SOMMAIRE : Négociations. — Fausses conjurations républicaines. — Explosion de la machine infernale. — Prolongation et rupture de l'armistice. — Bataille de Hobenlinden. — Paix de Lunéville. — Concordai avec le pape. — Organisation définitive de la république cisalpine. — La paix d'Amiens. — Rappel des' émigrés. — Institution de la Légion-d'Honneur. — Consulat à vie. — Expédition de Saint-Domingue. — Reconnaissance des nouvelles républiques.1800 À 1802.On s'attendait à la paix, Bonaparte la proposa sur la base du traité de Campo-Formio. Mais l'Angleterre l'avait devancé. Le jour même, et quelques heures avant l'arrivée du courrier qui apportait les nouvelles de la bataille de Marengo et de la convention d'Alexandrie, le baron de Thugut et lord Minto avaient signé un nouveau traité de subsides, par lequel l'empereur et le roi d'Angleterre s'engageaient, 1° à poursuivre la guerre contre la France avec vigueur et persévérance ; 2° à ne faire aucune paix séparée, et sans le consentement des deux parties. Le résultat de cette intrigue du cabinet de Saint-James était de nature à surprendre Bonaparte et à l'alarmer. Il était difficile de pénétrer les motifs qui avaient déterminé la conclusion d'un pareil traité, tout à l'avantage de l'Angleterre. En prolongeant la guerre, l'empereur compromettait évidemment l'existence de ses états héréditaires, tandis que l'Angleterre ne risquait que de l'or. Retranchée dans son île, elle troublait ainsi impunément la paix du continent, et tandis que son or pénétrait dans les cabinets et soumettait les princes et les ministres à ses vues politiques, ses flottes monopolisaient le commerce des deux mers, et rentraient chargées de ces trésors, qu'elle prodiguait pour étendre son influence fatale. Néanmoins, de graves revers vinrent à cette époque compromettre le repos et la force de notre éternelle ennemie. Le duc d'York, à la tête de vingt mille hommes, fut battu au Helder par le général Brune ; d'autres tentatives échouèrent pareillement à Quiberon, où les Anglais voulaient descendre une seconde fois : au Ferrol, où ils essayèrent vainement d'incendier l'arsenal ; à Cadix, qu'ils ne purent surprendre avec une flotte de cent quarante voiles et vingt mille hommes de débarquement, au moment où la fièvre jaune désolait cette belle ville. Ils prirent, il est vrai, l'île de Malte, que Vaubois défendit vaillamment ; mais ce succès dut être pour eux une bien faible compensation à des échecs réitérés. L'Europe avait vu avec indignation l'expédition contre Cadix : là encore les Anglais avaient eu la double honte de tenter une lâche entreprise et d'y échouer. Le premier consul avait rendu à la France sa gloire et la tranquillité intérieure ; et cependant les circonstances étaient telles, qu'il se trouvait environné d'ennemis particuliers. Fouché exploita ces circonstances à son profit ; il avait besoin de prouver son dévouement à la personne du premier consul, et il fallait, pour qu'on le jugeât un homme indispensable, qu'il justifiât de son habileté. Chaque jour il découvrait quelque nouvelle conspiration, et, pour que sa vigilance parût des plus actives, il déjouait des complots qu'il avait fait ourdir par ses agents provocateurs. C'est à lui qu'appartient cette sublime invention de l'alliance des royalistes et des républicains qui s'est reproduite de nos jours avec un succès bien propre à faire croire que la réputation d'esprit de la nation française n'est qu'un préjugé. Fouché dressa d'abord ses batteries contre les hommes du parti dans lequel il avait figuré avec une exaltation bien atroce : il chercha à les enlacer dans ses filets : il multiplia contre eux les accusations, pendant qu'il faisait jouer mille ressorts secrets pour changer ea action la haine qu'ils devaient porter au général qui avait assassiné la liberté : c'est ainsi qu'il poussa vers l'échafaud l'infortuné Ceracchi, journaliste plein de talents, l'adjudant-général Aréna, et le peintre Topineau Lebrun, qui furent arrêtés et condamnés pour avoir formé le projet d'attenter aux jours du premier consul. D'autres conjurations républicaines, qui n'avaient pas une plus grande réalité, furent signalées parle ministre. Il y eut celle de Jouvenot, ex-aide-de-camp de Henriot : il avait voulu, disait-on, avec une vingtaine de complices, aller tuer Bonaparte à la Malmaison ; d'autres hommes obscurs, Humbert, Chapelle, le tanneur Medge, furent aussi, pour des motifs semblables, livrés à la vindicte des lois : Fouché s'attachait à montrer sans cesse le fatal poignard dans les mains des républicains, qu'il persécutait avec un acharnement incroyable. Toutefois ce n'était point dans ce parti, qui n'agit jamais dans l'ombre, qu'était le véritable danger. Le 10 octobre 1800 eut lieu l'explosion de la machine infernale. Cette invention diabolique, qui causa tant de rumeur et fit tant de victimes, fut préparée par les royalistes, fi est très-remarquable que le soir de la catastrophe le premier consul montra une répugnance extrême pour sortir ; on donnait à l'Opéra un concert ; le bel Oratorio d'Hayden, la Création du monde, y devait être exécuté pour la première fois ; madame Bonaparte et quelques intimes du premier consul voulaient absolument qu'il allât l'entendre : Bonaparte était endormi sur un canapé, et il fallut qu'on l'en arrachât ; que l'un lui apportât son épée, et l'autre son chapeau. Dans la voiture même, il sommeillait de nouveau. Arrivé rue Saint Nicaise, on trouva le passage embarrassé par une petite charrette attelée d'un seul cheval. Le cocher évita l'obstacle sans ralentir la course de ses chevaux. A peine était-il au-delà, qu'une explosion terrible brisa les glaces de la voiture, blessa le cheval du dernier homme du piquet, et inonda la rue de mitraille, d'artifices et de fumée. Bonaparte racontant lui-même cet événement à Sainte-Hélène, disait : J'ouvris subitement les yeux, rêvant que je me noyais dans le Tagliamento : quelques années auparavant j'avais couru le plus grand danger, en passant de nuit cette rivière. Or, en cet instant je m'éveillais, au milieu d'une conflagration ; la voiture était soulevée : je retrouvais en moi toutes les impressions du Tagliamento, qui, du reste, n'eurent que la durée d'une seconde, car une effroyable détonation se fit aussitôt entendre. Nous sommes minés ! furent les seules paroles que le premier consul adressa à Lannes et à Bessières, qui se trouvaient avec lui : ces généraux voulaient arrêter à toute force, mais il s'y opposa, et ils arrivèrent à l'Opéra, comme si de rien n'était. Le premier consul fut sauvé par l'audace de son cocher et la rapidité de ses chevaux ; ce qu'il y a de plus extraordinaire dans cette circonstance, c'est que le cocher était ivre à tel point, que ce n'est que le lendemain qu'il sut ce qui était arrivé ; il avait pris là détonation pour un salut militaire. Aussitôt après l'événement, on s'en prit encore aux jacobins, Bonaparte haïssait tout ce qui restait de républicains purs : il savait qu'aucun des hommes vraiment honorables de la révolution ne se façonnerait à la tyrannie, qu'il se proposait dès lors d'établir : il mit donc à profit le moment de terreur que le crime du 3 nivôse causait, et, par la mesure la plus inique, il enveloppa dans une cruelle proscription les patriotes connus par la sévérité de leurs principes. Cinq cents furent proscrits, et cent cinquante furent déportés dans les déserts de la Guyane, où presque tous ont depuis péri misérablement. Tandis que la haine de Bonaparte se vengeait ainsi sur les patriotes innocents, les vrais coupables ne se cachaient guères : c'étaient des royalistes chouans. Ils se plaignaient tout haut de n'avoir pas réussi. Quelques uns furent saisis ; on instruisit leur procès. Les deux chefs Carbon et Saint-Régent furent condamnés à mort. Plusieurs autres conspirations plus ou moins obscures furent dirigées, à la même époque, contre les jours du premier consul ; mais, suivant son système de ne jamais parler des dangers qu'il avait courus, il en fit garder le secret. Une particularité assez étrange c'est que, pendant que le premier consul était ainsi en butte aux machinations du parti royaliste, soudoyé par l'Angleterre, les Français du dehors ne doutaient nullement de l'opinion du premier consul en faveur des Bourbons. L'un des agents secrets du comté de Lille, l'abbé de Montesquieu, fit remettre à Bonaparte, par le troisième consul Lebrun, deux lettres du prétendant, conçues en ces termes : AU GÉNÉRAL BONAPARTE. Quelle que soit leur conduite apparente, des hommes tels que vous, Monsieur, n'inspirent jamais d'inquiétudes. Vous avez accepté une place éminente, et je vous en sais gré. Mieux que personne vous avez ce qu'il faut de force et de puissance pour faire le bonheur d'une grande nation. Sauvez la France de ses propres fureurs, et vous aurez rempli le vœu de mon cœur. Rendez-lui son roi, et les générations futures béniront votre mémoire. Vous serez trop nécessaire à l'état, pour que je songe à acquitter par des places importantes la dette de mon agent et la mienne. LOUIS. Depuis longtemps, général, vous devez savoir que mon estime vous est acquise. Si vous doutiez que je fusse susceptible de reconnaissance, marquez votre place, fixez le sort de vos amis. Quant à mes principes, je suis Français : clément par caractère, je le serais encore par raison. Non, le vainqueur de Lodi, de Castiglione et d'Arcole, le conquérant de l'Italie ne peut pas préférer à la gloire une vaine célébrité. Cependant vous perdez un temps précieux. Nous pouvons assurer la gloire de la France : je dis nous, parce que j'aurais besoin de Bonaparte pour cela, et qu'il ne le pourrait pas sans moi. Général, l'Europe vous observe, la gloire vous attend, et je suis impatient de rendre la paix à mon pays. LOUIS. Bonaparte n'avait pas répondu à le première lettre, il répondit en ces termes à la seconde, le 7 septembre : J'ai reçu, Monsieur, votre lettre. Je vous remercie des choses honnêtes que vous m'y dites. Vous ne devez plus souhaiter votre retour en France : il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres. Sacrifiez votre intérêt au repos et au bonheur de la France ; l'histoire vous en tiendra compte. Je ne suis pas insensible au malheur de votre famille. Je contribuerai avec plaisir à l'adoucir et à la tranquillité de votre retraite. BONAPARTE. L'ouverture de M. le comte d'Artois eut plus d'élégance et de recherche encore : il dépêcha la duchesse de Guiche, femme charmante, bien faite, par les grâces de sa figure, pour mêler beaucoup d'attraits à l'importance de sa négociation. Elle pénétra facilement auprès de madame Bonaparte ; mais dès que le premier consul apprît la mission de la jolie duchesse, il lui fit donner l'ordre de quitter Paris dans la nuit même. Le bruit courut plus tard que le premier consul avait fait à son tour aux princes français des ouvertures touchant la cession de leurs droits ou leur renonciation à la couronne, ainsi qu'on s'est plu à le consacrer dans des déclarations pompeuses jetées en Europe avec profusion. Ces bruits ne pouvaient-être fondés, et l'astucieuse Angleterre les répandait à dessein. Bonaparte ne pouvait régner que par le principe qui faisait exclure les Bourbons, celui de la souveraineté du peuple, et il se souciait peu de ce transfert d'une légitimité qui ne valait pas des droits plus positifs. Le cours naturel des événements obligeait la République française à reprendre une attitude offensive : toutefois le premier consul ne voulut négliger aucun des moyens qui pouvaient amener ses ennemis à conclure une paix générale. L'Angleterre et l'Autriche s'étaient engagées à ne traiter que de concert. Il reçut les plénipotentiaires anglais, et déclara être prêt à continuer provisoirement l'armistice avec l'empereur, si de son côté l'Angleterre consentait à un armistice naval. Mais dès les premiers pourparlers qui eurent lieu, le premier consul put s'apercevoir que le cabinet anglais ne voulait que gagner du temps, et que jamais il ne consentirait à faire à la République française aucun sacrifice, ni même à l'indemniser des pertes que lui faisait éprouver la prolongation de l'armistice avec l'empereur d Allemagne. D'un autre côté, la mauvaise foi de la cour de Vienne était manifeste. Les généraux en chef de l'armée du Rhin et d'Italie reçurent donc l'ordre de dénoncer l'armistice, et de reprendre sur-le-champ les hostilités. L'Autriche fut d'autant plus étourdie de cette détermination, qu'elle n'avait pu penser que nous reprissions les hostilités au milieu d'un hiver rigoureux, et que d'ailleurs elle n'était pas encore en mesure ; aussi s'empressa-t-elle d'implorer une nouvelle trêve de quarante-cinq jours, consentant à remettre les trois places d'Ulm, Ingolstadt et Philipsbourg, comme garantie de la sincérité de ses sentiments pour la paix. Cette nouvelle trêve lui fut accordée le 20 septembre. L'Autriche n'avait fait le sacrifice de ces trois places que pour gagner la saison pluvieuse, et avoir ensuite tout l'hiver pour rétablir ses armées ; mais, pendant l'armistice, le premier consul aussi pouvait faire de nouvelles levées, et les nombreuses populations de la Hollande, de la France et de l'Italie, façonnées déjà à marcher sous^ nos drapeaux, lui permettaient de faire un déploiement de forces encore plus imposant que celui de l'Autriche. D'un autre côté, pendant ces quarante-cinq jours, l'armée d'Italie allait avoir le temps de soumettre Rome ; Naples et la Toscane, qui n'avaient pas été comprises dans l'armistice. M. de Cobentzell, le même ministre autrichien qui avait signé le traité de Campo-Formio, succéda à cette époque à M. de Thugut, dont la disgrâce eut pour motif, assura-t-on dans le temps, la précipitation qu'il avait misé à signer le traité de subside avec l'Angleterre. Ce ministre s'annonçait comme l'homme de la paix. Il se rendit lui-même à Lunéville, où s'étaient assemblés les plénipotentiaires français, présidés par Joseph Bonaparte. Le premier consul exigea que les négociations fussent entamées sans délai ; mais à l'ouverture du protocole, M. de Cobentzell déclara qu'il ne pouvait traiter sans le concours d'un ministre anglais. Or, un ministre anglais ne pouvait être reçu au congrès qu'autant qu'il adhérerait au principe de l'application de l'armistice aux opérations navales. Quelques courriers furent échangés entre Paris et Vienne, et aussitôt que l'on eut la preuve que l'Autriche s'était mise à la solde du cabinet de Londres, ce dont on ne pouvait douter en la voyant disgracier les généraux Kray et Mélas, pour avoir signé l'armistice, et enfermer dans une forteresse le comte de Saint-Julien, son ancien ambassadeur à Paris, les généraux en chef des armées de la République reçurent de nouveau l'ordre de dénoncer l'armistice, et de commencer les hostilités. L'Autriche alors appela toute sa population aux armes ; elle proclama nationale cette guerre, et mit en mouvement toutes ses forces. Au moment où celle campagne allait s'ouvrir pour la France sous les auspices de son bon droit et de sa loyauté, l'empereur des Russies, Paul Ier, dont Bonaparte cherchait à captiver l'amitié, parut vouloir sérieusement se détacher de la ligue européenne. Mécontent déjà de ses anciens alliés, il se montra si indigné de la mauvaise foi de l'Angleterre, relativement à l'île de Malte, que dès lors une rupture devint inévitable. Peu de temps après la bataille de Marengo, le premier consul voulant flatter l'imagination impétueuse du czar, lui envoya l'épée que le pape Léon X avait donnée à l'Ile-Adam, comme un témoignage de sa satisfaction pour avoir défendu Rhodes contre les infidèles. Plus tard, Bonaparte ayant vainement proposé aux Anglais et aux Autrichiens l'échange de huit à dix mille soldats russes, prisonniers de guerre en France, prit le parti de les faire habiller et armer complètement, et de les renvoyer à leur souverain. Paul Ier s'exalta à ce trait généreux, et porta toute l'ardeur de ses vœux vers la France. Il écrivit alors au premier consul : Citoyen premier consul, je ne vous écris point pour entrer en discussion des droits de l'homme ou du citoyen : chaque pays se gouverne comme il l'entend. Partout où je vois à la tête d'un pays un homme qui sait gouverner et se battre, mon cœur se porte vers lui. Je vous écris pour vous faire connaître le mécontentement que j'ai contre l'Angleterre, qui viole tous les droits des nations, et qui n'est jamais guidée que par son égoïsme et son intérêt. Je veux m'unir à vous pour mettre un terme aux injustices de ce gouvernement, etc. Dès ce moment, la correspondance entre Paul Ier et Bonaparte devint journalière et des plus intimes : bientôt la guerre se trouva déclarée entre l'Angleterre, d'une part ; la Russie, la Suède et le Danemark, de l'autre. L'Angleterre prévit le coup terrible qui allait lui être porté : dans la nuit du 23 au 24 mars, Paul Ier fut assassiné : l'escadre anglaise sortit de la Baltique deux jours après cet horrible attentat !.... Depuis cinq mois cependant que l'armistice existait, l'Autriche avait reçu de l'Angleterre soixante millions qu'elle avait bien employés ; elle comptait en ligne, à la fin de novembre, deux cent quatre-vingt mille hommes présens sous les armes ; ses forces étaient divisées en cinq armées. Sur la rive gauche du Danube, le général Klenau, avec vingt mille hommes, a devant lui le général Sainte-Suzanne. Au corps de Klenau se lient, en Franconie, les levées mayençaises soldées par l'Angleterre, sous les ordres du baron d'Albini, et sept à huit mille Autrichiens sous ceux du général Simbshon. Ils ont vis-à-vis d'eux le général Augereau et l'armée gallo-batave. La grande armée autrichienne, opposée à celle du général Moreau sur le Rhin, est conduite par l'archiduc Jean, âgé de dixhuit ans, qui, sous la tutelle du général Lauer, remplace le général Kray. Dans le Tyrol, le marquis de Chasfeler commande vingt mille hommes et les milices guerrières de ce pays, contre le général Macdonald, qui marche sur la Valteline. Dans le Mantouan et le Ferrarais, à la tête de quatre vingt mille hommes, le comte de Bellegarde est placé en face du général Brune. Un corps de dix mille hommes d'élite, destiné à former une seconde armée de réserve pour des desseins ultérieurs, se rassemble à Amiens, sous les ordres de Murat. Les hostilités recommencèrent le 17 novembre à l'armée d'Italie, et le 27 à l'armée du Rhin. Le premier consul était résolu de marcher sur Vienne ; l'armée de Moreau devait passer l'Inn, et se porter sur cette capitale par la Vallée du Danube ; l'armée d'Italie, sous les ordres de Brune, devait passer le Mincio, l'Adige, et se porter sur les Alpes Noriques. Ainsi, deux grandes armées, et deux autres petites, commandées par Macdonald et Murat, qui, par une haute combinaison stratégique, doivent lier nos forces et leur imprimer à la fois un terrible concert, allaient se diriger sur Vienne, formant une masse de deux cent cinquante mille combattants. Les troupes françaises étaient bien habillées, bien armées, munies d'une nombreuse artillerie, et dans la plus grande abondance ; jamais la République n'avait eu un état militaire aussi formidable ; nos armées avaient été plus nombreuses en 1793, mais alors la plupart des troupes étaient des recrues, mal habillées, non aguerries, et une partie était employée dans la Vendée et à l'intérieur. Les opérations du général Moreau, commandant la grande armée du Rhin, commencèrent le 28. Les deux avant gardes se trouvaient entre l'Inn et l'Iser. Il fallait franchir l'Inn. Une habile manœuvre fit replier les avant-postes autrichiens. L'archiduc Jean commandait cent vingt-mille hommes. Il tenta d'envelopper l'armée française, et marcha sur Hohenlinden avec l'intention de livrer bataille dans la vaste plaine d'Anzing. Moreau devine son plan, et par d'habiles manœuvres parvient à le faire échouer. L'archiduc se vit forcé d'accepter le combat sur un terrain moins vaste, entre les deux rivières, et où il se trouvait isolé de toute coopération avec l'armée du Tyrol. Plusieurs jours furent donnés à cette merveilleuse combinaison, dont le succès eut pour théâtre le village et la forêt de Hohenlinden et les défilés. Le général Moreau confia au général Richepanse le soin glorieux de décider la victoire. Ce général, encore à près de deux lieues du centre, reçut l'ordre de se mettre en route, le 5, avec sa division, et d'assaillir les derrières de l'archiduc quand on le verrait engagé dans les défilés. L'exécution de cette mission périlleuse rencontra un puissant auxiliaire dans l'intrépidité du général Drouet, qu'une première attaque sépara, avec sa brigade, de la colonne de Richepanse, et qui tint l'ennemi en échec ; Richepanse s'élança dans la forêt avec le 48e régiment, et porta le désordre sur les derrières des Autrichiens, tandis que le général Walter contenait leur cavalerie. Trois bataillons de grenadiers hongrois s'avançaient en colonne serrée. Grenadiers de la 48e, s'écria Richepanse, que dites-vous de ces gens-là ? — Ils sont morts, répondirent les grenadiers, et en un instant ils les enfoncèrent au pas de course, pendant que l'intrépide Ney rompait la ligne ennemie dans Hohenlinden. A deux heures de l'après midi, les Français étaient vainqueurs sur trois champs de bataille différents. Ainsi, dès le début d'une campagne à laquelle la maison d'Autriche attachait l'honneur et peut-être la sûreté de sa couronne, notre armée avait d'un seul coup détruit le centre et une partie de l'aile gauche de sa grande armée. Moreau voulut partager ses lauriers avec ses généraux ; à la tête des divers corps de cette armée brillaient des noms illustres : les soldats pouvaient-ils ne pas se montrer invincibles, commandés qu'ils étaient par Lecourbe, Grenier, Ney, Grouchy, Bonnet, Grandjean, Bastoul, Decaen, Richepanse, Legrand, Collaud, Laborde, d'Haulpoul, Gudin, Montrichard ! La victoire de Hohenlinden ruina les espérances des Autrichiens : vingt-cinq mille hommes, sans compter les déserteurs, sept mille prisonniers, cent pièces de canon, une immense quantité de voitures, furent les trophées de cette journée. Il restait à franchir l'Inn pour dominer le théâtre de la guerre et pénétrer dans la Haute-Autriche par Salzbourg. La triple ligne de l'Inn, de l'Alza et de la Salza, derrière laquelle vinrent se retrancher les cent mille hommes que comptait encore l'archiduc, était impossible à aborder de front. Moreau surmonta toutes les difficultés que lui présentaient la nature du pays et les positions inexpugnables de l'ennemi, en le trompant par des démonstrations qui attirèrent son attention vers l'Inn inférieur : l'Inn fut passé le 8, sous les ordres du général Grenier, à Wasserbourg., tandis que Lecourbe engageait une action quinze lieues plus haut. L'armée française ne cessa de poursuivre les débris autrichiens, et le 25 décembre un armistice fut signé à Steyer. La paix définitive ne pouvait être éloignée ; il fut convenu que nous resterions dans nos positions jusqu'à sa ratification. En Italie, Brune s'était avancé vers le Mincio, et avait tenté de le passer le 24 décembre ; mais ce général fit ce jour-là de grandes fautes qui compromirent son armée : heureusement la valeur française les répara. L'armée passa l'Adige le 1er janvier 1801, le lendemain l'ennemi évacua Vérone. Les Français entrèrent à Vicence et à Roveredo ; le 11, ils franchirent la Brenta devant Fontanina. L'armée autrichienne, découragée par les nouvelles qu'elle recevait du Rhin, abandonna tous les points qu'elle pouvait disputer, et aussitôt que nos troupes furent au-delà de la Brenta, le feld-maréchal Bellegarde renouvela la demande d'un armistice général. Le premier consul avait donné les ordres les plus positifs ne signer aucune trêve que l'armée n'eût passé L'Isonzo, afin de couper les Autrichiens de Venise ; il avait surtout insisté pour ne rien conclure avant qu'on n'eût la place de Mantoue. Brune ne déploya aucune énergie dans cette négociation ; il renonça de lui-même à demander Mantoue, et signa, le 16 janvier 1801, l'armistice de Trévise. Le premier consul, irrité d'une telle conduite, déclara à M. de Cobentzell, qui se trouvait encore à Lunéville, qu'il désavouait la convention de Trévise, et ce ministre, qui commençait à sentir la nécessité de traiter de bonne foi, signa lui-même, le 26 janvier, l'ordre de livrer Mantoue à l'armée française. Sur ces entrefaites, Mureau, qui était opposé à l'armée napolitaine, était entré dans les États de l'Église, qu'il avait immédiatement replacée sous la domination du pape, ce qui excita la reconnaissance de Pie VII. Enfin, par considération pour l'empereur de Russie, les Napolitains obtinrent aussi une suspension d'armes, et signèrent à Florence, le 28 mars suivant, un traité de paix avec la République française. Le 9 février 1801, après six semaines de conférences et des difficultés de tous genres soulevées par la diplomatie autrichienne, la paix fut définitivement signée à Lunéville. L'empereur confirma de la manière la plus solennelle la cession qu'il avait déjà faite par le traité de Campo-Formio, de la Belgique à la France. Il consentit, tant en son nom qu'en celui de l'Empire germanique, à ce que la République française possédât désormais, en toute souveraineté, le pays et les domaines situés sur la rive gauche du Rhin, qui faisaient partie de l'Empire germanique. Le grand-duc de Toscane renonçait pour lui et ses successeurs au grand duché de Toscane et à l'île d'Elbe, en faveur de l'infant de Parme. L'empereur renonçait pour lui et ses successeurs, en faveur de la république cisalpine, à tous les droits et titres qu'il pouvait avoir avant la guerre, sur tous les pays qui, aux termes du traité de Campo-Formio, faisaient partie de cette république. De son côté, la République française consentit à ce que l'empereur possédât en toute souveraineté et propriété l'Istrie, la Dalmatie, les îles vénitiennes, les bouches du Cataro, la ville de Venise et les pays compris entre les états héréditaires de S. M. la mer Adriatique et l'Adige... Cette paix garantit à la France, en outre, les comtés d'Avignon et de Nice, le duché de Savoie et la principauté de Monaco. La France eut dès-lors pour frontières l'embouchure de l'Escaut, le Rhin, le Jura, les Alpes et les Pyrénées, Les cabinets durent être effrayés de ces immenses acquisitions de la France : son territoire et sa population se trouvaient accrus d'un quart depuis dix ans ; l'équilibre de puissance, pour lequel on avait tant versé de sang depuis le traité de Westphalie, se trouvait rompu, et telle était la prépondérance que la gloire de ses armes avait acquise à la France, qu'il n'y avait plus que sa modération qui pût servir de garantie contre elle à l'Europe. La nouvelle de la Signature de la paix de Lunéville arriva à Paris le 12, au milieu des joies du carnaval. La population se porta alors toute entière aux Tuileries aux cris de : Vive Bonaparte ! des danses se formèrent sous les fenêtres du château, et la musique de la garde servit d'orchestre à ce bal d'une nouvelle espèce. Les poètes républicains improvisèrent des chants qui furent exécutés sur tous les théâtres de Paris ; et le canon accompagna de ses sons belliqueux la fête de la victoire et de la paix. Par le traité de Lunéville, la coalition se trouvait restreinte à l'Angleterre, au Portugal et à la Porte ottomane. Tout, au-delà de l'Elbe, observait la neutralité. Les cours du Nord, la France, l'Espagne et l'Italie fermaient leurs ports à l'Angleterre ; la République enfin était parvenue à un si haut degré de gloire et de prospérité, qu'il était facile de prévoir que le moment, tant désiré par les nations, d'une paix générale était enfin arrivé. L'Angleterre était la seule puissance qui pût mettre obstacle à cette paix. On ne parla plus que d'une expédition contre l'Angleterre, et l'on s'occupa dès ce moment de réunir au camp de Boulogne une armée de deux cent mille hommes ; on commença à construire les bateaux plats, destinés à transporter cette armée aux bords de la Tamise. La plus grande activité régnait dans tous nos ports. Tandis que ces préparatifs avaient lieu sous les yeux des Anglais, une autre armée française se réunissait à Bayonne, pour aller forcer le Portugal à renoncer à son alliance avec l'Angleterre ; cette armée avait été placée sous les ordres du général Leclerc, beau-frère du premier consul. Le Portugal, tout-à-fait sous l'influence anglaise-, se refusa d'abord aux propositions qui lui furent faites par la République ; mais dès qu'il se vit menacé d'une invasion, il changea de politique et fit sa paix avec la France, Elle fut signée le 29 septembre 1801 ; le même jour un traité fut ratifié entre la France et la Bavière. Quelque temps après, furent également publiés les traités de paix que la République française venait de conclure avec la Russie et la Porte ottomane. Il ne restait donc plus, vers la fin de l'année 1801, que l'Angleterre avec laquelle la France fût encore en guerre. Nelson reçut l'ordre d'aller détruire la flottille de Boulogne, que les Anglais avaient méprisée jusqu'alors. Il se présenta avec trente vaisseaux de ligne, un grand nombre de brûlots, de canonnières et de bombardes ; mais il trouva l'amiral Latouche en position devant la rade. La flottille et les batteries forcèrent bientôt Nelson à se retirer à Déal. Toutefois, ne se rebutant pas, Nelson reparut douze jours après avec soixante-et-dix voiles ; et, toujours fidèle à sa manœuvre d'Aboukir, il voulut tenter de détruire d'un seul coup la seule armée navale qui restait à la France ; mais, malgré l'obscurité de la nuit, Nelson, qui croyait surprendre le port et la flotte, fut obligé de rallier à la pointe du jour, et de se retirer avec une perte de deux cents hommes. Ce léger avantage était une véritable victoire : la France et l'Angleterre le jugèrent ainsi. Vers la même époque, Bonaparte tenta vainement de faire parvenir des renforts à l'armée d'Egypte. Cinq mille cinq cents hommes commandés par le général Sahuguet furent embarqués sur sept vaisseaux de guerre que conduisait l'amiral Gantheaume ; mais il fut impossible, bien que l'on se fût hasardé trois fois sur la Méditerranée, de parvenir jusqu'aux parages d'Egypte. Au reste, il était trop tard pour secourir Menou, dont la capitulation était antérieure à la pensée de lui porter secours. Bonaparte, depuis son avènement au pouvoir, avait à peu près réussi à concilier les partis. Un seul demeurait en arrière et conservait sous des dehors de faiblesse et d'humilité une attitude hostile : c'était le clergé. Il était divisé en trois sectes, les constitutionnels, les vicaires apostoliques, et les évêques émigrés, à la solde de l'Angleterre. Il était important de mettre un terme à cet état de choses, ainsi que de dissiper tous les scrupules des acquéreurs de domaines nationaux, et de rompre le dernier fil par lequel l'ancienne dynastie communiquait encore avec le pays. Bonaparte crut qu'un concordat avec le pape atteindrait ce toit. Déjà depuis quelque temps le général Murat avait été envoyé près du pape, et dans ses instructions il lui était enjoint d'assister à quelques grandes cérémonies religieuses. Le général Soult, qui occupait Naples, avait, de son côté, reçu l'ordre d'aller à la messe avec son état-major. Tel était alors l'ascendant du premier consul, qu'il pouvait vouloir sans opposition, et même exécuter sans obstacle les entreprises les plus hautement condamnées par l'opinion publique. Il nourrissait donc un projet dont nul autre n'eût osé seulement concevoir la pensée. Le pape Pie VI, ce faible ennemi dés Français, était mort à Valence : l'évêque d'Imola, qui lui avait succédé dans la chaire de saint Pierre, sous le nom de Pie VII, était un homme d'une haute sagesse, qui, loin de s'effrayer des progrès de la philosophie, avait adopté plusieurs de ses principes, et s'était même montré favorable aux institutions républicaines. L'appui de Bonaparte, vainqueur de l'Italie, n'avait pas été sans influence sur l'élection de Pie VII, il résolut de conclure avec lui un concordat qui, en rétablissant en France le culte catholique, restreignît les anciens privilèges du clergé, mit des bornes à ses empiètements, et les plaçât enfin sous le poids de l'autorité temporelle. Les négociations s'entamèrent immédiatement. Le pape hésitait à ratifier la vente des biens du clergé, et à consentir à une nouvelle circonscription des diocèses. Bonaparte ne voulait contraindre personne il rentrer dans le giron de l'Église. L'article spécial a cet égard était conçu en ces termes : Le gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des Français. Le pape trouvait étrange que te gouvernement n'avouât aucune religion pour la sienne. Enfin, après de longs débats, lé pape, eu plutôt le cardinal Consalvi, renouvelant toujours les difficultés, sollicitant tantôt une concession, tantôt une autre, Bonaparte, fatigué de ces tracasseries ecclésiastiques, donna en deux mots son ultimatum : Que le pape signe et se prête à mes vîtes, ou je vais proclamer la religion protestante religion de l'état. Il n'y avait plus à hésiter, Pie VII accepta le concordat le 15 juillet. En vertu de cet acte, les temples se rouvrirent, les autels furent relevés, et Bonaparte prescrivit aux fidèles de prier pour la République. Dans sa réorganisation du clergé, il destitua les évêques qui contestaient le concordat et refusaient de se soumettre à ses dispositions. Le rétablissement du culte fut froidement accueilli dés Français. On voyait là un pas rétrograde vers l'ancien régime. Lés patriotes ne doutaient pas que l'esprit prêtre ne fit bientôt sentir sa funeste influence ; mate déjà la puissance de Bonaparte était telle, qu'aucune voix né s'éleva hautement pour désapprouver cet acte eh contradiction flagrante avec le système de la République. Toutefois il ne tarda pas à reconnaître la faute qu'il avait commise en assignant urne existence à part à ce clergé, qui est toujours si disposé à s'isoler du reste dés citoyens, et à chercher sa patrie au-dehors. Le premier consul avait à cœur de constituer définitivement la république cisalpine, en conséquence, il ordonna à la consulte italienne de se réunir à Lyon ; quatre cent cinquante deux notables italiens s'y trouvèrent assemblés le 31 décembre ; il s'y rendit lui-même pour faire l'ouverture de la séance. Cette consulte ne tarda pas à émettre le vœu d'avoir pour président de la république le fondateur de cette même république.. Bonaparte accepta ce titre le 21 janvier 1802, en vertu de la constitution que la consulte venait de promulguer. Dans le discours qu'il prononça en langue italienne, il insista sur un seul point : Les choix que j'ai faits, dit-il, pour remplir vos premières magistratures, l'ont été indépendamment de toute idée de parti, de tout esprit de localité. Quant à celle de président, je n'ai trouvé personne parmi vous qui eût encore assez de droit sur l'opinion publique, qui fût assez indépendant de l'esprit de localité, et qui eût rendu d'assez grands services à son pays pour la lui confier.... J'adhère à votre vœu, je conserverai encore la grande pensée de vos affaires.... Ainsi, le premier consul de la République française fut en même temps le premier magistrat d'une autre république, ce qui donnait à la France une influence encore plus directe sur l'Italie. Les négociations avec l'Angleterre avaient pris une tournure favorable à la paix, et cette puissance avait envoyé lord Cornwallis à Amiens ; mais les diplomates anglais ne semblaient se douter ni du temps, ni des hommes, ni des choses. La manière de Napoléon les déconcerta tout-à-fait. On n'avait prétendu qu'amuser les Français à Amiens, on y traita sérieusement. L'affaire convenue, lord Cornwallis avait promis de signer le lendemain ; quelque empêchement majeur le retint chez lui, mais il envoya sa parole. Le soir même un courrier de Londres vint lui interdire certains articles : il répondit qu'il avait signé ; et vint apposer sa signature. Ainsi fut conclue, le 25 mars 1802, entre la République française, l'Espagne, la république batave et l'Angleterre, cette paix qui devait rendre le repos à l'Europe. L'Angleterre reconnaissait Bonaparte en qualité de premier consul, et rendait à la République et à ses alliés tout ce qu'elle avait conquis dans les deux hémisphères. La joie publique, toutefois, n'éclata dans cette grande circonstance qu'avec une sorte de circonspection. Tous les politiques sentaient que cette paix n'était qu'une trève concertée entre les ennemis de la France. En la signant, les parties contractantes restèrent avec leurs dispositions hostiles, et le consul plus que tout autre conserva une attitude menaçante. Tout cependant, en France, respirait un grand caractère de force et de prospérité. La compagnie d'Afrique venait d'être rétablie ; la route du Simplon était ouverte ; une brillante exposition des produits de l'industrie française attestait à Paris les efforts et les progrès de nos manufacturiers ; quatre nouveaux départements venaient d'être formés des territoires cis-rhénaux cédés par le traité de Lunéville ; des bourses de commerce avaient été fondées dans les villes qui en manquaient ; un décret consulaire ordonnait la construction de trois nouveaux ponts sur la Seine. Une foule d'établissements utiles et de beaux monuments étaient projetés. Bonaparte voulait que tous les souvenirs des malheurs passés fussent effacés. Il fit proclamer une loi d'amnistie pour tous les émigrés, auxquels on rendit leurs biens non vendus. Bonaparte avait eu d'abord la pensée d'en répartir la valeur entre tous, sur une échelle proportionnelle, mais il opéra dans un sens opposé, et rendit individuellement ; il ne tarda pas à s'apercevoir que ce mode de restitution entraînait après toi de graves inconvénients. Les émigrés rentrés devinrent en un instant ou trop riches ou trop pauvres. Un autre acte marquant de cette époque fut l'institution de la Légion-d'Honneur. La loi qui la créa donna lieu à de vifs débats dans le tribunat. Sur deux cent soixante-seize votants, il y eut cent dix boules noires. On craignait avec raison que la fondation d'un ordre de chevalerie ne fût un premier pas vers le retour aux idées aristocratiques. Lucien Bonaparte, dans un discours plein d'une mâle éloquence, essaya de démontrer que ce n'était la qu'une récompense nationale, avec tous les degrés capables d'exciter l'émulation. Sous ce dernier point de vue, il ne se trompait pas : cependant il serait difficile de décider si les soldats de la République, qui n'admettaient pas de telles distinctions, ne furent pas aussi vaillants que ceux de l'Empire. Bonaparte, monté sur le trône, récompensa les uns et les autres, et il est juste de dire que sa faveur alla toujours chercher les plus méritants. Cette étoile de l'honneur qu'il attacha sur la poitrine de tant de braves, cette croix qu'il ne donnait qu'avec une réserve presque religieuse, ce signe qui retraçait tant de glorieux souvenirs, qui ne rappelait que des services éclatans ou des talents néels, il était réservé à notre' époque de le voir tomber dans la boue. L'année 1801 est peut-être la mieux remplie paraît celles de la République, elle commença par l'affiliation de la république italienne à la France : le 25 février la paix fut signée entre la France et Tunis ; le 25 mars la paix d'Amiens fut proclamée ; le 21 mai la république ligurienne adopta sous nos auspices sa nouvelle constitution ; le 25 juin la paix fut conclue avec la Porte ottomane, le traité de Naples donna l'île d'Elbe à la France ; le 21 juillet lé Valais se constitua en république sous la protection de la France ; le 11 septembre, enfin, le Piémont, ce théâtre des premiers exploits de Bonaparte, était incorporé à la France. Voici pour l'extérieur ; à l'intérieur tout ce qui se passait n'était pas moins remarquable : le 4 mars un arrêté consulaire charge l'institut de tracer un tableau général dés progrès et de l'état des sciences, des lettres et dés arts depuis 1789 ; l'instruction publique, confiée à Fourcroy, reçoit une nouvelle organisation ; le 15 juin une somme de 60.000 fr. est affectée aux progrès que les savanes pourront faire faire au galvanisme et à l'électricité, et la société galvanique se forme à Paris ; le 18 un sénatus-consulte accorde les droits de citoyen français à tout étranger, qui, dans l'espace de cinq années, aura bien mérité lie la République, par des découvertes, des importations utiles, ou la création d'un grand établissement. Le 24 décembre, enfin, un décret ordonne la formation de chambres de commerce dans les principales villes de France, et celle d'un conseil-général de commerce à Paris. Ainsi Bonaparte, après avoir au-dehors agrandi et consolidé la République par la force de ses armes, la faisait fleurir au-dedans par des institutions utiles et dignes d'une grande nation. Ses amis ne manquèrent pas d'exalter encore ces résultats déjà si grands par eux-mêmes. Ils intriguèrent de concert avec lui pour que la suprême autorité se perpétuât dans ses mains, et un sénatus-consulte avait prorogé de dix ans la magistrature consulaire : Bonaparte, en recevant le message du sénat qui lui transmettait cette décision, avait répondu : La fortune a souri à la République, mais la fortune est inconstante ; eh ! combien d'hommes qu'elle avait comblés de sa faveur ont vécu trop de quelques années ! l'intérêt de ma gloire et celui de mon bonheur sembleraient avoir marqué le terme de ma vie publique, au moment où la paix du monde est proclamée..... Mais vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice : je le ferai si le bien du peuple me commande ce que votre suffrage autorise. Cette réponse évasive laissait prévoir ses projets ultérieurs ; entre une magistrature temporaire et le trône qu'il voulait édifier, l'intervalle était trop immense : pour l'aplanir ou du moins l'éluder, il fit ouvrir dans les municipalités des livres de votes où cette question était soumise à la sanction du peuple : Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie ? Le 2 août un sénatus-consulte proclama le vœu du peuple ; Bonaparte était élu : le message du sénat fut présenté au consul par Barthélemy, son président. Du dépouillement des votes il résultait que sur trois millions cinq cent cinquante-sept mille huit cent quatre-vingt-cinq citoyens, votant librement, trois millions trois cent soixante-huit mille deux cent cinquante-neuf s'étaient prononcés pour l'affirmative. Jamais l'histoire n'avait offert d'exemple d'une telle unanimité. Bonaparte répondit au sénat : La vie d'un citoyen est à la patrie ; le peuple français veut que la mienne toute entière lui soit consacrée ; j'obéis à sa volonté. La liberté, l'égalité, la prospérité de la France sont assurées. Le meilleur des peuples sera le plus heureux. Content d'avoir été appelé par l'ordre de celui de qui tout émane à ramener sur la terre l'ordre et l'égalité, j'entendrai sonner la dernière heure sans regret.... Le principe de la monarchie élective se trouvait établi par le choix de Bonaparte : il organisa rapidement le gouvernement sur de nouvelles bases ; les institutions républicaines ne servirent plus qu'à voiler faiblement les actes du pouvoir absolu : la liberté fut étouffée. Bonaparte parvint insensiblement à habituer l'opinion publique à considérer sa volonté comme un arrêt du destin. Pour bien apprécier ses talents, c'est à cette époque qu'il faut s'arrêter : on le voit s'emparer graduellement et sans alarmer les consciences républicaines, de tous les pouvoirs qui vont servir à saper la république : les événements naissent comme préparés par ses volontés, et il suit son système d'ambition avec d'autant plus de sécurité qu'il semble ne s'occuper que des libertés de la France. A peine élu consul à vie, Bonaparte sentit le besoin de montrer à l'Angleterre que la France, malgré les désastres qu'avaient éprouvés ses flottes, était encore capable de rivaliser sa supériorité navale ; il résolut, en conséquence, de tenter une expédition maritime, et d'envoyer quinze mille hommes à Saint-Domingue. Son intention était de faire recouvrer à la France cette importante colonie, érigée en république par le nègre Toussaint-Louverture, qui s'y était fait proclamer consul. Les ports de Brest, de Lorient et de Rochefort virent équiper cette expédition. La flotte s'élevait à trente-quatre vaisseaux, portant chacun quarante pièces de canon, sans compter plus de vingt frégates et bon nombre de petits bâtiments armés en guerre. Ils avaient à bord vingt mille hommes, sous le commandement en chef du général Leclerc, beau-frère du premier consul ; l'état-major se composait d'officiers pleins d'expérience, de talent et de bravoure. L'expédition d'Egypte cependant avait refroidi l'enthousiasme de l'armée pour les entreprises d'outre-mer : les ennemis de Bonaparte répandaient en outre des bruits alarmants sur le sort probable de l'escadre ; en parlait de déportation des patriotes, d'exil des soldats de Moreau ; on insistait sur l'insalubrité du climat ; Bonaparte voulut mettre fin à ces clameurs, en plaçant son beau-frère à la tête de l'armée, et en enjoignant à sa sœur d'accompagner son époux. La belle Pauline, depuis, mariée au prince Borghèse, ne s'embarqua que sur un ordre positif du premier consul. Pauline était cependant sa sœur favorite ; mais il aima mieux l'exposer au danger commun que de laisser croire, en lui permettant de rester, que lui-même il augurait mal du succès. La flotte appareilla le 14 décembre 1801, et se présenta devant le cap Français le 29 janvier 1802. Sommé de se soumettre, et probablement effrayé à la vue de cette formidable expédition, que les nègres ne pouvaient espérer de combattre avec succès qu'à la faveur du temps et du climat, Toussaint ne se montra pas d'abord éloigné d'en venir à un accommodement. Une lettre, conçue en termes honorables pour sa personne, lui fut remise de la part du premier consul. Le général Leclerc lui offrit en même temps les conditions les plus avantageuses, et le titre de vice-gouverneur. Cependant Toussaint, loin d'accéder à ces propositions, se résolut à la guerre, qu'il conduisit avec beaucoup d'habileté. Toutefois, mai secondé par la plupart des chefs sous ses ordres, trahi par Cristophe, l'un des principaux, il se vit contraint de céder, et reçut son pardon, à la condition qu'il se retirerait a Gonaives, dans une plantation d'où il ne sortirait point sans la permission du commandant en chef. Peu de temps s'était écoulé depuis la victoire des Français, lorsqu'ils découvrirent un projet de conspiration parmi les nègres ; Toussaint fut accusé d'encourager la révolte sur cette allégation, dont on n'avait cependant aucune preuve, l'infortuné chef fut saisi, avec toute sa famille, et embarqué pour la France. Bientôt le fléau des Européens, la fièvre jaune, éclata parmi les troupes, et enleva, avec une rapidité incroyable, le général Leclerc, plusieurs de ses meilleurs officiers, et un grand nombre des plus braves soldats. Les nègres, enhardis alors, se soulevèrent de tous côtés. L'incendie du Cap et le massacre des blancs furent un de leurs horribles exploits. Bientôt les Français, affaiblis par des pertes journalières, furent réduits à la plus cruelle situation, et Rochambeau, qui avait succédé à Leclerc, ne put sauver quelques débris de leur armée qu'en capitulant le 1er décembre 1803. Bonaparte ne s'était pas attendu à ce revers : éclairé par une fatale expérience, il dût souscrire à la perte de la plus belle des colonies, dans les Indes occidentales, pendant que dans cette île le climat dévorait cette belle armée. Bonaparte ne négligeait pas les moyens d'asseoir sa propre ; puissance sur une base plus solide. Sa condition présente, quelque brillante qu'elle fût, ne satisfaisait pas ses désirs. Il exerçait toutes les prérogatives de la royauté ; et depuis le consulat à vie il avait chaque jour emprunté quelque chose, de la pompe et du cérémonial attaché à L'autorité souveraine. Une garde d'élite veilla de nouveau à la grille extérieure des Tuileries ; les cercles recommencèrent dans les appartenions du château ; l'étiquette de cour reparut ; et Bonaparte, qui connaissait les hommes, ne négligeait aucune des circonstances minutieuses que les princes jugent propres à ajouter à leur autorité : mais il lui restait beaucoup à faire ; Bonaparte ne jouissait encore que d'une souveraineté viagère ; il régnait par le fait, mais il avait deux collègues. Il résolut de se donner enfin le titre et les droits d'un monarque, et de prendre place parmi les souverains d'Europe. L'innovation projetée, demandait la plus grande prudence. Avant dont que de tenter cette hasardeuse entreprise, dans laquelle il était certain de rencontrer une opposition vigoureuse, ne fût-ce que par un sentiment de dignité nationale, Bonaparte s'efforça par tous les moyens en son pouvoir, de consolider sa domination. Il prit soin de réorganiser l'armée sur de nouvelles bases. Les soldats français, qui regardaient le pouvoir de Bonaparte comme le fruit de leurs victoires, étaient en général dévoués à sa cause. La garde consulaire, corps d'élite, qui plus tard forma le noyau de la vieille garde impériale, fut portée à six mille hommes. Ces légions formidables avaient été formées et successivement augmentées sur le plan du corps des guides, créé pendant les campagnes d'Italie. Mais le service de la nouvelle garde était beaucoup plus important : elle se composait d'hommes choisis qu'on accoutumait à se croire supérieurs au reste de l'armée, qui recevaient une paie plus forte, et jouissaient de privilèges particuliers. Formant toujours la réserve sous les yeux de Bonaparte lui-même, la garde a depuis toujours porté le coup décisif, et c'est à elle, à sa discipline, à son impassible courage, que la France a si souvent dû la victoire, à l'instant même où elle paraissait incliner pour l'ennemi. Ce corps devait former un boulevard autour du trône que le consul se proposait d'élever. Bonaparte avait donné la paix à l'Europe dans les deux traités d'Amiens et de Lunéville : le premier n'était pas de nature à rassurer les peuples contre les chances de l'avenir, et le second, résultat des défaites de l'Autriche, semblait devoir exciter autour de la France des agitations inquiétantes. Dans le principal article de ce traité, les parties garantissaient mutuellement l'indépendance des républiques batave, helvétique, cisalpine et ligurienne, et la faculté aux peuples qui les habitent, d'adopter telle forme de gouvernement qu'ils jugeront convenable. Il était clair, par cet article, que Bonaparte se réservait d'être le législateur suprême du nouveau droit qui allait surgir, et que la République française allait devenir la métropole des républiques voisines ; toutes les constitutions devaient se modeler sur une seule. Tout à coup La Haye, Milan, Gênes et Berne apprirent que pour elles la liberté directoriale avait cessé, et qu'il fallait comme la France courber le front sous le joug consulaire. La nouvelle révolution devait naturellement s'opérer dans chacune des quatre républiques, d'après le caractère de ses habitants. Le hollandais Schimmelpenninck, que le premier consul envoya à La Haye, chargé de pleins pouvoirs et porteur de la nouvelle constitution, n'éprouva aucune opposition. La révolution se fit à domicile et presque à l'insu du peuple. Une proclamation suffit pour dissoudre les deux chambres et fermer le palais du corps législatif. A Gênes et dans la Cisalpine, ce fut avec acclamation que l'on entendit proclamer la constitution italienne ; la révolution devait prendre une autre allure dans l'Helvétie. Les cantons n'étaient pas d'accord relativement au système politique qu'ils devaient adopter. La question avait été solennellement débattue dans une diète tenue à Berne le 7 septembre 1801. La majorité s'était décidée pour une ligue fédérative, base antique du gouvernement helvétique. Un projet de constitution, d'après ce principe, fut en conséquence rédigé et approuvé. L'exécution en avait été confiée à Aloys Reding, également renommé par son courage et son patriotisme. 11 sentit la nécessité d'obtenir l'aveu de la France, pour assurer à ses compatriotes la libre jouissance de la constitution qu'ils s'étaient donnée, et se rendit lui-même à Paris, afin de solliciter le consentement de Bonaparte. Ce consentement fut accordé à condition que le gouvernement suisse admettrait à ses délibérations six membres de l'opposition. Soutenus par la France, ces derniers voulaient la constitution une et indivisible, à l'imitation de celle de la République française. Bientôt une constitution fut votée, et Bonaparte, félicitant le gouvernement suisse sur sa sagesse dans cette circonstance, annonça son intention de rappeler les troupes françaises : il les rappela en effet. L'équité de cette mesure fit éclater beaucoup de reconnaissance parmi les Suisses. Les cantons aristocratiques de l'ancienne ligue helvétique approuvaient la constitution récemment adoptée par le parti français. Il n'en était pas ainsi des cantons démocratiques, c'est-à-dire, des petits cantons : Schwitz, Uri et Underwald déclarèrent qu'ils ne voulaient point s'y soumettre, une guerre civile éclata. Reding, à la tête des mécontents, battit deux fois les forces helvétiques, s'empara de Berne et en chassa le gouvernement. Mais au moment où Reding et les insurgés prétendaient rétablir l'ancienne constitution avec tous ses privilèges et ses immunités, la main de Bonaparte s'étendait pour rétablir l'équilibre entre les deux partis. La nouvelle de l'intervention arbitraire de la France fut répandue par l'arrivée subite de Rapp. Il apportait aux dix-huit cantons la proclamation suivante : Vous vous êtes disputés trois ans sans vous entendre : si l'on vous abandonne plus longtemps à vous-mêmes, vous vous tuerez trois ans sans vous entendre davantage. Votre histoire prouve d'ailleurs que vos guerres intestines n'ont jamais pu se terminer que par l'intervention efficace de la France. Il est vrai que j'avais pris le parti de ne me mêler en rien de vos affaires ; j'avais vu constamment vos différens gouvernemens me demander des conseils et ne pas les suivre, et quelquefois abuser de mon nom, selon leurs intérêts et leurs passions. Mais je ne puis ni ne dois rester insensible au malheur auquel vous êtes en proie ; je reviens sur ma résolution ; je serai le médiateur de vos différends ; mais ma médiation sera efficace, telle qu'il convient au grand peuple au nom duquel je parle. Rapp avait reçu l'ordre de terminer promptement les différends avec la Suisse ; et pour appuyer sa négociation, Ney entra par différends points dans le pays, à la tête de quarante mille hommes. Dans l'impossibilité de résister à de telles forces, Aloys Reding congédia les siennes, après leur avoir adressé une proclamation touchante. La diète de Schwitz se sépara également, attendu, ainsi qu'elle le déclara, l'intervention des troupes étrangères, auxquelles l'état d'épuisement du pays ne permettait pas de s'opposer. En quelques jours le sénat retourna à Berne, les nouvelles autorités cessèrent leurs fonctions et des députés furent envoyés à Paris. On pressait Aloys Reding de se cacher ; il ne le voulut pas ; et quand l'officier français qui vint l'arrêter lui reprocha de s'être mis à la tête de l'insurrection, il répondit avec dignité : J'ai obéi à la voix de ma conscience, à celle de ma patrie ; pour vous, exécutez les ordres de votre maître. Il fut envoyé au château d'Arsbourg. Cependant la résistance patriotique des Suisses, leur réputation de courage, avaient fait impression sur le premier consul. Il n'avait jamais eu la pensée de leur ravir ces précieuses libertés pour le maintien desquelles ils s'étaient levés en armes ; et, dans l'acte définitif de médiation, il permit que le fédéralisme fût conservé comme une des bases fondamentales. Par un traité définitif subséquent, les cantons s'engagèrent à refuser le passage, sur leur territoire, aux ennemis de la France, et à maintenir sur pied un corps de quelques milliers de soldats pour l'exécution de cette promesse : de plus, la Suisse devait fournir à la France une armée auxiliaire de seize mille hommes, dont l'entretien resterait à la charge du gouvernement français. Ces montagnards déployèrent une si grande énergie dans la discussion du traité, qu'ils échappèrent au système de la conscription imposée aux autres états soumis à la domination de la France. La république française, à dater de ce jour, se trouva l'arbitre de la Suisse comme de l'Italie. Les puissances, pendant celte courte lutte, manifestèrent le désir de s'interposer ; la seule Angleterre osa le faire réellement en accréditant un agent, M. Moore, auprès de la diète de Schwitz, afin de s'informer par quels moyens la Grande-Bretagne pourrait appuyer leurs réclamations à l'indépendance ; mais cet envoyé n'était pas encore arrivé, que les opérations de Ney avaient déjà rendu toute résistance impossible. A dater de ce jour, la France eut dans la Suisse une alliée fidèle, et celle-ci put, de son côté, s'applaudir de se trouver sous la protection du gouvernement français, qui la fit respecter, et augmenta sa prospérité. |