LOUIS XVI, MARIE-ANTOINETTE...

 

CHAPITRE XVII. — NUIT DU 4 AOÛT. - TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

 

 

Faiblesse de l'Assemblée nationale en présence de l'émeute. — Séance mémorable du 4 août. — Lettre de Louis XVI à l'archevêque d'Arles. — Chute définitive du système féodal. — Fin de la révolution sociale. — La révolution politique reste seule. — Le roi choisit de nouveaux ministres dans l'Assemblée. —Situation alarmante du royaume exposée à l'Assemblée par le garde des sceaux. — Necker propose un emprunt de trente millions. — Situation des partis dans l'Assemblée. — Déclaration des droits de l'homme. — Discussions orageuses sur le pouvoir législatif et le veto. — Anarchie dans la Capitale. — Grande agitation au Palais-Royal. — Le marquis de Saint-Huruge. — Députations diverses à l'Hôtel-de-Ville et à Versailles. — Arrêté de la Commune contre les attroupements du Palais-Royal. — Veto suspensif accordé au roi. — Débats sur le droit de succession. — Attitude de Mirabeau. — Son entretien arec le marquis de Virieu. — Décision de l'Assemblée. — Observations de Louis XVI sur les décrets du 4 août. — Plan financier de Necker. — Vote de confiance sollicité par Mirabeau dans un admirable discours. — Dons patriotiques.

 

Pendant que les flammes dévoraient les grandes propriétés du royaume et que de toutes parts, au nom de la liberté, s'accumulaient des forfaits et des ruines, que faisait l'Assemblée nationale ? Usait-elle de son pouvoir pour meure fin aux troubles qui agitaient les provinces, pour réprimer les désordres et punir les dévastateurs ? Hélas ! non. Cette assemblée si forte et si orgueilleuse, lorsqu'il s'agissait de résister à la royauté et de la dépouiller de ses prérogatives, restait sans énergie et tremblait en présence de l'émeute à qui elle devait tout ; elle subissait alors le joug de la multitude dont elle avait sollicité les services. Une preuve assez frappante de cette situation, c'est de n'avoir pas osé installer à la présidence le député Thouet, éminent légiste de Rouen, connu par la noble indépendance de son caractère, et choisi par la majorité pour remplacer M. de Liancourt. Alarmée de la fermentation du parti populaire, mécontent de n'avoir point obtenu l'élection de l'abbé Sieyès, et des menaces impérieuses, que proférait le Palais-Royal, elle se désista et nomma M. Chapelier. C'est à peine si nous en croyons le Moniteur, lorsque nous voyons, au milieu de l'anarchie qui s'étendait sur la France, l'Assemblée nationale s'occuper froidement de magnifiques plans de constitution, de grands projets, de sublimes invocations à la liberté et à l'égalité. Le moment paraissait-il convenable pour de semblables débats ?

Depuis quelques jours en effet elle avait commencé ses travaux sur la constitution et discutait la fameuse déclaration des droits de l'homme, qui servit de type à toutes celles que nous avons vues plus tard. Une question préliminaire partageait les opinions : une déclaration des droits était-elle nécessaire ? Si elle était nécessaire, devait-elle précéder ou suivre la constitution ? Tel fut pendant plusieurs séances le sujet d'une grave délibération. Parmi les questions incidentes que soulevèrent divers orateurs, on remarqua la proposition de l'abbé Grégoire, tendant à joindre la déclaration des devoirs à celles des droits. Les difficultés d'exécution qu'elle présentait, la firent rejeter. Enfin le 4 août au matin, l'Assemblée décida qu'en tête de l'acte constitutionnel serait placée une déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le même jour, dans la soirée, s'ouvrit, une des séances les plus mémorables dont les fastes parlementaires, aient conservé le souvenir. A la sollicitation du pouvoir exécutif, l'Assemblée, s'occupant enfin des moyens propres à calmer les troubles et les désordres qui se multipliaient dans les provinces, avait chargé un comité de lui présenter un projet de déclaration solennelle afin de rappeler le peuple au respect pour les personnes et les propriétés. Target se leva et donna lecture de ce projet ; il prescrivait le paiement des impôts et celui des redevances et prestations accoutumées que le peuple ne voulait plus acquitter. 11 avait à peine achevé, que le vicomte de Noailles, simple cadet de famille, jaloux d'obtenir une popularité égale à celle de son beau-frère, le marquis de La Fayette, se précipite à la tribune, et, motivant son opinion sur les maux actuels du royaume, auxquels on ne pouvait remédier que par des sacrifices, il propose l'égalité dans l'impôt, l'abolition des droits féodaux, moyennant rachat, la destruction, sans rachat, des corvées seigneuriales, des mainmortes et autres servitudes personnelles. Le jeune duc d'Aguillons, le seigneur le plus opulent après le roi, et l'un des chefs du club breton, appuie avec force cette motion, qui est vivement applaudie. Après lui un propriétaire cultivateur de la Bretagne, Le Guen de Kerengal, paraît à la tribune, en habit de paysan, et lit avec peine un discours composé de déclamations provocatrices, dans lesquelles il fait un tableau effrayant des abus de la féodalité. Aussitôt un délire d'abnégation s'empare de tous les membres de l'Assemblée. C'est à qui donnera le plus, à qui inventera une nouvelle destruction[1]. Un gentilhomme de province, Foucault d'Ardimalie, s'élève contre l'abus des pensions de cour ; MM. de Guiche et de Mortemart lui répondent vivement que la haute noblesse était disposée à tout sacrifier. Le duc. du Châtelet propose de convertir les dîmes en redevances rachetables à volonté ; le vicomte de Beauharnais, l'égalité des peines, pour tous les citoyens, et leur égale admission à tons les emplois militaires, ecclésiastiques et civils ; le comte de Custine, de porter à un taux moins élevé, les conditions de rachat indiquées par le duc d'Aguillons ; M. Cotin, l'abolition des justices seigneuriales ; le vicomte Mathieu de Montmorency de décréter sur-le-champ toutes les motions qui viennent d'être faites[2].

Au milieu de l'enthousiasme de l'Assemblée nationale, Chapelier, son président, invite le clergé à faire connaître ses sentiments. M. de Lafare, évêque de Nancy, se levant alors, exprime, au nom des membres du clergé, un vœu qui honore à la fois la justice, la religion et l'humanité. Il adhère au rachat des féodalités ecclésiastiques, à condition que le prix sera employé en fondations utiles, pour le soulagement de l'indigence. Ensuite l'évêque de Chartres, M. de Lubersac, présente comme un acte de justice l'abolition du droit exclusif de chasse. Une multitude de voix s'élève aussitôt. Toute la noblesse, transportée d'une sorte d'ivresse philanthropique, veut consommer à l'heure même cette renonciation ; le clergé se lève pour appuyer la proposition du prélat, et dans toutes les parties de la salle l'âme française éclate avec un entraînement sans exemple. La délibération demeure quelque temps suspendue au milieu d'un concert d'applaudissements, des cris de reconnaissance du Tiers-état et des tribunes frémissantes.

Dès que le silence a pu se rétablir, la noblesse se livre à tin redoublement de générosité[3]. Lepelletier de Saint-Fargeau désire que l'abolition des privilèges et des exemptions tourne immédiatement à l'avantage du peuple. Chaque idée de sacrifice est rapidement suivie d'une autre. L'un demande la suppression des garennes, l'autre, celle des droits de pêche. M. de Richer propose d'abolir la vénalité des offices, et le comte de Virieu, le droit exclusif de colombier. « Comme Catulle, dit-il, je regrette de n'avoir à offrir en sacrifice qu'un moineau. » Le duc de la Rochefoucauld parle en faveur de l'affranchissement des serfs du royaume et des noirs que la cupidité retient dans l'esclavage sous un autre hémisphère. M. Thibault, curé de Souppes, apporte, au nom de ses confrères, le denier de la veuve, et demande qu'il leur soit permis d'abandonner leur casuel. A ces mots retentissent de nouveaux applaudissements. Duport, ému de ce noble dévouement des curés, réclame, au contraire, l'augmentation des portions congrues pour cette classe des ministres du culte, et l'Assemblée adopte à l'unanimité, sa proposition.

Toutes ces motions généreuses étaient reçues avec de bruyantes acclamations. L'édifice féodal s'écroulait au milieu de l'exaltation, de l'ivresse générale de l'assemblée, que s'efforçaient d'entretenir les députés des communes par des félicitations prodiguées à chaque nouvel abandon. Parmi les représentants, les uns debout, et confondus pêle-mêle au milieu de la salle, s'agitent et parlent à la fois ; les autres se pressent sur les marches du bureau pour déposer l'acte de leur renonciation sur l'autel de la patrie. L'assemblée présente le tableau le plus vif et le plus animé. Il est presque impossible aux secrétaires d'énumérer tous les sacrifices ; on renvoie au jour suivant la rédaction en décrets des résolutions entassées et précipitées de cette séance. Témoin de cet enthousiasme porté jusqu'au délire et redoutant les excès d'une impulsion que semble avoir donnée une invisible main, Lally-Tollendal fait passer un billet au président : « Personne n'est plus maître de soi, lui dit-il levez la séance. » Mais tous les sacrifices ne sont pas encore épuisés ; de nombreuses voix demandent que les provinces, à l'exemple du clergé et de la noblesse, abandonnent les droits, chartes, franchises, qui pèsent sur la plus grande partie du royaume, st s'opposent à l'égale répartition de l'impôt.

Après un moment de tumulte, las représentants du Dauphiné proposent, les premiers, cette renonciation. La voie était ouverte : on y voit entrer aussitôt les représentants de la Bretagne, de la Provence, de la Bourgogne, de la Bresse, de la Normandie, du Poitou, du Languedoc, de l'Auvergne, de la Franche-Comté, de l'Alsace, de la Lorraine, de l'Artois. Puis arrive le tour des villes dont les députés immolent tous les privilèges à l'intérêt général de la patrie. Ainsi tombent tout à coup les barrières qui divisaient le royaume ; plus de pays d'états, plus de privilèges particuliers, plus de libertés locales, l'égalité des droits est rétablie entre toutes les parties du territoire ; il n'y n plus qu'une seule loi, une seule famille, une grande nation, la nation française.

Le duc de Liancourt propose alors qu'une médaille soit frappée, afin de consacrer cette scène de patriotisme unique dans les annales de l'histoire, et l'archevêque de Paris qu'on chante un Te Deum solennel en action de grâces, « Messieurs, » dit Lally-Tollendal, jaloux de rattacher la Révolution à Louis XVI, « au milieu des élans du patriotisme, ne devons-nous pas nous souvenir du roi qui nous a convoqués après deux cents ans d'interruption, qui nous a invités à l'heureuse réunion des esprits et des cœurs, qui se fait aujourd'hui. C'est au milieu de la nation que Louis XII fut proclamé le père du peuple ; c'est au milieu de l'Assemblée nationale que nous devons proclamer Louis XVI le Restaurateur de la liberté française. » Cette proposition touchante produisit sur les esprits de l'Assemblée une impression difficile à décrire. Elle fut votée par acclamation[4].

Lorsque le président eut passé en revue chacune des motions présentées dans la séance, on reconnut que l'Assemblée avait arrêté :

L'abolition de la qualité de serf et de la mainmorte, réelle ou personnelle, sans indemnité ;

La faculté de rembourser les droits seigneuriaux ;

L'abolition des justices seigneuriales sans aucune indemnité ;

La suppression du droit exclusif de fuies et colombiers, de chasse, de garennes, de toutes capitaineries même royales, et de toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit ;

Le rachat possible de la dîme ;

L'égalité des impôts ;

L'abolition de la vénalité des offices et la déclaration d'une justice rendue gratuitement ;

L'abolition de tous les privilèges et immunités pécuniaires ;

L'admission de tous les citoyens, sans distinction de naissance, aux emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires ;

La destruction de tous privilèges particuliers des provinces et des villes ;

L'abolition du droit de déport, de côte-morte et va-cal, des annates, de la pluralité des bénéfices ;

La réformation des jurandes ;

La suppression des pensions non méritées[5].

On décida qu'une médaille serait frappée et que l'Assemblée nationale se rendrait en corps auprès du roi pour lui porter le titre de Restaurateur de la liberté française, et le prier d'assister au Te Deum solennel.

Il était deux heures du matin lorsque les députés se séparèrent.

Cette nuit du 4 août, qui fut véritablement la nuit des sacrifices, restera dans notre histoire comme l'une de ses plus grandes pages. Rien de plus beau en effet que cette lutte de générosité patriotique entre le clergé et la noblesse. Mais, nous devons le dire, le temps paraît mal choisi pour ce complet abandon de tous les anciens droits et du système politique de la France. Dans cette lutte, si féconde en merveilles de désintéressement, les deux premiers ordres de l'état semblaient vouloir donner raison aux atroces vengeances de la multitude et n'obéir qu'à l'incendie. Qu'attendre désormais de cette multitude déchaînée par de fougueux tribuns ? Ne pouvait-elle pas croire que ses coups étaient des lois devant lesquelles toute puissance devait courber la tête ?

Tous ceux que les sacrifices du 4 août avaient frappés, éclatèrent en plaintes contre la noblesse et le clergé. Ils leur reprochaient « d'avoir immolé la propriété de plusieurs milliers de familles à une vaine captation de popularisme[6] » ou à la frayeur, d'avoir abattu l'édifice avant d'avoir formé le plan de reconstruction. Ils demandaient quel était le mérite de cette générosité facile, qui prodiguait ce qui ne lui appartenait pas ; comment ces graves représentants de la nation, qui employaient plusieurs séances à discuter sur des choses peu importantes, avaient Osé entasser autour d'eux tant de ruines, et bouleverser en quelques heures toute la face du royaume. Il est évident, ajoutaient-ils, que ces décrets rendus tumultueusement, sans délibération préalable, sont le produit de l'ivresse, et non l'ouvrage de la sagesse d'une assemblée de législateurs.

A la nouvelle de cette révolution législative, tout Paris poussa une acclamation de joie immense. Quant au roi, il en fut profondément troublé ; il voyait dans les derniers actes de l'Assemblée une admirable générosité de sentiments et en même temps une impardonnable folie. Aussi écrivit-il à l'archevêque d'Arles :

« Je suis content de cette démarche noble et généreuse des deux premiers ordres de l'État. Ils ont fait de grands sacrifices pour la réconciliation générale, pour leur patrie, pour leur roi. Je porte dans mon cœur tout ce qui a été fait dans cette séance où tous les privilèges ont été sacrifiés. Le sacrifice est beau ; mais je ne puis que l'admirer ; je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse, à priver l'un des droits acquis à l'église gallicane par une antique possession, par le vœu des fidèles, par les dons des rois mes aïeux ; à souffrir que l'autre soit dépouillée de tout ce qui faisait sa gloire, du prix de ses services, de ces titres, de ces récompenses dues aux vertus civiques et guerrières de la noblesse française. De belles actions leur avaient mérité des privilèges ; le roi de France doit les leur conserver. Je ne donnerai point nia sanction à des décrets qui les dépouilleraient : c'est alors que le peuple français pourrait un jour m'accuser d'injustice ou de faiblesse. Monsieur l'archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m'y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s'est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour conserver mon clergé et ma noblesse. Si la volonté du peuple se prononçait, j'aurais fait mon devoir ; si la force m'obligeait à sanctionner, alors je céderais. Mais alors il n'y aurait plus en France ni monarchie, ni monarque, et ces deux choses ne peuvent subsister qu'aux lieux où le clergé forme un ordre auguste et respecté ; où la noblesse jouit de quelque considération et peut se placer entre le peuple et le roi. Les moments sont difficiles, je le sais, monsieur l'archevêque, et c'est ici que nous avons besoin des lumières du ciel ; daignez-les solliciter, nous serons exaucés.

Signé Louis[7]. »

Il ne restait plus qu'à transformer en décrets les résolutions générales de l'Assemblée. Quand elle voulut discuter les détails d'exécution, de grandes difficultés se présentèrent. Le tumulte des pensées s'était apaisé, et déjà la réflexion avait succédé au délire de l'enthousiasme ; on comprenait que la prudence aurait dû apporter à la destruction des privilèges le temps et la mesure, qu'avant d'enlever au régime féodal ses dernières dépouilles, il aurait fallu connaître la situation exacte des finances, la dette et les ressources de l'État. Plusieurs députés, inquiets des reproches de leurs commettants et ne pouvant se défendre d'un amer retour, paraissaient disposés à resserrer les concessions qu'ils avaient faites le 6, la discussion commença ; elle fut vive et animée. Un article important, celui des dîmes, que l'Assemblée avait déclarées rachetables, souleva de violents débats, dans la séance du 10, surtout entre Sieyès et Mirabeau, absents la nuit des sacrifices, et qui n'en approuvaient pas les résultats.

« Il est certain, dit celui-ci, dans le Courrier de Provence, que la séance du 4 août 1789 offrait à des observateurs un spectacle singulier. Des hommes d'un rang distingué proposant l'abolition du régime féodal et la restitution des premiers droits du peuple (car ce ne sont pas eux qui ont déshonoré ces actes en les appelant des sacrifices), excitèrent des acclamations universelles, espèce de tribut qu'on paye tous les jours à des phrases purement, de mode, et qu'on ne Pouvait refuser à des sentiments patriotiques. Pour qui connaît les grandes assemblées, les émotions dramatiques dont elles sont susceptibles, l'émulation de renchérir sur ses collègues, l'honneur du désintéressem6nt personnel, enfin cette espèce d'ivresse noble qui accompagne une effervescence de générosité ; pour qui réfléchit sur le concours de ces causes, tout ce qui parait extraordinaire dans cette séance rentre dans la classe des choses communes. L'Assemblée était dans un tourbillon électrique, et les commotions se succédaient sans intervalles. »

Au moment de la rédaction, on proposa l'abolition pure et simple de la dime ecclésiastique, sauf à pourvoir par un impôt à l'entretien du sacerdoce. Alors Sieyès entreprit la défense du clergé qu'il regardait comme sacrifié par la noblesse et monta aussitôt à la tribune. Il convint que l'État rachetait véritablement la dîme, en la remplaçant par un impôt général, mais qu'il faisait un vol à la masse de la nation, en lui faisant supporter une dette qui ne devait atteindre que les propriétaires fonciers. Dans son opinion, c'était prendre aux pauvres pour donner aux riches. « Pourquoi, ajouta-t-il, enrichir certains propriétaires aux dépens des autres, et sans que l'État en retire aucun bénéfice ? La dîme est une propriété de l'église. Quand l'État est obéré, pourquoi iriez-vous faire des présents si ruineux, et qu'on ne vous demande pas ? »

Mirabeau soutint, avec sa vigueur ordinaire, que la dime, le fléau des petits propriétaires, détruisait l'agriculture, que pour ce motif l'État devait déplacer cet impôt ; enfin que la dîme n'était pas une propriété, puisque le clergé ne pouvait pas en aliéner le fonds. C'était, suivant l'orateur, un impôt établi en faveur du clergé, un subside avec lequel la nation salariait, depuis plusieurs siècles, ses officiers de morale et d'instruction. Dans la chaleur de la discussion, Mirabeau, s'adressant aux interrupteurs, laissa échapper quelques paroles que, plus tard, il désavoua. « Je ne connais, leur répondit-il, que trois moyens d'exister dans- la société : il faut y' être ou voleur, ou mendiant, ou salarié ; le propriétaire n'est lui-même que le premier des salariés. » Au troisième jour, après avoir défendu avec ardeur les intérêts matériels de leur ordre, plusieurs curés déclarèrent qu'ils abandonnaient la Mme, se remettant à la justice et à la générosité de la nation. L'Archevêque d'Aix, d'autres prélats, de riches bénéficiers, l'archevêque de Paris et le cardinal de la Rochefoucauld renoncèrent au nom du clergé de France. La dîme fut donc abolie sans rachat pour l'avenir, mais elle dut être perçue en la manière accoutumée, jusqu'à ce qu'on eût avisé aux moyens de subvenir à son objet[8] (11 août).

Le 13, l'Assemblée nationale se rendit en corps auprès du roi pour lui présenter tous les articles, avec la plus grande solennité et lui déférer le titre de restaurateur de la liberté française. Louis XVI accepta ce titre avec reconnaissance et assista au Te Deum, chanté dans la chapelle du château. C'est ainsi que se terminèrent ces débats solennels et que l'Assemblée nationale, par la plus importante de ses réformes, accomplit l'œuvre de la royauté.

En effet, si nous parcourons dans notre histoire les siècles antérieurs à l'époque dont nous présentons le tableau, si nous étudions avec une sérieuse attention les réformes entreprises alors par la royauté, nous serons convaincus de la constance de ses efforts pour établir l'égalité en France[9]. Plus de vingt de ses ordonnances attestent qu'elle en a posé hardiment les principes. Nous pourrons constater encore que, sous l'influence des usurpations salutaires du pouvoir central, la noblesse vaincue par Louis XI, séduite par François Pr, dominée par Henri IV, écrasée par Richelieu qui la contraint de courber la tête sous le joug des lois, est venue enfin se perdre dans la grande unité nationale. Il est vrai que la royauté laissa son œuvre imparfaite. Dès la fin du XVIIe siècle, elle ne marche plus avec l'invincible constance qu'elle a jusqu'alors déployée, vers le but qu'elle s'est proposé, la fondation de l'égalité. Il semble même qu'elle s'arrête et qu'elle hésite à frapper son dernier coup. A cette époque, le souvenir des traditions qui avaient fait toute sa force, n'est cependant pas encore effacé de son esprit. Elle n'ignore pas qu'elle est l'ennemie des privilèges et l'alliée de ce Tiers-état qui, presque assez viril à sa naissance pour lui prêter le secours de son bras, l'a toujours soutenue dans son glorieux labeur. Elle n'a pu renier cette fraternité généreuse, efficace. Elle ne craint pas de le répéter, même en 1780, par la voix de Necker. La royauté sait quelles sont les réformes qui lui restent à opérer pour accélérer le mouvement vers l'égalité tant désirée, pour établir cette égalité partout où elle manque encore. Mais devant la résistance des privilégiés, elle s'est relâchée de l'infatigable activité de ses devanciers et n'a point retrouvé une force d'âme assez héroïque pour exécuter ces réformes si nécessaires à l'avenir de la France. Elles auraient cependant pu ajouter un nouvel éclat à la gloire que lui avaient méritée cinq siècles d'efforts, 'et raffermir le trône chancelant des Bourbons.

Dans cette réforme à laquelle l'Assemblée a mis la dernière main, nous ne devons donc pas voir le commencement de la révolution sociale en France, mais au contraire la fin de cette révolution. Dès ce moment une autre apparaissait. Celle-ci n'était point dirigée contre les restes de l'ordre féodal, à tout jamais détruits, mais contre la royauté, contre la dynastie des Bourbons, dont le dernier monarque avait laissé à Louis XVI tout à faire ou tout à réparer ; elle n'était plus sociale, elle était politique. Il ne s'agissait plus du nivellement des existences privilégiées, de modifier les relations des citoyens entre eux, mais de changer le gouvernement. Pendant plusieurs mois, les deux révolutions marchent à côté l'une de l'autre, mais depuis le 4 août, la révolution sociale a terminé son rôle, elle n'a plus raison d'être ; la révolution politique, audacieuse, violente dans ses allures, reste seule. Ceux qui la dirigent, dans leurs discours et dans leurs pamphlets, n'attaquent désormais que le roi et la cour. Nous trouverons dans les derniers événements du règne de Louis XVI la preuve de ces assertions[10].

Pendant que l'Assemblée entrait dans la voie des réformes, les propriétés continuaient d'être violées dans les provinces, les flammes dévoraient encore les châteaux, et de nombreux chasseurs, jaloux d'exercer un droit si nouveau pour eux, commettaient d'affreuses dévastations dans les campagnes. Les asiles de la piété même n'étaient pas à l'abri des violences meurtrières de la populace. Partout la licence était sans frein, les lois sans force, les tribunaux sans activité. La désolation couvrait la plus grande partie de la France, et l'effroi l'envahissait tout entière. Aussi les ministres s'empressèrent-ils- de se rendre au sein de l'Assemblée pour lui présenter le tableau de la situation alarmante du royaume (7 août).

Trois jours auparavant, le roi pour compléter le ministère avait choisi, à la prière de Necker, trois membres de l'Assemblée, l'archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé, l'archevêque de Vienne, Le Franc de Pompignan, et le comte de la Tour du Pin-Paulin. Le premier était garde des sceaux, le second avait la feuille des bénéfices, et le troisième, le ministère de la guerre. M. le Maréchal de Beauvau avait aussi été appelé au Conseil. Necker avait pensé qu'en prenant pour collègues des hommes qui réunissaient les suffrages du parti populaire, il exercerait plus d'influence sur l'Assemblée et se rendrait maître des événements avec le secours de Lally, de Clermont-Tonnerre, de Mounier et de Virieu, dévoués à ses intérêts[11]. Mais il s'était trompé sur le choix des nouveaux ministres. L'archevêque de Bordeaux, d'une ambition excessive, faux par caractère, sans principes, sans talents, habile à ourdir de petites intrigues, voulait être premier ministre et cardinal ; le comte de La Tour-du-Pin était pet considéré et manquait de l'énergie que demandaient les circonstances. Une insubordination anarchique s'était introduite parmi les troupes ; il aurait fallu rétablir la discipline et rattacher l'armée au monarque et à la loi. Faible et incertain, le nouveau ministre de la guerre ne pouvait suffire à cette tâche. Un autre membre du conseil, le comte de Saint-Priest, ferme, actif, était peut-être plus capable de seconder les vues de Necker. Mais il n'avait point cette souplesse, cette dextérité, et surtout cette discrétion prudente, si nécessaire au succès d'une grande entreprise. Tous les ministres voyaient d'ailleurs le véritable état des choses ; ils ne pouvaient se tromper sur le peu d'influence de Necker à la cour et dans l'Assemblée[12].

Le garde des sceaux, après avoir dénoncé les désordres qui désolaient la France, pria l'Assemblée, au nom du roi, de prendre des mesures promptes et énergiques pour réprimer l'amour effréné du pillage et rendre à la force publique la confiance qu'elle avait perdue. Necker fixa l'attention des représentants sur le déplorable état des finances et exposa vivement les besoins urgents du trésor public. L'Assemblée entendit avec tristesse les messages des deux ministres, et le 10 elle rendit un décret qui enjoignait à toutes les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les campagnes, de veiller au maintien de l'ordre, en dissipant les attroupements séditieux, et de poursuivre les perturbateurs. Elle mettait à leur disposition les milices nationales et les troupes réglées, qui devaient prêter serment d'être fidèles à la nation, au roi et à la loi[13]. Ce serment que, plus tard, on appela le serment civique, apparaît ici pour la première fois.

Le rapport de Necker sur la situation des finances causa de justes alarmes à l'Assemblée. Rentré au ministère dans un moment où les recettes diminuaient de jour en jour par la contrebande que favorisait la destruction des barrières, par le refus absolu d'acquitter la taille, le vingtième et la capitation, il se fatiguait à chercher des ressources qui lui échappaient. Il proposa donc un emprunt-de trente millions à cinq pour cent. Clermont-Lodève, dans un premier élan de générosité, voulait que l'Assemblée votât l'emprunt par acclamation. « Je demande, s'écrie Mirabeau, la proscription de ce vil esclave ! » Plusieurs députés se joignirent aussitôt à lui pour réclamer la délibération et l'absence des ministres, qui s'empressèrent de sortir[14]. Alors s'engagèrent de vifs débats, au milieu desquels on reprocha à Clermont-Lodève d'avoir compromis par sa proposition l'honneur du peuple français et la dignité de ses représentants. Les ennemis particuliers des ministres et Mirabeau réunirent leurs efforts pour faire rejeter l'emprunt. Le marquis de Lacoste proposa de déclarer que les biens du clergé appartenaient à l'État, et de supprimer les ordres monastiques. Alexandre Lameth entreprit de montrer Glue s'emparer de ces biens, ce n'était pas attaquer les propriétés. Quelques murmures accueillirent cette proposition que l'assemblée parut oublier. Cependant cette idée, jetée artificieusement au milieu de la nation, germa dans les esprits ; les journaux se chargèrent de la développer ; les capitalistes et le peuple l'embrassèrent avec enthousiasme. Enfin, l'emprunt fut adopté le 9 août, mais l'Assemblée commit la faute de changer le plan du ministre, et de fixer l'intérêt à quatre et demi pour cent[15].

Déjà les partis commençaient à se dessiner dans l'Assemblée nationale, qui devenait l'Assemblée constituante. Le côté droit se composait des députés ennemis du mouvement et dévoués aux intérêts de la cour : la noblesse et le haut clergé. Au côté gauche siégeaient les constitutionnels, et au centre tous ceux qui s'efforçaient de mettre d'accord ces deux grandes divisions. Jamais les événements politiques n'avaient réuni sur un théâtre plus vaste un sénat aussi illustre d'hommes instruits dans tous les genres ; à la voix de la France la nation avait tressailli, et s'était empressée de répondre à son appel, en lui envoyant l'élite de ses fils. Les deux athlètes du côté droit étaient le jeune Cazalès, capitaine dans les dragons de la reine, l'un des plus énergiques défenseurs du pouvoir monarchique et de la noblesse, dont il faisait, partie, et Maury, alors placé au sommet des honneurs littéraires, et intrépide champion du clergé, dont il était membre. Cazalès, esprit juste, sincère dans ses convictions, improvisateur facile, précis et simple, cœur loyal et fidèle, unissait l'autorité de la parole à celle du caractère. L'abbé Maury, logicien habile, puissant par l'enchaînement des idées, doué d'une éloquence abondante, vive et colorée, déploya dans les discussions parlementaires un caractère ardent, une hardiesse de langage qui le fit regarder comme le plus nerveux des orateurs et le plus redoutable adversaire de Mirabeau. On distinguait au centre Mounier, nature droite et calme, homme d'une rare capacité politique, Clermont-Tonnerre, orateur tout à la fois brillant et sérieux, Malouet, esprit ferme, caractère intrépide, Lally-Tollendal, dont le dévouement filial avait sanctifié l'éloquence, tous partisans de la monarchie tempérée des Anglais et d'une sage liberté. Sur les bancs de la gauche figuraient Barnave, tribun élégant et disert, à la volonté incertaine, à l'âme honnête, malgré les paroles sinistres qu'au premier meurtre de la révolution, il avait laissé échapper du haut de la tribune ; Adrien Duport, nourri de fortes études ; les deux Lameth, pleins d'adresse et de ressources, dont l'ambition surpassait encore les talents, et qui avaient payé par une éclatante défection les bontés et les faveurs de la famille royale ; Sieyès, le plus grand politique de son époque ; Lafayette, l'idole du peuple, le véritable dictateur de l'opinion, mais dont la parole manquait de cette énergie qui frappe l'esprit et vibre au cœur ; Maximilien Robespierre, disciple fanatique de Jean-Jacques Rousseau, aux attitudes affectées, qui excitaient le sourire, intelligence médiocre, énigme d'abomination sanglante, ne se laissant pas encore deviner, objet de culte et d'hommage pour quelques historiens de nos jours[16]. Au-dessus d'une telle élite, de talents divers dominait Mirabeau, le Démosthène français, le Jupiter tonnant de l'Assemblée constituante, Mirabeau, si longtemps ballotté entre la gloire et l'ignominie, démocrate par accident, dont le génie éclatait dans les circonstances les plus difficiles, « la pensée jaillissait rapide comme la colère, substantielle et serrée comme la méditation[17], » et dont la vertu aurait fait un orateur accompli. Mais ce transfuge de l'aristocratie et la plus haute personnification de l’époque révolutionnaire, était arrivé à l'Assemblée sous le poids écrasant de la renommée de ses scandales et de ses vices. Parmi ces organes publics de la Révolution, parmi ces orateurs qui ne craignaient pas d'affronter les combats d'e l'orageuse tribune, se trouvaient encore des ecclésiastiques savants et éclairés, des magistrats habiles, fine foule d'hommes remarquables par l'habitude des travaux de la pensée, les sentiments généreux, le talent, les lumières, et qui n'élevaient la voix que par intervalles.

Après avoir renversé, en quelques heures, tout l'édifice féodal, et donné quelques soins aux finances, l'Assemblée constituante reprit el arrêta définitivement la discussion qu'elle avait interrompue de la déclaration des droits. Cet ouvrage qui ne devait être que l'exposition de quelques vérités éternelles, applicables à toutes les associations politiques, et à toutes les formes de gouvernement, paraissait très-simple de sa nature, peu susceptible de contestation et de doute. Cependant l'Assemblée comprit bientôt que rien n'est plus difficile que de proclamer hautement ces grands principes au milieu d'un peuple déjà vieux, auquel on montre son empire sans lui parler de ses devoirs, et surtout lorsqu'ils sont destinés à former le préambule d'une constitution qui n'est pas connue. Elle y consacra de longues et orageuses séances, et quoique vingt-huit de ses bureaux sur trente les eussent rejetés, elle les adopta dans la discussion publique, 'sous la pression menaçante des tribunes (26 août) ; voici cette fameuse Déclaration proclamée par quelques historiens la loi gravée sur la pierre du droit éternel, le Credo du nouvel âge, l'Évangile de la Révolution, et qui sert de préambule à la constitution de 91.

Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables elP sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment Présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution et du bonheur de tous.

En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et die citoyen :

Art. I. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art. II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

Art. III. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art. IV. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Art. V. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tou.t ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Art. VI. La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, pu par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous ; soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités ; places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Art. VII. Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis. Mais tout citoyen, appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.

Art. VIII. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée.

Art. IX. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi.

Art. X. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, lorsque leur manifestation ne trouble pas l'ordre établi par la loi.

Art. XI. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Art. XII. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Art. XIII. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre Tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. XIV. Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Art. XV. La société a droit de demander compte à tout agent public de son administration.

Art. XVI. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution.

Art. XVII. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

 

Cette déclaration, imitée des Américains et dont La Fayette avait fourni la première idée, renferme des maximes nettes, positives, incontestables, et des principes utiles mêlés à des abstractions philosophiques et dangereuses. En effet, dans Cette préface, 'd'ailleurs fort incomplète de la constitution, œuvre politique à la façon de Rousseau, on trouve une étrange confusion des droits naturels qui sont immuables, et des droits politiques, nécessairement variables. Tout y est vague, nulle autorité ne s'y trouve fortement déterminée, excepté celle de la loi, susceptible de modifications infinies suivant les temps, les lieux et les mœurs. Nous pensons avec Mirabeau que l'homme d'État ne doit livrer des armes au peuple qu'en lui apprenant à s'en servir. N'était-ce pas une faute grave pour les législateurs de la Constituante de poser des maximes inflexibles, propres à soulever des questions émouvantes, sans mettre à côté leur application ; d'enseigner à un peuple ses droits qu'il sentait trop bien lui-même, sans lui enseigner ses devoirs ; de lui dire, sans commentaire, que la résistance à l'oppression était écrite dans le droit naturel ? On peut leur reprocher encore d'avoir donné à la Déclaration un caractère d'application universelle, comme s'ils eussent travaillé pour l'humanité entière[18]. Que serait devenu le monde, si tous les peuples, qui composent la grande famille européenne, se réunissant sous un drapeau si haut placé, avaient répondu à l'appel do la Constituante ?

Après l'adoption de la Déclaration des droits, la discussion s'engagea sur les formes du gouvernement, sur trois questions de la plus grande importance, celles de la permanence des assemblées, des deux chambres et du veto, ou droit de sanction accordé au roi. Mounier, Lally-Tollendal et leurs amis, ne trouvant rien de comparable à la constitution anglaise, proposèrent l'établissement. de deux chambres, l'une de sénateurs, l'autre de représentants de la nation, investies du pouvoir législatif. 'Mais l'impopularité de la noblesse que, d'ailleurs, on voulait détruire, et la haine dont les tribunes étaient animées contre tout semblant d'aristocratie, devaient laisser peu d'espoir aux partisans de ce système. De nombreux orateurs signalèrent cependant les dangers d'une assemblée unique et souveraine, qui avait été nécessaire peut-être pour accomplir la Révolution, mais qui ne l'était plus pour la conserver. M. de Virieu sembla pénétrer dans les profondeurs de l'avenir lorsqu'il s'écria d'un accent prophétique : « Tous les corps nombreux, entraînés par des démagogues et par la fougue populaire, ont anéanti les États libres après les avoir déchirés par les factions. »

A cette discussion sérieuse s'en joignit bientôt une autre qui enflamma les âmes, celle de la sanction que le roi pourrait donner ou refuser aux lois. Le veto qu'on devait lui accorder serait-il suspensif ou absolu, en d'autres termes, le roi pourrait-il, par son refus de sanction, annuler tout à fait un décret de l'Assemblée, ou bien en suspendre l'effet temporairement, pendant une ou plusieurs législatures ? Cette question divisa le peuple comme les représentants et servit de prétexte aux menaçantes agitations du Palais-Royal et de tous les clubs politiques de la capitale. De Paris la Mine du veto se répandit aussitôt dans les villes, dans les villages, et tint la France entière attentive au débat. Le-mot veto désignait le despotisme et se trouvait dans toutes les bouches ; vouloir ou ne pas vouloir le veto, c'était aimer ou repousser la tyrannie. Le peuple n'avait cependant pas une idée nette du mot et de la chose. Dans les rues de Paris, le veto passait pour une espèce de monstre qui devait dévorer les petits enfants ou pour un impôt qu'il fallait abolir. Celui-ci demandait de quel district il était ; celui-là, non moins ignorant, le prenait pour un aristocrate conspirateur, et voulait qu'on le mît à la lanterne[19]. La populace finit par le personnifier ; elle appela Louis XVI et. Marie-Antoinette monsieur et madame Veto.

Pendant que l'Assemblée agitait ces questions fondamentales, la situation de Paris devenait alarmante. Cette ville remplie de soldats déserteurs, de vagabonds attifés de toutes les parties de la France et même des pays étrangers par l'amour du pillage, offrait l'image d'une prochaine désorganisation sociale. Instruments utiles aux desseins secrets des chefs du parti révolutionnaire, ces hommes audacieux fomentaient le désordre et prolongeaient l'anarchie en répandant chaque jour de nouvelles inquiétudes dans les esprits. Afin de persuader au peuple qu'il existait un projet d'incendier la capitale, on jetait avec affectation de4 matières sulfureuses sur le passage des patrouilles, où quelques hommes apostés abandonnaient, en prenant la fuite, des barils pleins de poudres combustibles. Une autre fois on affirmait que des caisses de poignards avaient été saisies à la douane, mais on ne désignait ni ceux à qui elles étaient adressées ni ceux par qui elles étaient envoyées[20]. La garde nationale, dont le général attendait à chaque instant une émeute, ne quittait pas les armes. Il faut reconnaitre qu'en l'absence de toute autorité respectée, elle réprima ou atténua souvent le désordre et rendit de grands services à Paris. Aussi importunait—elle les agitateurs de la place publique, Camille Desmoulins, qui, dans son épouvantable cynisme, se parait avec orgueil du titre de procureur général de la lanterne ; Marat, dont le Journal, l'Ami du peuple, suait toujours le sang, et qui, dans les premiers jours du mois d'août, osait demander qu'on pendît huit cents députés à huit cents arbres du jardin des Tuileries ; Danton, d'abord avocat obscur au Châtelet, qui essayait déjà l'empire de sa voix dans le district des Cordeliers qu'il présidait.

La disette augmentait sans cesse, et devenait aussi une cause permanente de désordre. Chargée de l'administration des subsistances, la municipalité envoyait chercher au loin des blés que, pour obtenir la tranquillité, elle revendait à perte. L'approvisionnement était alors devenu si difficile que la vie des habitants dépendait chaque jour de l'exactitude des envois aux moulins, de celle des meuniers à moudre, et de la diligence des convois dirigés sur Paris[21]. Encore fallait-il les faire escorter par de nombreux détachements de garde nationale, pour les soustraire au pillage des campagnes affamées. En même temps, les propos les plus absurdes circulaient : c'était le parlement qui empêchait les meuniers de moudre et les boulangers de cuire, ou bien c'étaient les nobles et les privilégiés qui incendiaient les moulins, défendaient à leurs fermiers et à leurs vassaux de vendre leurs blés ; c'était le ministère qui s'efforçait d'entretenir la disette par des spéculations sur les farines tirées de l'étranger. On insinuait laque que Necker était un des auteurs de ce monopole. Des attroupements suivaient ces discours et causaient de mortelles inquiétudes à Bailly ainsi qu'à La Fayette[22].

D'un autre côté, chaque corporation, chaque individu se croyait l'État et la nation ; un délire universel semblait s'être emparé des têtes : tout était corps délibérant. Les soldats aux gardes délibéraient à l'Oratoire, les garçons tailleurs à la Colonnade, les perruquiers aux Champs-Elysées ; quatre mille domestiques ouvraient leurs séances au Louvre, malgré les défenses de la municipalité et les efforts de la garde nationale ; et trois mille garçons cordonniers se réunissaient à la place Louis XV. L'effet des décrets du 4 août se faisait particulièrement sentir dans les corps et métiers ; tous se soulevaient contre les privilèges des maitres[23]. Mais rien n'égalait l'anarchie qui régnait dans les soixante districts ; ils formaient autant de républiques indépendantes[24], jalouses les unes des autres ; tous avaient un comité permanent, des comités de police, de surveillance, de force armée, de subsistances. Souvent chacun d'eux rendait des arrêts opposés à ceux de la Commune et entrait en lutte avec elle[25]. Les cabales, les intrigues y décidaient les élections, et les nombreux démagogues qui les ; composaient, interprétant à leur façon les droits de l'homme discutés par l'Assemblée nationale, faisaient adopter les motions les plus extravagantes. « Qu'on imagine un homme, disait Loustalot, dans les Révolutions de Paris, dont chaque pied, chaque main, chaque membre aurait une intelligence et une volonté, dont une jambe voudrait marcher, tandis que l'autre voudrait se reposer, dont le gosier se fermerait quand l'estomac demanderait des aliments, dont la bouche chanterait quand les yeux seraient appesantis par le sommeil, et l'on aura une image frappante de l'état de la capitale. »

Telle était la situation anarchique de Paris, lorsque la question de la sanction royale posée devant la Constituante, souleva les agitateurs et les démagogues de tous les districts dans lesquels elle trouva de violents adversaires (30 août). C'est surtout au Palais-Royal où' s'entassait la foule, attirée par les plaisirs du dimanche, que se manifesta la plus grande fermentation[26]. Là dominaient Camille Desmoulins, Loustalot, rédacteur des Révolutions de Paris, et le marquis de Saint-Huruge, gentilhomme bourguignon, autrefois tyran de ses vassaux. Détenu longtemps à la Bastille, sur la requête de sa femme, jolie et-galante, qui l'avait abandonné et s'était attachée à un personnage puissant, Saint-Huruge n'était sorti de prison que pour se rendre en Angleterre. Deux ans après il rentra en France (1789) avec la haine d'un exilé, et cet ennemi furieux de l'ancien régime embrassa la cause de la Révolution. Le Palais-Royal devint son forum. Une énorme tête, une grosse face, un corps trapu, une voix de Stentor, un regard audacieux, des idées pleines de fièvre et de violence, firent de ce fanatique altéré de sang, un tribun des plus dangereux.

Des meneurs, répandus au milieu de la foule confusément réuni, s'efforcent d'alarmer les esprits et de produire un soulèvement, en répétant des bruits qu'un journal avait publiés le matin même. « Il existe, disent-ils, une coalition entre le clergé, la noblesse et quatre cents membres des communes pour donner au roi le veto absolu : le roi doit apposer ce veto sur les décrets du 4 août et annuler tout ce que l'Assemblée a fait dans cette nuit célèbre en faveur du peuple ; plusieurs grands seigneurs s'éloignent de la capitale ; Monsieur, frère du roi, va conduire madame la comtesse d'Artois jusqu'à Turin. La liberté est menacée ; le comte de Mirabeau a été attaqué et blessé d'un coup d'épée par un assassin ; il faut lui donner une garde de deux cents hommes capables de le défendre contre les entreprises meurtrières des aristocrates (1). » Excitée par ces discours, la multitude veut qu'on punisse les mandataires infidèles qui ont vendu la liberté publique aux tyrans. Quelques hommes sages font de vains efforts pour ramener le calme, les motions les plus désespérées se succèdent ; les uns proposent d'assembler les districts ; les autres, d'aller à Versailles. « Il faut agir sur-le-champ, disait-on ; dans trois jours la France est esclave, et l'Europe suivra son sort[27]. »

Au même instant, les plus exaltés des orateurs du Palais-Royal, devenu le véritable gouvernement de Paris, sortent du café de Foy avec un arrêté audacieux qu'ils viennent de voter. Ils chargent le marquis de Saint-Huruge, l'exécuteur ordinaire de leurs œuvres, de le porter à Versailles : — On n'ignore pas quelles sont les menées de l'aristocratie pour faire passer le veto absolu ; — On connaît tous les complices de cet odieux complot ; — S'ils ne renoncent dès cet instant à leur ligue criminelle, quinze mille hommes sont prêts à marcher ; —La nation sera suppliée de révoquer ces mandataires infidèles, et de les remplacer par de bons citoyens ; — Enfin le roi et son fils seront également suppliés de se rendre au Louvre pour y demeurer en sûreté au milieu des fidèles Parisiens[28].

Saint-Huruge partit vers les dix heures du soir à la tête d'une députation suivie de quinze cents volontaires sans armes. Mais La Fayette et Bailly, prévenus de ce mouvement, avaient disposé de nombreuses troupes sur la route et aux barrières. Le marquis trouva tous les passages fermés, et se vit obligé de revenir au café de Foy pour rendre compte des obstacles qui l'empêchaient d'accomplir sa mission. Après une courte délibération, les factieux l'envoyèrent à l'Hôtel-de-Vile demander la liberté d'aller à Versailles. La Commune refusa de le recevoir. Une seconde députation composée de citoyens domiciliés et conduits par un capitaine de la garde nationale, fut admise mais accueillie avec la plus grande fermeté. Elle revint, comme la première, au Palais-Royal, dont elle trouva les orateurs « attendant patiemment à la porte du café de Foy, le maître de cette maison ayant voulu se coucher[29]. » On se contenta d'envoyer deux citoyens à Versailles.

Le lendemain, 31 août, l'affluence ne fut pas moins grande et le café de Foy se remplit bientôt des motionnaires empressés de connaître le résultat de leurs députations de la veille. A la nouvelle des refus qu'elles avaient éprouvés, ils s'abandonnèrent à tons les transports de la fureur. De temps en temps on entendait s'élever contre le veto de longs cris que répétait la populace ameutée. Il était question de prendre les armes, et de marcher à Versailles. La multitude applaudissait à tous les discours des orateurs, et la situation devenait terrible, lorsque Loustalot détourne les mutins de l'idée d'un voyage armé à Versailles, sans caractère légal, et propose une mesure, dans son opinion, plus légitime et plus efficace. C'est d'aller à l'Hôtel-de-Ville et d'obtenir des représentants de la Commune une réunion générale des districts, afin qu'ils puissent délibérer sur le veto et sur le rappel ou la confirmation des députés suspects. Cette motion est adoptée avec enthousiasme ; aussitôt le café de Foy et le Palais-Royal retentissent de ces cris : à la ville, à la ville, pour l'assemblée générale des districts ! Point de veto, point d'aristocrates ! point de tyrans ! Enfin le calme se rétablit : une députation est nommée, et c'est Loustalot qui la conduit à la municipalité. L'assemblée de la Commune s'étonna de l'infraction à l'arrêté porté contre les attroupements. « Si les citoyens du Palais Royal, dit Loustalot, eussent strictement observé les lois concernant les attroupements, la Bastille subsisterait encore, et vous n'auriez pas l'honneur d'être nos représentants. » Quelle autre réponse devait espérer de la révolte une autorité née de la révolution elle-même, et qui ne pouvait essayer de la réprimer sans reconnaître dans ses rangs son ancien drapeau et ses anciens complices ? La Commune repoussa cependant avec indignation les propositions de l'orateur. Une autre députation fut reçue et renvoyée de la même manière[30].

Pendant ce temps, les deux députés du Palais-Royal, arrivés à Versailles, se présentaient chez Lally-Tollendal. « Nous sommes, lui dirent-ils, envoyés vers vous comme vers un bon citoyen : en acceptant cette mission, nous avons suspendu la marche de vingt mille hommes armés qui attendent la décision de l'Assemblée. Paris ne veut point de veto ; il regarde comme traîtres ceux qui en veulent et il punit les traîtres. Plusieurs députés ont déjà mérité ce nom ; ils vont être révoqués ; et comme ils ne seront plus inviolables, on en fera justice. » Ils nommèrent alors les membres de l'Assemblée déjà menacés de proscription. « Je vous déclare, leur répondit Lally avec cou- rage, que je regarde moi-même la sanction royale comme un des plus fermes remparts de la liberté ; venez à l'Assemblée, vous serez témoins de nies et- forts pour la faire triompher et du compte fidèle que je rendrai de votre mission. » A ces mots, il partit et les envoyés le suivirent.

Lally tint parole et donna lecture de la motion du Palais-Royal. Deux avis de la Commune, adressés pendant la nuit à M. de Saint-Priest et renvoyés par ce ministre au président de l'Assemblée, confirmèrent son récit. Plusieurs lettres, écrites par les mécontents aux principaux députés et remises dans ce moment au président, étaient pleines de menaces. Elles renfermaient aussi de plus grands détails sur les projets hostiles des clubistes du. Palais-Royal[31]. L'indignation fut universelle. Mounier, rapprochant les troubles de Paris de ceux qui agitaient la France entière, montra leur liaison secrète. Il en tira la conséquence invincible qu'il existait des complots, et pressa l'Assemblée d'offrir une récompense de cinq cent mille livres à quiconque en fournirait des preuves légales. Mais le duc de La Rochefoucauld, Duport et quelques autres membres parvinrent à faire éluder les mesures de vigueur, en soutenant qu'il n'était pas de la dignité de l'Assemblée de s'occuper de lettres, la plupart anonymes, et de motions du Palais-Royal. L'ordre du jour mis aux voix par le président fut aussitôt adopté.

A Paris, la dernière réponse de l'Hôtel-de-Ville n'avait été suivie d'aucun désordre ; le Palais-Royal était cependant couvert d'une foule immense et de groupes fort animés. Le septembre, il envoya de nouveaux députés à l'assemblée de la Commune pour réitérer ses menaces contre ceux des membres de la Constituante qui ne paraissaient pas disposés à voter suivant ses désirs. Mécontents de sa réponse, ils menacèrent les représentants de la Commune et osèrent même, dit Bailly, « en portant le doigt au cou, faire le signe qu'ils seraient pendus. » Mais l'Assemblée ne se laissa point intimider, et le jour même elle lança un nouvel arrêté contre les attroupements du Palais-Royal et chargea le commandant général de déployer toutes les forces de la cité contre les perturbateurs du repos public. Alors la crainte s'empara de Camille Desmoulins qui courut chercher un refuge auprès de Mirabeau, à Versailles. Le marquis de Saint-Huruge, le baron de Tintot et plusieurs autres démagogues furent jetés en prison. Dès ce moment, l'autorité municipale fit surveiller le Palais-Royal par les districts armés ; de nombreuses patrouilles en sillonnèrent tous les environs. Les motions du café de Foy se calmèrent jusqu'à la fin du mois de septembre, et, pour se consoler du silence auquel ils étaient condamnés, les orateurs du jardin affichèrent sur les murs quelques caricatures propres à exciter les railleries de la foule contre les rondes menaçantes de la milice bourgeoise[32].

Cependant l'Assemblée nationale continuait la discussion sur les trois questions de la permanence des assemblées, de la division du pouvoir en deux chambres et de la sanction royale qu'elle faisait marcher de front. La permanence réunit la presque unanimité des suffrages (9 septembre). Le lendemain, on repoussa le projet de deux chambres, et au milieu des applaudissements, l'unité du pouvoir législatif fut adoptée à une très-grande majorité. Il ne restait plus à décider que la question de la sanction royale. Elle fut vivement débattue ; Mirabeau, qui voulait armer le pouvoir royal d'une autorité suffisante, montra toute la force de son génie en soutenant le veto absolu : dès l'ouverture des états, il s'était prononcé pour cette espèce de sanction en disant que, sans elle, il aimerait mieux vivre à Constantinople qu'à Paris. Cette discussion excita une grande fermentation parmi les révolutionnaires, et les murs de Versailles se couvrirent de placards menaçants. On affecta, en même temps de répandre Tes bruits les plus capables d'alarmer le roi et les ministres. « La France entière, disait-on, va se soulever ; la guerre civile devient inévitable, si l'Assemblée donne au roi le veto absolu. » L'inquiétude s'emparait du parti constitutionnel, lorsque Louis XVI, d'après le conseil de Necker, adressa un Mémoire à l'Assemblée, dans lequel il déclarait se contenter du veto suspensif. Ce dernier fut décrété, à la majorité de six cent soixante-treize voix contre trois cent vingt-cinq.

L'Assemblée ne voulut point fixer le temps que pourrait durer le veto suspensif avant de s'être assurée que le roi ne mettrait aucun obstacle à l'exécution de ses décrets du 4 août. Ils lui furent donc présentés avec prière d'en faire une simple promulgation. On décida ensuite que le corps législatif serait renouvelé entièrement tous les deux ans. Le baron de Juigné proposa tout à coup de reprendre la suite des articles du comité de constitution ; de décréter l'hérédité de la couronne et l'inviolabilité du roi (15 septembre). Aussitôt l'Assemblée se leva et rendit, avec des applaudissements réitérés, le décret suivant : « L'Assemblée nationale a déclaré par acclamation, et reconnu l'unanimité des suffrages, comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du roi est inviolable et sacrée ; que le trône est indivisible ; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de male en male, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leurs descendants[33]. »

Un autre membre proposa aussi l'inviolabilité de l'héritier présomptif ; mais sur la remarque faite par le duc de Mortemart que des fils avaient essayé de détrôner leur père, cette motion fut repoussée. Le député Target souleva ensuite la question des renonciations écrites dans le traité d'Utrecht, afin, sans doute, de servir les desseins du duc d'Orléans. Plusieurs membres soutinrent qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur cette question, la plus délicate, la plus importante et la plus difficile, parce qu'elle intéressait l'Europe entière, et qu'il ne fallait pas s'aliéner l'Espagne, alliée fidèle de la France. Mirabeau lui-même embrassa cet avis, et l'Assemblée s'empressa de passer à l'ordre du jour. Tout semblait fini, lorsque Mirabeau, excité soit par les amis du duc d'Orléans, soit par le simple désir de connaître l'état des partis, change tout à coup de langage, et demande qu'on ajoute au décret : « Nul ne pourra exercer la régence qu'un prince né en France. » — « La connaissance, ajoute-t-il, que j'ai de la géographie de l'Assemblée, le point d'où sont partis les cris d'ordre du jour me prouvent qu'il ne s'agit de rien moins ici que d'une domination étrangère, et que la proposition de ne pas délibérer, en apparence espagnole, est peut-être une proposition autrichienne. » Ainsi Mirabeau, toujours emporté, toujours prompt à l'insulte, attaquait audacieusement les partisans de la reine dans les partisans de la famille d'Espagne. Aux derniers mots qu'il prononça, des cris se firent entendre et tous les regards se tournèrent vers la place du duc d'Orléans : le prince était alors absent. Les débats recommencèrent avec plus de violence, et bientôt le désordre fut au comble. Tandis que les opposants réclamaient encore l'ordre du jour, Mirabeau insistait pour que l'Assemblée votât d'abord la partie non contestée du décret, et délibérât ensuite sur la partie contestée. Mais voyant que le président se disposait à mettre la question aux voix, il ne put contenir sa fureur, et lui fit passer un billet conçu en ces termes : « Monsieur le président, nous sommes ici quatre cents honnêtes gens opprimés par une majorité coalisée de huit cents députés ; il est temps que cette tyrannie finisse. Autrement nous serons forcés de prendre des moyens violents de la faire cesser[34]. »

Ce billet produisit son effet, Clermont-Tonnerre, effrayé, leva la séance, Le soir même de cette journée, le comte de Mirabeau et le marquis de Virieu se rencontrèrent, et l'entretien roula sur la séance. Virieu lui dit que le grand nombre des têtes existantes dans la famille royale les mettait heureusement à l'abri de craindre, dès longtemps, l'ouverture de la dangereuse difficulté qui venait de s'élever, au sujet de la branche d'Espagne, à la succession de la couronne. « Elle n'est pas aussi éloignée dans le fait, répondit Mirabeau, qu'elle le paraît au premier coup d'œil ; l'état pléthorique du roi et celui de Monsieur peut abréger leurs jours, et fait, à peu près, dépendre cette question de l'existence de M. le dauphin, qui est un enfant. — Mais je suis surpris, reprit Virieu, que vous oubliez M. le comte d'Artois et ses enfants. — Dans le cas, répliqua Mirabeau, où l'événement se présenterait, sous un temps peu éloigné, il faut avouer qu'on pourrait regarder M. le comte d'Artois comme fugitif, ainsi que ses enfants, et, d'après ce qui s'est passé, comme à peu près extra lex[35]. »

La nuit fut employée en intrigues, et la discussion ayant été reprise le lendemain, Target proposa d'ajouter au décret : sans entendre rien préjuger sur l'effet des renonciations. Cet amendement attira de grands reproches à son auteur, surtout de la part du marquis de Sillery. Il fut adopté de guerre lasse par l'Assemblée, à la majorité de cinq cent quarante-une voix contre quatre cent trente-huit. « Je demande, monsieur le président, s'écria Sillery avec colère, qu'il soit dit dans le procès-verbal que le décret a été rendu en l'absence du duc d'Orléans. — Et moi, répondit plaisamment le marquis de Mirepoix, je demande qu'il soit dit qu'il a été rendu en l'absence du roi d'Espagne[36]. » L'attitude de Mirabeau, dans ces débats, le fit regarder comme un des agents du parti d'Orléans[37].

Enfin l'Assemblée reçut la réponse du roi aux articles du 4 août (18 septembre). Louis pi, tout en approuvant l'esprit général qui les avait dictés, ne donnait à quelques-uns qu'une adhésion conditionnelle[38]. Dans sa lettre il faisait, sur certaines décisions qu'elle avait prises, des réflexions d'une grande justesse, parfaites de sens et de mesure. « Je dois observer, disait-il, au sujet des dîmes, que la plupart des habitants des villes, les commerçants, les manufacturiers, ceux qui sont adonnés aux arts et aux sciences, et tous les citoyens rentiers et autres qui n'auraient pas la double qualité de citadins et de propriétaires de terres, enfin, ce qui est plus important, les nombreux habitants du royaume dénués de toute propriété, n'auraient aucune part à cette immense libéralité... Que, dans une distribution faite avec soin et maturité, les cultivateurs les moins aisés profitassent en grande partie des sacrifices du clergé, je ne pourrais qu'applaudir à cette disposition, et je jouirais pleinement de l'amélioration de leur sort. Mais il est tel propriétaire de terre à qui l'affranchissement des dîmes vaudrait peut-être un accroissement de revenus de dix, vingt et jusqu'à trente mille livres par an : quel droit lui verrait-on à une concession si grande et si inattendue ? » Le fameux logicien Sieyès n'aurait pas mieux parlé.

« J'invite l'Assemblée nationale, ajoutait Louis XVI en terminant, à prendre en considération les réflexions que j'ai faites sur deux ou trois articles importants. C'est par une communication franche et ouverte de nos sentiments et de nos opinions, qu'animés du même amour du bien, nous parviendrons au but qui nous intéresse également. Le bonheur de mes peuples, si constamment cher à mon cœur, et la protection que je dois aux principes de justice, détermineront toujours mes démarches ; et puisque des motifs semblables doivent servir de guides à l'Assemblée nationale, il est impossible qu'en nous éclairant mutuellement, nous ne nous rapprochions pas en toutes choses. C'est l'objet de mes vœux, c'est celui de mes espérances[39]. »

Cette réponse du roi excita de vives réclamations dans l'Assemblée : on soutint que ces arrêtés avaient été présentés à la promulgation et non au consentement royal, qu'ils renfermaient plus de principes que de lois, et que la sanction n'était pas nécessaire pour consacrer des principes[40]. Sur la motion de Chapelier, appuyée par Mirabeau et le duc de La Rochefoucauld, il fut décidé que le président retournerait vers le roi pour le supplier d'ordonner incessamment la promulgation. L'Assemblée promettait de prendre en considération ses réflexions lorsqu'on en viendrait aux lois de détail. Louis XVI se rendit aux vœux des représentants, et leur envoya la sanction pure et simple qu'ils demandaient. C'est alors seulement que l'Assemblée délibérant sur la durée du veto suspensif, statua qu'il cesserait après deux législatures (21 septembre).

« Ainsi, dit Rivarol, fut abolie ou suspendue la monarchie française, fondée en l'an 420 de l'ère chrétienne, après quatorze siècles de fortunes diverses ; d'abord aristocratie royale et militaire, ensuite monarchie plus ou moins absolue, et maintenant démocratie, armoriée d'une couronne[41]. »

Tandis que la Constituante poursuivait son but, que les partisans de la Révolution se berçaient de l'espoir flatteur, les uns d'établir un gouvernement tout philosophique, les autres d'effectuer leurs projets de grandeur et de fortune, Necker vint encore interrompre ces songes agréables. Les capitalistes et les agioteurs, réunissant leurs efforts, avaient empêché le premier emprunt de trente millions de réussir ; il n'avait produit que deux millions six cent mille francs. Un second emprunt de quatre-vingts millions, à cinq pour cent, moitié en argent, moitié en bons royaux, décrété le 27 août, sur la proposition du ministre, n'avait aussi obtenu qu'un médiocre succès. Le ministre, accablé de tristesse, l'âme déchirée, renouvela dans un long discours, ses plaintes à l'Assemblée. Il lui reprocha de n'avoir rien fait pour les finances. Les troubles auxquels la France était en proie, avaient jeté le discrédit sur les deux emprunts. Cependant le déficit n'était pas de moins de soixante et un millions ! Les dépenses de l'année courante exigeaient quatre-vingts millions, et celles de l'année qui devait suivre un secours extraordinaire de quatre-vingts millions. Tout emprunt devenait inutile ; ce serait harceler maladroitement la confiance publique ; le numéraire disparaissait avec cette confiance : pour comble de malheur, les métaux précieux semblaient fuir du royaume, et chaque jour tarissait la source des richesses du royaume. En conséquence Necker demanda pour obvier à des maux si grands et si urgents, une contribution volontaire du quart du revenu (24 septembre). La proposition du ministre fut renvoyée au comité des finances, choisi dans le sein de l'Assemblée nationale[42].

Après trois jours d'examen, le comité approuva entièrement le plan de Necker et engagea l'Assemblée à l'adopter de confiance. Mirabeau, quoique ennemi du ministre, conseilla de voter sans aucune discussion ce plan que les députés n'avaient pas le temps de juger. « J'ose croire, ajouta-t-il, que la confiance illimitée que la nation a accordée au premier ministre des finances, vous autorise à lui montrer dans l'imminence des dangers, la même confiance illimitée. » Ces paroles entraînèrent le suffrage unanime de l'Assemblée, et dans le premier moment d'enthousiasme elle ordonna à Mirabeau de se retirer pour rédiger le projet d'acceptation qu'il avait proposé.

Pendant son absence, M. de Jessé, montant à la tribune, entreprit de combattre une opinion presque_ convertie en décret : « l'enthousiasme, dit ce député, est un des plus beaux mouvements du cœur humain ; mais la justice doit être plus respectée encore, et ce n'est point par ses mouvements, mais par ses réflexions que doit se conduire une assemblée de législateurs. » Alors il soutint que la contribution du quart de ses revenus ne pouvait être exigée du peuple, que dévorait partout la misère, sans avoir épuisé toutes les autres ressources. « Le trésor est vide ? continua l'orateur eh bien ! il y a, suivant un habile calculateur, pour un milliard d'argenterie en France ; évaluons seulement au septième de cette somme l'orfèvrerie des églises, et nous aurons cent quarante millions. » A ces mots tous les regards se tournent vers les membres de l'ordre ecclésiastique. Mais l'archevêque de Paris se leva et déclara que le clergé abandonnerait volontiers au trésor public les ornements des églises, à la réserve cependant de ce qui serait indispensable la décence du culte.

Au même instant Mirabeau rentra, et l'empressement de l'Assemblée pour terminer cette importante affaire, empêcha de mettre aux voix la motion de M. de Jessé. Un murmure général s'éleva contre la rédaction du projet de décret. Les ennemis de Necker se plaignaient de ce que l'Assemblée abandonnait sans discussion les intérêts de ses commettants. Ses amis insinuaient que l'intention de Mirabeau était de le compromettre en faisant peser sur lui seul la responsabilité des événements. « On m'a deviné, s'écria Mirabeau avec une audacieuse franchise, ou plutôt on m'a entendu ; car je n'ai jamais prétendu me cacher. Je ne crois pas, en effet, que le crédit de l'Assemblée nationale doive être mis en balance avec celui du premier ministre des finances ; je ne crois pas que le salut de la monarchie doive être attaché à la tête d'un mortel quelconque ; je ne crois pas que le royaume feu en péril quand M. Necker se serait trompé ; et je crois que le salut public serait très-compromis si une ressource vraiment nationale avait avorté, si l'Assemblée avait perdu son crédit et manqué une opé» ration décisive. » Il proposa ensuite une adresse afin d'exciter le patriotisme national, adresse qui, dans sa pensée, devait être un grand ressort, un grand mobile de succès pour le chef des finances.

Mirabeau est applaudi, mais la discussion recommence avec une nouvelle ardeur. De quelle manière l'Assemblée approuvera-t-elle le plan du ministre ? Les opinions se partagent sur cette question puérile. Bientôt les esprits s'animent outre mesure ; mille propositions contradictoires s'élèvent ; la voix des orateurs se perd au milieu du bruit qui retentit de toutes parts dans l'Assemblée ; les moments sont chers, et cependant ils s'écoulent en vaines subtilités. Au milieu de ce choc d'idées, Mirabeau indigné, frissonnant, s'élance une quatrième fois à la tribune, et, ramassant toute sa vigueur pour emporter le décret, il force l'attention et d'un geste de souverain commande le silence. L'orateur ramène d'abord à la délibération du jour par un petit nombre de questions bien simples, la fixe nettement, et montre à l'Assemblée, avec l'accent de la plus véhémente impression, qu'il lui est impossible de se soustraire à la triste nécessité qui pèse sur le royaume. 11 lui montre la banqueroute, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts, la banqueroute ouvrant son effroyable gouffre sous elle, prête à l'engloutir elle et la France.

Après avoir remué les passions secrètes jusqu'au fond de l'une et subjugué les opinions, les haines, les préjugés, les prétentions de la vanité par les merveilles de son éloquence, le nouveau Démosthène frappe les derniers coups. « Votez donc, s'écrie-t-il, ce subside extraordinaire. Et puisse-t-il être suffisant ! Votez-le, parce que si vous avez des doutes sur les moyens (doutes vagues et non éclaircis), vous n'en avez pas sur sa nécessité et sur notre impuissance à le rem- placer, immédiatement du moins. Votez-le, parce que les circonstances publiques ne souffrent aucun retard, et que nous serons comptables de tout délai. Gardez-vous de demander du temps, le malheur n'en accorde jamais... Eh ! messieurs, à propos d'une ridicule motion du Palais-Royal, d'une risible insurrection qui n'eut jamais d'importance que dans les imaginations faibles ou les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi, vous avez entendu naguère ces mots forcenés : Catilina est aux portes de Rome, et l'on délibère ! et, certes, il n'y avait autour de nous ni Catilina, ni périls, ni factions, ni Rome !... Mais aujourd'hui la banqueroute, la hideuse banqueroute est là ; elle menace de consumer, vous, vos propriétés, votre honneur... et vous délibérez ! »

On ne délibère plus, le feu, la véhémence de l'orateur ont passé dans toutes les âmes, l'Assemblée entière répond à ce discours par des cris d'admiration et d'enthousiasme. Un député se lève et dit : « Je demande à répondre à M. de Mirabeau, » mais il demeura le bras étendu, immobile, muet, glacé d'épouvante.

Alors l'Assemblée vote à l'instant même le décret suivant : « Vu l'urgence des circonstances, et ouï le rapport du comité, l'Assemblée nationale accepte de confiance le plan de M. le premier ministre des finances[43]. »

Necker avait adressé à tous les bons citoyens l'invitation solennelle de porter aux hôtels des monnaies leur vaisselle plate et leurs bijoux. On ouvrit à la porte de l'Assemblée une espèce de lombard dans lequel les citoyens de tout rang et de tout tige allèrent déposer leurs offrandes à la patrie. Tous les députés s'empressèrent à l'envi d'y porter leurs boucles d'argent.

Déjà Louis XVI et Marie-Antoinette, donnant l'exemple des sacrifices, avaient envoyé leur vaisselle à la Monnaie. « Le roi, disait alors Barrère dans sa feuille du Point du jour, le roi, dédaignant un faste inutile à sa grandeur, a envoyé à la Monnaie toute son argenterie et celle de la reine. Le même trait honora Louis XIV, mais c'était pour les frais de la guerre qui désolait l'Europe. Louis XVI veut s'en servir pour assurer les bases de la liberté qui doit régénérer ses peuples. » L'Assemblée nationale les pria, par députation, de la retirer, mais le roi répondit que, « ni la reine ni lui n'attachaient d'importance à ce sacrifice, et qu'ils y persistaient. » Cette réponse reçut les applaudissements les plus vifs. « Quand la justice et la probité sont sur le trône, écrivait encore Barrère à cette occasion, toutes les vertus règnent avec elles[44]. » Enfin, le 1er octobre, Necker, après avoir déroulé devant l'Assemblée tous les détails du plan qu'elle avait adopté, déposa en billets de caisse sur le bureau du président un don de cent mille francs, eu déclarant que cette somme excédait le quart de son revenu.

A de grands maux, le ministre avait eu le courage de présenter de grands et pénibles remèdes, mais la contribution sur laquelle il comptait pour combler le déficit de l'année, ne rapporta que quatre-vingt-dix millions dans l'espace de trois ans[45].

 

 

 



[1] Dans le nombre de ceux qui proposèrent les divers sacrifices de cette nuit, on compta huit ducs : le duc d'Orléans, le duc du Châtelet, le duc de Mortemart, le duc de Villequier, le duc d'Amont, le duc de Castries, le duc de Liancourt et le duc de la Rochefoucauld. (Mémoires de Weber, t. I, chap. IV, p. 405).

[2] Nommé ministre des affaires étrangères, vers la fin de l'année 1821, M. le vicomte de Montmorency, a rétracté à la tribune de la Chambre des députés les opinions qu'il avait émises, au sein de l'Assemblée constituante, dans la séance du 4 août.

[3] « Ce fut la nuit du 4 août, que les démagogues de la noblesse, fatigués d'une longue discussion sur les droits de l'homme, et brûlant de signaler leur zèle, se levèrent tous à la fois, et demandèrent à grands cris les derniers soupirs du régime féodal. Ce mot électrisa l'Assemblée.... »

« Le feu avait pris à toutes les têtes. Les cadets de bonne maison, qui n'ont rien, furent ravis d'immoler leurs trop heureux ainés sur l'autel de la patrie ; quelques curés de campagne ne goutèrent pas avec moins de volupté le plaisir de renoncer aux bénéfices des autres ; mais, ce que la postérité aura peine à croire, c'est que le même enthousiasme gagna toute la noblesse ; le zèle prit la marche du dépit : on fit sacrifices sur sacrifices. Et comme le point d'honneur chez les Japonais est de s'égorger en présence les uns des autres, les députés de la noblesse frappèrent à l'envi sur eux-mêmes, et du même coup sur leurs commettants. Le peuple, qui assistait à ce noble combat, augmentait par ses cris l'ivresse de ses nouveaux alliés ; et les députés des communes, voyant que cette nuit mémorable ne leur offrait que du profit sans honneur, consolèrent leur amour-propre en admirant ce que peut la noblesse entée sur le Tiers-état. Ils ont nommé cette nuit la nuit des dupes, les nobles l'ont nommée la nuit des sacrifices. » (Mémoires de Rivarol, p. 139-140, Collection Berville et Barrière).

[4] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. Hi, p. 183490.— Mémoires de Bailly, t. II, p. 213-217. — Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. II, chap. XIII, p. 203-226. Mémoires de Weber, t. 1, chap. IV, p. 404-405.

[5] Voir le Moniteur, séance de la nuit du 4 août.

[6] Courrier de Provence, t. II, n° 24.

[7] Correspondance inédite, t. I, p. 140, citée dans l'Histoire parlementaire, t. II, 2e livraison, p. 248.

[8] « La dîme a donc été supprimée purement et simplement.

Cette suppression est un grand bien pour les propriétaires de terres. Je crois qu'elle produisait annuellement de quatre-vingts à cent millions. Ce produit pour l'entretien du culte a dit être remplacé par un impôt ; le fonds de ce produit que les propriétaires des terres n'ont pas payé, puisque la charge de la dîme entrait nécessairement dans l'évaluation des terres, ne pouvait-il pas tourner à quelque profit pour la nation, chargée d'une énorme dette ? Il me semble qu'on aurait pu mettre quelque condition à cet abandon des dilues et it leur suppression, si ce n'est pour les petits propriétaires, au moins pour les gros décimateurs. » (Mémoires de Bailly, t. II, p. 255).

[9] « Que voulait en effet la France en 1789 ? En un seul mot l'abolition du régime féodal. La royauté avait devancé et guidé la nation dans cette longue et difficile entreprise. Henri IV avait fait les premiers pas décisifs ; Richelieu avait continué l'œuvre d'Henri IV, et Mazarin celle de Richelieu. »

Victor Cousin, Fin de la fronde de Paris (Revue des Deux-Mondes, livraison du 15 mars 1859, p. 265).

[10] Voir le numéro du 15 mai 1858 de la Revue Contemporaine, p. 18-30.

[11] Weber, Mémoires, t. I, chap. IV, p. 403. — Bailly, Mémoires, t. II, p. 210. Ferrières, Mémoires, t. I, liv. III, p. 191-192.

[12] « Malheureusement pour M. Necker, dans cet hommage rendu à l'Assemblée nationale, il oublia ou dédaigna de comprendre Mirabeau, dont l'ambition suprême était d'entrer dans un ministère per fas et nefas, et dès lors commença à exister cette rivalité et cette haine contre lui, que Mirabeau conserva jusqu'à la mort. » (Weber, Mémoires, t. I, chap. IV, p. 403),

[13] Bailly, Mémoires, t. II, p. 251. — Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. II, p. 261-267.

[14] « Mirabeau commençait alors la guerre contre M. Necker. On assure qu'il lui avait fait proposer de l'associer au ministère des finances, et que sur le refus de M. Necker, il résolut de le pousser et de le perdre. » (Bailly, Mémoires. t. II, p. 237).

[15] Ferrières, Mémoires, t. I, liv. p. 194-198. — Bailly, Mémoires, t. II, p. 239-240. — Weber, Mémoires, t. I, chap. IV, p. 405. — Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. II, p. 233-246.

« Les capitalistes refusèrent de prêter leurs fonds à l'État, parce que l'Assemblée nationale avait réduit à quatre et demi l'intérêt de l'emprunt que M. Necker avait proposé de fixer à cinq pour cent. Le patriotisme des capitalistes et banquiers disparut à la vue d'un demi pour cent de diminution. »

(L'abbé de Montgaillard, Histoire de France, troisième édition, t. II, chap. III, p. 281).

[16] M. Louis Blanc, que ses doctrines rattachent à celles de Robespierre, nous dépeint ainsi le député, d'Arras, son héros : « Ce n'était point par Sieyès que la Révolution devait être conduite : Robespierre était là ! Non qu'à cette époque le futur ascendant de Robespierre se laisse deviner. Peu s'en fallait même qu'aux yeux des gentilshommes qui s'essayaient au rôle des Gracques avec le laisser-aller et la grâce du bel esprit, l'avocat d'Arras ne fût un objet de risée. La Révolution ne l'ayant pas encore transformé et fait à son image, on trouvait sa parole lourde et apprêtée : ses apparitions à la tribune, qui, phis tard, firent trembler, faisaient alors sourire. Rien n'apparaissait de ce qu'il y avait en lui de fatal et de grand. Seul, en chaque débat, il atteignait à l'extrémité des questions ; seul, au milieu de tous ces hommes tourmentés de tant de sentiments contraires, il allait droit devant lui, sans crainte, sans hésitation, sans respect humain, sans inconséquences, le regard invariablement fixé sur l'horizon ; mais autour de lui on n'y prenait garde. Le foyer qu'on a ordinairement dans le cœur, il l'avait, lui, dans la tête. Il était passionné par l'intelligence. Il avait des croyances solides mais froides comme l'acier. Sa conviction était indomptable et morne. C'en était assez pour qu'on ne soupçonnât pas quelle puissance d'agitation résidait en lui. On ne le comprit que quand la Révolution elle-même voulut être comprise. Lorsqu'il exprimait sa pensée en formules inflexibles et profondes, ce n'étaient à droite, à gauche, partout, que transports d'hilarité insultante. Pourtant, en étudiant ses roides maximes, en éprouvant sa foi d'airain, en interrogeant le bleu amer de ses yeux, en contemplant son mince visage dont le teint vert rappelait, en de certains moments, la couleur des flots, quelques-uns eurent un pressentiment confus de sa destinée. Cet homme, dit un jour Mirabeau dans un moment d'émotion involontaire, fera quelque chose : il croit à ce qu'il dit. » (Histoire de la Révolution, t. III, chap. in, p. 33-37.)

Il est facile de reconnaître dans ces lignes l'écrivain inspiré par une aveugle partialité en faveur de Robespierre, dont il s'efforcera bientôt de justifier l'affreux système.

A côté de ce portrait nous placerons celui du même homme que nous a tracé dans son histoire des Girondins l'auteur des Méditations, le plus grand poète lyrique de la France moderne : « Robespierre était petit de taille, ses membres étaient grêles et anguleux, sa marche saccadée, ses attitudes affectées, ses gestes sans harmonie et sans grâce ; sa voix, un peu aigre, cherchait les inflexions oratoires et ne trouvait que la fatigue et la monotonie ; son front était beau mais petit, fortement bombé au-dessus des tempes, comme si la masse et le mouvement embarrassé de ses pensées l'avaient élargi à force d'efforts ; ses yeux, très-voilés par les paupières et très-aigus aux extrémités, s'enfonçaient profondément dans les cavités de leurs orbites ; ils lançaient un éclair bleuâtre assez doux, mais vague et flottant comme un reflet de l'acier frappé par la lumière ; son nez, droit et petit, était fortement tiré par des narines relevées et trop ouvertes ; sa bouche était grande, ses lèvres minces et contractées désagréablement aux deux coins, son menton court et pointu, son teint d'un jaune livide, comme celui d'un malade ou d'un homme consumé de veilles et de méditations. L'expression habituelle de ce visage était une sérénité superficielle sur un fond grave, et un sourire indécis entre le sarcasme et la grâce. Il y avait de la douceur, mais une douceur sinistre. Cc qui dominait dans l'ensemble de sa physionomie, c'était la prodigieuse et continuelle tension du front, des yeux, de la bouche, de tous les muscles de la face. On voyait en l'observant que tous les traits de son visage, comme tout le travail de son âme, convergeaient sans distraction sur un seul point, avec une telle puissance qu'il n'y avait aucune déperdition de volonté dans ce caractère, et qu'il semblait voir d'avance ce qu'il voulait accomplir, comme s'il l'eût eu déjà en réalité sous les yeux.

Tel était alors l'homme qui devait absorber en lui tous ces hommes, et en faire ses victimes après en avoir fait ses instruments. Il n'était d'aucun parti, mais de tous les partis qui servaient tour-à-tour son idéal de la Révolution. C'était là sa force, car les partis s'arrêtaient ; lui ne s'arrêtait pas. Il plaçait cet idéal comme un but en avant de chaque mouvement révolutionnaire, il y marchait avec ceux qui voulaient l'atteindre ; puis, quand le but était dépassé, il se plaçait plus loin et y marchait encore avec d'autres hommes, en continuant ainsi sans jamais dévier, sans jamais reculer. La Révolution, décimée dans sa route, devait inévitablement se résumer un jour dans une dernière expression. Il voulait que ce fût lui. Il se l'était incorporée tout entière, principes, pensées, passions, colères. En se l'incorporant tout entière, il la forçait de s'incorporer un jour en lui. Ce jour était loin. (Lamartine, Histoire des Girondins, t. I, liv. I, p. 51-52, édition in-8°).

Dans ce dernier portrait où brille l'imagination du poète, plus que le caractère grave de l'historien, celui du juge impartial, Robespierre est encore trop flatté. D'ailleurs, en racontant les événements de cette terrible époque de notre histoire, M. de Lamartine a voulu, comme MM. Michelet et Louis Blanc, relever les images de Marius, en d'autres termes réhabiliter la Révolution dans l'esprit de la nation française. Par la peinture des crimes sanglants qu'elle a enfantés, il a voulu jeter l'indulgence, le pardon, osons le dire, quelque fois même la gloire, aux auteurs jusque-là les plus odieux et les plus redoutés de l'horrible drame de 4793. Le 24 février 1848 est là pour nous dire si les enseignements de son livre, plein de sentiments républicains, ont porté leurs fruits. Lorsque la royauté fut encore bannie du trône, M. de Lamartine resta fidèle à son rôle en précipitant le pays dans une nouvelle œuvre révolutionnaire. Mais n'allons pas plus loin ; rappelons-nous que ce brillant écrivain a noblement racheté ses erreurs, que « La France a, pour les hommes qui l'ont honorée par leurs services ou par leurs talents, un respect qui fait partie de nos mœurs publiques... Il semble que l'on porte atteinte à son propre honneur quand on blesse des renommées qu'elle a adoptées et qui font partie de son panthéon national. » (A. Esparbié, Journal la Fronce, n° du mercredi 27 niai 1863).

[17] Villemain, Dix-huitième Siècle, t. IV.

[18] L'universalité que plusieurs historiens reprochent à la Déclaration, est précisément, dans l'opinion de M. Lanfrey, avec lequel nous ne sommes lias d'accord, ce qui fait sa grandeur, sa force et sa gloire « Elle procède en cela, dit-il, comme toutes les grandes révolutions religieuses, philosophiques et morales, qui ont toujours eu en vue l'humanité tout entière. Si les hommes venaient jamais à oublier les signes distinctifs du vrai, du beau et du bien, ils les reconnaîtraient encore à ce caractère de généralité, qui suffirait à lui seul pour les faire retrouver sous les ruines de toute civilisation et de toute vertu. » (P. Lanfrey, Essai sur la Révolution française, p. 154-155).

[19] M. de Virieu raconta que deux habitants de la campagne parlaient un jour du veto. « Sais-tu ce que c'est que le veto ? dit l'un. — Non. — Eh bien, tu as ton écuelle remplie de soupe ; le roi te dit : Répands ta soupe, et il faut que tu la répandes. »

« Un paysan, dit Bertrand de Molleville, à qui je demandai ce qu'il entendait par le roté suspensif, contre lequel il vomissait les imprécations les plus violentes, me répondit que si le suspensif passait, le roi et ses ministres pourraient faire pendre qui ils rendraient. J'eus bien de la peine à le désabuser. »

[20] Ferrières, Mémoires, t. I, liv III, p. 203-204.

[21] Bailly, Mémoires, t. II, p. 290.

[22] Bailly, Mémoires, t. II, p. 293. — Ferrières, Mémoires, t. I, livre III, p. 205.

[23] « Aujourd'hui (18 août) les garçons tailleurs, par une déclaration concertée, refusèrent de travailler si Fou n'augmentait le prix de leur journée. Tous d'accord, c'est un moyen bien simple de faire la loi. Je fis venir quelques-uns d'entre eux, je leur expliquai avec douceur les principes, je leur montrai de la fermeté pour soutenir ces principes, et leur promis justice ; ils s'assemblèrent cependant ; j'avais prévenu M. de La Fayette qui y envoya des forces ; et à cette vue ils prirent le parti de se retirer...

« Les perruquiers s'assemblèrent aussi ; leurs demandes n'étaient pas injustes : mais dans ces moments, toutes les assemblées étaient inquiétantes ; on cherchait à armer les différents corps les uns contre les autres, » (Bailly, Mémoires, t. II, p. 276-277).

[24] « Les districts, au lieu de se regarder comme des fractions de communes, forment des communes séparées, et s'attribuent une volonté entière, quoiqu'ils n'aient qu'un soixantième de volonté. » (Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 5).

[25] « La mésintelligence qui règne dans les districts, la contradiction de leurs principes, de leurs arrêtés et de leur police, leur désunion de sentiments avec le corps municipal, offrent, depuis que le premier danger est passé, le spectacle d'une épouvantable anarchie. » (Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 5).

[26] « Le soir il y eut du trouble au Palais-Royal ; on avait soufflé la discorde. Un certain parti de l'Assemblée, voulant se faire appuyer du peuple, a fait échauffer les esprits, et a élevé la querelle du veto... On disait au peuple que des traîtres voulaient le veto absolu, que la France allait être esclave. » (Bailly, Mémoires, t. II, p. 326).

[27] Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. II, chap. XXI, p. 359-361. — Bailly Mémoires, t. II, p. 326-327. — Ferrières, Mémoires, t. I, liv. III, p. 326.

[28] Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. II, chap. XXI, p. 361-362. — Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 8, p. 10.

[29] Prudhomme, Révolutions de Paris, t. I, n° 8, p. 12. C'était au café de Foy que se tenaient habituellement les assemblées des orateurs du Palais-Royal. Ils s'y rendaient dès le matin, et n'en sortaient quelquefois qu'après minuit. Là ils recevaient des communications de leurs agents, des députations envoyées par les districts. Ils en adressaient à la Commune et male à l'Assemblée nationale. Prudhomme rapporte que souvent le maître du café, pressé de se courber, renvoyait les assistants qui terminaient leurs délibérations dans le jardin du Palais-Royal.

[30] Histoire de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, chap. XXI, p. 363-370. — Mémoires de Bailly, t. II, p. 331-338. — Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 231-234. — Prudhomme, Révolutions de Paris, t. I, n° 8, p. 16.

[31] Une de ces lettres adressées au président (l'évêque de Langres), signée par le marquis de Saint-Huruge et par quelques autres personnes, était ainsi conçue : « L'assemblée patriotique du Palais-Royal a l'honneur de vous faire part que si la portion de l'aristocratie formée par une partie du clergé, par une partie de la noblesse, et par cent vingt membres des communes, ignorants ou corrompus, continue de troubler l'harmonie, et vent encore la sanction absolue, quinze mille hommes sont prêts à éclairer leurs châteaux et leurs maisons, et les vitres particulièrement, monsieur, et à faire subir aux députés qui trahissent leur patrie le sort des Foullon et des Berthier. »

Une note remise aux secrétaires contenait ces paroles : « Vos maisons répondront de votre opinion, et nous espérons due les anciennes leçons recommenceront : songez-y et sauvez-vous. »

[32] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 228-231. — Mémoires de Bailly, t. II, p. 341-345. — Histoire de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, chap. XXI, p. 371-377.

[33] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. III, p. 231-237. — Histoire de la Révolution par deux amis de la liberté, t. III, chap. I, p. 1-16.

[34] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 237-241. — Mémoires sur Mirabeau, t. III, p. 432-441.

[35] Mémoires de Ferrières, t I, liv. III, p. 240-241. — Mémoires sur Mirabeau, t. III, p. 309-310.

[36] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 213-214. Collection Berville et Barrière.

[37] « Je crois que l'Assemblée a fait sagement de ne pas juger dans ce moment les renonciations. Mirabeau n'était pas de cet avis ; mais si l'Assemblée avait toujours eu la même sagesse de ne pas multiplier, au moment de sa naissance, les ennemis de la constitution, notre position actuelle serait meilleure. Il ne faut pas admettre la branche d'Espagne sur le trône de France ; il ne faut pas, dans le moment présent l'exclure plus que ne l'ont fait les renonciations. Voilà tout en deux mots. C'est ce qu'a fait l'Assemblée. » (Mémoires de Bailly, t. II, p. 373).

[38] « Le roi sanctionna ce qui tenait au sacrifice de ses plaisirs, mais refusa son adhésion aux autres décrets de cette tumultueuse nuit : ce refus devint une des principales causes des crises du mois d'octobre. » (Mémoires de Madame Campan, t. II, chap. XV, p. 68).

[39] Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. III, ch. I, p. 16-27. — Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 244.

[40] « L'Assemblée nationale, qui veut bien tromper le peuple sur l'état du roi, mais qui ne veut pas que les ministres s'y trompent, s'indigna contes les observations de sa majesté. Elle soutint vivement qu'en sa qualité de corps constituant suprême, elle ne devait attendre du pouvoir exécutif que la parfaite obéissance que tout officier doit au souverain. Peu s'en fallut même que ces représentations ne fussent traitées de félonie. line Assemblée si jalouse du bonheur des peuples pouvait-elle consentir qu'un simple délégué, tel que Louis XVI, voulût en partager avec elle les tendres inquiétudes ? » (Mémoires de Rivarol, p. 248).

[41] Rivarol, Mémoires, p. 204.

[42] Histoire de la Revolution, par deux amis de la liberté, t. III, chap. II, p. 32-37. — Mémoires de Rivarol, p. 105-108. — Mémoires de Bailly, t. II, p. 369. — Mémoires de Ferrières, t. I, liv. III, p. 251-252.

[43] Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté, t. III, chap. II, p. 38-51. — Mémoires de Ferrières. t. I, liv. III, p. 252-263. — Mémoire sur Mirabeau, t. III, p. 447-460.

[44] Mémoires de Weber, t. I, chap. IV, p. 408.

[45] Mémoires de Weber, t. I, chap. IV, p. 409.