet avis, lorsque Lionne, son secrétaire, soit par crainte, soit par
indiscrétion, révéla le secret du complot à un ami de Condé. Celui-ci,
informé de tout ce qui se passait, eut peur et se retira dans son château de
Saint-Maur, derrière Vincennes. Il y fut bientôt rejoint par son frère, la
duchesse de Longueville et ses principaux adhérents. Turenne ne voulut point
suivre leur exemple ; il se rendit au Palais-Royal. Du fond
de sa retraite, Condé envoya Conti exposer au parlement les motifs qui l'avaient
déterminé à quitter Paris, e, t accuser les sieurs Le Tellier, Servien et de
Lionne, créatures du cardinal Mazarin. Malgré les efforts de Matthieu Molé,
blâmant avec sévérité le prince d'avoir, sur des soupçons légèrement conçus,
donné le signal de la guerre civile, la majorité de la compagnie demanda
l'éloignement des trois hommes d'État inculpés par Condé, et proposa des
remontrances à la reine, pour la supplier très-humblement de donner une
déclaration royale, depuis longtemps promise, contre Mazarin et contre son
rappel. La régente crut devoir se prêter aux désirs du parlement ; elle donna
ordre à Le Tellier, Servien et de Lionne de quitter la cour et la capitale ;
mais elle compensa leur exil en renvoyant aussi du conseil Chavigni, trop
dévoué aux intérêts de la maison de Condé et ennemi mortel du cardinal. Le
prince revint alors à Paris, et ne rendit ses devoirs au roi et à la régente
que sur les instances du parlement. Sa présence dans cette ville y renouvela
les cabales et les dissensions, et ne servit qu'à exciter la haine du
coadjuteur, que Condé ne manqua pas de signaler aux magistrats comme son
adversaire déclaré. Tous deux se permirent chaque jour dans le parlement des
harangues insultantes, des imputations graves, des reproches piquants d'où
naissaient des personnalités capables de les porter aux derniers excès. La
reine, voyant la lutte sérieusement engagée entre ces antagonistes, tenta
quelques efforts pour se relever et prit solennellement l'offensive. Elle
pouvait agir avec d'autant plus de fermeté et de succès que Condé, loin d'interrompre
ses relations avec l'Espagne, les resserrait alors plus étroitement[9]. Le 17
août, Anne manda au Palais-Royal les députés des trois cours souveraines et
lm officiers de l'hôtel de ville, tous les princes et seigneurs présents à
Paris, à l'exception de Coudé. Devant cette illustre assemblée, elle fit lire
une espèce de manifeste rédigé par le marquis de Châteauneuf et dont le duc
d'Orléans avait pris connaissance la veille, et qu'avait corrigé le premier
président. Après avoir déclaré le cardinal Mazarin bien résolument et pour
jamais exclu, non-seulement des conseils, mais du royaume, pays et places de
l'obéissance royale, et avoir défendu à tous leurs sujets de correspondre
avec lui, le roi et la reine régente rappelaient les atteintes portées par
Condé à l'autorité royale, ses insolences envers la cour, et l'accusaient
d'entretenir des intelligences avec l'archiduc et Fuensaldana, commandant de
l'armée espagnole des Pays-Bas. L'audace
ne manqua point au prince dans cette circonstance difficile ; il se rendit au
parlement et pria la compagnie de le juger innocent ou coupable ; puis il
arracha du faible Gaston, que la crainte de voir les épées sortir du fourreau
retenait au Luxembourg, un écrit qui démentait les accusations de la reine et
attestait son innocence. Il porta triomphalement cette pièce importante à la
compagnie, et dit, après avoir pris sa place, qu'il venait se justifier devant
elle et lui demander justice de ses calomniateurs. Il récrimina ensuite
contre Gondi, auteur de toutes les calomnies dont on avait cherché à le
noircir et des complots tramés contre sa personne. Le coadjuteur, sans
prendre la peine de se justifier, répondit au prince, en fixant les regards
sur lui, « qu'il ne reconnaissait personne que Monsieur pour témoin et pour
juge de sa conduite... et que surtout personne ne pouvait lui ôter ni
l'honneur ni la satisfaction de n'avoir jamais été accusé d'avoir manqué à sa
parole. » Cette allusion, piquante au manque de foi que les frondeurs
reprochaient à Condé excita la colère du prince[10]. Ce jour-là, son escorte était
plus nombreuse que celle de Gondi, assez hardi pour l'insulter en face. Au
moindre geste de sa part, les salles du palais de justice auraient pu être
transformées en arène sanglante. Mais il put se modérer, et la délibération
reprit son cours régulier (19 août). La
querelle était cependant devenue tout à fait personnelle, et il paraissait
impossible que les deux adversaires et leurs adhérents n'en vinssent pas aux
mains. Aussi Condé résolut-il de paraître dans la séance suivante avec tout
ce qu'il avait de forces. Quant au coadjuteur, fier d'avoir à combattre le
vainqueur de Lens et de Rocroi, il ne s'occupa le reste de la journée et la
nuit suivante que de préparatifs militaires ; II assigna des postes dans
l'intérieur du palais aux gendarmes et aux chevau-légers du roi que lui
envoya la régente, satisfaite de voir se détruire l'un par l'antre deux
hommes que dans son cœur elle haïssait presque également. Il mêla avec un
grand nombre de bourgeois armés de pistolets et de poignards quarante hommes
choisis entre les sergents et les plus braves soldats du régiment des gardes,
pour diriger l'attaque. MM. de Noirmoutier, de Fosseuse, de Châteaubriand, de
Barradas, de Châteaurenault, de Montauban, de Laigues, de Montaigu, et les
chevaliers d'Humiers et de Sévigné se partagèrent et les hommes et les postes.
Les uns occupèrent les salles, les autres les divers passages et les degrés,
de sorte que la grand'chambre se trouva investie. Les armoires des buvettes
étaient déjà remplies de poudre et de grenades. Lorsque toutes les mesures
furent prises, le belliqueux prélat donna pour mot d'ordre à ses gens Notre-Dame. Le
lundi, 21 août, les amis du coadjuteur se réunirent chez 'lui, entre cinq et
six heures du matin, et l'accompagnèrent au parlement. Condé y arriva une
heure après suivi d'un cortége moins nombreux, mais composé de personnages de
qualité, de gentilshommes et d'officiers, tous braves, aguerris, et dont le
mot de ralliement était saint Louis. Cette troupe formidable de noblesse ne
put se placer qu'au milieu de la grand'salle, au hasard d'être attaquée avec
avantage par les hommes que l'archevêque avait cachés dans les galeries
adjacentes. Le
prince reconnut dès son entrée que tout était disposé pour le combat. Il
s'écria qu'il ne pouvait assez s'étonner de l'état où il trouvait le palais ;
qu'il paraissait plutôt un camp qu'un temple de justice ; qu'il y avait des
postes pris, des mots de ralliement, et qu'il ne concevait pas qu'il se pût
trouver dans le royaume des gens assez insolents pour lui disputer le pavé. »
Il répéta deux fois cette phrase en regardant le coadjuteur. Celui-ci
s'empressa de la relever, lui fit une profonde révérence, et répondit
fièrement : « Sans doute, je ne crois pas qu'il y ait dans le royaume personne
assez insolent pour disputer le haut du pavé à Votre Altesse ; mais il y en a
qui nu peuvent et ne doivent, par leur dignité, quitter le pavé qu'au roi. —
Je vous le ferai bien quitter. — Cela ne sera pas aisé !... » A
l'instant les enquêtes poussèrent des clameurs favorables au prélat, et il
semblait impossible qu'il n'arrivât pas quelque grand malheur. Les présidents
se jetèrent entre les deux rivaux, et conjurèrent le prince de ne pas (tonner
le signal du carnage dans le temple de la justice. Condé offrit sans hésiter
de faire sortir ses amis de l'enceinte du palais, et chargea le duc de la
Rochefoucault de veiller à ce que leur retraite s'opérât sans désordre.
Gondi, qui voulait l'attaquer à armes égales et non l'assassiner dans un
guet-apens, alla congédier les siens. Comme il rentrait de la grand'salle
dans le parquet des huissiers, il se sentit tout à coup serré violemment
entre les deux battants d'une porte. Il avait la tête passée du côté du
parquet et tout le corps dans la salle, et il suffoquait de douleur et de
colère, tandis que la Rochefoucault, qui l'avait pris ainsi en traître, mais
qui ne voulait pas le poignarder lui-même, criait à MM. de Coligny et de
Ricousse : « Tuez-le ! tuez-le ! » L'hésitation des deux gentilshommes
auxquels le duc s'adressait donna le temps à Champlâtreux, fils du premier
président, d'accourir et de sauver le coadjuteur. Après avoir obligé la
Rochefoucault à lâcher prise, il ouvrit la porte et fit entrer Gondi. Cependant
tout le danger n'avait pas encore disparu ; car, quelques imprudents du parti
de Condé ayant mis l'épée à la main, plus de quatre mille épées brillèrent à
l'instant aux regards des spectateurs consternés. « Mais, par une merveille
qui peut-être n'a jamais eu d'exemple dit Gondi, ces épées, ces poignards ;
ces pistolets demeurèrent un moment sans action. » La présence d'esprit du
marquis de Crenan, qui commandait la compagnie des gens du prince de Conti,
empêcha tous ces braves d'inonder de sang le palais. « Que faisons-nous ?
s'écria-t-il. Nous allons faire égorger M. le prince et M. le coadjuteur. Schelm
(infâme) qui ne remettra l'épée dans le
fourreau ! » Ces paroles, prononcées par un homme dont la réputation pour la
valeur était la plus établie, calmèrent aussitôt les esprits ; les deux
partis se retirèrent chacun de leur côté, et l'ordre se rétablit dans
l'intérieur du palais[11]. Afin de
prévenir le retour de ces scènes scandaleuses, Anne d'Autriche, à la prière
de Gaston et de Molé, défendit au coadjuteur de retourner au parlement, et le
prélat lui promit d'obéir à ses ordres. Elle consentit aussi à étouffer
l'affaire, et le désir de la paix la poussa jusqu'à promettre à Condé, qui
exigeait une justification éclatante, de proclamer son innocence dans un acte
public et d'envoyer au parlement une déclaration formelle contre le cardinal
Mazarin (4
septembre). Comme
on était arrivé au dernier jour de la minorité du roi, Anne se montrait
prodigue de concessions, dans l'espoir de jouir bientôt d'une autorité
absolue sous le nom de son fils, et de s'indemniser largement alors de toutes
les pertes subies par sa régence. Le jour suivant, les gens du roi portèrent
au parlement les deux déclarations promises, l'une contenant les motifs pour
lesquels Mazarin était à tout jamais exclu du royaume et toutes les
accusations des partis contre ce ministre, et l'autre justifiait le prince de
Condé de tout ce qu'on lui avait imputé contre le service du roi. La
compagnie se hâta de les enregistrer, et fit publier le lendemain à
l'audience la pièce étrange qui imputait an cardinal tous les actes
arbitraires et oppressifs commis pendant la minorité (6 septembre). L'acte favorable à Condé fut
réservé pour être solennellement proclamé en lit de justice ; car l'heure de
la majorité avait sonné la veille, et avait appelé Louis XIV à prendre en
main les rênes du gouvernement. Mais le prince de Condé, se voyant persécuté par la cour et privé de l'appui de la vieille fronde, et craignant d'ailleurs une nouvelle prison, avait déjà quitté Paris avec l'intention de se rendre au milieu des populations belliqueuses du midi de la France, et d'arborer l'étendard de la guerre civile. |
[1]
Mémoires de Mme de Motteville.
[2]
Mémoires de Mme de Motteville. — Mémoires de Retz.
[3]
Joly, t. Ier.
[4]
Orner Talon. — Nemours, p. 83. — La Rochefoucault, p. 148. — Montglat, t. III.
[5]
Mémoires de Mme de Motteville.
[6]
Mémoires de Retz.
[7]
Mme de Motteville. — Joly, t. Ier. — La Rochefoucault.
[8]
Mémoires de Mme de Motteville. — Mémoires de Retz. — Nemours, p.
412.
[9]
Mme de Motteville.
[10]
Mémoires de Retz.
[11]
Mémoires de Retz. — Mémoires de Mme de Motteville. — Mémoires
de la Rochefoucault.