HISTOIRE DE LA MONARCHIE DE JUILLET

LIVRE II. — LA POLITIQUE DE RÉSISTANCE (13 MARS 1831-22 FÉVRIER 1836) (suite)

 

CHAPITRE XV. — LA CHUTE DU MINISTÈRE DU 11 OCTOBRE (DÉCEMBRE 1835-FÉVRIER 1836).

 

 

I. Bon état des affaires au dedans et au dehors, vers la fin de 1835. Le ministère va-t-il en recueillir le bénéfice ? — II. Discussion de l'Adresse de 1836. Incident sur la Pologne. Pressentiments dans les régions ministérielles. Déclaration de M. Humann sur la conversion des rentes. Démission du ministre des finances. Débat sur la conversion. Le ministère, mis en minorité, donne sa démission. Qu'y a-t-il derrière le vote de la Chambre ? Manœuvre du tiers parti. Le groupe Ganneron. Dans quelle mesure faut-il y voir la main de Louis-Philippe ? — III. Le Roi s'occupe de constituer un nouveau cabinet. Il veut en charger M. Thiers. Celui-ci est poussé par M. de Talleyrand. Premier refus de M. Thiers. Il finit par consentir. Séparation irrévocable de M. Guizot et de M. Thiers. Malheur de cette séparation qui a été mieux compris plus tard. Grandes choses accomplies dans les six premières années de la monarchie de Juillet.

 

I

A la fin de 1835, au moment où allait s'ouvrir la session de 1836, le gouvernement pouvait considérer avec quelque satisfaction l'état où il avait mis les affaires du pays. Au dehors, nulle complication n'était à craindre. La politique suivie avait eu ce résultat que la France, loin d'être menacée, était courtisée par les puissances que notre révolution avait le plus effarouchées. L'étranger commençait à prendre confiance dans la durée d'un régime qui lui avait d'abord semblé si précaire[1]. Au dedans, le procès des accusés d'avril et les lois de septembre avaient consommé l'éclatante et complète défaite du parti républicain. L'opposition dynastique, atteinte par la déconfiture de la faction avec laquelle elle s'était trop souvent compromise, cherchait, sans l'avoir encore trouvée, une nouvelle tactique pour remplacer celle qui lui avait si mal réussi[2]. Un peu de lustre militaire s'ajoutait heureusement à ces succès politiques. En Algérie, où, depuis cinq ans, nous avions tant tâtonné, le maréchal Clauzel venait de venger des échecs récents, par une heureuse expédition contre Mascara[3]. Le jeune duc d'Orléans avait obtenu d'y prendre part et s'y était montré aussi intelligent que brave ; sa présence marquait l'importance que le pouvoir central, devenu plus libre de regarder au loin, allait désormais attacher aux opérations militaires d'outre-mer première page d'une brillante histoire que notre armée n'a pas oubliée, celle des campagnes des Fils de France sur la terre d'Afrique. Dans le sein même du gouvernement, l'union la plus complète régnait entre les hommes considérables qui composaient ce cabinet d'un éclat et d'une autorité sans pareils ; la leçon des crises récentes suffisait à prévenir toute tentation de désaccord. Ainsi, de quelque côté que l'on portât les yeux, l'horizon paraissait serein. Le pays goûtait cette paix et cette sécurité si nouvelles. Le commerce et l'industrie prenaient un développement inconnu jusqu'alors[4]. M. de Tocqueville écrivait à M. Senior : Excepté l'agriculture qui souffre un peu, tout le reste prospère d'une manière surprenante l'idée de la stabilité pénètre, pour la première fois depuis cinq ans, dans les esprits, et avec elle le goût des entreprises. L'activité presque fébrile qui nous caractérisa en tout temps quitte la politique, pour se porter vers le bien-être matériel. Ou je me trompe fort, ou nous allons voir, d'ici à peu d'années, d'immenses progrès dans ce sens. La nation a été horriblement tourmentée elle jouit avec délices du repos qui lui est enfin donné[5].

De si heureux résultats n'allaient-ils pas profiter au ministère qui les avait obtenus ? Son pouvoir n'en devait-il pas être affermi, sa durée garantie ? Se flatter de cet espoir serait oublier que, dans la majorité conservatrice d'alors, le retour de la sécurité avait presque toujours pour conséquence l'indiscipline et les divisions. Dans son beau discours sur la loi de la presse, après avoir marqué la responsabilité que le cabinet assumait, le duc de Broglie avait ajouté, avec une mélancolique fierté : Les périls s'éloigneront ; avec le péril, le souvenir du péril passera ; car nous vivons dans un temps où les esprits sont bien mobiles et les impressions bien passagères. Les haines et les ressentiments que nous avons amassés sur nos têtes subsisteront car les haines sont vivaces et les ressentiments ne s'éteignent pas. A mesure que l'ordre se rétablira, le poste que nous occupons deviendra, de plus en plus, l'objet d'une noble ambition ; les Chambres, dans un temps plus tranquille, verront les changements d'administration comme quelque chose qui compromet moins l'ordre public. Les hommes s'usent vite, d'ailleurs, messieurs, aux luttes que nous soutenons. Savez-vous ce que nous aurons fait ? Nous aurons préparé, hâté l'avènement de nos successeurs. Soit, nous en acceptons l'augure avec joie, nous en embrassons avidement l'espérance. L'heure était proche où la prédiction du duc de Broglie allait s'accomplir.

 

II

Dans les premiers jours de la session, ouverte le 29 décembre 1835, rien cependant qui fit prévoir un accident. Le discours du trône n'était nullement provocant. !t se félicitait de la situation du pays n, constatait que a sa prospérité s'accroissait chaque jour, que sa tranquillité intérieure paraissait désormais hors d'atteinte et assurait sa puissance au dehors Puis il terminait par ces paroles d'apaisement qui convenaient après la pleine victoire : J'espère que le moment est venu pour la France de recueillir les fruits de sa prudence et de son courage. Éclairés par le passé, profitons d'une expérience si chèrement acquise ; appliquons-nous à calmer les esprits, à perfectionner nos lois, à protéger, par de judicieuses mesures, tous les intérêts d'une nation qui, après tant d'orages, donne au monde civilisé le salutaire exemple d'une noble modération, seul gage des succès durables. Le soin de son repos, de sa liberté, de sa grandeur, est mon premier devoir ; son bonheur sera ma plus chère récompense.

Dans la discussion de l'Adresse, un seul épisode intéressa vivement la Chambre et l'opinion. Il s'agissait de la Pologne. Le Czar, en revenant de Tœplitz, vers la fin de 1835 s'était arrêté à Varsovie il y avait manifesté, avec une affectation de dureté, ses ressentiments et ses menaces contre des sujets infidèles. Peu après, des ukases avaient supprimé les derniers vestiges du royaume de Pologne, et, en conséquence, l'exequatur avait été retiré au consul général de France à Varsovie. Il n'en fallait pas tant pour soulever l'opinion à Paris. Toute la presse, le Journal des Débats en tête, avait lancé de brûlants réquisitoires contre le despote moscovite. Le gouvernement, plus réservé parce qu'il était tenu à plus de prévoyance, n'avait rien dit de ces événements dans le discours du trône. Il eut désiré que l'Adresse gardât le même silence c'était impossible avec l'excitation des esprits ; il obtint du moins de la commission qu'elle se contentât de recommander, en termes généraux, le maintien des droits consacrés par les traités, sans nommer la Pologne. Mais cela ne suffit pas à la Chambre ; un amendement fut présenté, contenant un vœu pour la conservation de l'antique nationalité polonaise. Vainement le duc de Broglie fit-il entendre le langage de la raison politique, l'amendement, appuyé par M. Saint-Marc Girardin et M. Odilon Barrot, fut adopté à une grande majorité. Ce vote tout sentimental n'indiquait pas d'hostilité contre le cabinet. Celui-ci, du reste, l'emporta sans difficulté dans tous les autres paragraphes de l'Adresse.

En somme, la discussion avait été singulièrement paisible, et les votes peu disputés. Le Journal des Débats le remarquait[6]. Nous signalons avec plaisir, disait-il, le caractère de modération qui a marqué toute cette discussion. Le calme est dans la Chambre comme il est dans le pays... La passion manque, parce que la cause qui passionnait n'existe plus, et que, la question révolutionnaire vidée, il n'y a pas de question purement parlementaire qui puisse émouvoir fortement la Chambre et le pays. Il n'y en a pas, parce qu'au fond tout ce que le pays demandait, la révolution de Juillet le lui a donné. Mais la feuille ministérielle ajoutait aussitôt : Le calme ne doit pas nous engourdir, à Dieu ne plaise ! Ce serait une puérilité de croire que tout soit fini, et qu'un jour de calme soit l'éternité !... Le danger resserre les rangs de tous les bons citoyens ; la sécurité les relâche et les ouvre, si l'on n'y prend garde... Une époque est finie, l'époque des violences révolutionnaires et du tumulte des rues. Une autre commence, qui aura aussi ses difficultés et ses périls. Le calme dont nous jouissons n'est qu'un moment de halte après une journée fatigante ; c'est la récompense de cinq années de peine et de travail, moment heureux dont il faut savoir profiter pour assurer l'avenir. Les jours de danger nous ont trouvés fermes et courageux ; il faut espérer que les jours de prospérité ne nous trouveront pas insouciants et présomptueux. Ce langage révélait quelque inquiétude dans les régions ministérielles, peut-être une sorte de pressentiment.

Le jour même où paraissait cet article, le 14 janvier 1836, M. Humann, ministre des finances, lisait à la Chambre l'exposé des motifs du budget de 1837. Personne ne s'attendait à voir sortir une crise d'un document de ce genre. Mais à peine le ministre eut-il commencé, que l'attention, d'ordinaire assez distraite pendant de telles lectures, fut saisie par une déclaration imprévue sur la conversion des rentes 5 pour 100 : M. Humann présentait comme nécessaire et imminente cette mesure que M. de Villèle avait tentée sans succès, en 1824. L'accueil de la Chambre fut généralement favorable. Par contre, surprise et irritation des autres membres du cabinet, qui n'avaient ni approuvé ni même connu d'avance cette déclaration. Le procédé était si insolite qu'on y a soupçonné quelque complot mystérieux, tendant à la dislocation du ministère. Rien de pareil. Personne ne se cachait derrière M. Humann. Celui-ci, a écrit son collègue M. Guizot, était un esprit à la fois profond et gauche, obstiné et timide devant la contradiction, persévérant dans ses vues, quoique embarrassé à les produire et à les soutenir. Il tenait beaucoup à la conversion et s'imagina ainsi l'avancer. Il eût été flatté d'ailleurs de marquer son ministère par un acte important où son initiative personnelle eût été bien manifeste. Que voulez-vous ? disait M. Royer-Collard avec sa moue railleuse, M. Guizot a sa loi sur l'instruction primaire, M. Thiers sa loi sur l'achèvement des monuments publics ; Humann aussi veut avoir sa gloire. — Il y eut de sa part, dit encore M. Guizot, une imprudence un peu égoïste et sournoise, mais point d'intrigue.

Devant les réclamations fort vives de ses collègues, M. Humann dut reconnaître l'incorrection de sa conduite, et donna sa démission M. d'Argout prit sa place. Mais les choses n'en restèrent pas là. Dès le premier jour, une interpellation avait été annoncée. Le débat s'ouvrit, le 18 janvier. Loin de se dérober, le duc de Broglie aborda sans ménagement la question de la conversion. On nous demande, dit-il, s'il est dans les intentions du gouvernement de proposer la mesure dans cette session. Je réponds : Non. Est-ce clair ? L'impatience et la roideur de ce langage piquèrent la Chambre. Le fameux Est-ce clair ? fut aussitôt commenté et envenimé par tous ceux qui désiraient un conflit. Des députés répondirent à la provocation qu'ils prétendaient leur avoir été faite, en déposant des propositions de conversion. De part et d'autre, on résolut d'en finir promptement, et la discussion de l'une des propositions, celle de M. Gouin, fut fixée au 4 février.

Le ministère engageait ainsi son existence sur une question spéciale et tout à fait étrangère à la direction de la politique générale. Mauvais terrain pour une bataille parlementaire : il s'exposait à rencontrer contre lui, outre l'opposition, prompte à saisir toute occasion de lui faire échec, ceux des conservateurs qui pensaient autrement que lui sur ce problème économique. L'idée de la conversion paraissait alors assez populaire les porteurs de rente étaient encore peu nombreux en dehors de Paris ; la province ne voyait donc dans cette mesure que l'avantage d'alléger le budget, et de l'alléger aux dépens des capitalistes parisiens, ce qui ne déplaisait pas à ses petites jalousies. Aussi, quand vint le débat, le gouvernement, par l'organe de M. Thiers et de M. Duchâtel, eut beau combattre avec force la proposition et se borner à demander un ajournement, les esprits étaient prévenus et montés ; l'ajournement fut repoussé par 194 voix contre 192 (5 février). Au sortir de la séance, tous les ministres portèrent au Roi leur démission.

Bien petit grain de sable pour arrêter une machine si puissante et qui semblait marcher si bien Disproportion singulière entre la cause apparente et l'effet réel, surtout si l'on pense que cet ajournement, repoussé au prix d'une crise ministérielle, prévaudra en fait, sans que personne y trouve à redire, et que, le cabinet tombé, il ne sera pas donné suite à la proposition de conversion ! N'y avait-il donc pas, derrière ce vote, autre chose que la question financière qui avait fourni l'occasion et le terrain de la bataille ? A bien chercher, on y eût découvert les mêmes causes qui avaient amené les crises ministérielles de la fin des années précédentes, et surtout l'action dissolvante du tiers parti. Celui-ci avait été plus mortifié et irrité que découragé et affaibli par ses récentes mésaventures. Pour n'avoir plus osé faire une guerre ouverte qui n'était pas, du reste, dans ses goûts, il n'en avait pas moins poursuivi ses manœuvres souterraines. Aux conservateurs de frontière, on insinuait que les ministres dont l'énergie avait vaincu le désordre, n'étaient peut-être pas les plus propres à l'œuvre d'apaisement qui devait suivre le combat. On invoquait le besoin d'hommes nouveaux, argument qui, depuis Aristide, a toujours réussi auprès des médiocrités envieuses. On exploitait l'impopularité de M. Guizot, accusé vaguement de vouloir ramener les idées de la Restauration. On irritait toutes les petites blessures qu'avait pu faire la roideur un peu gauche du duc de Broglie, toutes les jalousies qu'éveillait sa haute considération[7]. Ce travail n'avait pas été sans obtenir quelque succès. Au début même de la session, un groupe d'une cinquantaine de députés, venus les uns du tiers parti, les autres de la majorité ministérielle, s'était constitué et se réunissait d'habitude dans l'hôtel de M. Ganneron. Leur prétention était d'être entièrement indépendants à l'égard du cabinet. Le bruit courait qu'ils s'étaient engagés à toujours voter ensemble. Ce Ganneron était un riche fabricant de chandelles, esprit court et fantasque, mais qui s'était fait une sorte d'importance politique, depuis que, présidant le tribunal de commerce, au début de la révolution de Juillet, il avait déclaré l'illégalité des Ordonnances. Conservateur et ministériel tant qu'il avait eu peur des émeutes, il se trouvait maintenant assez rassuré pour se poser en indépendant. Le groupe Ganneron parait avoir joué un rôle décisif et fatal dans l'affaire de la conversion.

On a voulu voir là également la main du Roi. N'a-t-on pas été jusqu'à accuser ce dernier d'avoir tramé, contre son ministère, une sorte de complot machiavélique ? Pure fantasmagorie. Ce qui est vrai, c'est qu'autour du Roi, plus d'un conseiller poussait, depuis quelque temps, au renversement du cabinet, J entre autres M. de Talleyrand, le plus écouté de tous. Celui-ci en voulait au duc de Broglie de ne l'avoir pas suivi dans l'évolution par laquelle il s'était éloigné de l'Angleterre, pour se rapprocher des trois cours orientales[8]. De l'hôtel de la rue Saint-Florentin, partaient, contre le ministre des affaires étrangères, des condamnations en forme d'oracles, qui circulaient à la cour et dans le monde politique. Le duc y était déclaré absolument impropre à la diplomatie et convaincu de s'être mis à dos tous les représentants des puissances étrangères[9]. Ces derniers, et particulièrement les ambassadeurs d'Autriche.et de Prusse dont nous avons signalé ailleurs les relations fréquentes avec le Roi, secondaient, autant qu'il était en leur pouvoir, les efforts de M. de Talleyrand. Louis-Philippe, bien que ses rapports personnels avec le duc de Broglie fussent moins tendus depuis un an, ne refusait pas d'écouter ce qu'on disait contre le président de son conseil. Il l'avait vu sans plaisir rentrer en mars 1835 il était préparé à voir sans regret son nouveau départ peut-être même, suivant l'expression du général de Ségur, en attendait-il l'occasion[10]. Il sentait le duc peu disposé à le suivre dans ses tentatives pour se rapprocher des puissances continentales. Un autre ministre, surtout si t'en avait soin de le choisir de tempérament moins inflexible, n'entrerait-il pas plus facilement dans l'idée royale ?

Les ennemis du cabinet s'étaient d'ailleurs efforces de réveiller chez le prince sa vieille répugnance pour les ministères imposants qui lui laissaient trop peu d'action et de prestige on tâchait de lui faire voir dans l'union du 11 octobre une coalition menaçante qu'il avait intérêt à dissoudre. Certaines gens, rapporte M. Guizot, disaient à la couronne qu'au, lieu d'un cabinet unique avec lequel il lui fallait compter, elle pouvait s'en ménager deux, dont un toujours en réserve et prêt à remplacer l'autre. Ces insinuations et ces conseils, habilement présentés, n'étaient pas mal reçus. Quant au péril d'affaiblir ainsi le gouvernement, nous avons déjà vu que le Roi croyait pouvoir n'en pas tenir compte ; ayant le sentiment très-fondé de sa capacité, mais se faisant illusion sur l'étendue de son action, il était porté à croire, comme le dit encore M. Guizot, que, par lui-même, il suffirait toujours pour faire prévaloir la bonne politique. Tout cela sans doute ne prouve pas que Louis-Philippe ait comploté la chute de son cabinet ; mais cela explique comment il le vit tomber sans faire effort ni pour le maintenir, ni pour le restaurer.

 

III

Conduit à constituer un ministère nouveau, le Roi s'adressa d'abord, sans succès, à M. Humann, au comte Molé et au maréchal Gérard. Il fit aussi appeler les personnages importants du tiers parti, MM. Dupin, Passy et Sauzet ; ceux-ci, peu soucieux de recommencer le fiasco du ministère des trois jours, apportèrent plus d'objections que de solutions, prêts à être ministres, non à se charger de faire un ministère. Le Roi avait probablement prévu ces refus, et ce n'est pas de ces côtés qu'il désirait vraiment réussir. Dès le premier jour, reprenant du reste un dessein ancien, il avait résolu de détacher M. Thiers de ses anciens collègues et d'en faire le chef de la nouvelle administration. Nous avons déjà eu occasion de noter le faible du prince pour ce jeune et brillant homme d'État. Au lendemain d'une victoire sur les oppositions de gauche, un ministère Thiers, sans les doctrinaires, lui paraissait avoir cet avantage de marquer, à l'intérieur, une sorte de détente, sans cependant être en réalité un désaveu ou un abandon de la politique suivie jusqu'alors. L'humble origine et la fortune récente de celui dont on voulait faire un président du conseil, son autorité morale encore contestée, et aussi la mobilité de son esprit, faisaient supposer qu'il n'apporterait pas, dans ses rapports avec la couronne, trop d'arrogance ou d'entêtement. D'ailleurs, au besoin, ne pourrait-on pas avoir raison de ses résistances, en lui faisant entrevoir un ministère Guizot ?

M. de Talleyrand patronnait chaleureusement M. Thiers ; se flattait-il de le dominer ? A l'entendre, c'était l'homme indispensable. M. Thiers, disait-il sentencieusement, n'est pas parvenu, il est arrivé. Il lui obtenait même l'appui de ceux des ambassadeurs étrangers qui désiraient avant tout ne plus avoir affaire au duc de Broglie. Il leur faisait valoir que son protégé s'était montré récemment opposé à l'alliance proposée par l'Angleterre à la France, en vue d'une action en Orient[11]. Peut-être était-ce déjà par l'effet de ces recommandations qu'en septembre 1835, M. de Metternich, tout en tâchant d'exciter le Roi contre le duc de Broglie, avait glissé quelques compliments à l'adresse de M. Thiers, qu'il regardait, disait-il[12], comme doué d'un esprit plus droit que plusieurs de ses collègues.

Que M. Thiers fût ou non au courant de ces manœuvres, sa tenue n'en avait pas moins été très-correcte avant et pendant la crise. Loin d'avoir trempé dans l'intrigue sous laquelle était tombé le cabinet, il avait pris la parole contre la conversion. Aux premières offres que lui fit le Roi, il répondit par un refus. M. Thiers, écrivait, le 6 février, un ami de M. de Broglie, s'exprime avec une extrême vivacité. Il veut qu'on ne puisse conserver aucun doute sur sa ferme intention de ne pas se séparer de ses collègues. Cela dérange singulièrement les calculs des intrigants qui comptaient sur son concours pour composer un ministère. Il déclarait hautement, devant de nombreux députés, que celui des ministres du 11 octobre qui reparaîtrait sur le banc ministériel mériterait d'en être chassé à coups de pied[13]. Quel était le motif du jeune ministre ? était-ce intelligence patriotique des avantages de l'union qu'on l'invitait à rompre ? était-ce, malgré sa confiance en soi, souci des risques qu'il courait, en brusquant trop la fortune et en voulant marcher seul[14] ? Toujours est-il que sa résistance fut d'abord très-nette et très-sincère. Les tentateurs ne s'en émurent pas outre mesure ; ils connaissaient cette ambitieuse Imagination, et ils comptaient sur elle pour développer les germes qu'ils y avaient jetés. Quel rêve, pour le journaliste d'hier, de se voir à trente-huit ans président du conseil, comme Casimir Périer, comme le maréchal Soult, comme le duc de Broglie, et avant M. Guizot ! Son esprit si ardemment curieux et si vite blasé n'était-il pas possédé depuis quelque temps du désir de manier les affaires étrangères, désir que M. de Talleyrand avivait encore, en lui répétant que l'Europe le désirait et l'attendait ? On lui persuadait qu'il mènerait à bonne fin le projet de mariage du duc d'Orléans avec une archiduchesse d'Autriche. Allait-il sacrifier de si brillantes visées pour rester à jamais lié à des collègues avec lesquels il avait peu d'affinités, dont il avait toujours jalousé la considération supérieure, et dont l'impopularité lui avait tant de fois paru compromettante ? De toutes parts, il se voyait pressé par le Roi, par M. de Talleyrand, par ses amis particuliers de la Chambre qui se trouvaient être, pour la plupart, les ennemis des doctrinaires, et jusque par les opposants de gauche qui, comprenant de quel intérêt il était pour eux de diviser les hommes du 11 octobre, lui faisaient espérer leur bienveillance. Enfin, pour piquer son amour-propre, on lui rapportait que les doctrinaires traitaient son élévation à la présidence du conseil de scandale impossible et promettaient à sa présomption le plus prompt châtiment. Il y avait là de quoi ébranler un cœur plus fidèle, plus austère et plus ferme. Aussi s'aperçut-on bientôt qu'il s'habituait peu à peu à l'idée d'une séparation. Toutefois, pour faire le pas décisif, il eût voulu y être poussé ou au moins autorisé par ses anciens collègues eux-mêmes. On disait généralement que les membres du cabinet s'étaient engagés, les uns envers les autres, à s'en aller ou à rentrer tous ensemble. L'engagement avait-il été formel, ou n'était-ce qu'une obligation morale, résultant de la situation plus encore que des paroles échangées ? Toujours est-il que M. Thiers se sentait gêné, tant qu'il n'avait pas été délié par le duc de Broglie dont l'autorité morale lui imposait. Il lui fit, à plusieurs reprises, des insinuations dans ce sens, affectant de le prendre pour confident de ses incertitudes et de ses scrupules mais le duc ne voulait pas comprendre. Le Roi se décida alors à intervenir et à demander à M. de Broglie de rendre la liberté à son jeune collègue. L'ancien président du conseil était trop fier pour refuser. Il déclara donc que M. Thiers était entièrement libre seulement, avec une clairvoyance à laquelle ne se mêlait aucune petite jalousie, il invita Louis-Philippe à bien réfléchir, avant de donner suite à son dessein, l'avertissant que s'il élevait une fois M. Thiers au premier rang, il devrait l'y garder toujours car il ne pourrait l'en faire descendre sans risquer de le rejeter dans le parti révolutionnaire. Le Roi n'était pas en disposition d'écouter l'avertissement ; il se borna à remercier le duc de Broglie d'avoir levé l'obstacle devant lequel hésitait M. Thiers, et il le fit avec une effusion qui révélait tout le prix qu'il attachait à voir aboutir sa combinaison.

Dès lors, M. Thiers ne se défendit plus. Son parti pris, il ne fut pas long à constituer son ministère. Tout fut terminé le 22 février. Il garda trois membres de l'ancien cabinet, le maréchal Maison, l'amiral Duperré et le comte d'Argout, et il leur adjoignit trois députés du tiers parti, MM. Passy, Sauzet et Pelet de la Lozère, ainsi que M. de Montalivet, qui avait la con6ance du Roi. Il eût voulu conserver aussi M. Duchâtel, mais celui-ci refusa.

Dans la dissolution qui venait de s'accomplir, il y avait de l'irréparable. Le ministère tombé n'était pas de ceux qui ont chance de se relever. Cette chute brisait à jamais l'union fragile, mais précieuse et féconde entre toutes, qui, commencée sous l'autorité de Casimir Périer, confirmée dans le cabinet du 11 octobre, avait rassemblé sous le même drapeau, dans le même faisceau, des hommes comme le duc de Broglie, M. Guizot et M. Thiers. Le drapeau replié, le faisceau rompu, chacun de ces hommes reprenait sa liberté d'action, et dès lors devaient éclater entre eux les contradictions de leurs origines, de leurs natures et de leurs doctrines. La formation du nouveau ministère hâta l'explosion de ces contradictions. Pendant que M. Thiers prenait le pouvoir dans des conditions qui le forçaient à incliner vers la gauche, M. Guizot se retrouvait le chef des conservateurs purs, dans une attitude d'observation peu bienveillante, inquiet pour ses idées et froissé dans son ambition, attendant impatiemment le moment où il pourrait à la fois rétablir la vraie politique de résistance et regagner l'avance que son jeune rival venait de prendre sur lui[15]. Quelques esprits clairvoyants, soucieux d'empêcher ou d'atténuer une séparation si fâcheuse, eussent désiré que M. Guizot fût porté à la présidence de la Chambre. M. Duvergier de Hauranne s'en ouvrit à M. Thiers. Vous avez, lui dit-il, M. Guizot et vous, servi puissamment, par votre union, notre cause commune. Il faut que, séparés, vous la serviez encore tous les deux. Puis donc que vous ne pouvez plus faire partie du même ministère, que l'un soit chef du cabinet et l'autre président de la Chambre. Ainsi vos amis ne se diviseront pas, la majorité restera unie, et, ce qui est, à la vérité, une considération secondaire, M. Dupin, qui depuis trois ans travaille à vous diviser, sera puni par son propre succès. En parlant ainsi, M. Duvergier de Hauranne regardait avec attention son interlocuteur. Tout alla bien jusqu'à l'allusion faite à la présidence de la Chambre. Mais, à ce mot, il vit la lèvre du jeune ministre se recourber et son sourcil se froncer. Il lui fut clair, dès ce moment, que si M. Thiers entrait au ministère, ce serait pour rompre avec M. Guizot et chercher son appui ailleurs[16]. Quant au duc de Broglie, il vit tomber le ministère qu'il présidait, avec tristesse pour son pays, sans regret pour lui-même, emportant, des intrigues qu'il avait vues s'agiter autour de lui et contre lui, une impression de dégoût sans aigreur, mais non sans mépris, qui augmenta encore son éloignement naturel pour le pouvoir. Aussi, étranger désormais aux compétitions de personnes, supérieur aux coteries, s'en tiendra-t-il, jusqu'à la fin de la monarchie, au rôle d'une sorte de politique consultant, servant parfois de parrain ou de conseiller aux ministres, mais résolu à ne plus être leur collègue heureux d'ailleurs de pouvoir reprendre des études fièrement solitaires dont il ne sentira même pas le besoin de livrer le résultat au public, et surtout de se livrer aux méditations philosophiques et religieuses, si droites et si viriles, qui devaient, par une montée laborieuse, mais constante, l'élever peu à peu jusqu'à la pleine possession de la vérité chrétienne.

Pendant son existence, le ministère du 11 octobre, à la différence du ministère Périer, n'avait pas toujours été apprécié à sa valeur par l'opinion conservatrice. Mais si tout le monde ne vit pas, au moment même, ce qu'avait d'irrémédiable et de néfaste la séparation des hommes qui venaient de gouverner ensemble la France pendant plus de trois ans, on allait bientôt s'en rendre compte, au spectacle de la longue crise qui devait se prolonger de 1836 à 1840 triste période de décomposition parlementaire et d'instabilité ministérielle, qui aboutira au dedans au démoralisant scandale de la coalition, au dehors à la périlleuse mésaventure de 1840, et dont les fâcheuses conséquences pèseront jusqu'à la révolution de Février sur notre politique intérieure et extérieure. Combien alors d'hommes politiques comprendront trop tard et regretteront amèrement le mal fait à la cause conservatrice, au régime parlementaire, à la monarchie, à la France, par la rupture consommée en février 1836 !

Avant de passer à cette nouvelle phase de la monarchie de Juillet, jetons, de haut et de loin, un dernier et rapide regard sur les années qui viennent de s'écouler. Considérons les grands résultats d'ensemble, sans nous arrêter aux petites misères de détail, conséquences nécessaires de tout gouvernement humain, pas plus nombreuses, mais seulement plus en vue avec le régime parlementaire. Que voyons-nous ? En 1830, la révolution maîtresse de toutes les institutions et de tous les esprits, avec une puissance d'élan à laquelle rien ne semble devoir résister au dedans, le règne de l'anarchie, l'émeute dans la presse, dans les clubs et dans la rue, toutes les forces gouvernementales désorganisées, toutes les autorités sociales sans crédit sur la foule, sans confiance en elles-mêmes, la menace d'une immense faillite pesant sur les fortunes privées et sur la fortune publique, le désordre ayant son contre-coup dans les intelligences et dans les âmes, l'effondrement des croyances, la guerre au christianisme, des aberrations comme le saint-simonisme ; au dehors, la France suspecte, mise au ban de l'Europe monarchique, et le péril imminent d'une guerre où, sans finances, avec une armée affaiblie, il nous faudrait combattre seuls contre une nouvelle coalition. Six ans s'écoulent, et au dedans la révolution est contenue, les émeutes écrasées, les clubs fermés, les sociétés secrètes dissoutes, la presse réprimée, la sécurité rétablie ; le gouvernement a reconquis sa force matérielle et une partie de son autorité morale ; le crédit public est restauré, le commerce et l'industrie jouissent d'une prospérité sans précédent ; la religion même a retrouvé, auprès de la société moderne, une popularité qu'elle n'avait pas connue depuis longtemps. Au dehors, la paix est assurée, tous les périls extérieurs sont écartés, des avantages considérables, comme la constitution de la Belgique, ont été obtenus, d'autres peuvent être espérés ; la France de 1830 a obligé l'Europe à compter avec elle et lui a appris à compter sur elle. Et cette victoire sur la révolution a été remportée sans qu'il en ait rien coûté à la liberté, sans un acte arbitraire, sans une heure de dictature. C'est à la tribune même que cette émouvante et décisive bataille a été livrée et gagnée.

Avec les premières années de la Restauration, ces débuts de la monarchie de Juillet sont une des périodes les plus honorables de l'histoire des gouvernements libres. Nous ne méconnaissons pas les différences des deux époques. Mais enfin, dans l'une et l'autre, la royauté constitutionnelle a eu ce mérite, rare entre tous, de remonter la pente sur laquelle les événements l'avaient placée ; elle l'a fait par sa volonté, et par la vertu même de son institution. Après 1815, elle s'était élevée généreusement à la liberté, malgré tout ce qui menaçait de la faire retomber dans l'ancien régime. Après 1830, elle a courageusement rétabli l'ordre et restauré l'autorité, malgré tout ce qui la poussait vers la révolution.

 

FIN DU DEUXIÈME VOLUME

 

 

 



[1] Un Anglais, M. Croker, disait à M. Guizot, en 1848 : Après l'attentat Fieschi, quand je vis par quelle fortune le roi Louis-Philippe y avait échappé, et avec quelle vigueur son gouvernement défendait la société menacée, je le crus, pour la première fois, destiné à fonder en France le régime constitutionnel et sa dynastie. Même sentiment se manifestait à Berlin et à Vienne.

[2] C'est ce qui fera dire tout à l'heure à M. Odilon Barrot, dans la discussion de l'Adresse : Je n'ai pris aucune part à la discussion sur la politique intérieure je sais accepter des faits accomplis, je sais prendre en politique un point de départ, et ne pas continuellement recommencer le passé et renouveler des luttes qui sont terminées.

[3] Novembre et décembre 1835.

[4] Un des orateurs de l'opposition, M. Bignon, a reconnu l'existence de cette grande prospérité, dans la discussion de l'Adresse de janvier 1836.

[5] Lettre du 27 janvier 1836.

[6] Journal des Débats du 14 janvier 1836.

[7] Il aurait fallu beaucoup d'art au duc de Broglie, écrivait à cette époque un de ses amis, pour se faire pardonner, tout à la fois, sa haute position aristocratique, son irréprochable probité, son désintéressement, son talent. Cet art, qui n'est autre que celui de menacer les amours-propres, M. de Broglie ne l'a jamais eu. (Documents inédits.)

[8] M. Molé écrivait à M. de Barante, le 22 février 1836 : La devise de M. de Talleyrand est : Tout plutôt que M. de Broglie. (Documents inédits.)

[9] Sa vocation est de n'être pas ministre des affaires étrangères, disait M. de Talleyrand du duc de Broglie. Ou bien encore : Je ne sais comment a fait M. de Broglie, mais il a trouvé moyen de se rendre désagréable tout à la fois à Londres, à Vienne et à Saint-Pétersbourg ; c'est jouer de malheur. M. de Talleyrand se trompait, au moins en ce qui regarde Londres. Les hommes d'État anglais ne cachaient pas combien ils eussent désiré le maintien du duc de Broglie. Le fait est constaté par une dépêche de M. de Werther, ambassadeur de Prusse à Paris. (HILLEBRAND, Geschichte Frankreichs, 1830-1870, t. I, p. 598.)

[10] C'est un fait que le Roi, préparé à ce changement, en attendait l'occasion. (Mémoires du général de Ségur, t. VII, p. 443.) Le général de Ségur raconte au même endroit de ses Mémoires qu'ayant exprimé au duc de Broglie son étonnement de la susceptibilité qu'il avait montrée dans l'affaire de la conversion, ce dernier lui expliqua qu'il cédait bien moins à cet incident, qu'à une incompatibilité très-prononcée entre lui et Louis-Philippe.

[11] HILLEBRAND, Geschichte Frankreichs, 1830-1870, t. I, 598.

[12] Mémoires de M. de Metternich, t. VI, p. 48.

[13] Documents inédits.

[14] M. Thiers se rappelait-il ce que lui avait dit peu auparavant Rossini, un jour que le musicien avait deviné chez le jeune ministre le désir de se séparer de ses collègues ? Mon cher monsieur Thiers, avait dit Rossini, vous avez tort. Quand, nous autres musiciens, nous voulons former une bonne troupe, nous ne nous contentons pas d'un seul chanteur : il nous faut une basse, un baryton, un ténor. Rubini n'exclut ni Lablache, ni Tamburini. Vous, mon cher monsieur, vous êtes le Rubini de la bande.

[15] M. Guizot a reproduit dans ses Mémoires les lettres qui s'échangèrent entre lui et M Thiers, au moment de la formation du cabinet présidé par ce dernier. Sous la froide politesse, on entrevoit les hostilités qui se préparent. M. Thiers écrivait : Mon cher Monsieur Guizot, je n'ai pas eu le temps d'aller vous annoncer, hier soir, notre constitution définitive, car nous sommes sortis fort tard des Tuileries. Les événements nous ont séparés ; mais ils laisseront subsister, je l'espère, les sentiments qu'avaient fait naître tant d'années passées ensemble dans les mêmes périls. S'il dépend de moi, il restera beaucoup de notre union, car nous avons encore beaucoup de services à rendre à la même cause, quoique placés dans des situations diverses. Je ferai de mon mieux pour qu'il en soit ainsi. J'irai vous voir dès que j'aurai suffi aux nécessités du premier moment. M. Guizot répondit : Mon cher ami, vous avez raison de croire à la durée des sentiments qu'a fait naître entre nous une si longue communauté de travaux et de périls. J'appartiens à la cause que nous avons soutenue ensemble. J'irai où elle me mènera, et je compte bien vous y retrouver toujours. Adieu. J'irai vous voir dès que je vous supposerai un peu de loisir.

[16] Notes inédites de M. Duvergier de Hauranne.