I 20 décembre, rapport de M. Waldeck-Rousseau sur l'élection présidentielle. Discours du général Cavaignac. — Ovation de l'Assemblée. — Le prince est déclaré président de la République ; sa prestation de serment ; son discours. — Dès le début, songeait-il à un coup d'État ? — Installation à l'Élysée. — Odilon Barrot chargé de la formation du ministère. — Les journaux sur le discours du prince : le Constitutionnel, les Débats, l’Union, la Gazette, même le National sont bienveillants ; les journaux rouges ne désarment pas. — Le prince fait preuve d'un grand sens politique dans la composition du ministère : MM. Drouyn de Lhuys, de Malleville, de Falloux, de Tracy, Léon Faucher, Bixio, Passy, le général Rulhières ; le colonel Rebillot, préfet de police ; Berger, préfet de la Seine ; Baroche, procureur général ; le maréchal Bugeaud, commandant l'armée des Alpes ; le général Changarnier, commandant l'armée de Paris et la garde nationale ; M. Mocquard, chef du cabinet présidentiel ; le commandant Thiboutot, gouverneur de l'Élysée. — Opinion des Débats, du National, de la Liberté sur le ministère. — 24 décembre, revue. — Costume du président ; toute la presse s'en occupe. —.Nouveaux bruits de coup d'État. — On s'étonne que l'Empire ne soit pas déjà fait. — L'Événement, la Révolution démocratique et sociale, la Patrie discutent la question de l'Empire. — Remarque judicieuse de Proudhon dans le Peuple sur la portée des affaires de Strasbourg et de Boulogne. — Le ministre de la justice donne l'ordre d'arrêter les citoyens qui crient Vive l'Empereur ! — Le prince Jérôme, oncle du président, nommé gouverneur des Invalides sur la proposition d'Odilon Barrot, dans un rapport débordant de lyrisme napoléonien. — Le président Marrast commande au peintre Couture, pour la salle des conférences du Palais-Bourbon, le portrait du chef de l'État. — Les journaux rouges reparlent de coup d'État. — Conflit entre le prince et M. de Malleville. — Réflexions du journal anglais le Spectator ; de la Liberté.Dans la séance du 20 décembre 1848, M. Waldeck-Rousseau montait à la tribune pour lire, au nom de la commission chargée de procéder au dépouillement des procès-verbaux de l'élection du président de la République, un rapport de quelques lignes qui déclarait que les opérations électorales étaient régulières, et que le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte était l'élu du peuple français. Dès qu'il eut terminé, le général Cavaignac se leva et, au milieu d'un profond silence, s'exprima ainsi : Citoyens, j'ai l'honneur d'informer l'Assemblée que MM. les ministres viennent de me remettre à l'instant même leur démission collective. Je viens à mon tour remettre entre les mains de l'Assemblée les pouvoirs qu'elle avait bien voulu me confier. L'Assemblée comprendra, mieux que je ne pourrais le lui exprimer, quels sont les sentiments de reconnaissance que laissera en moi le souvenir de sa bienveillance et de ses bontés... Le général s'arrête là, et les bravos succèdent aux bravos pendant plusieurs minutes. L'Assemblée et les tribunes le saluent de plusieurs et longues salves d'applaudissements. C'est une véritable ovation. Lorsque le général eut repris sa place[1], le président mit aux voix les conclusions de la commission. L'Assemblée presque tout entière se leva pour l'adoption. Les conclusions de la commission sont adoptées, dit le président. En conséquence, au nom du peuple français, attendu que le citoyen Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, né à Paris, remplit les conditions d'éligibilité prescrites par l'art. 44 de la constitution ; attendu que, clans le scrutin ouvert sur toute l'étendue du territoire de la République pour l'élection du président, il a réuni la majorité absolue des suffrages ; en vertu des art. 47 et 48 de la constitution, l'Assemblée nationale proclame le citoyen Charles-Louis-Napoléon Bonaparte président de la République française depuis le présent jour jusqu'au deuxième dimanche du mois de mai de l'année 1852. En vertu du décret sur la proclamation du résultat du scrutin, j'invite le citoyen président de la République à vouloir bien se transporter à la tribune pour y prêter le serment que je vais lire. Le président fit un signe[2]... Il était environ quatre heures du soir ; la nuit tombait, l'immense salle de l'Assemblée était à demi plongée clans l'ombre ; les lustres descendaient des plafonds, et les huissiers venaient d'apporter les lampes... On vit alors entrer un homme, jeune encore, vêtu de noir, ayant sur l'habit la plaque et le grand cordon de la Légion d'honneur. Toutes les têtes se tournèrent vers cet homme[3]... Son entrée produisit... une émotion profonde... C'est l'avenir qui entrait, un avenir inconnu... Le président dit : Je vais lire
la formule du serment : En présence de Dieu et devant le peuple français
représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la
République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs
qui me sont imposés par la Constitution. Le prince dit : Je le jure ! Le président ajouta : Je prends Dieu et les hommes à témoin du serment qui vient
d'être prêté[4]. Puis, se
tournant vers le prince : Vous avez la parole !
Après être resté quelques instants la main droite dans son habit boutonné,
immobile, Louis-Napoléon lut le discours suivant : Citoyens
représentants, les suffrages de la nation et le serment que je viens de
prêter commandent ma conduite future. Mon devoir est tracé ; je le remplirai
en homme d'honneur. Je verrai des ennemis de la patrie dans tous ceux qui tenteraient
de changer par des voies illégales ce que la France entière a établi. Entre
vous et moi, citoyens représentants, il ne saurait y avoir de véritables
dissentiments. Nos volontés, nos désirs sont les mêmes ; je veux, comme vous,
rasseoir la société sur ses bases, affermir les institutions démocratiques et
rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux
et intelligent qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa
confiance. La majorité que j'ai obtenue non seulement me pénètre de
reconnaissance, mais elle donnera au gouvernement nouveau la force morale
sans laquelle il n'y a pas d'autorité. Avec la paix et l'ordre notre pays
peut se relever, guérir ses plaies, ramener les hommes égarés et calmer les
passions. Animé de cet esprit de conciliation, j'ai appelé près de moi des
hommes honnêtes, capables et dévoués au pays, assuré que, malgré la diversité
d'origine politique, ils sont d'accord pour concourir avec vous à
l'application de la Constitution, au perfectionnement des lois, à la gloire
de la République. — La nouvelle administration, en entrant aux affaires, doit
remercier celle qui la précède des efforts qu'elle a faits pour transmettre
le pouvoir intact, pour maintenir la tranquillité publique. La conduite du
général Cavaignac a été digne de la loyauté de son caractère et de ce
sentiment du devoir qui est la première qualité du chef d'un État. — Nous
avons, citoyens, une grande mission à remplir, c'est de fonder une République
dans l'intérêt de tous et un gouvernement juste, ferme, qui soit animé d'un
sincère amour du progrès, sans être réactionnaire ou utopiste. Soyons les
hommes du pays, non les hommes d'un parti, et, Dieu aidant, nous ferons du
moins le bien, si nous ne pouvons faire de grandes choses. L'Assemblée tout entière se lève en criant : Vive la République ! Ce manifeste était un modèle de loyauté, de sens politique et de tact. La République, il la maintiendrait en homme d'honneur ; l'ordre, il le rétablirait ; les institutions démocratiques, il les développerait ; la paix, il l'assurerait ; et, tout cela, il aurait la force et l'autorité pour le faire grâce à l'immense majorité par lui obtenue. Il n'agirait, qu'avec l'esprit de conciliation le plus large. Puis, il saluait respectueusement son prédécesseur en rendant à ses mérites l'hommage qui leur était dû, et il terminait par une déclaration pleine de convenance et de modestie, où la note spiritualiste et religieuse trouvait une place heureuse. On ne pourait mieux dire. A ce moment, avait-il résolu de refaire l'Empire ? Son serment était-il sincère ? Il s'exprimait d'une façon trop explicite, et, qu'on nous passe le mot, trop crânement, pour supposer qu'alors il trompait sciemment la nation ; il se trompait lui-même. A cette époque, sa pensée n'osait pas, ou ne pouvait pas s'élever jusqu'à l'Empire, mais sans doute, déjà, il n'entendait point pour cela cesser d'être le chef du gouvernement ; malgré son serment, il ne lui était pas défendu de solliciter et d'obtenir la prolongation de ses pouvoirs, voire même d'être honoré d'une présidence à vie, sauf, plus tard, à la représentation nationale, et au peuple, à le délier de ce serment pour placer sur sa tête la couronne impériale. Cette éventualité n'était pas invraisemblable ; elle n'était même point déraisonnable, somme toute, après ce qu'on venait de voir depuis six mois, après cette résurrection triomphale et prodigieuse du nom de Napoléon. Mais rien n'autorise à penser que, dès la première heure, il ait eu la résolution de supprimer la République à bref délai et d'avoir recours à un coup d'État. Le serment a été prêté honnêtement, sans restriction mentale. Dés que le prince eut terminé sa lecture, le président invita les membres du bureau à accompagner le citoyen président de la République, en ajoutant que des ordres avaient été donnés pour que, sur son passage, du palais de l'Assemblée à l'Élysée national[5] qui lui avait été assigné pour résidence, les honneurs auxquels il avait droit lui fussent rendus. Quand le Président de la République fut descendu de la tribune, il se dirigea vers le général Cavaignac et lui tendit la main[6]. En cet instant, des bravos éclatent dans toute la salle[7]. Puis il sort, accompagné du vice-président, M. La-, crosse, des membres du bureau et des généraux Changarnier et Lebreton en grand uniforme. Il monte dans sa voiture avec MM. Lacrosse et Lebreton, et précédé d'un piquet de dragons, des huissiers de la Chambre, des messagers d'État, des membres du bureau, escorté par le général Changarnier à cheval avec les officiers de son état-major et les officiers d'ordonnance du Président de la République, Edgard Ney et Émile Fleury, chefs d'escadron de cavalerie, suivi d'un piquet de lanciers, il se rend à l'Élysée par les Champs-Élysées, où il arrive à cinq heures. La garde nationale et la troupe de ligne faisaient la haie sur tout le parcours du cortège, qui était salué par de nombreux cris de : Vive la République ! Le prince était reçu à l'Élysée par des membres de sa famille, par quelques amis, par MM. Odilon Barrot, Drouyn de Lhuys, Léon de Malleville et plusieurs représentants des puissances étrangères. M. Lacrosse lui adresse quelques paroles de félicitation, et le Président se retire dans ses appartements[8]. Pendant ce temps, l'Assemblée nationale faisait une ovation au général Cavaignac à sa sortie de la salle des séances, et le président annonçait aux représentants que M. Odilon Barrot[9] était chargé de la formation du cabinet. Le langage de presque tous les journaux était calme,
réservé. Les plus favorables ne donnaient leur approbation qu'en quelques
lignes : La manière, disait le Constitutionnel,
dont le nouveau président a prononcé ce discours, a
prouvé que son accent n'était pas moins français que son langage... L'Union
déclarait que le prince avait lu d'une voix ferme un
discours convenable, et ajoutait : Puisse-t-il
méditer avec fruit, dans (le) palais de l'Élysée, sur les destinées de l'usurpation !
D'après le Journal des Débats, le discours de
Louis-Napoléon a été accueilli avec une faveur générale et méritée. La
Gazette se contentait de dire que Louis-Napoléon
s'est avancé à la tribune avec beaucoup de dignité et de convenance...
Le National reconnaissait qu'il avait parlé en
termes très convenables, que ses paroles avaient été modestes et parfaitement mesurées. Quant aux journaux
rouges, ils ne désarmaient pas. La Révolution démocratique et sociale,
notamment, écrivait : ... De l'amnistie, de la
misère du peuple, pas un mot... II a pactisé avec la contre-révolution...
Jamais discours de la couronne n'a été plus insipide, ni plus incolore...
C'est un triste début que M. Bonaparte a fait, en se plaçant sous le drapeau
des vieux partis... Le Moniteur du 20 décembre annonçait la nomination du premier ministère de la Présidence. Ne pouvant s'adresser ni à des monarchistes déclarés, ni à des républicains de la veille, ni à des bonapartistes avoués, le prince fit appel à des hommes modérés et éminents, personnifiant les divers partis qui avaient concouru à son élection. M. Odilon Barrot était président du conseil. Il était alors, comme il le dit lui-même dans ses Mémoires, l'homme forcément désigné ; il s'imposait, en effet, à cette heure, par son caractère conciliant, par ses opinions sagement libérales, par le rôle politique qu'il avait joué jusqu'alors, par les relations[10] qu'il entretenait depuis longtemps avec le prince ainsi qu'avec d'autres membres de la famille Bonaparte. Il prenait le portefeuille de la justice. Le ministère des affaires étrangères était donné à M. Drouyn de Lhuys[11], l'intérieur à M. Léon de Malleville[12], la guerre au général Rulhière[13], la marine à M. de Tracy[14], l'instruction publique à M. de Falloux[15], l'agriculture à M. Bixio[16], les finances à M. Passy[17], les travaux publics à M. Léon Faucher[18]. Le colonel de gendarmerie Rebillot était nommé préfet de police, M. Berger préfet de la Seine, M. Baroche[19] procureur général de la Cour d'appel, le maréchal Bugeaud commandant de l'armée des Alpes, le général Changarnier commandant de la garde nationale et de l'armée de Paris[20]. Le prince prend comme chef de son cabinet particulier M. Mocquard, et il montre l'élévation de ses sentiments et sa grandeur d'âme en nommant gouverneur du palais de l'Élysée le commandant de gendarmerie Thiboutot, qui, comme nous l'avons vu, après l'attentat de Strasbourg, alors lieutenant de gendarmerie, avait été chargé de l'accompagner jusqu'au port de Lorient[21], et préfet de la Loire-Inférieure M. Gauja, qui était préfet du Pas-de-Calais lors de l'échauffourée de Boulogne. Le National critique la composition du nouveau ministère. Il est formé d'éléments disparates. C'est un ouvrage de marqueterie. C'est une carte d'échantillons. Il réfléchit les sept couleurs de l'arc-en-ciel. Quant aux pouvoirs conférés au général Changarnier, ils sont exorbitants. Le Journal des Débats (22 décembre) lui fait un accueil favorable. La Liberté dit : Insulté quotidiennement par la coterie du National, il choisit un de ses ministres dans son sein (Bixio)... Il oublie les haines, les injures, les calomnies... Le 24 décembre 1848 avait lieu la première de ces revues. militaires qu'on peut appeler historiques et qui furent, à l'intérieur, un des principaux événements de la présidence de Louis-Napoléon. Il y avait 40.000 hommes d'infanterie, 3.000 de cavalerie, 8 batteries d'artillerie, provenant soit de la troupe de ligne, soit de la garde mobile, soit de la garde nationale de Paris ou de la banlieue, qui occupaient les Champs-Élysées, les quais depuis le pont d'Iéna, la place de la Concorde, la rue Royale, le boulevard de la Madeleine, les rues de la Paix et Castiglione, et le jardin des Tuileries. Le Président, monté sur un cheval anglais alezan pur sang, était vêtu[22] de l'uniforme de général en chef de la garde nationale, tunique et pantalon bleus, avec le grand cordon et le crachat de la Légion d'honneur, et coiffé d'un chapeau à cornes orné de plumes blanches avec une aigrette greffée sur trois plumes tricolores. Il était suivi d'un nombreux état-major, composé du ministre de la guerre, du général Changarnier, des généraux Lebreton et Piat, des colonels Rebillot, préfet de police, Laborde, Dumoulin, du lieutenant-colonel de la Moskowa Edgard Ney, des commandants Fleury, Bertrand, Pierre Bonaparte en uniforme de chef d'escadron de la légion étrangère, Persigny, en chef d'escadron de la garde nationale, et de tous les officiers des états-majors particuliers du ministre de la guerre et du général Changarnier. Arrivé place de la Concorde, il s'arrête au bas des Champs-Élysées, tourné vers l'Obélisque et les Tuileries. Derrière lui se groupe un certain nombre de représentants du peuple (de La Rochejacquelein, Lucien Murat, de Girardin, Bérard, etc.). Le général Changarnier, avec le général Perrot, les colonels de Saligny, Roger du Nord, etc., après avoir passé devant le Président, vient s'adosser à l'Obélisque, faisant face au prince. Puis le défilé commence[23]. Un régiment de dragons crie longuement : Vive Napoléon ! Des bataillons de la garde nationale de la banlieue[24] crient même : Vive l'Empereur ! On sentait partout un vif sentiment de sympathie pour le Président. Pendant la revue, un cerf-volant, ayant la forme d'un aigle, que tenait un individu[25] dans la foule, vint planer sur la tête du chef de l'État. Comme cet incident se prolongeait et retenait l'attention de tous, le général Changarnier donna l'ordre de couper la ficelle à laquelle il était fixé. Beaucoup virent là un présage. Le costume adopté par le Président fut l'objet de
critiques de la part d'une partie de la presse. Il
parut, dit l'Union, en désaccord avec la
position que la Constitution a faite au Président. Sous la République, le
Président ne peut exercer aucun commandement sur les troupes. La Constitution
le lui défend. Que M. Louis Bonaparte adopte un costume comme celui des
directeurs de 1796 à 1799, qu'il porte un habit rouge brodé en or comme son
oncle lorsqu'il était consul, c'est dans son droit ; mais revêtir un uniforme
quand la Constitution lui interdit toute initiative militaire, c'est dépasser
le but, c'est entrer dans les voies de la souveraineté. — Il nous semble fort extraordinaire, dit la Révolution
démocratique et sociale (25 décembre 1848),
et non moins inconstitutionnel que M. Bonaparte
s'affuble d'une paire d'épaulettes qu'il n'a pas plus le droit de porter que
le premier citoyen venu. Qu'il adopte un costume de fantaisie, qu'il chausse
des bottes molles et enfourche des culottes de daim si cela lui fait
plaisir... mais nous ne comprendrions pas que M. Barrot... ne fit pas sentir
à M. Bonaparte... ce qu'il peut y avoir de grave dans cette première atteinte
à la légalité... — Aujourd'hui, dit la
Démocratie pacifique[26]... ce symptôme (l'uniforme
à grosses épaulettes de M. Louis Bonaparte)
n'est pas sans gravité. Est-il vrai que M. Louis Bonaparte ait pris
l'habitude de visiter les casernes et de nouer des relations personnelles
avec le soldat ? Est-il vrai qu'il se soit rendu dernièrement et de très
bonne heure à l'École militaire en l'absence des officiers ? Serait-il vrai
enfin qu'un ordre du jour adressé à tons les chefs de corps leur ait demandé
la liste des soldats punis pour les cris de : Vive Napoléon ! proférés avant
le 10 octobre ? Tous ces bruits courent, et de tels faits groupés avec
d'autres ne sont pas sans causer quelque inquiétude aux républicains sincères.
On parle de coup d'État, de proclamation de l'Empire, avec persistance. Il ne
semble pas possible qu'un Napoléon, chef de l'État, puisse être autre chose
qu'Empereur. Le journal l’Événement, critiquant la composition du
ministère, dit : (S'il avait pris pour ministres
d'autres hommes...) ces six millions de
Français, qui vous avaient porté, vous exhaussaient de plus en plus, et sous
l'effort puissant de tous ces bras levés, vous arriviez si haut que vous
touchiez déjà au sommet de la colonne et que vous approchiez de l'Empereur.
La Révolution démocratique et sociale (25
décembre 1848) s'écrie :... Est-il vrai que
vous croyez déroger en vous contentant de la présidence temporaire de la
République ?... Vous devriez être satisfait au delà de vos espérances, et
cependant vos amis s'en vont partout disant que la France ne sera sauvée que
le jour où vous pourrez échanger contre un titre définitif et héréditaire le
pouvoir temporaire qui vous a été concédé... Ils vous avaient promis 'pour
aujourd'hui une ovation... Rien n'avait été négligé en fait de manœuvres
secrètes pour séduire la garde nationale et l'armée, pour faire sortir de
leurs acclamations unanimes un appel à l'Empire[27]... (Mais) le silence
s'est fait sur votre passage... Il faut vous soumettre et ne plus songer à
l'Empire... — La Patrie, qui n'était pas encore un journal
bonapartiste, dit (25 décembre 1848) : Une restauration impériale, la restauration d'un phénomène
historique est une de ces chimères d'érudit traineur de sabre qu'il faut
traiter avec non moins de mépris et avec moins de pitié assurément que les
illusions naïves des bonnes gens qui s'imaginent n'avoir plus bientôt aucune
espèce d'impôts à payer. — Proudhon, dans le Peuple du 25
décembre, stigmatise l'appui prêté au bonapartisme par les légitimistes et
fait très judicieusement observer que les équipées de Strasbourg et de
Boulogne n'ont pas été si insensées qu'on a bien voulu le dire, et que le
prince vise à l'Empire : ... Les fils des croisés
égarer et travestir le principe de la légitimité dans une élection
napoléonienne ! Une transaction entre les abeilles et les lis !... Et l'affaire
d'Ettenheim ?... Regardez derrière votre bulletin, il est taché du sang d'un
Bourbon. Pour un vrai légitimiste... Louis Bonaparte n'est et ne sera...
jamais que le symbole de l'usurpation, l'héritier présomptif de l'assassinat
politique. Pour vous, orléanistes, Louis Bonaparte, c'est l'émeute militaire,
la conspiration à main armée. Échauffourées... entreprises ridicules... tant
qu'il vous plaira... mais qu'il se fût tenu coi jusqu'en février... eût-il eu
même renom, même relief ?... Le nom de l'oncle a servi sans doute, mais les
deux conspirations ont servi aussi. — L'oncle écarté, que reste-t-il ? Le
neveu tout court, c'est-à-dire l'émeute personnifiée, la conspiration avec
récidive, un personnage de roman que la bourgeoisie a tant bafoué, tant vilipendé
en 1840. M. Louis Bonaparte est président de la République, c'est fort peu
rassurant. Il a prêté serinent à la Constitution, raison majeure de se
défier... On ne nous fera jamais croire que le héros de Boulogne et de
Strasbourg ne conserve pas un tout petit grain d'ambition impérialiste... La
droite rêve le retour des splendeurs impériales... les grognards ont dressé
une toute petite liste des écrivains... que pour... le repos de l'Empire il
faudra déporter à Sinnamari, le jour même du sacre... — La veille de
la revue, le journal l'Estafette écrivait : Paris
tout entier attend avec impatience la journée de demain... On répand des
rumeurs auxquelles nous ajoutons peu de créance ; des imprudents veulent
saluer Louis-Napoléon du titre décerné à son oncle. Ces bruits trouvent dans
Paris beaucoup de créance. La Démocratie pacifique (8 janvier 1849) raconte que dans l'entourage du prince on a agité la question d'un 18 brumaire ; qu'au dire de bien des gens il voudra calquer sa conduite sur l'histoire de son oncle, et qu'on peut après s'être couché en république se réveiller en monarchie ; qu'on s'étonne que la chose ne soit pas déjà faite ; qu'on y avait cru pour le lendemain de l'élection présidentielle, puis pour le jour de la revue ; que les bruits les plus sinistres ont alors couru, que la République, disait-ou, n'en avait plus que pour trois ou quatre jours dans le ventre... Elle ajoute : L'Empire est mort maintenant et pour toujours ; vos travestissements impériaux fraîchement décrochés du Temple et vos fusils qui se rouillent depuis 1815 n'effrayent plus personne !... — La Révolution démocratique et sociale du 8 janvier s'écrie : M. Louis Bonaparte empereur ! quelques pauvres têtes pouvaient nourrir de telles pensées quand l'ex-constable apparaissait entouré de l'auréole de l'inconnu ; mais aujourd'hui, ah ! laissez-nous rire ! La République[28] dit : Le parti impérialiste veut un empereur... Louis Bonaparte
a voulu être représentant du peuple ; cela ne lui a pas suffi... il a voulu
être président de la République, il l'est. Ne convoite-t-il pas secrètement
un pouvoir plus grand ? Ses amis agiraient-ils — car on persiste à parler de
complot — s'ils n'étaient sûrs de sa sanction ? Mais un complot suppose une
lutte, et la lutte la violation... d'un serment. Qu'importe ? Paris vaut bien
une messe !... — Le Crédit (3
janvier 1849) dit : Nous allons à l'Empire,
si l'on veut, mais au Bas-Empire... L'agitation impérialiste est assez importante pour que le ministre de la justice donne l'ordre d'arrêter les personnes qui crient : Vive l'Empereur ! Ce qui n'empêcha pas qu'un des premiers actes du cabinet fut la nomination du général de division Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon Ier, au poste de gouverneur des Invalides. Mesure, disait Odilon Barrot, dans un rapport au Président, que le cabinet regarde comme l'expression du sentiment universel de la France... C'est un bel hommage rendu à la mémoire de l'empereur Napoléon que cette réunion dans un seul sentiment des ancien partis et la réconciliation des opinions naguère ennemies. Il était donné à ce grand homme de rendre, même après sa mort, ce service à sa patrie... Si le peuple français était consulté dans ses comices, nous sommes assurés que d'une voix unanime il proclamerait que la place du frère de Napoléon est auprès de ce dépôt sacré des cendres de son frère. Il semble que cette nomination aurait pu se faire sans être précédée de ce document solennel et ampoulé. Mais le nom de Napoléon venait de remporter un tel triomphe que le langage et les actes de tous devaient s'en ressentir, même chez les républicains, et c'est ce qui explique que le président de l'Assemblée, Marrast, aussitôt après l'installation du Président de la République, ait commandé au célèbre peintre Couture, pour orner la salle des conférences du palais législatif, le portrait du chef de l'État. Le cabinet était à peine formé qu'un conflit s'éleva entre le prince et le ministre de l'intérieur, M. de Malleville. Depuis huit jours que le prince était à la tête du gouvernement, il n'était pas tenu au courant de ce qui se passait, notamment à l'étranger, ou du moins on ne l'en avisait qu'à l'occasion ; et cependant des événements graves se déroulaient en Italie. D'autre part, dès son arrivée au pouvoir, il avait eu la curiosité bien naturelle d'examiner les dossiers des affaires de Strasbourg et de Boulogne ; il les avait demandés au ministre de l'intérieur, et il ne voyait rien venir. Dès le début, il voulut montrer qu'on le prenait pour ce qu'il n'était pas, et qu'il n'entendait pas être considéré comme un chapeau et traité comme un soliveau. Il écrivit alors à M. de Malleville, à la date du 27 octobre : J'ai demandé à M. le préfet de police s'il ne recevait pas quelquefois des rapports sur la diplomatie ; il m'a répondu affirmativement, et il a ajouté qu'il vous a remis hier la copie d'une dépêche sur l'Italie. Ces dépêches, vous le comprendrez, doivent m'être remises directement, et je dois vous exprimer tout mon mécontentement du retard que vous mettez à me les communiquer... Je vous prie également de m'envoyer les seize cartons que je vous ai demandés ; je veux les avoir jeudi. Je n'entends pas non plus que le ministre de l'intérieur veuille rédiger les articles qui me sont personnels ; cela ne se faisait pas sous Louis-Philippe, et cela ne doit pas être. Depuis quelques jours aussi je n'ai pas de dépêches télégraphiques. En résumé, je m'aperçois que les ministres que j'ai nommés veulent me traiter comme si la fameuse constitution de Sieyès était en vigueur, mais je ne le souffrirai pas. La lettre était raide[29] ; jamais, croyons-nous, il n'en écrivit de pareille ; elle est absolument en dehors de sa manière habituelle, mais il faut reconnaître que les reproches étaient entièrement fondés, et qu'au point de vue du prince il était essentiel d'apprendre une fois pour toutes à ceux qui l'ignoraient que le chef de l'État n'était pas une quantité négligeable. Le président du conseil, Odilon Barrot, se sentant atteint du coup qui frappait son collaborateur, se rendit chez le Président de la République pour lui déclarer que le cabinet tout entier se trouvait offensé par cette lettre. Comment avez-vous pu penser, lui dit-il, que des hommes d'honneur... consentiraient à être traités par vous avec aussi peu d'égards ? — Je vous assure, répondit le prince, que je n'ai pas eu l'intention de blesser M. de Malleville ; j'aurai dans un premier mouvement laissé échapper des expressions peu réfléchies. Que faut-il donc faire ? — Je n'ai pas de conseil à vous donner, reprit Odilon Barrot, vous savez tout aussi bien que moi quel est le devoir que l'honneur prescrit à celui qui a eu le malheur d'offenser un galant homme. — Malgré une lettre d'excuse[30] qui parut à tous les ministres une réparation aussi complète que possible, M. de Malleville persista à se retirer. Le Président s'écria alors : Mais que veut donc M. de Malleville ? exige-t-il que j'aille lui porter mes excuses en personne ? Je suis prêt à le faire. — Cette déclaration fidèlement rapportée au ministre démissionnaire ne put le faire revenir sur sa détermination. J'aimerais mieux, dit-il, me brûler la cervelle[31]. M. Bixio, ministre du commerce, s'associe à la détermination de M. de Malleville et donne aussi sa démission. C'est là, dit-il à l'Assemblée nationale le 9 janvier, une inspiration de la conscience que tout le monde appréciera et que je n'ai pas à justifier ici. Cet incident amenait de la part d'un journal anglais, le Spectator, les réflexions suivantes : Il est possible que les partis qui ont fait nommer Bonaparte soient allés plus loin qu'ils ne le voulaient... C'est comme ces braves gens de la garde nationale qui en février criaient : Vive la réforme ! et ont crié si fort qu'on leur a donné plus qu'ils ne demandaient. Eh bien ! les monarchistes de toutes couleurs ont crié : Vive Napoléon ! mais si bien et si fort qu'ils ont, sans le vouloir, créé un vrai Napoléon et fait une créature vivante de ce qu'ils croyaient être une poupée... La Liberté (6 janvier 1849) approuve le Président : Que Louis-Napoléon fort de son droit marche sans entraves vers le but que la Providence lui a assigné. S'il trouve dans son ministère un obstacle à cette marche providentielle, qu'il s'en sépare... Elle ajoute (10 janvier 1849) :... Les Bonaparte forment une famille à part, une famille nationale ; ils appartiennent à la France ; ils nous préservent à la fois de la légitimité, de la régence et de la Terreur... La famille Bonaparte pouvait seule nous donner un chef qui nous mit d'accord, car elle n'est exclusivement ni le passé, ni le présent, ni l'avenir ; elle est ces époques réunies, car elle n'est ni la royauté, ni la noblesse, ni la bourgeoisie ; elle est la nation personnifiée dans un vote en faveur d'un nom qui dit tout... Croit-on qu'en se donnant un chef la France républicaine n'a entendu se donner qu'un premier écuyer ou un maitre de ballets ?... Qu'il en fasse rien... (ont dit les hommes des anciens partis)... Quand nous l'aurons compromis par l'oisiveté, tué par le silence, déconsidéré par le néant de sa politique, nous défions qu'il s'en relève !... |
[1] A côté de M. de Lasteyrie, 3e section de gauche.
[2] Victor Hugo, Napoléon le Petit.
[3] Un visage blême... un nez gros et long, des moustaches, une mèche frisée sur un front étroit, l'œil petit et sans clarté, l'attitude timide et inquiète, nulle ressemblance avec l'Empereur... (Victor Hugo, Napoléon le Petit.)
[4] Ce moment eut quelque chose de religieux... (Victor Hugo, Napoléon le Petit.) Le représentant Boulay de la Meurthe, qui connaissait Louis-Napoléon depuis son enfance, s'écria : C'est un honnête homme, il tiendra son serment.
[5] C'était auparavant l'Élysée-Bourbon. Il a été bâti en 1718 par le comte d'Évreux, et il portait à l'origine le nom d'hôtel d'Évreux. Ensuite il appartint à Mme de Pompadour. En 1774, il fut acheté par le financier Beaujon ; en 1786, par Louis XVI ; sous l'Empire, par Murat. Napoléon Ier y signa son abdication le 21 juin 1815. Sous la Restauration, il fut habité par le duc de Berry. Sous le gouvernement de Juillet, il était destiné à la reine Marie-Amélie en cas de mort du Roi.
[6] Le général, dit Victor Hugo dans Napoléon le Petit, hésita quelques instants à accepter ce serrement de main. Tous ceux qui venaient d'entendre les paroles de Louis Bonaparte, prononcées avec un accent si profond de loyauté, blâmèrent le général. (Voir aussi Odilon BARROT, Mémoires, t. III, p. 29, et M. DE MAUPAS, Mémoires, p. 45.) Cependant le général, le même jour (voir la Patrie du 20 décembre), faisait déposer sa carte à l'Élysée.
[7] On racontait alors qu'en voyant le prince serrer la main de Cavaignac, M. Thiers se serait penché vers Odilon Barrot pour lui dire : Cher ami, notre jeune homme ne pouvait pas trouver de meilleure sortie... C'est moi qui l'ai réglée. (Voir l'Assemblée nationale comique, par A. LIREUX, p. 363.)
[8] Le Times rappelle l'anecdote suivante, à propos de l'installation du prince à l'Élysée : ... Eh bien, Bourrienne, disait Bonaparte à son secrétaire, nous voilà donc aux Tuileries ! Maintenant, il faut y rester.
[9] Ancien avocat au Conseil d'État ; ancien secrétaire du gouvernement installé à l'Hôtel de ville en 1830 sous le nom de commission municipale ; chargé d'accompagner Charles X à la frontière sur l'ordre de Louis-Philippe ; ancien préfet de la Seine ; ancien député sous le gouvernement de Juillet.
[10] Après 1830, il s'était entremis pour faire obtenir une indemnité à l'ex-reine de Naples, sœur de Napoléon ; pour faire cesser l'exil du roi Jérôme et de son fils ; ayant accepté de défendre le prince à Strasbourg. pour que le gouvernement de Juillet accordât à celui-ci la permission d'aller à Florence fermer les yeux de son père.
[11] Ancien secrétaire d'ambassade, ancien directeur des affaires commerciales au ministère des affaires étrangères ; destitué après son vote contre l'indemnité Pritchard ; fait la campagne des banquets ; signe la mise en accusation de M. Guizot. Collaborateur du Siècle.
[12] Ancien sous-secrétaire d'État dans le cabinet du 1er mars.
[13] Officier sans passé politique.
[14] Ancien officier du génie, ancien député.
[15] Il ne partageait pas les idées de son frère, l'abbé de Falloux, qui, avant le 10 décembre, disait : La France serait donc forcée de reprendre ce qu'elle a vomi ! Auteur d'une Victoire de Louis XVI (1840), d'une Histoire de Pie V (1844). Député de Segré (1846).
[16] Journaliste agricole.
[17] Ancien ministre des finances sous Louis-Philippe.
[18] Ancien professeur, journaliste, économiste.
[19] Né à Paris, 8 novembre 1802. Avocat à la Cour de Paris ; 1846-1847, bâtonnier ; 1847, député de la Charente. Réélu en mai 1849.
[20] M. Troplong, conseiller à la Cour de cassation, était nommé premier président de la Cour d'appel.
[21] Les journaux de l'époque (voir notamment la Liberté du 8 janvier 1849) racontent qu'au moment de se séparer du lieutenant Thiboutot, le prince lui remit une mèche de ses cheveux, en lui disant : Voilà, monsieur, quelque chose qui 'l'habitude ne s'offre qu'à une femme ; mais puisque ma position présente ne me vermet pas de vous laisser d'autre souvenir, acceptez-le. Si des jours meilleurs me sont accordés, si la fortune à mon égard se montre moins contraire, je vous promets de me souvenir de vous....
[22] Après l'élection du Président, un entretien eut lieu entre le prince et M. Thiers sur le costume officiel que le chef de l'État adopterait. Prendrait-il l'uniforme de général de la garde nationale ou celui de général de division de l'armée ? Ne choisissez ni l'un ni l'autre, dit M. Thiers. Ce pays-ci aimera que le Président de la République, magistrat civil, porte le costume civil. D'ailleurs, comment ferait votre successeur ? (Souvenirs de M. MERRUAU, p. 395, qui ajoute : C'est comme s'il avait dit : Je vous succéderai dans quatre ans, et je ne puis véritablement pas me costumer en général.)
[23] Jérôme Bonaparte, ancien roi de Westphalie, était placé, avec une partie de sa famille, à un balcon du ministère de la marine. Son fils, simple garde national, défila avec la 1re légion.
[24] Voir le Siècle du 24 décembre 1848.
[25] Un domestique nommé Pierre Noël.
[26] Journal de Considérant, 5 janvier 1849.
[27] Le même journal ajoute que les représentants étaient fort préoccupés des bruits de manifestations impérialistes. A l'Ambigu, on jouait Napoléon et Joséphine, et au Panorama des Champs-Élysées, la Bataille d'Eylau.
[28] 4 janvier 1849. Eugène Bareste, rédacteur en chef.
[29]
MON CHER BARROT,
En rentrant chez moi, je trouve l'insolente lettre dont je vous envoie copie... Il a besoin d'une leçon, et je me charge de la lui donner... Je ne consentirai jamais à violer un dépôt public confié à ma garde... Je le crois fou après avoir lu sa lettre, et aucune puissance humaine ne me contraindra à le servir, après l'impertinence qu'il s'est permise envers moi... Signé : Léon DE MALLEVILLE, 27 décembre 1848.
[30]... J'ai eu, à la vérité, un moment d'humeur hier, en pensant qu'on ne me traitait pas peut-être comme le chef responsable de l'État, et j'ai manifesté à M. le ministre de l'intérieur ce sentiment de déplaisir ; mais, je le répète, si j'ai pu offenser M. de Malleville et le cabinet tout entier, je le déplore de toute mon âme, et j'espère qu'après cette explication il ne restera d'autres traces de ce différend que nos sincères regrets. Signé : Louis-Napoléon BONAPARTE. (Lettre à Odilon Barrot, 28 décembre 1848.)
[31] Odilon BARROT, Mémoires, t. III, p. 52, 53. — En définitive, le prince, en cette affaire, avait eu le beau rôle, et l'attitude de M. de Malleville prête à rire.