RÉCITS DE L’HISTOIRE ROMAINE AU Ve SIÈCLE

 

CHAPITRE VI — GLYCERIUS. - ÉMIGRATION DES OSTROGOTHS.

 

 

Odoacre accueilli par Oreste entre dans la garde des empereurs. - Quel était cet Oreste. - Glycerius, empereur. - Les Ostrogoths quittent lu Pannonie. - Théodémir et son fils Théodoric l’Amale envahissent la Macédoine ; Vidémir, l’Italie. - Glycerius fait passer en gaule les Ostrogoths. -Mécontentement des Gaulois.- Népos arrive d’Orient, bat Glycerius, et le fait ordonner évêque de Salone.

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Odoacre et ses compagnons trouvèrent aisément en Italie l’emploi de leurs bras. La mâle tournure et la haute taille des guerriers ruges étaient faites pour attirer l’attention des recruteurs romains ; ils rencontraient d’ailleurs, à la cour de Ravenne, un protecteur né de quiconque, ayant appartenu aux bandes d’Attila, désirait entrer au service de Rome. Ce protecteur n’était autre que le Pannonien Oreste, ancien secrétaire du roi des Huns[1], devenu officier supérieur dans la garde des empereurs d’Occident.

De tous les aventuriers romains ou barbares que produisit le Ve siècle, ce siècle des grands aventuriers de l’ancien monde, aucun n’offrit dans sa vie de plus étranges contrastes que cet Oreste, sorti de la tente d’Attila, pour aller fermer, sur le trône impérial d’Occident, en la personne de son fils, la succession de hies César et d’Auguste. Né à Pettau, en Illyrie, d’une famille honnête de provinciaux, il s’était allié à une plus illustre, en épousant la fille du comte Romulus, personnage considérable, même hors de sa province, et honoré de plusieurs missions par les Césars de Ravenne. Avec une merveilleuse souplesse d’esprit, que n’embarrassaient guère les scrupules de conscience, Oreste savait toujours accommoder son patriotisme aux vicissitudes de sa patrie. Romain au temps où la Pannonie était romaine, Barbare lorsque les Huns l’occupèrent, mais prêt à redevenir Romain au premier retour de fortune, il servit loyalement, à mesure qu’elles se présentèrent, toutes les causes que lui imposa la nécessité. Attila n’eut pas de ministre plus fidèle, l’empire de plus dangereux adversaire, tant, que dura la domination des Huns[2]. Mais à la mort du conquérant, il regarda ses engagements comme rompus, et refusant de prendre part aux luttes de ses compagnons d’armes, il vint avec sa famille et ses trésors se fixer en Italie[3], où il dépensait noblement la part qu’il avait touchée dans le pillage de l’empire. Ainsi rendu à sa première situation, le secrétaire d’Attila se montrait un bon et utile Romain. Sa profonde connaissance des moeurs et des intérêts barbares le fit rechercher par les ministres des empereurs et par les empereurs eux-mêmes. Il se glissa dans leur intimité, fut bientôt de tous leurs conseils, et obtint un commandement dans le corps des domestiques, poste envié et réellement important, en ce qu’il servait de marchepied à tout.

Par suite de ses aventures mêmes et des relations de sa vie passée, Oreste pouvait rendre à l’empire des services de plus d’un genre ; mais le plus important de tous se trouvait, en quelque sorte, entre ses mains. La question de vie ou, de mort, pour la Romanie occidentale, était alors dans la composition de ses armées ; non pas qu’il s’agît encore, comme sous Marc-Aurèle ou Probus, d’y combiner avec prudence l’élément national et l’élément étranger, de manière à garantir toujours là prééminence au premier ; le temps des simples tempéraments n’était plus, et le gouvernement d’Occident se résignait à ne plus compter sous ses enseignes que des soldats étrangers. La question était de décider si ces soldats étrangers formeraient, au sein de l’Italie, une armée ou un peuple. Sans doute, le recrutement des mercenaires barbares dans un seul peuple, par l’intermédiaire d’un chef ou roi de ce peuple, généralissime romain, offrait de grands avantages de facilité et de cohésion ; mais Ricimer en Italie, Aspar à Constantinople, avaient mis à nu les inconvénients d’un pareil système, qui amenait comme conséquence inévitable, la dépendance des empereurs et l’abaissement de l’autorité impériale devant le patriciat barbare. Le remède à ce mal, remède bien impuissant encore, consistait à. changer le mode de recrutement, au moins pour une portion des troupes, à diviser les commandements, à créer entre les chefs des rivalités de position, en un mot à détruire, au profit de l’empereur, cette unité et souvent cette hérédité du gouvernement militaire, qui faisait la force des patrices barbares, entrepreneurs d’armées romaines.

Dans la Romanie orientale, Léon avait accompli ce travail avec succès. Eu composant sa garde de recrues isauriennes opposées aux fédérés goths de Théodoric le Louche et d’Aspar, et remettant le commandement de cette garde à l’Isaurien Zénon, devenu son gendre, il avait su se préserver lui-même, et chasser des abords du trône la dynastie militaire des Ardabures, maîtresse de l’Orient depuis un demi-siècle. L’Occident, il est vrai, ne comptait, parmi ses populations sujettes de l’empire, rien de comparable pour l’énergie guerrière aux sauvages tribus de l’Isaurie ; mais à défaut de Romains on pouvait opposer les barbares aux barbares, et combiner, pour la garde clos empereurs, un système d’enrôlement qui échappât à l’action de Ricimer. Il semble que ce fut là l’idée d’Anthémius, et peut-être la cause immédiate de sa ruine. On voit en effet, vers cette époque, des corps entiers et en particulier celui des domestiques se recruter de Ruges, d’Hérules, de Scyres, de Turcilinges, d’Alains, enrôlés individuellement ou par petits groupes isolé ; et ces bandes de race différente, soumises au commandement d’officiers romains, formèrent, suivant toute apparence, ce qu’on appela les nations[4]. Ce ne fut plus, comme l’armée de Ricimer, une masse homogène, un peuple que son roi louait à l’empereur : mais une troupe stipendiée directement par l’empereur, et qui lui resta fidèle quand la guerre éclata entre son patrice et lui. Telle est, en effet, la transformation qu’on voit s’opérer sourdement dans la milice romaine sous le règne d’Anthémius. Oreste semblait fait exprès pour la diriger, lui qui connaissait si bien les intérêts, les moeurs, les alliances ou les inimitiés des Barbares, et que ceux-ci regardaient presque comme un homme de leur sang. On peut supposer qu’il fut d’abord employé par Anthémius à des missions de ce genre, et que l’aventurier pannonien dut à cette utilité toute particulière sa faveur marquée à la cour, et un poste dans le corps des domestiques. Le scribe qui avait tenu le registre des armées d’Attila devint le recruteur en chef de la garde des Césars.

Grâce à cette circonstance et à l’engouement dont les recrues ruges, hérules et turcilinges furent dès lors l’objet, Odoacre entra d’emblée dans le corps des domestiques, en qualité de doryphore ou porte lance[5]. Oreste l’attacha à son service personnel ; il le prit pour écuyer, nous dit la tradition[6]. Le fils d’Édécon assista dans cette situation modeste aux guerres civiles qui amenèrent la chute d’Anthémius, suivie si promptement de la mort, de Ricimer et de celle d’Olybrius, son digne protégé. Ces guerres durent offrir au doryphore plus d’une occasion de montrer sa vive intelligence et sors audace : il s’acquit dans la milice palatine, ennemie des Suèves, une popularité qui faisait déjà de lui un personnage important, quand il n’était encore que simple soldat.

Le nouvel interrègne ouvert par la mort d’Olybrius trouva l’Italie plus faible et plus découragée qu’elle n’avait jamais été. Le neveu de Ricimer, Gondebaud, devenu patrice d’Occident par succession, homme sans crédit comme sans mérite, et presque inconnu des Italiens, n’avait ni le talent de les gouverner, ni même l’ambition de le vouloir. Tout son désir était de prendre une bonne revanche de ses frères, par sa rentrée triomphante dans le petit royaume galloburgonde d’où ceux-ci l’avaient chassé. L’œil attaché sur la Gaule, qu’il tourmentait de ses intrigues après l’avoir déchirée par ses armes, il épiait l’occasion d’y reparaître, se repaissant à l’avance d’idées de vengeance et de sang. Tel était le dictateur chargé par Olybrius des destinées de la Romanie occidentale, et pour le moment en quête d’un empereur. Il n’était guère fait pour inspirer confiance aux prétendants ; et plus de quatre mois s’écoulèrent sans qu’il s’en présentât un seul, dans ce pays où le plus obscur non moins que le plus illustre se croyait prédestiné au rôle de César. Gondebaud, à bout de patience apparemment, finit par prendre le commandant des gardes du dernier empereur, le comte Glycerius[7], qui reçut la pourpre comme un avancement de grade. Proclamé d’abord à Ravenne par ses soldats, il le fut successivement par tous les autres corps militaires, sans opposition ni hésitation[8], soit indifférence politique, soit plutôt que l’absence de tout concurrent eût prévenu les cabales et les divisions dans l’armée.

Glycerius était Italien, et, suivant toute vraisemblance, de la province de Ligurie, où une famille de ce nom avait marqué dans les charges publiques. Un Glycerius, cinquième successeur de saint Ambroise, gouvernait en 438 l’Église de Milan avec une double réputation de beauté et, de sainteté. Son portrait placé dans la galerie des évêques de cette métropole, offrait le bizarre spectacle d’une figure de vierge candide et rosée, coiffée d’une tiare et armée d’un sceptre en guise de bâton pastoral[9]. Pavie paraît avoir été le berceau de cette maison des Glycerius ; et lors de l’avènement du nouveau prince, sa mère résidait sur les terres de cette cité, probablement au milieu des domaines de la famille. Quant à lui, l’histoire et les contemporains l’ont jugé diversement : les uns lui reconnaissent un certain mérite[10] qui eût pu suffire dans une situation modeste, les autres en parlent comme d’un usurpateur et d’un tyran misérable[11]. Au fond, Glycerius était un personnage médiocre, instrument d’un plus médiocre encore. L’assentiment unanime de l’armée en sa faveur entraîna le sénat et la ville de Rome, mais des protestations s’élevèrent de plusieurs villes, particulièrement de celles de Ligurie. Pavie se distingua entre toutes par son ardente opposition qui prit, sur quelques points du diocèse, les allures d’une guerre civile. La mère de l’élu de Gondebaud fut insultée dans sa résidence, et probablement le domaine des Glycerius mis au pillage.

Un pareil attentat, punissable en tout pays d’un châtiment exemplaire, appelait ici la peine capitale, une mère d’empereur étant, comme l’empereur lui-même, protégée par la loi de Majesté. Déjà le magistrat de la province, après avoir rétabli l’ordre, faisait la recherche des coupables, pour les livrer au bourreau, lorsque Épiphane intervint. Effrayé des sévices qui allaient, fondre sur son troupeau, car beaucoup avaient trempé dans le crime, l’évêque de Pavie se mit en route pour Ravenne, dans l’appareil d’un suppliant. Il alla trouver le prince, et, au nom du pardon des injures, il demanda au fils irrité la grâce de ceux qui avaient outragé sa mère. Les paroles du prêtre et la solennité de sa démarche touchèrent Glycerius qui se laissa fléchir, et dépêcha au magistrat un ordre de suspendre l’enquête[12] : mesure que suivit de près une amnistie des coupables. Cet acte de clémence inaugurait heureusement un règne que la faveur publique n’encourageait guère ; mais tout l’honneur en fut reporté à l’évêque Épiphane, dont l’autorité protectrice grandissait avec les malheurs de l’Italie. Glycerius ne gagna donc rien ou presque rien à sa mansuétude vis-à-vis de ses, sujets, tandis qu’au dehors il éprouvait tous les déboires attachés à une position illégitime. L’empereur d’Orient refusa de le reconnaître, comme il avait refusé de reconnaître son prédécesseur. Depuis la chute d’Anthémius, il n’y avait plus d’empereur d’Occident aux yeux de la chancellerie byzantine. L’unanimité rompue devenait de plus en plus difficile à rétablir ; Constantinople accusait Rome de violer à plaisir la constitution romaine, et de vouloir tout abîmer dans sa ruine.

Cependant, une des prédictions de Séverin semblait sur le point de s’accomplir, celle qui avait annoncé au roi Flaccithée le prochain départ des Ostrogoths. Une grande agitation régnait dans leurs cantonnements, de la Save au mont Cettius, et du moyen Danube aux Alpes Juliennes : hommes, chevaux, bétail se croisaient en tout sens sur les routes encombrées de chariots ; on rassemblait des vivres ; on réparait les tentes ; tout, en un mot, décelait le projet d’une émigration générale. En présence de ces préparatifs, les peuples voisins se demandaient avec appréhension sur quel point de l’Orient ou de l’Occident la terrible tempête irait s’abattre ; et Flaccithée, contant dans les paroles du saint qui lui avait promis un règne paisible et une mort naturelle, se tenait prêt à tout événement. L’émotion gagna jusqu’aux tribus sarmates campées de l’autre côté du Danube. Hais avant d’aborder le récit de cette émigration dont les suites furent si considérables pour l’Italie et pour la Gaule, j’exposerai le plus brièvement que je pourrai les raisons qui, après avoir amené les Ostrogoths en Pannonie, les poussèrent à quitter ce pays, et à se mettre en recherche de nouvelles demeures.

J’ai déjà dit comment cette nation, séparée des fils d’ Attila et victorieuse des Huns à la journée du Nétad, était venue, sous la conduite de ses trois rois Théodémir, Valémir et Vidémir, planter ses tentes en Pannonie. Elle ne s’inquiéta alors ni du droit qu’elle avait de s’établir ainsi sur les terres d’autrui, ni de ce qu’en pouvait penser l’empereur d’Orient, maître de cette province. Les scrupules lui arrivèrent plus tard, lorsque ayant épuisé la contrée et manquant d’argent, elle convoita les subsides annuels dont jouissaient les Barbares alliés de l’empire et admis dans sa fédération. Un jour donc, les rois Ostrogoths s’avisèrent qu’ils ne possédaient pas légitimement les provinces de Haute et Basse Pannonie, et envoyèrent une ambassade à Constantinople[13] pour demander, avec une concession régulière des deux territoires, ce titre de fédérés du peuple romain, auquel’ se joignait d’ordinaire l’octroi d’une bonne pension. La demande’ eut peu de succès près de l’empereur Marcien, qui régnait alors en Orient. Déjà résigné à la perte de ses deux provinces, il se montra peu soucieux de pensionner encore ceux qui les lui avaient enlevées, et déclinant, sous divers prétextes, la soumission tardive des Ostrogoths, il promena leurs envoyés de délais en délais, et finit par les congédier.

Malheureusement pour lui, ceux-ci avaient appris à Constantinople comment se traitaient ces sortes d’affaires. Ils y avaient rencontré un homme de leur nation, chef d’une mince peuplade cantonnée en Thrace depuis un siècle, lequel, louant ses armes à l’empereur ou aux ennemis de l’empereur, suivant l’occasion, vivait grassement de l’argent des Romains, et se posait à la cour en personnage important. Ce chef ostrogoth n’avait point, comme Théodémir et ses frères, l’honneur d’appartenir à la race royale des Amales ; ce n’était qu’un aventurier, créature et soutien d’Aspar, dont il avait épousé une parente éloignée. Son nom était Théodéric ou Théodoric, fils de Triar, et on le désignait habituellement par le sobriquet de Louche, à cause d’un œil crevé qui le rendait difforme. Le Louche, au service de l’empereur, pour le moment, recevait du trésor impérial un très fort subside. Placé aux portes de la métropole, dont il tenait pour ainsi dire la clef, il y faisait le calme ou l’orage, mêlé aux intrigues et aux complots, leurrant de son appui tous les ambitieux, et tirant plus de profit encore de ses trahisons que de sa fidélité.

Il se peut que Théodoric, fils de Triar, prenant en pitié ces ambassadeurs qui venaient solliciter humblement par faveur ce qu’il possédait par violence, eût contribué à les faire éconduire comme des gens stupides et de peu de valeur ; en tout cas, Théodémir et ses frères, tombèrent clans un véritable accès de rage au récit de leurs envoyés. L’infériorité où on les plaçait vis-à-vis du fils de Triar fut ce qui les blessa le plus, dans les procédés de la politique romaine. Se voir refuser, à eux, les descendants des rois amales, ce qu’on accordait bénévolement à un pareil aventurier, leur parut le comble de l’injure ; et prenant aussitôt les armes, ils se jetèrent sur la Mésie qu’ils ravagèrent, et de là passant en Thrace, ils menacèrent jusqu’aux approches de Constantinople. En supputant ce que leurs dévastations coûtaient à l’empire, la chancellerie byzantine pensa qu’on gagnerait davantage à les pensionner, et Léon, successeur de Marcien sur le trône impérial, entra en pourparlers avec eux. On négocia sur les ruines qu’ils venaient de faire. Non seulement ils furent admis pour l’avenir aux subsides des fédérés, mais on donna à leur admission un effet rétroactif antérieur à leur demande, en faisant courir leur pension du jour de leur établissement sur le Danube. C’est ainsi que les Ostrogoths devinrent fédérés de l’empire. Ils s’engagèrent de leur côté à ne plus sortir de leur cantonnement, à ne prendre les armes que pour le service de l’empereur, à n’avoir d’amis que ses amis, d’ennemis que ses ennemis : toutefois, ils stipulèrent une exception en faveur de Genséric[14] qui, après avoir été l’instigateur d’Attila dans sa guerre contre les Romains, reportait ses efforts sur les rois goths, espérant faire renaître, par leur moyen, l’occasion qui avait failli au roi des Huns.

A ces conditions ordinaires des traités de fédération, Léon joignit une clause spéciale essentielle à ses yeux. C’est que Théodémir, l’aîné des Amales, et le représentant de la royauté ostrogothique au dehors, lui livrerait son fils en garantie de la foi jurée[15]. Théodémir n’était point marié légitimement suivant la loi des Goths, mais il avait eu de sa concubine favorite Ereliéva, outre plusieurs autres enfants, un fils nommé Théodoric, qui entrait alors dans la huitième année de son âge[16]. C’était l’otage que réclamaient les Romains. Théodémir aimait tendrement cet enfant ; et sa tendresse faillit tout remettre en question. Il allait répondre par un. refus, quelles qu’en pussent être les conséquences, lorsque les Ostrogoths alarmés lui députèrent son frère Valémir qui, des bords de la Save où il résidait, se transporta au quartier royal du lac Pelsod. Dans les conseils de sa famille, comme dans ceux de l’armée, Valémir exerçait une influence décisive par la sagesse (le ses idées unie au don de persuader, et la confiance dont l’avait jadis honoré Attila augmentait son autorité personnelle. Il fit valoir énergiquement près de son frère l’intérêt du peuple ostrogoth, son désir et leur propre responsabilité comme rois : l’intérêt du peuple ne devait-il pas parler plus haut à leurs cœurs que les sentiments de famille, même les plus chers[17] ? Théodémir, cédant à ses remontrances, lui remit l’enfant, que celui-ci courut immédiatement livrer aux délégués impériaux[18]. Cette circonstance consignée sur les registres publics, donna lieu à une erreur des écrivains grecs qui prirent le jeune Théodoric pour un fils de Valémir : la plupart, en effet, attachent à son nom cette qualification. au moyen de laquelle ils le distinguent de l’autre Théodoric, fils de Triar. L’enfant était aimable et gracieux, disent les historiens ; il plut à Léon, qui le fit élever dans son palais, comme un membre de la famille impériale[19]. C’est là que le futur roi d’Italie apprit des Romains eux-mêmes l’art de les vaincre avec celui de les gouverner.

Le traité de fédération fut, dans la main des Ostrogoths, une arme à deux tranchants qui les rendit également redoutables aux Barbares et aux provinciaux romains. Les peuples barbares, voisins de leurs quartiers, mettaient-ils le pied en Pannonie, en Dardanie, en Mésie, ou s’aventuraient-ils, comme les Suèves, dans quelque course lointaine en Dalmatie : les Goths les laissaient d’abord piller, puis fondant sur eux à l’improviste, ils les dispersaient et leur enlevaient leur butin, qui passait dans le trésor des Annales ; c’est ainsi qu’ils défendaient l’empire. Pareillement quand les guerriers ruges, hérules ou alamans, partaient pour quelque longue expédition hors de leurs villages, les Goths accouraient incontinent, surprenaient le camp mal gardé, emmenaient captifs les enfants et les femmes, puis venaient pour ces services signalés, réclamer de l’argent aux provinciaux. Si l’argent tardait, ils se payaient eux-mêmes par le sac de quelque ville. Plus ce prétendu patronage devint lucratif, plus les Goths se montrèrent chatouilleux sur l’honneur romain. Germains, Huns, Sarmates, en un mot tous les Barbares des deux rives du Danube eurent affaire à eux, les uns après les autres. Les Alamans et les Ruges subirent plus d’un désastre ; les Suèves virent leur puissance brisée, les Hérules furent presque détruits[20]. Le tour des Sarmates arrivait, dès que le Danube, gelé profondément, pouvait donner passage aux chariots et aux cavaliers[21]. Plus d’une fois, leurs tribus furent pourchassées et traquées dans les hautes vallées des Carpates. Ce métier enrichit grandement les Goths ; mais leurs richesses restaient stériles, et la débauche dissipait bientôt ce qu’avait procuré la violence.

Tous ces peuples, poussés à bout, se coalisèrent enfin, et entrèrent en Pannonie où ils rendirent à leurs persécuteurs ravages pour ravages. Le sort fut souvent égal entre eux et les Goths. Dans une bataille livrée non loin des bords de la Save, comme le roi Valémir parcourait le front de ses troupes pour les animer, le cheval qui le portait s’abattit et l’entraîna dans sa chute. Il n’eût pas le temps de se relever ; les escadrons ennemis lui passèrent sur le corps, et il resta à terre, écrasé sous le sabot des chevaux et transpercé de coups de lances[22]. Déjà les Goths, rompus dans leurs lignes, se dispersaient, quand la vue du cadavre de leur roi, leur rendit le courage ; ils se rallient, reprennent pied, et par un effort désespéré, rentrent en possession du champ de bataille. Cette journée, célèbre dans les fastes des Barbares danubiens, fut marquée par l’extermination des Scyres : il ne survécut de ce peuple qu’un faible débris qui, honteux de se montrer encore au nord des Alpes, finit par émigrer en Italie[23]. Une nouvelle coalition de Suèves, de Ruges, de Gépides et de Sarmates, revint l’année suivante en Pannonie, appelant les Amales à une dernière lutte qui se décida près de la rivière Bollia. La victoire resta aux mains des Goths. La plaine, inondée du sang des ennemis, dit l’historien Jornandès[24] dans un style presque aussi sauvage que les exploits de ses héros, ressemblait à une mer de pourpre, au-dessus de laquelle s’élevaient, comme autant de collines, des monceaux d’armes et de cadavres. On compta plus de dix mille morts. Ce spectacle remplit les Goths d’une joie inexprimable, car ils avaient vengé, par un massacre sans pareil, le meurtre de leur roi et l’injure de leur nation.

La mort de Valémir apporta une sorte de révolution chez les Goths. Valémir était l’homme héroïque parmi les Amales, et quand ses frères se furent partagé les tribus dont il était chef, Théodémir, à qui échut la plus grosse part, sentit le besoin d’un auxiliaire jeune et actif. D’ailleurs la perte du frère qu’il avait le plus aimé laissait un grand vide dans ses affections. Il voulut revoir ce fils, dont il s’était séparé avec tant de regrets, et qui vivait depuis dix ans, loin de lui, à Constantinople ; il le redemanda avec instance à Léon. Celui-ci, occupé de ses armements contre Genséric (il préparait alors la malencontreuse expédition que fit échouer la vénalité de Basilisque), ménageait avant tout les Ostrogoths dont il connaissait l’alliance étroite arec les Vandales, et qui pouvaient créer, au sein de l’empire, une diversion funeste à ses projets. Quel que fût donc son désir de garder sous sa main, à tout événement, un otage aussi précieux que Théodoric, il n’osa rejeter la prière du roi Amale, et faisant contre fortune bon cœur, il lui renvoya son fils chargé de présents.

Le premier-né d’Ereliéva avait grandi loin d’elle et de son père ; parti enfant, il revenait homme, accomplissant déjà, nous dit Jornandès, sa dix-huitième année[25]. Si nous en croyons la tradition conservée clans les poèmes germaniques du moyen âge. Théodoric avait des yeux d’un bleu verdâtre auxquels ses sourcils noirs donnaient un singulier éclat, une figure agréable et riante, une épaisse chevelure rousse retombant en boucles sur ses épaules, un visage lisse et sans barbe[26]. Sa taille, sans être celle d’un géant, dépassait la stature habituelle des hommes ; et on pouvait comparer à des troncs d’arbres ses bras robustes et rigides que personne n’eût fait fléchir malgré lui[27]. Nul parmi les plus adroits ne savait comme lui maîtriser un cheval indompté, porter un coup de lance, atteindre de la flèche ou du javelot un but à peine saisissable au regard. Il rapportait de la Rome orientale, avec la connaissance des faiblesses et des vices des Romains, celle des arts propres à les combattre : ses études n’allaient pas plus loin. Théodoric resta toujours complètement illettré[28] ; et plus tard, quand il fut parvenu à la plus haute fortune, il ne put jamais, quelque désir qu’il en eût, apprendre à écrire son nom. Il se servit, pour signer, d’une plaque d’or évidée, dont il remplissait les blancs au moyen d’une plume ou d’un pinceau. Mais si quelque chose de rétif, inhérent à sa nature barbare, empêcha le jeune Amale d’arriver au degré d’instruction le plus commun chez les peuples civilisés, il possédait en revanche une rare intelligence, l’instinct de ce qu’il ignorait, et ce génie politique qui lui fit apprécier dans les sciences des Romains une puissance supérieure à la prééminence militaire qu’ils avaient perdue. Cette intuition, ces jugements, encore obscurs dans l’âme de Théodoric, s’y développèrent graduellement, avec les circonstances de sa vie ; ils le rendirent plus tard un chef sans égal entre tous, un souverain qui sut combiner, dans le double intérêt de sa domination et de la grandeur de son peuple, les forces de la civilisation avec celles de la barbarie.

Pour le moment, il ne retardait pas si loin. Rendu à la vie barbare, il s’y retrempa avec bonheur ; et son ardeur juvénile se communiquant aux bandes ostrogothes qui s’engourdissaient sous de vieux rois, sembla les rajeunir à leur tour. Tout ce qu’il y avait d’adolescents aventureux dans l’armée de Théodémir se, groupa autour du jeune homme et. lui forma comme une clientèle qui ne compta pas moins de six mille lances[29]. A la tête de cette milice à qui la prudence n’était guère plus connue que la peur, Théodoric se jeta dans un série d’aventures, glorieuses pour le nom des Goths, mais parfois compromettantes pour leur sûreté. Ses expéditions avaient lieu, la plupart. du temps, à l’insu de Théodémir, qui ne les apprenait que par le succès : une seule fera juger de toutes les autres.

Parti une nuit des bords du lac Pelsod avec son armée de fidèles. Théodoric gagna le Danube qu’il passa à la nage, puis se dirigea à pas de loup vers le camp du roi sarmate Babaï, dressé sur la rive droite, à peu de distance du fleuve. La surprise réussit : Babaï, encore endormi. Ait égorgé sous sa tente ; ses femmes, ses enfants, ses trésors furent enlevés. et la bande victorieuse rentra au quartier des Goths, traînant triomphalement à sa suite un immense butin. Nul n’eut le courage de blâmer un si beau et si utile fait d’armes, accompli, disait-on, pour venger l’honneur romain ; car Babaï, tout récemment, avait battu un général de l’empereur d’Orient, et mis la Dacie au pillage. C’était bien jusque-là ; mais le vengeur du nom romain ne restitua point aux provinciaux de la Dacie le fruit des larcins de Babaï, et quelque temps après, ayant recouvré sur ces mêmes Sarmates la forte place de Singidon, boulevard de l’empire du côté de la Save, il y mit une garnison ostrogothe et refusa de la rendre à l’empereur. Tels furent les premiers faits d’armes de ce barbare élevé à Constantinople : ils offrent comme un avant-goût de toute sa vie. Le futur maître de l’Occident se développait ainsi dans des coups de main hardis et fructueux ; la discipline barbare se taisait devant les monceaux de butin, et les joies secrètes du père ne laissaient plus de place aux sévérités du roi.

Au train dont marchaient les choses, il n’y eut bientôt plus rien à piller dans le voisinage ; et la guerre ne nourrissant plus les Goths, vint le mécontentement, puis le dénuement et la faim. Les vivres et le vêtement commencèrent à leur manquer, dit l’historien de ce peuple[30], et ils se prirent à maudire la paix. Des plaintes éclatèrent de toutes parts contre les rois, et un jour enfin une multitude affamée se porta vers la demeure de Théodémir, à grand fracas d’armes et de cris : nous voulons partir, disaient les mutins ; conduis-nous où tu voudras ; mais partons ![31] La position était grave. Théodémir appela près de lui son frère Vidémir ; et les deux rois se mirent à délibérer sur la résolution la meilleure dans la circonstance. Pour plus de sûreté, ils consultèrent les sorts, à la manière de leur nation : les sorts prononcèrent qu’ils devaient partir. Toutefois, comme un départ en ruasse de tout le peuple ostrogoth, par les mêmes routes et vers les mêmes lieux, pouvait rendre l’émigration difficile et même périlleuse, il fut convenu qu’ils se diviseraient et emmèneraient leurs tribus chacun dans une direction différente. L’Italie et la Grèce se trouvent presque à égale distance sous leur main. ils pouvaient choisir. Théodémir exhorta son frère à prendre l’Italie, dont il aurait bon marché, ajoutait le vieux roi, car les barbares ne connaissaient que trop bien l’impuissance où était tombée cette reine du monde. Lui, comme le plus fort, jetait son dévolu sur l’empire le plus fort : avec son peuple qui dépassait de beaucoup celui de Vidémir, il affronterait les armées de l’Orient, et envahirait la Grèce. Tel fut l’arrangement des rois amales. Restaient les préparatifs du départ ; on y pourvut, et en quelques semaines, la nation se trouva tout entière sur pied.

Théodémir partit le premier. Du lac Pelsod, il se dirigea vers la Save, qu’il franchit sans opposition. Il avait pris soin de signifier d’avance aux soldats des garnisons romaines et aux colons sarmates installés le long du fleuve, qu’au moindre obstacle de leur part, ils seraient exterminés jusqu’au dernier. Romains et Sarmates se le tinrent pour dit ; et convaincus d’ailleurs que toute résistance serait insensée contre une pareille multitude, ils se blottirent, ceux-ci dans leurs camps palissadés, ceux-là dans leurs châteaux, et les Goths passèrent sans leur faire de mal. Des bords de la Save, Théodémir marcha droit sur Naïsse, métropole de la Dacie méditerranée, et la clef’ de l’Illyrie orientale ; il l’enleva par surprise et s’y fortifia. La patrie du grand Constantin devint la place d’armes d’un de ces rois germains qu’il exposait aux bêtes dans le cirque de Trèves, pour l’amusement de la soldatesque romaine. Là, le roi goth s’associa son fils, qui partageait avec lui les fatigues de la campagne ; il lui assigna même un commandement particulier. Théodoric, placé à l’avant-garde avec l’élite de la jeunesse, fut chargé d’éclairer la marche, tandis que Théodémir et le gros de l’armée attendraient dans Naïsse ou le signal d’avancer, ou le moment d’opérer la retraite.

Fier de cette confiance, Théodoric se jeta hardiment vers le groupe de montagnes qui sépare l’Illyrie de la Grèce : le camp d’Hercule, situé sur la première terrasse des monts dardaniens, tomba d’abord en son pouvoir ; puis le château de Trajan avec un trésor qui renfermait, suivant toute apparence, les caisses militaire et administrative de la province. L’avant-garde des Goths touchait alors au pied de la double chaîne qui couvre à l’est la Thrace, à l’ouest la Macédoine ; elle était maîtresse de la voie militaire de Dardanie en Thrace, par le défilé de Sucques, mais comme cette voie passait sous la forte place de Sardique, Théodoric craignit de trouver le passage interrompu. Il se détourna brusquement, laissant à gauche le Rhodope, et à travers les monts dardaniens, qu’il gravit par des sentiers à peine battus[32], il arriva en Macédoine, lorsqu’on l’attendait en Thrace. Les villes effrayées se livrèrent à lui sans résistance. De Macédoine il passa en Thessalie ; et, la main de cet enfant adoptif de la Grèce entassa, sur les chariots des Goths, les dépouilles de Larisse et d’Héraclée.

Thessalonique restait à piller, mais cette ville n’était point de celles qu’on enlève par un coup demain ; et Théodoric ne songea point à l’attaquer avant sa jonction avec Théodémir. Celui-ci, en effet, s’était mis en route à la nouvelle des succès de son fils. Ne conservant sur ses derrières qu’une poignée d’hommes restés dans Naïsse, et suivant le chemin frayé par son avant-garde, il se trouva bientôt transplanté en Grèce avec tout son peuple. L’attaque de Thessalonique lui causa un tout autre souci que celle de Naïsse ou d’Ulpiana. Défendue du côté de la mer par son golfe, du côté de la terre par une haute muraille qu’entouraient de larges fossés, cette capitale de la Grèce péninsulaire contenait une population nombreuse enrichie par le commerce, et décidée à vendre chèrement sa vie et ses biens. Une garnison choisie y était arrivée de Constantinople, et le patrice Clarianus, qui la commandait, passait pour un général non moins énergique que prudent. Les Goths, voyant à quel les gens ils avaient affaire, se bornèrent à bloquer la ville ; mais leurs courses ruinaient la campagne. Dans cette situation, qui n’était bonne pour personne, Clarianus essaya de négocier[33], et des pourparlers s’ouvrirent entre les Goths et les Romains. Pourquoi, disaient ceux-ci, vous qui êtes fédérés de l’empire, avez-vous quitté vos cantonnements ? Quel tort vous a fait l’empereur ? Théodémir fit valoir la détresse de son peuple en Pannonie. Son cantonnement des bords du Danube se trouvant épuisé, il lui en fallait un autre, sous peine de mourir de faim : la nécessité était une maîtresse impérieuse contre laquelle aucun attachement ne prévalait, et il en coûterait plus cher aux Romains de détruire les Goths que de les nourrir !

L’empire le crut ainsi. Clarianus ayant reçu de Léon le pouvoir de traiter arec Théodémir d’un nouvel établissement, on lui assigna, dans la partie septentrionale de la Macédoine, une centrée montueuse appuyée sur les dernières élévations des monts de Dardanie, à leur point d’intersection avec le Rhodope. Elle renfermait les cantons de Céropelles, Europe, Médiana. Pétina, Berrhée et quelques autres, désignés sous l’appellation collective de Sium[34]. Des officiers romains, après l’avoir régulièrement délimitée, en firent la remise aux Goths, qui s’y installèrent. Moins fertile que la Pannonie et bien moins convenable pour un peuple agriculteur, ce cantonnement plaisait mieux à des barbares dont le pillage était la seule industrie. Entre Byzance et Thessalonique, placées à portée de leur épée, les rois amales s’empressèrent de renouveler un seraient de fidélité qui vaudrait suivant les circonstances ; ils offrirent même à Léon de lui prêter main-forte, à l’instant même, contre Théodoric le Louche, alors brouillé avec lui. De pareilles avances étaient toujours du goût des empereurs ; et, suivant les procédés de la politique byzantine, les Ostrogoths de Macédoine devinrent une milice impériale opposée aux Ostrogoths de Thrace qui, de leur côté, devaient tenir ceux-ci en respect[35]. Nous laisserons dans cette situation Théodémir et son fils ; et, revenant sur nos pas en Pannonie, nous suivrons l’émigration de Vidémir à travers les Alpes italiques.

L’émigration de Vidémir avait succédé presque immédiatement à celle de son frère ; et tandis que lai première colonne des tribus gothiques pénétrait en Dardanie, l’autre s’acheminait, par la vallée de la Drave. ver- les passages du Haut Norique[36]. Les Ostrogoths de Vidémir ne rencontrèrent pas devant eux, comme leurs frères, de grasses campagnes bien approvisionnées, ou de riches villes mal défendues ; ils parcoururent d’âpres territoires dévastés par la guerre, de pauvres bourgades vaillamment gardées, et des routes infestées de barbares. Le départ des Goths avait été reçu comme une délivrance dans toute la vallée du Danube. Leurs voisins si longtemps opprimés, saisissant avec bonheur l’occasion d’une revanche, se jetaient de côté et d’autre sur leur passage : Sarmates, Ruges, Hérules, Turcilinges, naguère tremblants à leur nom, les insultaient, les traquaient, les harcelaient dans leur marche. Les Ruges laissèrent alors déborder tout ce qu’ils amassaient depuis vingt ans de colère et de haine contre ces insolents dominateurs. A chaque pas, la colonne de Vidémir était arrêtée par des embuscades ; il m’avançait que l’épée au poing, et la nourriture de chaque jour lui coûtait un combat.

Les villes romaines, sûres d’être saccagées quoi qu’elles fissent, préférèrent se défendre et fermèrent leurs portes. Il fallut que les Goths assiégeassent Tiburnie[37], où ils perdirent beaucoup de monde et de temps. Toutefois ils y trouvèrent un grand approvisionnement de vêtements et de vivres qui les dédommagea, en partie du moins, de leurs pertes. C’était cette collecte du Haut Norique, réclamée plusieurs fois par Séverin et toujours retardée par la négligence des Tiburniens : ils l’avaient conservée pour les barbares, suivant l’expression du saint[38]. Après quelque séjour clans cette tille, la troupe de Vidémir atteignit les passages des Alpes, d’où elle descendit en Italie. Il y eut là, pour des corps exténués, une dangereuse transition, du dénuement absolu à l’abondance, et de l’extrême fatigue au repos. Un si brusque changement, accompagné d’excès de tous genres et aggravé par la mollesse du climat, produisit, au sein de cette foule désordonnée, des maladies qui la décimèrent. Vidémir fut enlevé un des premiers[39]. Il mourut laissant à son fils encore adolescent le gouvernement de ses tribus, et la continuation de la guerre : ce fils s’appelait comme lui Vidémir[40].

L’occasion eût semblé belle à un empereur romain digne de ce nom, pour châtier des brigands qui venaient ainsi sans provocation fondre sur l’Italie. Deux partis s’offraient à Glycerius, partis également sûrs, quant au résultat, presque également acceptables pour un homme de cœur. Le premier consistait à passer le Pô sans délai, en profitant de la stupeur de l’ennemi, à forcer son camp et à rejeter, au delà des Alpes, avec un enfant sans autorité, un ramas de tribus découragées et malades ; l’autre, plus simple encore, était de les enfermer au nord du fleuve, pour les y laisser consumer d’elles-mêmes. Mais Glycerius n’avait ni assez de décision pour le premier, ni assez de prévoyance pour le second ; il en prit un troisième auquel personne ne songeait : il entra en négociation avec un ennemi que la seule vue des enseignes romaines faisait déjà trembler. Des ambassadeurs se présentèrent en son nom dans le camp de Vidémir, lui demandant ce qu’il voulait, comme si la chose n’eût pas été assez claire d’elle-même, et que le roi goth n’eût pas eu à sa disposition l’argument traditionnel des envahisseurs barbares depuis les Cimbres, à savoir : que chassés hors de leur patrie par la faim, ils cherchaient des terres à leur convenance, et les prendraient, si on ne les leur donnait ; que du reste ils désiraient l’amitié des Romains. Si tel fut le langage de Vidémir, on n’invoqua pas pour lui répondre la fierté de Marius ; au contraire, les ambassadeurs se montrèrent conciliants jusqu’à l’humilité. Indiquant du doigt clans le lointain la ligne des Alpes gauloises qui bornent l’Italie au couchant : Vois-tu là-bas ces montagnes ? dirent-ils au jeune roi ; elles te séparent d’un peuple de ta race. Le pays situé par delà est la Gaule, dont les Visigoths, vos frères, possèdent une partiel : ils y sont puissants, et disputent le reste à d’autres barbares leurs rivaux. Va les rejoindre ; près d’eux t’attendent des campagnes d’une merveilleuse fécondité qui deviendront le lot de ton peuple[41]. Il fut encore question entre eux de l’Espagne, qui, voisine de la Gaule, offrait aux Ostrogoths d’autres terres à conquérir et d’autres ennemis à combattre : les Goths le savaient sans qu’on eût besoin de le leur apprendre.

Telle fut l’ambassade de Glycerius à Vidémir, accompagnée de grands envois d’argent’, disent les historiens, comme si l’empereur eût pu craindre de voir de pareilles offres refusées. Si le roi goth feignit quelque hésitation, ce fut assurément pour obtenir davantage. Les préliminaires échangés, on avisa aux clauses d’un traité de concession qui mettrait aux mains des barbares, sans qu’if eussent recours à la violence, un certain territoire dans le voisinage des Visigoths. Ce traité conférait à Vidémir le caractère d’un agent romain, ou tout au moins d’un allié que l’empereur d’Occident, en récompense de ses bons services et en témoignage de leur mutuelle affection, dotait d’un cantonnement dans le midi des Gaules. Mandement était fait au préfet du prétoire et autres officiers représentant l’empereur à l’ouest des Alpes, d’assurer, suivant la nature de leur pouvoir, l’entière exécution de sa volonté. C’était une pure fiction, car les fonctionnaires romains, emprisonnés pour ainsi dire au cœur de la Narbonnaise, ne pouvaient plus rien au delà, hormis dans quelques cités du centre ; et, la concession d’un territoire transalpin dépendait plus maintenant des Visigoths, des Burgondes ou des Francs, que de César et du sénat romain. Vidémir, devenu si soudainement l’allié de Rome prit tout le temps nécessaire pour refaire son armée aux dépens de l’Italie ; puis il prit le chemin de la Gaule, muni d’instructions de la chancellerie impériale, délivrées en bonne et due forme.

On ne saurait peindre l’étonnement douloureux qui saisit les populations gauloises, à l’apparition de ces hideux barbares, au teint hâve, aux vêtements déchirés, débouchant des Alpes pour déposséder les provinciaux de leurs terres, au nom de l’empereur. Les Visigoths les reçurent à bras ouverts comme les envoyés d’une Providence ennemie de Rome ; et les soldats de Vidémir allèrent, grossir aussitôt l’armée qu’Euric[42] préparait contre les cités centrales des Gaules. Celles-ci et surtout l’Auvergne, forer de la résistance gallo-romaine, ressentirent un désespoir qu’on ne saurait peindre. La question pour elles n’était pas seulement la perte de la Romanité, mais encore celle de la foi catholique ; car Euric faisait marcher de front dans les provinces qu’il enlevait à l’empire, l’arianisme et la barbarie ; et c’était un empereur romain qui se chargeait de recruter des renforts pour une pareille œuvre ! Des populations catholiques étaient vouées à l’hérésie, en vertu de rescrits impériaux ! La Gaule n’eut pas assez de mépris pour un tel prince, de malédictions pour un tel gouvernement. Elle sentit alors avec un redoublement d’amertume le malheur d’être attachée au flanc d’un empire ruiné qui la faisait servir de rançon tour à tour à ses lâchetés et à ses revers. Elle devait les Visigoths à l’empereur Honorius, qui en la sacrifiant avait au moins voulu délivrer l’Italie d’un vainqueur qui avait pris et saccagé Rome[43] ; niais Glycerius lui jetait les Ostrogoths, sans avoir même essayé de les combattre ! Le pillage des provinces transalpines était l’appât que présentaient les Italiens à quiconque menaçait leur tranquillité. Ces accusations, souvent répétées depuis un siècle, ne l’avaient jamais été avec plus de force et de raison.

Sidoine Apollinaire, dans ces graves circonstances, donna l’exemple du tirai patriotisme ; il ne se contenta pas de se plaindre, il agit. Une élection inattendue l’avait arraché, en 471, aux studieux loisirs d’Avitacum, pour le faire évêque de Clermont ; après de longues hésitations il avait cédé, et soutenait bravement en face d’Euric, comme Romain et comme chrétien, cette dignité pleine de périls[44]. Uni de sentiments avec son beau-frère Ecdicius, alors maître des milices des Gaules, ils étaient à eux deux l’âme de la cité d’Auvergne[45]. A leur appel, le peuple de ces montagnes prit les armes ; les provinces voisines en firent autant ; et une résistance nationale, à la vérité trop circonscrite, s’organisa pour repousser du même coup les ennemis et les amis de l’empereur. Ceux-ci cependant s’établissaient sur la lisière des possessions d’Euric, sans qu’il fût besoin des ordres du prétoire, ni du cordeau des arpenteurs romains : ils traçaient eux-mêmes leur cantonnement à la pointe de leur épée. Alors, suivant toute apparence, furent occupés en totalité ou en partie les territoires du Rouergue, du Périgord et du Limousin[46]. Amales et Baltes, Goths de l’Est et Goths de l’Ouest, séparés, depuis l’époque où ils habitaient ensemble les bords du Dniepr, se redonnèrent la main sur les ruines des villes gauloises : ils ne firent plus qu’un même peuple et un même corps, suivant l’expression de leur historien[47].

Le contrecoup de cet événement ébranla le reste de l’Occident, presque aussi violemment que la Gaule. Rome et l’Italie se mirent à rougir du rôle qu’on leur faisait jouer vis-à-vis du dernier lambeau de leur antique puissance au delà des Alpes ; elles ne voulaient pas avoir été sauvées à ce prix. L’armée de son côté se plaignit qu’on lui eût enlevé une occasion de vaincre qu’elle n’avait pas cherchée peut-être avec grande ardeur. Il s’éleva enfin contre cette lâche politique comme une réprobation universelle ; et en face d’un prince sans cœur et d’un patrice imbécile, on put regretter la tyrannie de Ricimer, qui du moins ne pactisait pas avec l’ennemi. Tandis que la dignité romaine était ainsi immolée au dehors, la plus détestable administration régnait au dedans. Tout se vendait au palais de Ravenne ; aucune fonction n’était accessible au mérite pauvre : il fallait être riche pour servir l’État, il fallait aussi être vieux, car Glycerius, assiégé de soupçons, redoutait l’activité de la jeunesse[48]. Le patrice Gondebaud, protecteur obligé du nouveau prince, ne lui apportait qu’un embarras et des dangers de plus. L’espèce de folie de vengeance qui tenait enchaînée au delà des Alpes l’âme de ce barbare lui faisait négliger ou compromettre sans scrupule les intérêts de l’empereur et ceux de l’empire. A force d’argent romain, il avait, relevé son parti en Burgondie ; la lutte recommençait entre les Tétrarques[49] ; et ces rivalités de barbares à barbares s’ajoutaient aux maux de l’invasion pour consommer la perte des Gaules. Tout cela concourut à ébranler le gouvernement de Glycerius qui, fondé depuis dix mois à peine, croulait déjà de tous côtés.

Léon cependant, du fond de son palais de Byzance, observait avec un secret plaisir le progrès de cette ruine. Il y voyait une revanche du meurtre d’Anthémius, et une leçon pour le peuple et le sénat de Rome, qui semblaient vouloir rendre de jour en jour plus irrévocable la rupture de l’Occident et de l’Orient. Dans le but de compléter et d’accélérer la revanche, Léon cherchait un candidat qu’il pût lancer sur l’Italie après l’avoir, pour ainsi dire, marqué au front du sceau de l’autocratie orientale. Ce candidat, il ne le trouva pas aisément., non que les ambitieux manquassent à Constantinople, mais parce que la circonstance particulière exigeait certaines conditions plus rares que le désir d’être empereur, celles, par exemple, de posséder un nom déjà connu en Occident, et, s’il se pouvait, un parti tout formé. Après avoir mûrement réfléchi, et pesé plus d’une candidature, Léon fixa son choix sur un homme à qui tout semblait promettre un succès facile. Nos lecteurs sans doute n’ont point oublié ce noble et infortuné Marcellinus, l’idole de l’Italie, mort misérablement en Sicile, sous le poignard d’un assassin, et dont le meurtre avait été reproché à Ricimer, comme le plus odieux de ses crimes. Marcellinus, en mourant, laissait un neveu, fils de sa sœur et d’un certain Népotianus, général assez distingué, au service de Rome. Les Dalmates le prirent pour chef suprême ou prince, en remplacement de son oncle ; et depuis cinq ans environ, Julius Népos (on l’appelait ainsi) gouvernait paisiblement et sagement le petit État dont Salone était la capitale, lorsque Léon, conçut le projet d’en faire un empereur d’Occident.

L’histoire ne dit pas à qui, de Léon ou de Népos, appartint l’initiative de cette idée ; mais la première explication les finit aisément d’accord. Léon ayant appelé Népos à Constantinople, le nomma patrice, et lui fit épouser une nièce de sa femme, l’impératrice Vérine. Ce mariage devait donner au nouveau prince d’Occident son caractère politique, en même temps qu’il répondait de sa future conduite vis-à-vis de Léon.

Népos, outre ses relations personnelles en Italie et l’influence attachée au nom de Marcellinus, présentait, pour la réussite de l’entreprise, certains avantages qui n’étaient point à dédaigner. En sa qualité de prince des Dalmates, il possédait une flotte, de bons marins, quelques vaillants soldats, et un port sur l’Adriatique, d’où l’on pouvait, en quinze ou vingt heures, faire un coup de main sur Ravenne. Quand les choses furent réglées dans ce sens, le Dalmate regagna Salone, puis une escadre grecque mit à la voile pour la mer Supérieure, avec une petite armée que commandait un officier impérial, nomme Domitianus[50]. Domitianus était porteur du manteau de César dont il devait donner l’investiture à Népos, après leur débarquement. Les flottes opérèrent leur jonction sur la côte de l’Adriatique ; et vers le milieu de janvier 474, comme Glycerius achevait le dixième mois de son principat[51], Domitianus, forçant l’entrée du port, débarqua Népos à Ravenne. Tous deux prirent possession du palais impérial, que Glycerius venait d’abandonner. Le peu de soldats restés à Ravenne ne fit aucune résistance ; et en présence de l’armée grecque, de la faible garnison Ravennate et de la foule du peuple toujours curieuse de nouveaux spectacles, Julius Népos fut proclamé César au nom de l’empereur d’Orient[52].

Glycerius (tant la fortune et les hommes le servaient mal) n’avait connu l’expédition de Marcellinus, que lorsque déjà il était trop tard pour s’en garantir[53]. Le patrice Gondebaud, qui n’avait rien su prévoir, ne sut rien ordonner au moment du danger. Glycerius n’essaya même pas de combattre, et l’armée préposée à la protection de Ravenne ne reçut de son empereur d’autre conseil que celui de la retraite : elle partit avec lui par la route qui conduisait aux Apennins. L’intention du fugitif était de se renfermer dans Rome, d’y appeler autour de lui les troupes campées dans le reste de l’Italie, de faire en un mot de la grande Métropole occidentale le centre de sa résistance contre Népos, ainsi qu’avait fait Anthémius contre Ricimer. Mais Rome, peu flattée de cette confiance et sans affection pour un tel maître, lui ferma ses portes ; c’est du moins ce qu’on peut induire tant de la position stratégique de Glycerius, que de la neutralité gardée par le sénat romain pendant la courte durée de cette guerre. Réduit à courir la campagne, Glycerius parvint néanmoins à rallier une partie des garnisons du centre et du nord de l’Italie ; puis il attendit tranquillement l’arrivée de son rival.

Celui-ci ne perdait pas un moment. Se mettant en rapport avec les divers corps de l’armée italienne et les grands municipes de la Ligurie et de la Vénétie, prodiguant les faveurs aux uns, les promesses aux autres, il sollicitait une adhésion que la plupart lui prêtèrent, mais avec réserve et défiance. Au fond, Népos ne rencontrait point en Italie l’accueil dont il avait pu se flatter : son début était malheureux. Débarqué furtivement sans avoir été ni appelé, ni consenti d’avance, à l’insu des populations et presque au mépris du sénat, il ressemblait assez à un lieutenant de Léon venant occuper Rome au nom de Constantinople. La présence d’une armée grecque à ses côtés et l’attitude hautaine de Domitianus ne légitimaient que trop d’ailleurs la susceptibilité des Occidentaux. Aussi, quelque magie qui entourât encore le nom de Marcellinus, la cause de Népos n’excita généralement aucune sympathie. On s’arma cependant, les uns pour elle, les autres contre elle ; mais jamais on n’avait mis dans une guerre civile autant de tiédeur et d’indifférence.

Népos franchit sans obstacle la barrière des Apennins, si facile pourtant à défendre ; il n’en rencontra pas d’avantage à travers les plaines de la Toscane, et atteignit presque sans coup férir la campagne de Rome. L’armée ennemie se dispersait à son approche, et ne livra pas un seul de ces combats que l’histoire enregistre. Parvenu ainsi aux portes de la ville éternelle, Népos n’essaya point de les forcer ; il voulut respecter l’espèce de neutralité que le sénat gardait entre son rival et lui. Glycerius, abandonné de lui-même et des autres, s’enfuit presque seul le long du Tibre, par la route qui conduisait à ce qu’on appelait le port de Rome. Ce port, situé à dix-huit milles au-dessous de la ville et aujourd’hui comblé par les atterrissements du petit bras du fleuve, avait été creusé de main d’homme, sous le règne de Claude ; Trajan l’avait agrandi par la construction d’un bassin intérieur qui portait son nom. C’est là que depuis lors stationnèrent les principales flottes de l’empire ; mais au temps dont nous parlons, ces flottes avaient à peu près disparu. Une voie latérale au Tibre, dont elle suivait les nombreuses sinuosités, servait au halage des bâtiments qui remontaient de la mer à Rome, et un troupeau de boeufs était entretenu aux frais de l’État, pour les besoins de ce service[54]. Suivant toute apparence, l’empereur vaincu espérait trouver à l’ancre quelque navire au moyen duquel il pourrait échapper à son ennemi et ranimer la guerre sur un autre point de l’Italie.

Mais Népos, comprenant son dessein, arriva dans le port presque aussitôt que lui[55]. On n’eut pas de peine à découvrir le fugitif dans la retraite où il s’était caché ; saisi par des soldats, il fut traîné devant le nouveau César, et tremblant, agenouillé, il y attendait son arrêt de mort. Népos n’était pas cruel ; malgré la dureté des mœurs romaines, encore exaspérée par le mélange des moeurs barbares, il lui répugnait de répandre le sang. Au lieu d’envoyer quérir le bourreau, il manda près de lui l’évêque du port, dont la demeure attenante à l’église bordait le petit bras du Tibre[56] ; et lui montrant Glycerius, toujours prosterné, il lui commanda de le sacrer évêque. Le prêtre obéit ; quelques coups de ciseaux, suivis de l’onction sacramentelle, rendirent à jamais impropre à porter ni casque, ni couronne, la tête qui ceignait naguère le diadème des Augustes[57]. Craignant néanmoins que, malgré sa métamorphose, Glycerius ne fût encore un instrument de trouble en Italie, Népos le fit ordonner évêque de Salone, lui attribuant, à vrai dire, par cette destination, plutôt une prison qu’un évêché[58]. Le vaisseau sur lequel devait fuir l’empereur déchu le reçut à son bord évêque malgré lui, et l’emmena sous bonne escorte jusqu’aux confins de l’Adriatique. Quant à Gondebaud, il avait disparu : on apprit plus tard que gagnant les Alpes au plus vite, il était parvenu en Burgondie, où des torrents de sang signalèrent son retour. Il triompha enfin de ses frères après une longue et terrible lutte, dont les tragiques aventures effrayaient encore l’imagination des peuples, au siècle de Grégoire de Tours[59].

 

 

 

 



[1] Consulter, au sujet d’Oreste, Priscus, Excerpt. Leg. — On peut voir aussi ce qui en est dit dans le 1er volume de mon Histoire d’Attila, de ses fils et de ses successeurs.

[2] Voir l’ambassade de Maximin dans Priscus, Excerpt. Legat.

[3] Anonyme Tales. ad Ammien Marcellin, p. 716.

[4] GentesDiversarum gentium auxiliarii. Jornandès, R. Get., 46. — Turcilingorum, Scirorum, Herulorum turbae. Id. Regn. succ. — Odovacer rex gentium. Ibid. — Aliquanto ante Romani, Sciros, Alanos, et alias quasdam gentes gothicas (barbaras) in societatem adsciverant. Procope, Bell. goth., I, 1.

[5] Procope, Bell. goth., I, 1.

[6] Ar niger. Antiq. docum. ap. Cochæ, Vit. Theodor. M. cum not, Periskiœld. Stockholm, 1699.

[7] Hist. Miscell., XV, 5. — Apud Ravennam. Jornandès, R. Get., 45.

[8] Hist. Miscell., XV, 5.

[9] Ennodius, Carm. de Venerab, Glycerio, Episc.

[10] Théophan., Chron.

[11] Jornandès, Regn. succ. ; R. Get., 45.

[12] Ennodius, Vit. Epiph., p. 313.

[13] Jornandès, R. Get., 52.

[14] Malch., Excerpta de legat.

[15] Jornandès, R. Get., 52. — Aliàs, Arilieva.

[16] Jornandès, R. Get., 53. - Ce nom se trouve dans les sources latines et grecques sous les formes de Theuderichus, Theodericus, Theodovicus, Θευδέριχος ; et dans les sources germaniques sous celles de Theodrir, Dietrikh, Thiodrek, Thiudrikr. — Thiod, theod, peuple ; rikh, puissant.

[17] Jornandès, R. Get., 52.

[18] Hist. Miscell., XV, ap Mur., 1.

[19] Jornandès, R. Get., 52.

[20] Jornandès, R. Get., 53 et sqq.

[21] Ibid., 55.

[22] Ibid., 53.

[23] Ibid., 55.

[24] R. Get., 54.

[25] Jornandès, R. Get., 55.

[26] Barba vero nusquam ei crescebat, p. 241. — Cf. Raszmann, Deutsche Heldensage, Hanover, 1857. Wilkin. Sag., ap. Cochlae. Not.

[27] Wilkin. S., Ibid.

[28] Anonymous Vales. in Amm., p. 722. — Procope, Bell. Goth., I.

[29] Jornandès, R. Get., 55.

[30] Ibid., 56.

[31] Ibid.

[32] Ibid., 57.

[33] Jornandès, R. Get., 55. — Jornandès prétend que Clarianus eut peur des travaux de circonvallation des Ostrogoths, ce qui est peu croyable, vu l’inhabileté de ces barbares dans l’art d’assiéger les places.

[34] Ibid.

[35] Malch., passim. - Jornandès, ub. sup.

[36] Jornandès, Regn. succ. — R. Get., 56.

[37] Eugip., Vit. S. Severin, n° 25.

[38] Ibid.

[39] Jornandès, R. Get., 56. — Regn. succ.

[40] R. Get., 56.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] Pillage de Rome, par Alaric, en 410 ; passage des Visigoths dans la Gaule, en 411.

[44] Conf. Sirmond., Vit. Sid. Apollin., éd. 1652. — Tillemont, Mém. ecclés., t. XVI, p. 195, sqq. — Le P. de Longueval place l’épiscopat de Sidoine en 472.

[45] Cf. Sirmond., ad Sidoine Apollin. not., p. 24, 39. — Jornandés le nomme Decius. R. Get., 45.

[46] Cf. Sidoine Apollinaire, Epist. VII, 6.

[47] Jornandès, R. Get., 56.

[48] Sidoine Apollinaire, Epist. VIII, 7.

[49] J’ai déjà dit qu’on donnait en Gaule ce sobriquet aux quatre rois burgondes. Sidoine Apollinaire, Epist., V, 7.

[50] Jornandès, Regn. Succ., 47.

[51] Jornandès, R. Gel., 45. — Népos, proclamé César à Ravenne au mois de janvier, ne prit la dignité augustale que le 24 juin suivant à Rome. On peut consulter, sur la chronologie du règne de Népos, Tillemont, Hist. des Empereurs, VI, p. 421.

[52] Jornandès, Regn. Succ., 47.

[53] Hist. Miscell., XV, ap. Murat., I, p. 99.

[54] Cons. Danville, Dissertation sur le port de Rome. Mémoires de l’Acad. des Inscript.

[55] Anonymous Vales., p. 716.

[56] Danville, Mém. précité.

[57] Jornandès, Regn. Succ., 47. — R. Get., 45. — Hist. Miscell., XV, ap. Murat., I, p. 99.

[58] Jornandès, R. Get., 45. — Regn. Succ., 47. — Anonymous Vales., p. 716. — Hist. Miscell., XV, ap. Murat., I, p. 99. — Marcel. Com., Chron.

[59] Grégoire de Tours, Hist. Franc, 1.